Le droit turc ne contenant aucune disposition réglementant l'utilisation des grenades lacrymogènes pendant les manifestations, ni de directive concernant leur mode d'emploi, l'Etat a manqué à l'obligation positive que lui imposait la protection de la vie. Il doit, par conséquent, renforcer les garanties d'une bonne utilisation des grenades lacrymogènes afin de minimiser les risques de mort et de blessures liés à leur utilisation. Telle est la substance de la décision rendue par la CEDH, le 22 juillet 2014 (CEDH, 22 juillet 2014, Req. 50275/08, A. c/ Turquie
N° Lexbase : A6454MUL). En l'espèce, entre le 28 et le 31 mars 2006, de nombreuses manifestations illégales se déroulèrent à D., suite au décès de quatorze membres du PKK, lors d'une confrontation armée. Au cours de ces manifestations, neuf personnes auraient trouvé la mort. Le 29 mars 2006, à la sortie de l'atelier où il travaillait, M. T. se retrouva, par hasard, au milieu d'une manifestation et fut touché à la tête par une des grenades lacrymogènes, tirées par les forces de l'ordre, afin de disperser les manifestants. M. T. décéda quelques temps après du fait de ses blessures et l'autopsie révéla que son décès était bien provoqué par une grenade lacrymogène. L'enquête ne permit pas de déterminer l'identité de l'auteur du tir mortel. Le 3 avril 2008, le Parquet adopta un avis de recherche permanent afin de retrouver l'auteur du tir en question. Parallèlement à l'enquête pénale, une enquête administrative fut engagée en vue de déterminer la responsabilité de quatorze policiers ayant fait usage de grenades lacrymogènes lors de l'incident. Le 30 janvier 2008, le conseil disciplinaire de la police décida de clore le dossier et de ne pas prononcer de sanction à leur égard, dans la mesure où aucune preuve n'établissait leur implication dans le décès de M. T.. Son père a saisi la CEDH soutenant que le décès de son fils est dû à un usage excessif de la force et n'a pas fait l'objet d'une enquête effective par les autorités. Il considère, en outre, que le décès de son fils et l'absence de poursuite à l'encontre des policiers constituent, pour lui-même, un traitement inhumain et dégradant contraire à l'article 3 de la CESDH (
N° Lexbase : L4764AQI). Aussi, sous l'angle de l'article 13 de la CESDH (
N° Lexbase : L4746AQT), le requérant soutient-il n'avoir disposé d'aucun recours effectif en droit interne susceptible de lui permettre d'assigner l'auteur du tir mortel devant les tribunaux. Il invoque, enfin, l'interdiction de la discrimination, il argue que son fils a été victime d'un meurtre en raison de son origine kurde. La CEDH énonçant le principe sus évoqué, retient la violation de l'article 2 de la CESDH (
N° Lexbase : L4753AQ4), relatif au droit à la vie.
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