Aux termes d'une décision rendue le 23 juin 2014, le Conseil d'Etat réfute à l'administration fiscale le pouvoir de redresser un contribuable sans qu'aucun délai de prescription ne soit prévu, même si le contribuable est soupçonné de fraude (CE 9° et 10° s-s-r., 23 juin 2014, quatre arrêts, n° 355801, publié au recueil Lebon
N° Lexbase : A1769MSC et n° 355800
N° Lexbase : A1768MSB, n° 357812
N° Lexbase : A1771MSE et n° 357813
N° Lexbase : A1772MSG, inédits au recueil Lebon). En l'espèce, la Polynésie française a remis en cause le crédit d'impôt dont un contribuable a bénéficié en application des dispositions de l'article 184-2 du Code des impôts de la Polynésie française, à raison du financement d'un projet de construction immobilière réalisé par une SCI. Le crédit d'impôt litigieux s'applique à tout financement dans un projet de construction immobilière, à l'exception des projets à vocation hôtelière, dont la demande de permis de construire est déposée avant le 31 décembre 2000. Le bénéfice du crédit d'impôt est subordonné à un engagement de conservation des immeubles, actions ou parts, pendant dix-huit mois au moins ou jusqu'à la date de délivrance du certificat de conformité, si celle-ci intervient avant l'expiration de ce délai. Ce crédit d'impôt s'élève à 40 % si ce financement intervient avant le 31 décembre 1997 et à 30 % si ce financement intervient entre le 1er janvier 1998 et le 31 décembre 2001. Le solde éventuel est imputable dans la même limite sur les cinq exercices suivants. Dans un premier temps, le Conseil d'Etat constate que les dispositions relatives au crédit d'impôt n'indiquent aucun délai de prescription. Dans un deuxième temps, il rappelle que le pouvoir réglementaire ne peut pas instituer au profit de l'administration fiscale un droit de reprise excluant tout délai de prescription ; peu importe que le bénéfice d'un dispositif fiscal favorable soit obtenu par fraude. Ainsi, le principe de sécurité juridique s'oppose à ce que puisse être légalement édictée une disposition instituant un droit de reprise au profit de l'administration fiscale excluant, de façon générale et absolue, l'application de toute prescription. Dans un troisième et dernier temps, la Haute juridiction fait application de l'article 451-1 du Code des impôts de la Polynésie française qui, dans sa rédaction alors applicable, prévoit que : "
les omissions totales ou partielles constatées dans l'assiette ou la liquidation des impôts et taxes visés au présent code ainsi que les erreurs commises dans l'établissement des impositions, dans l'application des tarifs ou dans le calcul des cotisations peuvent être réparées jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due". Ces dispositions spéciales, qui visent notamment la réparation des erreurs commises dans le calcul des cotisations d'impôt, sont applicables en cas de remise en cause, par l'administration fiscale, d'un crédit d'impôt et répondent aux exigences de sécurité juridique.
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