Réf. : CE, 3°-8° ch. réunies, 18 juillet 2025, n° 476350, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : B3355AYW
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N2790B3Q
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par Goulven Le Ny, Avocat au barreau de Nantes
le 26 Août 2025
Mots clés : aides d'État • pêche • exploitation aquacole • Union européenne • acquisition de matériel
Le contentieux de l’octroi des aides d’État et subventions illustre la difficulté qu’il peut y avoir à interpréter le règlement fixant les conditions d’octroi à l’aune des catégories juridiques traditionnelles, en particulier du droit des entreprises et des sociétés. Par sa décision, le Conseil d’État montre qu’une lecture trop littérale peut conduire à une erreur de droit du service instructeur, et à une issue contentieuse favorable à l’entreprise s’étant vue refuser l’aide. Les services instructeurs comme les entreprises demandant à bénéficier d’une aide doivent étudier avec attention chaque règlement, dont les termes peuvent faire varier les solutions judiciaires.
Un aquaculteur avait ici créé son entreprise individuelle le 1er octobre 2014. Il s’était ensuite porté acquéreur de la totalité des parts sociales composant le capital d’une société détenant une exploitation aquacole, avec effet au 1er février 2016.
Pour refuser l’aide sollicitée par cette société pour le financement de l'acquisition de matériels d'occasion et d'équipements intermédiaires, la région faisait valoir qu’il ne pouvait être question d’un nouvel aquaculteur dès lors qu’il s’agissait d’une société créée en 1997 et que le gérant et associé unique avait préalablement exercé en entreprise individuelle.
Le Conseil d’État confirme la décision de la cour administrative d’appel, qui avait jugé qu’ « il est constant que M. B avait créé pour la première fois une micro-entreprise d'aquaculture, sous la forme d'une entreprise individuelle, moins de cinq années avant sa demande d'aide. S'il a ensuite donné une autre forme juridique à l'entreprise en cause en rachetant l'ensemble des parts de C, une telle circonstance ne s'oppose pas à ce qu'il soit regardé comme un nouvel exploitant entrant dans le secteur de l'aquaculture et ne permet pas d'établir qu'il ne remplissait pas la condition d'éligibilité tenant au fait d'avoir créé pour la première fois une entreprise d'aquaculture » [1].
Pour le Conseil d’État, c’est sans dénaturation que « la cour administrative d'appel en a déduit que ce rachat ne lui avait pas fait perdre la qualité de nouvel aquaculteur entrant dans le secteur, installé depuis moins de cinq ans et dirigeant majoritaire de son entreprise ».
En matière d’aides d’État et de subventions, il y a donc lieu de se garder d’une lecture appuyée sur le droit commun. Affirmer que deux entités juridiquement distinctes (l’entreprise individuelle d’une part, la société acquise a posteriori d’autre part) puissent être regardées comme une même personne « nouvel aquaculteur » heurte tout juriste.
C’est pourtant bien le raisonnement à tenir, puisqu’il convient de se référer au règlement définissant les conditions d’octroi de l’aide en question. Selon ce document dont les termes sont cités par le Conseil d’État, le dispositif vise les « aquaculteurs qui ont créé pour la première fois une entreprise d'aquaculture en tant que dirigeant majoritaire de cette entreprise » et dont « l'installation date de moins de 5 ans à la date de la demande », étant précisé toutefois par ailleurs que « si un "nouvel aquaculteur" s'étant installé à la tête d'une exploitation aquacole change la forme juridique de son exploitation, et reprend dans ce cadre la direction d'une société préexistante, avant l'expiration du délai de cinq ans, il ne perd pas sa qualité de "nouvel aquaculteur" ».
On notera d’ailleurs la difficulté qu’il y a en droit commun à qualifier de changement de la forme juridique (transformation, changement de la forme sociale) la reprise d’une société préexistante (acquisition, modifiant uniquement la personne des associés et non la forme sociale). C’est pourtant ce qui ressort de cette définition issue du règlement, qui semble assimiler les différentes hypothèses malgré l’emploi de termes confus. Il convient donc de se référer systématiquement au règlement fixant les conditions d’octroi [2].
[1] CAA Nantes, 2 juin 2023, n° 22NT00908 N° Lexbase : A70589Y3.
[2] En ce sens, voir pour une application défavorable à l’entreprise concernant les aides aux jeunes agriculteurs : CE, 15 février 2024, n° 459246 N° Lexbase : A67372MH.
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