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le 28 Juillet 2025
Mots clés : associés • collaboration • RSE • intelligence artificielle • catastrophe environnementale
Pour un cabinet comme DS Avocats confronté au quotidien à la concurrence dans tous les domaines du droit, l’excellence au quotidien est une obligation et une pierre incontournable à l’édifice de la crédibilité. Pour ceci, outre son positionnement originel lié à l’international, il a choisi une méthode originale de promotion des associés qui lui permet notamment de rester au contact des aspirations de la clientèle au niveau des nouveaux enjeux « RSE ». Une appréhension fine des nouvelles problématiques liées au développement des intelligences artificielles est également une marque du fonctionnement du cabinet au quotidien. Pour faire le point sur tous ces sujets, Lexbase a interrogé Yvon Martinet, Président de DS Avocats*.
Lexbase : Pouvez-vous nous dire ce qui différencie DS avocat des autres cabinets de la place parisienne ?
Yvon Martinet : DS Avocats est un cabinet français à l’origine, né en 1972 à Paris et qui s'est internationalisé progressivement, notamment en Asie, avec un premier bureau à Pékin en 1986, puis à Shangai en 1997 et ensuite à Singapour et au Vietnam. Ont ensuite eu lieu des développements plus récents en Amérique du Sud et en Amérique du Nord avec nos cinq bureaux au Canada et nos vingt-six associés canadiens.
Donc c'est un cabinet français par origine, international par ambition et socialement responsable par conviction, ce qui est un peu différent effectivement, dans sa dimension internationale, des cabinets français plus traditionnels, mais aussi dans sa structure internationale, puisque nous avons à la fois des bureaux « en propre » DS avocats (c'est le cas en Asie), mais aussi le groupe DS lui-même avec des accords pour la marque, pour les services, pour la stratégie, mais de cabinets qui sont juridiquement indépendants, comme DS Canada, DS Chili, DS Pérou, ou DS Argentine.
Cependant, la roadmap stratégique est identique, à savoir un positionnement sur le mid-market avec trois typologies de services rendus partout, à savoir le droit transactionnel (fiscal, social, restructuring), l'accompagnement de la clientèle chinoise qui est vraiment une spécificité de DS partout dans le monde avec ce qu'on appelle le Desk Chine, puis dans tous les bureaux, une dimension ESG (critères environnementaux, sociaux et de gouvernance) commune aux cabinets du groupe.
Lexbase : Quels sont les critères pour devenir associé ? Pouvez-vous nous éclairer sur la notion de « pré-associé » ?
Yvon Martinet : Nous avons effectivement en notre sein une catégorie existante entre la collaboration et l'association. Est inscrite dans nos statuts une période d’environ trois ans pour qu'un collaborateur devienne en capacité de devenir associé, avec l’acquisition de la capacité technique, de la dimension équipe et de la relation client, qui se développent différemment selon les personnalités.
Cette période de la pré-association dans ce qu'on appelle le « parcours DS » permet finalement une meilleure adaptation pour accéder sereinement au statut d’associé.
Pour les personnes provenant d’un cabinet externe, nous avons une phase de transition avec un accord qui est défini pendant un ou deux ans avec des objectifs de chiffre d'affaires, de marge et plus globalement de résultats. Il est alors « hors grille ».
Il rentre ensuite dans la grille au bon niveau puisque cela correspond à sa vraie activité, au vrai chiffre d'affaires qu'il a pu développer à la fois en amenant de l'extérieur une nouvelle clientèle ou en traitant chez DS une clientèle que DS peut lui apporter.
C'est cet ensemble-là qui permet de définir un moment donné une position dans la grille d'association, avec ces 12, 24 mois ou 36 mois de « pré-association », pendant lesquels il est associé de plein exercice sans être dans la grille.
Lexbase : De quelle manière accompagnez-vous les entreprises dans les nouveaux enjeux « RSE » ?
Yvon Martinet : Nous sommes une équipe très spécifique sur le marché, puisque l'équipe environnement - développement durable est la seule équipe d'avocats à être accréditée par le Comité français d'accréditation (Cofrac) en tant qu’organisme tiers indépendant depuis 2015.
Nous faisions la revue des déclarations de performance extra-financière ou des politiques des sociétés à mission, avant de basculer avec la Directive « CSRD » (Directive (UE) n° 2022/2464 du 14 décembre 2022, concernant la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises N° Lexbase : L1830MGU), dans ce qu'on appelle aujourd'hui l'audit de durabilité avec une structure « DS durabilité » inscrite auprès de la Haute autorité de l'audit.
Mon associée Patricia Savin et moi-même sommes également inscrits auprès de la Haute autorité de l'audit en tant qu'auditeurs de durabilité vérificateurs, qui est une nouvelle profession réglementée créée depuis le 1er janvier 2024.
Nous opérons soit nous-mêmes, soit en partenariat, puisque nous avons créé une alliance avec le groupe Apave, qui possède une filiale à 100 % dédiée à la RSE (« RSE France »). Nous travaillons également avec le cabinet Arthaud, grand cabinet de comptabilité et de commissaires aux comptes de Lyon avec une présence au plan national très dédiée à la RSE.
Nous avons ainsi opéré une alliance « chiffres, ingénierie et droit » qui nous permet d'adresser le marché aujourd'hui des sociétés cotées, avant de pouvoir attaquer le marché des petites dimensions (ETI, PME) à l’avenir. Nous avons une filiale dédiée aux missions légales d’audit et de durabilité (DS durabilités) mais le conseil est resté du côté de DS avocats, ces deux missions ne pouvant s’exercer simultanément.
Lexbase : Après divers incidents comme AZF ou Lubrizol, le droit en matière de risques industriels s'est-il étoffé selon vous ?
Yvon Martinet : Oui, avec ses textes divers et variés comme la loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023, relative à l'industrie verte N° Lexbase : L5999MSY, et toute une série de dispositions de nature à la fois à simplifier les procédures et d’ajouter un certain nombre de prescriptions.
La catastrophe de Lubrizol à Rouen en 2023 en est une parfaite illustration, permettant à l'administration d'exercer un meilleur contrôle sur les sites à risque. Elle a donné lieu à des dispositions légales et réglementaires qui obligent l'exploitant d'installations classées pour l'environnement soumis, notamment, à autorisation ou à autorisation spéciale à communiquer sur leur assurance, soit sur les assurances externes, soit sur l'auto-assurance.
C'est un risque ne pouvant pas être « outsourcé » chez un assureur de la place, parce que si les assurances environnementales existent, elles sont par nature limitées à certains risques. Cela peut donc être la combinaison de l'assurance environnement, de l’assurance « responsabilité civile » et/ou de l'auto-assurance qui permet, par cette communication régulière auprès de l'administration, à cette dernière de savoir ce que l'exploitant dédie aux risques qui sont les siens au plus près de ses activités, lesquelles doivent tenir compte de l'évolution des procédures de production et des process techniques.
C’est réellement un apport de l'affaire Lubrizol. Les crises amènent des évolutions, comme plus globalement la maturité progressive des entreprises en matière de gestion de risques amène aussi une simplification. On assiste à ce double mouvement d’une plus grande amplitude des sujétions des exploitants, mais aussi une d’une meilleure compréhension, d’une meilleure lisibilité et d’une simplification des procédures qu’on vit maintenant depuis six ou sept ans de manière continue.
Lexbase : Que pensez-vous du développement actuel de l’intelligence artificielle ? Comment comptez-vous accompagner vos collaborateurs afin d'éviter les dérives que l'on peut rencontrer avec certaines IA dont chat GPT ?
Yvon Martinet : Nous avons signé un accord avec Prédictice pour l'année 2025, ce qui va nous permettre de faire un retour d'expérience à l'Assemblée générale annuelle des associés qui aura lieu le 20 juin.
Je suis à titre personnel surpris, et je l'ai dit à plusieurs reprises, que l’Ordre n’ait pas pu négocier au nom de l'ensemble des avocats, soit directement, soit au travers d’une centrale de référencement pour tout le barreau. Il existe des accords entre le barreau de Paris et quelques opérateurs, mais plutôt limités à des cabinets de petite taille, accords auxquels nous, DS avocats, n'avons pas accès.
Nous sommes en outre en compétition avec des cabinets internationaux notamment, qui sont plus d'une centaine à Paris et qui ont les moyens par exemple d'avoir des IA plus personnalisées, plus individualisées ou qui ont les moyens d'utiliser tous les outils existants, donc toutes les IA possibles et imaginables, sans avoir à choisir. Nous ne disposons pas des mêmes moyens et je suis frappé de ce déséquilibre concurrentiel qui est en train de s'installer à travers cette disruption technologique.
De notre côté, nous ne pourrons jamais faire du « cherry picking », il nous faudra bien choisir un éditeur, d’où le questionnement sur le fait qu'il n'y ait pas de politique globale de la profession d'avocat et qu’on laisse se créer un déséquilibre concurrentiel important. J’ai aussi une question plus globale sur la sécurité des données bien entendu comme avec ChatGPT, sans parler des fuites de données vers des puissances étrangères qui, jusqu'à présent, étaient considérées comme des alliés de l'Union européenne et qui, peut-être, pourraient à l’avenir ne plus l'être comme auparavant.
Lexbase : Songez-vous dans l'avenir à créer un département spécialisé sur l'IA avec des avocats experts comme le font les cabinets anglo-saxons ?
Yvon Martinet : Tout d’abord, nous avons un département technique PITD (pour propriété intellectuelle, télécommunications et data) avec des avocats qui regardent de très près les questions d’IA, de data privacy et de gestion des datas.
Mais nous avons créé une « mission IA » qui s'appelle IA Project, plus transverse, avec un associé de l'équipe PITD, mais aussi des associés de plusieurs départements. Peut-être un jour disparaîtra-t-elle au profit d’un département dédié à l’IA mais il ne nous apparaît pas aujourd’hui, au niveau de maturité qui est le nôtre, que l’on puisse embarquer des associés qui ne travaillent pas spécifiquement sur la question de la data ou de la protection des data et qui sont externes à l'équipe PITD et se sentent moins légitimes sur ces questions.
*Propos recueillis par Virginie Natkin, chargée d’affaires grands comptes Avocats et Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Public
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