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par Axel Valard
le 25 Juillet 2025
Sur le plateau de la chaîne de télévision LCI, elle avait pris soin d’aligner ses documents dans des petites pochettes de couleur. Piochant ici à l’envi, une attestation montrant, selon elle, la réalité du travail effectué au Maghreb ; là, une question posée au Parlement européen prouvant qu’il n’y a pas eu de corruption. « Je vous les laisse ! Vous pouvez regarder ! », lance-t-elle alors au journaliste bien ennuyé par ce fatras de documents qui s’étalent sur son pupitre. Pour la première fois depuis le début de la procédure qui la vise, Rachida Dati s’est défendue, mardi 23 juillet, dans les médias d’avoir, un jour, noué un quelconque pacte de corruption avec Carlos Ghosn, l’ancien tout-puissant patron de l’alliance Renault-Nissan. « Ils pensent m’avoir fait mettre un genou à terre. Je ne vais pas mettre le deuxième ! », a-t-elle prévenu dans une drôle de formule tout en chargeant violemment les magistrats.
Difficile pour elle de ne pas contre-attaquer. Quelques heures plus tôt, l’actuelle ministre de la Culture s’était vue notifier une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel de Paris. Signée par deux juges d’instruction, elle prévoit donc que l’ancienne égérie de Nicolas Sarkozy soit jugée pour « corruption » et « trafic d’influence » notamment aux côtés de Carlos Ghosn. Si l’enquête remonte à 2019, les faits, eux, sont plus anciens.
Entre 2010 et 2012, Rachida Dati a touché 900 000 euros d’honoraires de la part de RNBV, une filiale de Renault-Nissan installée aux Pays-Bas. À l’époque, elle venait de quitter le ministère de la Justice sur un bilan mitigé et une semi-brouille avec le chef de l’État d’alors. Devenue députée européenne, Rachida Dati a rapidement prêté le serment d’avocat. C’est juste après avoir signé cette convention d’honoraires. Reste à savoir pour quel travail exactement ?
Un travail au Moyen-Orient ou du lobbying au Parlement européen.
Dans cette affaire, Rachida Dati a toujours prétendu avoir été rémunérée dans le cadre d’une action de conseils – de la « diplomatie des affaires », selon Carlos Ghosn – afin de favoriser le développement de Renault dans quatre pays du Maghreb et du Moyen-Orient (Le Maroc, l’Algérie, l’Iran et la Turquie). Mais les juges d’instruction et, avant eux, les magistrats du parquet national financier en doutent. « Les traces de ce travail apparaissent extrêmement limitées », écrivent les premiers dans leur ordonnance de 151 pages que Lexbase a pu consulter. Quant aux attestations fournies, leur « valeur probatoire » est sujette à caution, assure le PNF.
À l’inverse, les juges soupçonnent l’ancienne Garde des Sceaux d’avoir été rémunérée en contrepartie d’une action de lobbying en faveur de Renault au Parlement européen, ce qui est formellement interdit lorsque l’on est député européen. « Un mail du 5 janvier 2010 montre qu’il était attendu de Rachida Dati qu’elle s’implique au soutien des intérêts de Renault pour trouver le moyen de faire obstacle aux class actions, en raison de leur coût pour les constructeurs », soulignent par exemple les juges tout en expliquant que ces démarches « s’apparentent à du lobbying ».
Ils poursuivent en expliquant aussi que Rachida Dati a posé trois questions, au sein de l’hémicycle bruxellois, en lien avec le secteur automobile. « C’est vraiment très peu », s’est défendue la principale intéressée. Mais pour les juges, c’est déjà trop. Elle « n’aurait dû poser aucune question et n’avoir aucune intervention en lien avec Renault ou [sa filiale RNBV] », notent encore les magistrats.
Une audience de fixation en septembre, le procès après les municipales ?
Très combative et pugnace sur le fond comme à l’accoutumée, Rachida Dati a aussi attaqué frontalement les magistrats en guise de défense. « J’accable des magistrats qui refusent de faire leur travail selon le Code de procédure, a-t-elle balancé sur LCI. Je ne renoncerai sur rien ! » Poursuivant dans la même veine, l’actuelle ministre de la Culture a tancé une « procédure émaillée d’incidents » et des juges qui « marchent sur les droits de la défense ». Témoin assistée au début de la procédure, elle avait finalement été mise en examen en 2021 pour ces faits de « corruption » et de « trafic d’influence ». Depuis, par la voix de ses nombreux avocats, Rachida Dati avait déposé de nombreux recours devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris. Quasiment tous écartés.
Insuffisants donc pour empêcher les juges de signer l’ordonnance de renvoi. Il ne reste désormais plus qu’une question essentielle : à quelle date ce procès pourrait-il avoir lieu ? Rachida Dati a dénoncé le fait que tout cela intervienne à quelques jours des investitures LR pour une élection législative partielle à Paris pour laquelle elle est candidate et surtout à quelques mois des élections municipales dont elle a fait un objectif majeur.
Le procès peut-il avoir lieu avant ? Selon une source judiciaire, une première audience de fixation doit avoir lieu le 29 septembre. Il sera alors question de définir les dates réelles du procès. Une source proche du dossier prévient que cela devrait être après les élections municipales. Mais les avocats de la ministre préviennent déjà : « Il faut que nos agendas soient libres. Et puis, de toute façon, nous comptons demander un supplément d’information lors de l’audience de septembre. Nous n’avons pas dit notre dernier mot ! ».
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