Le Quotidien du 9 juin 2025 : Actualité judiciaire

[A la une] Tuerie raciste dans le Var : Pour la première fois, le parquet antiterroriste se saisit d’un meurtre inspiré par les idées d’ultra-droite

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par Axel Valard

le 06 Juin 2025

Hébété et tremblant, le visage remplit quasi tout le champ de l’écran. « Mais putain, les Français ! Réveillez-vous ! Vous allez vous faire bouffer ! Vous allez vous faire bouffer ! » Juste avant d’enregistrer cette vidéo d’un peu plus de deux minutes et de la diffuser sur son compte Facebook, Christophe B. 53 ans, a abattu de cinq balles l’un de ses voisins tunisiens à Puget-sur-Argens (Var). Il a tenté de faire de même avec un autre jeune homme, kurde lui, qui, miraculeusement est parvenu à s’en sortir.

Pour la première fois en France, le parquet national antiterroriste s’est saisi d’investigations sur un homicide raciste lié à l’ultradroite. Simplement parce que Christophe B. est soupçonné d’avoir donné la mort « avec une volonté de troubler l’ordre public par la terreur », comme le précise le Code pénal à propos des actes relevant d’une qualification terroriste. Jusqu’à présent, ce parquet spécialisé n’avait traité que des projets d’attentat liés à cette mouvance et avait laissé aux parquets locaux le soin de gérer d’autres meurtres qui relevaient, selon lui, du droit commun. Encore récemment, la mort d’un homme poignardé dans une mosquée du Gard n’avait pas entraîné sa saisine.

Cinq vidéos au caractère « haineux et raciste ».

Après vingt-quatre heures de garde à vue à Draguignan, Christophe B. a donc été repris en main par les enquêteurs de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) et de la Sous-direction antiterroriste (Sdat) à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine). Il était donc l’un des voisins d’Hichem M., un homme de nationalité tunisienne né en 1979. Et d’Atkif, le jeune homme kurde qui est parvenu à s’en sortir.

Samedi soir, Christophe B. est donc sorti de chez lui avec l’intention de s’en prendre à eux. C’est sa compagne qui a prévenu les forces de l’ordre. Après une nuit d’errance, il a finalement été interpellé par les gendarmes du GIGN d’Orange. De nombreuses armes ont été retrouvées dans sa voiture. Le temps de cette errance, Christophe B. l’a mis à profit pour diffuser plusieurs vidéos donc.

À l’origine, le procureur de Draguignan avait expliqué que le suspect, « adepte du tir sportif » avait diffusé « avant et après son passage à l’acte, deux vidéos (…) au contenu raciste et haineux ». En réalité, ce sont cinq vidéos qui ont été découvertes par les enquêteurs. Vidéos dans lesquelles il laisse entendre son message politique. « Moi, j’ai pas d’enfants, quelque part, j’en ai rien à foutre. Quand les vôtres, quand ils vont embrasser l’islam et qu’ils seront obligés, vous comprendrez », lâche-t-il sur l’une d’entre elles, selon des extraits dévoilés par Le Monde et BFMTV.

Les Barjols, AFO, etc, etc...

« La portée que le mis en cause a lui-même entendu donner à son acte va au-delà de l’action individuelle commise, avec une volonté de troubler l’ordre public par la terreur », a indiqué une source proche du dossier, justifiant ainsi la saisine du parquet national antiterroriste.

Jusqu’ici, s’agissant de l’extrême droite, le parquet national antiterroriste, créé en 2019, s’était surtout saisi de projets d’actions violentes, de la part d’individus isolés mais aussi de plusieurs groupuscules comme les Barjols qui auraient notamment voulu viser Emmanuel Macron. Ou encore l’Action des forces opérationnelles (AFO), soupçonnée de projets terroristes anti-musulmans, et dont le procès doit débuter mardi 10 juin.

Le souvenir de l’attaque de la mosquée de Bayonne et du meurtre de trois kurdes.

Le PNAT avait en revanche systématiquement laissé aux parquets locaux des dossiers de violences, voire de meurtres, pouvant être imputés à une idéologie d’extrême droite, s’attirant même des critiques pour cela. C’était déjà le cas en 2019 avec l’attaque de la mosquée de Bayonne (Pyrénées-Atlantiques) sur fond de racisme anti-musulman par un octogénaire, ancien candidat du Front national.

Le PNAT ne s’était pas saisi, non plus, du meurtre de trois kurdes en plein Paris, en décembre 2022. Le mis en cause, William Malet, a reconnu en interrogatoire avoir voulu « faire un attentat » avant de nuancer ses propos et de confesser « des fantasmes sadiques » couplés à « une envie de se suicider ». À l’époque, le parquet national antiterroriste avait expliqué que William Malet n’avait pas « conçu et perpétré » son acte dans le but de « troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur ». Les éléments décisifs, donc, pour qualifier juridiquement une action comme terroriste.

L’affaire de Puget-sur-Argens vient donc, ici, donner une nouvelle orientation dans l’analyse des magistrats sur ces affaires particulières. Même si la définition même de l’acte terroriste qui doit « troubler gravement l’ordre public » reste large et, donc, sujette à la libre appréciation des magistrats. Christophe B., quant à lui, a été présenté à un juge d’instruction et mis en examen, jeudi 5 juin.

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