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par Axel Valard
le 06 Mai 2025
Huit ans après, il ne s’attendait sans doute pas à devoir revenir sur tout ça. Encore. Et encore… Certes, c’est le principe d’un procès. Mais François Fillon s’était certainement préparé à simplement décliner son identité à la barre de la cour d’appel de Paris, mardi 29 avril. Cela n’aurait pas été illogique. Un an plus tôt, la Cour de cassation avait définitivement confirmé sa culpabilité pour « détournement de fonds publics » dans l’affaire des emplois prétendus fictifs de son épouse, Penelope. La Cour de cassation avait prononcé une simple cassation partielle sur la question de la peine à infliger à l’ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy. Il ne devait être question que de ça devant la cour d’appel, autrement composée. Et les débats étaient prévus pour être courts.
Mais le président de l’audience n’a pas laissé passer sa chance. Dans un prétoire quasi vide, il a donc lâché la question à l’ancien homme à qui l’on prédisait de diriger un jour la France. « Avec le recul, que diriez-vous de toute cette affaire ? » Voix forte et posture rigide, François Fillon a d’abord accusé le coup. Quelques secondes interdit à la barre, il s’est finalement laissé un peu aller : « J’ai déjà dit à la cour que j’avais commis des erreurs dans l’organisation de mon équipe, attaqua-t-il. Organisation due au fait qu’on est avant tout dans l’action... » Était-ce une forme d’aveu huit ans après les faits ? De lassitude, alors que deux élections présidentielles ont eu lieu depuis son échec en 2017 ?
Pas du tout. Immédiatement après, le prévenu a enchaîné pour dénoncer, à sa manière, la façon dont la justice, et les médias, l’ont considéré dans ce dossier. « J’ai été traité d’une manière très particulière. Ce traitement a sans doute un peu quelque chose à voir avec le fait que j’ai été éliminé à l’élection présidentielle... », a-t-il rétorqué. La thèse du complot politique, donc. Encore et encore. Comme si les faits n’avaient pas eu lieu.
L’enjeu ? Éviter la pose d’un bracelet électronique
Mais, on l’a dit : la culpabilité de l’ancien « collaborateur » de Nicolas Sarkozy est définitive. Nul besoin donc de revenir dessus. C’est du reste ce que la cour d’appel a tenté de faire lors de cette audience, en slalomant habilement entre les écueils d’un dossier qui n’a que trop encombré la justice. La question ici était celle de la peine.
François Fillon avait été lourdement condamné en appel à quatre ans de prison dont un an ferme, 375 000 euros d’amende et dix ans d’inéligibilité. Mais la peine de prison ferme avait été mal motivée par la cour d’appel, selon la Cour de cassation. Il fallait donc y revenir. C’était donc l’enjeu de ce jour. Comment punir un fait délictuel, qui s’est produit il y a plusieurs décennies et qui a éclaté aux yeux de l’opinion publique et de la Justice, il y a huit ans maintenant.
« La société ne comprendrait pas que le manquement à la probité ne soit pas sanction », a attaqué le parquet général au moment des réquisitions. Non, pour les magistrats du ministère public, il n’était pas normal que François Fillon emploie son épouse, Penelope, en qualité d’assistante parlementaire et sans la faire réellement travailler. Alors, certes, il y a eu quelques traces de son « travail ». Un courrier reçu ici ou là. Un rapport sur le bocage sabolien pour l’élu originaire de la Sarthe. Mais trop peu au regard de la rémunération qu’elle a touché tout au long de ses années.
Pas question pour autant de condamner l’homme aujourd’hui septuagénaire d’une peine de prison ferme, quand bien même celle-ci serait aménagée sous la forme d’une détention sous surveillance électronique à domicile. Nicolas Sarkozy, Patrick Balkany... Les hommes politiques commencent à prendre l’habitude de porter des bracelets. Mais pas lui. Au terme d’un court réquisitoire, le parquet a simplement réclamé une peine de quatre ans de prison avec sursis, le maintien de l’amende à 375 000 euros et les dix ans d’inéligibilité, que François Fillon considère encore aujourd’hui « comme une blessure morale ». Loin donc des deux ans de prison ferme prononcés en première instance, et de l’année ferme prononcée en appel avant la décision de la Cour de cassation.
François Fillon n’était pas seul
Juste avant les réquisitions, Yves Claisse, l’avocat de l’Assemblée nationale, avait rappelé les grands principes qui régissent la vie démocratique française et réclamé la poursuite du remboursement des salaires indûment perçus par Penelope Fillon durant toute ces années pour le compte de son époux. François Fillon étant en train de « rendre l’argent », il ne restait plus qu’Antonin Levy, son avocat historique, pour fermer le bal. Brillant depuis huit ans dans la défense de son illustre client, il a réussi à ne pas redire ce qu’il avait déjà plaidé par le passé.
Pas question ici de revenir sur les « preuves » matérielles du travail de Penelope et d’évoquer le « rôle social » de l’épouse d’un député. Non, l’avocat s’est contenté d’expliquer qu’au moment de l’éclatement de l’affaire, bon nombre de parlementaires embauchaient leurs parents (époux ou épouse, enfants, etc.) Chiffres à l’appui, il a démontré que certes François Fillon n’était pas dans la légalité, mais qu’il n’était pas le seul dans ce cas… Suffisamment intelligent pour susciter quelques questions de la part du président qui a donc la lourde charge de mettre un point final à cette affaire politico-financière.
Son délibéré sera connu le 17 juin. « J’espère que c’était ma dernière plaidoirie dans ce dossier », a, dans un sourire, commenté Antonin Levy.
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