Le Quotidien du 2 mai 2025 : Autorité parentale

[Observations] Placement en urgence d’un enfant par le Procureur : calcul du délai dans lequel le juge doit statuer

Réf. : Cass. civ. 1, 5 mars 2025, n° 22-22.929, F-B N° Lexbase : A4014633

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N2045B37

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par Margot Musson, Docteure en droit, ATER à l’Université Jean Moulin Lyon III

le 29 Avril 2025

Lorsque le procureur de la République ordonne le placement en urgence d’un enfant, le juge doit statuer dans les quinze jours suivant sa saisine ; à défaut, l’enfant peut être remis à ses parents ; le délai court à compter de la réception au greffe de la requête du procureur.

Quelques semaines seulement après sa naissance, un enfant a été confié au conseil départemental de la Drôme, en urgence, par le procureur de la République. Le lendemain, le 28 juillet 2022, ce dernier a saisi le juge des enfants, qui a rendu un jugement maintenant le placement le 12 août 2022. Cette mesure de placement a été contestée par les parents, mais confirmée par la chambre des mineurs de la cour d’appel de Grenoble dans un arrêt rendu le 4 novembre 2022. Était en cause le délai dans lequel le juge avait statué à compter de sa saisine : l’article 1184 du Code de procédure civile N° Lexbase : L8890IW8 indique que ce délai est de quinze jours, son non-respect étant sanctionné par la remise de l’enfant aux parents à leur demande (ou au tuteur ou à la personne ou au service auquel l’enfant était confié). La question soulevée devant la Cour de cassation résidait donc dans le respect par le juge des enfants du délai imposé par la loi. L’originalité de l’affaire réside dans le fait que la cour d’appel a admis le non-respect du délai tout en précisant qu’il n’emporte pas nullité du jugement. Une position curieuse, au regard de la clarté de l’article 1184 précité.

La Cour de cassation, in fine, rejette le pourvoi mais par substitution de motifs. Le délai a, en effet, été respecté, contrairement à ce qu’a affirmé la cour d’appel. Elle rappelle que ce délai court à compter de la réception au greffe de la requête du procureur de la République : en l’espèce, entre le 28 juillet – date de la requête du procureur – et le 29 juillet – date de son enregistrement au greffe. Conformément à l’article 641, alinéa 1er, du Code de procédure civile N° Lexbase : L6802H73, le jour au cours duquel intervient l’événement qui fait courir un délai ne doit pas être pris en compte pour le calcul de ce dernier. Il en résulte, dans les faits, que le délai a bel et bien été respecté, puisque le juge a statué le 12 août 2022, soit quatorze jours – si la requête a été reçue par le greffe le 29 juillet – ou quinze jours – si elle a été reçue le 28 juillet – après son point de départ.

La solution tenant au calcul du délai était prévisible, de même que la substitution de motifs fondée sur l’article 620 du Code de procédure civile  N° Lexbase : L6779H79. Il aurait été contraire à l’intérêt de l’enfant, lequel a justifié son placement – conformément à l’article 375-5, alinéa 4, du Code civil N° Lexbase : L4936K8C –, de remettre en cause la mesure prise par le procureur et confirmé par deux fois par le juge, d’autant qu’il n’appartient pas à la Cour de cassation d’apprécier factuellement la pertinence d’une telle mesure. La publication de l’arrêt au bulletin est opportune, elle fait office de rappel aux juges du fond et pourrait permettre de limiter ce type de contentieux, qui ne nécessite guère d’importantes réflexions, devant la Cour de cassation.

On peut s’étonner de la décision d’appel qui a relevé le non-respect du délai tout en refusant d’appliquer la sanction pourtant imposée par les textes. L’article 375-5, alinéa 2, confère au procureur de la République les mêmes pouvoirs que le juge en matière de mesures provisoires d’assistance éducative, en cas d’urgence, confortant par là-même son rôle majeur s’agissant de la protection des mineurs (G. Raymond, « Assistance éducative », Rép. civ., n° 40). La brièveté des délais imposés – saisine du juge dans les huit jours, décision du juge dans les quinze jours – témoigne du caractère exceptionnel de la procédure et de la nécessité de garantir aux parents privés de leur enfant le respect de leurs droits (V. Larribau-Terneyre et M. Azavant, « Autorité parentale », Rép. proc. civ., n° 567). Ils doivent donc être strictement respectés. Le Conseil d’État a lui aussi déjà eu l’occasion de contrôler ces délais et de les sanctionner : il a rappelé que la décision de placement provisoire ordonnée par le procureur prend fin s’il ne saisit pas le juge des enfants dans le délai de huit jours (CE, 16 juin 2021, n° 435374, mentionné dans les tables du recueil Lebon N° Lexbase : A67834W7). De même, lorsque ces mesures provisoires sont directement prises par le juge des enfants, l’article 1185 N° Lexbase : L8894IWC lui impose de statuer sur le fond dans un délai de six mois à compter de la première décision, la sanction consistant également en la remise de l’enfant à ses parents ; selon la Cour, le juge des enfants qui statue après ce délai « excède ses pouvoirs » (Cass. civ. 1, 24 janvier 2018, n° 17-11.003, F-P+B+I N° Lexbase : A0820XBY).

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