Le Quotidien du 7 avril 2025 : Contrats administratifs

[Jurisprudence] Le délai raisonnable issu de la jurisprudence « Czabaj » n’est pas applicable en matière d’exécution des contrats publics

Réf. : CAA Marseille, 3 mars 2025, n° 24MA00756 N° Lexbase : A197163E

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N2013B3X

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par Goulven Le Ny, Avocat au barreau de Nantes

le 03 Avril 2025

Mots clés : Czabaj • contrats publics • délégation de service public • forclusion • délais de recours

Dans un arrêt rendu le 3 mars 2025, la cour administrative d’appel de Marseille a précisé le champ d’application de la décision « Czabaj » du Conseil d’État, selon laquelle le destinataire à quoi n’a pas été notifié le délai de recours applicable ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable, qui ne peut en principe excéder un an. La cour précise que ce délai n’est pas applicable aux mesures d’exécution d’un contrat, telle que la réclamation indemnitaire en cause en l’espèce, complétant ainsi la jurisprudence rendue en matière contractuelle.


 

Selon le principe désormais bien connu en contentieux administratif de la décision « Czabaj », le principe de sécurité juridique fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire ou dont celui-ci a eu connaissance. Malgré l’absence de notification des voies et délais de recours, il doit être fait application d’un délai raisonnable, en principe d’un an, au-delà duquel la décision ne peut plus être contestée [1].

Ce principe ayant été dégagé au visa de l’article R. 421-5 du Code de justice administrative N° Lexbase : L3025ALM selon lequel le délai de recours n’est opposable qu’à la condition d’avoir été mentionnée, son application en matière d’exécution des contrats ne paraissait pourtant pas aller de soi. Le délai de recours de deux mois, prévu par le Code n’est en effet pas applicable « à la contestation des mesures prises pour l’exécution d’un contrat » (CJA, articles R. 421-1 N° Lexbase : L4139LUT et R. 421-2 N° Lexbase : L4150LUA).

Le Conseil d’État a déjà tranché la question en matière de passation des marchés publics. Le recours en contestation de la validité du contrat peut être exercé dans le délai raisonnable d’un an « à compter de la date à laquelle il est établi que le requérant a eu connaissance, par une publicité incomplète ou par tout autre moyen, de la conclusion du contrat, c’est-à-dire de son objet et des parties contractantes », lorsque « faute que tout ou partie des mesures de publicité appropriées aient été accomplies, le délai de recours contentieux de deux mois n’a pas commencé à courir » [2].

Reste la question de l’exécution du contrat, qui n’a pas encore été explicitement tranchée par le Conseil d’État.

Une première jurisprudence était intervenue pour préciser que le délai raisonnable d’un an ne trouvait pas à s’appliquer en matière indemnitaire, s’agissant d’un litige de responsabilité médicale, puisque dans ce cas la prescription quadriennale suffisait à la sécurité juridique. Ainsi, « cette règle ne trouve pas à s'appliquer aux recours tendant à la mise en jeu de la responsabilité d'une personne publique qui, s'ils doivent être précédés d'une réclamation auprès de l'administration, ne tendent pas à l'annulation ou à la réformation de la décision rejetant tout ou partie de cette réclamation mais à la condamnation de la personne publique à réparer les préjudices qui lui sont imputés » [3]. On pouvait donc envisager qu’elle soit transposée en matière de responsabilité contractuelle.

Une deuxième jurisprudence était intervenue pour régler la question de manière plus précise, affirmant que « cette règle ne trouve pas à s'appliquer aux litiges relatifs au règlement financier d'un marché », alors qu’il était question de la contestation par le titulaire d’une notification de pénalités dans le cadre d’un marché soumis au « CCAG Fournitures courantes et services » [4]. Le juge avait fondé sa solution sur le fait que les articles R. 421-1 et R. 421-2 du Code de justice administrative « ne sont pas applicables à la contestation des mesures prises pour l'exécution d'un contrat, en particulier à la décision par laquelle l'administration applique des pénalités à son cocontractant ».

Saisie d’une affaire où il était question de la requête adressée au tribunal administratif à la suite du rejet d’une demande préalable indemnitaire ayant été présentée concernant l’exécution d’un contrat, la cour administrative d’appel de Marseille a logiquement jugé que la jurisprudence « Czabaj » n’était pas applicable.

Si elle emploie une motivation similaire à celle retenue par la cour administrative d’appel de Versailles en faisant valoir qu’il est question d’une mesure d’exécution d’un contrat, la solution aurait été également justifiée en affirmant qu’il était question d’un recours indemnitaire.

En effet, un long litige a opposé les parties à l’affaire quant à l’interprétation des clauses d’une délégation de service public. Le juge administratif ayant finalement donné raison au titulaire sur le terrain de l’interprétation des clauses, celui-ci a entrepris un recours indemnitaire, pour lequel il lui avait été donné raison en première instance. Les autorités concédantes ont tenté de faire valoir en appel, sans succès, que le recours était forclos.

La cour administrative d’appel de Marseille fournit ici une nouvelle illustration bienvenue sur les dérogations au principe dégagé par l’arrêt « Czabaj » en matière contractuelle.

 

[1] CE, Ass., 13 juillet 2016, n° 387763, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A2114RXL.

[2] CE, 19 juillet 2023, n° 465308 N° Lexbase : A85291BI.

[3] CE, 17 juin 2019, n° 413097 N° Lexbase : A6638ZEL.

[4] CAA Versailles, 1er juillet 2024, n° 21VE02325 N° Lexbase : A43685MQ.

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