Le Quotidien du 18 mars 2025 : Cotisations sociales

[Observations] Exonération totale de cotisations pour les indemnités transactionnelles réparant un préjudice : « si cela allait sans le dire, cela ira mieux en le disant » clairement !

Réf. : Cass. civ. 2, 30 janvier 2025, n° 22-18.333, FS-B N° Lexbase : A54376S8

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N1779B3B

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par Kristel Meiffret-Delsanto, Maître de conférences à l’Université de Lorraine, IFG - UR 7301

le 17 Mars 2025

► Les indemnités transactionnelles, dont l’objet vise à réparer des préjudices, notamment moraux et professionnels du salarié, en raison des conditions d’exercice du contrat de travail et de sa rupture, sont exclus de l’assiette des cotisations pour leur entier montant.

Contrairement à la doctrine de l’URSSAF, l’application de l’exonération plafonnée de cotisations reste donc cantonnée aux sommes versées à l’occasion de la rupture du contrat de travail expressément visées à l’article L. 242-1, II, 7e du Code de la Sécurité sociale, ce qui n’est pas le cas des indemnités transactionnelles.

Un contexte singulier. La singularité du contexte dans lequel intervient l’arrêt discuté mérite d’être soulignée puisqu’une fois n’est pas coutume, le contentieux du régime social des indemnités transactionnelles s’inscrit dans celui de la relation individuelle de travail. À la suite d’un litige individuel de travail porté devant un conseil de prud’hommes, l’employeur et le salarié concluent un protocole transactionnel dont l’objet visait à réparer les préjudices moraux et professionnels subis en raison des conditions d’exercice et de la rupture du contrat de travail en contrepartie de la renonciation à son action en justice. En exécution de la transaction, l’employeur verse la somme correspondant au montant net de l’indemnité, après avoir précompté les cotisations et contributions sociales sur la partie de la somme excédant deux plafonds annuels de la Sécurité sociale, en application de l’article L. 242-1, II, 7e du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L6153M8E. Le salarié fait délivrer un commandement aux fins de saisie vente pour obtenir le paiement de la somme retenue au titre des cotisations sociales sur le montant de l’indemnité transactionnelle, dont l’employeur sollicite la mainlevée. Les juges du fond, dans le cadre de leur pouvoir souverain d’appréciation, estiment que les sommes litigeuses, qui présentent une nature indemnitaire, sont exonérées pour l’ensemble de cotisations sociales dans la mesure où elles n’entrent pas dans la liste exhaustive visées par l’exception prévue à l’article L. 242-1, II, 7° du Code de la Sécurité sociale. L’employeur se pourvoit en cassation, en vain.

Exonération pour l’entier montant de l’indemnité transactionnelle réparatrice de préjudices. Dans son arrêt rendu le 30 janvier 2025, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation confirme l’interprétation de la cour d’appel. Il en résulte qu’une somme versée en exécution d’une transaction conclue postérieurement à la rupture du contrat de travail et destinée à réparer les préjudices moraux et professionnels subis par un salarié, en raison des conditions dans lesquelles il avait exercé ses fonctions et avait été privé de son emploi, sont exonérées de cotisations sociales pour leur entier montant. Peu importe, à cet égard, l’interprétation retenue par l’URSSAF dans son BOSS [1], la formule de la Cour cassation est claire : « n’entrent pas dans le champ d’application de l’article L. 242-1, II, 7, les sommes qui, bien qu’allouées à l’occasion de la rupture du contrat ont pour objet d’indemniser un préjudice ». Il n’y a donc pas lieu de plafonner à deux PASS, le montant des sommes exonérées de cotisations sociales.

Un doute dissipé. Pour vrai, une lecture rigoureuse éclairée par la ligne jurisprudentielle observée par la deuxième chambre civile depuis les arrêts de 2018 rendait cette solution relativement évidente [2]. En creux ; les arrêts antérieurs révélaient déjà cette solution, en ne permettant pas aux indemnités transactionnelles de bénéficier du régime d’exonération de cotisations sociales plafonnée, prévu à l’article L. 242-1, II, 7e du Code de la Sécurité sociale, faute d’être expressément mentionnées dans la liste exhaustive des sommes exonérées d’impôts sur le revenu [3]. Mais, « si cela allait (va) sans le dire, cela ira encore mieux en le disant ! » [4]. Voilà donc un arrêt de rejet particulièrement clair et pédagogue, qui présente le mérite de dissiper le doute des employeurs cotisants et des salariés alimentés notamment, par une doctrine administrative de l’URSSAF à rebours. Les sommes versées à l’occasion d’une transaction, autre que celles visées limitativement à l’article L. 242-1, II, 7e, obéissent à une logique binaire, d’où la nécessité de qualifier et ventiler les sommes. Par principe, elles sont assujetties pour l’ensemble de leur montant au paiement des cotisations sur le fondement de l’article L. 242-1, al. 1er. Si, en revanche, l’employeur rapporte la preuve qu’elles réparent un préjudice né des conditions d’exécution du contrat et/ou des conditions dans lesquelles la rupture est intervenue, elles bénéficient de l’exclusion de cotisations sociales d’origine jurisprudentielle, sans limitation de montant, pourvu qu’il soit corrélé au quantum du préjudice concerné. Nulle place à la demi-mesure.

Une appréciation ample des préjudices concernés. La formulation choisie dans l’arrêt discuté, et l’absence de cantonnement à l’exécution du contrat de travail [5] des préjudices visés étend considérablement la palette des préjudices susceptibles d’être réparés dans le cadre d’une transaction. Cette solution, qui augure une amélioration notable de l’indemnisation de l’ensemble des préjudices des salariés, en particulier ceux liés aux conditions entourant la rupture du contrat de travail [6], devrait renforcer l’attractivité du règlement des différends par la voie transactionnelle et contribuer, en corollaire, à contenir le contentieux prud’homal. Gageons que la doctrine administrative se rangera, cette fois, à cette interprétation. A défaut, et en dépit de l’inopposabilité de la doctrine administrative au juge [7], le risque du redressement URSSAF, davantage craint que le contentieux prud’homal, annihilerait les vertus de cette importante décision.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les sommes liées à la rupture du contrat de travail et à la cessation partielle d’activité, Les indemnités réparant un préjudice du salarié, in Droit de la protection sociale, Lexbase N° Lexbase : E3655AUW.

[1] BOSS, Indemnités prévues dans le cadre d’une transaction, § 1680 et s. [en ligne].

[2] V. déjà en ce sens, nos obs., Rédiger une transaction en droit du travail : un exercice d’équilibriste au regard du régime social des indemnités transactionnelles, Lexbase Social, juin 2022, n° 909 N° Lexbase : N1745BZN.

[3] CGI, art. 80 duodecies N° Lexbase : L0735IXI.

[4] Talleyrand, Congrès de Vienne, 1814.

[5] A rappr. Cass. civ. 2, 17 février 2022, n° 20-19.516, F-D N° Lexbase : A68687NP.

[6] Par ex. les différends liés à la validité de la rupture conventionnelle, a rappr. Cass. civ. 2, 20 décembre 2018, n° 17-26.955, F-D N° Lexbase : A6760YRS (caractère vexatoire du licenciement).

[7] Pour une illustration récente, v. Cass. civ. 2, 16 mars 2023, n° 21-19.066, F-D N° Lexbase : A71289IT.

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