Réf. : Cass. civ. 3, 30 janvier 2025, n° 23-13.369, FS-B N° Lexbase : A54396SA
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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J AVOCATS, Chargée d’enseignements à l’UPEC, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats
le 25 Février 2025
Pour que la réception judiciaire puisse être prononcée il faut que l’ouvrage soit en état d’être reçu.
Ce qui n’empêche pas de pouvoir l’assortir de réserves.
Décidément, deux décisions de la Cour de cassation rendues le même mois sur la réception judiciaire… de là à écrire que les critères ne sont pas clairs et/ou souffrent de difficultés d’interprétations, laissées au pouvoir souverain des juges du fond, il n’y a qu’un pas et l’arrêt rapporté en est une nouvelle illustration.
Un maître d’ouvrage confie à un constructeur la réalisation des lots voieries, assainissement et alimentation en eau potable d’un lotissement. Le constructeur établit son décompte général et définitif en fin de chantier, lequel est payé par le maître d’ouvrage après validation par la maîtrise d’œuvre. Quelque temps après, le maître d’ouvrage assigne le constructeur en remboursement d’un trop perçu.
La première partie de l’arrêt concerne les comptes de fin de chantier, qui ne seront pas abordés pour se (con)centrer sur la réception. Il est allégué que l’ouvrage aurait été affecté de défauts de conformité et de malfaçons alors qu’aucune remarque n’aurait été faite à l’époque des comptes de fin de chantier et que le solde du prix aurait été payé. Ces deux points rappellent les conditions de la présomption de réception tacite mais le sujet n’est pas là puisque le terrain est celui de la réception judiciaire.
L’article 1792-6 du Code civil N° Lexbase : L1926ABX prévoit deux modes de réception : la réception expresse et la réception judiciaire. Très vite cependant, tant le juge judiciaire que le juge administratif ont admis la possibilité de réceptionner tacitement les travaux.
Pour que la réception tacite soit établie, doit être caractérisée la volonté non-équivoque du maître d’ouvrage de recevoir l’ouvrage. Si cette volonté est caractérisée, il y a réception tacite mais si, au contraire, est caractérisée la volonté non-équivoque de ne pas recevoir l’ouvrage, il n’y a pas de réception tacite possible. La réception judiciaire n’obéit pas à cette logique : c’est la réception forcée. La manifestation de la volonté du maître d’ouvrage n’est donc pas un critère.
Au visa de cet article, la Haute juridiction rappelle que la réception judiciaire peut être prononcée lorsque l’ouvrage est en l’état d’être reçu. Il est, à cet égard, confirmation d’un arrêt rendu quelques jours plus tôt (Cass. civ. 3, 16 janvier 2025, n° 23-14.407 N° Lexbase : A13996RA). Pour autant, cela n’empêche pas d’assortir la réception de réserves.
Le point est important puisque les réserves doivent être levées dans le cadre de la garantie de parfait achèvement par l’entreprise, d’une part, et que les désordres réservés ne sont, par principe, plus éligibles à la responsabilité civile décennale des constructeurs qui ne concernent, sauf exceptions, que les désordres cachés à la réception.
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