Le Quotidien du 3 février 2025 : Avocats/Déontologie

[Textes] Du nouveau pour la discipline des avocats : le décret du 29 janvier 2025

Réf. : Décret n° 2025-77 du 29 janvier 2025, relatif à la déontologie et à la discipline des avocats N° Lexbase : L2496MSA

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par Georges Teboul, avocat à la Cour

le 04 Février 2025

Mots clés : déontogie • disciplinaire • droit de se taire • avocat • juridiction disciplinaire

Chacun sait que la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021, pour la confiance dans l’institution judiciaire N° Lexbase : Z459921T, a modifié la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques N° Lexbase : L6343AGZ, et particulièrement les avocats.

Ces nouvelles dispositions ont été mises en œuvre par le décret n° 2022-965 du 30 juin 2022 N° Lexbase : L2884MD8 qui a modifié le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, organisant la profession d’avocat N° Lexbase : L8168AID. Un nouveau décret n° 2025-77 du 29 janvier 2025 vient modifier ce dispositif d’une manière importante sur la déontologie et la discipline des avocats.

Le CNB avait établi des fiches pratiques très claires sur les nouvelles modifications auxquelles le lecteur sera invité à se reporter. Nous savons que la réclamation formulée à l’encontre d’un avocat fait l’objet d’un envoi au Bâtonnier qui estime que cette réclamation lui paraît mériter une suite ou non.

Puis, le Bâtonnier (article 186-3 du décret de 1991) peut organiser une conciliation entre les parties dans un délai de trois mois à compter de la réception de la réclamation. Le Bâtonnier peut aussi, soit de sa propre initiative, soit à la demande du procureur général, soit sur la plainte de toute personne intéressée, procéder à une enquête sur le comportement d’un avocat, ce dont ce dernier doit bien entendu être avisé.

Le Bâtonnier désigne alors un ou plusieurs délégués. Cette enquête n’est d’ailleurs pas obligatoire. Puis, le Bâtonnier décide s’il y a lieu d’exercer une action disciplinaire. La juridiction disciplinaire est saisie par requête du Bâtonnier ou du procureur général, ou encore, par une requête de l’auteur de la réclamation. La requête doit contenir les mentions prescrites par l’article 57 du CPC N° Lexbase : L9288LT8.

La requête de l’auteur de la réclamation peut être rejetée par ordonnance motivée si celle-ci est estimée irrecevable, manifestement infondée ou si elle n’est pas assortie des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé. Cette ordonnance de rejet est susceptible de recours devant la cour d’appel.

Si la requête est acceptée, un rapporteur est désigné par le Conseil de l’Ordre. Le procureur général a aussi la possibilité de saisir directement la juridiction disciplinaire. Puis, l’instruction se déroule pendant un délai de 4 mois à compter de la désignation du rapporteur. Ce délai peut être prorogé de 4 mois.

Puis, l’avocat est convoqué devant la juridiction disciplinaire. L’avocat a la faculté de solliciter que l’audience soit présidée par un magistrat (article 22-3 de la loi du 31 décembre 1971) et l’auteur de la réclamation est évidemment informé de la date d’audience et de la faculté dont il dispose de demander à être entendu par la juridiction disciplinaire.

Il faut noter que la juridiction disciplinaire doit statuer dans un délai de 12 mois à compter de la demande. Ce délai peut être prorogé de 8 mois. En appel, la formation de jugement est composée de 3 magistrats du siège de la cour et de 2 membres des conseils de l’ordre du ressort de la cour.

Ce panorama n’est pas exhaustif mais il donne une idée de la procédure telle qu’elle est fixée par le nouveau dispositif de 2022.

C’est celui-ci qui vient d’être modifié et aménagé par le nouveau décret du 29 janvier 2025 dont il convient d’examiner les principales dispositions.

Ce décret s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre des dispositions de la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023, d’orientation et de programmation pour le ministère de la Justice N° Lexbase : L2962MKW.

Le décret de 1991 est modifié pour intégrer la création d’un conseil de discipline commun pour les ressorts des cours d’appel de Cayenne, de Fort-de-France et de Basse-Terre. À cet égard, le recours à la visioconférence est prévu.

Il introduit une modification importante en reconnaissant aux avocats mis en cause le droit de se taire en matière disciplinaire. Des incompatibilités sont prévues en matière de mandat électoral dans les collectivités territoriales. Sont prévues des dispositions pour étendre aux modes de résolution amiable la levée du secret professionnel de l’avocat pour les besoins de sa défense.

Le nouveau décret entre en vigueur au lendemain de sa publication.

Détaillons ici les principales innovations :

I. La procédure disciplinaire simplifiée

Les articles 187-2 et 187-6 prévoient une procédure disciplinaire simplifiée. Cela relève de la décision du Bâtonnier sauf lorsque la saisine fait suite à une réclamation présentée par un tiers ou lorsque l’avocat a fait l’objet d’une peine d’interdiction temporaire d’exercice assortie en tout ou partie du sursis, dans les 5 années qui précèdent.

L’éventail des sanctions est réduit pour la procédure disciplinaire simplifiée (article 184 1° et 2°). À cet égard, le Bâtonnier qui a préalablement entendu l’avocat poursuivi, propose une des sanctions prévues à l’article 187-2. Il notifie l’indication détaillée des faits reprochés avec les pièces et la motivation de la proposition de sanction. L’avocat poursuivi dispose de 15 jours pour reconnaître les faits et accepter la proposition ou la refuser.

En cas d’acceptation, le Bâtonnier saisit la juridiction disciplinaire pour faire homologuer l’accord. Celle-ci a la possibilité de refuser cette homologation. L’avocat poursuivi dispose de 15 jours pour contester la décision rendue en matière d’homologation ainsi que le procureur général.

Si l’avocat poursuivi refuse la proposition, la procédure se poursuit. Dans ce cas, la proposition de sanction ne peut être produite ni invoquée dans la suite de la procédure. Si la procédure disciplinaire simplifiée échoue, la procédure disciplinaire « ordinaire » peut être engagée.

Il y a lieu de noter un article 194-1 qui fait référence aux techniques de communication audiovisuelles et aux garanties qui permettent de s’assurer de l’identité des personnes concernées. Les échanges doivent bien entendu rester confidentiels.

Ainsi et sans qu’il soit nécessaire d’entrer plus avant dans le détail, il convient de noter, que la procédure simplifiée va permettre à l’avocat poursuivi d’accepter une proposition qui, en cas d’homologation, mettra fin à l’instance.

II. Le droit de se taire

La notification du droit de se taire doit être préalable. Elle résultait déjà de la jurisprudence, mais elle est à présent prévue dans des conditions dénuées de toute ambiguïté.

Cette notion très inspirée du droit anglosaxon figurait déjà dans notre droit pénal et le Conseil constitutionnel a décidé, par une décision du 8 décembre 2023, que ce droit s’appliquait non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives, mais aussi à toutes sanctions ayant le caractère d’une punition [1]. Ce droit autrement qualifié de droit au silence ou de droit de ne pas s’auto-incriminer, correspond au cinquième amendement de la Constitution américaine et il avait été dégagé par un arrêt « Miranda » de la Cour suprême de 1946.

Ce droit est perçu comme un prolongement de la présomption d’innocence. En conséquence, l’autorité de poursuite doit rapporter la preuve de la culpabilité de la personne en cause. Rappelons cependant que le droit de se taire n’est sans doute pas la meilleure solution pour se défendre, comme cela a été relevé en droit pénal [2].

Cet article rappelle notamment les conditions dans lesquelles Klaus Barbie avait refusé de comparaître après quelques jours de débats devant la cour d’assises du Rhône. Le droit de se taire peut en effet être conjugué avec une défense de rupture.

Rappelons aussi que depuis 2011, en matière criminelle et correctionnelle, aucune condamnation ne peut être prononcée contre une personne sur le seul fondement de ses déclarations, sans avoir pu s’entretenir avec un avocat et être assistée par lui. L’introduction du droit de se taire est donc une nouveauté importante sur laquelle, il nous fallait attirer l’attention.

 

[1] Cons. const., décision n° 2023-1074 QPC, du 8 décembre 2023 N° Lexbase : A432218L.

[2] Voir par exemple Dalloz Actu du 30 janvier 2025 par H. Génin et D. Sénat, commentant la décision du Conseil constitutionnel, au visa de l’article 9 de la DDHC N° Lexbase : L1373A9Q ; voir Cons. const., décision n° 2024-1105 QPC  du 4 octobre 2024 N° Lexbase : A049958Y, Dalloz Actu, 14 octobre 2024 obs. J.-M. Pastor ; Cons. const., décision n° 2024-1108 QPC du 18 octobre 2024 N° Lexbase : A87706A3.

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