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N1542B3I
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par Vincent Vantighem
le 22 Janvier 2025
Évidemment, en trois décennies, le paysage a dû changer. Certains magasins ont sans doute été remplacés par d’autres. Et que dire de la végétation ? Que dire du champ qui fait face à un petit pavillon, à la sortie du bourg de Saint-Christophe-le-Jajolet (Orne) ? Mais, depuis mardi 21 janvier, Monique Olivier « participe » comme elle peut aux recherches qui sont effectuées dans le secteur pour tenter de retrouver le corps de Lydie Logé. Âgée de 29 ans, cette jeune femme a disparu au beau milieu de l’hiver 1993. C’était il y a trente-trois ans…
Après des décennies d’investigations ponctuées par deux non-lieux, la justice est enfin parvenue à élucider ce mystère grâce au travail récent mené par le pôle « Cold Cases » à Nanterre (Hauts-de-Seine). Alors qu’elle revenait chez elle dans son pavillon, alors qu’elle était en train de décharger ses courses de Noël parmi lesquelles un sapin à décorer avec son fils de sept ans, Lydie Logé a, en fait, été enlevée par Michel Fourniret qui a, ensuite, tenté de la violer et n’y parvenant pas, l’a étranglée. « L’Ogre des Ardennes » est mort en mai 2021. Mais son ex-femme, Monique Olivier, elle est toujours là pour tenter d’aider les enquêteurs, dans la mesure de ses possibilités.
En mai dernier, elle a donc avoué sa participation aux faits à la juge Sabine Khéris, celle-là même qui a mené les plus récentes enquêtes sur l’ancien couple diabolique. Monique Olivier a reconnu qu’elle était présente dans la camionnette de son ex-mari. Qu’elle a assisté à la filature de Lydie Logé dans les rues des villages alentours et, plus tard, au meurtre. Mise en examen pour complicité d’arrestation, d’enlèvement, de détention ou de séquestration, elle risque d’être donc jugée seule pour cette affaire.
Quelques années avant de mourir, Michel Fourniret avait, lui aussi, avoué les faits. Enfin, à sa manière si particulière. Avec ses mots choisis pour tenter, jusqu’au bout, de perturber le travail des enquêteurs. Confondu tardivement par la présence d’un ADN de Lydie Logé retrouvé sur l’un des tapis de sol de sa voiture, il avait eu ses mots : « Je ne vois que moi pour avoir mis fin à son parcours de vie. » Avant de confirmer qu’il avait bien tenté de violer la jeune femme, de façon tout aussi alambiquée.
« C’est compliqué trente-trois ans après d’avoir des réponses »
Trente-trois ans après, la juge Sabine Khéris a donc ordonné un transport sur les lieux de trois jours, cette semaine, pour tenter de retrouver le corps de la jeune femme suppliciée. Avec Monique Olivier, 76 ans, en guise de guide. Mardi après-midi, l’ex-femme de l’Ogre a débarqué dans les rues d’Argentan et dans les environs. Encadrés par une vingtaine de gendarmes et de policiers et par la juge qui, logiquement, l’a réinterrogée sur toute cette affaire.
« On travaille pour déterminer l’endroit où il l’aurait repérée exactement et l’endroit, où, à partir de quand, il aurait pu commencer à la prendre en filature, a commenté Richard Delgenes, l’avocat de Monique Olivier. Il est encore trop tôt pour avoir des certitudes. C’est compliqué trente-trois ans après d’avoir des réponses mais ça l’est encore plus pour les familles de victimes… »
Corinne Herrmann en sait quelque chose. Criminologue de formation, infatigable travailleuse, elle tente depuis des années de résoudre ce que pudiquement on appelle « les affaires non résolues ». Les affaires froides, les « Cold Cases » sur lesquels la justice s’est fracassée au fil du temps. Avocate de la famille de Lydie Logé, elle espère, elle aussi, que les recherches aboutiront. « Les familles ont besoin de réponses, a-t-elle déclaré sur les ondes de RTL. La famille de Lydie Logé a besoin de pouvoir lui donner une sépulture digne ».
Le précédent concernant Estelle Mouzin
Mais tout comme Sabine Khéris, elle sait que les choses ne sont jamais simples lorsqu’il s’agit de résoudre les crimes imputés à Michel Fourniret et à Monique Olivier. Parce que l’Ogre prenait un malin plaisir à balader les enquêteurs. Et que son ex-femme a des problèmes pour se repérer dans l’espace. « C’est toujours difficile avec les indications de Monique Olivier, poursuit ainsi Corinne Herrmann. Mais il faut tout tenter ».
C’est aussi ce que doit se dire la juge Sabine Khéris aussi discrète qu’efficace dans la gestion de ses dossiers. Il y a quelques années, elle avait multiplié les voyages à Issancourt-et-Rumel, dans les Ardennes, pour tenter de retrouver le corps d’Estelle Mouzin, tué en 2003 par Michel Fourniret. Malgré le travail de spécialistes de la topographie, l’utilisation de sonars et de géoradars et les indications de Monique Olivier, la magistrate n’est jamais parvenue à localiser l’endroit où la fillette de Guermantes (Seine-et-Marne) dont le visage s‘est affiché dans les gendarmeries pendant tant et tant d’années. Mais cela n’avait pas empêché la justice d’avancer et d’organiser un procès. Un procès où seule Monique Olivier avait été jugée et condamnée à la perpétuité. C’est peut-être ce qui l’attend dans l’affaire Lydie Logé.
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