Réf. : Cass. com., 23 octobre 2024, n° 22-22.215, FS-B N° Lexbase : A76946BL
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par Jérôme Lasserre Capdeville, Maître de conférences - HDR à l'Université de Strasbourg
le 29 Octobre 2024
► Ayant constaté qu’à coté de la signature apposée sur le cachet de la société souscriptrice d’un billet à ordre, son gérant avait également apposé sa signature sur le cachet de la même société dans la partie concernant l’aval, une cour d'appel en a exactement déduit que ce gérant ne s’était pas engagé à titre personnel en qualité d’avaliste.
L'aval est une garantie personnelle donnée par une personne appelée « donneur d’aval », « avaliste », ou « avaliseur ». Celui-ci va s’engager à régler tout ou partie du montant d’une traite (une lettre de change ou, plus fréquemment, un billet à ordre) à l’échéance en cas de carence de la personne pour le compte de laquelle il est donné, c’est-à-dire l'avalisé. C’est ainsi une garantie « particulière », dont le régime est défini à l’article L. 511-21 du Code de commerce N° Lexbase : L6674AIZ.
Il n’est pas rare, aujourd’hui, que la Haute juridiction vienne donner des précisions sur le droit applicable à l’aval, notamment pour en souligner les différences avec le cautionnement (v. par ex., Cass. com., 5 avril 2023, n° 21-17.319, F-B N° Lexbase : A61579MY, J. Lasserre Capdeville, Lexbase Affaires, avril 2023, n° 753 N° Lexbase : N4998BZ7 ; Cass. com., 7 février 2024, n° 23-18.633, F-D N° Lexbase : A65012LD ; Cass. com., 2 mai 2024, n° 22-19.408, F-D N° Lexbase : A52845AX ; Cass. com., 9 octobre 2024, n° 22-14.743, F-B N° Lexbase : A291059N, J. Lasserre Capdeville, Lexbase Affaires, octobre 2024, n° 810 N° Lexbase : N0680B3L).
Faits et procédure. Dans l’affaire qui nous occupe, la difficulté était tout autre. M. T., gérant de la société S. qui avait souscrit un billet à ordre, avait logiquement apposé sa signature sur le cachet de cette même société. Toutefois, il avait aussi apposé sa signature, toujours sur le cachet de la société, mais cette fois-ci dans la partie réservée à l’aval.
La banque X. avait alors assigné M. T. en qualité d’avaliste d’un billet à ordre souscrit le 30 janvier 2019 par la société S. dont il était le gérant.
La cour d’appel de Grenoble avait, par une décision du 22 septembre 2022 (CA Grenoble, 22 septembre 2022, n° 21/02808 N° Lexbase : A28118LP), confirmé le jugement ayant rejeté la demande de la demande de la banque X. à l’encontre de M. T (T. com. Romans-sur-Isère, 9 juin 2021, aff. n° 2019J00323 N° Lexbase : A53687YH). L’établissement de crédit avait alors formé un pourvoi en cassation.
Décision. La Cour de cassation rejette cependant ce dernier.
Elle commence par rappeler qu’il résulte des articles L. 511-21, alinéa 5, et L. 512-4 N° Lexbase : L6738AIE du Code de commerce que l’aval résulte de la seule signature du donneur d’aval apposée au recto du billet à ordre, sauf quand il s’agit de la signature du souscripteur de ce billet.
Dès lors, ayant constaté qu’à côté de sa signature apposée sur le cachet de la société souscriptrice du billet à ordre litigieux, M. T. l’avait également apposée sur le cachet de la même société dans la partie concernant l’aval, la cour d'appel en avait exactement déduit que M. T. ne s’était pas engagé à titre personnel en qualité d’avaliste. Le moyen n’était donc pas fondé.
Observations. Cette solution est riche en enseignements.
D’une part, et de façon générale, elle rappelle qu’il arrive, de temps en temps, que la qualité de donneur d’aval soit ainsi recherchée et précisée par les magistrats à la vue des circonstances de fait (v. par ex., récemment, Cass. com., 23 mai 2024, n° 22-20.056, F-D N° Lexbase : A39355D4 ayant considéré que l’aval est considéré comme résultant de la seule signature du donneur d’aval apposée au recto de la lettre de change, sauf quand il s’agit de la signature du tiré ou de celle du tireur).
D’autre part, l’arrêt du 23 octobre 2024 témoigne de l’importance du fait que la signature de l’intéressé soit accompagnée d’une indication liée à la société, ici son cachet. Cela témoigne qu’il ne s’engage pas à titre personnel comme donneur d’aval. Sa signature ne vaut ainsi que pour l’engagement principal de la société, et ce quel que soit l’endroit, sur l’effet de commerce, où cette signature est apposée.
Cette solution ne surprendra pas le lecteur. On rappellera en effet que, par plusieurs décisions (Cass. com., 14 mars 2018, n° 16-27.869, F-D N° Lexbase : A2184XHD ; Cass. com., 20 juin 2018, n° 17-15.356, F-D N° Lexbase : A8559XT8 ; Cass. com., 15 février 2023, n° 21-22.990, F-D N° Lexbase : A45149DK), la Cour de cassation a pu retenir des solutions comparables en présence d’une mention manuscrite portée sous la signature à la rubrique « Bon pour aval », précisant que cette garantie était donnée en qualité de président d'une société. Par l’ajout d’une telle précision, renvoyant au seul engagement de la société concernée, l’intéressé ne se comporte pas comme un donneur d’aval.
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