Le Quotidien du 7 octobre 2024 : Actualité judiciaire

[A la une] Affaire des eurodéputés du FN : Marine Le Pen et les anciens cadres du parti jugés pour détournement de fonds publics

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par Vincent Vantighem

le 04 Octobre 2024

Il y a parfois des attitudes qui disent davantage qu’un long discours. Prenez Marine Le Pen, par exemple. À son arrivée, lundi 30 septembre, au tribunal judiciaire de Paris, elle s’est dite « tout à fait sereine ». De prime abord, cela ressemblait évidemment au discours classique d’un homme politique classique. D’un « élément de langage » dont on aurait pu douter. Mais non, la triple candidate à l’élection présidentielle était bien « sereine ».

Car, au-delà du discours, c’est son comportement qu’il fallait regarder. D’abord, contrairement à d’autres hommes politiques qui, en pareilles circonstances, ont fui les journalistes arrivant par une porte dérobée, elle n’a pas hésité à leur donner rendez-vous dans la salle des pas perdus pour livrer son état d’esprit, entraînant quelques sueurs froides au service d’ordre du tribunal. Mais surtout, il fallait la voir se lever doucement et s’avancer, comme au ralenti, lorsque la présidente de la onzième chambre l’a appelée à la barre pour décliner son identité. « Vous êtes Marion Le Pen, dite Marine Le Pen, a attaqué Bénédicte de Perthuis. Si vous en êtes d’accord, nous vous appellerons Marine ? » Réponse forte et immédiate : « Bien sûr Madame la Présidente. »

À ceux qui en doutaient, Marine Le Pen a donc montré en quelques minutes qu’elle serait la personnalité incontournable de ce procès fleuve qui vient à peine de débuter et qui doit durer jusqu’à fin-novembre. Si elle concentre tous les regards, elle n’est pas la seule à comparaître, loin de là. Sur les trois premiers bancs de la salle 2.01, ils sont ainsi vingt-quatre cadres ou ex-cadres de ce que l’on appelait, naguère, le Front national, à être jugé pour « détournement de fonds publics », « recel » et/ou « complicité ». L’affaire est connue. Il s’agit de celle dite des « assistants des eurodéputés du Front national » qui a occupé des juges d’instruction pendant huit ans.

Concrètement, neuf anciens eurodéputés, dont Marine Le Pen, et leurs anciens assistants parlementaires sont jugés pour avoir, selon l’accusation, arnaqué le Parlement européen entre 2004 et 2016. Comment ? En faisant croire que les assistants parlementaires travaillaient pour le compte des eurodéputés alors qu’en réalité, ils ne travaillaient que pour le parti. La martingale est connue. Elle a déjà entraîné la condamnation du MoDem et l’ouverture d’une enquête visant La France insoumise.

Un préjudice en million d’euros

Mais avec le Front national devenu Rassemblement national, c’est d’autre chose qu’il s’agit. D’un « système généralisé » selon l’accusation. D’un système qui aurait permis au parti de faire supporter des millions d’euros de salaire par le Parlement européen plutôt que par le parti. Lors de l’instruction, le Parlement européen a estimé son préjudice à 7 millions d’euros. Les juges d’instruction, eux, se sont contentés de 3,5 millions d’euros. Qu’en est-il réellement ? Difficile à dire mais les débats s’annoncent âpres sur cette question.

Car, aux yeux de l’accusation, les preuves ne manquent pas. Ici, on trouve un assistant parlementaire qui n’a jamais mis les pieds à Strasbourg ou à Bruxelles. Là, un autre qui n’a jamais rencontré la députée européenne qu’il était, pourtant, censé assister. Sans parler des multiples échanges (réunions, mails, SMS) attestant que le parti était bien informé de tout cela, voire qu’il l’encourageait.

C’est donc pour tout cela que toutes les anciennes têtes d’affiche du Front national ont pris place devant la onzième chambre lundi 30 septembre dernier : Louis Aliot, le maire de Perpignant ; Bruno Gollnisch, l’ancien numéro 2 du parti ; Wallerand de Saint-Just, ex-trésorier ; et toute une myriade d’assistants un peu dépassés par les événements. Car ils savent qu’ils vont dans les prochaines semaines venir devoir s’expliquer à la barre, face à la magistrate Bénédicte de Perthuis qui n’a pas l’air d’être venue pour rigoler.

Le risque d’une peine d’inéligibilité

Que vont bien pouvoir dire tous ces prévenus ? La question a parcouru les rangs du public quelques heures tant le dossier semble accablant. Mais finalement, Marine Le Pen a donné la réponse. Il suffisait de l’écouter parler de « liberté parlementaire » pour comprendre. En guise de ligne de défense, le parti a donc choisi de naviguer sur une ligne de crête. Il ne va pas reconnaître les faits mais il ne va pas, non plus, nier l’évidence. Comment le pourrait-il ? Il suffit par exemple de s’apercevoir que le garde du corps de Jean-Marie Le Pen, puis de Marine Le Pen, a bénéficié d’un contrat payé par le Parlement européen ! Non, le parti va donc plaider qu’il a choisi lui-même sa façon de fonctionner. Et peu importe si cela était fait avec l’argent du Parlement. Le tout au nom de la « liberté parlementaire ».

Il a fallu attendre le troisième jour du procès, mercredi 2 octobre, en fin de soirée pour bien le comprendre. Après un rappel long et fastidieux des faits et des premiers échanges tendus sur le montant du préjudice, Bénédicte de Perthuis a donné la parole à Marine Le Pen pour, qu’au nom du parti, elle donne des éléments de contexte.

« J’ai vraiment le sentiment que dans ce dossier, il y a énormément d’a priori, d’idées préconcçues (…) fabriquées par le Parlement européen qui nous a engagés dans un tunnel comme si nous étions un rongeur. » Et de détailler pendant une heure que non, il n’y a eu aucun « système » mis en place pour détourner l’argent du Parlement européen. Mais que tout cela s’est fait en bonne intelligence, au nom de la liberté d’un parti qui n’est autre que « la bête noire » politique des parlementaires de Strasbourg.

Une vraie ligne de crête, donc. Car la justice n’a pas l’habitude de faire de la politique… Le risque pour la triple candidate à l’élection présidentielle de basculer est bien réel. En plus d’une peine de dix ans de prison et d’une amende d’un million d’euros, elle pourrait aussi être condamnée à une peine d’inéligibilité qui perturberait forcément ses plans pour 2027…

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