Réf. : CJUE, 5 septembre 2024, aff. C-603/22, M.S. N° Lexbase : A36655XZ
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N0252B3Q
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par Marie Le Guerroué
le 11 Septembre 2024
► Dans sa décision du 5 septembre 2024, la Cour de justice de l’Union européenne juge que les enfants qui sont des suspects ou des personnes poursuivies doivent avoir la possibilité concrète et effective d’être assistés d’un avocat, le cas échéant, commis d’office ; cette obligation doit intervenir avant le premier interrogatoire par la police ou toute autre autorité répressive ou judiciaire et, au plus tard, lors de celui-ci.
Faits et procédure. Une juridiction polonaise avait été saisie d’une procédure pénale engagée contre trois mineurs. Ils avaient été poursuivis pour s’être introduits par effraction dans les bâtiments d’un ancien centre de vacances désaffecté. Au cours de ce procès, il avait été révélé que les suspects avaient été interrogés par la police en l’absence d’un avocat. Avant le premier interrogatoire, ils n’avaient pas été informés - pas plus que leurs parents - de leurs droits ni du déroulement de la procédure. Les avocats désignés d’office par le juge demandent désormais que les déclarations antérieures de ces suspects soient retirées du dossier en tant qu’éléments de preuve. Mettant en question l’effectivité des garanties procédurales en faveur des mineurs durant la phase préalable au procès pénal, la juridiction nationale s’est adressée à la Cour de justice. Elle s’interroge, en particulier, sur la conformité des dispositions nationales avec le droit de l’Union et sur les conséquences qu’elle devrait tirer d’une incompatibilité éventuelle.
Décision de la CJUE. La Cour juge que les enfants qui sont des suspects ou des personnes poursuivies doivent avoir la possibilité concrète et effective d’être assistés d’un avocat, le cas échéant, commis d’office. Cette obligation doit intervenir avant le premier interrogatoire par la police ou toute autre autorité répressive ou judiciaire et, au plus tard, lors de celui-ci. En principe, ces autorités ne peuvent interroger l’enfant qui ne bénéficie pas effectivement d’une telle assistance.
En outre, les personnes ayant atteint l’âge de 18 ans au cours de la procédure pénale ne doivent pas automatiquement perdre les droits conférés aux mineurs par le droit de l’Union, notamment celui d’un accès à un avocat. Le bénéfice de ces droits devrait perdurer lorsqu’il est approprié au regard de toutes les circonstances de l’espèce, y compris la maturité et la vulnérabilité des personnes concernées.
La Cour souligne que les mineurs doivent être informés de leurs droits procéduraux le plus rapidement possible, au plus tard avant leur premier interrogatoire. Ces informations doivent être communiquées d’une manière simple et accessible, adaptée à leurs besoins spécifiques. Un document standardisé, destiné aux adultes, ne répond pas à ces exigences. S’agissant des preuves incriminantes tirées de déclarations faites par un mineur lors d’un interrogatoire mené en violation de ses droits, le droit de l’Union n’oblige pas les États membres à prévoir la possibilité pour le juge national de déclarer comme étant irrecevables de telles preuves. Cependant, ce juge doit être en mesure de vérifier le respect de ces droits et de tirer toutes les conséquences résultant de leur violation, en particulier en ce qui concerne la valeur probante des éléments de preuve en question.
En l’espèce, il appartiendra à la juridiction nationale de vérifier si la législation polonaise en cause est compatible avec le droit de l’Union. Il lui incombera aussi d’interpréter, dans toute la mesure du possible, le droit national de manière conforme au droit de l’Union, afin d’assurer la pleine effectivité de ce dernier. Si une telle interprétation s’avérait impossible, le juge national serait tenu de laisser inappliquée, de sa propre autorité, toute réglementation ou pratique nationale contraire.
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