Réf. : Cass. civ. 1, 12 juin 2024, n° 22-17.820, F-D N° Lexbase : A37605I4
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N0135B3E
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par Jérôme Casey, Avocat associé au barreau de Paris, Maître de conférences à l’Université de Bordeaux
le 04 Septembre 2024
► En matière de partage, les parties étant respectivement demanderesses et défenderesses quant à l'établissement de l'actif et du passif, toute demande doit être considérée comme une défense à une prétention adverse, de sorte qu’un plaideur qui aurait omis de demander la révocation des avantages matrimoniaux peut le faire en première instance, mais aussi en appel.
Encore une décision dont le problème sous-jacent est la clause d’exclusion des biens professionnels en régime de participation aux acquêts, dont il reste à voir si la modification récente de l’article 265 du Code civil N° Lexbase : L5278MMG par la loi du 31 mai 2024 changera ou non les choses (loi n° 2024-494 du 31 mai 2024 N° Lexbase : L4905MMM ; sur cette loi, v., J. Casey, Réflexions sur la loi du 31 mai 2024 visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille : le regard de l’avocat, Lexbase Droit privé, n° 991, 11 juillet 2024 N° Lexbase : N9917BZC).
Dans la présente affaire, qui se déroule post-divorce (forcément), Juliette soutenait devant le juge de la liquidation que la fameuse clause était révoquée (par application de l’article 265). Une cour d’appel déclare la demande irrecevable, car non formulée en première instance et sans lien avec les demandes soumises au premier juge. L’arrêt d’appel est censuré, par application du principe auquel la Cour de cassation est très attachée, qui est qu’en matière de partage les parties sont respectivement demanderesses et défenderesses quant à l'établissement de l'actif et du passif, de sorte que toute demande doit être considérée comme une défense à une prétention adverse (pour un rappel de l’ensemble de cette jurisprudence, v. J. Casey, AJ fam. 2022, p. 499 et les réf.). Par conséquent, un plaideur qui aurait omis de demander la révocation des avantages matrimoniaux peut le faire en première instance, mais aussi en appel, puisque l’article 910-4 CPC (concentration des demandes en appel) n’est pas applicable au partage (v., Cass. civ. 1, 9 juin 2022, deux arrêts, n° 19-24.368 N° Lexbase : A792574B et n° 20-20.688 N° Lexbase : A791874Z, F-B), pas plus que l’article 564 CPC N° Lexbase : L0394IGP qui interdit les demandes nouvelles en appel.
Mais attention, cette présentation doit être bien comprise… Elle n’est vraie qu’à la condition que le contentieux n’ait pas déjà donné lieu à un procès-verbal de dire et de difficultés (lors de la phase de partage judiciaire avec notaire commis). En effet, si un tel acte a déjà été rédigé, et qu’il a été transmis au juge commis, ce serait alors l’irrecevabilité des article 1373 N° Lexbase : L1027KZ3 et 1374 N° Lexbase : L1026KZZ du Code de procédure civile qui serait encourue. En l’espèce, on sait du rappel des faits de l’arrêts que c’est une procédure « ancienne » (avec ONC) dans laquelle le juge du divorce a tranché des difficultés liquidatives en même temps qu’il a prononcé le divorce (et renvoyé pour le surplus les parties à trouver un accord amiable). Il est donc assez certain que la contestation « nouvelle » (mais qui est licite) soit intervenue avant que n’ait démarré la phase de partage judiciaire contentieuse. C’est cependant assez rare (cela suppose que le juge du divorce puisse aussi trancher la liquidation, ce qui, en pratique est peu fréquent).
Mais dans tous les cas, la combinaison des articles 564, 910-4 N° Lexbase : L9354LTM, 1373 et 1374 CPC est très subtile, et aucun praticien intervenant en ces matières ne doit l’ignorer, au risque de commettre de lourdes erreurs de procédure. Mais il en va de même pour les magistrats, comme le démontre la présente affaire…
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