Le Quotidien du 23 août 2024 : Droit international privé

[Brèves] Impossibilité de fonder une demande autonome de retour d’un enfant sur la Convention de La Haye du 19 octobre 1996

Réf. : Cass. civ. 1, 10 juillet 2024, n° 23-22.272, F-B N° Lexbase : A22145PP

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N0055B3G

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[Brèves] Impossibilité de fonder une demande autonome de retour d’un enfant sur la Convention de La Haye du 19 octobre 1996. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/111120479-breves-impossibilite-de-fonder-une-demande-autonome-de-retour-dun-enfant-sur-la-convention-de-la-hay
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par Jean Sagot-Duvauroux, Maître de conférences en droit privé (HDR) à l'Université de Bordeaux

le 22 Août 2024

► Dans les situations où la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants n'est pas applicable, les dispositions de la Convention de La Haye du 19 octobre 1996 concernant la compétence, la reconnaissance, l'exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants ne peuvent constituer le fondement d'une demande autonome de retour.

En cas d’enlèvement international d’un enfant, la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 N° Lexbase : L0170I8S constitue, du point de vue du parent victime, un outil très efficace pour demander le retour de l’enfant dans le pays dans lequel il résidait avant le déplacement illicite. Cette convention, en vigueur dans plus de 100 pays, pose un principe très fort de retour immédiat de l’enfant dans son pays d’origine. Lorsque ce texte n’est pas applicable, la situation est sensiblement plus compliquée et l’issue de la procédure beaucoup plus incertaine. En effet, dans une telle hypothèse, le parent victime de l’enlèvement n’a pas la possibilité de fonder sa demande de retour sur la Convention de La Haye du 19 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l'exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants N° Lexbase : L1526KZK. C’est ce que rappelle très clairement la première chambre civile de la Cour de cassation dans cet arrêt du 10 juillet 2024.

En l’espèce, dans un jugement de divorce en date du 26 janvier 2016, la résidence d’un enfant avait été fixée chez sa mère en Suisse tandis que son père bénéficiait d’un droit de visite et d’hébergement. Le 19 juillet 2022, la mère a assigné le père devant le tribunal judiciaire afin que soit ordonné le retour de l’enfant en Suisse sur le fondement de la Convention de la Haye du 25 octobre 1980. Cet instrument n’était cependant pas applicable au cas d’espèce en raison de l’âge trop élevé de l’enfant au moment de la procédure. Rappelons en effet qu’en vertu de son article 4 l’application de la Convention de 1980 cesse lorsque l’enfant parvient à l’âge de 16 ans. C’est certainement, la raison pour laquelle, devant la cour d’appel, la requérante ajouta la Convention de La Haye du 19 octobre 1996 comme fondement à sa demande de retour. Convention qui, en vertu de son article 2, trouve à s’appliquer « aux enfants à partir de leur naissance et jusqu'à ce qu'ils aient atteint l'âge de 18 ans ». Déboutée de sa demande, la mère forme un pourvoi en cassation dans lequel elle développe plusieurs moyens. Un seul de ces moyens présente un réel intérêt et retiendra par conséquent notre attention. En substance, la requérante reproche aux juges d’appel d’avoir déclaré irrecevable sa demande de retour fondée sur la Convention de 1996 alors, selon elle, que la situation entrait bien dans le champ d’application de ce texte. Au soutien de son pourvoi elle indique notamment que si l’article 50 de la Convention de 1996 prévoit que cette dernière n’affecte pas la Convention de 1980, « rien n’empêche cependant que ses dispositions (…) soient invoquées pour obtenir le retour d'un enfant qui a été déplacé ou retenu illicitement, ou pour organiser le droit de visite ». En d’autres termes, la première chambre civile devait se demander si une demande autonome de retour pouvait être fondée sur la seule Convention du 19 octobre 1996 dans l’hypothèse où la Convention de La Haye de 1980 était inapplicable.

Le pourvoi est rejeté au motif que l’on ne peut se fonder sur la Convention de La Haye du 19 octobre 1996 pour solliciter le retour de l’enfant. En d’autres termes, cela signifie qu’il n’est pas possible d’effectuer, sur le seul fondement de la Convention de 1996, une demande de retour détachée de toute demande sur le fond. Une telle demande, dite « autonome de retour », ne peut être exercée que sur le fondement de la Convention du 25 octobre 1980. Ainsi, comme le rappelle la Cour, le premier de ces textes, qui n’a pas pour objet la lutte contre les déplacements illicites, n’a pas à vocation à prendre le relais du second lorsque l’enfant atteint l’âge de 16 ans. Quels sont les moyens dont disposent alors les parents victimes lorsque la Convention de 1980 n’est pas applicable ?

En premier lieu, ils peuvent se prévaloir, dans l’État de refuge, d’une décision statuant sur le fond et impliquant le retour de l’enfant. Si l’État de refuge est partie à la Convention de 1996, c’est alors le régime des effets des jugements étrangers prévus par ce texte qui trouvera à s’appliquer. Les parents victimes risquent cependant de se heurter à un refus de reconnaissance de la part de l’État dans lequel l’enfant a été déplacé. Tel sera notamment le cas si le parent auteur de l’enlèvement a entretemps obtenu dans l’État de refuge une décision fixant la résidence de l’enfant à son domicile. Rappelons en effet que la Convention de 1980 n’étant pas applicable, le juge de l’État de refuge n’est pas concerné par l’interdiction de statuer sur le fond inscrite aux articles 7 de la Convention de 1996 et 16 de la Convention de 1980.

En second lieu, faute de reconnaissance de la décision, ils peuvent demander au juge de l’État de refuge qu’il rende une décision sur le fond impliquant le retour de l’enfant. S’il appartient à un État partie, ce juge devra alors se reconnaître compétent et déterminer la loi applicable sur le fondement des règles contenues dans la Convention du 19 octobre 1996. 

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