Le Quotidien du 1 août 2024 : Baux commerciaux

[Brèves] Clause résolutoire : les limites de l'absence d'autorité de la chose jugée au principal de l'ordonnance de référé

Réf. : Cass. civ. 3, 11 juillet 2024, n° 23-16.040, F-D N° Lexbase : A77285QB

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par Vincent Téchené

le 31 Juillet 2024

► Lorsqu'une ordonnance de référé passée en force de chose jugée a accordé au titulaire d'un bail à usage commercial des délais pour régler un arriéré de loyers en suspendant la réalisation de la clause résolutoire, la cour d'appel, qui, saisie au fond, constate que ces délais n'ont pas été respectés, ne peut en accorder de nouveaux.

Faits et procédure. La propriétaire de locaux commerciaux donnés à bail a délivré à sa locataire un commandement de payer un arriéré de loyers visant la clause résolutoire stipulée au bail, avant de l'assigner devant le juge des référés en constatation de l'acquisition de cette clause et en expulsion.

Une ordonnance a constaté l'acquisition de la clause résolutoire et en a suspendu les effets au respect par la locataire de l'apurement de sa dette locative selon un échéancier.

Invoquant un non-respect des délais de paiement, la bailleresse a délivré à la locataire un commandement de quitter les lieux. Un arrêt sur appel d'un jugement du juge de l'exécution a rejeté la demande de la locataire en annulation de ce commandement.

La locataire a assigné la bailleresse devant un tribunal judiciaire aux fins de voir annuler le commandement de payer visant la clause résolutoire ou subsidiairement d'obtenir de nouveaux délais de paiement rétroactifs, de dire n'y avoir lieu à résiliation du bail et d'obtenir des dommages-intérêts.

Ces demandes ayant été rejetées (CA Aix-en-Provence, 2 mars 2023, n° 20/00945 N° Lexbase : A90269GE), elle a formé un pourvoi en cassation

Décision. La troisième chambre civile rappelle qu’il résulte de l'article L. 145-41 du Code de commerce N° Lexbase : L1063KZE que, lorsqu'une ordonnance de référé passée en force de chose jugée a accordé au titulaire d'un bail à usage commercial des délais pour régler un arriéré de loyers en suspendant la réalisation de la clause résolutoire, la cour d'appel, qui, saisie au fond, constate que ces délais n'ont pas été respectés, ne peut en accorder de nouveaux (v. déjà, Cass. civ. 3, 2 avril 2003, n° 01-16.834, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A6457A7B ; Cass. civ. 3, 15 octobre 2008, n° 07-16.725, FS-P+B N° Lexbase : A8054EAK).

Or, en l’espèce la cour d'appel :

  • a, d'abord, exactement énoncé que, si le juge du fond, sur le fondement de l'article L. 145-41 du Code de commerce N° Lexbase : L1063KZE, peut accorder rétroactivement des délais de paiement au locataire, suspendre les effets de la clause résolutoire et dire qu'elle n'a jamais produit ses effets après avoir constaté que les paiements intervenus ont permis l'apurement de la dette locative au jour de l'audience, ce n'est qu'à la condition que le locataire n'ait pas déjà obtenu des délais en référé ;
  • a, ensuite retenu que les délais impartis par l'ordonnance de référé ayant suspendu la réalisation de la clause résolutoire, n'avaient pas été respectés par la locataire.

La Haute juridiction en conclut que la cour d’appel en a exactement déduit que la clause résolutoire était acquise et qu'elle ne pouvait octroyer de nouveaux délais de paiement même à titre rétroactif.

Observations. Une ordonnance de référé n'a pas, au principal, autorité de chose jugée (CPC, art. 488 N° Lexbase : L2728ADE). La question s'est posée de la possibilité pour un juge du fond de remettre en cause une décision du juge des référés constatant la résiliation du bail par l'effet de la clause résolutoire ou ayant suspendu ses effets en accordant un échéancier.

Toutefois, l'absence d'autorité de chose jugée au principal de l'ordonnance de référé constatant l'acquisition de la clause résolutoire, et suspendant ou non ses effets sous réserve des délais fixés, connaît un tempérament et une exception.

D'une part, si l'ordonnance de référé constatant l'acquisition d'une clause résolutoire n'a pas au principal l'autorité de la chose jugée et ne s'impose pas au juge saisi au fond aux mêmes fins, elle s'impose, en revanche, si elle est devenue définitive, au juge du fond statuant dans une instance ayant un objet distinct, par exemple, l'opposabilité au bailleur de la cession du fonds intervenue postérieurement à l'ordonnance ayant constaté l'acquisition de la clause résolutoire (Cass. civ. 3, 9 janvier 1991, n° 89-13.790, publié au bulletin N° Lexbase : A0272ABP ; Cass. civ. 3, 25 février 2004, n° 02-12.021, FS-P+B N° Lexbase : A3756DBQ).

D'autre part, le juge du fond sera, également, lié par une ordonnance constatant l'acquisition de la clause résolutoire mais qui suspend ses effets sous réserve du respect des délais qu'elle fixe en ce sens qu'il ne pourra pas, à défaut du non-respect de ces délais, suspendre à son tour les effets de la clause résolutoire en accordant de nouveaux délais (Cass. civ. 3, 14 octobre 1992, n° 90-21.657, publié au bulletin N° Lexbase : A3299AC8 ; Cass. civ. 3, 2 avril 2003, n° 01-16.834, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A6457A7B ; Cass. civ. 3, 15 octobre 2008, n° 07-16.725, FS-P+B N° Lexbase : A8054EAK, J. Prigent, in Chron., Lexbase Affaires, octobre 2008, n° 324 N° Lexbase : N4986BH7).

Les arrêts du 2 avril 2003 et du 15 octobre 2008, comme la décision rapportée du 11 juillet 2024, ont été rendus au visa de l'article L. 145-41 du Code de commerce. Ce texte semble fonder l'exception que cette solution représente par rapport à l'absence d'autorité au principal de l'ordonnance de référé.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE, La résiliation du bail commercial, La modification du délai octroyé par le juge lors de la suspension des effets de la clause résolutoire, in Baux commerciaux (dir. J. Prigent), Lexbase N° Lexbase : E7160ASY.

 

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