Le Quotidien du 9 juillet 2024 : Assurances

[Brèves] Assurance automobile obligatoire : chaque assureur de responsabilité doit faire, dans les délais, une offre d’indemnisation complète

Réf. : Cass. civ. 2, 20 juin 2024, n° 22-22.491, F-B N° Lexbase : A97205IT

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N9861BZA

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par Stéphane Brena, Maître de conférences HDR en droit privé – Directeur de l’École de droit de la Sorbonne au Caire-IDAI – Codirecteur du master droit des assurances de la faculté de droit de l’Université de Montpellier

le 08 Juillet 2024

► L’assureur du responsable de dommages issus d’un accident de la circulation se doit de faire une offre, définitive ou provisionnelle, complète dans les délais prescrits par la loi, sans pouvoir se prévaloir des diligences, envers la victime, de l’assureur d’un autre conducteur coresponsable, ni émettre une offre excluant un chef de préjudice (préjudice d’agrément) au prétexte d’une demande de précisions à la victime.

La procédure d’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation routière par l’assureur de responsabilité civile de l’auteur de l’accident est minutieusement règlementée, dans une perspective d’accélération de la réparation des préjudices subis par les victimes de tels évènements.

En l’espèce, un mineur, transporté dans le véhicule conduit par son père, a été blessé à l’occasion d’un accident survenu le 16 janvier 2011, dans lequel était également impliqué le véhicule d’un tiers, assuré auprès de la Matmut. L’assureur de responsabilité civile du père de la victime a versé plusieurs provisions à la victime, la date de consolidation de l’état de la victime étant finalement fixée au 24 mai 2016, ce dont cet assureur a informé la Matmut, assureur responsabilité civile du tiers coresponsable de l’accident, le 23 décembre 2016.

La victime et ses parents ayant agi contre la Matmut à fin d’indemnisation, ils réclamaient à cette occasion le versement de la pénalité due en cas de retard de l’offre d’indemnité (C. ass., art. L. 211-9 N° Lexbase : L6229DIK et L. 211-13 N° Lexbase : L0274AAE ; soit un intérêt de retard au double de l’intérêt légal, jusqu’à intervention de l’offre ou de la décision définitive de fixation de l’indemnité) à compter du 17 septembre 2011, soit huit mois à compter de l’accident.

Les juges du fond (CA Bourges, 18 août 2022) rejetaient cette demande, et limitaient la pénalité de retard à compter du 24 avril 2017, soit cinq mois après information de la Matmut de la consolidation de la victime par l’assureur du père, coresponsable, et jusqu’à la date de l’offre faite par la Matmut.

Les victimes introduisaient un pourvoi en cassation. Elles reprochaient aux juges du fond de ne pas avoir caractérisé une offre d’indemnisation complète et suffisante faite dans le délai de huit mois à compter de l’accident. Elles leurs reprochaient également d’avoir considéré l’offre comme valable alors qu’elle réservait certains postes de préjudice (préjudice d’agrément) dans l’attente de justificatifs ou de précisions, sans que l’assureur n’ait effectué de demande dans les formes prescrites par la réglementation.

Deux difficultés étaient ainsi soulevées : d’une part, un assureur de responsabilité civile automobile peut-il se prévaloir d’une procédure d’indemnisation (versement de provisions ; expertise amiable ; information de la consolidation de l’état de la victime) conduite par l’assureur d’un coresponsable pour échapper aux sanctions du retard ? D’autre part, l’assureur responsabilité civile automobile peut-il réserver, dans son offre, un poste de préjudice en demandant simplement à la victime des justificatifs et précisions portant sur ledit préjudice ?

Sans surprise au regard de l’esprit protecteur des victimes de la réglementation, la Haute juridiction répond négativement à ces deux interrogations.

Les assureurs de responsabilité civile de véhicules terrestres à moteur doivent tirer plusieurs leçons de cette décision.

La première est que l’assureur de l’un des responsables des dommages issus de l’accident ne peut se prévaloir des diligences accomplies par l’assureur d’un autre responsable. La loi prévoit, « en cas de pluralité de véhicules, et s’il y a plusieurs assureurs », que « l’offre est faite par l’assureur mandaté par les autres » (C. ass., art. L. 211-9, al. 5 N° Lexbase : L6229DIK). À défaut d’un tel mandat (sur les modalités duquel la loi est silencieuse), chaque assureur semble donc tenu de faire une offre d’indemnisation à la victime, sans pouvoir s’appuyer sur ce que les autres assureurs ont effectué ; ce que n’avait manifestement pas fait dans le délai de huit mois à compter de l’accident l’assureur de l’un des conducteurs des véhicules terrestres à moteur impliqués.

La seconde leçon est que l’assureur de responsabilité civile doit englober, dans son offre, l’ensemble des chefs de préjudices et, s’il souhaite de plus amples informations, respecter scrupuleusement les exigences formelles encadrant sa correspondance avec la victime. Une offre ne portant pas sur tous les chefs de préjudices est en effet une offre incomplète. Certes, l’article R. 211-37 du Code des assurances N° Lexbase : L0631AAM autorise l’assureur à demander à la victime certaines informations et, notamment, la description des atteintes à sa personne ou à ses biens, informations destinées à établir l'offre d’indemnisation. Sa correspondance doit alors rappeler les informations prévues à l’article L. 211-10 N° Lexbase : L6228DII et s’accompagner d’une notice conforme à un modèle fixé par arrêté (C. ass., art. R. 211-39 N° Lexbase : L0633AAP et A. 211-11 N° Lexbase : L3634H84). À défaut de réponse de la victime dans les six semaines, les délais sont suspendus. Mais cette suspension est conditionnée au respect des exigences formelles de l’article R. 211-39 du Code des assurances N° Lexbase : L0633AAP.

C’est ainsi à un double titre que l’assureur était en l’espèce en retard : d’une part, son offre était incomplète comme excluant le préjudice d’agrément ; d’autre part, sa demande de renseignements n’étant pas conforme aux exigences de l’article R. 211-39 du Code des assurances, ne conférait à l’absence de réponse de la victime aucune vertu suspensive des délais applicables. Il est par conséquent justement exposé aux sanctions de l’article L. 211-13 du Code des assurances N° Lexbase : L0274AAE.

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