Réf. : Cass. com., 5 juin 2024, n° 23-22.122, F-B, QPC N° Lexbase : A14535GW
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par Vincent Téchené
le 07 Juin 2024
► L'interprétation jurisprudentielle conférée à l'article 1382, devenu 1240, du Code civil dans l'arrêt rendu par la Chambre commerciale le 12 février 2020 (Cass. com., 12 février 2020, n° 17-31.614, FS-P+B+R+I) relative aux modalités de détermination des dommages-intérêts alloués pour des faits de concurrence déloyale n’est pas contraire aux principes de légalité et de nécessité des délits et des peines, ni au principe de responsabilité.
Faits et procédure. Dans le cadre du contentieux opposant des chauffeurs de taxi à Uber concernant son service « UberPop », la société Uber France a posé une QPC portant sur les règles de détermination des dommages-intérêts alloués pour concurrence déloyale à l’occasion du pourvoi formé contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris (CA Paris, 5-4, 4 octobre 2023, n° 21/22383 N° Lexbase : A95161KN).
Réparation du préjudice : l’interprétation de la Cour de cassation. Était, plus précisément en jeu l’interprétation jurisprudentielle conférée à l'article 1382 N° Lexbase : L1488ABQ, devenu 1240 N° Lexbase : L0950KZ9, du Code civil dans l'arrêt rendu par la Chambre commerciale le 12 février 2020 (Cass. com., 12 février 2020, n° 17-31.614, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A27263EP). Selon cet arrêt les dommages et intérêts peuvent être déterminés « en prenant en considération l'avantage indu que s'est octroyé l'auteur des actes de concurrence déloyale, au détriment de ses concurrents, modulé à proportion des volumes d'affaires respectifs des parties affectés par ces actes », lorsque le fait dommageable résulte de « pratiques consistant à parasiter les efforts et les investissements, intellectuels, matériels ou promotionnels, d'un concurrent, ou à s'affranchir d'une réglementation, dont le respect a nécessairement un coût, tous actes qui, en ce qu'ils permettent à l'auteur des pratiques de s'épargner une dépense en principe obligatoire, induisent un avantage concurrentiel indu dont les effets, en termes de trouble économique, sont difficiles à quantifier avec les éléments de preuve disponibles, sauf à engager des dépenses disproportionnées au regard des intérêts en jeu ».
Décision. Selon la Haute juridiction, en premier lieu, cette interprétation jurisprudentielle, qui ne peut avoir pour effet d'aboutir à une évaluation des dommages et intérêts qui excéderait cet avantage indu, n'instaure pas une sanction ayant le caractère d'une punition mais vise exclusivement à assurer la réparation du préjudice subi par la victime de ces actes, de sorte que les griefs tirés de la violation des principes de légalité et de nécessité des délits et des peines garantis par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 N° Lexbase : L1372A9P sont inopérants.
En deuxième lieu, toujours selon la Cour, cette interprétation qui permet seulement que le montant des dommages et intérêts dus à la victime des actes de concurrence déloyale ou parasitaire soit évalué en prenant en considération, pour déterminer l'importance du préjudice causé par ces actes, l'avantage indu que leur auteur s'est octroyé, est justifiée par l'objectif d'intérêt général d'indemnisation effective des victimes d'actes de concurrence déloyale ou parasitaire lorsqu'elles se heurtent à des difficultés de preuve de leur préjudice et l'atteinte portée au droit de propriété de l'auteur de ces actes, garanti par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen N° Lexbase : L1366A9H, est proportionnée à cet objectif.
Enfin, cette interprétation jurisprudentielle ne porte aucune atteinte au principe de responsabilité, en ce qu'elle assure au contraire la réparation, par l'auteur d'actes de concurrence déloyale ou parasitaire, des conséquences dommageables de ses fautes.
La Cour de cassation refuse donc le renvoi au Conseil constitutionnel.
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