La lettre juridique n°946 du 18 mai 2023

La lettre juridique - Édition n°946

Droit pénal spécial

[Brèves] Traite des êtres humains et mariages arrangés : l’article 225-4-1 du Code pénal est d’interprétation stricte

Réf. : Cass. crim., 11 mai 2023, n° 22-85.425, FS-B N° Lexbase : A39619TU

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N5458BZ8

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par Adélaïde Léon

Le 24 Mai 2023

► L’infraction de traite des êtres humains définie par l’article 225-4-1 du Code pénal ne peut être caractérisée que s’il est établi que la victime est mise à disposition afin d’être contrainte à commettre tout crime ou délit, ou de permettre la commission envers elle de l’une des infractions limitativement prévues par cet article.

Rappel des faits et de la procédure. Un homme et une femme ont été interpellés à la frontière serbe, accompagnés d’une mineure dont ils détenaient un extrait d’acte de naissance et une fausse autorisation parentale de sortie de territoire.

L’enquête puis l’instruction entreprises dans ce dossier ont permis d’établir que les intéressés avaient accompagnées plusieurs filles mineures depuis des pays d’Europe de l’Est vers des pays de l’Ouest afin de les marier moyennant rémunération.

Le tribunal correctionnel a déclaré l’homme coupable et l’a condamné à sept ans d’emprisonnement.

Le prévenu et le ministère public ont relevé appel du jugement.

En cause d’appel. La cour d’appel a relaxé le prévenu du chef de traite des êtres humains au motif que cette infraction suppose notamment que l’auteur ait poursuivi un but particulier, soit la commission contre la victime des infractions de proxénétisme, d’agressions ou d’atteintes sexuelles, d’exploitation de la mendicité, de conditions de travail ou d’hébergement contraires à sa dignité, ou bien qu’il ait voulu contraindre cette personne à commettre tout crime ou délit.

Or en l’espère, les juges ont considéré qu’aucun élément ne permettait d’incriminer le prévenu dans la poursuite de l’un de ces buts fixés par la loi et notamment celui tendant à offrir de jeunes filles à des hommes en vue d’une atteinte ou d’une agression sexuelle. Selon la cour d’appel, le prévenu a toujours contesté avoir mis les jeunes filles à dispositions de leurs futurs maris en poursuivant un autre but que de préparer leur mariage. Également, selon la cour, les personnes concernées n’avaient subi aucune atteinte ou agression sexuelle.

Si les juges soulignent que l’aspect mercantile d’un mariage arrangé, même s’il relève d’une pratique culturelle, est moralement choquant, ils constatent que les comportements imputés au prévenu, dont il n'est pas démontré qu'il était motivé par une volonté de livrer les jeunes filles à leurs futurs maris aux fins d'agressions sexuelles, d'atteintes sexuelles ou de toute autre forme d'exploitation sexuelle, ne caractérisent pas l'infraction de traite d’être humain.

L’article 225-4-1 du Code pénal N° Lexbase : L6570IXM, lequel définit cette infraction, doit, selon la cour, être interprété strictement.

Relaxé de ce chef, le prévenu a, pour détention frauduleuse de faux documents administratifs, été condamné à trois ans d’emprisonnement dont un an avec sursis probatoire.

Le procureur général près la cour d’appel a alors formé un pourvoi contre l’arrêt de la juridiction d’appel.

Moyens du pourvoi. Selon le procureur général, la traite des êtres humains est une infraction formelle et n’implique pas, pour être constituée, qu’elle soit suivie d’un des comportements incriminés par l’article 225-4-1 du Code pénal.

Le pourvoi critique également le raisonnement de la cour d’appel qui a consisté à se fonder notamment sur le consentement des victimes, lequel ne permet pas d’écarter l’infraction.

Décision. La Chambre criminelle rejette le pourvoi et affirme que la cour d’appel a exactement justifié sa décision.

Selon la Cour, il est exact que l’infraction en cause n’est constituée que si la victime est mise à disposition afin d’être contrainte à commettre tout crime ou délit, ou de permettre la commission envers elle de l’une des infractions limitativement énumérées à l’article 225-4-1 du Code pénal.

La Chambre criminelle considère ensuite que c’est à bon droit que les juges d’appel ont, dans l’exercice de leur pouvoir souverain d’appréciation, relevé que les seules infractions prévues par le texte précité et susceptibles d’avoir été favorisées par l’intervention du prévenu étaient celles d’agressions sexuelles ou d’atteintes sexuelles.

Or, la cour d’appel a constaté à cet égard que les âges respectifs des victimes et de leurs fiancés ne permettaient pas d’envisager la commission d’atteintes sexuelles.

S’agissant de l’infraction d’agression sexuelle, faute de n’avoir constaté aucune contrainte, violence, menace ou surprise exercée contre les jeunes filles, et après avoir vérifié qu’aucune n’avait ensuite été soumise contre son gré à des faits de nature sexuelle, les juges n’ont pu que conclure que le risque que des agressions sexuelles aient pu être facilitées à raison des faits reprochés au prévenu n’était pas caractérisé.

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Droit pénal général

[Jurisprudence] La justification d’une infraction par la nécessité de l’exercice des droits de la défense

Réf. : Cass. crim., 8 mars 2023, n° 22-81.040, F-D N° Lexbase : A28599HD

Lecture: 9 min

N5153BZU

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par Jean-Yves Maréchal, Professeur de droit pénal à l’université de Lille, Codirecteur de l’institut de criminologie de Lille

Le 18 Mai 2023

Mots-clés : infraction pénale • droits de la défense • fait justificatif • responsabilité pénale • nécessité

La Cour de cassation affirme qu’une infraction commise pour les strictes nécessités de la défense de son auteur n’est pas punissable et que le bénéfice de ce fait justificatif ne peut être limité à la défense exercée dans un cadre prud'homal.


 

Le Code pénal prévoit des causes d’irresponsabilité qui devraient être les seules susceptibles d’exonérer l’auteur d’une infraction, en vertu du principe de la légalité qui implique que le juge répressif ne dispose pas d’un pouvoir créateur de règles de droit pénal, fussent-elles favorables au prévenu. L’on sait pourtant que la réalité est différente et que certaines infractions, selon la jurisprudence, ne sont pas punissables en raison du contexte de leur commission. L’exemple le plus évident est celui de la diffamation pour laquelle l’auteur des propos portant atteinte à l’honneur ou à la considération d’une personne peut échapper à la répression en démontrant sa bonne foi [1].

Allant encore plus loin, la Chambre criminelle n’hésite pas à considérer, en dehors des cas prévus par le Code pénal, que l’auteur d’une infraction, quelle qu’elle soit, peut n’être pas sanctionné lorsqu’il agit dans un but ou un contexte déterminé. L’arrêt commenté, rendu le 8 mars 2023, en constitue une remarquable illustration et il mérite attention, même s’il n’a pas les honneurs d’une publication au bulletin de arrêts de la Chambre criminelle.

En l’occurrence, un litige a opposé deux sociétés et le dirigeant de la première a été condamné pour violation du secret des correspondances et recel d’abus de confiance pour avoir produit en justice des documents et correspondances internes à la seconde société. La cour d’appel a retenu que si la Cour de cassation admet que certaines infractions ne peuvent être pénalement reprochées à leur auteur, « c'est uniquement dans le cadre d'un litige entre salarié et employeur et à la condition que la commission de l'infraction ait été strictement nécessaire à l'exercice des droits de la défense ». Elle ajoute que le litige qui opposait le prévenu et la société ne relevait pas du droit du travail et que la commission des infractions n’était pas strictement nécessaire à l’exercice des droits de la défense.

La Chambre criminelle rejette le pourvoi mais elle prend soin d’affirmer que c’est à tort que la cour d’appel a écarté le « fait justificatif tiré de l'exercice des droits de la défense » au motif qu'il ne s'applique qu’en droit du travail. Elle souligne que, « dès lors que n’est pas punissable l’infraction commise pour les strictes nécessités de la défense de son auteur, le bénéfice de ce fait justificatif ne saurait être restreint à la défense exercée dans un cadre prud’homal ». L’arrêt n’est pas censuré parce que la Chambre criminelle considère comme la cour d’appel que la commission des infractions n’était pas strictement nécessaire à l’exercice des droits de la défense.

L’intérêt de la décision réside évidemment dans la généralité de l’affirmation selon laquelle toute infraction peut être justifiée par l’exercice des droits de la défense, quelle que soit la nature du litige dans le cadre duquel elle est commise. La portée de la solution doit être mesurée avant de s’interroger sur son fondement.

I. La portée de la solution

La commission d’une infraction pénale afin de se défendre en justice constitue un cas de figure connu depuis longtemps, l’exemple le plus remarqué étant sans doute celui, évoqué dans la présente affaire, du salarié qui produit, devant la juridiction prud’homale, des documents qui appartiennent à son ancien employeur avec lequel il est en litige, ce dernier considérant que ces documents ont été illégalement pris ou conservés par l’ancien salarié. Dans cette hypothèse, la Cour de cassation a affirmé, par deux arrêts du 11 mai 2004, que le juge pénal saisi des poursuites du chef de vol doit rechercher si les documents étaient strictement nécessaires à l'exercice des droits de la défense du prévenu dans le litige l'opposant à son employeur [2]

La solution était toutefois plus ancienne, posée pour d’autres infractions que le vol et en dehors d’un litige prud’homal. On constate d’ailleurs que l’argument peut être invoqué par la personne qui se défend personnellement dans le cadre d’un litige la concernant mais aussi par celle qui commet une infraction afin de défendre un tiers dans le cadre d’une procédure concernant ce dernier.

S’agissant du premier cas, il a été jugé que, pour caractériser le recel de violation du secret de l’instruction, les juges doivent rechercher si la production des pièces d’une procédure n’était pas rendue nécessaire par l’exercice des droits de la défense [3]. Au contraire, une décision de relaxe du chef d'atteintes à un système de traitement automatisé de données a été cassée au motif que les actes n’apparaissaient pas justifiés par l’exercice des droits de la défense de leur auteur [4]

Le second cas peut être illustré par l’exemple d’une avocate condamnée du chef de violation du secret professionnel pour avoir dévoilé des pièces d’une procédure à des journalistes alors que ces actes n’étaient pas rendus nécessaires par l’exercice des droits de la défense du client de la prévenue [5].       

Le domaine d’application de la solution était donc déjà large avant le présent arrêt mais la Cour de cassation franchit ici un cap en affirmant que toute infraction peut être justifiée si elle est rendue nécessaire par l’exercice des droits de la défense de son auteur. La décision n’évoque que la première série de cas précités en visant la défense de l’auteur de l’infraction mais ceci ne remet pas en question la solution admise lorsque l’infraction est commise dans le cadre de la défense d’un tiers, solution rappelée quelques semaines avant l’arrêt commenté [6]. L’enseignement qui peut être tiré de la décision est donc que c’est la finalité de l’action, c'est-à-dire l’exercice des droits de la défense, qui produit un effet justificatif et non pas sa nature, laquelle est indifférente.

Il semble toutefois possible d’apporter deux précisions. D’une part, seules des infractions intentionnelles paraissent pouvoir être ainsi justifiées en raison du fait que l’auteur des actes doit avoir un but qui est d’assurer sa défense dans un litige. D’autre part, il est indispensable qu’un lien de causalité puisse être établi entre l’infraction commise et l’objectif recherché, ce qui restreint certainement le domaine d’application de la solution à certaines catégories d’infractions, notamment celles qui sont relatives à des documents, objets ou informations susceptibles d’être produits en justice. On ajoutera qu’il est probable que la solution devrait être limitée à des infractions qui ne supposent pas d’utiliser la contrainte physique ou morale, ce qui devrait exclure, par exemple, l’extorsion. À vrai dire, en pareil cas, il serait probablement impossible de faire admettre à une juridiction pénale que l’acte serait « strictement nécessaire » à l’exercice des droits de la défense.

Ainsi, l’affirmation très générale figurant dans l’arrêt commenté est-elle à nuancer. En outre, le fondement de l’impunité susceptible d’être admise reste à déterminer.

II. Le fondement de la solution

La Cour de cassation fait référence, dans l’arrêt commenté, aux « nécessités » de la défense de l’auteur des actes et qualifie le mécanisme de « fait justificatif ». Il est alors possible de se demander si l’impunité repose sur l’état de nécessité, tel qu’il est prévu par l’article 122-7 du Code pénal N° Lexbase : L2248AM9. Pourtant, outre l’absence de référence à ce texte dans les décisions rendues en la matière, il est douteux que les conditions de l’état de nécessité soient réunies dans les cas ici évoqués, notamment au regard du danger qui doit menacer la personne, autrui ou un bien et qui doit être actuel et non hypothétique. Or, les infractions commises pour les nécessités de la défense ne semblent pas faire suite à un danger actuel, souvent incertain, mais paraissent plutôt répondre à l’impératif d’obtenir ou de conserver des éléments de preuve favorables à l’auteur des infractions, dans le cadre d’un litige non nécessairement déjà initié.        

Il semble alors que la justification de l’infraction repose plutôt sur un conflit de normes juridiques, le principe des droits de la défense, ayant valeur constitutionnelle [7] et conventionnelle [8], devant prévaloir sur la répression pénale prévue par la loi, lorsque l’infraction commise apparaît strictement nécessaire pour en garantir l’effectivité. Il est alors intéressant d’effectuer un rapprochement avec l’affirmation prétorienne selon laquelle la liberté d’expression peut également conduire à ne pas réprimer l’auteur d’une infraction, l’analyse reposant ici expressément sur un conflit de normes entre la loi interne et l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (CESDH) N° Lexbase : L4743AQQ. Toutefois, dans ce domaine, la Cour de cassation [9] invite les juges à déterminer si la condamnation de l’auteur constituerait une ingérence disproportionnée dans sa liberté d’expression, ce qui ne signifie donc pas que l’infraction serait justifiée et donc impunissable mais plutôt que la condamnation pourrait porter atteinte à un droit fondamental de l’auteur. En outre, aucune référence n’est faite en cette matière à la nécessité de commettre l’infraction.

Ainsi, la solution affirmée dans le présent arrêt, dont le fondement demeure incertain, est plus catégorique que celle posée en matière de liberté d’expression puisqu’elle conduit à considérer que l’infraction, comme en matière de légitime défense ou d’état de nécessité, n’est pas punissable en raison de sa finalité, à savoir la stricte nécessité de l’exercice des droits de la défense.  

 

[1] V. E. Raschel, ÉTUDE : Les justifications en droit de la presse, in Droit de la presse, Lexbase , § 3-1-2 N° Lexbase : E6384Z8X.

[2] Cass. crim., 11 mai 2004, n° 03-80.254, FS-P+F+I N° Lexbase : A5245DCA et n° 03-85.521, FS-P+F+I N° Lexbase : A5252DCI.

[3] Cass. crim., 11 juin 2002, n° 01-85.237, F-P+F+I N° Lexbase : A8855AYM.

[4] Cass. crim., 5 avril 2022, n° 21-83.590, F-D N° Lexbase : A97547S3.

[5] Cass. crim., 28 octobre 2008, n° 08-81.432, F-P+F N° Lexbase : A1727EBL ; V. également : Cass. crim., 28 septembre 2004, n° 03-84.003.

[6] V. Cass. crim., 10 janvier 2023, n° 22-80.969, F-D N° Lexbase : A792987S : P. Conte, obs., Dr. pén. 2023, comm. 43.

[7] CESDH, art. 16 N° Lexbase : L7558AIR, V., par exemple, Cons. const., décision n° 2022-1030 QPC, 19 janvier 2023, n° 9 N° Lexbase : A936388B.

[8] CESDH, art. 6, § 3 N° Lexbase : L4764AQI.

[9] V. Cass. crim., 30 novembre 2022, n° 22-80.959, F-D N° Lexbase : A34938XN.

newsid:485153

Contrats et obligations

[Chronique] Chronique de jurisprudence du fond : pratique du droit des contrats – Une chronique du quotidien

Lecture: 35 min

N5402BZ4

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par Dimitri Houtcieff, Doyen de la faculté d’Evry – Paris-Saclay, Directeur du Master de droit des contrats d’affaires (DCA) de l’Université Paris-Saclay

Le 17 Mai 2023

Mots-clés : contrat • engagement unilatéral • dol • obligation d'information • dépendance • avantage manifestement excessif • violence • faveurs sexuelles • assurance • pertes d'exploitation • covid • contrepartie • équivalence des prestations • réduction du prix • résolution • renonciation

La réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations a codifié beaucoup des règles prétoriennes qui avaient cours : songeons que le Code Napoléon n’évoquait même pas la formation du contrat. Le  droit des contrats reste tout de même largement jurisprudentiel. D’abord, tout n’est pas dans le Code : « on ne simplifie pas en prévoyant tout », disait Portalis. Ensuite, les textes nouveaux doivent encore être interprétés. Le rôle de la Cour de la cassation est donc plus décisif que jamais. La Cour régulatrice n’intervient cependant qu’au bout du chemin procédural : ce sont les tribunaux et les cours d’appel qui sont en première ligne. Leurs décisions n’ont sans doute pas la même autorité. Elles n’en sont pas moins utiles à l’interprète. Leur accessibilité nouvelle renforce du reste leur portée : elles sont aujourd’hui volontiers invoquées par les plaideurs dans leurs écritures. C’est pourquoi il nous est apparu utile de leur consacrer une chronique entière. Le lecteur ne doit pas s’y tromper. Au-delà de l’intitulé choisi, on ne s’interdira pas ici de commenter parfois telle ordonnance de référés qui le mériterait. Toutes ces décisions sont en effet le droit en marche. Elles sont aussi souvent le droit vécu : tous les contentieux ne se terminent pas par une décision de la Cour de cassation. Grâce aux éditions Lexbase, c’est donc une chronique du quotidien qui sera ici tentée.


 

Les auteurs

Dimitri Houtcieff, Doyen de la faculté d’Evry – Paris-Saclay, Directeur du Master de droit des contrats d’affaires (DCA) de l’Université Paris-Saclay 
Kenza Chabanne, Master de droit des contrats d’affaires (DCA) de l’Université Paris-Saclay  
Marion Vitse, Master de droit des contrats d’affaires (DCA) de l’Université Paris-Saclay 

Chronique dirigée par Dimitri Houtcieff

Sommaire

I. Formation

1. Une proposition n’est pas un engagement !
CA Paris, Pôle 5, Chambre 2 20 janvier 2023, n° 21/06627

II. Validité

2. Le « bon dol » n’excuse pas le défaut d’information
CA Pau, 28 juin 2022, n° 20/00533

3. L’abus d’une situation de dépendance est encore une condition de la violence économique
CA Rennes, 27 septembre 2022, n° 19/08238

4. L’avantage manifestement excessif constitutif de la violence n’est pas toujours économique
CA Montpellier, 4e  civ. 22 juin 2022, n° 19/05333

III. Contenu

5. Assurance des pertes d’exploitation « covid » : n’appelez pas la police au secours !
CA Versailles, 13 avril 2023, n° 21/04969

6. Contrepartie convenue : la tentation du contrôle de l’équivalence et l’exécution
CA Paris, 28 septembre 2022, n° 20/13735 (i) ; CA Paris, 6 avril 2023, n° 22/06012 (ii)

IV. Exécution et inexécution

7. Un délai réduit pour réduire le prix
CA Lyon, 5 avril 2023, n° 21/01708

8. L’article 1223 et les « loyers covid »
CA Paris, 23 juin 2022, n° 21/19784 

V. Extinction

9. La renonciation à la résolution doit (aussi) être expresse
CA Rennes, 18 avril 2023, n° 21/01018


I. Formation

1. Une proposition n’est pas un engagement ! (CA Paris, Pôle 5, Chambre 2 20 janvier 2023, n° 21/06627 N° Lexbase : A11489U3)

Des échanges sollicitant un échéancier et la formalisation d’une convention constituent des négociations entre deux parties et ne caractérisent pas un engagement unilatéral.

L’engagement unilatéral de volonté s’installe peu à peu dans notre droit des obligations [1]. Il fonde depuis quelques années déjà la transformation de l’obligation naturelle en obligation civile [2]. Il ne saurait cependant se déployer sans garde-fou. L’admission trop facile d’un tel engagement serait destabilisateur : à quoi servirait-il d’exiger une offre et une acceptation pour former le contrat si le moindre engagement unilatéral du débiteur suffit à le contraindre ?  On comprend donc que les juges fassent preuve de prudence, comme en témoigne cette décision rendue par la cour d’appel de Paris.

Des contrats d’investissement avaient été conclus entre certaines sociétés, en vue du financement d’œuvres cinématographiques. Ces œuvres ne trouvèrent pas leur public : les recettes générées ne couvrirent même pas les investissements consentis. L’investisseur réclama alors le remboursement de sa participation. Il fit valoir que le dirigeant de l’une des sociétés productrices était tenu d’une obligation naturelle à son égard et que celle-ci avait été transformée en obligation civile. Il s’appuyait en effet sur un SMS contenant une proposition de couverture des investissements ainsi qu’un échéancier : à l’en croire, ce SMS constituait un engagement unilatéral de volonté.  Son argumentation est rejetée. Il n’y avait là, en effet, qu’une proposition parmi d’autres dans le cadre des négociations, « sans qu'il puisse en être déduit un engagement précis » : aucun engagement unilatéral de volonté n’était donc caractérisé [3]. Cette décision doit évidemment être approuvée. La moindre proposition ne saurait décidément être assimilée à une rencontre de volontés ayant force obligatoire : la liberté contractuelle est à ce prix.

MV

II. Validité

2. Le « bon dol » n’excuse pas le défaut d’information (CA Pau, 28 juin 2022, n° 20/00533 N° Lexbase : A121879Y)

Ne constitue pas un dol la présentation publicitaire flatteuse, qui n’est pas erronée dans les faits décrits par la plaquette publicitaire, même s’ils ont été enjolivés, et qui n’excède pas les limites à ne pas dépasser dans les arguments de vente

Selon l’article 1137 du Code civil N° Lexbase : L1978LKH, le dol est notamment le « fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges ». Cette disposition n’impose cependant pas une sincérité absolue du contractant : seul le dolus malus –  la « male tricherie » est classiquement sanctionnée. Le dolus bonus demeure au contraire licite. Le camelot qui vend à force de boniments n’est pas sanctionné : la  parlotte est après tout au coeur du commerce.

Dans cette espèce, deux époux avaient acquis un immeuble en l’état futur d’achèvement, qu’ils tentèrent ensuite de louer en vain : ils finirent par le proposer à la vente, pour un prix bien inférieur à leur proposition initiale. Ne parvenant pas non plus à le vendre, ils assignèrent le vendeur et son mandataire aux fins d’annulation du contrat et d’allocation de dommages et intérêts, sur le fondement d’un dol et d’un manquement à l'obligation d’information et de conseil. Ils soutenaient en effet avoir été trompés par les informations qui leur avaient été transmises relativement à l’attractivité locative du bien et à sa valeur vénale. La cour d’appel rejette cette argumentation : « la présentation publicitaire flatteuse ne peut pas être critiquée. Elle n’est pas erronée dans les faits décrits par la plaquette publicitaire même s’ils peuvent avoir été enjolivés. Elle n’excède pas les limites à ne pas dépasser dans les arguments de vente ».

Le professionnel peut ainsi enjoliver la réalité pour réaliser une bonne affaire [4], pour peu qu’il ne verse pas dans la mauvaise foi crasse. Il prendra garde, tout au plus, à ne pas attribuer à sa prestation des qualités trop précises qu’elle n’aurait pas. La jurisprudence considère en effet que « les documents publicitaires peuvent avoir une valeur contractuelle dès lors que, suffisamment précis et détaillés, ils ont eu une influence sur le consentement du cocontractant » [5].

Si le petit mensonge ordinaire est pardonné, le professionnel ne saurait pour autant être dispensé des obligations d’information ou de conseil qui pèsent éventuellement sur lui. En l’espèce, le vendeur et son mandataire ont ainsi tout de même été condamnés in solidum au paiement de dommages-intérêts. Les documents remis aux époux au moment de la vente qualifiaient en effet les mensualités du crédit d’« épargne » et de « trésorerie placée ». L’avantage fiscal éventuel y était par ailleurs présenté comme un « gain », alors qu’il était conditionné par une location ininterrompue du bien à un certain prix. Ainsi, en employant des termes trompeurs et en procédant à une simulation de rentabilité n’évoquant même pas les conséquences d'une possible carence locative, le professionnel avait manqué à son obligation de conseil, engageant du même coup la responsabilité de son mandant : bon dol ou pas, la présentation optimiste qui avait été faite de l’opération aurait dû être mise en perspective avec les risques du projet. En dispensant d’une quelconque preuve de mauvaise foi ou d’intention dolosive, les obligations d’information ou de conseil sont ainsi un relai bien utile du dol.

MV

3. L’abus d’une situation de dépendance est encore une condition de la violence économique (CA Rennes, 27 septembre 2022, n° 19/08238 N° Lexbase : A15398MX)

Pour qu’un abus de dépendance économique entraînant la nullité d'un acte soit caractérisé, il est nécessaire que la partie ayant abusé de l'état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant à son égard ait obtenu de lui un engagement qu'il n'aurait pas souscrit en l'absence d'une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif

Une récente décision de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a admis que la violence économique pouvait être déduite, d’une part, de la situation de dépendance économique de la victime et, d’autre part, de l’avantage excessif retiré par l’auteur de cette violence [6]. Cet arrêt taisait ainsi les autres conditions habituellement requises pour admettre la violence : l’exigence sur les intérêts légitimes de la victime et un abus de l’état de dépendance. La portée de cette décision rendue sous l’empire du droit antérieur doit encore être mesurée [7]. Elle ne semble en tout cas pas avoir impressionné la cour d’appel de Rennes, comme en témoigne cet arrêt.

Une SARL avait conclu un contrat de gérance libre avec la société Yves Rocher afin d’exploiter un fonds de commerce. Le contrat ayant été résilié par la SARL, la société Yves Rocher l’assigna en paiement au titre de factures impayées. La SARL fit valoir qu’elle avait subi une violence économique. Elle prétendait avoir été en état de dépendance économique vis-à-vis de son cocontractant et affirmait que les livraisons de produits lui auraient été imposées et effectuées sous contrainte. La cour d’appel rejette cette argumentation : selon elle, « pour qu'un abus de dépendance économique entraînant la nullité d'un acte soit caractérisé, il est nécessaire que la partie ayant abusé de l'état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant à son égard ait obtenu de lui un engagement qu'il n'aurait pas souscrit en l'absence d'une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif ». En l’espèce, il n’était « pas justifié que la société Yves Rocher ait tiré des ventes litigieuses un avantage excessif. Il n’est ainsi par exemple pas allégué que ces ventes aient été consenties à des prix excessifs ni que les marchandises livrées l’aient été alors que les perspectives de vente étaient insuffisantes ». L’abus de dépendance économique ayant entraîné un vice du consentement n’était donc pas établi. Ainsi qu’on le voit, cette décision s’en tient à la position classique de la jurisprudence, et continue de faire de la caractérisation d’un abus de l’état de dépendance économique une condition essentielle de la violence. Bref, du côté de Rennes, rien de nouveau sous le soleil.

MV

4. L’avantage manifestement excessif constitutif de la violence n’est pas toujours économique (CA Montpellier, 4e  civ. 22 juin 2022, n° 19/05333 N° Lexbase : A494478M)

Des faveurs sexuelles peuvent constituer un avantage manifestement excessif.
La convention portant sur l’obtention de faveurs sexuelles en contrepartie d’un avantage est illicite.

Des faveurs sexuelles peuvent-elles être considérées comme un avantage manifestement excessif au sens de l’article 1143 du Code civil ? Cette décision rendue par la cour d’appel de Montpellier le 22 juin 2022 paraît bien l’admettre. Un prêt avait été consenti dans le cadre d’une relation apparemment amicale : une somme totale d’environ 15 000 euros avait été prêtée, sous forme de virement ou de règlements directs de certaines dettes. Ces sommes ne furent pas remboursées. L’emprunteur – qui était une emprunteuse – prétendait en effet que le prêt n’avait d’autre but que de parvenir à obtenir des relations intimes avec elle.

La validité du contrat était ainsi contestée d’abord sur le terrain de la violence : en l’espèce, le contexte dans lequel le prêt avait été consenti pouvait sembler oppressant. La cour d’appel relève ainsi qu’il « s'évince des mails échangés entre M. [Ab] et Mme [Ac] que leurs relations amicales ont manifestement crée, chez M. [Ab], une véritable dépendance affective qui l'ont amené à se montrer pressant voire exigeant à l'égard de Mme [Ac] ». Plus encore, les juges observent « au vu des mails versés aux débats par Mme [Ac], [qu’] il était question pour M. [Ab] d'obtenir, contre le versement de sommes d'argent, des faveurs sexuelles qui semblent avoir été refusées par Mme [Ac]. Ni l'un ni l'autre ne se montre cependant très explicite sur ce point ».  L’emprunteuse était en outre étudiante lorsqu’elle a perçu les fonds, et il était « manifeste », selon l’arrêt « qu'elle avait des préoccupations d'ordre financier ». La cour d’appel de Montpellier écarte malgré tout la violence au sens de l’article 1143 du Code civil N° Lexbase : L1977LKG. En l’espèce,  « Mme [Ac] ne démontre pas qu'elle était en situation de dépendance économique vis-à-vis de M. [Ab], pas plus qu'elle ne démontre que ce dernier a demandé et finalement obtenu de sa part ce qui pourrait être considéré comme un avantage manifestement excessif, à savoir ses faveurs sexuelles ». Si la violence est écartée pour défaut de preuve, on relèvera tout de même que les juges admettent incidemment que l’obtention de faveurs sexuelles peut constituer un avantage manifestement excessif au sens de l’article 1143 : par où l’on voit que la violence fondée sur l’abus de dépendance ne se réduit pas à une disproportion de valeurs entre deux prestations économiques.

La licéité de la convention était aussi contestée sur  le fondement de l’ancien article 1133 du Code civil N° Lexbase : L0830KZR, qui disposait que « la cause est illicite quand elle est prohibée par la loi, contraire aux bonnes mœurs ou à l'ordre public ». Selon la cour d’appel, « il est établi, au vu des mails échangés, que Mme [Ac] a bénéficié alors qu'elle était étudiante et en mal d'argent, des largesses financières de M. [Ab], que les prêts d'argent ont été faits sur ce fondement et qu'après avoir obtenu plusieurs versements de sommes d'argent, elle a refusé les faveurs intimes que M. [Ab] lui demandait ». Les juges du fond considèrent cependant que « Mme [Ac] ne démontre donc pas que la cause du contrat était d'obtenir de sa part des faveurs sexuelles et était donc illicite ». L’affirmation peut surprendre : depuis près de vingt ans, la Cour de cassation admet peu ou prou la moralité des conventions ayant pour finalité la rémunération de faveurs sexuelles [8]. Comme l’affirment justement les juges du fond, ces conventions peuvent cependant généralement être considérées comme illicites, ceci depuis que le Code pénal sanctionne « le fait de solliciter, d’accepter ou d’obtenir des relations de nature sexuelle d’une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, en échange d’une rémunération, d’une promesse de rémunération, de la fourniture d’un avantage en nature ou de la promesse d’un tel avantage » [9].

KC et DH

III. Contenu

5. Assurance des pertes d’exploitation « covid » : n’appelez pas la police au secours ! (CA Versailles, 13 avril 2023, n° 21/04969 N° Lexbase : A45179QD)

Une clause excluant la garantie du risque lié à la perte d'exploitation après fermeture administrative ne prive pas de sa substance l'obligation d'indemnisation à la charge de l'assureur, puisque les conditions et limites de garantie sont claires et sont susceptibles de donner lieu à une prise en charge effective du dommage.

Par une série de décisions retentissantes, la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation a mis fin aux espoirs de nombreux professionnels qui espéraient faire jouer leur assurance « pertes d’exploitation » et être ainsi indemnisés des conséquences sur leur chiffre d’affaires des mesures liées à la crise sanitaire et restreignant l’accueil du public [10]. La Cour régulatrice a en effet admis l’efficacité des clauses excluant la garantie dans l'hypothèse où, à « la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, fait l’objet, sur le même territoire départemental que celui de l’établissement, d’une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ». Cette position a pu étonner. L’article L. 113-1, alinéa 1er, du Code des assurances dispose que « les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police ». Or, selon la Cour régulatrice, une clause d’exclusion de garantie ne peut être formelle et limitée au sens de cette disposition si elle doit être interprétée [11]. La clause d’exclusion évoquée ci-dessus paraissait pourtant bien nécessiter une interprétation : une épidémie n’implique-t-elle pas par définition que plusieurs personnes soient touchées ? Cette clause ne vide-t-elle pas totalement la garantie de sa substance ? La Cour régulatrice ne l’a pas pensé : au contraire, selon elle, dès lors « que la garantie couvrait le risque de pertes d’exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d’une maladie contagieuse, d’un meurtre, d’un suicide, d’une épidémie ou d’une intoxication, de sorte que l’exclusion considérée, qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d’exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d’autres circonstances que celles prévues par la clause d’exclusion, n’avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance ». Le caractère systématique de la solution a pu paraître excessif. Certains ont même nourri l’espoir d’une rébellion des cours d’appel. Ils en sont pour leurs frais : les juridictions du fond se sont rendues sans résistance à la position de la Cour de cassation [12].

Le droit commun pourrait-il alors constituer une solution de repli pour les exploitants déçus par l’invocation du droit des assurances [13] ? L’article 1170 du Code civil N° Lexbase : L0876KZH répute en effet non écrites les clauses qui « prive[nt] de sa substance l’obligation essentielle du débiteur ». L’article 1171 du Code civil N° Lexbase : L1981LKL permet par ailleurs d’évincer les clauses qui créent un déséquilibre significatif, pour peu qu’elles figurent dans un contrat d’adhésion. Rendu par la cour d’appel de Versailles, l’arrêt rapporté invite cependant à ne pas nourrir trop d’espoir de ce côté.

Une brasserie avait été contrainte de fermer à plusieurs reprises durant la crise sanitaire. Elle sollicitait le jeu de la garantie « perte d’exploitation suite à fermeture administrative » stipulée dans son contrat d’assurance. L’assureur se prévalut cependant de la clause, rédigée en lettres capitales, selon laquelle étaient exclues « les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ». L’exploitant fit classiquement valoir que la clause d’exclusion manquait aux exigences de l’article L. 113-1 du Code des assurances. Il prétendit aussi, sur le fondement de l’article 1170 du Code civil, qu’elle privait de sa substance l’obligation essentielle de l’assureur, et qu’elle constituait en outre une clause abusive, au sens de l’article 1171 du même code. Cette argumentation est écartée par la cour d’appel de Versailles. Selon elle, « il doit être à nouveau rappelé que le risque assuré est celui des pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative, et non le risque de survenance d'une épidémie. À cet égard, ne doit pas seulement être envisagée la situation sanitaire créée par la Covid-19 mais aussi celle pouvant résulter de n'importe quelle épidémie. Il convient aussi tenir compte du fait que l'autorité administrative peut vouloir, dans certaines zones géographiques encore peu touchées par une maladie infectieuse, limiter, dans un département donné, les mesures de fermeture à un seul établissement pour éviter les contaminations pouvant avoir été détectées dans cet établissement (…). La garantie reste encore mobilisable lorsque l'assureur ne peut pas rapporter la preuve de la fermeture administrative d'un autre établissement dans le même département et pour la même cause. Enfin, la garantie objet du litige couvre également le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laisse dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'a pas pour effet de vider la garantie de sa substance. Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que la clause satisfait au caractère limité imposé par l'article L.113-1 du code des assurances ».

Cette position a du moins le mérite de la cohérence : il aurait été surprenant que le juge admette sur le terrain du droit commun ce qu’il refuse sur celui du droit spécial. Comme si l’article L. 113-1 du Code des assurances et les articles 1170 et 1171 du Code civil étaient fongibles, la cour d’appel ne prend pas même le temps d’évoquer la conformité de la clause à ces derniers. Les clauses d’exclusion de garantie des pertes d’exploitation paraissent décidément vaccinées contre le covid 19.

DH

6. Contrepartie convenue : la tentation du contrôle de l’équivalence et l’exécution (CA Paris, 28 septembre 2022, n° 20/13735 N° Lexbase : A14298MU (i) ; CA Paris, 6 avril 2023, n° 22/06012 N° Lexbase : A75919NH (ii))

i) Le franchisé qui conteste l’équivalence ou la valeur des prestations, sans démontrer qu’au moment de la formation du contrat de franchise la contrepartie de ses propres prestations était illusoire ou dérisoire, ne peut remettre en cause la validité du contrat 
ii) Doit être annulée la souscription d’actions d’une société, dès lors que celle-ci a cessé ses activités dès le versement de la somme correspondant à cette souscription, de sorte qu’aucune contrepartie réelle n’existait.

Si la cause a disparu avec la réforme du droit des contrats, la contrepartie convenue qui l’a remplacée chasse sur les mêmes terres [14]. Selon l’article 1169 du Code civil N° Lexbase : L0877KZI, en effet, « un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s’engage est illusoire ou dérisoire ». Cette formulation pourrait permettre un contrôle de l’équivalence des prestations et de l’économie du contrat. La suppression de la cause aurait dès lors manqué son but : n’a-t-elle pas été éradiquée parce que la jurisprudence tendait à en faire un instrument d’appréciation de l’équilibre contractuel ? On comprend dès lors la prudence dont témoignent volontiers les juges à cet égard.

Dans la première espèce présentée (CA Paris, 28 septembre 2022, n° 20/13735), un contrat de franchise avait été conclu en vue de l’ouverture d’un restaurant. Le franchisé rencontra rapidement des difficultés d’exploitation, dont il fit part au franchiseur. Après l’échec d’une procédure de conciliation, il sollicita finalement la nullité du contrat sur le fondement de l’article 1169 du Code civil N° Lexbase : L0877KZI. Il prétendait en effet n’avoir reçu aucune contrepartie en échange des sommes qu’il avaient versées, en l’absence d’existence d’un véritable réseau, d’un savoir-faire ou encore d’une assistance quelconque. La cour d’appel rejette cette argumentation, estimant que l’engagement du franchisé n’était pas dépourvu de contrepartie au jour de la conclusion du contrat. Selon elle, « l’article 1168 du Code civil dispose que dans les contrats synallagmatiques, le défaut d’équivalence des prestations n’est pas une cause de nullité du contrat  (…) l’article 1169 pose (…) un tempérament, en ce qu’un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s’engage est illusoire ou dérisoire ». En l’espèce, le franchisé « ne contest[ait] pas l’existence et la transmission d’un savoir-faire ou la réalité d’une assistance, mais remet[tait] plutôt en cause le manque de spécificité et d’originalité du savoir-faire et de l’assistance par rapport aux autres enseignes du groupe […] et le coût excessif du droit d’entrée et des frais de design. Il en résulte que si [le franchisé] contest[ait] tout au plus l’équivalence ou la valeur des prestations, [il] ne démontr[ait] pas, qu’au moment de la formation du contrat de franchise, la contrepartie de ses propres prestations […] était illusoire ou dérisoire pour remettre en cause la validité du contrat ». Cette décision tend ainsi à rejeter la nullité pour absence de contrepartie dès lors que l’obligation réciproque n’est pas dépourvue d’objet. Elle paraît ainsi en revenir au classicisme d’antan, en évitant que la contrepartie convenue ne constitue un moyen détourné d’admission du contrôle de la lésion.

Encore faut-il savoir à quel moment doit s’apprécier le caractère illusoire et dérisoire de la contrepartie convenue. L’article 1169 Code civil ne laisse a priori pas de doute, puisqu’il évoque expressément le moment de la formation du contrat. Le contrat est nul lorsque l’obligation considérée a été convenue en contrepartie d’une prestation creuse ou inexistante : c’est par exemple l’hypothèse du généalogiste qui monnaie ses services alors que la succession qu’il est censé rechercher est déjà bien établie [15]. Cette hypothèse se distingue de celle d’une inexécution pure et simple : le même généalogiste qui n’entreprend pas de recherche se rend ainsi coupable d’une inexécution, mais l’obligation de son contractant n’est pas pour autant sans contrepartie, dès lors que l’existence de la succession n’est pas certaine. Théoriquement simple, cette distinction n'est pas toujours facile à mettre en œuvre.

Dans la seconde espèce rapportée (CA Paris, 6 avril 2023, n° 22/06012), une personne avait souscrit un apport en numéraire d’un montant de 10 400 euros dans le capital d’une société spécialisée dans le conseil en management et proposant des services d'intermédiation commerciale. En contrepartie, il reçut treize actions ordinaires d'une valeur nominale de 1 euro avec une prime d'émission de 799 euros.  N'ayant plus eu ensuite de nouvelles de la société, il la mit en demeure de lui restituer le montant de l'apport. Non seulement aucune formalité de publication n’avait en effet été réalisée depuis le virement des fonds, mais la société semblait ne plus avoir d’activité : sa ligne téléphonique avait été coupée et ses comptes annuels n’avait pas été déposés. Il déposa donc plainte pour abus de confiance, assignant par ailleurs la société et son dirigeant en nullité de l’augmentation de capital. La cour d’appel de Paris accueille cette demande : « il résulte de l'article 1128 du code civil que pour être valable le contrat doit avoir un contenu licite et certain et l'article 1169 du même code précise qu'un contrat à titre onéreux est nul lorsqu'au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s'engage est illusoire ou dérisoire. En l'espèce, dès le versement par M. [V] de la somme de 10.400 € correspondant à sa souscription, la ligne téléphonique de la société [S.] a été coupée, celle-ci n'a plus eu d'activité et de surcroît aucune formalité de publication de la souscription d'actions n'a été réalisée. Il s'ensuit qu'aucune contrepartie réelle n'existait et il y a lieu, dès lors, de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité de l'augmentation de capital ». La solution est heureuse, qui aboutit à ordonner la restitution espérée. Elle est aussi bienveillante : la contrepartie convenue existait en effet bel et bien au moment de la souscription de l’apport. Elle n’a disparu que plus tard, lorsque l’activité a cessé. Bref, si la cour d’appel de Paris s’est dispensée d’un détour par la résolution, c’est sans doute – si l’on ose dire – pour les besoins de la cause.

DH et MV

IV. Exécution et inexécution

7. Un délai réduit pour réduire le prix (CA Lyon, 5 avril 2023, n° 21/01708 N° Lexbase : A69469NL)

Il résulte de l’article 1223 du Code civil que la demande de réduction du prix qui n’est pas intervenue dans les meilleurs délais doit être rejetée.

L’article 1223 du Code civil N° Lexbase : L1984LKP a ouvert les vannes de la réfaction du contrat : en cas d’exécution imparfaite, il permet au créancier de réduire le prix de manière proportionnelle. Cette prérogative est parfois redoutablement efficace. Dans le cas où il n’a pas encore payé tout ou partie de la prestation, il suffit au créancier de notifier la résolution au débiteur : il appartiendra alors à ce dernier de saisir le juge pour contester cette décision. Le juge perd ainsi un peu de son office au profit du créancier. On comprend dès lors qu’il contrôle avec rigueur la mise en œuvre de ce mécanisme, comme en témoigne cette décision rendue par la cour d’appel de Lyon le 5 avril 2023.

Un particulier avait contracté avec une société en vue de la livraison et de la mise en service d’une pompe à chaleur, pour un montant d’environ 20 000 euros : il versa un acompte de 5 770 euros. Une fois les travaux exécutés, il refusa de payer le solde, arguant d’un dysfonctionnement du matériel : il sollicita ainsi la réfaction du contrat, sur le curieux fondement des articles 1603 N° Lexbase : L1703ABP et 1615 N° Lexbase : L1715AB7 du Code civil, relatifs à l’obligation de délivrance du vendeur. S’appuyant sur l’article 12 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1127H4I, la cour d’appel de Lyon rectifie cette qualification : « en l’espèce, il appartenait donc à [Z] [N], conformément aux dispositions de l'article 1223 du Code civil, dès lors qu'il n'avait pas intégralement réglé ce qui était dû à la société SDT, de notifier à celle-ci sa décision de réduire le prix, ce dans les meilleurs délais ». Or, alors qu’il avait reçu la facture du solde restant dû assortie d’une mise en demeure, il s’était contenté d’adresser « un courrier aux termes duquel il faisait état de griefs particulièrement généraux et ne [sollicitant] aucunement une réduction du prix ». La Cour relève en outre qu’il n’avait jamais été fait état du moindre grief avant la réception de cette mise en demeure et que « ce n’est que lorsqu'il a été assigné en paiement que [Z] [N] a formalisé une demande de réfaction du contrat ». Ainsi, selon la décision rapportée, «  [Z] [N] n'a donc pas formé une demande de réduction du prix dans les meilleurs délais, conformément à ce que préconisent les dispositions de l'article 1223 du Code civil » : la demande de réfaction est rejetée.

Cette décision mérite d’être approuvée. L’avantage que confère la prérogative de réduction du prix justifie un peu de considération pour l’autre partie. Tant que la notification n’est pas intervenue, le défaut de paiement peut passer pour un simple retard : une information « dans les meilleurs délais » est nécessaire pour le cocontractant impayé puisse s’organiser, éventuellement sur le terrain judiciaire. On comprend donc que les juges vérifient scrupuleusement la diligence du créancier, comme y invite l’article 1223 du Code civil. Certes, la notion de « meilleurs délais » doit être appréciée au cas par cas : elle varie nécessairement avec le contrat et les circonstances. À cet égard, l’arrêt rapporté peut d’ailleurs paraître sévère, puisqu’il invite le créancier à ne pas attendre qu’on lui réclame paiement. En évoquant les « meilleurs délais » plutôt qu’un « délai raisonnable », le texte invite cependant à une telle rigueur. Une célérité particulière du créancier est ainsi attendue, et cette exigence se comprend aisément : au-delà d’une volonté de trancher rapidement le sort du contrat, ce sont les droits de la défense eux-mêmes qui sont finalement en cause.

DH

8. L’article 1223 et les « loyers covid » (CA Paris, 23 juin 2022, n° 21/19784 N° Lexbase : A642978M)

L'article 1223 du Code civil n’est pas applicable dès lors qu’il n’est pas établi que le cocontractant a manqué à ses obligations.

Les preneurs de baux commerciaux ayant subi les conséquences de la crise sanitaire n’ont pour l’instant pas réussi à convaincre la Cour de cassation de ce qu’ils étaient fondés à solliciter une suspension ou une réduction de loyer. L’efficacité de la réduction unilatérale du prix n’a cependant pas encore été éprouvée devant la Cour régulatrice. Il est vrai que cette voie semble pour l’instant peu prisée. On peut penser que cet arrêt rendu par la cour d’appel de Paris n’encouragera pas à la suivre.

Pour écarter l’application de l’article 1223 du Code civil N° Lexbase : L1984LKP, cet arrêt relève ainsi que le bailleur avait « continué à mettre les locaux loués à disposition de la société [preneuse], laquelle n’invoqu[ait] aucun manquement de sa part à ses obligations de mise à disposition des locaux et équipements, de travaux, d’entretien ou de paiement des charges de copropriété, les mesures législatives et réglementaires de lutte contre l’épidémie de Covid-19, n’étant pas le fait de la bailleresse ». Dès lors, puisqu’il n’était « pas justifié en l’espèce du respect des conditions de mise en œuvre de ce texte et qu’il résult[ait] des développements qui précèdent que le bailleur n’a pas manqué à ses obligations, la demande de réduction du loyer se heurt[ait] à contestation sérieuse et en tout état de cause, tant dans son principe que dans son quantum, la demande de réduction du loyer échapp[ait] aux pouvoirs du juge des référés, juge de l’évidence ».  

Sans s’y attarder, on relève que cette décision ne s’appuie pas sur la rédaction de l’article 1223 applicable aux faits de  l’espèce. Le contrat ayant été conclu en juin 2018, c’est la version issue de l’ordonnance qui aurait dû être mise en œuvre, et non pas la rédaction actuelle, qui résulte de la loi de ratification [16]. L’essentiel est cependant ailleurs. En premier lieu, il est expressément affirmé que  la réduction du prix échappe au pouvoir du juge des référés, ce qui n’étonne évidemment pas. En second lieu, cette décision tend à condamner la voie de l’article 1223 pour obtenir une quelconque réduction du loyer au titre de l’impossibilité d’accueillir du public, puisqu’elle en écarte l’application au motif que le bailleur n’a pas manqué à son obligation. Dès lors que la jurisprudence considère que l’interdiction de recevoir du public n’est pas imputable au bailleur [17], on ne voit pas comment le preneur pourrait démontrer qu’il a manqué à son obligation. Peut-être cette lecture de l’article 1223 du Code civil est-elle cependant exagérément restrictive : à la lettre, la notion « d’exécution imparfaite de la prestation » ne suppose pas qu’elle soit imputable au débiteur. Encore faudrait-il, pour qu’elle se lance dans une interprétation plus accorte de cette disposition, que la jurisprudence renonce à une politique juridique particulièrement défavorable aux preneurs en cette matière…

DH et MV

V. Extinction

9. La renonciation à la résolution doit (aussi) être expresse (CA Rennes, 18 avril 2023, n° 21/01018 N° Lexbase : A68439QI)

L’existence de négociations postérieures à la résolution unilatérale du contrat ne suffit pas à démontrer la renonciation à ladite résolution.

Organisée par l’article 1226 du Code civil N° Lexbase : L0937KZQ, la résolution unilatérale présente l’avantage de dispenser le créancier de l’obligation inexécutée d’un recours au juge. Elle opère en effet par simple notification, à charge pour le débiteur de saisir le juge pour la contester. Cette prérogative constitue ainsi un moyen de pression efficace entre les mains du créancier : l’immédiateté de ses effets permet une sortie rapide du contrat inexécuté. Elle peut aussi être utilisée comme un moyen de pression pour obtenir l’exécution du contrat résolu. Il arrive en effet que le créancier qui a mis fin à la convention poursuive malgré tout ses relations avec le débiteur, dans l’espoir que cette « sanction préventive » l’incitera finalement à s’exécuter. Ici comme ailleurs, le créancier agit cependant à ses risques et périls. Le débiteur peut en effet parfois être tenté de soutenir que le créancier a renoncé à la résolution unilatérale : telle était précisément l’hypothèse, dans cet arrêt rendu par la cour d’appel de Rennes le 18 avril 2023.

Dans le courant du mois de février 2018, une société spécialisée dans l’achat, la revente et la transformation de bois et de panneaux avait contracté avec un professionnel afin de s'approvisionner en bois d’ossature. Elle passa commande pour un montant total d’environ 14 000 euros, réglant immédiatement un acompte de plus de 8 000 euros. Prévues pour intervenir dans un délai de « 4 semaines maxi », les commandes ne furent pas livrées en temps et heure. En février 2019, n’ayant toujours rien vu venir malgré des promesses réitérées, la société mit son contractant en demeure de la livrer. Sans réponse, elle adressa deux autres mises en demeure. Le professionnel promit alors à nouveau la livraison, mais son engagement resta encore sans suite.  La société menaça alors d’agir judiciairement. Son contractant lui promit alors une livraison sous dizaine : elle n’arriva pas. Le 1er août, la société mit encore son contractant en demeure, invoquant expressément l’article 1226 : en l’absence de réponse, elle notifia la résolution le 26 août 2019. Devant l’inertie de son contractant, et ne pouvant se dispenser de recourir au juge pour obtenir remboursement des sommes versées, elle l’assigna par ailleurs en restitution, par acte du 20 novembre 2019. Son contractant prétendit alors que la société avait renoncé à agir en résolution : une livraison – partielle – était en effet finalement intervenue le 23 janvier 2020, c’est-à-dire deux mois après l’assignation. Cette argumentation est écartée par la cour d’appel de Rennes : « la société L. a respecté les termes des conditions visées par les dispositions de l'article 1226 du code civil. Au regard de l'échec des négociations, elle n'a pas renoncé à la résolution de la commande ». Cette décision ne peut qu’être approuvée. La renonciation ne se présume pas et doit être expresse : considérant les faits de l’espèce, on comprend que les juges ne se soient pas contentés de l’acceptation d’une livraison partielle commandée plus d’un an auparavant. Reste qu’il vaut mieux conseiller aux créanciers de dissiper autant que possible toute ambiguïté : il se pourrait sinon que leur tolérance se retourne finalement contre eux-mêmes.

DH

 

[1] Depuis la réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, portée par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, le nouvel article 1100-1 du Code civil N° Lexbase : L0591KZW dispose en effet que les actes juridiques peuvent être « conventionnels ou unilatéraux ».

[2] V. not. Cass. civ. 1, 10 octobre 1995, n° 93-20.300 N° Lexbase : A6097ABG, D., 1996, somm., p. 120, obs. R. Libchaber, D., 1997, p. 155 note G. Pignarre ; Adde N. Molfessis, Lobligation naturelle devant la Cour de cassation, D., 1997, chron., p. 85.

[3] Comp. admettant un engagement unilatéral de volonté à partir d’un simple SMS, CA Douai, ch. 2, sect. 2, 20 janvier 2022, n° 20/04441 N° Lexbase : A10827KB, Gaz. Pal. 2022, n° 16, p. 3, obs. D. Houtcieff.

[4] V. par ex., Cass. com., 13 décembre 1994, n° 92-20.806 N° Lexbase : A8368CSQ : « l’exagération commise dans la description publicitaire ne dépassait pas ce qui est habituel dans les pratiques commerciales, et qu’elle ne portait pas sur la substance même de la chose ».

[5] V. Cass. com,14 novembre 2019, n° 18-16.807, RTD com., 2020, p. 193, obs. B. Bouloc, JCP G, 2020, doctr. 210, obs. D. Houtcieff  ; Cass. 1re civ., 6 mai 2010, n° 08-14.461, Gaz. Pal., 5 août 2010, n° 217, pp. 18 et s., obs. D. Houtcieff  ; Cass. com,17 juin 1997, n° 95-11.164, Bull., I, n° 195, D., 1998, jur., p. 248, note G. Pignarre et G. Paisant. Adde Montpellier, 2 juin 2021, n° 18/05735.

[6] Cass. civ. 2, 9 décembre 2021, n° 20-10.096, F-P+B N° Lexbase : A48147EZ, JCP G, 2022, doctr. 257, n° 2, obs. G. Loiseau, Dalloz actualité, 13 décembre 2021, obs. C. Hélaine, RDC, 2022/1, p. 9, note M. Latina, Gaz. Pal.2022, n° GPL435s9, obs. D. Houtcieff, D., 2022, p. 384, note G. Chantepie, D., 2022, p. 310, obs. M. Mekki, RTD civ., 2022, p. 121, obs. H. Barbier.

[7] Ceci d’autant que l’article 1143 du Code civil N° Lexbase : L1977LKG fait désormais expressément référence à l’abus de dépendance.

[8] Voy. not. Ass. plén., 29 octobre 2004, n° 03-11.238 N° Lexbase : A7802DDC ; JCP G, 2005, II, 10011, note F. Chabas ; D., 2004, p. 3175, note D. Vigneau ; P. Malaurie, Les voyous du sexe et la Cour de cassation : le vieux polisson pigeonné, RDC, 2005, p. 1278.

[9] C. pén., art. 611-1 N° Lexbase : L6968K79.

[10] Cass. civ. 2, 1er décembre 2022, trois arrêts, n° 21-19.341 N° Lexbase : A45408W3, n° 21-19.342 N° Lexbase : A54888W8, n° 21-19.343 N° Lexbase : A54858W3, FS-BR, Dalloz actualité, 16 décembre 2022, obs. S. Porcher, BJDA 2022, comm. 5, P.-G. Marly, JCP E 2023, 1020, note A. Touzain, GPL 28 mars 2023, n° GPL447q5, note P. Giraudel, GPL 9 mai 2023, n° GPL448u5, obs. D. Houtcieff, RDC 2023, note F. Leduc.

[11] Cass. civ. 1, 22 mai 2001, n° 99-10849, publié au bulletin N° Lexbase : A5004ATI , D., 2001, p. 2776, note B. Beignier.

[12] Voy. Par ex. CA Poitiers, 2 mai 2023, deux arrêts, n° 22/01950 N° Lexbase : A13829TD et n° 22/01952 N° Lexbase : A12639TX ; CA Montpellier, 25 avril 2023, trois arrêts, n° 21/01972 N° Lexbase : A37099S8, n° 21/02452 N° Lexbase : A36469ST, n° 21/03974 N° Lexbase : A37419SD ; CA Versailles, 13 avril 2023, deux arrêts, n° 21/04969 N° Lexbase : A45179QD, n° 21/04970 N° Lexbase : A54749QS ; CA Montpellier , 4 avril 2023, n° 21/04406 N° Lexbase : A47829NG ; CA Pau, 30 mars 2023, n° 21/01898 N° Lexbase : A45939M3 ; CA Angers, 28 mars 2023, n° 21/02415 N° Lexbase : A98399LY ; CA Nancy, 22 mars 2023, deux arrêts, n° 22/00186 N° Lexbase : A93529KL et n° 22/00187 N° Lexbase : A78179P9 ; CA Rennes, 15 mars 2023, quatre arrêts, n° 21/04551 N° Lexbase : A81079I4, n° 21/02869 N° Lexbase : A81599IZ, n° 21/02616 N° Lexbase : A83959IR, n° 21/02617 N° Lexbase : A87599IA ; CA Versailles, 9 mars 2023, n° 21/03325 N° Lexbase : A56679HD ; CA Versailles, 26 janvier 2023, n° 21/03302 N° Lexbase : A61879AE ; CA Versailles, 19 janvier 2023, n° 21/02937 N° Lexbase : A6488898 ; CA Montpellier, 21 février 2023, deux arrêts, n° 21/00774 N° Lexbase : A63519EX, n° 21/03966 N° Lexbase : A64259EP ; CA Besançon, 7 février 2023, trois arrêts, n° 21/00408 N° Lexbase : A95099C8, n° 21/00410 N° Lexbase : A95029CW, n° 21/00409 N° Lexbase : A95369C8 ; CA Besançon, 21 février 2023, n° 21/01631 N° Lexbase : A66289E9 (cette décision s’appuie expressément sur les arrêts rendus par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation) ; CA Paris, 4, 8, 18 janvier 2023, n° 21/13372 N° Lexbase : A4572899 ; CA Grenoble, 12 janvier 2023, n° 21/04157 N° Lexbase : A601988G ; CA Dijon, 13 décembre 2022, n° 21/01560 N° Lexbase : A87668ZP. À notre connaissance, une seule décision contraire à la position de la Cour régulatrice a été rendue au jour où nous écrivons ces lignes : CA Nîmes, 7 décembre 2022, n° 22/01236 N° Lexbase : A28458ZE. Cet arrêt a néanmoins été rendu si peu de temps après ceux de la deuxième chambre civile que sa portée en est incertaine.

[13] La deuxième chambre civile a admis qu’un assureur « ne saurait faire grief à la cour d'appel d'avoir retenu que la clause d'exclusion devait être réputée non écrite sur le fondement de l'article 1170 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige, dès lors qu'elle a également jugé que la clause d'exclusion litigieuse ne satisfaisait pas aux conditions de l'article L. 113-1 du code des assurances prévoyant que les exclusions de garantie doivent être formelles et limitées » (Cass. civ. 2, 1er décembre 2022, n° 21-19.342, préc.).

[14] Voy. par ex. CA Douai, 26 janvier 2023, n° 21/00449 N° Lexbase : A32499BX : « aux termes de l’article 1169 du code civil, un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s’engage est illusoire ou dérisoire. La cause d’un contrat ou d’une obligation est donc la contrepartie attendue par celui qui s’engage, en échange de sa propre obligation, étant précisé que cette notion ayant été modifiée par l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations, c’est désormais une conception objective de la cause qui est retenue et non plus une conception subjective au sens de mobile déterminant en l’absence duquel l’acquéreur ne se serait pas engagé ».

[15] Cass. civ. 1, 18 avril 1953, n° 53-06.152 N° Lexbase : A9836CHR : la nullité est prononcée dès lors que le généalogiste « n’avait rendu à [sa contractante] aucun service et qu’il n’avait couru aucun aléa [et] que l’existence de la succession devait normalement parvenir à la connaissance de l’héritière sans l’intervention du généalogiste ».

[16] La modification introduite par la loi de ratification n’est en effet entrée en vigueur qu’au 1er octobre 2018 : loi n° 2018-287 du 20 avril 2018 ratifiant l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations N° Lexbase : L0250LKH, art. 16. I.

[17] Cass. civ. 3, 30 juin 2022, trois arrêts, n° 21-20.127, FS-B N° Lexbase : A858778K (1re esp.), n° 21-20.190, FS-B N° Lexbase : A859678U (2e esp.), et n° 21-19.889, FS-D N° Lexbase : A194279S, (3e esp), Dalloz actualité, 4 juillet 2022, P. Gaïardo, D. 2022, p. 1445, note D. Houtcieff, D. 2022, p. 1398, point de vue S. Tisseyre, AJDI 2022. 605, obs. J.-P. Blatter, JT 2022, n° 255, p. 11, obs. X. Delpech, RTD com. 2022. 435, étude F. Kenderian, RTD civ. 2022, p.887 obs. H. Barbier, RTD civ. 2022, p. 912, obs. P.-Y. Gautier.

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Droits d'enregistrement

[Focus] Enregistrement en ligne des déclaration de cessions de droits sociaux non constatées dans un acte

Lecture: 6 min

N5426BZY

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par Adèle Chikouche, Avocate

Le 17 Mai 2023

Mots-clés : cessions de droits sociaux • particuliers • professionnels • notaire • télédéclaration

Les cessions de droits sociaux non constatées par un acte concernant les professionnels peuvent dorénavant faire l’objet d’une déclaration en ligne.

Toutefois, ce service de déclaration en ligne était exclusivement réservé aux particuliers.

L’ouverture aux professionnels du service de déclaration en ligne des cessions de droits sociaux non constatées par un acte était initialement prévue pour septembre 2022.

Finalement, et depuis février 2023, cette possibilité étendue de télédéclaration est dorénavant effective.


 

► Seules les cessions non constatées par un acte sont visées par le dispositif

L’absence de constatation de la cession dans un acte s’entend comme l’absence d’écrit devant un notaire ou d’acte conclu sous signature privée.

Les cessions constatées par écrit ne sont pas éligibles aux déclarations via le service en ligne et devront continuer à faire l’objet d’une déclaration au service de l’enregistrement territorialement compétent.

► Quelles cessions sont concernées par cette télédéclaration ?

  • Les cessions d’actions ou titres assimilés de sociétés par actions, de société par actions simplifiées, de sociétés en commandite par actions ou d’établissement de crédits mutualistes ;
  • Les cessions de parts sociales dans les sociétés dont le capital n’est pas divisé en actions telles que les sociétés à responsabilité limitée, les entreprises unipersonnelles à responsabilité limitée, les sociétés en nom collectif, les sociétés en commandite simple, les sociétés en participation, les sociétés civiles
  • Les cessions non constatées par un acte de parts ou d’actions de sociétés non cotées sur un marché réglementé
  • Les cessions de participations dans des personnes morales à prépondérance immobilière.

Comment entendre la notion de prépondérance immobilière ?

Sont considérées comme sociétés à prépondérance immobilière les sociétés dont l'actif est, à la clôture des trois exercices qui précèdent la cession, constitué pour plus de 50 % de sa valeur réelle par des immeubles ou des droits portant sur des immeubles, non affectés par ces sociétés à leur propre exploitation industrielle, commerciale, agricole ou à l'exercice d'une profession non commerciale.

La proportion de 50 % précitée s’apprécie en fonction de la valeur brute réelle des éléments d’actif, au jour de la cession, ou à tout moment au cours de l’année précédent la cession des participations en cause.

► L’exclusion du dispositif de télédéclaration pour certaines cessions

Il apparait toutefois que certaines cessions sont expressément exclues du dispositif de déclaration en ligne, notamment ;

  • les cessions de parts de sociétés civiles de moyens,
  • les cessions à terme de droits sociaux,
  • les cessions de parts de société ou groupement civil, agricole, foncier, rural, forestier,
  • les cessions de parts ou actions d’organisme de placement collectif immobilier,
  • les cessions de droits sociaux représentatifs d’apports en nature pour les sociétés de personnes.

Pour ces cessions, le dépôt du formulaire cerfa 2759 [en ligne] à adresser au service chargé de l’enregistrement sera requis. 

► Dans quel délai effectuer la télédéclaration ?

Conformément à l’article 639 du Code général des impôts N° Lexbase : L2512IBN, la déclaration devra être effectuée dans le mois de la date de cession.

En cas de manquement, des pénalités sont encourues.

► Qui est l’auteur de la télédéclaration ?

La déclaration doit être effectuée par le cédant ou le cessionnaire, qu’il soit particulier ou professionnel. Pour ce faire, l’usager déclarant devra effectuer sa déclaration en ligne via son espace Particulier ou Professionnel via le site « impots.gouv.fr ».

S’il existe plusieurs cédants ou cessionnaires pour une même cession de droits sociaux non constatée par un acte, la déclaration en ligne ne peut être effectuée que par un cédant ou un cessionnaire à la fois.

Dès lors, la pluralité de cédants ou de cessionnaires requiert une pluralité de déclarations en ligne, en répartissant les droits objets de la cession en fonction de la participation de chacun à l’acquisition ou à la cession.

Si le déclarant est un professionnel qui représente une entreprise ou qui intervient pour le compte de plusieurs entreprises, il lui serait demandé de créer et activé un espace en « mode expert », avant d’adhérer au service de cession de droits sociaux et d’activer ce service.

► Quel est le montant des droits d’enregistrement dû ?

La nature des droits cédés affecte le montant des droits d’enregistrement dû.

Il convient ainsi de distinguer plusieurs hypothèses.

  • Pour les cessions de parts sociales dans les personnes morales dont le capital n’est pas divisé en actions ; repris à l’article 719 du Code général des impôts N° Lexbase : L2521IBY, les droits d’enregistrement sont de 3 % sur la fraction du prix comprise entre 23 000 euros et 200 000 euros. Au-delà, les droits sont fixés à 5 %.
  • Pour les cessions d’actions, de parts de fondateur, de parts bénéficiaires des sociétés par actions, le droit d’enregistrement dû est de 0.1 %.
  • Pour les cessions de participations dans des personnes morales à prépondérance immobilière, le droit d’enregistrement est de 5 %.

Sont prévus par le service de télédéclaration, les dispositifs particuliers d’exonération existants, notamment ;

  • l’exonération pour les acquisitions de droits sociaux effectuées par une société créée en vue de racheter une autre société ;
  • l’exonération pour acquisitions de droits sociaux de sociétés placées sous procédure de sauvegarde ou en redressement judiciaire.

► Attention particulière en cas d’acquisition ou cession de titres en usufruit

L’usufruitier de droits sociaux ne dispose pas de la qualité d’associé. En effet, l’usufruitier de parts sociales ne peut se voir attribuer la qualité d’associé, celle-ci appartenant exclusivement au nu-propriétaire. L’usufruitier dispose du droit d’usage et du droit de percevoir les revenus tirés de ces titres.

Par un arrêt du 30 novembre 2022 (Cass. com., 30 novembre 2022, n° 20-18.884, FS-B N° Lexbase : A45488WD), la Chambre commerciale de la Cour de cassation a affirmé que la cession de l’usufruit de droits sociaux ne peut être qualifiée de cession de droits sociaux.

Lire en ce sens, J. Bissardon, La cession d’usufruit de droits sociaux relève du seul droit fixe d’enregistrement de 125 euros, Lexbase Fiscal, février 2023, n° 933 N° Lexbase : N4171BZI.

Il en découle qu’aucune mutation de propriété n’est opérée lors d’un transfert de titres en usufruit.

Cela justifie l’absence de soumission aux droits d’enregistrement applicables aux cessions de droits sociaux, conformément à l’article 726 I 2° du Code général des impôts N° Lexbase : L4144MGL.

Sur ce point, pour le moment, l’administration fiscale invite l’usager, exonéré de droits d’enregistrement mais non pas de déclaration, dans le cadre d’une cession de l’usufruit de droits sociaux, à réaliser sa déclaration cerfa 2759 auprès du service en charge de l’enregistrement compétent.

► Vers une télédéclaration obligatoire ?

La déclaration en ligne relative aux cessions de droits sociaux non constatées par un acte est pour le moment facultative. Dès lors, les déclarants peuvent encore procéder via le formulaire cerfa n° 2759 à adresser au service de l’enregistrement territorialement compétent.

Toutefois, ces déclarations devront obligatoirement être adressées par voie électronique, à compter du 1er juillet 2025.

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Droit public éco.

[Chronique] Chronique du secteur public (octobre 2022 – février 2023)

Lecture: 16 min

N5375BZ4

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par Pierre Levallois, Maître de conférences à l’Université de Lorraine – IRENEE (EA 7303)

Le 17 Mai 2023

La consistance du secteur public n’a, à nouveau, pas connu de bouleversement majeur depuis notre dernière chronique N° Lexbase : N3461BZ9. Quelques mouvements sont évidemment à signaler, mais l’actualité majeure reste liée à l’avenir d’EDF, dont les opérations devant conduire à sa « renationalisation » arrivent à leur terme, en dépit de certaines résistances opposées à la réalisation du projet.

Sommaire

I. Cessions

II. Gestion des participations

III. Secteur public local


I. Cessions

Au rayon des cessions, on relève cinq opérations majeures, dont quatre ont donné lieu à un avis de la Commission des participations et des transferts.

La première concerne une seule action – mais une action de préférence – détenue par l’État au sein du capital de la société Airbus DS Geo SA. Cette dernière est spécialisée dans les services d’imagerie satellites multi-sources et multi-résolutions. Elle est détenue en totalité par la société Airbus Defence and Space SAS, à l’exception de l’action de préférence que l’État s’était réservée lors de la revente de la société Airbus DS Geo afin de protéger ses intérêts stratégiques. Mais cette détention d’une seule action de la société par l’État faisait toutefois obstacle au projet de fusion-absorption de la société dans la société Airbus Defence and Space SAS. C’est donc cette opération interne au groupe que la cession vise à permettre. Quant aux droits particuliers qui étaient reconnus à l’État via cette action de préférence, ils seront conservés, mutatis mutandis, par leur inscription dans une convention auxquels l’État et Airbus Defence and Space SAS sont notamment parties. L’opération ayant reçu un avis favorable de la part de la Commission des participations et des transferts [1], elle a été autorisée, pour un prix de 1008 euros [2].

La deuxième opération est d’une envergure bien plus importante. Il s’agit de la vente au secteur privé par EDF Trading Holdings LLC, elle-même filiale indirecte à 100 % d’EDF, de l’intégralité du capital d’EDF Energy Services LLC. Cette société est immatriculée au Delaware et son siège se trouve à Houston (Texas). Elle exerce une activité de vente de produits et de services d’électricité et de gaz naturel aux États‑Unis. Il s’agit de l’un des leaders du marché dans ce pays, fort d’un EBITDA de 109 milliards de dollars américains pour l’exercice 2021. Cette cession n’est donc pas liée à la situation financière d’EDF Energy Services LLC – laquelle se porte comme un charme – mais elle s’explique par la trajectoire financière très délicate du groupe EDF dans son ensemble. Elle s’inscrit ainsi dans un plan de cessions d’actifs destiné à (modestement) compenser les pertes majeures subies récemment par le groupe (voir infra). La Commission des participations et des transferts a autorisé la cession de cette entreprise à la société BP Energy Retail LLC, en estimant que ses fonds propres ne pouvaient être évalués à une valeur inférieure à 410 millions de dollars américains [3]. L’opération a, par la suite, été autorisée par un arrêté du 29 novembre 2022 [4].

La troisième opération concerne le transfert au secteur privé de la société CNP Partners, cédée par CNP Assurances SA et CNP Caution SA à Mediterráneo Vida. CNP Partners est une société de droit espagnol spécialisée dans l’assurance et dans la réassurance ; CNP Assurances SA en détenait 99,5 % et CNP Caution SA 0,5 % du capital. La Commission des participations et des transferts a évalué ses fonds propres à hauteur de 110 millions d’euros minimum et a émis un avis favorable à l’opération [5]. Cette dernière a été entérinée par un arrêté du ministre de l’Économie et des Finances pour un montant de 128 millions d’euros [6].

La quatrième opération entre à nouveau dans le plan de cession d’actifs engagé par le groupe EDF. Il s’agit de la cession au secteur privé de la société Suir Engineering Ltd. Elle était auparavant détenue par la société ESSCI Ireland Limited, filiale indirecte à 100% d’EDF Energy Services Ltd, elle-même filiale indirecte à 100% d’EDF. Suir Engineering est une société de droit irlandais spécialisée dans des activités d’ingénierie mécanique et électrique, active pour l’essentiel dans les secteurs des data centers, de l’industrie pharmaceutique et dans la production renouvelable d’énergie électrique. Les fonds propres de l’entreprise ont été évalués à 72 millions d’euros minimum par la Commission des participations et des transferts [7] et l’opération a été autorisée pour un montant de 73,8 millions d’euros [8].

Signalons enfin une cinquième opération, par laquelle GIAT industries a cédé sa participation au capital de la société SNPE à l’État. Il s’agit donc d’un accord intéressant, parce qu’interne au secteur public, qui représente à la fois une cession du point de vue de l’entreprise publique et une acquisition de la part de l’État actionnaire. Stratégique au plus haut point depuis qu’a éclaté la guerre en Ukraine, la SNPE (pour Société Nationale des Poudres et Explosifs) quitte donc le giron de la co‑entreprise publique franco-allemande KNDS pour intégrer directement le portefeuille de l’État actionnaire. C’est l’intégralité du capital de la SNPE qui est cédé à l’État, soit 8 789 171 actions, pour un montant total de 417 millions d’euros environ [9].

II. Gestion des participations

Alors que l’exercice 2022 a tout de l’annus horribilis pour EDF, laquelle vient d’enregistrer les pires pertes de son histoire [10], la période couverte par cette chronique porte « en même temps » l’espoir d’un renouveau pour l’électricien. En effet, les mécanismes de libéralisation, qui régissent le marché de l’électricité en sa défaveur, sont de plus en plus critiqués [11]. Et le retour de l’entreprise dans le giron de l’État se poursuit, en dépit de quelques soubresauts.

La précédente chronique avait couvert la période correspondant à la planification du retour à un capital 100 % public, soit un rachat des actions de l’entreprise détenues par le secteur privé (environ 15 % du capital social). Cette livraison permet de faire le point sur les opérations intervenues depuis lors. Ces dernières, initiées le 24 novembre 2022, ont pris davantage de temps que prévu initialement, en raison notamment de la résistance au projet de l’État opposée par les salariés de l’entreprise, lesquels goûtent peu la perspective du rachat de leurs actions par l’État… Acquises voilà quinze ans au prix d’une trentaine d’euros l’action, les salariés du groupe seraient forcés de les revendre au prix unitaire de 12 euros… C’est cela qui explique le dépôt, par ces derniers, d’un recours devant les juridictions judiciaires afin de faire obstacle au projet de « renationalisation » [12]. Initié le 7 novembre 2022, ce nouveau front judiciaire de la procédure devrait se conclure par une décision de la Cour d’appel de Paris attendue pour le début du mois de mai. Quelle qu’en soit l’issue, elle aura au moins eu le mérite, pour les opposants au rachat des actions par l’État, d’en retarder le processus. Car comme l’a indiqué l’Agence des participations de l’État dans un communiqué du 8 février 2023, le rachat des actions restantes d’EDF par les mécanismes de marché (OPA) s’est terminé lorsque l’État a atteint le seuil de 95,82 % du capital social. Il ne reste plus à la puissance publique qu’à mettre en œuvre le mécanisme de retrait obligatoire (CMF, art. L. 433-4,II-1 N° Lexbase : L5941LQ4) pour atteindre les 100 %. L’État actionnaire s’est toutefois engagé à patienter jusqu’à l’intervention de l’arrêt de la cour d’appel de Paris avant d’y procéder [13]. De ce point de vue, l’affaire est donc toujours en suspens.

En plus de cette contestation organisée par les salariés actionnaires de l’entreprise, l’opposition parlementaire a mené sa propre fronde. Car en parallèle de l’OPA menée par le Gouvernement, une proposition de loi portée par le Parti socialiste visant à la nationalisation du groupe Électricité de France a ainsi été adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale le 9 février 2023, avec l’appui des groupes de la NUPES, LR, et RN. Si son article 1er annonçait (dans la version adoptée par les députés) que « La société Électricité de France est nationalisée », cette formule, dont les effets sur la procédure gouvernementale parallèle sont probablement nuls [14], a disparu du texte après son passage au Sénat. La Chambre haute a en effet concentré ses efforts sur les articles suivants, lesquels visent à sanctuariser l’organisation du groupe EDF et à prévenir toute tentative – herculéenne – de démembrement. D’où le nouveau titre de la proposition de loi, laquelle vise désormais à protéger le groupe Électricité de France d’un démembrement. En l’état actuel des discussions (deuxième lecture à l’Assemblée nationale, version adoptée par la commission), toute référence à la nationalisation de l’entreprise a, semble-t-il, définitivement disparu.

Si ces intermèdes devraient connaître leur épilogue sous peu, ils ont surtout eu pour inconvénient de masquer les principaux défis auxquels doit faire face l’entreprise publique dans un avenir proche : celui de son financement dans un contexte très défavorable [15], celui de son organisation interne, ainsi que l’avenir incertain des concessions hydroélectriques [16].

Au-delà du cas particulier d’EDF, relevons encore deux augmentations de capital consenties à des entreprises publiques. La première a été accordée par GIAT Industries à la Société nationale des poudres et explosifs avant que cette dernière ne soit cédée à l’État (voir supra). L’opération, qui s’élève à 50 millions d'euros environ, a été décidée par un arrêté du 28 octobre 2022 [17].

La seconde augmentation de capital dont il faut rendre compte a été consentie par la RATP à la société RATP Cap Île-de-France, l’une de ses filiales destinée à répondre aux appels d’offres dans le cadre de l’ouverture à la concurrence des transports publics opérés par Île-de-France Mobilités. Cette opération s’élève, elle aussi, à un montant de 50 millions d’euros environ [18].

Focus : le sauvetage d’ORPEA par la Caisse des dépôts et consignations

Le 24 janvier 2022, la publication du livre « Les fossoyeurs » [19] aura eu des conséquences dramatiques sur la situation économique d’ORPEA. Groupe privé fondé en 1989, ce dernier, spécialisé dans le grand âge, est gestionnaire d’une chaîne d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, de maisons de retraite, de cliniques de soins et de services à la personne sous la forme d’aide à domicile. Il emploie quelque 72 000 personnes au sein de plus de 1000 établissements de par le monde. Au début de l’année 2022, les révélations journalistiques avaient mis la lumière sur des malversations financières ainsi que sur un système de maltraitance dans les EHPAD, lequel s’expliquait par « une obsession de la rentabilité » [20]. Sitôt la parution du livre d’enquête, le titre du groupe connut une chute brutale en bourse, ce qui conduisit rapidement à une suspension de sa cotation. S’en suivit le dépôt de dizaines de plaintes, un changement de direction, ainsi qu’une enquête de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale des finances livrant des conclusions au vitriol [21]. Devant ce marasme, la ministre chargée de l’Autonomie déclarait demander au groupe le remboursement de subventions publiques ayant été détournées de leur affectation annoncée ; au mois de novembre 2022, ORPEA consentait ainsi à rembourser 55,8 millions d’euros à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.

Mais ses déboires étaient loin d’être terminés : débitrice d’un endettement colossal (évalué à près de 9,5 milliards d’euros), l’entreprise se plaça sous protection du tribunal de commerce au mois d’octobre 2022. C’est alors que débutèrent des négociations entre l’État, désireux de prendre le contrôle d’ORPEA afin de préserver et de transformer le groupe, et la file de ses créanciers, inquiets du remboursement de leurs créances.

L’opération visant à prendre le contrôle d’ORPEA est finalement menée par la Caisse des dépôts et consignations et, dès le mois de novembre 2022, la presse générale relate l’intérêt du groupe public pour l’opérateur [22]. Cet intérêt s’explique par la part de marché importante du secteur privé dans un secteur jugé trop stratégique pour le laisser vaciller (le secteur privé assumant quelque 25 % des lits d’EHPAD). De son côté, la Caisse des dépôts assure que « cet investissement s’inscrit dans sa politique en faveur du grand âge et de la santé » [23] et que l’État actionnaire ne lui a pas forcé la main sur ce dossier [24].

À ce stade, la principale mission de la nouvelle direction d’ORPEA était de convaincre ses créanciers de la nécessité d’adopter un plan de restructuration, car l’entreprise était alors incapable de faire face à ses obligations financières. Le groupe prévoyait qu’au moins 20 % de son capital soit, à terme, détenu par des investisseurs institutionnels, sous la houlette du groupe CDC. Quant à cette dernière, elle posait deux conditions à la reprise : changer les pratiques internes, et assainir les finances du groupe [25]. Or, cette dernière condition, qui passait par la fin de la pratique des marges excessives (supposées passer de 26 à 20 %), enterrait définitivement les espoirs de certains créanciers de récupérer l’intégralité de leur investissement.

Plusieurs mois plus tard, les négociations ont en réalité débouché sur une prise de contrôle nettement plus massive d’ORPEA par le pool d’investisseurs mené par la Caisse des dépôts et composé de sa filiale, CNP, ainsi que de mutualistes, la Maif et la MASCF. Ceux-ci vont détenir à terme 50,2 % du capital, leur garantissant 7 administrateurs sur 13 membres du conseil d’administration. Par cette opération, ORPEA devrait réduire son endettement de 60 %, lequel ne pèsera plus « que » 6,5 fois son résultat annuel [26]. Les principaux créanciers non sécurisés (1,8 milliard d’euros), qui avaient soutenu ORPEA dans sa volonté de s’étendre à l’international, ne récupèreront finalement que 30 % de leurs créances.

Le 24 mars 2023, ORPEA annonçait par voie de communiqué de presse franchir « une nouvelle étape de sa restructuration financière » par l’ouverture d’une procédure de sauvegarde accélérée [27]. La société et ses principaux partenaires bancaires ont en effet conclu un accord, le 17 mars 2023, prévoyant les conditions d’un financement complémentaire à hauteur de 600 millions d’euros. Le montage le plus important reposera néanmoins sur des augmentations de capital. Concrètement, ce sont près de 3,8 milliards d’euros de dette non sécurisée qui seront convertis en participations au capital, quand le Groupement dirigé par la Caisse des dépôts injectera 1,55 milliard d’euros de capital supplémentaire. En parallèle, des accords seront trouvés avec les autres créanciers du groupe afin de garantir la soutenabilité de la dette de groupe d’EHPAD.

III. Secteur public local

Signalons une opération d’envergure affectant le secteur public local : la prise de contrôle par le secteur privé de la société de transport aérien Air Austral. Cette privatisation intervient dans le cadre d’un plan de restructuration de l’entreprise ayant reçu l’aval de la Commission européenne au titre de son contrôle des aides d’État [28], celui de l’Autorité de la concurrence [29], et enfin celui de la Commission des participations et des transferts [30]. La prise de contrôle par le secteur privé intervient alors que la SEMATRA, une société d’économie mixte locale contrôlée à hauteur de 73,5 % par la région La Réunion, en détenait jusqu’à présent 99 % du capital social. Le plan de restructuration d’Air Austral, visant à sauver l’entreprise de la faillite, suppose l’entrée d’un nouvel actionnaire majoritaire à hauteur de 55,88 % (le groupe d’investisseurs réunionnais Run Air) alors que, dans le même temps, la SEMATRA qui souscrit à une augmentation de capital d’Air Austral, n'en possèdera plus que 44,8 %. En prenant le contrôle de l’entreprise publique, Run Air y apporte 30 M€, dont 17 millions d’euros en capital et 13 millions d’euros en compte courant. Pour le secteur public, devenu minoritaire, la SEMATRA apporte 25 millions d’euros, dont 13 millions d’euros en capital et 12 millions d’euros en compte courant.

En ce qui concerne plus spécifiquement le cadre juridique applicable aux entreprises publiques locales, deux évolutions doivent retenir l’attention. En premier lieu, le décret précisant le contenu du rapport que les élus siégeant au conseil d’administration ou de surveillance des entreprises publiques locales des collectivités ou groupement de collectivités adressent au conseil délibérant a été publié [31]. Mentionné au quatorzième alinéa de l’article L. 1524-5 du Code général des collectivités territoriales N° Lexbase : L4538MBP, ce rapport doit être présenté une fois par an à l’assemblée délibérante de l’actionnaire public local. Il mentionne notamment les éléments suivants : une présentation complète de la société, l’état des relations avec son actionnaire (contrats, comptes courants, garanties d’emprunt…), les éventuelles modifications des statuts et de l’actionnariat, la liste de l’ensemble des participations détenues par la société, la description des principaux risques auxquels s’expose l’entreprise publique locale, les modalités d’exercice du contrôle analogue (pour les SPL), la situation financière de la société, etc… Le nombre conséquent d’informations contenues dans ce rapport individuel témoigne de la volonté du législateur et du pouvoir réglementaire d’assurer la pleine information des conseils délibérants des collectivités actionnaires.

À signaler également

  • Agence des participations de l’État, Rapport sur l’État actionnaire, octobre 2022
  • Cour des comptes, La Banque des territoires, un projet ambitieux, des résultats financiers encore incertains, observations définitives, exercices 2018-2021, 28 septembre 2022
 

[1] Avis n° 2022-A.C.-02 du 15 novembre 2022, relatif à la cession de l’action de préférence détenue par l’État au capital d’Airbus DS Geo SA.

[2] Arrêté du 16 novembre 2022, décidant la cession par l’État d’une participation au capital de la société Airbus DS Geo SA N° Lexbase : L9179MEP, JORF, 26 novembre 2022, texte n° 5.

[3] Avis n° 2022-A.C.-01 du 15 novembre 2022, relatif au transfert au secteur privé par EDF Trading Holdings LLC de la société EDF Energy Services LLC.

[4] Arrêté du 29 novembre 2022, autorisant le transfert au secteur privé de la société EDF Energy Services LLC N° Lexbase : L0340MGP, JORF, 4 décembre 2022, texte n° 6.

[5] Avis n° 2022‑A.C.-03 du 13 décembre 2022, relatif au transfert au secteur privé par CNP Assurances SA et CNP Caution SA de la société CNP Partners de Seguros y Reaseguros SA.

[6] Arrêté du 15 décembre 2022, autorisant le transfert au secteur privé de la société CNP Partners de Seguros y Reaseguros SA N° Lexbase : L1719MGR, JORF, 18 décembre 2022, texte n° 6.

[7] Avis n° 2023-A.C.-01 du 6 janvier 2023, relatif au transfert au secteur privé de la société Suir Engineering Ltd.

[8] Arrêté du 12 janvier 2023, autorisant le transfert au secteur privé de la société Suir Engineering Ltd N° Lexbase : L5791MGL, JORF, 15 janvier 2023, texte n° 4.

[9] Arrêté du 12 janvier 2023, décidant la cession par GIAT Industries SAS d’une participation au capital de la société SNPE SA N° Lexbase : L5927MGM, JORF, 18 janvier 2023, texte n° 3.

[10] S. Wajbrot, Désastre historique chez EDF, avec une perte qui culmine à 18 milliards d’euros, Les Échos, 17 février 2023.

[11] AN, Rapport fait au nom de la Commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France, 30 mars 2023.

[12] D. Dole, Renationalisation à 100 % : EDF assigné en justice par ses actionnaires salariés, Libération, 6 novembre 2022.

[13] M. Cessac, EDF : la prise de contrôle à 100 % du capital par l’État suspendue à une décision de justice, Le Monde, 23 janvier 2023.

[14] Ph. Coleman, La proposition de loi de nationalisation d’EDF pourrait d’avérer nocive, Le Monde, 22 mars 2023.

[15] Charge de l’ARNH, grand carénage, nouveaux réacteurs nucléaires. Voir not. P. Levallois, Le financement public du nucléaire civil, in N. Pauthe (dir.), Le droit administratif face aux spécificités du nucléaire civil, PU Clermont, 2022, p. 187.

[16] Not. Cour des comptes, référé, 2 décembre 2022, Le renouvellement des concessions hydroélectriques, n° S2022-1979 N° Lexbase : A15309U9.

[17] Arrêté du 28 octobre 2022, décidant la souscription par GIAT Industries SAS à une augmentation de capital de la société SNPE N° Lexbase : L8423MEP, JORF, 16 novembre 2022, texte n° 1.

[18] Arrêté du 12 décembre 2022, portant approbation de la participation de la Régie autonome des transports parisiens (RATP) à une augmentation de capital de la société RATP Cap Île-de-France N° Lexbase : L1518MGC, JORF, 16 décembre 2022, texte n° 6.

[19] V. Castanet, Fayard, 2022.

[20] E. Guidi, Affaire ORPEA : du scandale à la nationalisation en 5 étapes, La Croix, 1er février 2023.

[21] IGS et IGAS, Mission sur la gestion des établissements d’hébergement de personnes âgées dépendantes (EHPAD) du Groupe ORPEA, mars 2022.

[22] B. Jérôme, ORPEA : la Caisse des dépôts pose ses conditions à une entrée au capital du groupe privé d’Ehpad, Le Monde, 15 novembre 2022.

[23] Grand âge : la Caisse des dépôts va devenir actionnaire d’ORPEA, 1er février 2023, site du Groupe CDC.

[24] F. Bouaziz, Reprise d’ORPEA par la Caisse des dépôts : « Nous avions deux conditions, changer les pratiques et assainir le bilan », Libération, 1er février 2023.

[25] F. Bouaziz, préc.

[26] A. Drif, ORPEA confirme passer sous le contrôle de la Caisse des dépôts, Les Échos, 31 janvier 2023.

[27] ORPEA Groupe, ORPEA franchit une nouvelle étape de son processus de restructuration financière avec l’ouverture d’une procédure de sauvegarde accélérée, Communiqué de presse, 24 mars 2023.

[28] Décision C(2023) 198 final du 5 janvier 2023.

[29] Décision n° 23-DCC-09 du 12 janvier 2023 relative à la prise de contrôle conjoint de la société Air Austral par la société SEMATRA et le groupe Deleflie N° Lexbase : X2050CQY.

[30] Avis n° 2023-A.C.-02 du 19 janvier 2023, relatif au transfert au secteur privé par la SAEML SEMATRA de la société Air Austral et à l’évaluation de la société Air Austral.

[31] Décret n° 2022-1406 du 4 novembre 2022, relatif au contenu du rapport du mandataire prévu par l’article L. 1524-5 du Code général des collectivités territoriales N° Lexbase : Z281012L, JORF, 6 novembre 2022, texte n° 7.

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Durée du travail

[Brèves] Semaine de quatre jours par accord d’entreprise : quid de l’indemnisation des jours fériés ?

Réf. : Cass. soc., 10 mai 2023, n° 21-24.036, F-B N° Lexbase : A26229TB

Lecture: 3 min

N5406BZA

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par Lisa Poinsot

Le 17 Mai 2023

Si un jour de repos, prévu dans un accord collectif réduisant la durée hebdomadaire de travail sur quatre jours, tombe un jour férié chômé, il n’ouvre pas droit à indemnisation.

Faits et procédure. Un salarié bénéficie d’un accord d’entreprise relatif à l’organisation et la réduction du temps de travail. L’avenant à cet accord prévoit une durée hebdomadaire de travail de 35 heures sur quatre jours.

Ce salarié saisit la juridiction prud’homale d’une demande tendant à appliquer les droits concernant les jours fériés qui coïncident avec les jours de repos variables sur sa semaine de travail et sur les congés payés et à majorer les jours fériés travaillés à 100 %. Il argue à l’appui de sa demande qu’il doit bénéficier d’un jour de repos ou d’une indemnité compensatrice lorsqu’un jour de repos prévu par l’accord de réduction du temps de travail coïncide avec un jour férié.

La cour d’appel (CA Paris, 29 septembre 2021, n° 18/10159 N° Lexbase : A7504473) retient que, dans l’entreprise, lorsque les jours de repos non fixes (hormis le dimanche) tombent un jour férié et chômé par application de la convention collective, les salariés ne perçoivent aucune indemnité.

Elle ajoute que ces journées de repos ont été organisées dans le cadre d’un accord sur la réduction du temps de travail, de sorte qu’elles ne peuvent être positionnées sur un jour férié chômé, contrairement aux journées de repos hebdomadaire acquises en dehors de tout accord de réduction du temps de travail.

Elle en déduit que lorsqu’un jour de repos prévu par l’accord de réduction du temps de travail, autre le dimanche, coïncide avec un jour férié, le salarié doit bénéficier d’un jour de repos supplémentaire ou, à défaut, d’une indemnité compensatrice.

L’employeur forme alors un pourvoi en cassation.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse et annule la décision de la cour d’appel au visa de l’article L. 3122-4 du Code du travail N° Lexbase : L6855K9R, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789, du 20 août 2008 N° Lexbase : L7392IAZ et l’avenant n° 4, du 28 juillet 2009, à l’accord d’entreprise « organisation et réduction du temps de travail » du 22 juin 1999.

La Haute juridiction relève que l’avenant de l’accord d’entreprise prévoit une durée hebdomadaire du travail de 35 heures sur quatre jours.

Il en résulte que les trois jours non travaillés issus de cette répartition des horaires sur la semaine constituent des jours de repos qui n’ont pas vocation à compenser des heures de travail effectuées au-delà de la durée légale ou conventionnelle.

En conséquence, la coïncidence entre ces jours et des jours fériés n’ouvre droit ni à repos supplémentaire ni à l’indemnité compensatrice.

newsid:485406

Environnement

[Brèves] Pouvoirs du préfet en cas de non-exécution d’une ICPE à l’injonction de respecter ses obligations d’exploitation

Réf. : CE, 5°-6° ch. réunies, 10 mai 2023, n° 447189, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A55159TG

Lecture: 2 min

N5412BZH

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par Yann Le Foll

Le 17 Mai 2023

► En cas de non-exécution d’une ICPE à l’injonction de respecter ses obligations d’exploitation, le préfet peut ainsi arrêter une ou plusieurs des mesures que l'article L. 171-8 du Code de l'environnement N° Lexbase : L5235LRC prévoit, au regard de la nature des manquements constatés et de la nécessité de rétablir le fonctionnement régulier de l'installation.

En cause d’appel. Pour écarter le moyen tiré de ce que la mesure de suspension du fonctionnement de l'installation exploitée par une SARL était disproportionnée, la cour administrative d'appel de Marseille (CAA Marseille, 2 octobre 2020, n° 18MA01484 N° Lexbase : A94863WA rejetant demande annulation TA Bastia, 15 février 2018, n° 1501182 N° Lexbase : A67463X7) s'est fondée sur les mises en garde adressées à la société par les inspecteurs de l'environnement, particulièrement entre 2014 et 2015, s'agissant de l'inobservation des dispositions de l'annexe 1 de l'arrêté ministériel du 12 juillet 2011, modifiant divers arrêtés relatifs aux installations de traitement de déchets soumises à déclaration au titre de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement N° Lexbase : L2589IUG, relatives aux émissions odorantes.

Elle s'est aussi fondée sur le fait que la mise en demeure adressée à l'exploitant par la préfet le 20 août 2015 n'avait pas été suivie d'effet.

Décision CE. En se fondant, ainsi, sur le non-respect de la mise en demeure prononcée par le préfet, auquel il appartenait d'assurer la mise en œuvre des prescriptions applicables à l'exploitation en usant des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 171-8 du Code de l'environnement, au regard de la nécessité de rétablir le fonctionnement régulier de l'exploitation, la cour administrative n'a pas commis d'erreur de droit.

Elle a aussi pu juger que compte tenu de la méconnaissance, par la société requérante, des articles 3.7, 6.1 et 6.2.2 de l'annexe I de l'arrêté ministériel du 12 juillet 2011, laquelle est à l'origine de nuisances olfactives significatives pour le voisinage portant atteinte à l'environnement et à la santé publique, la mesure de suspension du fonctionnement de l'installation n'était pas disproportionnée (voir, pour l’examen des conditions tenant aux capacités techniques et financières du pétitionnaire pour la délivrance d'une autorisation d'exploiter une ICPE, CE 5°-6° ch. réunies, 15 novembre 2021, n° 432819, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A82397BR). 

 

newsid:485412

Filiation

[Brèves] L’adoption de l’enfant du conjoint en cours d’instance en divorce ? C'est possible !

Réf. : Cass. civ. 1, 11 mai 2023, n° 21-17.737, FS-B N° Lexbase : A39569TP

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N5452BZX

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 23 Mai 2023

► Il résulte des articles 345-1, 1°, 348-1 et 348-3 du Code civil applicables à l'espèce que l'adoption plénière de l'enfant du conjoint, permise lorsque l'enfant n'a de filiation établie qu'à l'égard de ce conjoint, requiert le consentement de celui-ci, lequel peut être rétracté pendant deux mois ;  sous cette réserve, le consentement donné, qui ne se rattache pas à une instance particulière, n'est pas limité dans le temps.

► dès lors que le divorce n’était pas définitivement prononcé au moment où la cour a statué, ce dont il se déduit que les épouses étaient encore unies par les liens du mariage, les conditions légales de l'adoption de l'enfant du conjoint étaient réunies, et la cour a pu valablement prononcer l’adoption par l’épouse, en instance de divorce, de l’enfant de sa conjointe.

Faits et procédure. En l’espèce, deux femmes se sont mariées le 29 août 2015. Le 19 janvier 2016, l’une d’elles a donné naissance à un enfant.

Par requête du 28 avril 2016, sa conjointe a sollicité le prononcé de l'adoption plénière de l’enfant, à laquelle la mère avait consenti le 18 février 2016.

Un arrêt du 5 décembre 2018 avait constaté son désistement de l'instance.

Par la suite, la conjointe a de nouveau sollicité le prononcé de l'adoption plénière de l’enfant.

Un jugement du 12 décembre 2019, frappé d'appel par la mère de l’enfant qui avait initié l'instance par requête du 17 octobre 2016, a prononcé le divorce des épouses pour altération définitive du lien conjugal.

Elle faisait grief à l'arrêt rendu par la cour d’appel de Bordeaux de prononcer, avec toutes ses conséquences de droit, l'adoption plénière de l’enfant par son épouse. En vain. La Haute juridiction rejette les moyens avancés par la demandeuse au pourvoi, à savoir : la rétractation de son consentement ; le défaut de réunion des conditions légales de l’adoption de l’enfant du conjoint au moment où la cour avait statué.

Durée illimitée du consentement de la mère, passé le délai de rétractation. La Haute juridiction rappelle les règles très claires du Code civil : il résulte des articles 345-1, 1° N° Lexbase : L8008IWI, 348-1 N° Lexbase : L2859ABI et 348-3 N° Lexbase : L9817INW du Code civil, dans leur version alors applicable, que l'adoption plénière de l'enfant du conjoint, permise lorsque l'enfant n'a de filiation établie qu'à l'égard de ce conjoint, requiert le consentement de celui-ci, lequel peut être rétracté pendant deux mois.

Aussi, selon la Haute juridiction, après avoir constaté que le consentement de la mère, reçu par acte notarié dans les formes requises, n'avait pas été rétracté dans le délai de deux mois, la cour d'appel a justement retenu que celui-ci ne comportait aucune limite dans le temps ni ne se rattachait à une instance particulière, de telles réserves n'étant pas prévues par la loi, de sorte qu'il avait plein et entier effet.

Vérification des conditions légales de l’adoption de l’enfant du conjoint au moment où le juge statue. Au soutien de son pourvoi, la mère faisait valoir qu'en se bornant à énoncer que « la qualité pour agir s'analyse au moment de la requête déposée, celle formalisée par l'appelante doit être déclarée recevable pour l'avoir été dans un temps où le couple était encore uni par les liens du mariage, soit le 25 février 2019 », sans rechercher si, au jour où elle statuait les conditions légales de l'adoption étaient réunies, la cour d'appel avait privé sa décision de base légale au regard des articles 345-1 N° Lexbase : L8008IWI, 348-1 N° Lexbase : L2859ABI et 353 N° Lexbase : L0251K7G du Code civil.

La Haute juridiction confirme bien qu’en application des articles 345-1, 348-1 et 353 du Code civil, dans leur version alors applicable, le juge doit vérifier si les conditions légales de l'adoption de l'enfant du conjoint sont remplies au moment où il se prononce.

Or la cour d'appel avait constaté qu'il avait été interjeté appel du jugement de divorce rendu le 12 décembre 2019 et que celui-ci était pendant, ce dont il se déduisait que les intéressées étaient encore unies par les liens du mariage au moment où elle avait statué.

Il en résultait que les conditions légales de l'adoption de l'enfant du conjoint étaient bien réunies au moment où la cour d'appel s’était prononcée.

Pour aller plus loin :

  • pour  mémoire, la loi n° 2022-219, du 21 février 2022, visant à réformer l'adoption N° Lexbase : L4154MBH a élargi l’adoption de l’enfant du conjoint à l’ensemble des couples (pas seulement mariés) ; sur les apports de la loi, (re)lire le commentaire du Professeur Adeline Gouttenoire, La réforme de l’adoption : entre ouverture et sécurisation, Lexbase Droit privé, avril 2022, n° 901 N° Lexbase : N1014BZL.
  • v. également ÉTUDE : La filiation adoptive, in La filiation, (dir. A. Gouttenoire), Lexbase N° Lexbase : E46578KP.
  • à noter que le présent arrêt fera l'objet d'une analyse approfondie par la Professeure Adeline Gouttenoire, à paraître prochainement dans la revue Lexbase Droit privé.

newsid:485452

Fiscalité des particuliers

[Brèves] Publication des seuils de l’usure applicables au 1er mai 2023

Réf. : Décret n° 2023-290, du 20 avril 2023, modifiant le décret n° 2022-1774, du 31 décembre 2022, modifié pris en application des VIII et IX de l'article 181 de la loi n° 2022-1726, du 30 décembre 2022, de finances pour 2023 N° Lexbase : L4940MHG

Lecture: 3 min

N5401BZ3

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par Maxime Loriot, Notaire Stagiaire - Doctorant en droit international privé à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Le 23 Mai 2023

► Par un décret n° 2023-290, en date du 20 avril 2023, publié au Journal officiel le 21 avril 2023, le législateur est venu modifier le décret n° 2022-1774, du 31 décembre 2022, relatif aux taux dusure.

Les seuils du taux dusure, révisés mensuellement pendant six mois depuis le 1er février 2023 et applicables à compter du 1er mai 2023 sont les suivants :

  • Pour les contrats de crédit consentis à des consommateurs n'entrant pas dans le champ d'application du 1° de l'article L. 313-1 du Code de la consommation N° Lexbase : L3398K7Y ou ne constituant pas une opération de crédit d'un montant supérieur à 75 000 euros destinée à financer, pour les immeubles à usage d'habitation ou à usage professionnel et d'habitation, les dépenses relatives à leur réparation, leur amélioration ou leur entretien :

Catégories

Taux effectif moyen pratiqué par les établissements de crédit et les sociétés de financement au cours des trois mois précédant le 1er mai 2023

Seuil de l'usure applicable à compter du 1er mai 2023

Prêts d'un montant inférieur ou égal à 3 000 €

15,87 %

21,16 %

Prêts d'un montant supérieur à 3 000 € et inférieur ou égal à 6 000 €

8,43 %

11,24 %

Prêts d’un montant supérieur à 6 000€

4,8 %

6,4 %

 

  • Pour les contrats de crédits consentis à des consommateurs destinés à financer les opérations entrant dans le champ d'application du 1° de l'article L. 313-1 du Code de la consommation, relatif au crédit immobilier (2) ou d'un montant supérieur à 75 000 euros destinés à financer, pour les immeubles à usage d'habitation ou à usage professionnel et d'habitation, les dépenses relatives à leur réparation, leur amélioration ou leur entretien.

Catégories

Taux effectif moyen pratiqué par les établissements de crédit et les sociétés de financement au cours des trois mois précédant le 1er mai 2023

Seuil de l'usure applicable à compter du 1er mai 2023

Prêts d'une durée inférieure à 10 ans

2,93 %

3,91 %

Prêts d’une durée comprise entre 10 ans et moins de 20 ans

3,25 %

4,33 %

Prêts d’une durée de 20 ans et plus

3,39 %

4,52 %

Prêts à taux variable

3,23 %

4,31 %

Prêts-relais

3,39 %

4,52 %

 

  • Pour les prêts accordés aux personnes physiques agissant pour leurs besoins professionnels et aux personnes morales ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou professionnelle non commerciale

Catégories

Taux effectif moyen pratiqué par les établissements de crédit et les sociétés de financement au cours des trois mois précédant le 1er mai 2023

Seuil de l’usure applicable à compter du 1er mai 2023

Découverts en compte

12,48 %

16,64 %

 

  • Pour les prêts aux personnes morales n’ayant pas d’activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou professionnelle non commerciale

Catégories

Taux effectif moyen pratiqué par les établissements de crédit et les sociétés de financement au cours des trois mois précédant le 1er mai 2023

Seuil de l'usure applicable à compter du 1er mai 2023

Prêts d'une durée initiale supérieure à deux ans, à taux variable

4,76 %

6,35 %

Prêts d’une durée initiale supérieure à 2 ans et inférieure à 10 ans

4,25 %

5,67 %

Prêts d’une durée initiale comprise entre 10 ans et moins de 20 ans

4,14 %

5,52 %

Prêts d’une durée initiale de 20 ans et plus

4,25 %

5,67 %

Découverts en compte

12,48 %

16,64 %

Autres prêts d’une durée initiale supérieure ou égale à 2 ans

4,2 %

5,6 %

 

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Harcèlement

[Le point sur...] Le harcèlement sexuel en entreprise et la question de l’attitude ambiguë

Lecture: 16 min

N5388BZL

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par Élise Fabing, Avocate associée et Marion Stephan, Avocate, Alkemist Avocats

Le 17 Mai 2023

Mots-clés : harcèlement sexuel • attitude ambiguë • salariés • victime • agissements sexistes • séduction réciproque • situation intimidante, hostile ou offensante

Le harcèlement sexuel en entreprise a connu plusieurs évolutions récentes en matière légale et en matière jurisprudentielle.

Ces évolutions permettent une meilleure protection des salariés et témoignent d’une avancée dans les droits des victimes même si persiste un doute quant aux contours de la définition du harcèlement sexuel. Notamment, la question de l’attitude ambiguë de la victime et de sa participation aux agissements de harcèlement sexuel dont elle fait l’objet fait débat en jurisprudence. Dans certains cas, une telle attitude écarte la qualification de harcèlement sexuel. Dans d’autres, ces agissements ne reposent pas nécessairement sur un consentement entre deux personnes placées sur un pied d’égalité, de telle sorte qu’ils ne sont pas de nature à écarter la qualification de harcèlement sexuel.


I. L’élargissement de la définition légale du harcèlement sexuel

En droit du travail, le harcèlement sexuel a fait son apparition par le biais d’une loi du 2 novembre 1992 N° Lexbase : L0260AIH qui introduit sa définition au sein du Code pénal et du Code du travail. Le harcèlement sexuel y était alors défini, à l'article 222-33 du nouveau Code pénal N° Lexbase : L6229LLB comme « le fait de harceler autrui en usant d'ordres, de menaces ou de contraintes, dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle, par une personne abusant de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ».

L’article L. 122-46 du Code du travail N° Lexbase : L5584ACS disposait quant à lui qu’« aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié pour avoir subi ou refusé de subir ces agissements, pour en avoir témoigné, ou pour les avoir relatés ».

À l’époque, le harcèlement sexuel en entreprise ne pouvait donc être caractérisé que dans le cadre d’une relation hiérarchique entre la victime et l’auteur des faits. Tous les agissements entre collègues d’un même niveau ou sans lien hiérarchique échappaient donc à la qualification de harcèlement sexuel.

Une refonte de la définition du harcèlement sexuel est ensuite intervenue 2012 [1] avec l’introduction de la notion de harcèlement sexuel assimilé. Désormais, les salariés sont protégés contre les faits :

  • « soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;
  • soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers » [2].

Ces dernières années, le législateur a également introduit d’autres notions annexes du harcèlement sexuel pour renforcer la lutte contre les violences sexuelles et sexistes. Par le biais de la loi du 17 août 2015 N° Lexbase : L2618KG3, la notion d’agissements sexistes, définie comme « tout agissement lié au sexe d'une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant » [3] a émergé. En 2018, la notion d’outrage sexiste a été créée prohibant le fait « d’imposer à une personne tout propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste qui soit porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit créé à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante » [4].

Enfin, la loi du 2 août 2021, entrée en vigueur le 31 mars 2022, a élargi la définition de harcèlement sexuel et prévoit que celui-ci pourra désormais être reconnu lorsque des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste sont commis.

Alignant la définition en droit du travail sur la définition présente dans le Code pénal, le harcèlement sexuel pourra également être qualifié lorsque les propos ou comportements sont imposés à une seule victime par plusieurs personnes. La notion de répétition est donc conservée, mais analysée du point de vue de la victime et pas seulement du point de vue de l’auteur.

Le droit du travail français connait donc une multiplication des comportements prohibés susceptibles d’être qualifiés de harcèlement sexuel. Même si persiste un doute quant aux contours de cette définition légale enrichie, les juges nous éclairent sur l’interprétation qu’il convient d’en donner en adoptant une interprétation pratique de ces règles.

II. État de la jurisprudence sur le harcèlement sexuel

Sans surprise, le fait de prononcer des propos ou d’adopter des comportements ouvertement sexistes, grivois ou obscènes est considéré de manière constante par les juges comme portant atteinte à la dignité du salarié et est constitutif d’un harcèlement sexuel.

À titre d’illustration, le fait pour un salarié d’avoir notamment prononcé les propos suivants « [s]i tu ne le fais pas tu auras la fessée. Tu aimes les fessées » ou encore de demander à une salariée de « relever davantage son tee-shirt », est caractéristique d’une situation de harcèlement sexuel [5].

Il convient de préciser, que contrairement au droit pénal, le droit du travail ne suppose pas de démontrer un élément intentionnel du harcèlement sexuel. Peu importe donc que le salarié concerné n’ait pas eu conscience d’avoir imposé les actes litigieux à la victime.

Selon la Cour de cassation, le harcèlement sexuel peut être constitué même si le responsable hiérarchique qui, a imposé aux victimes, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle les ayant placées dans une situation intimidante, hostile ou offensante objectivement constatée, ignorait la portée de ses agissements [6].

Dans un tel cas, la jurisprudence reconnaît même des circonstances aggravantes dans la mesure où ce supérieur hiérarchique a abusé de sa place de partie « forte » au contrat au détriment de sa subordonnée [7].

Aussi, la position hiérarchique des harceleurs présumés, si elle n’est plus une condition requise pour caractériser un harcèlement sexuel, elle peut constituer un indice de la création d’un environnement hostile. La jurisprudence reconnaît ainsi que le fait de tenir des propos grivois est constitutif d’un harcèlement sexuel au motif notamment que ces propos avaient été tenus par un supérieur hiérarchique [8].

Pour renforcer la prévention en santé au travail, la définition du harcèlement sexuel ne suppose plus forcément une répétition. Un seul acte grave peut suffire pour caractériser un tel harcèlement. La Cour de cassation a pu condamner l’auteur d’un fait unique grave, et ce, alors que les faits sont corroborés par un seul témoin direct.

En effet, par un arrêt du 17 mai 2017, rendu au visa de l’article L. 1153-1 du Code du travail N° Lexbase : L4433L7C, la Cour de cassation a retenu l’existence d’un harcèlement sexuel, en raison des propos tenus par un employeur qui conseillait à une salariée qui se plaignait de coups de soleil de « dormir avec lui dans sa chambre », « ce qui lui permettrait de lui faire du bien » [9].

III. La question des moyens de preuve du harcèlement sexuel en débat

S’agissant de la charge de la charge de la preuve, il est rappelé que celle-ci est partagée entre le salarié, qui doit rapporter des éléments des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, et l’employeur qui doit, quant à lui, prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement [10].

Un tel régime de partage de la charge de la preuve est destiné à atténuer la difficulté pour la victime de prouver ces agissements litigieux qui interviennent souvent à l’oral.

Dans plusieurs jurisprudences, il peut être constaté que les juges reconnaissent l’existence d’un harcèlement sexuel dès lors que les faits relatés par le salarié sont corroborés uniquement par des attestations de collègues, y compris lorsqu’ils sont témoins indirects. Dans le même sens, les juges prennent en considération les faits dénoncés lorsqu’ils sont confirmés par des constatations médicales et par des proches qui ont pu observer une dégradation de l’état psychique de la salariée [11].

Il est toutefois souvent très compliqué d’obtenir des témoignages de collègues toujours en poste par peur de représailles quand les faits de harcèlement sexuel ne se déroulent tout simplement pas à huis clos.

Se pose alors la question des enregistrements clandestins qui reste toujours délicate. Dans un premier temps, ce type de preuve a été systématiquement été considéré comme illicite et rejeté par les juges [12]. Le Défenseur des droits [13] et certaines associations, dont l’AVFT (Association européenne contre les Violences faites aux Femmes au Travail), ont alors milité pour une prise en compte de ce moyen de preuve au regard des difficultés probatoires évoquées ci-dessus. Depuis, la Cour de cassation a semblé infléchir sa jurisprudence en admettant, au profit de l’employeur, la recevabilité de certains moyens de preuve illicites en imposant aux juges du fond de rechercher si « l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi » [14].

Vivement critiquées pour l’atteinte portée au respect de la vie privée des salariés, ces jurisprudences récentes pourraient, réciproquement, être utilisées par les victimes de harcèlement sexuel afin d’apporter la preuve de leurs allégations au moyen d’enregistrements clandestins réalisés à l'insu de l’employeur. En ce sens, deux cours d’appel ont d’ores et déjà accepté la recevabilité de tels enregistrements [15].

Il n’en demeure pas moins que la captation clandestine de sons ou d’images à l’insu d’une personne reste susceptible de constituer une infraction pénale sanctionnée par un an emprisonnement et de 45 000 € d’amende [16].

Des précisions en jurisprudence restent donc attendues afin de permettre aux salariés, si tel est le sens de la jurisprudence de la Chambre sociale, d’utiliser ce mode de preuve sans risquer de poursuites pénales de nature à fortement décourager toute action se fondant uniquement sur un enregistrement clandestin.

Des premiers éléments de réponse sont attendus prochainement puisque la Chambre sociale de la Cour de cassation vient de saisir son Assemblée plénière sur cette question d’articulation entre droit à la preuve et loyauté de la preuve [17].

IV. La notion d’attitude ambiguë de la victime en matière de harcèlement sexuel

L’absence de consentement de la victime est un des éléments constitutifs du harcèlement sexuel. Si la loi n’exige pas que la victime le formule expressément, elle suppose dans sa définition même que les agissements doivent être imposés par leur auteur et donc subis par la victime.

La Cour de cassation estime ainsi qu’il y a harcèlement sexuel dès lors que la victime exprime clairement son refus à l’auteur des agissements : ce refus peut être verbal, mais peut aussi prendre la forme d’un silence face aux agissements ou d’une alerte à des collègues ou auprès d’un supérieur hiérarchique.

Cette notion de consentement, dont la définition est difficilement appréhendable et en constante évolution, est évidemment sujette à interprétation. Dans ces conditions, les juges ont été amenés à considérer que l’attitude de la victime, même si elle ne relevait pas d’un consentement exprès, pouvait constituer une forme d’acceptation. Cela a donné lieu à plusieurs jurisprudences sur l’attitude ambiguë des victimes.  

En 2013, la Cour de cassation a ainsi jugé que si les faits dénoncés s’inscrivent dans un contexte de familiarité réciproque entre la victime présumée et l’auteur des faits, le harcèlement sexuel doit être écarté. La victime présumée adopterait dès lors une attitude ambiguë, excluant l’existence d’un harcèlement, peu importe qu’elle ait dénoncé par la suite les faits litigieux [18].

La cour d’appel de Versailles s’est également prononcée récemment en ce sens en jugeant que des échanges de SMS à caractère sexuel entre deux salariés devaient s’analyser en un jeu de séduction réciproque et n’étaient pas constitutifs de harcèlement sexuel. Dans les faits de l’espèce, la salariée produisait plusieurs SMS à connotation sexuelle, établissant ainsi des faits précis et concordants permettant de présumer l’existence d’un harcèlement. Toutefois, l’employeur produisait d’autres échanges de SMS démontrant que la salariée avait participé à un jeu de séduction réciproque. Elle avait notamment invité le salarié accusé à dîner chez elle, l’avait présenté à cette occasion à ses proches [19].

Récemment, la Cour de cassation a de nouveau jugé que, lorsque la salariée s’estimant victime de harcèlement a adopté une « attitude très familière de séduction », « ambiguë » et a « volontairement participé à un jeu de séduction réciproque », la qualification de harcèlement sexuel peut être écartée [20].

V. Ces jurisprudences sur l’attitude ambiguë ne doivent pas être généralisées  

Généraliser l’exclusion d’un harcèlement sexuel dans l’hypothèse d’une attitude jugée ambiguë de la part du salarié serait toutefois extrêmement dangereux. Cela reviendrait à nier totalement l’incidence que peut avoir l’existence d’un lien de subordination ou des rapports hiérarchiques sur la réponse et l’attitude du salarié faisant face à de tels agissements. En pratique, l’emprise d’un supérieur hiérarchique ou le contexte professionnel peut souvent amener le salarié à penser qu’il serait préférable « d’entrer dans le jeu » plutôt que de dénoncer les agissements subis, de peur que cela conduise à son exclusion professionnelle.

Ces jurisprudences sur l’attitude ambiguë sont à relativiser et il convient de prêter une attention toute particulière aux faits précis de l’espèce qui sont déterminants dans les décisions rendues par les juges du fond.

Dans l’arrêt précité de 2019, notamment, la Cour de cassation précise expressément que la solution qu’elle rend repose sur « l'absence de toute pression grave ou de toute situation intimidante, hostile ou offensante à l'encontre de la salariée » [21].

Ainsi, même lorsque la salariée s’estimant victime de harcèlement a participé aux échanges dont elle se plaint, l’existence d’une pression grave ou d’une situation intimidante, hostile ou offensante permet de retenir la qualification de harcèlement sexuel.

Il convient également de relever qu’aux termes du même arrêt, bien que le harcèlement sexuel n’ait pas été retenu en l’espèce, le licenciement pour faute du salarié auteur des SMS « au contenu déplacé et pornographique » a été validé, entérinant par là le caractère inconvenant de tels propos.

En effet, selon la Cour de cassation, les responsabilités hiérarchiques du salarié et l’usage de son téléphone professionnel pour l’envoi de tels messages écrits entraînaient la perte de « toute autorité et toute crédibilité dans l'exercice de sa fonction de direction ». Ainsi selon la Cour, « ces faits se rattachaient à la vie de l'entreprise, pouvaient justifier un licenciement disciplinaire et constituaient une cause réelle et sérieuse de licenciement » [22].

Aussi, la jurisprudence a reconnu que l’employeur ne peut se prévaloir de « relations ambiguës » existant entre deux salariés pour « expliquer » une attitude caractérisant un harcèlement sexuel, dans la mesure où même une « grande complicité » n’autorise pas ce type de comportement émanant d’un supérieur hiérarchique sur le lieu de travail [23] .

De la même manière, la jurisprudence a reconnu que l’ambiance grivoise et généralisée, à laquelle a participé une salariée, n’est pas de nature à excuser les agissements répétitifs ayant eu pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique et mentale, en ce qu’ils constituent des faits de harcèlement moral et sexuel [24].

Dans un contexte où l’employeur avait instauré une ambiance pornographique sur le lieu de travail et avait envoyé à une salariée de nombreux messages à caractère sexuel demandant notamment l’envoi de photos dénudées ou contenant des propositions de nature sexuelle, le conseil de prud’hommes de Paris a également considéré qu’il existait un harcèlement sexuel, peu important que la salariée ait pu être amenée à participer cette ambiance. En effet, la manière d’être autoritaire et n’autorisant pas la contestation de l’employeur, sa position de force sur le marché en question pouvant avoir un impact sur la future carrière de la salariée et le fait qu’il existait un rapport d’autorité ont amené le juge départiteur à considérer que la salariée n’était pas en position d’exprimer son désaccord sur ces pratiques [25].

Les juges du fond ne peuvent donc pas faire l’économie de l’analyse des relations entre les parties et de l’environnement professionnel pour déterminer si l’attitude du salarié est de nature ou non à l’exclure l’existence d’un harcèlement sexuel.

Selon les circonstances, l’employeur informé de l’ambiance sexualisée de son entreprise peut donc parfaitement être responsable des agissements litigieux et ne peut s’en dédouaner au seul motif que la victime aurait participé à des échanges de nature ambiguë.

VI. Une réparation civile encore timide et peu dissuasive

Sur le plan civil, la reconnaissance de l’existence d’un harcèlement sexuel ouvre droit à une réparation et à l’octroi de dommages et intérêts.

En premier lieu, le salarié victime d’un harcèlement sexuel qui aurait été licencié pourra solliciter la nullité de cette mesure et demander, soit sa réintégration dans l’entreprise avec le paiement des salaires qui auraient dû lui être versés depuis son éviction, soit le versement d’une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois par dérogation au « barème Macron » plafonnant les indemnités dues en cas de licenciement [26].

L’existence de faits de harcèlement sexuel est également de nature à justifier une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail émanant du salarié qui donnera lieu à la même indemnisation qu’en cas de licenciement nul [27].

Les salariés peuvent enfin solliciter des dommages et intérêts distincts en réparation des préjudices subis du fait du harcèlement sexuel et, le cas échéant, du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat [28].

Il ressort toutefois de l’analyse des décisions rendues par les juges du fond que cette indemnisation reste en moyenne relativement faible au regard de la gravité des faits en question. Le montant moyen des dommages et intérêts octroyé en cas de reconnaissance d’un harcèlement sexuel serait ainsi limité à 10 000 € [29].

À cela s’ajoute une durée moyenne de procédure dissuasive, comprise entre 2 et 3 ans entre la saisine du conseil de prud’hommes et la décision définitive de la cour d’appel.

En pratique, le chemin des victimes vers la reconnaissance d’un harcèlement sexuel et d’une réparation est donc long et complexe, ce qui a souvent pour effet de les conduire à accepter une transaction avec leur employeur. Une telle transaction contiendra toutefois nécessairement une clause de confidentialité allant souvent jusqu’à interdire au salarié de témoigner pour d’autres collègues qui se trouveraient dans la même situation, maintenant ainsi une certaine omerta au sein de l’entreprise.

Pour conclure, si certaines améliorations légales ont été constatées ces dernières années, la jurisprudence relative à l’attitude ambiguë des salariés nous rappelle que la protection des victimes de harcèlement sexuel requiert une vigilance de chaque instant et un discernement constant afin de contourner des écueils comme celui de la « victime parfaite » qui déporterait l’attention sur l’attitude de la victime plutôt que sur les agissements subis et l’environnement de travail au sein de l’entreprise


[1] À la suite d’un élargissement de la notion par la loi n° 2002-73, du 17 janvier 2002, de modernisation sociale N° Lexbase : L1304AW9 jugée trop imprécise par le Conseil constitutionnel qui en a abrogé les dispositions par sa décision n° 2012-240 QPC du 4 mai 2012 N° Lexbase : A5658IKR.

[2] C. trav., art. L. 1153-1 N° Lexbase : L8840ITL, dans sa version du 8 août 2012 au 31 mars 2022.

[3] C. trav., art. L. 1142-2-1 N° Lexbase : L5440KGL.

[4] C. pén., art. R. 625-8-3 N° Lexbase : L3437MHR.

[5] CA Toulouse, 16 mars 2018, n° 17/00581 N° Lexbase : A1121XHY.

[6] Cass. crim., 18 novembre 2015, n° 14-85.591, FS-P+B+I N° Lexbase : A1106NXA.

[7] Cass. soc., 24 septembre 2008, n° 06-46.517, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A4541EAG.

[8] CA Versailles, 27 mars 2019, n° 16/04067 N° Lexbase : A1795Y7M.

[9] Cass. soc., 17 mai 2017, n° 15-19.300, FS-P+B N° Lexbase : A4797WDZ.

[10] C. trav., art. L. 1154-1 N° Lexbase : L6799K9P.

[11] CA Limoges, 13 octobre 2015, n° 14/01164 N° Lexbase : A1437NTE.

[12] Cass. soc., 20 novembre 1991, n° 88-43.120, publié N° Lexbase : A9301AAQ ; Cass. soc., 23 mai 2007, n° 06-43.209, FS-P+B+I N° Lexbase : A3964DWQ.

[13] Défenseur des droits, avis n° 18-03 relatif au harcèlement sexuel, recommandation n° 14 [en ligne].

[14] Cass. soc., 25 novembre 2020, n° 17-19.523, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A5510379 ; Cass. soc., 10 novembre 2021, n° 20-12.263, FS-B N° Lexbase : A45237B7.

[15] CA Bourges, 26 mars 2021, n° 19/01169 N° Lexbase : A39289UZ ; CA Toulouse, 10 mai 2019, n° 17/02966 N° Lexbase : A9740ZAY.

[16] C. pén., art. 226-1 N° Lexbase : L8546LXS.

[17] Cass. soc., 1er février 2023, n° 20-20.648, FS-D N° Lexbase : A50289BT.

[18] Cass. soc., 10 juillet 2013, n° 12-11.787, FS-D N° Lexbase : A8574KIE.

[19] CA Versailles, 26 mai 2021, n° 17/04734 N° Lexbase : A13574TG.

[20] Cass. soc., 25 septembre 2019, n° 17-31.171, F-D N° Lexbase : A0351ZQ3.

[21] Cass. soc., 25 septembre 2019 , précité.

[22] Cass. soc., 25 septembre 2019, précité.

[23] CA Paris, 18 mai 2011, n° 09/07491 N° Lexbase : A8891GQD.

[24] CA Paris, 1er février 2011, n° 08/10437 N° Lexbase : A8966UNE.

[25] CPH Paris, jugement de départage du 14 novembre 2022, n° RG F 20/08722.

[26] C. trav., art. L. 1152-3 N° Lexbase : L0728H9T et L. 1235-3-1 N° Lexbase : L1441LKL.

[27] Cass. soc., 26 mars 2014, n° 12-21372, FP-P+B N° Lexbase : A2434MIY.

[28] Cass. soc., 17 mai 2017, n° 15-19.300, FS-P+B N° Lexbase : A4797WDZ.

[29] Moyenne calculée avec les décisions disponibles sur Predictice au 2 mai 2023 (144 décisions de cour d’appel).

newsid:485388

Rupture du contrat de travail

[Brèves] Nullité du licenciement : réintégration possible du salarié si sa demande de résiliation judiciaire est abandonnée

Réf. : Cass. soc., 11 mai 2023, n° 21-23.148, FS-B N° Lexbase : A39629TW

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N5396BZU

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par Charlotte Moronval

Le 17 Mai 2023

► Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail, et la nullité de son licenciement au cours d'une même instance, puis abandonne en cours d'instance la demande de résiliation judiciaire, le juge, qui constate la nullité du licenciement, doit examiner la demande de réintégration.

Faits et procédure. Un salarié, déclaré inapte par le médecin du travail à l'issue de deux examens médicaux, est licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 10 mars 2017.

Pour débouter le salarié de sa demande de réintégration et de paiement d'une indemnité d’éviction, la cour d’appel (CA Versailles, 5 août 2021, n° 18/02438 N° Lexbase : A64114ZH) retient que :

  • l'intéressé a sollicité la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur jusqu'à son troisième jeu de conclusions notifiées en cause d'appel, ne renonçant à cette prétention qu'à ses ultimes écritures ;
  • et que le salarié a maintenu cette demande après avoir été licencié par son employeur en cours de procédure, la poursuite du contrat de travail ne pouvant être ordonnée entre deux parties qui ont, chacune pour leur part, manifesté irréductiblement leur volonté de le rompre.

Le salarié forme un pourvoi en cassation.

La position de la Cour de cassation. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale censure l’arrêt des juges du fond.

Dès lors que le salarié avait abandonné sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail dans ses dernières écritures, le juge, qui a constaté la nullité du licenciement, devait examiner la demande de réintégration et de paiement de l’indemnité d'éviction.

Pour aller plus loin :

  • revirement de jurisprudence, v. précédemment : Cass. soc., 27 janvier 2021, n° 19-21.200, F-P N° Lexbase : A16594E8 qui prévoyait que lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail et la nullité de son licenciement au cours d'une même instance, le juge, qui constate la nullité du licenciement, ne peut faire droit à la demande de réintégration ;
  • v. aussi ÉTUDE : La nullité du licenciement, Le droit à réintégration N° Lexbase : E86264QK et ÉTUDE : La résiliation judiciaire du contrat de travail, La résiliation judiciaire du contrat de travail et le licenciement N° Lexbase : E0072Y88in Droit du travail, Lexbase.

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Sûretés

[Brèves] Registre des sûretés mobilières et autres opérations connexes : ajustements et modifications

Réf. : Décret n° 2023-369, du 11 mai 2023, complétant et modifiant les dispositions relatives au registre des sûretés mobilières et autres opérations connexes N° Lexbase : L6441MHZ

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N5408BZC

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par Vincent Téchené

Le 17 Mai 2023

► Un décret, publié au Journal officiel du 16 mai 2023, vient compléter et modifier les dispositions relatives au registre des sûretés mobilières et autres opérations connexes.

Il prévoit d’abord que les arrêtés de police pris en matière de lutte contre l'habitat indigne et les saisies pénales de fonds de commerce feront l'objet d'une inscription au registre des sûretés mobilières et précise les modalités de ces inscriptions.

Il précise également que si plusieurs personnes sont débitrices, ou propriétaires du bien grevé, au titre d'une même sûreté ou d'une même opération, l'inscription est portée, au choix du requérant, sur le registre tenu par l'un des greffiers compétents (C. com., art. R. 521-5, al. 3 nouv.). Par ailleurs, il est précisé que pour les nantissements conventionnels de parts sociales, le greffier compétent est celui dans le ressort duquel est immatriculée la société dont les parts sont nanties (C. com., art. R. 521-5, al. 5 nouv.).

Il est ajouté un nouvel alinéa à l’article R. 521-12 pour prévoir expressément que pour la publicité provisoire du nantissement judiciaire du fonds de commerce, l'inscription produit effet durant trois ans.

Le décret modifie le critère de désignation du greffier territorialement compétent pour les inscriptions des opérations de crédit-bail en matière mobilière. À cet effet, il crée un nouvel article R. 313-5 dans le Code monétaire et financier selon lequel l'inscription est portée sur le registre tenu par le greffier du tribunal de commerce, du tribunal judiciaire statuant commercialement ou du tribunal mixte de commerce dans le ressort duquel le crédit-preneur est immatriculé à titre principal au registre du commerce et des sociétés. Si le crédit-preneur n'est pas soumis à l'obligation d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés, l'inscription est portée sur le registre dans le ressort duquel est situé son siège ou à défaut son établissement principal ou, s'il n'existe ni siège, ni établissement principal, le lieu où il exerce son activité ou l'adresse de l'entreprise fixée au local d'habitation. À défaut d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés, de siège, d'établissement principal, de lieu d'exercice de l'activité et de domicile personnel sur le territoire français, le greffier compétent est celui du tribunal de commerce de Paris.

Il modifie le critère de désignation du greffier territorialement compétent pour les contrats portant sur un bien qui ont fait l'objet d'une publicité, conformément aux dispositions de l'article L. 624-10 du Code de commerce N° Lexbase : L5569HDM, par renvoi aux nouvelles dispositions concernant le greffier territorialement compétent pour les inscriptions des opérations de crédit-bail en matière mobilière, précitées.

Il précise les modalités de transfert au registre des sûretés mobilières des  inscriptions modificatives concernant un warrant agricole, un privilège de la Sécurité sociale ou un privilège du Trésor inscrit dans un registre tenu par le greffier d'un tribunal judiciaire avant le 1er janvier 2023. Il prévoit également, pour ces sûretés figurant dans les registres tenus par les greffiers des tribunaux judiciaires avant le 1er janvier 2023, que les demandes de radiation totale d'inscriptions sont formées auprès du greffier qui tient le registre dans lequel elles sont inscrites. Le greffier du tribunal judiciaire radie d'office l'inscription dans son registre au terme d'un délai de :

  • cinq ans à compter de l'inscription ou du renouvellement d'un warrant agricole ;
  • deux ans et six mois à compter de l'inscription d'un privilège de la Sécurité sociale ou, en cas de saisie, dix ans à compter de sa mention ou de son renouvellement ;
  • quatre ans à compter de l'inscription ou du renouvellement d'un privilège du Trésor.

Il précise les modalités de transfert des inscriptions des gages de stocks et de nantissements d'outillage et de matériel, ayant été portées, antérieurement au 1er janvier 2023 : elles doivent ainsi être retranscrites auprès du registre dans un délai d'un mois à compter de l'entrée en vigueur du décret, soit au plus tard le 17 juin.

Le décret supprime également la notion de « catégorie à laquelle le bien affecté en garantie appartient », requise pour les inscriptions de gage sans dépossession.

Ces nouvelles dispositions entrent en vigueur le 17 mai 2023.

Pour aller plus loin : v. V. Téchené, ÉTUDE : La publicité des sûretés réelles mobilières, in Droit des sûretés, (dir. G. Piette), Lexbase N° Lexbase : E9108B44.

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