Jurisprudence : CA Montpellier, 25-04-2023, n° 21/02452, Infirmation

CA Montpellier, 25-04-2023, n° 21/02452, Infirmation

A36469ST

Référence

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COUR D'APPEL DE MONTPELLIER


Chambre commerciale


ARRET DU 25 AVRIL 2023


Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/02452 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O6T3


Décision déférée à la Cour :

Jugement du 29 MARS 2021

TRIBUNAL DE COMMERCE DE BEZIERS

N° RG 2021000248



APPELANTE :


Compagnie d'assurance SWISSLIFE ASSURANCE DE BIENS prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Céline THAI THONG de la SCP CASANOVA - MAINGOURD - THAI THONG, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représentée par Me Camille MANDIN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant


INTIMEE :


S.A.R.L. LES SAVOURIES prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Aurélia PUECH DAUMAS, avocat au barreau de MONTPELLIER


Ordonnance de clôture du 14 Février 2023



COMPOSITION DE LA COUR :


En application de l'article 907 du code de procédure civile🏛, l'affaire a été débattue le 07 MARS 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :


M. Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, Conseillère

M. Thibault GRAFFIN, Conseiller

qui en ont délibéré.


Greffier lors des débats : Madame Aa A


ARRET :


- contradictoire


- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile🏛 ;


- signé par Mme Anne-Claire BOURDON, conseillère faisant fonction de président en remplacement de Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre régulièrement empêché, et par Mme Audrey VALERO, Greffière.



FAITS, PROCEDURE - PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:


La SARL les Savouries, immatriculée le 21 janvier 2015, exploite un fonds de commerce de traiteur, organisation de réception, fast food, cafétéria ('), situé [Adresse 1] à [Localité 2] (34).


Elle a souscrit, par acte sous seing privé en date du 26 janvier 2017, une police d'assurance multirisque professionnelle Ab Ac pro n°WE013988350 auprès de la SA Swisslife Assurance de biens (la société Swisslife), avec effet au 25 janvier 2017, pour une durée d'une année, avec tacite reconduction.


Le contrat comprend des « dispositions personnelles » et générales 8180 E (conditions générales de mars 2016), selon lesquelles elle a souscrit une garantie Pertes d'exploitation prévue par l'article 2.14, intitulé «Risque N - Pertes d'exploitation» :

«2.14.1 Objet de la garantie

L'assureur garantit à concurrence des sommes indiquées au tableau des montants de garantie (chapitre 6) et sous réserve des dispositions de l'article 2.14.3, le paiement d'une indemnité pendant la période d'indemnisation correspondant à la perte d'exploitation, c'est-à-dire :

' la perte de marge brute résultant de la baisse du chiffre d'affaires causée par l'interruption ou la réduction de l'activité de l'assuré ;

' le remboursement des frais supplémentaires d'exploitation engagés avec l'accord de l'assureur afin de réduire la baisse du chiffre d'affaires,

qui sont la conséquence directe des dommages matériels garantis causés aux biens assurés dans les locaux professionnels assurés par l'un des événements couverts au titre des risques :

' A ' Incendie, explosion et risques annexes ;

' B ' Tempête, neige ou grêle ;

' C ' Catastrophes naturelles (dans les conditions prévues à l'article 2.3) ;

' E ' Dégâts d'eau ;

' F ' Vol ;

' L ' Attentats, actes de vandalisme (dans les conditions prévues à l'article 2.12).

La période d'indemnisation est fixée à 12 mois. »


Cette clause contractuelle précise que : « Impossibilité et interdiction d'accès: sont également garanties les pertes d'exploitation qui sont la conséquence directe de dommages matériels causés par l'incendie ou l'explosion d'un risque voisin empêchant totalement ou partiellement l'accès aux locaux professionnels assurés. »


Aux termes de deux arrêtés ministériels en date des 14 et 15 mars 2020, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19, publiés au Journal officiel, les restaurants et débits de boissons (sauf activités de livraison et vente à emporter '), ont fait l'objet d'une mesure d'interdiction d'accueillir du public pour lutter contre la propagation dudit virus, entraînant une fermeture totale ou partielle des établissements concernés.


Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 27 avril 2020, la société les Savouries a déclaré son sinistre auprès de son assureur, qui, par courriel en date du 15 septembre 2020 notamment, a refusé toute garantie au motif que « la fermeture administrative imposée (') n'entre pas dans le champ de la garantie Pertes d'exploitation », précisant que cette garantie est mobilisable uniquement lorsqu'elle est la conséquence directe d'un dommage matériel garanti.


Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 16 juillet 2020, la société les Savouries a mis en demeure l'assureur de lui verser la somme de 76807 euros couvrant la perte d'exploitation subie.


Par lettre recommandée avec avis de réception (dont la date est illisible), la société Swisslife a résilié le contrat d'assurance au 1er janvier 2021.


Par acte d'huissier délivré le 4 février 2021, délivré sur autorisation d'assigner à bref délai, la société les Savouries a assigné la société Swisslife devant le tribunal de commerce de Béziers qui a, par jugement réputé contradictoire du 29 mars 2021 :

« - déclaré la demande de la SARL les Savouries recevable et bien fondée ;

- dit et jugé que le contrat d'assurance multirisque professionnelle de la société les Savouries couvre les conséquences financières en cas d'interdiction et réduction d'activité ;

- dit et jugé que les conditions générales prévoient le versement d'une indemnité de perte de marge brute en cas d'interdiction et réduction d'activité;

- condamné la société Swisslife à régler à la société les Savouries à titre de provision la somme de 110.697,20 euros au titre de sa perte de marge brute correspondant au mois de mars à octobre 2020, en application de sa police d'assurance multirisque professionnelle ;

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit conformément aux dispositions de l'article 514 du Code de procédure civile🏛 ;

- condamné la société Swisslife à payer à la société les Savouries la somme de 8.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile🏛, dont distraction (') ;

- condamné la société Swisslife aux entiers dépens de la présente décision. »



Par déclaration reçue le 15 avril 2021, la société Swisslife a régulièrement relevé appel de ce jugement.


Par ordonnance en date du 2 juin 2021, le premier président de cette cour a débouté la société Swisslife de sa demande tendant à l'arrêt de l'exécution provisoire.



La société Swisslife demande à la cour, en l'état de ses conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 10 février 2023, de :

«- Vu les articles 1103, 1189 et suivants du Code civil🏛🏛 ('),

- infirmer le jugement querellé en ce qu'il a déclaré la demande de la SARL les Savouries recevable et bien fondée, jugé que le contrat d'assurance multirisque professionnelle (') couvre les conséquences financières en cas d'interdiction et réduction d'activité, jugé que les conditions générales prévoient le versement d'une indemnité de perte de marge brute en cas d'interdiction et réduction d'activité et l'a condamnée à régler à la société les Savouries à titre de provision la somme de 110.697,20 euros au titre de sa perte de marge brute ('), rappelant que l'exécution provisoire est de droit (') et la condamnant à payer à la société les Savouries la somme de 8 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, avec distraction et aux entiers dépens ('),


et statuant à nouveau :

- juger que :

- la police d'assurance composée des dispositions personnelles WE 013988350 et des conditions générales 8180 E constitue la loi des parties et qu'elle ne saurait être tenue au-delà des garanties souscrites ;

- les conditions générales 8180 F, entrées en vigueur à compter d'octobre 2019 donc postérieurement à la prise d'effet du contrat liant les parties, ne sont pas applicables ;

- la clause du Risque N ' Pertes d'exploitation, article 2.14,1, stipule que la condition de dommages matériels s'applique à la fois à la perte de marge et au remboursement des frais supplémentaires ;

- la conjugaison du verbe « être » à la troisième personne du pluriel ne laisse aucune place au doute à ce sujet ;

- la SARL les Savouries ne justifie pas de dommages matériels directs causés aux biens assurés dans les locaux professionnels assurés et que la Covid-19 ne relève pas des événements ouvrant droit à la garantie pertes d'exploitation ;

- les conditions de mises en œuvre de la garantie pertes d'exploitation ne sont pas réunies, de sorte qu'aucune indemnisation n'est contractuellement due ;

- En conséquence, condamner la SARL les Savouries à lui rembourser la somme provisionnelle de 110.697,20 euros qui lui a été versée en exécution du jugement ('), assorti de l'exécution provisoire ;

- Condamner la SARL les Savouries à lui rembourser la somme de 8.000 euros perçue au titre des frais irrépétibles ainsi que celle de 512,84 euros au titre des dépens de première instance.


- En tout état de cause, rejeter la demande complémentaire de la SARL les Savouries au titre des pertes subies en novembre et décembre 2020, chiffrées à 45 940,26 euros ;

- Rejeter l'ensemble des prétentions (') de la SARL les Savouries, en ce compris sa demande de délai de paiement sur deux années ;

- Condamner la SARL les Savouries à lui verser la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Juger que les dépens de première instance et d'appel seront à la charge de la SARL les Savouries avec le bénéfice, pour ces derniers, de l'article 699 du code de procédure civile🏛 (...) .»


Au soutien de son appel, elle fait essentiellement valoir que :

- le contrat a force obligatoire et ne doit pas être dénaturé ; il prévoit, effectivement, dans les dispositions personnelles, la garantie des pertes d'exploitation dans la limite de la marge brute réelle et du dernier chiffre d'affaires déclaré,

- les conditions générales applicables sont celles de mars 2016 n°8180 E (et non 8180 F datant d'octobre 2019),

- la clause 2.14 prévoit deux types de préjudices indemnisables ; la perte de marge brute en cas de baisse du chiffre d'affaires et les frais supplémentaires d'exploitation engagés avec l'accord de l'assureur,

- la garantie est soumise à deux conditions cumulatives : la perte doit être la conséquence directe des dommages matériels garantis causés aux biens assurés (') et ces dommages matériels relèvent de l'un des événements couverts au titre des risques : A- Incendie, B Tempête ('),

- le dommage matériel est défini dans les dispositions générales comme étant « toute détérioration, destruction ou disparition d'une chose ou substance »,

- la clause constitue une seule et même phrase (le verbe « être » étant au pluriel), la condition « qui sont la conséquence directe (...) » s'applique aux deux types de préjudice indemnisables,

- le contrat d'assurance de choses souscrit ne couvre pas les pertes d'exploitation sans dommage, il faut démontrer une atteinte au bien assuré par l'un des événements garantis, que n'est pas l'épidémie de covid-19,

- l'article 2.14.1 est clair, ne nécessite aucune interprétation, diverses juridictions ont statué dans le sens qu'elle soutient,

- la nécessaire existence d'un dommage matériel garanti pour que l'indemnisation joue est également rappelé dans l'article 3.4.13.2 des conditions générales relatif au calcul de l'indemnité pertes d'exploitation,

- le risque épidémie ne fait pas partie des évènements limitativement énumérés,

- au demeurant, le risque épidémie est inassurable par le seul marché privé,

- l'article 2.15 concerne des pertes d'exploitation spécifiques («  Risque O ' Frais supplémentaires ») sans renvoi vers l'article 2.14 ; l'intimée n'a pas souscrit ce risque,

- les dispositions de l'article L. 113-1 (et de l'article L. 112-4 relatif au caractère très apparent) du code des assurances🏛 ne sont pas applicables, car la discussion porte sur les conditions de la garantie, qui ne sont pas remplies et non une clause d'exclusion de garantie,

- il appartient à l'assuré de prouver qu'il remplit les conditions de la garantie,

- le contrat prévoit en outre, des modalités d'indemnisation, qui n'ont pas été respectées (expertise amiable contradictoire),

- l'intimée présente une situation économique saine, ayant justifié le rejet de la demande de garantie sollicité devant le premier président.


Formant appel incident, la société les Savouries sollicite de voir, aux termes de ses conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 6 février 2023:

«-Vu les articles 1103 et 1104 du Code civil🏛, Vu l'article 2.14.1 des Conditions générales Swisslife (version 2019), Vu l'article 2.15.1 des Conditions générales Swisslife , Vu l'article 6 du Code civil🏛, Vu l'article L.113-1 du Code des assurances🏛, Vu l'article 1188 du Code civil🏛, Vu l'article 1190 du Code civil🏛, Vu l'article 1191 du Code civil🏛, Vu l'article 2.14.1 des Conditions générales Swisslife 8180 (version 2008). ('),

- Déclarer mal fondé l'appel ('),

Par conséquent,


I- A titre principal :

- confirmer le jugement rendu (') en ce qu'il a admis le principe de l'indemnisation par la compagnie Swisslife (') de la perte de marge brute subie et en ce qu'il a déclaré sa demande recevable et bien fondée, jugé que le contrat d'assurance multirisque professionnelle (...) couvre les conséquences financières en cas d'interdiction et réduction d'activité, jugé que les conditions générales prévoient le versement d'une indemnité de perte de marge brute en cas d'interdiction et réduction d'activité,

- En conséquence, condamner la compagnie Swisslife à lui verser la somme indemnitaire définitive de 156 637,46 euros TTC euros en indemnisation de la perte de marge brute subie,

- En tout état de cause, débouter Swisslife de l'intégralité de ses demandes (...),


II- A titre subsidiaire

Si par impossible la Cour venait à réformer le jugement querellé,

- juger que :

- sa situation justifie qu'il soit fait droit à sa demande de délais de paiement sur deux ans,

- elle règlera la somme de 110 697.20 euros à la compagnie Swisslife sur un délai de deux ans, soit un versement de 4 612,38 euros tous les mois avec un premier versement deux mois après que l'arrêt à intervenir soit devenu définitif,

- les sommes correspondants aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal,

- les paiements s'imputeront d'abord sur le capital,

- Débouter la compagnie Swisslife de sa demande de remboursement des condamnations payées en première instance au titre de l'article 700 code de procédure civile et des dépens,

- Débouter la compagnie Swisslife de sa demande au titre de l'article 700 code de procédure civile et des dépens,

- Rejeter l'exécution provisoire,


III- En tout état de cause, condamner la compagnie Swisslife à lui régler la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'au paiement des entiers dépens. »


Elle expose en substance que :

- elle ne sollicite que l'indemnisation de la perte de marge brute due à l'interdiction et à la réduction de son activité du fait du covid-19 au titre de la garantie Pertes d'exploitation, qui n'est pas conditionnée par l'existence d'un dommage matériel garanti,

- l'article 2.14 comprend un point-virgule après l'énonciation du premier poste de préjudice (qu'elle réclame seulement) et une virgule après l'énonciation du second poste de préjudice, suivi de celle de la condition pour en bénéficier, à savoir un dommage matériel garanti (alors que la précédente version -2008- ne comprenait pas de point-virgule, séparant les deux postes de préjudice),

- la phrase « qui sont la conséquence directe des dommages matériels garantis... » ne se réfère qu'au second préjudice (celui des frais supplémentaires)

- le contrat d'assurance est un contrat d'adhésion, l'assureur a modifié le contrat en 2019 en remplaçant la virgule entre les deux postes de préjudice par un point-virgule et le contrat doit être interprété en sa faveur : il ne conditionne pas l'indemnisation de la perte de marge brute à l'existence d'un dommage matériel garanti,

- le caractère inassurable du risque épidémie est hors débat, il appartenait à l'assureur de l'exclure, ce qu'il n'a pas fait et seuls l'ordre public ou l'aléa peuvent limiter l'assurabilité d'un risque,

- la police d'assurances souscrite est une assurance mixte (garantie responsabilité civile du chef d'entreprise, protection juridique, assistance téléphonique, défense pénale et recours suite à accident = assurances de personnes et non de choses) et il ne peut en être déduit que la garantie Pertes d'exploitation est soumise à l'existence d'un dommage matériel,

- outre la somme de 110 697,20 euros d'ores et déjà allouée, son préjudice comprend la perte de marge brute pour les mois de novembre et décembre 2020 à hauteur de 45 940,26 euros,

- sa situation économique et financière justifie l'octroi de délais de paiement en cas de remboursement des sommes perçues.


Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile🏛.


C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 14 février 2023.



MOTIFS de la DÉCISION :


1- sur la garantie souscrite

L'article 1188 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016🏛, prévoit que le contrat s'interprète d'après la commune intention des parties plutôt qu'en s'arrêtant au sens littéral de ses termes.

Lorsque cette intention ne peut être décelée, le contrat s'interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation.

 


L'article 1190 de ce même code, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 20156, prévoit que dans le doute, le contrat de gré à gré s'interprète contre le créancier et en faveur du débiteur, et le contrat d'adhésion contre celui qui l'a proposé.

 

Et l'article 1192 suivant, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, expose qu'on ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation.

 

Les dispositions générales du contrat d'assurance, ayant pris effet le 25 janvier 2017, sont celles de mars 2016 n°8180 E (et non 8180 F datant d'octobre 2019) ; elles prévoient vingt-trois risques garantis répertoriés de A à W, dont le risque N consacré aux pertes d'exploitation pour les dommages susceptibles de survenir à l'occasion de l'activité de l'assuré.


Contrairement à ce que soutient la société les Savouries, qui ne réclame que l'indemnisation de la perte de sa marge brute pendant les périodes de fermeture de son fonds, et non le remboursement de frais supplémentaires, la clause litigieuse ne distingue pas ces deux chefs de préjudices, qui composent, tous deux, la perte d'exploitation indemnisable et ne rattache pas aux seuls frais supplémentaires d'exploitation les dommages nécessaires à la mise en jeu de la garantie, qui sont listés (A, B,C, E, F et L).


La présence d'un point-virgule après l'énonciation du premier poste de préjudice ne fait pas obstacle au fait que cette clause constitue une seule et même phrase, composée de retours à ligne avec des tirets (ou « puce damier») au début de chaque ligne dans un seul objectif de clarté de la présentation, sans pour autant, scinder ces deux chefs de préjudices, ni créer un cumul entre eux, nécessaire pour solliciter toute indemnisation.


Le risque N Pertes d'exploitation est également présenté dans un tableau récapitulant les montants de garantie, figurant en page 54 des conditions générales, qui énonce, clairement, que ce risque est couvert par une garantie au titre de la perte de la marge brute et des frais supplémentaires consécutifs aux différents risques (A, B, ...), qui sont énumérés (avec une spécificité en terme de limite de garantie pour le risque F ' Vol).


Elle est, ainsi, soumise à la survenance des risques énumérés en page 18/59 des conditions générales, à savoir les risques A ' Incendie, explosion et risques annexes, B ' Tempête, neige ou grêle, C ' Catastrophes naturelles (dans les conditions prévues à l'article 2.3), E ' Dégâts d'eau, F ' Vol et L ' Attentats, actes de vandalisme.


La fermeture administrative pour cause d'épidémie, dont se prévaut la société les Savouries pour l'année 2020 ne figure pas au nombre des risques garantis par la police d'assurance multirisque professionnelle souscrite et des risques, énoncés par l'article 2/14, permettant la garantie des pertes d'exploitation.

 

S'agissant de l'application des conditions de garantie, qu'il appartient à l'assuré de démontrer, et non de celle d'une clause d'exclusion, qu'il appartient à l'assureur de rapporter, l'argumentation se référant aux dispositions de l'article L. 113-1 du code des assurances relatives au caractère formel et limité d'une telle clause sont hors sujet, l'absence d'exclusion de la fermeture dite administrative pour cause d'épidémie dans le contrat d'assurance litigieux ne pouvant pas, sauf à dénaturer ledit contrat, être assimilée à la garantie d'un tel risque.

 


La rédaction, arguée comme étant plus explicite, d'autres contrats d'assurance professionnelle, proposés par d'autres sociétés d'assurance, ne peut permettre de retenir que le contrat litigieux est obscur et doit être interprété.

 

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la police d'assurance souscrite est claire et ne nécessite aucune interprétation ; elle ne garantit pas les pertes d'exploitation liées à une fermeture dite administrative pour cause d'épidémie, de sorte que les demandes d'indemnisation, y compris complémentaires, de la société les Savouries sur ce fondement seront rejetées.

 


Par ces motifs, le jugement sera infirmé dans toutes ses dispositions.

 

2- sur les demandes de restitution des sommes du fait de la réformation et les délais de paiement


Le présent arrêt, infirmatif, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, et les sommes devant être restituées portent intérêt au taux légal à compter de la notification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution. Il s'ensuit que la demande de restitution des sommes réglées au titre de l'exécution provisoire est sans objet.


L'article 1343-5 du code civil🏛 dispose que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.


Outre que la société les Savouries a de fait bénéficié de délais de paiement, elle ne justifie pas de sa capacité à honorer sa dette dans le délai de deux ans au regard de sa situation financière actuelle au sujet de laquelle elle ne produit strictement aucun élément, notamment, comptable, actuel. La demande de délais de paiement sera donc rejetée.


3 - sur les autres demandes

 

La société les Savouries, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, et au vu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, à payer la somme de 1 500  euros, sa demande sur ce fondement étant rejetée.

 

PAR CES MOTIFS :

 

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

  

Infirme dans toutes ses dispositions le jugement du  tribunal de commerce de Béziers en date du 29 mars 2021,

 

Et statuant à nouveau,

 

Rejette l'ensemble des demandes d'indemnisation formées par la SARL les Savouries,

 

Dit que la demande en restitution des sommes réglées par la SA Swisslife Assurance de biens au titre de l'exécution provisoire du jugement entrepris est sans objet,


Rejette la demande de délais de paiement formée par la SARL les Savouries,


Condamne la SARL les Savouries à payer à la SA Swisslife Assurance de biens la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

 

Rejette la demande de la SARL les Savouries fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

 

Condamne la SARL les Savouries aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code. 

 

le greffier,                                                                       la conseillère faisant fonction le président,

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