La lettre juridique n°429 du 24 février 2011

La lettre juridique - Édition n°429

Éditorial

La "QPC" s'invite au Stade de France et joue à guichets... bientôt fermés ?

Lecture: 6 min

N4951BRS

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3901122-edition-n-429-du-24022011#article-414951
Copier

par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 27 Mars 2014


On efface tout et on recommence ! Page blanche ! Non, James O'Connor n'achevait pas un XV de France aux abois, après un triplé de Drew Mitchell servi par son arrière Kurtley Beale, pour la plus lourde défaite de l'équipe de France de rugby face aux australiens (59-16), ce 27 novembre 2010. Et, les Bleus ne s'inclinaient pas devant une équipe biélorusse (55ème au classement Fifa) : le 4-4-2 n'y faisant rien, en l'absence de meneur de jeu, en ce jour de septembre 2010. Mieux ! Bigard ne mettait par le paquet en humiliant, dès 2004, l'enceinte de La Victoire sanctuarisée de 1998 et Mylène Farmer épargnait les oreilles des séquanodionysiens de ses multiples récidives vocales. Il reste, alors, le désespoir de ces fans de hip hop campant sur les abords du stade, leurs billets de concert pour le 22 juin prochain en poche, le prunelle de leur oeil errant (désormais ?) dans le vide ; ou encore, l'angoisse de ses grands enfants avides de contes et légendes arthuriennes à la sauce "Robert Hossein", préférant les sons et lumières à la poésie de Chrétien de Troyes...

Ah ! Si seulement la décision rendue par le Conseil constitutionnel, le 11 février 2011, d'annuler la loi relative à la concession du Stade de France pouvait faire oublier les défaites et autres blessures à l'orgueil national subies dans ce stade, cénacle d'un mythe unique... Ce jour là, les Sages de la rue de Montpensier jugeaient non conforme à la Constitution la loi n° 96-1077 du 11 décembre 1996, relative au contrat de concession du Stade de France à Saint-Denis, qui par son article unique, validait le contrat de concession relatif à la réalisation du grand stade conclu le 29 avril 1995 entre l'Etat et un consortium (Vinci et Bouygues). Le requérant (Starlight) faisait grief à cette disposition de porter atteinte aux principes constitutionnels de la séparation des pouvoirs et du droit à un recours effectif.

Flash-back : en 1995, Edouard Balladur, Premier ministre, signait un contrat avec le consortium, chargé de financer, de construire puis d'exploiter le stade ; mais, un an plus tard, par un jugement du 2 juillet 1996, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du Premier ministre d'approuver et de signer le contrat portant concession de la conception, de la réalisation, du financement, de l'entretien et de l'exploitation du stade de France. Pour prononcer cette annulation, le tribunal administratif de Paris s'est fondé sur la considération que le contrat de concession n'avait pas respecté le règlement de la consultation selon lequel aucune subvention d'exploitation ne pourrait être envisagée en faveur du concessionnaire. Aussi, afin de lever toute insécurité juridique quant à la concession signée, Alain Juppé, nouveau Premier ministre, faisait voter une loi validant le contrat, et empêchant, ainsi, sa contestation... jusqu'à ce que la loi organique de 2008 instaure la question prioritaire de constitutionalité (QPC) et n'ouvre le champ de la contrariété de la loi au bloc de constitutionnalité. Réponse du berger à la bergère, la société requérante proposant la vente de billets en ligne, accusée, sous cape, de concurrence déloyale, contre-attaquait sur le terrain de la validité de la concession chargée d'exploiter le site.

Les Sages commencent, alors, par rappeler que, si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit ou valider un acte administratif ou de droit privé, c'est à la condition de poursuivre un but d'intérêt général suffisant et de respecter tant les décisions de justice ayant force de chose jugée, que le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions. En outre, l'acte modifié ou validé ne doit méconnaître aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf si le but d'intérêt général visé est lui-même de valeur constitutionnelle. Enfin, la portée de la modification ou de la validation doit être strictement définie. Or, en l'espèce, l'article unique de la loi du 11 décembre 1996 contestée s'abstenait d'indiquer le motif précis de la validation du contrat de concession. Etant contraire à la Constitution, il est donc abrogé.

D'abord, tout cela pourrait passer comme anodin, si la "Loppsi II", votée définitivement par le Parlement, ne prévoyait pas la création d'un nouveau délit, celui d'offrir, de mettre en vente ou d'exposer en vue de la vente, sur un réseau de communication au public en ligne, des billets d'entrée ou des titres d'accès à une telle manifestation pour en tirer un bénéfice, sans autorisation du producteur, de l'organisateur ou du propriétaire des droits d'exploitation d'une manifestation sportive, culturelle ou commerciale... Le contrevenant écopant, dès lors d'une amende de 15 000 euros. Pas de producteur, d'organisateur ou de propriétaire des droits d'exploitation légalement reconnu et c'est le business plan de ce site de vente en ligne, jugé agressif sur un plan commercial, qui est sauvé des eaux du Styx. D'où l'on entrevoit que, si une QPC posée en termes trop généraux n'est pas recevable -la Chambre criminelle de la Cour de cassation nous le rappelant, encore, le 1er février 2011, au sujet des articles 114, alinéas 5 à 11 et 114-1 du Code de procédure pénale-, la QPC préventive se révèle être une arme redoutable à la faveur de qui sait la manier avec précision et dextérité (et une bonne formation continue "décret n° 2004-1386" !).

Ensuite, il n'en demeure pas moins que, la loi de validation déclarée inconstitutionnelle, la validité du contrat de concession est sous caution. Le jugement de 1996 a, en effet, considéré que l'un des mécanismes de compensation prévus par le contrat de concession en cas de circonstances imprévisibles et extérieures au contrat pouvait s'analyser comme un système de subventions instituées au profit du concessionnaire, même en l'absence de bouleversement de l'économie du contrat résultant d'événements imprévisibles et extérieurs aux parties, circonstance qui, dans le droit commun des concessions de service public, est de nature à justifier une indemnisation au profit du concessionnaire. Or, le versement de subventions d'exploitation étant exclu par le règlement de la consultation, le tribunal a considéré que les stipulations du contrat méconnaissaient sur ce point les prescriptions fixées par le règlement de la consultation et qu'en cela elles portaient atteinte au principe d'égal accès des candidats à l'octroi de la concession. Le tribunal a donc jugé que ces stipulations n'étant pas divisibles des autres stipulations du contrat, elles entachaient d'illégalité l'ensemble de la convention litigieuse et par voie de conséquence, la décision du Premier ministre de la signer. Le contrat entaché de nullité, sauf à publier rapidement, au Journal officiel, une loi de validation infaillible, il conviendrait, sans doute, d'établir le préjudice de tous les candidats à la concession, sur les 15 dernières années... Il ne resterait plus à l'équipe de France de football qu'à accomplir le miracle de 98', à chaque rencontre ; ou à "l'idole des jeunes" de revêtir, plus vite que de raison, son costume de rocker galvanisant les foules...

Le problème, c'est que les motifs de la loi du 11 décembre 1996 sont clairs et précis : lever, par une mesure de validation, l'insécurité juridique qui pouvait affecter ce contrat de concession et par là même mettre en cause la bonne préparation de l'organisation... de la coupe du monde de football par la France. L'effet que la qualité de l'organisation d'une telle manifestation a eu sur l'image internationale de la France justifiait pleinement que, dans le respect des principes constitutionnels (sic), tous les moyens juridiques soient réunis, notamment pour réaliser le grand stade de 80 000 places implanté à Saint-Denis. Autrement dit, la loi de validation revêtait clairement un intérêt général : la préparation de la coupe du monde de football de 1998, la sauvegarde du prestige international de la France à l'occasion de cette manifestation et le souci d'éviter le développement de contentieux d'une ampleur telle qu'ils auraient entraîné des risques considérables pour la réalisation de l'opération, notamment la suspension des travaux. Mais aujourd'hui, quel intérêt général une telle loi de validation défendrait-elle ? Quel impérieux motif de puissance public justifierait qu'une loi protège les intérêts du consortium chargé de l'exploitation du Stade de France ? D'où il convient d'être prudent quant à la rédaction de la future loi de validation du contrat de concession du Stade de France ou l'affaire pourrait bien tourner vinaigre pour le joyau de l'architecture sportive tricolore.

newsid:414951

Affaires

[Manifestations à venir] Entreprise et patrimoines - destins croisés

Lecture: 2 min

N5029BRP

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3901122-edition-n-429-du-24022011#article-415029
Copier

Le 24 Février 2011

L'évolution des esprits et des moeurs, des pratiques et des techniques, ont profondément modifié l'appréhension que le citoyen peut avoir de l'entreprise dans le même temps où elle est apparue comme la source essentielle de la création de richesse et où la crise a rappelé durement qu'elle demeurait plus que jamais le lieu de tous les risques. Ce besoin d'entreprendre, en limitant les risques, a déjà conduit le législateur à faire considérablement évoluer la notion de société et de personne morale sans toucher jusqu'ici à l'unicité du patrimoine, principe fondamental de notre droit français. Les lois les plus récentes, sur la fiducie (loi n° 2007-211 du 19 février 2007, instituant la fiducie N° Lexbase : L4511HUM), sur la déclaration d'incessibilité du domicile de l'entrepreneur (loi n° 2003-721 du 1er août 2003, pour l'initiative économique N° Lexbase : L3557BLC), sur la micro-entreprise (loi n° 2008-776 du 4 août 2008, de modernisation de l'économie N° Lexbase : L7358IAR) et celle du 15 juin 2010 sur l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée (loi n° 2010-658 N° Lexbase : L5476IMR), consacrant la notion de patrimoine d'affectation, nous obligent à reconsidérer tout l'environnement juridique de l'entreprise. En subissant une mutation dans sa structure juridique même, l'entreprise bouleverse tous les rapports de droits avec ses partenaires :
- ses créanciers, en modifiant le droit du crédit et le droit des procédures collectives ;
- les proches de l'entrepreneur affectant le droit de la famille ;
- l'Etat, au travers du droit fiscal ;
Elle génère aussi de nouveaux risques pour ceux-ci.
L'association Droit et Commerce propose donc d'étudier en profondeur cette mutation, dans le cadre du 36ème Colloque de Deauville, qui se tiendra les samedi 2 et dimanche 3 avril 2011, sous la direction scientifique de Nicolas Molfessis, Professeur à l'Université Panthéon-Assas, ayant pour intitulé : "le destin de l'entreprise et celui du patrimoine se sont-ils enfin rencontrés ?".
  • Programme

Samedi 2 mars 2011 :

- 8h45 : Accueil des participant

- 9h00 : Allocution de bienvenue et présentation du thème du colloque par le Président de Droit et Commerce

- Matinée sous la présidence de Christian de Baecque, Président du tribunal de commerce de Paris : "Le bouleversement des structures" (9h00-12h00)
. Les nouvelles formes de l'entreprise par François Terré, membre de l'Institut, Professeur émérite à l'Université Panthéon-Assas
. La conception nouvelle de l'entreprenariat par Didier Poracchia, Professeur à l'Université Paul-Cézanne (Aix-Marseille III), Directeur de l'Institut de droit des affaires
. La mutation du patrimoine par François Chénedé, Professeur à la Faculté de droit de Rennes

- 12h45 : Déjeuner au restaurant "Côté Royal" de l'hôtel Royal

- Après-midi sous la présidence de Françoise Kamara, Haut-Conseiller à la première chambre civile de la Cour de cassation, Présidente de la Commission des clauses abusives : "L'adaptation du droit" (14h30-18h30)
. Entreprise et crédit par Alain Gourio, Responsable de la coordination juridique Groupe BNP-Paribas
. Entreprise et procédures collectives par Corinne Saint-Alary-Houin, Professeur des Universités, Directrice du Centre de droit des affaires et Jean-Luc Mercier, administrateur judiciaire, avocat, ancien Président de l'ASPAJ
. Entreprise et fiscalité par Bernard Lagarde, avocat au Barreau de Paris
. Entreprise et famille par Hervé Lecuyer, Professeur à l'Université Panthéon-Assas

- 20h00 : Dîner de gala au salon "Les Ambassadeurs" du Casino

Dimanche 3 mars 2011

Matinée sous la présidence de Michel Rouger, Président honoraire du tribunal de commerce de Paris, Président de l'Institut PRESAJE : Le bilan (9h30-12h00)
. Les nouveaux risques par François-Xavier Lucas, Professeur à l'Université Panthéon-Sorbonne
. L'entreprise nouvelle : illusion ou révolution par Nicolas Molfessis, Professeur à l'Université Conclusion par Nicolas Molfessis, Professeur à l'Université Panthéon-Assas

- Déjeuner au restaurant "Côté Royal" de l'hôtel Royal

  • Date

Samedi 2 et dimanche 3 avril 2011

  • Lieu

- Travaux : C.I.D. de Deauville
- Hébergement : Hôtel Royal de Deauville
- Repas : Restaurant de l'hôtel Royal et Casino de Deauville

  • Renseignement/Inscription

Association Droit et Commerce
Madame Isabelle Aubard, secrétaire générale
74 avenue du Docteur Arnold Netter, 75012 Paris
Tel/Fax : 01-46-28-38-37
Email : isabelle.aubard@droit-et-commerce.org
Site de l'association : http://www.droit-et-commerce.org

Ce séminaire est susceptible d'entrer dans le cadre de la formation professionnelle continue des avocats et éligible à l'obligation de formation continue des experts comptables. Un certificat de présence sera remis sur place, à titre justificatif.

newsid:415029

Avocats/Institutions représentatives

[Questions à...] Elections du barreau de Paris : Questions à Christiane Féral-Schuhl, Bâtonnier désigné de l'Ordre des avocats

Lecture: 4 min

N4947BRN

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3901122-edition-n-429-du-24022011#article-414947
Copier

par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la rédaction

Le 25 Février 2011

Après une campagne active, les avocats de Paris ont choisi de confier leur avenir professionnel entre les mains du tandem Christiane Féral-Schuhl/Yvon Martinet, élus respectivement futurs Bâtonnier et Vice-Bâtonnier de l'Ordre des avocats au barreau de Paris, le 2 décembre 2010. Pour revenir sur cette campagne, l'organisation de l'année 2011 et les perspectives de 2012, Lexbase Hebdo - édition professions a rencontré Christiane Féral-Schuhl, Bâtonnier désigné du Barreau de Paris. Lexbase : Maintenant que les élections sont passées, quels regards portez-vous sur ces mois de campagne ? Quels en ont été les temps forts ? Avez-vous eu des moments de doute ?

Christiane Féral-Schuhl : Une campagne est avant tout un moment de rencontres et d'échanges. J'ai eu le plaisir et la chance de croiser beaucoup de confrères et de mesurer la diversité de notre profession. J'ai beaucoup écouté mes confrères, leurs attentes, leurs difficultés pour élaborer un programme qui tienne compte de leurs réalités. Ils sont parfois désabusés mais plus souvent enthousiastes, qu'ils exercent dans des structures individuelles, des groupes ou des grands cabinets internationaux.

Il y a eu beaucoup de temps "forts". J'ai fait de très belles rencontres. J'ai surtout été touchée par la mobilisation et l'enthousiasme d'une équipe formidable et de soutiens spontanés qui m'ont fait prendre conscience que les enjeux et espoirs que je portais me dépassaient et justifiaient mon engagement.

Bien sûr il y eut des moments de doute, car à aucun moment je n'ai considéré cette élection comme acquise ; mais rien qui soit de nature à remettre en cause ma détermination. Plus l'échéance approchait et plus je prenais la mesure de la responsabilité qui allait peut-être devenir la mienne et de mon désir profond d'agir pour notre profession.

Lexbase : Pour la première fois, un débat public et télévisé a eu lieu entre les deux tours de l'élection. Comment avez-vous vécu ce moment ?

Christiane Féral-Schuhl : La télévision est un média exigeant, dans un débat retransmis en direct, vous n'avez pas de "filet", ni de droit à l'erreur. C'était donc évidemment un moment stressant. Néanmoins, cette "prise de risque" fait que vous ne pouvez être que naturelle, spontanée. Vous êtes vous-même. Ce débat portait sur l'avenir de notre profession. C'était donc pour moi l'occasion de m'exprimer sur les points forts du programme, sur les solutions à mettre en oeuvre pour améliorer le quotidien des avocats et pour faire de l'avocat un acteur incontournable de la société du numérique, détenteur du secret professionnel. J'ai reçu beaucoup de témoignages de sympathie après ce débat qui a manifestement intéressé et qui s'inscrit désormais comme un passage obligé dans une campagne au Bâtonnat.

Lexbase : Historiquement vous êtes la deuxième femme à être élue Bâtonnier du barreau de Paris. Quel regard portez-vous sur ce point ? Votre élection est elle aussi la marque d'une féminisation de la profession et des instances représentatives ?

Christiane Féral-Schuhl : Même si la féminisation de la profession est une évidence je n'ai pas souhaité centrer mon élection sur ce point. Il est clair que dans les années à venir les femmes occuperont de plus en plus de postes au sein des instances de notre Ordre et je m'en réjouis, car il est naturel que les instances représentatives soient à l'image de ceux qu'elles représentent.

C'est un enjeu fondamental pour notre profession que d'apporter des améliorations au quotidien professionnel de centaines d'avocates car nous connaissons actuellement une véritable hémorragie puisque trop de jeunes, et notamment de femmes, quittent la profession.

J'entends agir sur ces différentes questions, sachant que les attentes dans ce domaine sont à la fois justifiées et nombreuses. Les pistes de travail et de réflexion seront diverses, les améliorations pouvant concerner à la fois les conditions de travail (par exemple en démocratisant le télétravail) ou les acteurs extérieurs (simplifier les démarches auprès des services compétents par exemple au cours du congé maternité).

Mais je voudrai que chaque avocat, homme ou femme, prenne la mesure du caractère entrepreneurial de cette profession. C'est ce qui fait notre force.

Lexbase : "Dauphine" du Bâtonnier Castelain, quelle va être votre place durant sa dernière année de mandat ?

Christiane Féral-Schuhl : Le Dauphin est à sa place quand, dans le respect du rôle et prérogatives du Bâtonnier en exercice, il écoute, analyse, apprend, comprend tout ce qui lui permettra d'assurer la réussite de son Bâtonnat. J'apprends beaucoup auprès du Bâtonnier en exercice, Jean Castelain. Je rencontre tous les acteurs clés et reste à l'écoute de leurs attentes, sans perdre de vue les objectifs que je me suis fixés. L'année 2011 doit me permettre de finaliser la mise en oeuvre de mon programme et de démarrer au 1er janvier 2012 avec des actions concrètes. A cet égard, plusieurs commissions de réflexion actives pendant ma campagne ont été réactivées sous forme de commissions de travail.

Enfin, je crois également que le dauphinat doit rester une période de dialogue récurrent avec les avocats du barreau. J'ai donc pris l'initiative de relayer sur les réseaux sociaux mes rencontres et mes entretiens.

Lexbase : Enfin, pouvez-vous nous rappeler sur quoi portera votre action, dès 2012, dans le cadre de votre mandat ?

Christiane Féral-Schuhl : Le programme que j'ai porté et pour lequel mes confrères m'ont élu sera la ligne de conduite de mon Bâtonnat. Il en est ainsi du grand chantier de la communication électronique qui doit aboutir très vite. De même, la centrale d'achat que j'appelle de mes voeux doit être opérationnelle au plus vite pour répondre aux préoccupations économiques des avocats. J'entends, également, multiplier les actions visant à rapprocher l'Ordre des avocats pour en faire un véritable partenaire au quotidien. Je vise également à mettre en oeuvre des dispositifs de solidarité sans accroître les charges financières des cabinets. Je souhaite apporter des solutions pragmatiques à tous les types de structures qui font la diversité et la richesse de notre profession, afin de faire face aux difficultés économiques actuelles et tirer parti des opportunités de demain.

Il y a également un chantier très important et d'actualité : la défense des libertés... de toutes les libertés. Sur ce dernier chapitre, je voudrais mettre encore plus en lumière le rôle du barreau de Paris : l'une des premières places financières et de droit au monde et le premier barreau vers lequel on se tourne lorsqu'il y a violation des droits fondamentaux dans le monde.

newsid:414947

Contrats administratifs

[Doctrine] Chronique de droit interne des contrats publics - Février 2011

Lecture: 11 min

N5028BRN

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3901122-edition-n-429-du-24022011#article-415028
Copier

par François Brenet, Professeur de droit public à l'Université Paris VIII Vincennes Saint-Denis

Le 20 Octobre 2011

Ce mois-ci, la chronique d'actualité de droit interne des contrats publics met l'accent sur trois décisions. La première est relative à la déclaration d'inconstitutionnalité et à l'abrogation de la loi du 11 décembre 1996 qui avait validé le contrat de concession du Stade de France (Cons. const., décision n° 2010-100 QPC, du 11 février 2011 N° Lexbase : A9131GTD). Logique du point de vue juridique, cette solution implique que ledit contrat n'est, désormais, plus à l'abri d'une contestation contentieuse. Les marchés publics passés selon une procédure adaptée font, également, l'actualité. Dans un arrêt attendu, le Conseil d'Etat vient, en effet, de préciser, dans un sens restrictif, l'office du juge du référé contractuel (CE 2° et 7° s-s-r., 19 janvier 2011, n° 343435, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A1573GQC). Dans le troisième arrêt étudié, le juge administratif précise la distinction entre les variantes et les demandes de spécifications techniques relatives à l'exécution du marché (CE 2° et 7° s-s-r., 5 janvier 2011, n° 343206 et n° 343214, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7415GNX).
  • La validation législative du contrat de concession du Stade de France est contraire à la Constitution (Cons. const., décision n° 2010-100 QPC, du 11 février 2011 N° Lexbase : A9131GTD)

Les validations législatives préservent de tout ou presque, à condition, toutefois, d'être conformes aux normes supérieures ! Haut lieu du sport français, le Stade de France vient de le découvrir à ses dépens puisqu'il fait les frais d'une décision du Conseil constitutionnel du 11 février 2011, laquelle déclare comme étant contraire à la Constitution l'article unique de la loi n° 96-1077 du 11 décembre 1996, relative au contrat de concession du Stade de France (N° Lexbase : L3810IPS). Sans doute n'est-il pas inutile de revenir sur les circonstances qui ont présidé à l'adoption de cette validation législative pour mieux mesurer la portée de la décision du Conseil constitutionnel.

En 1992, la France s'est vu attribuer l'organisation de la coupe de monde de football de 1998. Ne disposant pas d'un grand stade de plus de 45 000 places, il fut alors décidé de construire un nouveau stade d'une capacité d'accueil de 80 000 places. A cet effet, est alors crée le 26 décembre 1994 la société X. Cette société concessionnaire, dont l'actionnariat est détenu par deux grands groupes de BTP, fut alors chargée, aux termes d'un contrat de concession conclu le 29 avril 1995, de concevoir, de construire, de financier d'exploiter et d'entretenir le Stade de France pendant 30 ans. A peine le chantier était-il lancé qu'un contentieux s'est noué autour de la passation de ce contrat de concession qui, comme on peut s'en douter, a suscité des convoitises. Par un jugement du 2 juillet 1996, le tribunal administratif de Paris a, en effet, annulé la décision par laquelle le Premier ministre avait décidé de signer ce contrat au motif que le mécanisme financier, prévu par les dispositions de l'article 39-2-3 du cahier des charges et de l'annexe 8 dudit contrat, qui garantissait au concessionnaire un résultat net équilibré, voir égal aux résultats nets comptables prévisionnels figurant dans la simulation financière de référence pendant les premières années d'exploitation, devait être regardé comme instituant, au profit du concessionnaire, des recettes complémentaires présentant le caractère de subventions interdites par le règlement de consultation. Il avait, ainsi, méconnu le principe d'égal accès des candidats à l'octroi de la concession. En vérité, ce jugement n'était pas le premier épisode de l'abondant contentieux suscité par le contrat de concession du Stade de France. Le président du tribunal administratif de Paris avait été saisi de plusieurs requêtes en référé précontractuel en 1994 (1) et le 2 février 1995, mais aussi d'une requête concernant la communication du texte d'une première décision du Premier ministre relative à l'attribution de la concession et de l'ensemble des décisions, données et rapports sur la base desquels la décision avait été prise (ordonnances du 12 décembre 1994 et du 10 juillet 1995). Ces différents recours avaient été rejetés, et il en avait été de même concernant deux recours en annulation dirigés contre la délibération du jury et de la décision du Premier ministre du 5 octobre 1994 (TA Paris, 18 avril 1995).

Le jugement d'annulation prononcé par le tribunal administratif de Paris ne faisait finalement que retranscrire et concrétiser un fort climat d'insécurité juridique. Bien évidemment, l'annulation de la décision du Premier ministre n'impliquait, en elle-même, aucun effet direct sur le contrat. Seulement, dès cette époque, des voies de droit permettaient de tirer les conséquences de l'annulation de cet acte détachable. Un tiers au contrat pouvait, en effet, demander aux cocontractants de tirer les conséquences de l'annulation de la décision du Premier ministre de signer le contrat de concession du Stade de France et, en cas de refus de leur part, de saisir le juge de l'exécution afin qu'il enjoigne aux parties de saisir le juge du contrat, éventuellement sous astreinte. De la même façon, la société concessionnaire pouvait, également, saisir le juge de contrat, de sa propre initiative, afin qu'il lui précise les conséquences de l'annulation de la décision de signer.

C'est précisément pour faire face à ce scénario catastrophe que le législateur s'est résolu à voter une loi de validation préventive. Il n'était évidemment pas possible de prendre le risque d'une remise en cause du contrat alors que la construction du stade devait être engagée le plus tôt possible et que la société concessionnaire avait besoin de sécurité juridique afin de pouvoir mobiliser les fonds bancaires nécessaires au financement privé du stade et de conclure, aussi vite que possible, un certain nombre de contrats avec des sous-traitants. L'article unique de la loi 11 décembre 1996 disposa que, "sans préjudice des droits éventuels à l'indemnisation des tiers, est validé le contrat de concession conclu le 29 avril 1995, en application de la loi n° 93-1435 du 31 décembre 1993, relative à la réalisation d'un grand stade à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) en vue de la coupe du monde de football de 1998 N° Lexbase : L4083IPW, entre l'Etat et la société [X] pour le financement, la conception, la construction, l'entretien et l'exploitation du stade (dénommé Stade de France) à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), équipement sportif d'intérêt national". Même si plusieurs actions en responsabilité furent, par la suite, portées par certains concurrents évincés devant le juge administratif (2), l'essentiel était sauf puisque le contrat avait reçu l'onction législative et ne pouvait donc plus être contesté devant le juge administratif.

Mais ce qui n'était pas possible hier, à savoir soulever en cours d'instance la question de la constitutionnalité de la loi de validation, l'est désormais depuis l'introduction dans notre droit par la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008, de modernisation des institutions de la Vème République (N° Lexbase : L7298IAK), du mécanisme dit de "question prioritaire de constitutionnalité" (qui crée le nouvel article 61-1 de la Constitution N° Lexbase : L5160IBQ). Saisi par les juges du fond de la question de savoir si la validation législative du contrat de concession du Stade de France était conforme aux articles 4 (N° Lexbase : L1368A9K) et 16 (N° Lexbase : L1363A9D) de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen du 26 août 1789 et à l'objectif d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, la Chambre commerciale de la Cour de cassation (3) l'a logiquement transmise au Conseil constitutionnel après s'être assurée, d'une part, qu'une telle question n'avait pas été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une précédente décision du Conseil constitutionnel et, d'autre part, au motif qu'elle présentait un caractère sérieux au regard des exigences s'attachant aux principes constitutionnels de la séparation des pouvoirs et du droit à un recours effectif. Plus précisément, ladite validation législative semblait se heurter à deux écueils. Il lui était reproché de ne pas poursuivre un but d'intérêt général suffisant et de ne pas avoir une portée strictement circonscrite. C'est sur ce dernier point que le juge constitutionnel s'est fondé pour déclarer la loi de validation contraire à la Constitution.

De la jurisprudence nourrie du Conseil constitutionnel dont le point de départ est constituée par l'importante décision n° 80-119 DC du 22 juillet 1980 (4), il ressort que la validation législative n'est constitutionnelle que si elle respecte plusieurs conditions cumulatives. Elle doit, tout d'abord, poursuivre un but d'intérêt général suffisant, et respecter les décisions de justice ayant force de chose jugée et le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions. Ensuite, l'acte validé ne doit méconnaître aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le but d'intérêt général visé par la validation soit lui-même de valeur constitutionnelle. Enfin, la portée de la validation doit être strictement définie (5). Ces cinq conditions sont rappelées dans la présente décision par le Conseil constitutionnel qui considère que la validation législative ne remplit pas la dernière relative à la définition de la portée de la validation. En effet, les Sages énoncent qu'"en s'abstenant d'indiquer le motif précis d'illégalité dont il entendait purger l'acte contesté, le législateur a méconnu le principe de séparation des pouvoirs et le droit à un recours juridictionnel effectif". La loi de validation était, en effet, rédigée en des termes trop généraux puisqu'elle ne mentionnait pas le motif précis d'illégalité qu'elle entendait couvrir. Le législateur aurait dû préciser que la validation ne concernait que la procédure de passation du contrat de concession puisque c'est elle qui avait été contestée devant le juge administratif. Tirant les conséquences de cette inconstitutionnalité, le Conseil constitutionnel abroge la loi du 11 décembre 1996 à compter de la publication de sa décision au Journal officiel. Cela signifie donc que le contrat de concession du stade de France peut désormais être contesté devant le juge administratif, et que la page contentieuse qui s'était fermée en 1996 vient de se rouvrir.

  • Marchés publics passés en procédure adaptée : l'office "resserré" du juge du référé contractuel (CE 2° et 7° s-s-r., 19 janvier 2011, n° 343435, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A1573GQC)

Véritable innovation de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009, relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique (N° Lexbase : L1548IE3), le référé contractuel n'a pas manqué de susciter l'intérêt de tous ceux qui s'intéressent de près ou de loin au droit des contrats administratifs. Nombreuses furent les questions posées par l'introduction dans notre droit de ce nouveau référé, et parmi celles-ci figurait la question de la place du référé contractuel en matière de marchés publics passés selon une procédure adaptée.

L'affaire jugée par le Conseil d'Etat le 19 janvier 2011 apporte en la matière d'utiles précisions et confirme l'impression qui s'était dégagée de la lecture des premières ordonnances de référé contractuel (6), qui va dans le sens d'une interprétation restrictive de l'office du juge du référé contractuel à l'égard des marchés passés selon une procédure adaptée. Dans la présente espèce, un port avait lancé une procédure adaptée en vue de l'attribution d'un marché portant sur la réfection et l'entretien de la porte d'une écluse. A l'issue de cette procédure, il avait attribué le marché à la société X, et signé celui-ci le 30 juin 2010. A la demande de la société Y dont l'offre avait été écartée, le juge du référé contractuel du tribunal administratif de Rouen avait prononcé la nullité du marché. Il avait relevé, d'une part, qu'en n'ayant pas rendu publique son intention de conclure le marché et observé un délai de onze jours après cette publication, le port n'avait pas permis à la société Y d'engager un référé précontractuel, et, d'autre part, qu'en retenant une offre non conforme aux règlement de la consultation, il avait commis un manquement à ses obligations de mise en concurrence ayant affecté les chances de la société évincée d'obtenir le contrat. Pour le juge du référé contractuel, les conditions posées par l'article L. 551-18 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L1598IEW) étaient bien réunies et la nullité du marché devait donc être prononcée.

La solution retenue par le juge du référé contractuel du tribunal administratif de Rouen ne s'imposait pourtant pas comme une évidence. En effet, l'article L. 551-18 du Code de justice administrative énumère strictement les conditions dans lesquelles l'annulation du contrat peut être prononcée par le juge du référé contractuel. Il dispose que "le juge prononce la nullité du contrat lorsqu'aucune des mesures de publicité requises pour sa passation n'a été prise, ou lorsque a été omise une publication au Journal officiel de l'Union européenne dans le cas où une telle publication est prescrite. La même annulation est prononcée lorsque ont été méconnues les modalités de remise en concurrence prévues pour la passation des contrats fondés sur un accord-cadre ou un système d'acquisition dynamique. Le juge prononce, également, la nullité du contrat lorsque celui-ci a été signé avant l'expiration du délai exigé après l'envoi de la décision d'attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre, ou pendant la suspension prévue à l'article L. 551-4 (N° Lexbase : L1601IEZ) ou à l'article L. 551-9 (N° Lexbase : L1566IEQ) si, en outre, deux conditions sont remplies : la méconnaissance de ces obligations a privé le demandeur de son droit d'exercer le recours prévu par les articles L. 551-1 (N° Lexbase : L1591IEN) et L. 551-5 (N° Lexbase : L1572IEX), et les obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles sa passation est soumise ont été méconnues d'une manière affectant les chances de l'auteur du recours d'obtenir le contrat".

Or, ces conditions restrictives ne concernent pas tous les marchés passés selon une procédure adaptée puisque ces contrats ne sont pas soumis à l'obligation prévue par l'article 80 du Code des marchés publics (N° Lexbase : L9824IEL), pour le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice, de notifier aux opérateurs économiques ayant présenté une offre, avant la signature du contrat, la décision d'attribution d'un tel contrat. C'est dire que l'annulation des marchés passés selon une procédure adaptée ne peut intervenir que sur le fondement des deux premiers alinéas de l'article L. 551-18 (absence des mesures de publicité requises pour sa passation ou de la méconnaissance des modalités de remise en concurrence prévues pour la passation des contrats fondés sur un accord-cadre ou un système d'acquisition dynamique), et certainement pas sur le fondement du troisième alinéa du même article puisque celui-ci est sans objet à leur égard, tout au moins lorsqu'est en cause la signature du contrat avant l'expiration du délai de standstill. Bien évidemment, les marchés passés selon une procédure adaptée peuvent être annulés par le juge du référé contractuel sur le fondement de l'article L. 551-18, alinéa 3, lorsqu'est constatée, non pas la violation du délai de standstill qui ne s'applique pas, mais la violation de la suspension de la signature du contrat prévue aux articles L. 551-4 ou L. 551-9 du Code de justice administrative, ou lorsque le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice ne s'est pas conformé à la décision juridictionnelle rendue au titre du référé précontractuel.

  • Distinction entre variantes et demande de précisions sur les spécifications techniques mises en oeuvre pour exécuter le marché public passé selon une procédure adaptée (CE 2° et 7° s-s-r., 5 janvier 2011, n° 343206 et n° 343214, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7415GNX)

Dans un arrêt rendu le 5 janvier 2011, le Conseil d'Etat apporte quelques précisions intéressantes concernant la notion de variantes dans les marchés publics passés selon une procédure adaptée. Selon l'article 50-II du Code des marchés publics (N° Lexbase : L9798IEM), c'est un principe de liberté qui s'applique en la matière puisqu'il dispose que, "lorsque le pouvoir adjudicateur se fonde sur plusieurs critères pour attribuer le marché, les candidats peuvent proposer des variantes sauf si le pouvoir adjudicateur a mentionné dans les documents de consultation qu'il s'oppose à l'exercice de cette faculté". Sauf manifestation de volonté contraire du pouvoir adjudicateur, les entreprises candidates peuvent donc proposer certaines modifications aux spécifications décrites dans le dossier de consultation ou le cahier des charges, et, ainsi, faire bénéficier les personnes publiques de leur imagination et des solutions innovantes auxquelles elles ont pensé pour répondre à leurs besoins.

Dans la présente affaire, une commune avait lancé un marché de réalisation et d'entretien des dispositifs de déclenchement artificiel d'avalanches. L'offre de la société X ayant été écartée, celle-ci a saisi le juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Grenoble qui a annulé la procédure de passation. Saisi de l'affaire, le Conseil d'Etat vient préciser que les demandes de précisions formulées par le pouvoir adjudicateur au sujet des spécifications que doivent apporter les candidats sur les moyens techniques mis en oeuvre pour exécuter le marché ne doivent pas être qualifiées de variantes. Et puisqu'il ne s'agissait pas de variantes, les entreprises candidates devaient respecter les spécifications techniques prévues dans la solution de base. Elles devaient tout au plus les compléter pour répondre à la demande du pouvoir adjudicateur, et sans doute pas les modifier.

François Brenet, Professeur de droit public à l'Université Paris VIII Vincennes Saint-Denis et Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition publique


(1) TA Paris, 2 novembre 1994 (N° Lexbase : A7865BQD).
(2) Voir, CE Contentieux, 30 juin 1999, n° 193925 ([LXB=A4027AXG ]), Rec. CE, p.222 ; CAA Paris, 4ème ch., 1er février 1995, n° 01PA03012 (N° Lexbase : A0191DHK), Contrats Marchés publ., 2005, comm. 164, note F. Llorens ; CAA Paris, 4ème ch., 7 avril 1998, n° 97PA02792 (N° Lexbase : A8553BHA).
(3) Cass. QPC, 14 décembre 2010, n° 10-40.047, F-P+B (N° Lexbase : A4112GNM).
(4) Cons. const., décision n° 119 DC du 22 juillet 1980 (N° Lexbase : A8015ACT), considérants n° 6 et 7.
(5) Pour un rappel de ces conditions dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité : Cons. const., décision n° 2010-2 QPC du 11 juin 2010 (N° Lexbase : A8019EYN) (loi dite "anti-Perruche"), considérant n° 22 ; Cons. const., décision n° 2010-4/17 QPC du 22 juillet 2010 ([LXB=A9190E47 ]) (indemnité temporaire de retraite accordée aux fonctionnaires pensionnés résidant outre-mer), considérant n° 16 ; Cons. const., décision n° 2010-29/37 QPC du 22 septembre 2010 ([LXB=A8926E9H ]) (dispositions législatives transférant la gestion des passeports et des cartes d'identité), considérant n° 10 ; Cons. const., décision n° 2010-53 QPC, du 14 octobre 2010 (N° Lexbase : A7697GBP) (prélèvement sur le produit des jeux), considérant n° 4.
(6) C. Bardon et Y. Simonnet, Le référé contractuel - Premières précisions jurisprudentielles, Dr. adm., 2010, chron. 22.

newsid:415028

Contrats administratifs

[Questions à...] Evolutions récentes et articulation du référé précontractuel et contractuel - Questions à Laurent Givord, avocat - Of Counsel au sein du cabinet AdDen avocats

Lecture: 9 min

N4963BRA

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3901122-edition-n-429-du-24022011#article-414963
Copier

par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition publique

Le 24 Février 2011

L'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009, relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique (N° Lexbase : L1548IE3), outre la consolidation du référé précontractuel avec l'instauration d'un délai de suspension automatique en cas de saisine du juge des référés précontractuels et la réaffirmation des pouvoirs de ce dernier, a procédé à la création d'un nouveau recours, le référé contractuel. Celui-ci ne peut être exercé qu'après la conclusion du contrat par les personnes ayant un intérêt à le conclure et qui sont susceptibles d'être lésées par des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence. Il complète, ainsi, dans la chaîne de conclusion des contrats publics d'affaires, la panoplie des recours ouverts aux opérateurs économiques intéressés par la conclusion du contrat : référé précontractuel, référé suspension, déféré préfectoral, recours contre les actes détachables, et recours en contestation de validité du contrat. Le principe solidement établi selon lequel la voie du référé contractuel est fermée au demandeur ayant déjà fait usage du référé précontractuel a, toutefois, été récemment battu en brèche par la Haute juridiction administrative qui a admis la recevabilité du référé contractuel consécutif à un référé précontractuel déclaré irrecevable en raison de la signature du contrat par le pouvoir adjudicateur en violation du délai prévu par l'article 80 du Code des marchés publics (N° Lexbase : L9824IEL). Pour faire le point sur l'articulation entre ces deux recours et les nouveautés jurisprudentielles rendues en la matière, Lexbase Hebdo - édition publique a rencontré Laurent Givord, avocat - Of Counsel au sein du cabinet AdDen avocats. Lexbase : Le référé contractuel a été créé par l'ordonnance du 7 mai 2009. Pouvez-vous nous en rappeler brièvement les principales caractéristiques ?

Laurent Givord : Le référé contractuel (1) a été mis en place en vue, notamment, de remédier au fait que le référé précontractuel (2) ne peut plus être exercé une fois que le contrat a été signé, et ce même si cette signature est intervenue en méconnaissance du délai dit de standstill séparant obligatoirement l'information des candidats non retenus de la date de signature du contrat (3). L'objectif est louable, mais les moyens adoptés sont, pour le moins, sophistiqués, de sorte que la compréhension de ce recours est loin d'être acquise à la première lecture des textes qui le régissent ! Deux arrêts récents du Conseil d'Etat, "France Agrimer" (4) et "Grand port maritime du Havre" (5), permettent d'y voir un peu plus clair.

Ce recours, de la même manière que le référé précontractuel, concerne les personnes qui ont un intérêt à conclure le contrat, et vise des contrats qui ne sont plus listés nominativement afin de couvrir l'ensemble des contrats ou des montages contractuels susceptibles d'entrer dans le champ d'application des Directives (CE) 2004/18 (6) et 2004/17 (7). Le requérant dispose, pour exercer ce recours, de 31 jours "suivant la publication" de l'avis d'attribution ou "suivant la notification de la conclusion du contrat" pour les marchés fondés sur un accord-cadre ou un système d'acquisition dynamique (CJA, art. R. 551-7, alinéa 1er N° Lexbase : L9815IEA). A défaut de publication de l'avis ou de notification de la conclusion du contrat, le requérant dispose d'un délai de 6 mois "à compter du lendemain du jour de la conclusion du contrat" (CJA, art. R. 551-7, alinéa 2). Le juge a un mois pour traiter le sort d'un contrat par hypothèse déjà signé (pour en prononcer l'annulation ou la résiliation), sous le contrôle du Conseil d'Etat en cassation (le délai de recours est, alors, de 15 jours).

Lexbase : Pouvez-vous nous indiquer quels sont les pouvoirs du juge des référés contractuels ?

Laurent Givord : Le juge, qui peut suspendre l'exécution du contrat durant l'instance, dispose d'une palette de sanctions permettant de remédier aux atteintes les plus graves, tout en prenant en compte l'intérêt général. Quand, dans certaines hypothèses, il doit prononcer l'annulation du contrat querellé, dans d'autres il bénéficie d'une certaine marge de manoeuvre. Selon les deux premiers alinéas de l'article L. 551-18 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L1598IEW), le juge est tenu d'annuler le contrat si aucune des mesures de publicité requises n'a été prise, ou lorsque la publication requise au JOUE n'a pas été faite, ou lorsque les modalités de remise en concurrence prévues pour la passation des contrats fondés sur un accord-cadre ou un système d'acquisition dynamique n'ont pas été réalisées.

Néanmoins, dans ces cas, qui correspondent aux irrégularités les plus graves, le juge peut moduler la sanction soit par la résiliation du contrat, soit par la réduction de sa durée, soit par une pénalité financière imposée au pouvoir adjudicateur (ou à l'entité adjudicatrice), à condition, toutefois, que la nullité se heurte "à une raison impérieuse d'intérêt général" (CJA, art. L. 551-19 N° Lexbase : L1605IE8). Au titre de l'alinéa 3 de l'article L. 551-18 du Code de justice administrative, la nullité doit être, également, prononcée lorsque n'ont pas été respectés le délai de standstill ou le délai de suspension automatique de signature du contrat résultant de l'introduction d'un recours en référé précontractuel. A ce moment là, deux conditions cumulatives doivent être réunies : la méconnaissance de ces obligations doit avoir privé le demandeur de son droit d'exercer un référé précontractuel, et les obligations de publicité et de mise en concurrence doivent avoir été méconnues d'une manière affectant les chances du requérant d'obtenir le contrat.

Si ces deux dernières conditions ne sont pas vérifiées, le juge bénéficie, également, d'une marge de manoeuvre puisqu'il peut choisir d'annuler le contrat, de le résilier, d'en réduire la durée, ou d'infliger une pénalité financière. On voit que les pouvoirs du juge sont relativement enserrés puisque, de manière schématique, il est tenu, d'une part, d'annuler le contrat dans certains cas strictement définis, les exceptions à l'annulation étant précisément déterminées ou, d'autre part, d'opter pour une sanction déterminée en fonction des fautes commises. C'est, ainsi, d'ailleurs que, dans l'arrêt "Grand port maritime du Havre", il a été jugé que, dès lors qu'un marché à procédure adaptée (MAPA) n'est pas légalement soumis à une obligation d'information des candidats évincés et au délai de standstill, il ne peut pas être annulé au motif qu'un tel délai n'aurait pas été respecté (CJA, art. L. 551-18, alinéa 3) (8).

En d'autres termes, un MAPA ne peut être annulé qu'en cas d'absence des mesures de publicité requises pour sa passation ou de "méconnaissance des modalités de remise en concurrence prévues pour la passation des contrats fondés sur un accord-cadre ou un système d'acquisition dynamique" (c'est-à-dire dans les cas visés aux deux premiers alinéas de l'article L. 551-18). La même solution s'appliquerait pour les délégations de service public car, pour celles qui ne sont pas également des concessions de travaux au sens communautaire, il n'existe pas d'obligation légale d'information des candidats évincés et de délai de standstill. Si une telle solution apparaît juridiquement fondée (9), on peut, dans une certaine mesure, la regretter puisqu'elle ouvre régulièrement la possibilité de signer un MAPA ou une délégation de service public sans laisser le temps nécessaire aux autres candidats de saisir le juge du référé précontractuel.

Lexbase : La voie du référé contractuel est normalement fermée au demandeur ayant déjà fait usage du référé précontractuel. Pouvez-vous nous présenter le cadre de ce principe ?

Laurent Givord : Le référé contractuel n'est pas, à proprement parler, une séance de "rattrapage", puisqu'il n'est pas ouvert au requérant ayant déjà fait usage du référé précontractuel (CJA, art. L. 551-14, alinéa 2 N° Lexbase : L1603IE4). Bien évidemment, des exceptions permettent de remédier à toute "manoeuvre" orchestrée par le pouvoir adjudicateur (ou l'entité adjudicatrice). Le recours est, ainsi, ouvert dès lors que le pouvoir adjudicateur (ou l'entité adjudicatrice) a signé durant l'instance du référé précontractuel, donc en méconnaissance du mécanisme de suspension automatique de signature, ou ne s'est pas conformé à la décision juridictionnelle rendue sur le recours en référé précontractuel.

J'ajoute qu'à côté de ce cas de "fermeture" spécifique, la personne publique peut d'elle-même, en s'imposant des formalités non obligatoires lors de l'achèvement des procédures, "empêcher" régulièrement un candidat de déposer un référé contractuel. Il a fallu, en effet, traiter le cas des contrats pour lesquels il n'existe aucune obligation légale d'information des candidats quant au rejet de leur offre ou de leur candidature, ni aucun délai de standstill (MAPA, délégations de service public qui ne seraient pas, également, qualifiables de concession de travaux au sens du droit communautaire...), ou encore les contrats dont la passation n'est soumise à aucune obligation de publicité.

Pour ces contrats, et en vue de fermer la voie du référé contractuel, le pouvoir adjudicateur (ou l'entité adjudicatrice) doit, avant la signature, publier un avis faisant connaître "son intention de le conclure et observer un délai de 11 jours après cette publication" (CJA, art. L. 551-15, alinéa 1er N° Lexbase : L1560IEI). La voie du référé contractuel peut aussi être fermée pour les contrats fondés sur un accord-cadre ou un système d'acquisition dynamique. Pour ce faire, le pouvoir adjudicateur (ou l'entité adjudicatrice) doit "envoyer aux titulaires la décision d'attribution" et "observer un délai de 16 jours [ou de 11 jours] entre cet envoi et la conclusion du contrat" (10).

On comprend aisément que, dès lors qu'un candidat a été mis à même d'exercer un recours en référé précontractuel et qu'il ne l'a pas fait, la voie du référé contractuel doit, en principe, lui être fermée. A ce sujet, on peut faire une remarque générale dont les retombées pratiques sont fondamentales. Il faut estimer que la voie du référé contractuel est fermée dès lors qu'un candidat n'a pas été empêché de déposer un recours en référé précontractuel, l'ensemble des formalités légales obligatoires d'achèvement de la procédure ayant été respecté (informations du rejet des candidats et délai de standstill) (11). Si la voie du référé contractuel est fermée du fait de l'accomplissement volontaire de formalités non obligatoires pour certains contrats (MAPA, délégation de service public), on ne voit pas pourquoi il serait davantage recevable dans le cas où les formalités légales d'achèvement de la procédure ont été bien respectées. Autrement dit, les requérants ne doivent pas penser qu'ils bénéficient d'un véritable choix entre ces deux procédures contentieuses : le référé contractuel ne serait possible qu'à partir du moment où ceux-ci ont effectivement été empêchés de déposer un référé précontractuel.

Lexbase : L'arrêt "France Agrimer" que vous avez évoqué a ouvert une "brèche" dans cette irrecevabilité. Pouvez-vous nous présenter brièvement cette décision ?

Laurent Givord : Dans cette espèce, un opérateur qui n'avait pas de nouvelles du résultat concernant l'attribution de certains lots a déposé un référé précontractuel. Au cours de l'instance, la personne publique a fait valoir que les lots en cause avaient été signés, ce qui a abouti au rejet des conclusions en référé précontractuel. Toutefois, le juge offre la possibilité pour le requérant de déposer dans la même instance un référé contractuel par de "simples" conclusions nouvelles, donc sans avoir à déposer une nouvelle requête, dans la mesure où la signature du contrat est intervenue en méconnaissance du délai de standstill. Plus exactement, ce délai n'avait même pas encore commencé à courir à l'encontre du requérant puisque celui-ci n'avait pas reçu la notification du rejet de son offre. Ainsi, le recours est ouvert non seulement lorsque le contrat a été signé au cours de l'instance en référé précontractuel (cas explicitement visé par le dernier alinéa de l'article L. 551-14 du Code de justice administrative, mais, également, lorsqu'il a été signé durant le délai de standstill.

Lexbase : Que faut-il penser de la possibilité de transformer la procédure de référé précontractuel en référé contractuel en cours d'instance ouverte ?

Laurent Givord : Cette possibilité peut a priori surprendre, car le Conseil d'Etat aurait pu exiger que le requérant dépose une nouvelle requête et ne puisse pas poursuivre l'instance initialement initiée sur le terrain précontractuel. En effet, on sait, notamment, que ne sauraient se cumuler dans une même requête des conclusions en référé suspension et des conclusions en référé précontractuel, ou encore des conclusions en référé suspension et des conclusions en référé liberté. Mais, ce n'est pas ce que juge le Conseil d'Etat concernant le cumul d'un référé précontractuel et d'un référé contractuel.

On ne peut qu'approuver cette position qui préserve le caractère effectif du recours en référé contractuel car, comme j'ai déjà pu le souligner, il convient de remédier aux éventuelles manoeuvres du pouvoir adjudicateur (ou de l'entité adjudicatrice). Cette solution confirme donc que les conditions de recevabilité du référé contractuel tiennent davantage au fait de savoir si le requérant a été mis à même de déposer utilement un référé précontractuel. Dans l'arrêt "France Agrimer", en effet, le juge estime que le dépôt du recours en référé précontractuel n'était pas utile du fait d'une méconnaissance par la personne publique de ses obligations lors de l'achèvement de la procédure de passation, de sorte que le passage au référé contractuel est logique.

Il sera donc conseillé au requérant qui ne sait pas si le contrat a été signé ou non (à cause d'un défaut d'information) de déposer des conclusions à l'encontre de la procédure de passation, à titre principal, et à l'encontre du contrat lui-même, à titre subsidiaire. Le même conseil doit être donné lorsque le référé précontractuel est déposé dans le délai de standstill afin de se prémunir, à l'avance, d'une signature anticipée du contrat et de pouvoir, ainsi, opportunément "rebondir". Pour autant, la "transformation" possible d'un référé précontractuel en référé contractuel effectuée en cours de procédure contentieuse, ou initiée dès le début de cette dernière par le jeu du dépôt de conclusions principales et subsidiaires, ne remet pas en cause l'ensemble des exigences légalement requises pour obtenir la remise en cause du contrat.


(1) Voir aussi le décret n° 2009-1456 du 27 novembre 2009, relatif aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique (N° Lexbase : L9773IEP), achevant la transposition de la Directive (CE) 2007/66 du 11 décembre 2007 (N° Lexbase : L7337H37) laquelle modifie les Directives dites "recours" du 21 décembre 1989 (Directive (CE) 89/665 N° Lexbase : L9939AUN, dite secteurs "classiques") et du 25 février 1992 (Directive (CE) 92/13 N° Lexbase : L7561AUL, dite secteurs "spéciaux"). Le référé contractuel applicable aux contrats de droit privé est traité aux articles 11 et suivants de l'ordonnance du 7 mai 2009.
(2) CJA, art. L. 551-1 (N° Lexbase : L1591IEN) et suivants résultant des Directives dites "recours", précitées.
(3) Voir par exemple l'article 80 du Code des marchés publics (N° Lexbase : L9824IEL) qui impose, pour les marchés publics passés selon une procédure formalisée, de respecter un délai de 11 jours (ou de 16 jours en cas de dématérialisation).
(4) CE 2° et 7° s-s-r., 10 novembre 2010, n° 340944, mentionné dans les tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8947GGH), et lire les obs. de F. Brenet, Articulation entre référé précontractuel et référé contractuel : recevabilité du référé contractuel consécutif à un référé précontractuel déclaré irrecevable en raison de la signature du contrat par le pouvoir adjudicateur en violation du délai prévu par l'article 80 du Code des marchés publics, Lexbase Hebdo n° 179 du 24 novembre 2010 - édition publique (N° Lexbase : N6958BQR).
(5) CE 2° et 7° s-s-r., 19 janvier 2011, n° 343435, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A1573GQC).
(6) Directive (CE) 2004/18 du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (N° Lexbase : L1896DYU).
(7) Directive (CE) n° 2004/17 du 31 mars 2004, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux (N° Lexbase : L1895DYT).
(8) CE 2° et 7° s-s-r., 19 janvier 2011, n° 343435, précité.
(9) Sur le plan communautaire, les MAPA et les concessions de services ne sont pas, en effet, soumis à la discipline des Directives, mais seulement à celle des principes fondamentaux du Traité, à condition de présenter un intérêt transfrontalier certain.
(10) Ou 11 jours "si la décision a été communiquée à tous les titulaires par voie électronique".
(11) Voir, en ce sens, les conclusions de N. Boulouis sur CE 2° et 7° s-s-r., 19 janvier 2011, n° 343435, précité.
(12) CE 2° et 7° s-s-r., 10 novembre 2010, n° 340944, précité.

newsid:414963

Couple - Mariage

[Jurisprudence] Mariage et différence de sexe : dura lex sed lex

Réf. : Cons. const., décision n° 2010-92 QPC, du 28 janvier 2011 (N° Lexbase : A7409GQH)

Lecture: 7 min

N4960BR7

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3901122-edition-n-429-du-24022011#article-414960
Copier

par Adeline Gouttenoire, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directrice de l'Institut des Mineurs de Bordeaux

Le 24 Février 2011

Comme l'on pouvait s'y attendre, le Conseil constitutionnel n'a pas ouvert aux couples de même sexe les portes du mariage. Avec une logique implacable, il a écarté un à un, dans sa décision du 28 janvier 2011, tous les arguments qui pouvaient être invoqués en faveur de l'accès au mariage des couples homosexuels, leur fermant définitivement la voie du mariage. Le seul espoir réside désormais dans une modification législative, qui ne saurait s'envisager sans un changement de majorité politique... Le juge constitutionnel constate au préalable que l'exigence de différence de sexe est bien une condition de fond du mariage en vertu de l'interprétation par la Cour de cassation, dans son arrêt du 13 mars 2007 précisément visé par le Conseil (1), des articles 75 (N° Lexbase : L3236ABH) et 144 (N° Lexbase : L1380HIX) du Code civil. Comme elle l'a déjà fait dans sa décision relative à la question prioritaire de constitutionnalité relative à l'adoption de l'enfant du conjoint (2), le Conseil accepte donc d'examiner un texte tel qu'interprété par la jurisprudence. C'est donc bien la définition du mariage comme étant l'union d'un homme et d'une femme qui était contestée par les requérantes, en ce qu'il interdit l'accès de cette institution aux couples formés de deux hommes ou de deux femmes. En cours d'instruction de la QPC, le Conseil a reçu une demande d'intervention formulée par l'Association SOS Homophobie et l'Association des parents et futurs parents gays et lesbiens. Cette intervention a été admise et les observations produites jointes à la procédure. Le Conseil réfute les différents moyens qui lui ont été présentés tant par les parties elles-mêmes (I), que par les associations intervenantes, tendant à élargir le débat (II). I. Les arguments des requérantes

Les arguments des requérantes étaient déjà contenus dans l'arrêt de la Cour de cassation transmettant la question prioritaire de constitutionnalité, et ont déjà fait l'objet de nos observations (3). Comme on pouvait le prédire, le Conseil constitutionnel considère que l'exigence de différence de sexe ne porte atteinte ni à la liberté individuelle, ni à la liberté matrimoniale.

A. L'exigence de différence de sexe dans le mariage ne porte pas atteinte à la liberté individuelle

A l'argument des requérants selon lequel les articles 144 et 75 du Code civil sont contraires, dans leur application, aux dispositions de l'article 66 de la Constitution de 1958 (N° Lexbase : L0895AHM), en ce qu'ils interdisent au juge judiciaire d'autoriser à des personnes de même sexe de contracter mariage, le Conseil constitutionnel répond que "l'article 66 de la Constitution prohibe la détention arbitraire et confie à l'autorité judiciaire, dans les conditions prévues par la loi, la protection de la liberté individuelle ; que la liberté du mariage, composante de la liberté personnelle, résulte des articles 2 (N° Lexbase : L1366A9H) et 4 (N° Lexbase : L1368A9K) de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 ; que les dispositions contestées n'affectent pas la liberté individuelle". Autrement dit, la liberté du mariage relève de la liberté personnelle et non de la liberté individuelle ce qui implique que le juge judiciaire ne saurait être compétent pour assurer sa protection.

Ce grief reposait sur une conception de la liberté individuelle que le Conseil constitutionnel a écartée depuis la deuxième moitié des années 1990. A partir de 1999, il est, en effet, revenu à une conception plus étroite de la liberté individuelle, réduite pour l'essentiel à la sûreté (4) et en a tiré des conséquences plus exigeantes quant à la réserve de compétence du juge judiciaire. Dès lors qu'il fondait la liberté du mariage dans le champ de la liberté personnelle, protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789, il était logique qu'il n'admette pas la compétence du juge judiciaire pour en assurer la protection constitutionnelle.

B. L'exigence de différence de sexe dans le mariage ne porte pas atteinte à la liberté matrimoniale

De manière assez prévisible, le Conseil constitutionnel déclare également mal fondée l'analyse qui consistait à prétendre que le fait de subordonner le mariage à une différence de sexe porterait atteinte à la liberté constitutionnellement garantie du mariage. Il considère tout à fait logiquement que "la liberté du mariage ne restreint pas la compétence que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution (N° Lexbase : L0860AHC) pour fixer les conditions du mariage dès lors que, dans l'exercice de cette compétence, il ne prive pas de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel". C'est dire que la différence de sexe relève de la définition même du mariage pour laquelle le législateur est seul compétent en vertu des dispositions mêmes de la Constitution. La seule limite de cette compétence réside dans le respect des exigences constitutionnelles, le mariage ne pouvant être subordonné à une exigence qui, en elle-même, porterait atteinte à une garantie constitutionnelle. Il ne serait ainsi pas admissible que le mariage ne soit accessible qu'aux nationaux ou qu'aux personnes qui se réclament d'une certaine religion. Tel n'est pas le cas lorsque le mariage est réservé à deux personnes de sexe différent.

Comme le suggère le Conseil constitutionnel, le législateur pourrait cependant modifier la définition du mariage qui résulte aujourd'hui des textes du Code civil. Il lui est, en effet, à "tout moment loisible [...], statuant dans le domaine de sa compétence, d'adopter des dispositions nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité et de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions, dès lors que, dans l'exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel". Très clairement, le Conseil constitutionnel rappelle qu'il ne dispose quant à lui d'aucun "pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement", sa compétence se limitant seulement "à se prononcer sur la conformité d'une disposition législative aux droits et libertés que la Constitution garantit". Le Conseil constitutionnel refuse légitimement de sortir du rôle que lui a conféré la Constitution et incite le législateur à assumer ses responsabilités pour ce qui est de la définition du mariage.

II. Les arguments ajoutés par les associations intervenantes

Les associations qui sont intervenues dans la cause devant le Conseil constitutionnel ont invoqué deux arguments supplémentaires qui n'ont pas davantage convaincu les juges de la rue de Montpensier.

A. La différence de sexe dans le mariage ne porte pas atteinte au droit au respect de la vie familiale

Le Conseil a consacré la valeur constitutionnelle du "droit de mener une vie familiale normale" dans sa décision du 13 août 1993 (5) sur le fondement du dixième alinéa du Préambule de 1946. A l'argument selon lequel l'impossibilité pour un couple de même sexe d'accéder au mariage porterait atteinte au droit au respect de sa vie familiale, le Conseil constitutionnel répond que "le dernier alinéa de l'article 75 et l'article 144 du Code civil ne font pas obstacle à la liberté des couples de même sexe de vivre en concubinage dans les conditions définies par l'article 515-8 de ce code (N° Lexbase : L8525HWN) ou de bénéficier du cadre juridique du pacte civil de solidarité régi par ses articles 515-1 (N° Lexbase : L8514HWA) et suivants ; que le droit de mener une vie familiale normale n'implique pas le droit de se marier pour les couples de même sexe ; que, par suite, les dispositions critiquées ne portent pas atteinte au droit de mener une vie familiale normale".

Même si elle ne permet pas au raisonnement des associations intervenantes de prospérer, la réponse du Conseil marque en elle-même une évolution certaine de la prise en compte du couple homosexuel. L'analyse du juge constitutionnel sous entend en effet, à l'évidence, que le couple homosexuel est bien constitutif d'une "vie familiale", ce qui est totalement nouveau. La même idée avait certes déjà été affirmée dans la décision sur la question prioritaire de constitutionnalité relative à l'adoption de l'enfant du conjoint, le Conseil ayant considéré qu'il y avait une vie familiale entre l'enfant concerné et la concubine de sa mère. Mais en admettant l'existence d'une vie familiale entre deux personnes de même sexe, indépendamment d'une relation avec un enfant, le Conseil constitutionnel franchit une étape supplémentaire. Ce faisant, elle emboîte le pas à la Cour européenne qui, dans l'arrêt du 24 juin 2010 (6), cité d'ailleurs dans le dossier documentaire du Conseil constitutionnel accompagnant la décision, a admis pour la première fois clairement (7) qu'une relation entre deux personnes de même sexe peut être qualifiée de vie familiale. La Cour européenne se fonde sur l'évolution, dans de nombreux Etats européens, des attitudes sociales envers les couples du même sexe et la reconnaissance légale accordée aux couples homosexuels dans un nombre important d'Etats membres.

Le Conseil constitutionnel considère, cependant, que le droit de mener une vie familiale normale n'implique pas le droit pour les couples homosexuels de se marier. Il justifie cette affirmation par la possibilité offerte à ces couples par le droit français de bénéficier du cadre juridique du concubinage ou du pacte civil de solidarité. Le juge constitutionnel semble alors se montrer -une fois n'est pas coutume- plus progressiste que le juge européen en ce qu'il semble admettre que le droit de mener une vie familiale normale implique le droit pour les couples de même sexe de bénéficier d'un statut légal, alors que la Cour européenne, dans l'arrêt du 24 juin 2010, semble leur avoir dénié ce même droit. Elle a, en effet, considéré la reconnaissance d'une vie familiale au bénéfice des couples de même sexe n'impliquait pas l'obligation positive pour les Etats de leur offrir un statut légal. La Cour européenne constate que si un consensus européen se fait jour quant à la reconnaissance des couples de même sexe, celle-ci n'est pas encore prévue dans une majorité des Etats et en a déduit qu'on ne peut reprocher à l'Etat autrichien de ne pas avoir adopté plus rapidement la loi sur le concubinage officiel au bénéficie des couples homosexuels.

B. La différence de sexe dans le mariage ne porte pas atteinte au principe d'égalité

Le Conseil constitutionnel a, enfin, rejeté l'argument récurrent de l'égalité par un raisonnement que l'on retrouve désormais systématiquement à propos des couples homosexuels et qui est difficilement réfutable.

Le Conseil, comme il l'a fait dans sa décision (préc.) relative à l'adoption de l'enfant du conjoint, considère que les couples de même sexe ne sont pas dans la même situation que les couples de sexe différent. A partir de cette analyse -dont on pourrait considérer que, s'agissant d'un couple sans enfant, elle est contestable- il a beau jeu de rappeler que "le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit", ce qui lui permet de conclure "qu'en maintenant le principe selon lequel le mariage est l'union d'un homme et d'une femme, le législateur a, dans l'exercice de la compétence que lui attribue l'article 34 de la Constitution, estimé que la différence de situation entre les couples de même sexe et les couples composés d'un homme et d'une femme peut justifier une différence de traitement quant aux règles du droit de la famille". Une fois encore, de manière tout à fait légitime, le Conseil constitutionnel refuse de se mêler d'un débat qui ne relève pas de sa compétence et laisse au législateur la responsabilité de ses choix.

Pour l'instant en tout cas, le mariage reste "hétérotextuel"...


(1) Cass. civ. 1, 13 mars 2007, n° 05-16.627, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A6575DU3).
(2) Cons. const., décision n° 2010-39 QPC du 6 octobre 2010 (N° Lexbase : A9923GAR), A. Gouttenoire et Ch. Radé, L'adoption de l'enfant du concubin devant le Conseil constitutionnel, JCP éd. G, 2010, p. 1145.
(3) Nos obs., Mariage homosexuel : en route pour le Conseil constitutionnel !, Lexbase Hebdo n° 418 du 25 novembre 2010 - édition privée (N° Lexbase : N6910BQY).
(4) J-Cl. Libertés, Fasc. 220, n° 70.
(5) Décision n° 93-325 DC du 13 août 1993, Loi relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France (N° Lexbase : A8285ACT).
(6) JCP éd. G, 2010, n° 41, 1013, obs. H. Fulchiron ; RTDCiv., 2010, p. 738, obs. J.-P. Marguénaud.
(7) Après un sous-entendu dans l'arrêt du 2 mars 2010 (CEDH, 2 mars 2010, Req. 13102/02).

newsid:414960

Social général

[Manifestations à venir] Facebook, réseaux sociaux internes et Ressources Humaines

Lecture: 1 min

N4987BR7

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3901122-edition-n-429-du-24022011#article-414987
Copier

Le 01 Mars 2011

L'Association des anciens élèves du Master Professionnel "Développement des Ressources Humaines" de Paris I-Sorbonne organise un colloque, le 18 mars 2011, intitulé "Facebook, réseaux sociaux internes et Ressources Humaines".
  • Avec la participation de

- Jean-Paul Bouchet , Secrétaire Général CFDT-Cadres ;
- Karine Boullier , Directrice de la communication interne Coca-Cola Entreprise ;
- Philippe Cuénot , Directeur RH et de la communication interne , Bouygues Télécom ;
- Christian Sanchez , Directeur du Développement Social, Groupe LVMH.

La conférence sera animée par Jean-Emmanuel Ray, Co-directeur du Master Professionnel "Ressources Humaines Sorbonne".

  • Renseignements et inscriptions

Le colloque se déroulera le vendredi 18 mars 2011 de 18h30 à 20h00, Amphithéatre Lefebvre en Sorbonne, Galerie Jean-Baptiste Dumas, escalier R, 1er étage (entrée par le 15, rue de la Sorbonne, stations "Cluny-Sorbonne" ou "Saint-Michel" par le métro ou "Luxembourg" par le RER).

Site internet : www.sorbonne-rh.com

Inscription : colloque@sorbonnerh.com

newsid:414987

Libertés publiques

[Jurisprudence] De la liberté de dénoncer les effets nocifs d'un médicament... - Questions à Maître François Honnorat, Avocat associé, Cabinet Racine

Lecture: 5 min

N4974BRN

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3901122-edition-n-429-du-24022011#article-414974
Copier

par Anne-Lise Lonné, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition privée

Le 26 Février 2011

Alors que le rapport administratif de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur le Mediator, remis le 15 janvier 2011 au ministre de la Santé, a confirmé l'ampleur du scandale de cette affaire, mettant en cause la responsabilité du système français de contrôle pharmaceutique, la cour d'appel de Rennes statuait quelques jours plus tard, le 25 janvier, sur la question de la censure du sous-titre du fameux ouvrage consacré au Mediator, qui avait été ordonnée par le juge des référés du tribunal de grande instance de Brest le 7 juin 2010. Ce dernier avait estimé que la mention "Combien de morts" sur la couverture de l'ouvrage était constitutive, sur le fondement d'un dénigrement commercial, d'un dommage imminent pour les laboratoires ayant commercialisé le produit. Mais les seconds juges infirment la décision, considérant que "non seulement le titre dont le retrait a été ordonné ne constitue pas un trouble manifestement illicite ou de nature à causer un dommage imminent, mais a contribué à faire avancer un légitime débat sur la nocivité d'un médicament antérieurement mis sur le marché". Ils concluent que "l'association entre la prise du médicament et un nombre de décès à quantifier, en raison de la forme interrogative, ne constitu[ait] pas un acte de dénigrement commercial du produit" (CA Rennes, 1ère ch., sect. A, 25 janvier 2011, n° 10/04473 N° Lexbase : A0317GR8). Pour comprendre le sens de cette décision, Lexbase Hebdo - édition privée a rencontré Maître François Honnorat, Avocat associé du cabinet Racine, qui défendait le célèbre médecin auteur de l'ouvrage, et qui a accepté de répondre à nos questions.

Lexbase : La dernière partie des motifs de la décision s'attache à démontrer la pertinence de la question censurée en référé compte tenu des conclusions de l'étude de l'AFSAPS publiées en novembre 2010, soit après la décision du juge des référés du 7 juin 2010. La prise en compte de ces éléments n'est-elle pas contestable alors que la cour d'appel devait seulement "rechercher, si, au moment où le premier juge a statué, cette mention dénigrait le produit au nom duquel ce titre était associé" comme elle l'indique au début des motifs ?

François Honnorat : Notre contestation de l'ordonnance prononcée par le juge de Brest portait, notamment, sur le défaut de considération des dispositions de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'Homme (N° Lexbase : L4743AQQ) qui reconnaît à toute personne le droit à la liberté d'expression. Si ce droit comprend des limites, la Cour européenne rappelle que ces limites doivent être appréciées d'autant plus restrictivement que le débat porte sur un sujet d'intérêt général. L'appréciation des restrictions apportées à la liberté d'expression est particulièrement sévère lorsque le débat touche, en particulier, à la santé publique (CEDH, 7 novembre 2006, Req. 12697/03 N° Lexbase : A1924DS3).

La cour d'appel expose les motifs de sa décision après avoir rappelé la teneur des dispositions de l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et il est clair que c'est dans cet esprit qu'elle a souhaité développer son analyse.

La cour insiste particulièrement sur les éléments du débat tels qu'ils étaient posés par le Comité scientifique de l'agence européenne du médicament dès le 18 mars 2010 et critique la communication des Laboratoires S. à l'adresse des professionnels de santé le 2 juin suivant dans la mesure où les Laboratoires persistaient à soutenir qu'aucun argument scientifique ne permettait d'établir un lien entre l'exposition au Benfluorex et la survenue de maladie des valves cardiaques, alors que ce lien était avéré. Elle déduit notamment de ces éléments, antérieurs à l'ordonnance prononcée le 7 juin 2010, la parfaite légitimité du débat initié par le titre de l'ouvrage attaqué.

Lexbase : Les seuls éléments connus à disposition du juge des référés le 7 juin 2010 étaient-ils suffisant pour admettre l'existence d'un trouble manifestement illicite ?

François Honnorat : Les Laboratoires S. fondaient leur demande de censure non pas sur le caractère diffamatoire du titre de l'ouvrage mais sur le dénigrement commercial qui résultait prétendument de ce titre. Ce faisant, le laboratoire pharmaceutique excluait une atteinte à sa considération professionnelle et avait choisi de placer le débat sur le terrain de l'atteinte à l'image du produit. Cette demande était un peu paradoxale à une date où la commercialisation de ce produit était suspendue par les autorités sanitaires françaises et où l'avis du comité scientifique de l'agence européenne du médicament ne laissait plus aucun doute sur la décision de la commission qui s'orientait vers un retrait définitif de cette spécialité pharmaceutique dangereuse. Les Laboratoires S. n'ont, d'ailleurs, contesté aucune de ces décisions provisoires ou définitives.

Il était assez paradoxal de critiquer une question relative à un produit retiré du marché. Le raisonnement suivi par le juge de Brest qui évoquait l'influence possible de cette question sur la décision de retrait définitif qui devait être prononcée quelques jours plus tard constituait tout au plus un dommage éventuel dont on sait qu'il ne peut pas fonder une mesure conservatoire qui plus est restrictive de la liberté d'expression.

Lexbase : Dans son arrêt, la cour d'appel de Rennes conclut que "non seulement, le titre dont le retrait a été ordonné ne constitue pas un trouble manifestement illicite ou de nature à causer un dommage imminent mais a contribué à faire avancer un légitime débat sur la nocivité d'un médicament antérieurement mis sur le marché". Comment analysez vous ces derniers termes ? Quelle est leur portée ?

François Honnorat : Cet attendu est particulièrement important car il présente un intérêt pour les "lanceurs d'alerte". Dans une société démocratique, on ne doit pas pouvoir censurer un débat légitime a fortiori lorsqu'il présente un intérêt pour la santé publique. Lorsque les procédures de contrôle par des autorités publiques sont défaillantes, comme elles l'ont été s'agissant du Mediator, des acteurs indépendants doivent pouvoir alerter l'opinion sans risque de censure injustifiée. Il n'est donc pas neutre dans cette affaire que la cour d'appel ait estimé devoir insister sur la légitimité du débat relatif à la nocivité d'un médicament antérieurement mis sur le marché.

Lexbase : L'arrêt rendu par la cour d'appel de Rennes, au-delà de l'importance qu'il revêt dans "l'affaire du Mediator", constitue-t-il une avancée jurisprudentielle en matière de dénigrement commercial ?

François Honnorat : A l'occasion des plaidoiries, nous avions demandé à la cour d'appel de marquer un point d'arrêt au recours abusif à cette construction prétorienne que constitue le dénigrement commercial et que certains opérateurs économique n'hésitent pas à détourner de sa finalité (garantir une certaine loyauté dans les rapports économiques) pour porter une atteinte injustifiée à la liberté d'expression. Le titre de l'ouvrage de librairie rédigé par le Docteur F. ne répondait pas à un objectif publicitaire. Il s'agit d'un témoignage sur les graves imperfections de notre système de pharmacovigilance. Accepter la décision du juge de Brest revenait à accepter que des opérateurs économiques viennent systématiquement contourner les rigueurs de la loi sur la presse chaque foi qu'il est question de leurs produits.

Les restrictions apportées à la liberté d'expression doivent répondre à des exigences encadrées par la loi et ne doivent pas abusivement se référer à une construction prétorienne comme c'est le cas du dénigrement commercial.

Lexbase : Au fond, la demande de censure présentée par le laboratoire n'a-t-elle pas constitué une erreur stratégique dans le cadre plus général de "l'affaire du Médiator" ?

François Honnorat : En demandant la censure de la question relative au nombre de morts qui pouvaient être attribués à la consommation de Mediator, les Laboratoires S. ont déclenché une polémique dont ils n'avaient pas suffisamment mesuré l'ampleur. Le titre censuré a été repris dans une tribune publiée par le député Gérard Bapt au mois d'août 2010. Une forte pression s'est exercée sur l'Afssaps pour que des études épidémiologiques répondent à cette question. La publication de leurs résultats est à l'origine d'une crise sans précédent et d'une grave perte de confiance dans le médicament et les instances qui président à l'évaluation de leur toxicité.

Nul ne sait quel aurait été le sens de l'histoire si la censure de cette question n'avait pas été demandée par les Laboratoires S..

newsid:414974

Contrats administratifs

[Questions à...] Evolutions récentes et articulation du référé précontractuel et contractuel - Questions à Laurent Givord, avocat - Of Counsel au sein du cabinet AdDen avocats

Lecture: 9 min

N4963BRA

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3901122-edition-n-429-du-24022011#article-414963
Copier

par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition publique

Le 24 Février 2011

L'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009, relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique (N° Lexbase : L1548IE3), outre la consolidation du référé précontractuel avec l'instauration d'un délai de suspension automatique en cas de saisine du juge des référés précontractuels et la réaffirmation des pouvoirs de ce dernier, a procédé à la création d'un nouveau recours, le référé contractuel. Celui-ci ne peut être exercé qu'après la conclusion du contrat par les personnes ayant un intérêt à le conclure et qui sont susceptibles d'être lésées par des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence. Il complète, ainsi, dans la chaîne de conclusion des contrats publics d'affaires, la panoplie des recours ouverts aux opérateurs économiques intéressés par la conclusion du contrat : référé précontractuel, référé suspension, déféré préfectoral, recours contre les actes détachables, et recours en contestation de validité du contrat. Le principe solidement établi selon lequel la voie du référé contractuel est fermée au demandeur ayant déjà fait usage du référé précontractuel a, toutefois, été récemment battu en brèche par la Haute juridiction administrative qui a admis la recevabilité du référé contractuel consécutif à un référé précontractuel déclaré irrecevable en raison de la signature du contrat par le pouvoir adjudicateur en violation du délai prévu par l'article 80 du Code des marchés publics (N° Lexbase : L9824IEL). Pour faire le point sur l'articulation entre ces deux recours et les nouveautés jurisprudentielles rendues en la matière, Lexbase Hebdo - édition publique a rencontré Laurent Givord, avocat - Of Counsel au sein du cabinet AdDen avocats. Lexbase : Le référé contractuel a été créé par l'ordonnance du 7 mai 2009. Pouvez-vous nous en rappeler brièvement les principales caractéristiques ?

Laurent Givord : Le référé contractuel (1) a été mis en place en vue, notamment, de remédier au fait que le référé précontractuel (2) ne peut plus être exercé une fois que le contrat a été signé, et ce même si cette signature est intervenue en méconnaissance du délai dit de standstill séparant obligatoirement l'information des candidats non retenus de la date de signature du contrat (3). L'objectif est louable, mais les moyens adoptés sont, pour le moins, sophistiqués, de sorte que la compréhension de ce recours est loin d'être acquise à la première lecture des textes qui le régissent ! Deux arrêts récents du Conseil d'Etat, "France Agrimer" (4) et "Grand port maritime du Havre" (5), permettent d'y voir un peu plus clair.

Ce recours, de la même manière que le référé précontractuel, concerne les personnes qui ont un intérêt à conclure le contrat, et vise des contrats qui ne sont plus listés nominativement afin de couvrir l'ensemble des contrats ou des montages contractuels susceptibles d'entrer dans le champ d'application des Directives (CE) 2004/18 (6) et 2004/17 (7). Le requérant dispose, pour exercer ce recours, de 31 jours "suivant la publication" de l'avis d'attribution ou "suivant la notification de la conclusion du contrat" pour les marchés fondés sur un accord-cadre ou un système d'acquisition dynamique (CJA, art. R. 551-7, alinéa 1er N° Lexbase : L9815IEA). A défaut de publication de l'avis ou de notification de la conclusion du contrat, le requérant dispose d'un délai de 6 mois "à compter du lendemain du jour de la conclusion du contrat" (CJA, art. R. 551-7, alinéa 2). Le juge a un mois pour traiter le sort d'un contrat par hypothèse déjà signé (pour en prononcer l'annulation ou la résiliation), sous le contrôle du Conseil d'Etat en cassation (le délai de recours est, alors, de 15 jours).

Lexbase : Pouvez-vous nous indiquer quels sont les pouvoirs du juge des référés contractuels ?

Laurent Givord : Le juge, qui peut suspendre l'exécution du contrat durant l'instance, dispose d'une palette de sanctions permettant de remédier aux atteintes les plus graves, tout en prenant en compte l'intérêt général. Quand, dans certaines hypothèses, il doit prononcer l'annulation du contrat querellé, dans d'autres il bénéficie d'une certaine marge de manoeuvre. Selon les deux premiers alinéas de l'article L. 551-18 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L1598IEW), le juge est tenu d'annuler le contrat si aucune des mesures de publicité requises n'a été prise, ou lorsque la publication requise au JOUE n'a pas été faite, ou lorsque les modalités de remise en concurrence prévues pour la passation des contrats fondés sur un accord-cadre ou un système d'acquisition dynamique n'ont pas été réalisées.

Néanmoins, dans ces cas, qui correspondent aux irrégularités les plus graves, le juge peut moduler la sanction soit par la résiliation du contrat, soit par la réduction de sa durée, soit par une pénalité financière imposée au pouvoir adjudicateur (ou à l'entité adjudicatrice), à condition, toutefois, que la nullité se heurte "à une raison impérieuse d'intérêt général" (CJA, art. L. 551-19 N° Lexbase : L1605IE8). Au titre de l'alinéa 3 de l'article L. 551-18 du Code de justice administrative, la nullité doit être, également, prononcée lorsque n'ont pas été respectés le délai de standstill ou le délai de suspension automatique de signature du contrat résultant de l'introduction d'un recours en référé précontractuel. A ce moment là, deux conditions cumulatives doivent être réunies : la méconnaissance de ces obligations doit avoir privé le demandeur de son droit d'exercer un référé précontractuel, et les obligations de publicité et de mise en concurrence doivent avoir été méconnues d'une manière affectant les chances du requérant d'obtenir le contrat.

Si ces deux dernières conditions ne sont pas vérifiées, le juge bénéficie, également, d'une marge de manoeuvre puisqu'il peut choisir d'annuler le contrat, de le résilier, d'en réduire la durée, ou d'infliger une pénalité financière. On voit que les pouvoirs du juge sont relativement enserrés puisque, de manière schématique, il est tenu, d'une part, d'annuler le contrat dans certains cas strictement définis, les exceptions à l'annulation étant précisément déterminées ou, d'autre part, d'opter pour une sanction déterminée en fonction des fautes commises. C'est, ainsi, d'ailleurs que, dans l'arrêt "Grand port maritime du Havre", il a été jugé que, dès lors qu'un marché à procédure adaptée (MAPA) n'est pas légalement soumis à une obligation d'information des candidats évincés et au délai de standstill, il ne peut pas être annulé au motif qu'un tel délai n'aurait pas été respecté (CJA, art. L. 551-18, alinéa 3) (8).

En d'autres termes, un MAPA ne peut être annulé qu'en cas d'absence des mesures de publicité requises pour sa passation ou de "méconnaissance des modalités de remise en concurrence prévues pour la passation des contrats fondés sur un accord-cadre ou un système d'acquisition dynamique" (c'est-à-dire dans les cas visés aux deux premiers alinéas de l'article L. 551-18). La même solution s'appliquerait pour les délégations de service public car, pour celles qui ne sont pas également des concessions de travaux au sens communautaire, il n'existe pas d'obligation légale d'information des candidats évincés et de délai de standstill. Si une telle solution apparaît juridiquement fondée (9), on peut, dans une certaine mesure, la regretter puisqu'elle ouvre régulièrement la possibilité de signer un MAPA ou une délégation de service public sans laisser le temps nécessaire aux autres candidats de saisir le juge du référé précontractuel.

Lexbase : La voie du référé contractuel est normalement fermée au demandeur ayant déjà fait usage du référé précontractuel. Pouvez-vous nous présenter le cadre de ce principe ?

Laurent Givord : Le référé contractuel n'est pas, à proprement parler, une séance de "rattrapage", puisqu'il n'est pas ouvert au requérant ayant déjà fait usage du référé précontractuel (CJA, art. L. 551-14, alinéa 2 N° Lexbase : L1603IE4). Bien évidemment, des exceptions permettent de remédier à toute "manoeuvre" orchestrée par le pouvoir adjudicateur (ou l'entité adjudicatrice). Le recours est, ainsi, ouvert dès lors que le pouvoir adjudicateur (ou l'entité adjudicatrice) a signé durant l'instance du référé précontractuel, donc en méconnaissance du mécanisme de suspension automatique de signature, ou ne s'est pas conformé à la décision juridictionnelle rendue sur le recours en référé précontractuel.

J'ajoute qu'à côté de ce cas de "fermeture" spécifique, la personne publique peut d'elle-même, en s'imposant des formalités non obligatoires lors de l'achèvement des procédures, "empêcher" régulièrement un candidat de déposer un référé contractuel. Il a fallu, en effet, traiter le cas des contrats pour lesquels il n'existe aucune obligation légale d'information des candidats quant au rejet de leur offre ou de leur candidature, ni aucun délai de standstill (MAPA, délégations de service public qui ne seraient pas, également, qualifiables de concession de travaux au sens du droit communautaire...), ou encore les contrats dont la passation n'est soumise à aucune obligation de publicité.

Pour ces contrats, et en vue de fermer la voie du référé contractuel, le pouvoir adjudicateur (ou l'entité adjudicatrice) doit, avant la signature, publier un avis faisant connaître "son intention de le conclure et observer un délai de 11 jours après cette publication" (CJA, art. L. 551-15, alinéa 1er N° Lexbase : L1560IEI). La voie du référé contractuel peut aussi être fermée pour les contrats fondés sur un accord-cadre ou un système d'acquisition dynamique. Pour ce faire, le pouvoir adjudicateur (ou l'entité adjudicatrice) doit "envoyer aux titulaires la décision d'attribution" et "observer un délai de 16 jours [ou de 11 jours] entre cet envoi et la conclusion du contrat" (10).

On comprend aisément que, dès lors qu'un candidat a été mis à même d'exercer un recours en référé précontractuel et qu'il ne l'a pas fait, la voie du référé contractuel doit, en principe, lui être fermée. A ce sujet, on peut faire une remarque générale dont les retombées pratiques sont fondamentales. Il faut estimer que la voie du référé contractuel est fermée dès lors qu'un candidat n'a pas été empêché de déposer un recours en référé précontractuel, l'ensemble des formalités légales obligatoires d'achèvement de la procédure ayant été respecté (informations du rejet des candidats et délai de standstill) (11). Si la voie du référé contractuel est fermée du fait de l'accomplissement volontaire de formalités non obligatoires pour certains contrats (MAPA, délégation de service public), on ne voit pas pourquoi il serait davantage recevable dans le cas où les formalités légales d'achèvement de la procédure ont été bien respectées. Autrement dit, les requérants ne doivent pas penser qu'ils bénéficient d'un véritable choix entre ces deux procédures contentieuses : le référé contractuel ne serait possible qu'à partir du moment où ceux-ci ont effectivement été empêchés de déposer un référé précontractuel.

Lexbase : L'arrêt "France Agrimer" que vous avez évoqué a ouvert une "brèche" dans cette irrecevabilité. Pouvez-vous nous présenter brièvement cette décision ?

Laurent Givord : Dans cette espèce, un opérateur qui n'avait pas de nouvelles du résultat concernant l'attribution de certains lots a déposé un référé précontractuel. Au cours de l'instance, la personne publique a fait valoir que les lots en cause avaient été signés, ce qui a abouti au rejet des conclusions en référé précontractuel. Toutefois, le juge offre la possibilité pour le requérant de déposer dans la même instance un référé contractuel par de "simples" conclusions nouvelles, donc sans avoir à déposer une nouvelle requête, dans la mesure où la signature du contrat est intervenue en méconnaissance du délai de standstill. Plus exactement, ce délai n'avait même pas encore commencé à courir à l'encontre du requérant puisque celui-ci n'avait pas reçu la notification du rejet de son offre. Ainsi, le recours est ouvert non seulement lorsque le contrat a été signé au cours de l'instance en référé précontractuel (cas explicitement visé par le dernier alinéa de l'article L. 551-14 du Code de justice administrative, mais, également, lorsqu'il a été signé durant le délai de standstill.

Lexbase : Que faut-il penser de la possibilité de transformer la procédure de référé précontractuel en référé contractuel en cours d'instance ouverte ?

Laurent Givord : Cette possibilité peut a priori surprendre, car le Conseil d'Etat aurait pu exiger que le requérant dépose une nouvelle requête et ne puisse pas poursuivre l'instance initialement initiée sur le terrain précontractuel. En effet, on sait, notamment, que ne sauraient se cumuler dans une même requête des conclusions en référé suspension et des conclusions en référé précontractuel, ou encore des conclusions en référé suspension et des conclusions en référé liberté. Mais, ce n'est pas ce que juge le Conseil d'Etat concernant le cumul d'un référé précontractuel et d'un référé contractuel.

On ne peut qu'approuver cette position qui préserve le caractère effectif du recours en référé contractuel car, comme j'ai déjà pu le souligner, il convient de remédier aux éventuelles manoeuvres du pouvoir adjudicateur (ou de l'entité adjudicatrice). Cette solution confirme donc que les conditions de recevabilité du référé contractuel tiennent davantage au fait de savoir si le requérant a été mis à même de déposer utilement un référé précontractuel. Dans l'arrêt "France Agrimer", en effet, le juge estime que le dépôt du recours en référé précontractuel n'était pas utile du fait d'une méconnaissance par la personne publique de ses obligations lors de l'achèvement de la procédure de passation, de sorte que le passage au référé contractuel est logique.

Il sera donc conseillé au requérant qui ne sait pas si le contrat a été signé ou non (à cause d'un défaut d'information) de déposer des conclusions à l'encontre de la procédure de passation, à titre principal, et à l'encontre du contrat lui-même, à titre subsidiaire. Le même conseil doit être donné lorsque le référé précontractuel est déposé dans le délai de standstill afin de se prémunir, à l'avance, d'une signature anticipée du contrat et de pouvoir, ainsi, opportunément "rebondir". Pour autant, la "transformation" possible d'un référé précontractuel en référé contractuel effectuée en cours de procédure contentieuse, ou initiée dès le début de cette dernière par le jeu du dépôt de conclusions principales et subsidiaires, ne remet pas en cause l'ensemble des exigences légalement requises pour obtenir la remise en cause du contrat.


(1) Voir aussi le décret n° 2009-1456 du 27 novembre 2009, relatif aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique (N° Lexbase : L9773IEP), achevant la transposition de la Directive (CE) 2007/66 du 11 décembre 2007 (N° Lexbase : L7337H37) laquelle modifie les Directives dites "recours" du 21 décembre 1989 (Directive (CE) 89/665 N° Lexbase : L9939AUN, dite secteurs "classiques") et du 25 février 1992 (Directive (CE) 92/13 N° Lexbase : L7561AUL, dite secteurs "spéciaux"). Le référé contractuel applicable aux contrats de droit privé est traité aux articles 11 et suivants de l'ordonnance du 7 mai 2009.
(2) CJA, art. L. 551-1 (N° Lexbase : L1591IEN) et suivants résultant des Directives dites "recours", précitées.
(3) Voir par exemple l'article 80 du Code des marchés publics (N° Lexbase : L9824IEL) qui impose, pour les marchés publics passés selon une procédure formalisée, de respecter un délai de 11 jours (ou de 16 jours en cas de dématérialisation).
(4) CE 2° et 7° s-s-r., 10 novembre 2010, n° 340944, mentionné dans les tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8947GGH), et lire les obs. de F. Brenet, Articulation entre référé précontractuel et référé contractuel : recevabilité du référé contractuel consécutif à un référé précontractuel déclaré irrecevable en raison de la signature du contrat par le pouvoir adjudicateur en violation du délai prévu par l'article 80 du Code des marchés publics, Lexbase Hebdo n° 179 du 24 novembre 2010 - édition publique (N° Lexbase : N6958BQR).
(5) CE 2° et 7° s-s-r., 19 janvier 2011, n° 343435, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A1573GQC).
(6) Directive (CE) 2004/18 du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (N° Lexbase : L1896DYU).
(7) Directive (CE) n° 2004/17 du 31 mars 2004, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux (N° Lexbase : L1895DYT).
(8) CE 2° et 7° s-s-r., 19 janvier 2011, n° 343435, précité.
(9) Sur le plan communautaire, les MAPA et les concessions de services ne sont pas, en effet, soumis à la discipline des Directives, mais seulement à celle des principes fondamentaux du Traité, à condition de présenter un intérêt transfrontalier certain.
(10) Ou 11 jours "si la décision a été communiquée à tous les titulaires par voie électronique".
(11) Voir, en ce sens, les conclusions de N. Boulouis sur CE 2° et 7° s-s-r., 19 janvier 2011, n° 343435, précité.
(12) CE 2° et 7° s-s-r., 10 novembre 2010, n° 340944, précité.

newsid:414963

QPC

[Panorama] Actualité de la QPC en droit du travail

Lecture: 20 min

N4949BRQ

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3901122-edition-n-429-du-24022011#article-414949
Copier

par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 24 Février 2011

La Cour de cassation et le Conseil constitutionnel ont rendu, en l'espace de quelques jours, plusieurs décisions dans le cadre de la procédure de QPC. Aucun texte du Code du travail n'a été atteint par un grief d'inconstitutionnalité, mais cette masse de nouvelles informations est précieuse pour anticiper sur le devenir et les potentialités de la procédure. Ces décisions concernent la Halde (I), la rupture du contrat de travail (II) au travers du cas des assistantes maternelles et de la mise à la retraite, plusieurs questions intéressant la représentation du personnel (III), la durée du travail (IV) et les conditions de travail (V).
I - Statut de la Halde

Présentation sommaire. La loi du 30 décembre 2004 (loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 N° Lexbase : L5199GU4),a créé la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde) et a conféré à cette autorité administrative indépendance des pouvoirs étendus, notamment en matière d'enquête de poursuites.

Problèmes liés à l'intervention de la Halde. On s'est interrogé sur la compatibilité de l'ensemble de ces prérogatives avec les dispositions de l'article 6 § 1 de la CESDH (N° Lexbase : L7558AIR), et de son éventuelle qualité de "partie" à l'audience.

Statuant dans le cadre de l'examen de la conventionnalité de ces dispositions, la Cour de cassation a considéré en 2010, d'une part, que la faculté reconnue à la Halde "de présenter des observations portées à la connaissance des parties, ne méconnaissent pas en elles-mêmes les exigences du procès équitable et de l'égalité des armes dès lors que les parties sont en mesure de répliquer par écrit et oralement à ces observations et que le juge apprécie la valeur probante des pièces qui lui sont fournies et qui ont été soumises au débat contradictoire ", et, d'autre part, "qu'en donnant à la Halde, le droit de présenter des observations par elle-même ou par un représentant dont rien n'interdit qu'il soit un avocat, la loi ne lui a pas conféré la qualité de partie" (1).

La question a, cette fois-ci, rebondi sous l'angle constitutionnel.

L'affaire. Dans cette affaire, la société BNP-Paribas, qui avait été poursuivie au fond pour discrimination après une intervention de la Halde tant dans la procédure que lors de l'audience, avait saisi les juges du fond d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité des articles 5 et 13 de la loi modifiée n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 et invoquait une atteinte portée aux droits de la défense et à un procès équitable, ainsi qu'aux prérogatives du ministère public et à l'indépendance de l'autorité judiciaire.

Les arguments soulevés par le demandeur n'ont pas été jugés suffisamment sérieux, ni d'ailleurs nouveaux, dans la mesure où le Conseil constitutionnel a déjà eu à se prononcer sur la base de l'article 16 de la DDHC (N° Lexbase : L1363A9D), siège des principes constitutionnels qui garantissent le droit à un procès équitable, à de nombreuses reprises (2), et la Cour de cassation n'a donc pas transmis la question au Conseil constitutionnel.

Pour la Haute juridiction, en effet, "les dispositions des articles 5 et 13 de la loi du 30 décembre 2004, modifiées par la loi du 31 mars 2006 (loi n° 2006-396 N° Lexbase : L9534HHL), qui prévoient que la Halde, laquelle n'a pas la qualité de partie intervenante, a la faculté de présenter des observations portées à la connaissance des parties, ne méconnaissent pas en elles-mêmes les exigences du procès équitable et les droits de la défense non plus que l'indépendance de l'autorité judiciaire, envisagée aussi bien en la personne du ministère public qu'en celle du juge dès lors que les parties sont en mesure de répliquer par écrit et oralement à ses observations, que le ministère public reste défenseur de l'ordre public et que le juge apprécie la valeur probante des pièces qui lui sont fournies et qui ont été soumises au débat contradictoire".

Une décision prévisible. Cette décision n'est pas une surprise.

Sur le fond, tout d'abord, les arguments soulevés par le demandeur étaient voués à l'échec dans la mesure où, comme le relève la Cour très justement, le texte contesté réserve, sans l'écarter (mais comment le pourrait-il ?), le principe du contradictoire en laissant au juge le soin de faire respecter ce principe fondamental de la procédure dès lors que le Halde intervient dans la procédure et produit des observations.

Sur le plan procédural, ensuite, la Cour de cassation avait déjà eu l'occasion de statuer sur la conventionnalité de la procédure d'intervention de la Halde, et il était extrêmement improbable qu'un simple changement de fondement conduise la Haute juridiction à changer d'analyse en quelques jours, et ce alors que les arguments invoqués étaient les mêmes, à l'exception des arguments concernant les pouvoirs du parquet.

Le refus de transmission illustre ainsi une tendance plus que prévisible des juges à ne pas considérer nécessairement comme "sérieux" des arguments d'inconstitutionnalité lorsque la Cour a préalablement examiné la question sous l'angle de la conventionnalité. C'était, d'ailleurs certainement pour cette raison, que les premières questions portant sur la constitutionnalité de certains des aspects de la réforme de la démocratie sociale intervenue en 2008 n'avaient pas été transmis, avant que la Cour ne cède à la pression et ne finisse par laisser le Conseil constitutionnel affirmer lui-même la conformité des dispositions litigieuses aux droits et libertés que la Constitution garantit (3).

II - Contrat de travail

A - Mise à la retraite

Dispositions mises en cause. Le Code du travail prévoit, depuis la loi du 30 juillet 1987 (loi n° 87-588 N° Lexbase : L2996AIS), la possibilité de mettre à la retraite le salarié qui remplit les conditions pour prendre une retraite à taux plein. Ce mode de rupture déroge à l'application du droit du licenciement, tout en reconnaissant au salarié certains droits qui s'en inspirent fortement, tel le droit à l'indemnité de mise à la retraite dont le montant et le régime sont identiques à celui de l'indemnité de licenciement (4). Dans la mesure où le motif de rupture du contrat de travail repose en partie sur l'âge du salarié, la question de sa conformité, notamment au principe de non-discrimination s'est posée, dans un premier temps au regard des dispositions du droit communautaire.

Approche communautaire (5). L'interdiction des discriminations fondées sur l'âge n'est, bien entendu, pas absolue et, dans de nombreuses hypothèses, l'âge constitue un critère déterminant d'attribution de droit spécifiques, ou de prohibitions particulières, car les salariés ne se trouvent pas dans une situation identique selon leur âge. C'est ce qui a été jugé à de nombreuses reprises par la CJUE, et dernièrement s'agissant précisément de la possibilité de mettre les salariés à la retraite, à la double condition, toutefois, que les intéressés soient pris en charge par l'assurance vieillesse (6) et bénéficient des mêmes indemnités de rupture que les salariés licenciés (7).

La Cour de cassation a, également, eu à se prononcer sur la conventionnalité de la rupture du contrat de travail de salariés en considération de leur âge. Dans deux arrêts en date du 11 mai 2010 (8), la Cour de cassation a manifesté son désir de fondre sa jurisprudence dans le moule communautaire et de contraindre les juridictions du fond à s'interroger sur la licéité des limites d'âge au regard des critères autorisant les Etats membres à prendre valablement en compte des critères en principe prohibées, et ce conformément d'ailleurs aux instructions données par la CJCE (9).

QPC. La Cour de cassation avait transmis une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité du régime de la mise à la retraite au droit à l'emploi garanti par le 5ème alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 (N° Lexbase : L6815BHU).

L'argument a donc été rejeté par le Conseil constitutionnel pour qui "en fixant une règle générale selon laquelle, en principe, l'employeur peut mettre à la retraite tout salarié ayant atteint l'âge ouvrant droit au bénéfice d'une pension de retraite à taux plein, le législateur n'a fait qu'exercer la compétence qu'il tient de l'article 34 de la Constitution (N° Lexbase : L1294A9S) pour mettre en oeuvre le droit pour chacun d'obtenir un emploi tout en permettant l'exercice de ce droit par le plus grand nombre", "qu'il s'est fondé sur des critères objectifs et rationnels en lien direct avec l'objet de la loi" et n'a "dès lors, [...] méconnu, ni le cinquième alinéa du Préambule de 1946 ni le principe d'égalité devant la loi" (10).

Une position prévisible. Cette décision n'est pas une surprise au regard des précédentes décisions rendues par le Conseil constitutionnel, singulièrement à l'occasion de la réforme des retraites adoptée à la fin de l'année dernière et qui avait été validée par ce dernier(11).

Argument développé. Pour justifier la censure du premier alinéa de l'article L. 1237-5 du Code du travail, le demandeur prétendait que la possibilité de mettre d'office à la retraite un salarié ayant atteint l'âge de 65 ans, alors en vigueur, portait atteinte au droit d'obtenir un emploi et constituait une discrimination fondée sur l'âge. Or, le Conseil s'était déjà prononcé sur le respect de ces deux principes dans sa précédente décision en date du 9 novembre 2010.

Mise à la retraite et droit d'obtenir un emploi. Aucune des décisions précédentes intervenues en 2003 (12) et 2010 (13) n'avait abordé la question des retraites au regard du droit à l'emploi des salariés, mais l'une des premières décisions rendues par le Conseil en 1983, s'agissant des cumuls emplois-retraites, avait confronté retraite et droit à l'emploi pour conclure qu'il appartient au Parlement "de poser les règles propres à assurer au mieux le droit pour chacun d'obtenir un emploi en vue de permettre l'exercice de ce droit au plus grand nombre possible d'intéressés" (14). Cette formule avait été par la suite reprise lors de l'examen des lois "Aubry" I et II là encore pour valider les dispositifs mis en place par le législateur (15).

On sait, également, que la CJUE avait précisément considéré que la volonté de libérer des emplois au bénéfice de jeunes travailleurs pouvait constituer un motif légitime justifiant un régime de mise à la retraite, dès lors que les salariés concernés bénéficiaient d'un régime de retraite et des mêmes droits que les salariés licenciés (16).

C'est en ce sens que prend position le Conseil constitutionnel pour valider la mise à la retraite ; on notera, à cet égard, avec beaucoup d'intérêt la présence massive des références à la jurisprudence de la Cour de justice dans le dossier documentaire qui accompagne la décision du Conseil sur son site internet. Pour ce dernier, en effet, "en fixant une règle générale selon laquelle, en principe, l'employeur peut mettre à la retraite tout salarié ayant atteint l'âge ouvrant droit au bénéfice d'une pension de retraite à taux plein, le législateur n'a fait qu'exercer la compétence qu'il tient de l'article 34 de la Constitution pour mettre en oeuvre le droit pour chacun d'obtenir un emploi tout en permettant l'exercice de ce droit par le plus grand nombre". En d'autres termes, la mise à la retraite des salariés constitue un élément pertinent de la politique d'emploi du Parlement. Le Conseil ajoute que le législateur "s'est fondé sur des critères objectifs et rationnels en lien direct avec l'objet de la loi [et] que, dès lors, il n'a [pas] méconnu [...] le cinquième alinéa du Préambule de 1946".

Mise à la retraite et principe de non-discrimination en raison de l'âge. La confrontation des régimes relatifs à la retraite et du principe d'égalité a été au coeur des précédentes saisines du Conseil constitutionnel, qui a manifesté, en 2003 et 2010, le souci de laisser au Parlement une large marge de manoeuvre pour apprécier les motifs justifiant qu'il soit dérogé à ce principe (17). Cette fois, le Conseil se contente de reprendre sa formule traditionnelle (18) et ne s'embarrasse pas de justifications particulières en affirmant que le législateur a fixé une règle "générale", c'est-à-dire applicable à tous, sans distinctions, sans directement répondre à l'argument suggéré par le demandeur qui concernait la rupture d'égalité entre les salariés mis à la retraite, parce qu'ils avaient atteint l'âge pour bénéficier d'une retraite à taux plein, et les autres salariés qui, n'ayant pas atteint cet âge, se trouvent à l'abri de toute mise à la retraite.

Ce minimalisme dans la justification trouve, certainement, sa raison d'être dans la précédente décision rendue fin 2010 dans laquelle le Conseil s'était livré à un examen approfondi de cette question.

B - Rupture du contrat de travail des assistantes maternelles

Disposition litigieuse. L'article L. 423-8 du Code de l'action sociale (N° Lexbase : L4178H8A), relatif à la rupture du contrat de travail de l'assistante maternelle, dispose qu'"en cas de suspension de l'agrément, l'assistant maternel ou l'assistant familial [...] est suspendu de ses fonctions par l'employeur pendant une période qui ne peut excéder quatre mois. Durant cette période, l'assistant maternel ou l'assistant familial bénéficie d'une indemnité compensatrice qui ne peut être inférieure à un montant minimal fixé par décret. En cas de retrait d'agrément, l'employeur est tenu de procéder au licenciement par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. L'assistant maternel ou l'assistant familial suspendu de ses fonctions bénéficie, à sa demande, d'un accompagnement psychologique mis à sa disposition par son employeur pendant le temps de la suspension de ses fonctions".

Question. Une question avait été transmise à la Cour de cassation par un arrêt de la cour d'appel de Rennes en date du 4 novembre 2010 qui s'interrogeait sur la conformité de ce régime avec le "droit d'obtenir un emploi" du cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946. Or, pour la Haute juridiction, "le moyen tiré de ce que cette disposition, qui prévoit une suspension de l'agrément limitée à une période de quatre mois non renouvelable et l'automaticité du licenciement de l'assistant maternel ou familial en cas de retrait de cet agrément, en ce qu'elle est susceptible de porter atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, présente un caractère sérieux", ce qui justifie la transmission de la question au Conseil constitutionnel (19).

Intérêt de la transmission. Jusqu'à présent, le "droit d'obtenir un emploi" avait été invoqué, toujours en vain d'ailleurs, dans des hypothèses où n'était pas en cause la rupture du contrat de travail mais les cumuls d'activités pour les salariés retraités (20), la réduction de la durée légale du travail (21), "la motivation du licenciement et le caractère contradictoire de la procédure" (22), mais jamais réellement le principe même de rupture.

Perspective de censure. Il est bien entendu toujours extrêmement périlleux de se livrer au petit jeu des pronostics, même si la marge de manoeuvre laissée au législateur en matière sociale laisse plutôt augurer du rejet des arguments présentés. Certes, la loi impose le licenciement de l'assistante maternelle qui perd le bénéfice de son agrément, mais on notera que cette mesure est justifiée par la nécessité de sauvegarder la santé et la sécurité des jeunes enfants. Par ailleurs, l'assistante maternelle dispose de la faculté de contester en justice le retrait de son agrément par le président du conseil général et la rupture du contrat de travail est entourée des garanties liées à la qualification de licenciement, de telle sorte que l'atteinte réalisée au droit à l'emploi nous semble à la fois justifiée et proportionnée, tout en reposant sur des critères objectifs.

III - Représentation du personnel

A - Collèges électoraux

Problématique. De nombreuses dispositions législatives organisent les élections professionnelles, sous certaines conditions, dans le cadre de collèges électoraux distincts permettant l'expression d'intérêts différents selon des critères catégoriels. Mais cette distinction des collèges a-t-elle une assise constitutionnelle ? Telle est l'intéressante question qui avait été posée au Conseil constitutionnel à propos de l'absence de collèges distinguant les salariés de droit privé des agents publics au sein du CHSCT des agences régionales de santé de l'article L. 1432-11 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L6964IMU).

Question posée. Pour le demandeur, en effet, ce texte méconnaîtrait "le principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail, faute de prévoir, d'une part, l'élection des représentants des personnels de droit public et de droit privé par des collèges électoraux différents et, d'autre part, la consultation distincte de ces personnels sur les questions qui les concernent directement".

Telle n'est pas l'opinion du Conseil constitutionnel qui rejette l'argument et valide sans réserve ce texte dans une décision en date du 28 janvier 2011 (23).

Pour le Conseil, c'est en effet au législateur qu'il appartient de fixer, dans le cadre de la compétence qu'il tire de l'article 34 de la Constitution (N° Lexbase : L1294A9S), les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils de l'État ainsi que la détermination des principes fondamentaux du droit du travail.

Ensuite, le Conseil affirme que "le principe de participation à la détermination des conditions de travail n'imposait pas au législateur de prévoir l'existence de collèges électoraux distincts pour la désignation des représentants des personnels des agences régionales de santé", et "qu'il était loisible au législateur de prévoir que les représentants des salariés de droit public et de droit privé des agences régionales de santé ne soient pas consultés de manière séparée lorsque les questions posées les concernent de manière exclusive".

Une solution justifiée. Cette solution est parfaitement justifiée. L'organisation des élections professionnelles en collèges distincts, pour ne s'arrêter qu'à ce principe, constitue en effet une modalité du principe de participation, et non une condition de mise en oeuvre de ce droit. Il est, dès lors, parfaitement normal que le législateur puisse choisir soit le collège unique, soit les collèges séparés, sans qu'il lui en soit fait grief, dès lors que, par ailleurs, cette organisation ne heurte aucun autre principe de valeur constitutionnelle, ce qui était le cas ici.

B - Monopole syndical de présentation des candidats au premier tour des élections professionnelles

Dispositions en cause. L'article L. 2324-22, alinéa 2, du Code du travail (N° Lexbase : L3748IBG), dispose, en son deuxième alinéa, qu'"au premier tour de scrutin, chaque liste est établie par les organisations syndicales mentionnées aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 2324-4 (N° Lexbase : L3771IBB). Si le nombre des votants est inférieur à la moitié des électeurs inscrits, il est procédé, dans un délai de quinze jours, à un second tour de scrutin pour lequel les électeurs peuvent voter pour des listes autres que celles présentées par une organisation syndicale".

Question posée. Dans cette affaire, le tribunal d'Instance de Valence, dans un jugement en date du 18 octobre 2010, avait transmis une question mettant en cause la conformité de ce texte "aux droits et libertés garantis par l'alinéa 6 du préambule de la Constitution de 1946, faisant partie du bloc de constitutionnalité, ainsi qu'aux articles 1 de la Constitution (N° Lexbase : L1277A98) et 11 de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen du 26 août 1789 (N° Lexbase : L1358A98) ?". Le demandeur faisait, en effet, valoir que "le fait de restreindre les candidatures, au premier tour des élections professionnelles, aux seuls salariés syndiqués, conduit à imposer aux salariés souhaitant se porter candidats à des fonctions de représentants du personnel de se syndiquer et qu'une telle contrainte est manifestement contraire à la liberté syndicale".

Solution. L'argument n'a pas convaincu la Cour de cassation qui refuse de transmettre la question, en raison de son absence de caractère sérieux, après avoir affirmé que "les dispositions légales qui réservent aux organisations syndicales le monopole de présentation des candidats au premier tour des élections professionnelles ne heurtent aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle".

Une solution non motivée, mais justifiée. Le moins que l'on puisse dire est que la solution ne brille pas par sa motivation ... ce qui ne nous empêche pas de la trouver justifiée.

En premier lieu, le moyen manquait clairement en fait car le texte n'impose nullement que les candidats présentés au premier tour appartiennent au syndicat qui dépose la liste. Le syndicat peut donc inscrire sur la liste un salarié syndiqué, ou non, appartenant à son syndicat, ou à un autre syndicat.

En second lieu, et même à considérer que cette exigence pourrait inciter les salariés à se syndiquer pour être candidats, et donner ainsi une sorte de préférence aux salariés syndiqués, le fait de confier aux syndicats le soin de mettre en oeuvre le principe de participation a déjà été jugé conforme à la Constitution compte tenu du rôle constitutionnel qui leur a été confié (24). Cette "incitation", qui n'est en soi pas une obligation, semblerait donc, également, suffisamment justifiée.

IV - Durée du travail

Contexte. Le 26 octobre 2010, la Chambre sociale de la Cour de cassation avait transmis au Conseil constitutionnel une question portant sur la constitutionnalité de l'article L. 3132-29 du Code du travail (N° Lexbase : L0486H9U) permettant au Préfet d'ordonner la fermeture des magasins à la demande des syndicats de salariés ayant conclu avec le patronat un accord relatif au repos dominical, question dont on sait qu'elle n'a pas abouti (25).

Nouvelle QPC. Alors que le Conseil constitutionnel n'avait pas encore rendu sa décision, la Chambre sociale de la Cour de cassation avait été saisie d'une autre question mettant en cause cette fois-ci directement le principe même du repos dominical tel qu'il figure à l'article L. 3132-3 du Code du travail (N° Lexbase : L6342IEM).

Cette question, transmise par le tribunal de grande instance de Pontoise dans un jugement du 20 octobre 2010, était ainsi formulée : "les dispositions de l'article L. 3132-3 du Code du travail qui imposent que le repos hebdomadaire soit donné le dimanche et interdisent le travail le dimanche [sont] contraires à la Constitution en ce qu'elles porteraient atteinte à la liberté d'entreprendre, à la liberté du travail et au principe de laïcité ?" (26).

Une interprétation inédite de la procédure de QPC. Quoi qu'inédit, l'arrêt réserve une première surprise, et de taille. Alors que l'article litigieux du Code du travail avait déjà été examiné par le Conseil constitutionnel dans sa décision en date du 6 août 2009 qui avait validé, après examen, l'ensemble de l'article 2 de la loi (27), la Chambre sociale de la Cour de cassation ne considère comme irrecevable que l'argument reprenant la critique formulée à l'époque et visant le non-respect de la liberté d'entreprendre, mais accepte d'examiner la question au regard des principes de liberté du travail et de laïcité qui n'avaient pas été évoqués en 2009. Cette interprétation semble contraire aux dispositions pourtant claires et précises de l'article 23-2 de l'ordonnance modifiée n° 58-1067 (N° Lexbase : L0276AI3) qui ne fait nullement référence aux motifs invoqués par le demandeur, mais uniquement aux motifs et aux dispositifs des décisions, les textes déjà examinés étant dès lors exclus du champ d'une QPC future, sauf changements de circonstances écartés, d'ailleurs, en l'espèce par la Cour de cassation.

Pareille interprétation, qui ouvre désormais la voix à des QPC portant sur des textes déjà examinées, mais pour des motifs distincts de ceux qui avaient conduit le Conseil constitutionnel à valider le texte, contribue incontestablement à renforcer l'effectivité de la nouvelle procédure et donc à mieux protéger les droits et libertés que la Constitution garantit.

Une solution inédite. Cette entorse aux règles procédurales permet à la Cour de cassation de donner son point de vue sur le fondement constitutionnel du repos dominical. Pour la Haute juridiction, en effet, "la disposition contestée institue, en prévoyant que le repos hebdomadaire est donné en principe le dimanche, une mesure nécessaire à la protection des droits et des libertés des salariés qui découlent des dixième et onzième alinéas du préambule de la Constitution de 1946, et n'apparaît nullement contraire à la liberté du travail et au principe de laïcité en ce qu'elle participe d'un objectif de préservation de la santé et de la sécurité des travailleurs mais également de protection des liens familiaux", et qu'elle ne présente donc pas de caractère sérieux.

Une justification insuffisante. Le moins que l'on puisse dire est que la justification ne convainc pas. Si, en effet, le principe d'un repos hebdomadaire donné collectivement et de manière obligatoire à tous les salariés est de nature à réaliser les objectifs visés par la Cour de cassation, au regard du droit au repos et à une vie familiale, aucun d'entre eux ne justifie que le jour de repos hebdomadaire ne soit donné précisément le dimanche. En réalité, c'est en se référant à des considérations sociologiques et à l'usage qui s'est instauré, au fil des siècles, de cesser collectivement le travail le dimanche qu'il était possible de justifier le choix de ce jour en particulier réalisé en 1906 pour le jour de repos hebdomadaire, c'est-à-dire de montrer qu'au fil du temps le choix du dimanche a perdu de sa signification religieuse, et ne porte donc pas atteinte au principe de laïcité.

V - Conditions de travail

Contexte. La mise en oeuvre par le Code du travail de dispositifs destinés à lutter contre le travail dissimulé a incité certains employeurs sous le coup de sanctions pénales ou pécuniaires à tenter leur chance en invoquant la contrariété de dispositions présentes dans le Code du travail avec des droits ou libertés que la Constitution garantit.

On se rappellera qu'une première question avait été transmise en 2010 qui tendait "à faire constater que les dispositions de l'article L. 324-10, second alinéa, du Code du travail (N° Lexbase : L6210ACY), dans sa rédaction applicable entre le 13 mars 1997 et le 30 avril 2008, et reprises à l'article L. 8221-5 du même code (N° Lexbase : L9736INW), à ce jour en vigueur, portent atteinte aux droits et libertés garantis par l'article 9 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789 (N° Lexbase : L1373A9Q), en ce qu'elles instituent une présomption de culpabilité". La Chambre criminelle de la Cour de cassation ne l'avait pas jugée sérieuse, après avoir relevé que "le texte visé, s'agissant d'une infraction intentionnelle, n'emporte aucune atteinte au principe de la présomption d'innocence" (28). Le Conseil constitutionnel avait, d'ailleurs, été saisi dans le cadre d'une autre QPC et avait répondu dans le même sens (29).

Nouvelle QPC. Une nouvelle question avait cette fois-ci été transmise à la Chambre sociale de la Cour de cassation concernant l'article L. 8223-1 du Code du travail (N° Lexbase : L3616H9S), aux termes duquel "en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 (N° Lexbase : L3593H9X) ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5, a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire".

Le demandeur prétendait que ce texte "institue en cas de travail dissimulé une sanction pécuniaire automatique et forfaitaire" et considérait qu'il "porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution de la République française et notamment aux principes d'égalité devant la loi, d'individualisation et de personnalisation des sanctions et d'indépendance de l'autorité judiciaire résultant des articles 1er (N° Lexbase : L1365A9G) et 16 (N° Lexbase : L1363A9D) de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 et 1er, alinéa 1, et 64 (N° Lexbase : L1330A97)de la Constitution du 3 juin 1958".

L'argument a été jugé suffisamment sérieux par la Chambre sociale de la Cour de cassation pour être transmis ; pour la Haute juridiction, en effet, "le moyen tiré d'une atteinte au principe d'individualisation des sanctions, en ce que le caractère automatique et forfaitaire des l'indemnité légale pour travail dissimulé lui conférerait la nature d'une sanction ne pouvant être modulée par le juge judiciaire, présente un caractère sérieux" (30).

Du principe de proportionnalité des sanctions. Le Conseil constitutionnel a développé, à partir de 1981, une jurisprudence relative au principe d'individualisation des peines qui découle de l'article 8 de la Déclaration de 1789 (N° Lexbase : L1372A9P) (31). On sait de ce principe qu'il "n'implique pas que la nécessité des peines doive être appréciée du seul point de vue de la personnalité du condamné" (32), même s'il impose au juge de tenir "compte des circonstances propres à l'espèce" pour déterminer la sanction appropriée (33).

Sur la base de ce principe, le Conseil a censuré une disposition législative qui instituait une incapacité d'exercer une fonction publique élective d'une durée en principe au moins égale à cinq ans, applicable de plein droit à toute personne physique à l'égard de laquelle a été prononcée la faillite personnelle, "sans que le juge qui décide de ces mesures ait à prononcer expressément ladite incapacité" (34).

Sort prévisible de la QPC. Dans ce contexte, l'argument était en effet sérieux, même si on peut douter de ses chances de succès devant le Conseil constitutionnel. L'indemnité forfaitaire de 6 mois de salaires attribuée au salarié pour travail dissimulé a, en effet, également, le caractère de dommages et intérêts réparant le préjudice causé par le travail dissimulé ; on peut donc douter ici de la qualification de "peine", au sens où l'article 8 de la Déclaration de 1789 l'entend. Par ailleurs, cette sanction est justifiée par des impératifs de répression du travail dissimulé, ce qui constitue un motif d'intérêt général évident, et le choix d'un forfait de 6 mois ne semble pas nécessairement disproportionné étant entendu que l'infraction de travail dissimulé est une infraction intentionnelle susceptible de causer au salarié de graves préjudices.


(1) Cass. soc., 2 juin 2010, n° 08-40.628 (N° Lexbase : A2118EY4), Bull. civ. V, n° 124.
(2) Art. 16 : "toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution". Jurisprudence acquise depuis la décision du Conseil constitutionnel n° 96-373 DC du 9 avril 1996, Loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française (N° Lexbase : A8338ACS).
(3) Cons. const., 12 novembre 2010, n° 2010-63/64/65 QPC (N° Lexbase : A4181GGX), v. nos obs. Le Conseil constitutionnel valide la réforme de la démocratie sociale, Lexbase Hebdo n° 418 du 25 novembre 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N6879BQT).
(4) C. trav., ancien art. L. 122-14-13 (N° Lexbase : L4477H9P), recod. art. L. 1237-5 (N° Lexbase : L2959ICL).
(5) S. Laulom, Non-discrimination en raison de l'âge : un principe général du droit de l'UE, SSL, 8 février 2010, p. 5 s.
(6) CJUE, 12 octobre 2010, aff. C-45/09 (N° Lexbase : A4807GBN), v. les obs. de Ch. Willmann, Comment la CJUE caractérise une discrimination fondée sur l'âge et apprécie la justification d'une différence de traitement, Lexbase Hebdo n° 413 du 21 octobre 2010, édition sociale (N° Lexbase : N4314BQT).
(7) CJUE, 12 octobre 2010, aff. C-499/08, v. les obs. de Ch. Willmann, préc..
(8) Cass. soc., 11 mai 2010, 2 arrêts, n° 08-45.307, FP-P+B+R (N° Lexbase : A1608EXT) et n° 08-43.681, FP-P+B+R (N° Lexbase : A1605EXQ), v. nos obs., Non-discrimination en raison de l'âge : la Cour de cassation au secours des seniors, Lexbase Hebdo n° 396 du 27 mai 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N2117BP4) ; Liaisons Sociales Europe, n° 253 du 27 mai 2010, note J.-P. Lhernould.
(9) CJCE, 5 mars 2009, aff. C-388/07 (N° Lexbase : A5596EDM), §. 68.
(10) Cons. const., 4 février 2011, n° 2010-98 QPC (N° Lexbase : A1691GR3), Mise à la retraite d'office, cons. 5.
(11) Cons. const., 9 novembre 2010, n° 2010-617 DC, Loi portant réforme des retraites (N° Lexbase : A6265GER), v. nos obs., Le Conseil constitutionnel valide la réforme des retraites, Lexbase Hebdo n° 419 du 2 décembre 2010 - édition sociale, édition sociale (N° Lexbase : N7024BQ9).
(12) Cons. const., 14 août 2003, n° 2003-483 DC, Loi portant réforme des retraites (N° Lexbase : A5188C9Z). La décision rendue par le Conseil en 1987 sur la instaurant la mise à la retraite n'avait pas porté sur l'examen de conformité de cette disposition : Cons. const., 28 juillet 1987, n° 87-230 DC, Loi portant diverses mesures d'ordre social (N° Lexbase : A8159AC8).
(13) Cons. const., 9 novembre 2010, n° 2010-617 DC (N° Lexbase : A6265GER).
(14) Cons. const., 28 mai 1983, n° 83-156 DC, Loi portant diverses mesures relatives aux prestations de Vieillesse (N° Lexbase : A8070ACU), cons. 4.
(15) Cons. const., 10 juin 1998, n° 98-401 DC, Loi d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail (N° Lexbase : A8747ACX), cons. 26 ; Cons. const., 13 janvier 2000, n° 99-423 DC, Loi relative à la réduction négociée du temps de travail (N° Lexbase : A8786ACE), cons. 27.
(16) CJUE, 12 janv. 2010, préc..
(17) En ce sens, voir notre commentaire précédent de la décision en date du 9 novembre 2010.
(18) "Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit".
(19) Cass. QPC, 2 février 2011, n° 10-40.058, inédit (N° Lexbase : A9248GSC).
(20) Cons. const., 28 mai 1993, n° 83-156 DC, Loi portant diverses mesures relatives aux prestations de Vieillesse (N° Lexbase : A8070ACU), préc., cons. 4.
(21) Cons. const., 10 juin 1998, n° 98-401 DC, Loi d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail, préc., cons. 26. ; Cons. const., 13 janvier 2000, n° 99-423 DC, Loi relative à la réduction négociée du temps de travail, préc., cons. 27.
(22) Cons. const., 30 mars 2006, n° 2006-535 DC, Loi pour l'égalité des chances (N° Lexbase : A8313DN9), cons. 18.
(23) Cons. const., 28 janvier 2011, n° 2010-91 QPC, Fédération nationale CGT des personnels des organismes sociaux (N° Lexbase : A7408GQG), Représentation des personnels dans les agences régionales de santé.
(24) Nos obs., préc., sous Cons. const., n° 2010-63/64/65 QPC du 12 novembre 2010, Fédération nationale CFTC de syndicats de la métallurgie, représentativité syndicale.
(25) Cons. const., 21 janvier 2011, n° 2010-89 QPC du 21 janvier 2011, Arrêté de fermeture hebdomadaire de l'établissement (N° Lexbase : A1522GQG), v. nos obs., Repos dominical : le Conseil constitutionnel valide l'article L.3132-29 du Code du travail, Lexbase Hebdo n° 426 du 3 février 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N1801BR7).
(26) Cass. QPC, 12 janvier 2011, n° 10-40.055, inédit (N° Lexbase : A1517GQA).
(27) Cons. const., 6 août 2009, n° 2009-588 DC, Loi réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires (N° Lexbase : A2113EKH).
(28) Cass. QPC, 25 juin 2010, n° 10-90.068, inédit (N° Lexbase : A7372E3G).
(29) Cons. const., 26 novembre 2010, n° 2010-69 QPC (N° Lexbase : A3869GLU).
(30) Cass. soc., 5 janv. 2011, n° 10-40.049, inédit (N° Lexbase : A7358GNT).
(31) Cons. const., 20 janvier 1981, n° 80-127 DC, Loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes (N° Lexbase : A8028ACC), cons. 14 à 16.
(32) Cons. const., 20 janv. 1981, préc., cons. 16 ; Cons. const., 9 août 2007, n° 2007-554 DC, Loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs (N° Lexbase : A6394DX4), cons. 13.
(33) Cons. const., 15 mars 1999, n° 99-410 DC, Loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie (N° Lexbase : A8775ACY), cons. 41.
(34) Décision précédente du 15 mars 1999, cons. 42.

newsid:414949

Social général

[Manifestations à venir] Facebook, réseaux sociaux internes et Ressources Humaines

Lecture: 1 min

N4987BR7

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3901122-edition-n-429-du-24022011#article-414987
Copier

Le 01 Mars 2011

L'Association des anciens élèves du Master Professionnel "Développement des Ressources Humaines" de Paris I-Sorbonne organise un colloque, le 18 mars 2011, intitulé "Facebook, réseaux sociaux internes et Ressources Humaines".
  • Avec la participation de

- Jean-Paul Bouchet , Secrétaire Général CFDT-Cadres ;
- Karine Boullier , Directrice de la communication interne Coca-Cola Entreprise ;
- Philippe Cuénot , Directeur RH et de la communication interne , Bouygues Télécom ;
- Christian Sanchez , Directeur du Développement Social, Groupe LVMH.

La conférence sera animée par Jean-Emmanuel Ray, Co-directeur du Master Professionnel "Ressources Humaines Sorbonne".

  • Renseignements et inscriptions

Le colloque se déroulera le vendredi 18 mars 2011 de 18h30 à 20h00, Amphithéatre Lefebvre en Sorbonne, Galerie Jean-Baptiste Dumas, escalier R, 1er étage (entrée par le 15, rue de la Sorbonne, stations "Cluny-Sorbonne" ou "Saint-Michel" par le métro ou "Luxembourg" par le RER).

Site internet : www.sorbonne-rh.com

Inscription : colloque@sorbonnerh.com

newsid:414987

Sociétés

[Questions à...] Féminisation des conseils d'administration et de surveillance : loi de progrès ou loi démagogique ? - Questions à Catherine Michelet-Quinquis, avocat, Ernst & Young société d'avocats, responsable de la ligne droit des sociétés du bureau de Bordeaux

Lecture: 11 min

N4981BRW

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3901122-edition-n-429-du-24022011#article-414981
Copier

par Vincent Téchené, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition affaires

Le 25 Février 2011

Comme le faisait remarquer, le Professeur Deen Gibirila (1), dans son commentaire de la loi n° 2011-103 (loi n° 2011-103 du 27 janvier 2011, relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance et à l'égalité professionnelle N° Lexbase : L2793IP7), publiée dans nos colonnes le 10 février 2011, "il est rare qu'un texte du droit des sociétés suscite autant la polémique". Pourtant dès le dépôt du projet de loi à l'Assemblée nationale par certains parlementaires de la majorité, la doctrine parmi la plus avertie de la matière s'est opposée, les discussion portant non pas sur son contenu mais plutôt sur sa conformité aux principes constitutionnels de l'obligation de parité et surtout sur la pertinence d'une intervention législative. N'en déplaise à ses détracteurs, le texte qui n'était qu'à l'état de projet il y a de cela un an est aujourd'hui du droit positif. Pour en rappeler les grandes lignes, cette loi impose aux sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé et à celles qui emploient plus de 500 salariés et présentent un chiffre d'affaires ou un total de bilan excédant 50 millions d'euros, de parvenir au nombre minimal de 40 % de membres des conseils d'administration et de surveillance de chaque sexe, sous peine de sanctions : nullité des nominations contraires aux principes énoncés et suspension temporaire des jetons de présence. Le texte prévoit toutefois une mise en place progressive : chaque conseil doit parvenir à un pourcentage d'au moins 20 % de chaque sexe à l'issue de la première assemblée générale ordinaire qui suit le 1er janvier 2014, l'objectif final de 40 % devant être atteint dans le délai de six ans, soit le 1er janvier 2017. Après le commentaire de notre Directeur scientifique, Lexbase Hebdo - édition affaires a voulu recueillir le sentiment et les observations d'un praticien spécialiste du droit des sociétés et c'est tout naturellement vers Maître Catherine Michelet-Quinquis, avocat, Ernst & Young, société d'avocats, responsable de la ligne droit des sociétés du bureau de Bordeaux que nous nous sommes tournés, laquelle a accepté de répondre à nos questions.

Lexbase : L'opportunité du texte a été vigoureusement débattue en doctrine. Quelle est votre position sur le sujet ?

Catherine Michelet-Quinquis : La loi relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance et à l'égalité professionnelle, promulguée le 27 janvier 2011, publiée au Journal officiel du 28 janvier 2011, apparaît comme le résultat presque tardif d'une proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale le 3 décembre 2009 par Jean-François Copé, Marie-Jo Zimmermann, Christian Jacob, Madame Michèle Tabarot et plusieurs de leurs collègues. Cette proposition de loi qui, dans les premiers temps, a paru conduite à marche forcée, a finalement été adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale le 20 janvier 2010 et enfin, en deuxième lecture le 13 janvier 2011, sans modification après adoption par le Sénat, en première lecture, le 27 octobre 2010.
La genèse de cette loi a fait l'objet de débats acharnés, voire de violentes polémiques en doctrine, entre l'automne 2009 et tout au long de l'année 2010. Ces débats ont vu s'opposer les arguments en faveur de la liberté de choix par les actionnaires de leurs représentants -sans obligation d'en justifier- aux arguments en faveur de l'ouverture des conseils d'administration à la réalité de la population mixte de femmes et d'hommes, composant les équipes des entreprises. Ce second argument, outre le fait qu'il traduit une volonté d'être en cohérence avec une vérité sociologique, porte le postulat qu'une représentation plus juste et équilibrée des femmes au sein des organes délibérants d'administration et de surveillance des sociétés de taille importante, permettra, à terme, une amélioration de la qualité de la prise de décision par ces organes.

Pour répondre sur l'opportunité de ce texte, je rappellerai, tout d'abord, qu'au plan juridique, le souci du législateur n'est pas nouveau ; comme l'a rappelé dans son rapport Madame Marie-Jo Zimmermann, le législateur est intervenu à plusieurs reprises, depuis presque 40 ans, pour tenter de remédier aux discriminations professionnelles à raison du sexe ; en la matière, il est effectivement permis de parler d'une "sédimentation législative".
Il faut reconnaître que ces différentes lois, qu'elles aient été relatives à l'égalité de rémunération entre hommes et femmes (loi n° 72-1143 du 22 décembre 1972, relative à l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes), qu'elles aient posé un principe général de non discrimination au regard du sexe (loi n° 83-635 du 13 juillet 1983, portant modification du Code du travail et du Code pénal en ce qui concerne l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes N° Lexbase : L8407INP) ou qu'elles aient interdit la discrimination en matière de recrutement, de rémunération, de formation ou autres (loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 N° Lexbase : L9122AUE), n'ont eu, dans l'ensemble, qu'une efficacité toute relative...
La proposition de loi suscitée s'est naturellement engouffrée dans le cadre de la réforme constitutionnelle de 2008, favorable à la parité (loi n° 2008-724 du 23 juillet 2008, de modernisation des institutions de la Vème République N° Lexbase : L7298IAK).

Par ailleurs, la mixité des sexes au sein des directions d'entreprises a été largement défendue pour des considérations d'ordre économique et financier.
En effet, de nombreuses études ont été publiées ces dernières années qui ont mis en exergue le lien entre mixité et performances des entreprises. Parmi elles, celles publiées par Inter Organisation Network (ION) en 2009, a fait valoir, par exemple, que :
- une diversité au sein du conseil d'administration amène à des discussions stratégiques constructives et à des approches différentes des enjeux ;
- les femmes jouent un rôle de plus en plus important sur le marché, que ce soit celui des affaires ou des consommateurs ;
- les femmes ont un style de management différent ;
- l'analyse de l'attitude envers le risque montre que les femmes répondent plus vite que les hommes et de façon différente aux signaux du danger ;
- les femmes administratrices sont davantage prêtes à aborder des sujets difficiles.
D'autres études ont démontré que la présence de femmes au sein des organes d'administration avait une valeur ajoutée pour l'entreprise, notamment en termes de performance financière.
Ainsi et sans être par principe favorable aux lois instaurant des régimes de discrimination dites positives, il faut bien reconnaître que celles-ci ont eu le mérite de modifier les comportements ; tous pays qui ont eu le souci d'instaurer une représentation des femmes dans les instances de gouvernement d'entreprises, ont dû adopter des lois ou des recommandations fortes, ainsi, en Norvège en 2003, en Espagne en 2007, ou encore au Québec en 2006...

Il apparaît donc que la contrainte légale est nécessaire pour faciliter l'évolution des mentalités, l'objectif étant, au-delà de la reconnaissance de la place des femmes et de leur représentation au sein de l'entreprise, d'enrichir les conseils d'administration d'une véritable représentation féminine et d'en attendre une contribution et une sensibilité nouvelle aux diverses questions intéressant la politique d'entreprise que ce soit pour les questions relatives au secteur des ressources humaines mais aussi, beaucoup plus largement, à la stratégie générale de l'entreprise face à ses risques. Il est vrai qu'un administrateur seul n'a pas beaucoup de crédit ; il importera donc aux femmes présentes dans les organes de gouvernance de faire entendre clairement et de façon posée mais ferme, leurs voix et leurs avis, dans l'objectif de contribuer à une amélioration du rôle du conseil tout entier.

Lexbase : L'intervention du législateur ne va-t-elle pas à l'encontre de la liberté de choix des actionnaires et plus généralement la loi ne devrait-elle pas se cantonner à assurer un cadre propice au fonctionnement harmonieux des sociétés ?

Catherine Michelet-Quinquis : Il est clair que l'intervention normative du législateur en la matière vient limiter la liberté de choix des actionnaires puisqu'elle les contraint à ce que la composition des organes de direction et de surveillance des sociétés cotées et autres entreprises concernées traduisent un pourcentage de 40 % de membres de chaque sexe dans un délai de 6 ans, soit d'ici à 2017.
Le débat relatif au rôle de la loi et aux limites de son intervention en droit des sociétés est ancien.  Il est clair que les normes se sont multipliées, spécialement ces dernières années, au risque de noyer même les esprits les plus aguerris. 
Il faut reconnaître, toutefois, que la profusion des normes applicables à la société anonyme s'explique par une recherche constante d'un équilibre visant à privilégier l'intérêt social, au détriment parfois de certaines libertés, tantôt des dirigeants, tantôt des actionnaires.

La thèse maximaliste, défendue par certains auteurs, soutient que les actionnaires qui investissent dans une société sont libres de se choisir des représentants qui leur conviennent et n'ont pas à justifier leurs choix qui doivent rester discrétionnaires. C'est pour défendre cette thèse que l'un de ces auteurs conclut que la loi doit offrir un "cadre propice aux sociétés et faire en sorte que l'exercice de leur activité soit aussi harmonieux que possible" (2). Il ajoute que s'agissant des administrateurs, le seul critère devant présider à leur sélection est celui de leur compétence ; or on peut lui répondre sur ce point que justement, certaines des contraintes imposées par la loi dans le choix des administrateurs, sont motivés par un souci de vérifier des critères permettant de s'assurer de la compétence des individus appelés à représenter les actionnaires. Il en est ainsi de la limitation du nombre des mandats, des limites d'âge à l'exercice des fonctions d'administrateur et de directeur général, etc.. Il faut reconnaître que ces limites légales auraient pu être fixées de façon encore plus contraignante.

Alors dans cette même logique, pourquoi refuser aux conseils d'administration les compléments de compétence que peuvent leur apporter des personnalités féminines ? Pour être femmes, elles n'en sont et n'en seront pas moins administrateurs et assujetties à toutes les autres conditions exigées pour l'exercice de ces fonctions.

On pourra ajouter que les actionnaires de sociétés cotées sont, d'ores et déjà, contraints dans leur choix, s'agissant de la désignation d'administrateurs indépendants. Cette obligation ne relève pas pour l'heure de la loi, mais de préconisations issues des organismes de place et en particulier des codes de gouvernement d'entreprise, notamment le code AFEP-MEDEF dont la loi a toutefois accru la force obligatoire.

Lexbase : Certaines modifications ont été apportées au texte initial. Ces ajustements vont-ils, selon vous, dans le bon sens ?

Catherine Michelet-Quinquis : Initialement, le projet prévoyait une parité parfaite au sein des organes d'administration et de surveillance entre hommes et femmes dans un délai de 5 ans. Tout compte fait, la loi telle qu'elle a été votée, s'est limitée à une parité à obtenir dans un délai de 6 ans, d'un rapport de 40 % d'hommes et de femmes composant un conseil d'administration ou de surveillance, parité qui, compte tenu de leur composition actuelle, très majoritairement masculine, jouera en faveur d'un accroissement du nombre de femmes au sein de ces conseils. Il a donc été admis un double assouplissement, tant dans la parité que dans le délai pour y parvenir.
Pour ne parler que de ces ajustements, ils ne me paraissent absolument pas négatifs ; ils ont permis de conserver le texte nouveau dans sa puissance symbolique mais en composant avec la pesanteur historique de l'actuelle sur-représentation masculine. Il n'est peut être pas exagérément optimiste de penser que, passé un certain nombre d'années (certainement après 2017 !), la recherche de parité 40/60 ne figurera plus parmi les priorités de la composition régulière d'un organe d'administration et de surveillance, les équilibres hommes/femmes s'étant naturellement instauré au fur et à mesure des renouvellements de postes.

Lexbase : A côté de la raison d'être du texte, les principales critiques se cristallisent autour de la sanction prévue, à savoir la nullité des nominations, sans que celle-ci ne rejaillissent sur les délibérations. Que pensez-vous de cette sanction ? Est-elle vraiment appropriée ou n'aurait-il pas été préférable d'en prévoir une autre, comme la simple annulabilité ou l'injonction ?

Catherine Michelet-Quinquis : La loi nouvelle frappe de nullité toute nomination n'ayant pas pour effet de remédier à l'irrégularité de la composition de l'organe d'administration ou de surveillance ; cette nullité n'entraînant pas celles des délibérations auxquels a pris part l'administrateur ou le membre du conseil de surveillance, ou encore le représentant permanent irrégulièrement nommé. Comme l'a souligné un auteur (3), "cette option va à contre-courant de la tendance actuelle et générale à bannir la nullité au profit d'une annulabilité". La sanction de nullité de la nomination n'entraîne pas celle de la nullité des délibérations des conseils, ce qui aurait été une sanction extrêmement dangereuse au plan de la sécurité juridique.
De surcroît, la loi prévoit la sanction financière de suspension du versement des jetons de présence, sanction qui rejaillira sur l'image des organes irrégulièrement composés puisque le rapport de gestion (public) devra faire état de cette suspension de jetons qui ne pourront être rétablis qu'après régularisation de la composition du conseil.
Il est également vrai, ainsi que le souligne l'auteur précité, que le risque d'insécurité juridique paraît d'autant plus redoutable si l'on imagine que, par la suite d'une nomination irrégulière frappée de nullité, le nombre de membres de l'organe d'administration ou de surveillance venait à tomber en dessous du minimum légal. A ce moment là, le conseil d'administration tout entier, irrégulièrement composé ne pourrait plus valablement délibérer et se trouverait confronté à l'obligation de convoquer l'assemblée générale afin de régulariser sa situation ! On peut imaginer ce pire des cas dans lequel la nullité des nominations viendrait à contaminer la régularité même des décisions du conseil.

Etant ainsi rappelés les risques que représente la nullité de plein droit, on peut penser que l'injonction de régulariser sous astreinte à l'appréciation du juge aurait été une solution plus pragmatique. Il reste donc à espérer que conscientes des conséquences possibles d'une nomination irrégulière, les sociétés auront à coeur, que ce soit dans la période transitoire ou après cette période, de veiller à procéder à des nominations dans la stricte application des règles prévues par la loi du 27 janvier 2011. Ce sera le rôle des praticiens de veiller à ce que l'information des actionnaires soit parfaitement assurée à ce titre.

Lexbase : En guise de conclusion, en tant qu'experte en droit des sociétés mais aussi en tant que femme, cette loi est-elle selon vous un progrès ? Ne fera-t-elle pas peser sur les femmes nommées une certaine suspicion ? Doit-on craindre, comme certains ont pu l'écrire, que cette loi "ouvre le flot des revendications de tous ceux qui réclameront plus de diversité dans les conseils d'administration" (4) ?

Catherine Michelet-Quinquis : Que penser de la loi du 27 janvier 2011 dont le titre complet est révélateur de ses ambitions ! Loi de progrès ou loi démagogique ? Comment seront ressenties, au sein de conseils constitués et structurés de longue date, les femmes nouvellement arrivantes ? Femmes alibi ou femmes potiches ?
La vigueur pour ne pas dire la véhémence de certains auteurs peut permettre de tout craindre. Cependant, là encore, je me réclamerai d'une position optimiste. La loi nouvelle a eu la sagesse de laisser du temps au temps.
En outre, elle concerne environ 2 000 sociétés cotées et, même si l'esprit de la loi doit venir inspirer, à terme, l'ensemble des sociétés dotées d'un conseil d'administration ou de surveillance, on peut légitimement penser qu'il ne sera pas trop difficile de trouver dans les années à venir, quelques centaines de femmes aptes à postuler à une entrée dans les conseils de sociétés cotées.

Il faut, à mon sens, rapprocher l'obligation nouvelle d'intégrer plus de femmes dans les conseils d'administration et de surveillance, des recommandations relatives à une meilleure gouvernance et à la nomination d'administrateurs indépendants. Chiffre révélateur : 71 % des femmes administrateurs du CAC 40 sont des administrateurs indépendants.

Dans l'esprit de la loi en gestation, l'AFEP et le MEDEF ont modifié le Code de gouvernement d'entreprise en publiant, le 19 avril 2010, une recommandation sur la représentation des femmes au sein des conseils d'administration ou de surveillance de sociétés cotées. De la même façon, le rapport AMF 2009 sur le gouvernement d'entreprises et le contrôle interne, recommande que la question de la nomination des femmes, à compétence égale, soit posée. Enfin, l'Institut français des administrateurs (IFA), qui a été largement initiateur de la promotion et de la facilitation de la présence des femmes au sein des conseils d'administration, met en place des actions concrètes afin de permettre aux entreprises d'atteindre leurs objectifs : bourse aux mandats, formations et certifications des administrateurs, propositions aux entreprises afin de les aider à structurer leur démarche de composition de leur conseil d'administration.
Il s'agit là de mesures constructives qui doivent pouvoir étouffer toute rumeur de suspicion ; en définitive, il apparaît sous peu révolu le temps ou l'on pouvait se contenter de citer quelques réussites individuelles exceptionnelles telles que celle de la présidente du MEDEF, ou d'Aréva, pour excuser le cantonnement de beaucoup d'autres à des postes de responsabilité et de direction de second ordre.

Je conclurai sur cette note positive : nombre de grandes entreprises au cours de l'année 2010, avant même la publication de la loi, ont anticipé sur leurs obligations futures en nommant des femmes au sein de leur conseil d'administration. Une étude sur la gouvernance des entreprises du CAC 40, publiée en septembre 2010, réalisée par Russel Reynolds Associates, révèle que sur l'impulsion de la proposition de loi, le nombre de postes d'administrateurs occupés par des femmes a connu une progression de 44 % entre fin 2009 et septembre 2010. En moyenne aujourd'hui, les conseils ont 15 % d'administrateurs de sexe féminin, plaçant la France en troisième position en Europe, derrière la Norvège et la Suède.

Le mouvement paraît donc lancé ; féminisation et indépendance : l'évolution des conseils d'administration vers une gouvernance d'une plus grande mixité, et plus exigeante en qualité, semble donc en voie d'être assurée.


(1) D. Gibirila, La loi relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance et à l'égalité professionnelle, Lexbase Hebdo n° 238 du 10 février 2011 - édition affaires (N° Lexbase : N3511BRH).
(2) F.-X. Lucas, La "Modernitude" s'invite dans les Conseils d'Administration, Editorial du Bulletin Joly Sociétés, novembre 2009.
(3) D. Gibirila, art. préc..
(4) F.-X. Lucas, Femmes -Je vous aime..., JCP éd. E, 2010, 1170

newsid:414981

Transport

[Chronique] La chronique trimestrielle de droit des transports de Christophe Paulin, Professeur de droit, Directeur du Master de droit des transports, Université Toulouse I Capitole - Février 2011

Lecture: 10 min

N4953BRU

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3901122-edition-n-429-du-24022011#article-414953
Copier

Le 24 Février 2011

Lexbase Hebdo - édition affaires vous propose, cette semaine, d'inaugurer un nouveau rendez-vous avec la première chronique trimestrielle d'actualité en droit des transports, réalisée par Christophe Paulin, Professeur de droit, Directeur du Master de droit des transports, Université Toulouse I Capitole. Ce mois-ci, l'auteur a choisi de s'arrêter sur trois décisions qui ont émaillé la matière ces derniers temps. Dans le premier arrêt en date du 1er février 2011, bénéficiant des honneurs de son Bulletin, la Chambre commerciale de la Cour de cassation apporte une nouvelle précision sur le régime de l'action directe de l'article L. 132-8 du Code de commerce. L'auteur a ensuite choisi de revenir sur un arrêt de la Cour de cassation en date du 14 décembre 2010, dans lequel sa Chambre commerciale souligne les différences entre le contrat de transport et le contrat de location de véhicule. Enfin, à l'honneur de cette chronique, un arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 22 septembre 2010, qui a largement bénéficié des feux de l'actualité, par lequel cette dernière tranche un litige relatif à la responsabilité de la SNCF en cas de retard.


  • La Chambre commerciale de la Cour de cassation apporte une nouvelle précision sur le régime de l'action directe de l'article L. 132-8 du Code de commerce (Cass. com., 1er février 2011, n° 09-72.309, F-P+B N° Lexbase : A3611GR8)

Par cet important arrêt, la Chambre commerciale de la Cour de cassation apporte une nouvelle précision sur le régime de l'action directe de l'article L. 132-8 du Code de commerce (N° Lexbase : L5640AIQ).

Un expéditeur confie divers transports à un transporteur. Le transporteur sous-traite les opérations, les sous-traitants étant directement payés par l'expéditeur. Le transporteur, en liquidation, réclame paiement du prix des transports à l'expéditeur. La cour d'appel condamne ce dernier à payer (CA Nîmes, 2ème ch., 15 octobre 2009, n° 07/02912 N° Lexbase : A6205GPI). Sur pourvoi, l'expéditeur invoquait deux arguments : d'abord, qu'il est régulièrement libéré de sa dette à l'égard du transporteur principal par le paiement réalisé entre les mains de celui auquel a été effectivement sous-traité l'exécution du transport ; ensuite, que l'expéditeur ne doit garantie qu'au seul transporteur effectif, en sorte qu'il ne saurait être contraint à payer une seconde fois le prix du transport au transporteur principal alors qu'il s'est directement libéré entre les mains du transporteur effectif. En condamnant l'expéditeur à payer le transporteur sous-traiteur malgré ces arguments, la cour d'appel aurait violé l'article L. 132-8 Code de commerce. La Chambre commerciale ne fait pas droit à cette argumentation. Rejetant le pourvoi, elle approuve l'arrêt d'avoir retenu que "le paiement d'un transporteur sous-traitant par l'expéditeur ou le destinataire libère ces derniers de leur dette à l'égard de ce transporteur, en qualité de garants du paiement du fret au sens de l'article L. 132-8 du Code de commerce, mais pas de la dette contractuelle à l'égard du donneur d'ordre qui reste impayé".

La solution est claire : le paiement fait par l'expéditeur au sous-traitant ne le dispense pas de payer également le prix à son contractant direct.

L'article L. 132-8 du Code de commerce est un texte emblématique en matière de droit des transports. Issu de la loi dite "Gayssot" du 6 février 1998 (loi n° 98-69, tendant à améliorer l'exercice du transport routier de marchandises N° Lexbase : L4769GU8), il dispose que "la lettre de voiture forme un contrat entre l'expéditeur, le voiturier et le destinataire ou entre l'expéditeur, le destinataire, le commissionnaire et le voiturier. Le voiturier a ainsi une action directe en paiement de ses prestations à l'encontre de l'expéditeur et du destinataire, lesquels sont garants du paiement du prix du transport. Toute clause contraire est réputée non écrite". Le but du texte est ainsi d'instituer une action en paiement au profit du transporteur et à l'encontre de celui avec lequel il n'a pas conclu le contrat.

Le texte régit également les relations de sous-traitance, particulièrement fréquentes dans le domaine des transports. La jurisprudence a posé, sur le fondement de l'article L. 132-8 du Code de commerce, le principe d'une action directe du sous-traitant contre l'expéditeur : "le voiturier qui exécute, en qualité de substitué, l'expédition, a une action directe en paiement de ses prestations contre l'expéditeur, sauf si ce dernier à interdit à son cocontractant toute substitution" (Cass. com., 28 janvier 2004, n° 02-13.912, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A0189DBM, Bull. civ. IV, n° 19 ; Cass. com., 26 novembre 2002, n° 01-01.056, FS-P+B N° Lexbase : A1215A4R, Bull. civ. IV, n° 181). La solution est certainement discutable. L'expéditeur, en effet, n'est pas partie au contrat conclu entre le transporteur principal et le sous-traitant. Dès lors, à suivre la lettre de l'article L. 132-8 du Code de commerce, il ne devrait pas subir l'action directe. La seule action qui devrait être possible serait celle fondée sur la loi du 31 décembre 1975 dont on sait qu'elle est applicable aux transports (C. transports, art. L. 1432-13 N° Lexbase : L8076ING). Quoi qu'il en soit, en payant directement les transporteurs sous-traitants, l'expéditeur ne faisait que se conformer à la jurisprudence.

La question était alors de savoir si ce paiement fait aux sous-traitants libérait l'expéditeur à l'égard du transporteur principal. Il serait, en effet, possible de soutenir qu'à défaut, l'expéditeur paierait deux fois pour la même prestation. De plus, on peut estimer que l'expéditeur s'est déjà acquitté du prix du transport, conformément à l'article L. 132-8 du Code de commerce, entre les mains des sous-traitants. Cependant, la position de la Cour de cassation est toute autre. Partageant l'opinion de la cour d'appel, elle estime que le paiement fait aux sous-traitants libère l'expéditeur de la dette qu'il a à leur égard, mais non de celle qu'il a vis à vis de son contractant. La solution, d'abord, est totalement justifiée au regard de l'article L. 132-8 du Code de commerce. A suivre le texte, l'expéditeur est garant du prix du transport envers le sous-traitant. C'est donc à l'égard de ce dernier que le paiement le libère. La solution repose surtout sur l'indépendance des contrats unissant l'expéditeur et le transporteur principal ainsi que le transporteur principal et le sous-traitant. Il y a là deux contrats distincts. Le paiement du prix par l'expéditeur au sous-traitant éteint la dette résultant du second contrat, mais celle issue du premier demeure. La Cour de cassation ne pouvait faire autrement que de respecter l'autonomie de chacune des conventions.

  • La Chambre commerciale de la Cour de cassation souligne les différences entre le contrat de transport et le contrat de location de véhicule (Cass. com., 14 décembre 2010, n° 09-68.575, F-D N° Lexbase : A2608GNW)

Il existe trois contrats permettant d'effectuer le transport de marchandises : le contrat de transport, le contrat de commission de transport et le contrat de location de véhicule avec conducteur. L'arrêt de la Chambre commerciale en date du 14 décembre 2010 permet de souligner les différences entre le contrat de transport et le contrat de location de véhicule.

Une société effectue divers transports pour le compte d'un expéditeur. Au cours de l'un d'entre eux, un véhicule se renverse, endommageant la marchandise. L'expéditeur assignait alors le voiturier en responsabilité. A titre reconventionnel, le transporteur réclamait le paiement du prix des transports. Il était débouté de cette demande par la cour d'appel. Sur pourvoi, l'arrêt est cassé, la cour d'appel n'ayant pas recherché si le voiturier avait, en qualité de transporteur, la maîtrise du déplacement de la chose.

Le contrat de transport se caractérise, en effet, par ce que le transporteur s'engage à déplacer une marchandise. L'obligation principale, caractéristique du contrat, est l'obligation de déplacement. Cette obligation s'exécute sous la maîtrise du transporteur. C'est lui, notamment, qui choisit librement l'itinéraire, qui décide de recourir ou non à la sous-traitance, etc..

En revanche, le contrat de location de véhicule avec conducteur se définit comme celui par lequel un loueur met un véhicule et son équipage à disposition d'un locataire. A la différence du contrat de transport, il n'a pas pour objet le déplacement d'une marchandise. La maîtrise du déplacement appartient au locataire, le loueur se contentant de respecter ses instructions. Ainsi, selon le contrat type de location d'un véhicule industriel avec conducteur pour le transport routier de marchandises (décret n° 2002-566 du 17 avril 2002, portant approbation du contrat type de location d'un véhicule industriel avec conducteur pour le transport routier de marchandises N° Lexbase : L4061IP4), il appartient au locataire de fixer les itinéraires, les points de chargement et de déchargement et les délais de livraison.

La cour d'appel aurait donc dû rechercher qui, en l'espèce, avait la maîtrise du déplacement. Si celle-ci revenait au voiturier, l'on était en présence d'un contrat de transport. En revanche, dans le cas contraire, il s'agissait d'un contrat de location.

La question présente de nombreux intérêts pratiques. Si, en ce qui concerne la détermination du prix du transport, la loi pose les mêmes règles en matière de contrat de transport et de location de véhicule (prohibition du transport à perte et indexation du prix du transport sur le coût du carburant), les régimes de responsabilité du transporteur et du loueur sont essentiellement différents. A la différence du transporteur, le loueur ne prend pas les marchandises en charge. Contrairement au transporteur, il n'est pas responsable de plein droit au cas où celles-ci subissent des avaries au cours du transport. Pour que le loueur soit responsable, il convient de prouver sa faute dans une opération de conduite. Les opérations de conduite sont limitativement énumérées par le contrat type comme étant : la conduite proprement dite du véhicule ; sa protection contre le vol dans des conditions normales de vigilance ; la préparation technique du véhicule ; la mise en oeuvre et la surveillance de ses éventuels équipements spéciaux (dispositifs de transport sous température dirigée, flexibles, clapets, compteurs et autres équipements des citernes, hayon élévateur, bras de manutention, etc.). Toutes les autres opérations sont des opérations de transport, qui demeurent de la responsabilité du locataire.

Les textes régissant les contrats ne sont pas non plus les mêmes. Ainsi, en l'espèce, l'assignation en responsabilité du voiturier avait lieu sur le fondement de la convention du 19 mai 1956, relative au contrat de transport international de marchandises par route, dite "CMR" (N° Lexbase : L4084IPX). Si cette convention régit le contrat de transport, elle ne régit pas le contrat de location de véhicule avec conducteur.

Le contrat de transport est également régi par diverses dispositions du Code de commerce, en particulier les articles L. 133-1 (N° Lexbase : L5642AIS) à L. 133-8, relatifs, notamment, à la responsabilité du transporteur et à la prescription. En l'espèce, l'enjeu de la qualification du contrat était l'application de l'article L. 133-6 (N° Lexbase : L4810H9Z) établissant une prescription annale à l'égard de toute action découlant du contrat de transport. La cour d'appel et, implicitement, la Cour de cassation paraissent considérer que cette prescription ne s'applique pas au contrat de location de véhicule avec conducteur. Cette position peut se discuter. Allant au delà de la lettre du texte, la jurisprudence n'a pas hésité à étendre la prescription annale au contrat de commission de transport (Cass. com., 24 septembre 2003, n° 00-11.010, FS-P+B N° Lexbase : A6149C9M, Bull. civ. IV, n° 146). Il pourrait en aller de même du contrat de location, qui, comme le contrat de transport et de commission, vise à réaliser une opération de transport.

  • La cour d'appel de Paris tranche un litige relatif à la responsabilité de la SNCF en cas de retard (CA Paris, 22 septembre 2010, n° 08/14438 N° Lexbase : A1788GAH)

Cet arrêt, qui a largement bénéficié des feux de l'actualité, tranche un litige relatif à la responsabilité de la SNCF en cas de retard (1).

Un avocat devait plaider un dossier à Nîmes. Afin de se rendre à la gare de Lyon pour prendre sa correspondance, il prenait le train entre Melun et la gare, prévoyant une marge de 17 minutes. Le train partait cependant de Melun avec une demi-heure de retard, de sorte qu'à son arrivée à Paris, le train pour Nîmes était déjà parti. L'avocat assignait alors la SNCF en responsabilité. La cour d'appel, infirmant le jugement déféré, lui donne raison. Elle observe que la SNCF a l'obligation contractuelle d'amener les voyageurs à destination selon l'horaire prévu, conformément à l'impératif de ponctualité figurant dans son cahier des charges et condamne la SNCF à réparer l'intégralité du préjudice.

La solution adoptée par la cour est naturellement importante. Désormais, le seul retard à l'arrivée est de nature à entraîner la responsabilité du transporteur. La décision peut, néanmoins, être discutée. D'abord, le cahier des charges de la SNCF, sur lequel se fonde l'arrêt, ne paraît pas lui imposer une obligation de ponctualité aussi impérative. Son article 1er se limite à disposer que la SNCF a pour mission "d'exploiter les services ferroviaires sur le réseau ferré national dans les meilleures conditions de sécurité, d'accessibilité, de célérité, de confort et de ponctualité, compte tenu des moyens disponibles". On peut ne pas voir, dans cette pétition de principe, l'existence d'une obligation claire et déterminée s'imposant à la SNCF.

Par ailleurs, en principe, les délais contractuels ne sont qu'indicatifs. On pourrait soutenir que tel est le cas des délais indiqués par la SNCF. Toutefois, l'article 1146 du Code civil (N° Lexbase : L1246ABR) prévoit l'inutilité de la mise en demeure lorsque la chose devait être faite dans un certain temps que le débiteur a laissé passer. En ce cas, les délais deviennent impératifs. On pourrait alors considérer qu'il en va ainsi en l'espèce, où l'obligation devait être exécutée dans les délais convenus pour que le voyageur puisse obtenir sa correspondance. Par ailleurs, même dans le cas où les délais seraient indicatifs, il demeure que le transporteur est tenu d'effectuer le transport dans un délai raisonnable. Un retard de 30 minutes sur un trajet qui devait durer une demi-heure semble alors déraisonnable.

Pour s'exonérer la SNCF invoquait la faute de la victime, qui n'aurait pas prévu un délai suffisant pour prendre sa correspondance. En l'espèce, ce délai était de 17 minutes. L'argument est paradoxal. Il reproche à la victime de ne pas avoir anticipé les défaillances du transporteur. Très logiquement, la cour d'appel le repousse, estimant le délai suffisant. Il est possible de souligner que, dès lors que l'on met à charge du transporteur une obligation de ponctualité de résultat, le voyageur doit pouvoir compter sur les horaires qui lui sont communiqués.

Alors que le retard était imputable à une erreur d'aiguillage, la SNCF n'invoquait pas, en revanche, la force majeure. En effet, si une erreur d'aiguillage est bien irrésistible et semble bien imprévisible en ce qu'il n'est pas possible de l'anticiper pour y échapper, elle n'est pas extérieure à l'entreprise, dès lors que ce sont les propres préposés de la SNCF qui manoeuvrent l'aiguillage. Il pourrait en aller autrement si celui-ci était mis en oeuvre par le gestionnaire d'infrastructures.

Les faits s'étant déroulés en 2008, le Règlement n° 1371/2007 du 23 octobre 2007, sur les droits et obligations des voyageurs ferroviaires (N° Lexbase : L4837H3K), n'était pas encore applicable. Ce règlement, entré en vigueur en décembre 2009, prévoit un remboursement et une indemnisation forfaitaire en cas de retard supérieur à une heure. Ces dispositions ne paraissent cependant pas de nature à faire obstacle à la responsabilité du transporteur ferroviaire. Le Règlement précise bien, en effet, qu'il s'applique "sans préjudice du droit national octroyant aux voyageurs une plus grande indemnisation pour les dommages subis" (Règlement n° 1371/2007, art. 11). Il ne devrait donc pas porter atteinte à la responsabilité du transporteur pour retard.

Christophe Paulin, Professeur de droit, Directeur du Master de droit des transports, Université Toulouse I Capitole


(1) Cf. sur cet arrêt, L'obligation de ponctualité de la SNCF : mythe ou réalité ? - Questions à Maître Anne-Laure Archambault, Avocat au barreau de Paris, Cabinet Mathieu & associés, Lexbase Hebdo n° 424 du 20 janvier 2011 - édition privée (N° Lexbase : N1607BRX).

newsid:414953

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.