Lexbase Social n°413 du 21 octobre 2010 : Social général

[Jurisprudence] Comment la CJUE caractérise une discrimination fondée sur l'âge et apprécie la justification d'une différence de traitement

Réf. : CJUE, 12 octobre 2010, 2 arrêts, aff. C-45/09 (N° Lexbase : A4807GBN) et aff. C-499/08 (N° Lexbase : A4808GBP)

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Protection sociale"

le 15 Septembre 2015

La discrimination fondée sur l'âge suscite un abondant contentieux de la CJUE, appelée régulièrement à se prononcer sur cette question, finalement difficile et délicate. Les situations soumises au contrôle de la CJUE sont variées et couvrent des domaines très larges (1). La discrimination selon l'âge a pu être invoquée à propos d'une clause de cessation automatique du contrat pour cause d'âge de départ à la retraite (CJUE, 12 octobre 2010, aff. C-45/09 N° Lexbase : A4807GBN) (2) ; de l'exclusion d'une indemnité de licenciement au motif que le salarié peut percevoir une pension de vieillesse (CJUE, 12 octobre 2010, aff. C-499/08 N° Lexbase : A4808GBP) (3) ; d'une mesure nationale fixant une limite d'âge maximale pour l'exercice de la profession de dentiste conventionné (68 ans) (CJUE, 12 janvier 2010, aff. C-341/08 N° Lexbase : A2386EQG) ; d'une réglementation nationale qui fixe à 30 ans la limite d'âge maximale pour le recrutement dans le cadre d'emploi du service technique intermédiaire des pompiers (CJUE, 12 janvier 2010, aff. C-229/08 N° Lexbase : A2385EQE) ; d'une réglementation nationale qui prévoit que les périodes de travail accomplies par le salarié avant qu'il ait atteint l'âge de 25 ans ne sont pas prises en compte pour le calcul du délai de préavis de licenciement (CJUE, 12 janvier 2010, aff. C-229/08) (4) ; des conditions de transposition de la Directive 2000/78 N° Lexbase : L3822AU4) (CJCE, 5 mars 2009, C-388/07 N° Lexbase : A5596EDM) ; du régime des clauses conventionnelles de mise à la retraite d'office qui exigent, comme seules conditions, que le travailleur ait atteint la limite d'âge de 65 ans pour l'admission à la retraite et remplisse les autres critères pour avoir droit à une pension de retraite contributive (CJCE, 16 octobre 2007, aff. C-411/05 N° Lexbase : A7508DYQ ) (5) (...). Le caractère récurrent et réitéré de ce contentieux est surprenant, en ce sens que les juridictions aussi bien communautaires (6) que nationales (7) ont érigé la prohibition des discriminations en raison de l'âge en principe général du droit de l'Union, dans le sillage de la prohibition de toute discrimination fondée sur l'âge instaurée par la Directive du 27 novembre 2000. Les deux arrêts rendus par la CJUE le 12 octobre 2010 permettent de faire une synthèse du contentieux communautaire relatif aux discriminations selon l'âge, en distinguant la mise à la retraite d'office (I), les mesures de limite d'âge (II) et, enfin, les autres mesures instaurant une différence de traitement fondées sur l'âge (III).
CJUE, 12 octobre 2010, aff. C-45/09 (N° Lexbase : A4807GBN)

N'est pas contraire à la Directive 2000/78 du Conseil du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail (N° Lexbase : L3822AU4), la loi générale sur l'égalité de traitement allemande (en son art. 10, point 5), en vertu de laquelle sont considérées comme valables les clauses de cessation automatique des contrats de travail en raison du fait que le salarié a atteint l'âge de départ à la retraite, dans la mesure où cette disposition est objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif légitime relatif à la politique de l'emploi et du marché du travail et parce que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires.

La Directive 2000/78 doit être interprétée en ce sens qu'il ne s'oppose pas à une mesure telle que la clause de cessation automatique des contrats de travail des salariés ayant atteint l'âge de départ à la retraite fixé à 65 ans, prévue à l'article 19, point 8, de la Convention collective d'application générale aux travailleurs salariés dans le secteur du nettoyage industriel.

CJUE, 12 octobre 2010, aff. C-499/08 (N° Lexbase : A4808GBP)

Est contraire à la Directive 2000/78 du Conseil, la réglementation nationale en vertu de laquelle les travailleurs éligibles au bénéfice d'une pension de vieillesse versée par leur employeur au titre d'un régime de pension auquel ils ont adhéré avant l'âge de 50 ans ne peuvent, en raison de ce seul fait, bénéficier d'une indemnité spéciale de licenciement destinée à favoriser la réinsertion professionnelle des travailleurs ayant une ancienneté supérieure à douze ans dans l'entreprise.

I - Mise à la retraite d'office

A - Mise à la retraite d'office : caractérisation de la discrimination

La CJUE a été sollicitée à plusieurs reprises pour apprécier la validité de dispositifs législatifs ou conventionnels mis en place par un Etat membre, instaurant une mise à la retraite d'office. Le caractère discriminatoire a bien été retenu dans plusieurs affaires, s'agissant aussi bien :

- d'une clause de cessation automatique du contrat pour cause d'âge de départ à la retraite (CJUE, 12 octobre 2010, aff. C-45/09, arrêt rapporté) ;

- d'une clause conventionnelle de mise à la retraite d'office qui exige, comme seules conditions, que le travailleur ait atteint la limite d'âge de 65 ans pour l'admission à la retraite et remplisse les autres critères pour avoir droit à une pension de retraite contributive (CJCE, 16 octobre 2007, aff. C- 411/05, prec.) ;

- de l'article 3 de l'Employment Equality (Age) Regulations de 2006, permettant à un employeur de licencier des travailleurs de moins de 65 ans lorsque ceux-ci atteignent l'âge fixé dans l'entreprise pour le départ à la retraite si une telle mesure constitue un moyen proportionné d'atteindre un but légitime (CJCE, 5 mars 2009, aff. C-388/07, point 34 N° Lexbase : A5596EDM) (8).

B - Mise à la retraite d'office : appréciation et contrôle d'une justification à telle une discrimination

L'article 6 § 1 alinéa 1 de la Directive 2000/78 énonce qu'une différence de traitement fondée sur l'âge ne constitue pas une discrimination lorsqu'elle est objectivement et raisonnablement justifiée, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens pour réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires. Le second alinéa du même paragraphe énumère plusieurs exemples de différences de traitement revêtant des caractéristiques.

1 - Une justification objective et raisonnable par un objectif légitime

Par l'arrêt rapporté (aff. C-45/09, point 43), le gouvernement allemand a avancé que la licéité des clauses de cessation automatique des contrats de travail des salariés ayant atteint l'âge de départ à la retraite, repose sur un consensus politique et social qui dure depuis de nombreuses années en Allemagne. Ce consensus reposerait avant tout sur l'idée d'un partage du travail entre les générations. La cessation des contrats de travail des salariés bénéficierait directement aux jeunes travailleurs en favorisant leur insertion professionnelle rendue difficile dans un contexte de chômage persistant. En ce sens, la CJUE relève que ce mécanisme repose sur un équilibre entre considérations d'ordre politique, économique, social, démographique et/ou budgétaire et dépend du choix d'allonger la durée de vie active des travailleurs ou, au contraire, de prévoir le départ à la retraite précoce de ces derniers (point 44).

Par son arrêt précédemment cité (aff. C-411/05, points 68 et 69), la CJUE avait déjà énoncé que les Etats membres ainsi que les partenaires sociaux au niveau national disposent d'une large marge d'appréciation dans le choix, non seulement, de la poursuite d'un objectif déterminé parmi d'autres en matière de politique sociale et de l'emploi, mais également dans la définition des mesures susceptibles de le réaliser (9). Tel est notamment le cas, en ce qui concerne le choix que peuvent être amenées à effectuer les autorités nationales concernées, en fonction de considérations d'ordre politique, économique, social, démographique et/ou budgétaire et eu égard à la situation telle qu'elle se présente concrètement sur le marché du travail d'un Etat membre déterminé, d'allonger la durée de la vie active des travailleurs ou, au contraire, de prévoir le départ à la retraite plus précoce de ces derniers.

Enfin, la CJUE a précisé en 2009 (CJCE, 5 mars 2009, aff. C-388/07, prec.) que l'article 6 § 1 de la Directive 2000/78 n'impose pas aux Etats membres d'établir, dans leurs mesures de transposition, une liste spécifique des différences de traitement pouvant être justifiées par un objectif légitime. Les objectifs légitimes et les différences de traitement qui y sont visés n'ont qu'une valeur indicative, ainsi qu'en atteste le recours, par le législateur communautaire, à l'adverbe "notamment".

Au final, pour la CJUE (CJCE, 5 mars 2009, aff. C-388/07, prec.), il appartient en dernier ressort au juge national, qui est seul compétent pour apprécier les faits du litige, dont il est saisi, et pour interpréter la législation nationale applicable, de déterminer, si, et dans quelle mesure, une disposition qui permet aux employeurs de licencier les travailleurs ayant atteint l'âge de la retraite est justifiée par des objectifs "légitimes" au sens de l'article 6 § 1, de la Directive 2000/78.

2 - Des moyens pour réaliser cet objectif, appropriés et nécessaires

La CJUE (arrêt rapporté, aff. C-45/09) prend en compte plusieurs éléments, qui lui permettent de conclure que la mesure est appropriée et nécessaire, au sens de l'article 6 § 1 de la Directive 2000/78 :

- elle ne se fonde pas seulement sur un âge déterminé, mais prend également en considération la circonstance que les intéressés bénéficient au terme de leur carrière professionnelle d'une compensation financière au moyen d'un revenu de substitution prenant la forme d'une pension de retraite (point 48) ;

- le mécanisme de cessation automatique des contrats de travail n'autorise pas les employeurs à mettre fin unilatéralement à la relation de travail lorsque les travailleurs ont atteint l'âge leur permettant de faire liquider leur pension de retraite. Ce mécanisme, distinct du licenciement et de la démission, repose sur un fondement conventionnel (point 49).

II - Limites d'âge

A - Limites d'âge : caractérisation de la discrimination

La CJUE a rendu plusieurs décisions, relativement à des dispositifs de limitation d'âge :

- est contraire à la Directive 2000/78, une mesure nationale fixant une limite d'âge maximale pour l'exercice de la profession de dentiste conventionné (68 ans) lorsque cette mesure a pour seul objectif de protéger la santé des patients contre la baisse de performance de ces dentistes au-delà de cet âge, dès lors que cette même limite d'âge n'est pas applicable aux dentistes non conventionnés (CJCE, 12 janvier 2010, aff. C-341/08, prec.) ;

- dans l'affaire C-229/08 (réglementation nationale fixant à 30 ans la limite d'âge maximale pour le recrutement dans le cadre d'emploi du service technique intermédiaire des pompiers), la CJCE a relevé que l'application de l'article 3 de la FeuerwLVO a pour conséquence que des personnes sont traitées moins favorablement que d'autres personnes se trouvant dans des situations comparables, au motif qu'elles ont dépassé l'âge de 30 ans. Une telle disposition introduit une différence de traitement fondée sur l'âge au sens de l'article 2 § 2-a de la Directive 2000/78 (CJCE, 12 janvier 2010, aff. C-229/08, prec.).

B - Limites d'âge : appréciation et contrôle d'une justification à telle une discrimination

1 - Une justification objective et raisonnable par un objectif légitime

L'affaire C-229/08 (CJCE, 12 janv. 2010, aff. C-229/08, prec.) s'inscrit dans un schéma de politique publique de sécurité et de défense des citoyens contre les calamités. La CJUE admet que la fixation à 30 ans de la limite d'âge pour le recrutement des pompiers du service technique intermédiaire dans le Land de Hesse a pour objectif d'assurer le caractère opérationnel et le bon fonctionnement du corps des pompiers professionnels, caractérisant un objectif légitime au sens de l'article 6 § 1 de la Directive 2000/78 (point 39, aff. C-229/08).

L'affaire C-341/08 (CJCE, 12 janvier 2010, aff. C-341/08, prec.) met en avant plusieurs motifs pouvant justifier une discrimination selon l'âge : la protection de la santé des patients relevant du régime légal d'assurance maladie (la performance des dentistes étant supposée baisser à partir d'un certain âge) ; la répartition des possibilités d'emploi entre les générations ; l'équilibre des finances du système de santé allemand. Pour la CJUE (point 46, aff. C-341/08), la limite d'âge fixée à 68 ans poursuit un objectif de protection de la santé publique, envisagé sous l'angle de la préservation de l'équilibre financier du régime légal d'assurance maladie.

2 - Des moyens pour réaliser cet objectif, appropriés et nécessaires

La mesure nationale, fixant une limite d'âge maximale pour l'exercice de la profession de dentiste conventionné (68 ans), lorsque cette mesure a pour seul objectif de protéger la santé des patients contre la baisse de performance de ces dentistes au-delà de cet âge, dès lors que cette même limite d'âge n'est pas applicable aux dentistes non conventionnés, n'est pas compatible avec la directive 2000/78 (CJCE, 12 janvier 2010, aff. C-341/08, prec.).

III - Autres mécanismes instaurant une différence de traitement fondée sur l'âge

A - Caractérisation de la discrimination

La CJUE a été confrontée à des dispositifs et mécanismes variables, dont la question était celle de leur compatibilité avec la Directive 2000/78. Ont été considérées comme caractérisant une atteinte au principe de discrimination :

- l'exclusion d'une indemnité de licenciement au motif que le salarié peut percevoir une pension de vieillesse (CJUE, 12 octobre 2010, aff. C-499/08, point 21). En excluant de manière générale du bénéfice de l'indemnité spéciale de licenciement, toute une catégorie de travailleurs, l'article 2a § 3 de la loi danoise relative aux employés affecte ainsi les conditions de licenciement de ces travailleurs au sens de l'article 3 § 1- c de la Directive 2000/78 ;

- la réglementation nationale qui prévoit que les périodes de travail accomplies par le salarié avant qu'il ait atteint l'âge de 25 ans ne sont pas prises en compte pour le calcul du délai de préavis de licenciement (CJCE, 12 janvier 2010, aff. C-229/08, prec. ; CJCE, 19 janvier 2010, aff. C-555/07 N° Lexbase : A3442EQK) (10). L'art. 622 § 2 alinéa 2 du BGB réserve un traitement moins favorable aux salariés qui sont entrés au service de l'employeur avant l'âge de 25 ans. Cette réglementation nationale instaure donc une différence de traitement entre des personnes ayant la même ancienneté en fonction de l'âge auquel elles sont entrées dans l'entreprise (11) ;

- une réglementation nationale qui, aux fins de ne pas défavoriser l'enseignement général par rapport à l'enseignement professionnel et de promouvoir l'insertion des jeunes apprentis sur le marché de l'emploi, exclut la prise en compte des périodes d'emploi accomplies avant l'âge de 18 ans aux fins de la détermination de l'échelon auquel sont placés les agents contractuels de la fonction publique d'un Etat membre (12).

B - Appréciation et contrôle d'une justification à telle une discrimination

1 - Une justification objective et raisonnable par un objectif légitime

Dans l'affaire C-499/08 (CJUE, 12 octobre 2010, prec., point 27), la CJUE reconnaît un caractère légitime à l'objectif poursuivi par la réglementation. L'indemnité spéciale de licenciement a pour objet de faciliter la transition vers un nouvel emploi des travailleurs les plus âgés qui disposent d'une ancienneté importante auprès du même employeur. Si le législateur a entendu restreindre le bénéfice de cette indemnité aux travailleurs qui, à la date de leur licenciement, n'ont pas été admis au bénéfice d'une pension de vieillesse, cette limitation repose sur le constat selon lequel les personnes admises au bénéfice d'une pension de retraite décident, en règle générale, de quitter le marché du travail.

2 - Des moyens pour réaliser cet objectif, appropriés et nécessaires

La CJUE relève, dans l'affaire C-499/08 (CJUE, 12 octobre 2010, prec., point 34), que restreindre l'indemnité spéciale de licenciement aux seuls travailleurs qui ne vont pas, au moment de leur licenciement, bénéficier d'une pension de vieillesse à laquelle a contribué leur employeur n'apparaît pas déraisonnable au regard de la finalité poursuivie par le législateur (consistant à apporter une protection accrue aux travailleurs dont la transition vers un nouvel emploi). De plus, l'article 2a § 3 de la loi relative aux employés permet également de limiter les possibilités d'abus consistant, pour un travailleur, à bénéficier d'une indemnité destinée à le soutenir dans la recherche d'un nouvel emploi alors qu'il va partir à la retraite. Bref, la loi allemande n'apparaît pas manifestement inappropriée pour atteindre l'objectif légitime de politique de l'emploi poursuivi par le législateur.

Cependant, la CJUE décide que cette mesure excède ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif poursuivi par le législateur. La loi danoise assimile aux personnes, qui vont effectivement percevoir une pension de vieillesse de leur employeur, celles qui sont éligibles au bénéfice d'une telle pension. La loi exclut du bénéfice de l'indemnité spéciale de licenciement, tous les travailleurs qui sont éligibles, au moment de leur licenciement, à une pension de vieillesse de leur employeur et qui ont adhéré à ce régime de retraite avant l'âge de 50 ans. Cette exclusion repose sur l'idée selon laquelle, en règle générale, les salariés quittent le marché du travail, dès lors qu'ils sont éligibles à une pension de vieillesse versée par leur employeur et ont adhéré à ce régime de pension avant l'âge de 50 ans : mais la CJUE relève (point 44) qu'un travailleur qui, bien que remplissant les conditions d'éligibilité au bénéfice d'une pension versée par son employeur, souhaite y renoncer temporairement afin de poursuivre sa carrière professionnelle, ne pourra percevoir l'indemnité spéciale de licenciement, pourtant destinée à le protéger. Ainsi, dans le but légitime d'éviter que cette indemnité ne bénéficie à des personnes qui ne cherchent pas un nouvel emploi mais vont percevoir un revenu de substitution prenant la forme d'une pension de vieillesse, issue d'un régime professionnel, la mesure en cause aboutit à priver de l'indemnité, des travailleurs licenciés qui veulent rester sur le marché du travail, au seul motif qu'ils pourraient, en raison notamment de leur âge, disposer d'une telle pension.

Bref, en ne permettant pas le versement de l'indemnité spéciale de licenciement à un travailleur qui, bien qu'éligible au bénéfice d'une pension de vieillesse versée par son employeur, entend néanmoins renoncer temporairement au bénéfice d'une telle pension en vue de poursuivre sa carrière professionnelle, l'article 2a, paragraphe 3, de la loi relative aux employés a pour effet de porter une atteinte excessive aux intérêts légitimes des travailleurs se trouvant dans une telle situation et excède ainsi ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs de politique sociale poursuivis par cette disposition. Dès lors, la différence de traitement résultant de l'article 2a § 3, de la loi relative aux employés ne saurait être justifiée au titre de l'article 6 § 1 de la Directive 2000/78 (points 47 et 48).

(1) Sur la discrimination selon l'âge, V. C. Caresche et G. Geoffroy (au nom de la Commission des affaires européennes), Rapport d'information sur la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de religion ou de convictions, de handicap, d'âge ou d'orientation sexuelle (COM [2008] 426 final/n° E 3918), Assemblée nationale n° 1653, 6 mai 2009 ; Code annoté européen du travail, Groupe revue fiduciaire, 2010 ; F. Kessler et J.-P. Lhernould (dir.), Code annoté européen de la protection sociale, Groupe revue fiduciaire, 2010 ; D. Martin, Vers une hiérarchie inversée du droit à l'égalité en droit communautaire ?, Journal des tribunaux du travail (Bruxelles), 2006, p. 109 ; Mémento pratique F. Lefebvre, Union européenne 2010/2011, juridique, fiscal, social, novembre 2009, spec. n° 19183 à 19191 ; P. Rodière, Traité de droit social de l'Union européenne, LGDJ, 2008, n° 169 à 169-3 ; J.-M. Servais, Droit social de l'Union européenne, Bruylant 2008 ; B. Teyssié, Droit européen du travail, Litec, coll. Manuel, 3ème éd. n° 613.
(2) En Allemagne, la loi ouvre la possibilité pour les conventions collectives de contenir des clauses de cessation automatique des contrats de travail pour les salariés ayant atteint l'âge de la retraite. Mme X, ayant atteint l'âge de 65 ans et pouvant prétendre à une pension de retraite, s'est vue notifier la cessation de son contrat de travail conformément à la convention collective du secteur du nettoyage industriel. La salariée a saisi le tribunal du travail de Hambourg, faisant valoir que la cessation de son contrat était une discrimination fondée sur l'âge. La juridiction a saisi la cour de la question de savoir si cette cessation automatique était conforme à l'interdiction de discriminations fondées sur l'âge énoncée par la Directive 2000/78.
(3) Un salarié danois, âgé de 63 ans, après avoir été licencié, a réclamé le paiement de l'indemnité spéciale de licenciement qui lui était due. La demande lui a été refusée au motif que ce salarié était dans la possibilité de bénéficier d'une pension de vieillesse. Le salarié a alors introduit un recours devant la cour d'appel de l'Ouest soutenant que la réglementation en cause créait une discrimination fondée sur l'âge. La juridiction a saisi la CJUE de la question de savoir si la disposition en cause était conforme à l'interdiction des discriminations fondées sur l'âge énoncée par la Directive 2000/78.
(4) J-P. Lhernould, note sous CJUE, 12 janvier 2010, aff. C-341/08 (N° Lexbase : A2386EQG) et aff. C-229/08 (N° Lexbase : A2385EQE), Wolf, Liaisons Sociales Europe n° 243 du 21 janvier 2010 ; CJUE, 12 janvier 2010, 2 arrêts (préc.), CJUE, 19 janvier 2010, aff. C-555/07 N° Lexbase : A3442EQK, V. nos obs., Discrimination selon l'âge : entre interdiction et validation, Lexbase Hebdo n° 381 du 4 février 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N1602BNN).
(5) CJCE, 16 octobre 2007, aff. C-411/05 N° Lexbase : A7508DYQ, Rec., p. I 8531, point 50, Recueil 2007 p. I-08531, E. Broussy, F. Donnat, C. Lambert, Chronique de jurisprudence communautaire. Egalité de traitement - discrimination liée à l'âge, AJDA, 2007 p. 2249 ; L. Idot, Clauses de mise à la retraite d'office et égalité de traitement, Europe, décembre 2007 Comm. n° 338 p. 25 ; H. Tissandier, L'actualité de la jurisprudence communautaire et internationale, RJS, 2008 p. 97 ; J. Cavallini, Mise à la retraite d'office et non-discrimination fondée sur l'âge, JCP éd. S, 2008 n° 1152 p. 29 ; F. Donnat, Chronique annuelle 2007 de jurisprudence communautaire, Revue juridique de l'Economie publique, 2008 n° 655 p. 17 ; C. Canazza, Arrêt Palacios : la Cour tempère l'interdiction des discriminations fondées sur l'âge, Journal des tribunaux / droit européen 2008 n° 147 p. 79 ; V. nos obs., La mise à la retraite d'office n'est pas nécessairement discriminatoire au nom des politiques de l'emploi, Lexbase Hebdo n° 284 du 31 décembre 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N3667BD8) (CJCE, 16 octobre 2007, affaire C 411/05, préc.).
(6) CJCE, 22 novembre 2005, aff. C-144/04 (N° Lexbase : A6265DLM) ; CJUE, 19 janvier 2010, prec.
(7) Cass. soc., 11 mai 2010, n° 08-43.681 (N° Lexbase : A1605EXQ) et n° 08-45.307 (N° Lexbase : A1608EXT), Liaisons Sociales Europe, n° 253 du 27 mai 2010, note J-P. Lhernould ; Cass. soc., 30 avril 2009, n° 07-43.945 (N° Lexbase : A6457EGA), V. nos obs., Discrimination selon l'âge et indemnité de licenciement conventionnelle, Lexbase Hebdo n° 350 du 14 mai 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N0723BKY).
(8) CJCE, 5 mars 2009, aff. C-388/07 (N° Lexbase : A5596EDM), Recueil non encore publié, E. Broussy, F. Donnat et C. Lambert, Chronique de jurisprudence communautaire. Egalité de traitement en matière d'emploi et de travail, AJDA, 2009 p. 981-982 ; L. Driguez, Différence de traitement en raison de l'âge: licenciement et refus d'embauche, Europe, mai 2009, Comm. nº 190 p.19 ; T. U. Do, La jurisprudence de la Cour de justice et du Tribunal de première instance. Chronique des arrêts. Arrêt National Council on Ageing, Revue du droit de l'Union européenne, 2009, nº 2 p.325-327 ; D. Martin, Contrôle de proportionnalité des discriminations et polique sociale des Etats membres - Réflexions à partir de l'arrêt, Journal des tribunaux du travail, 2009 p.241-247 ; V. nos. obs., Discrimination selon l'âge : la CJCE précise les conditions de transposition de la directive 2000/78 à une législation nationale, Lexbase Hebdo n° 344 du 4 avril 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N0048BKY) (CJCE, 5 mars 2009, aff. C-388/07 N° Lexbase : A5596EDM).
(9) CJCE, 22 novembre 2005, prec., Rec. p. I 9981, point 63.
(10) V. nos obs., Discriminations selon l'âge : entre interdiction et validation, Lexbase Hebdo n° 381 du 4 février 2010 - édition sociale préc. (CJCE, 12 janvier 2010, 2 arrêts, aff. C-341/08, prec., aff. C-229/08 prec. ; CJCE, 19 janvier 2010, aff. C-555/07, prec. ; Liaisons Sociales Europe, n° 244 du 04/02/2010, note C. Canazza.
(11) Ainsi, pour deux salariés ayant chacun 20 ans d'ancienneté, celui qui est entré à l'âge de 18 ans dans l'entreprise bénéficiera d'un délai de préavis de licenciement de cinq mois alors que ce délai sera de sept mois pour celui qui y est entré à l'âge de 25 ans. La réglementation allemande défavorise, d'une manière générale, les jeunes travailleurs par rapport aux travailleurs plus âgés, en ce que les premiers peuvent être exclus, en dépit d'une ancienneté de plusieurs années dans l'entreprise, du bénéfice de l'augmentation progressive des délais de préavis de licenciement en fonction de la durée de la relation de travail, dont pourront, en revanche, jouir des travailleurs plus âgés ayant une ancienneté comparable. Il s'ensuit que la réglementation nationale allemande contient une différence de traitement fondée sur le critère de l'âge.
(12) CJCE, 18 juin 2009, aff. C-88/08 (N° Lexbase : A2798EIH), L. Driguez, Différence de rémunération en raison de l'âge, Europe 2009 Août-Septembre Comm. nº 311 p.26 D. Martin, L'actualité de la jurisprudence communautaire et internationale, RJS 2009 p.734-736.

Décisions

CJCE, 12 octobre 2010, aff. C-45/09 (N° Lexbase : A4807GBN)

CJCE, 12 octobre 2010, aff. C-499/08 (N° Lexbase : A4808GBP)

Textes concernés : Directive 2000/78 du Conseil du 27 novembre 2000 (N° Lexbase : L3822AU4)

Mots-clés :

Aff. C-45-09 : âge, mise à la retraite, clause de cessation automatique des contrats de travail, caractère discriminatoire (non), justification, politique de l'emploi et du marché du travail (oui).

Aff. C-499/08 : indemnité de licenciement, indemnité spéciale pour les salariés ayant plus de 12 ans d'ancienneté, exclusion des travailleurs éligibles à une pension de vieillesse, discrimination (oui).

Liens base : (N° Lexbase : E2577ETM)

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Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

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Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.