La lettre juridique n°689 du 2 mars 2017

La lettre juridique - Édition n°689

Baux d'habitation

[Brèves] Irrégularité de forme affectant le mandat en vertu duquel un agent immobilier délivre congé pour vendre au locataire : une nullité désormais relative qui ne peut être invoquée par le locataire

Réf. : Cass. mixte, 24 février 2017, n° 15-20.411, P+B+R+I (N° Lexbase : A8476TNA)

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 02 Mars 2017

Les dispositions des articles 7, alinéa 1er, de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 (N° Lexbase : L7536AIX), et 72, alinéa 5, du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 (N° Lexbase : L8042AIP), visent la seule protection du mandant dans ses rapports avec le mandataire ; leur méconnaissance doit donc être sanctionnée par une nullité relative ; il en résulte qu'un locataire n'a pas qualité pour se prévaloir des irrégularités de forme affectant le mandat spécial en vertu duquel l'agent immobilier lui a délivré congé pour vendre. Telle est la solution de l'arrêt rendu le 24 février 2017 par la Chambre mixte de la Cour de cassation (Cass. mixte, 24 février 2017, n° 15-20.411, P+B+R+I N° Lexbase : A8476TNA). La question principale résidait dans le point de savoir si le locataire qui s'était vu délivrer un congé pour vendre par l'intermédiaire d'un agent immobilier, mandaté par le bailleur, pouvait invoquer la nullité du mandat, en se prévalant de la violation des dispositions de la loi du 2 janvier 1970 et de son décret d'application, alors qu'il était tiers au contrat de mandat. Après avoir rappelé que la nullité est absolue lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de l'intérêt général, tandis que la nullité est relative lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde d'un intérêt privé, la Cour relève que, par la loi du 2 janvier 1970, le législateur a entendu, tout à la fois, réguler la profession d'agent immobilier et protéger sa clientèle et que la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 (N° Lexbase : L8342IZY), comme il ressort de son étude d'impact, et la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 (N° Lexbase : L4876KEC) répondent aux mêmes préoccupations. Par ailleurs, la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 (N° Lexbase : L8461AGH) encadre la délivrance d'un congé pour vendre au locataire d'un local à usage d'habitation qui constitue sa résidence principale, en posant notamment des conditions de délai, en ouvrant un droit de préemption et en imposant la délivrance d'une notice d'information avec le congé. Selon la Cour, l'évolution du droit des obligations, résultant de l'ordonnance du 10 février 2016 (N° Lexbase : L4857KYK), conduit à apprécier différemment l'objectif poursuivi par les dispositions relatives aux prescriptions formelles que doit respecter le mandat, lesquelles visent la seule protection du mandant dans ses rapports avec le mandataire. C'est ainsi qu'elle retient que l'existence de dispositions protectrices du locataire, qui assurent un juste équilibre entre les intérêts de ce dernier et ceux du bailleur, et la finalité de protection du seul propriétaire des règles fixées par les articles 7, alinéa 1er, de la loi du 2 janvier 1970 et 72, alinéa 5, du décret du 20 juillet 1972 conduisent à modifier la jurisprudence et à décider que la méconnaissance des règles précitées doit être sanctionnée par une nullité relative (contra : Cass. civ. 1, 25 février 2003, n° 01-00.461, FS-D N° Lexbase : A3048A7Z et Cass. civ. 3, 8 avril 2009, n° 07-21.610, FS-P+B N° Lexbase : A1012EGL, retenant la nullité absolue).

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Baux d'habitation

[Brèves] Irrégularité de forme affectant le mandat en vertu duquel un agent immobilier délivre congé pour vendre au locataire : une nullité désormais relative qui ne peut être invoquée par le locataire

Réf. : Cass. mixte, 24 février 2017, n° 15-20.411, P+B+R+I (N° Lexbase : A8476TNA)

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 02 Mars 2017

Les dispositions des articles 7, alinéa 1er, de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 (N° Lexbase : L7536AIX), et 72, alinéa 5, du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 (N° Lexbase : L8042AIP), visent la seule protection du mandant dans ses rapports avec le mandataire ; leur méconnaissance doit donc être sanctionnée par une nullité relative ; il en résulte qu'un locataire n'a pas qualité pour se prévaloir des irrégularités de forme affectant le mandat spécial en vertu duquel l'agent immobilier lui a délivré congé pour vendre. Telle est la solution de l'arrêt rendu le 24 février 2017 par la Chambre mixte de la Cour de cassation (Cass. mixte, 24 février 2017, n° 15-20.411, P+B+R+I N° Lexbase : A8476TNA). La question principale résidait dans le point de savoir si le locataire qui s'était vu délivrer un congé pour vendre par l'intermédiaire d'un agent immobilier, mandaté par le bailleur, pouvait invoquer la nullité du mandat, en se prévalant de la violation des dispositions de la loi du 2 janvier 1970 et de son décret d'application, alors qu'il était tiers au contrat de mandat. Après avoir rappelé que la nullité est absolue lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de l'intérêt général, tandis que la nullité est relative lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde d'un intérêt privé, la Cour relève que, par la loi du 2 janvier 1970, le législateur a entendu, tout à la fois, réguler la profession d'agent immobilier et protéger sa clientèle et que la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 (N° Lexbase : L8342IZY), comme il ressort de son étude d'impact, et la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 (N° Lexbase : L4876KEC) répondent aux mêmes préoccupations. Par ailleurs, la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 (N° Lexbase : L8461AGH) encadre la délivrance d'un congé pour vendre au locataire d'un local à usage d'habitation qui constitue sa résidence principale, en posant notamment des conditions de délai, en ouvrant un droit de préemption et en imposant la délivrance d'une notice d'information avec le congé. Selon la Cour, l'évolution du droit des obligations, résultant de l'ordonnance du 10 février 2016 (N° Lexbase : L4857KYK), conduit à apprécier différemment l'objectif poursuivi par les dispositions relatives aux prescriptions formelles que doit respecter le mandat, lesquelles visent la seule protection du mandant dans ses rapports avec le mandataire. C'est ainsi qu'elle retient que l'existence de dispositions protectrices du locataire, qui assurent un juste équilibre entre les intérêts de ce dernier et ceux du bailleur, et la finalité de protection du seul propriétaire des règles fixées par les articles 7, alinéa 1er, de la loi du 2 janvier 1970 et 72, alinéa 5, du décret du 20 juillet 1972 conduisent à modifier la jurisprudence et à décider que la méconnaissance des règles précitées doit être sanctionnée par une nullité relative (contra : Cass. civ. 1, 25 février 2003, n° 01-00.461, FS-D N° Lexbase : A3048A7Z et Cass. civ. 3, 8 avril 2009, n° 07-21.610, FS-P+B N° Lexbase : A1012EGL, retenant la nullité absolue).

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Contrôle fiscal

[Brèves] Renseignements obtenus auprès de tiers : obligations de l'administration fiscale lorsqu'elle ne détient pas les documents

Réf. : CE 10° et 9° ch.-r., 22 février 2017, n° 398168, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8456TNI)

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par Jules Bellaiche

Le 09 Mars 2017

Dans l'hypothèse où les documents obtenus auprès de tiers sont détenus non par l'administration fiscale, qui les a seulement consultés à l'occasion d'une vérification de comptabilité concernant une autre société, mais par cette dernière, il appartient à l'administration fiscale, d'une part, d'en informer l'intéressé afin de le mettre en mesure d'en demander communication à ce tiers et, d'autre part, de porter à sa connaissance l'ensemble des renseignements fondant l'imposition recueillis à l'occasion de la vérification de comptabilité de cette autre société. Telle est la solution retenue par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 22 février 2017 (CE 10° et 9° ch.-r., 22 février 2017, n° 398168, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8456TNI). En l'espèce, l'administration avait indiqué à la société requérante avoir pris connaissance, à l'occasion des vérifications de comptabilité dont ont fait l'objet les deux fournisseurs auprès desquels elle aurait acquis des matériels neufs, de documents comptables et de relevés bancaires qui ne faisaient apparaître aucune opération effectuée avec la société requérante. D'autre part, l'administration fiscale ne détenait pas ces documents. Ainsi, pour la Haute juridiction, selon le principe dégagé, il fallait bien déduire de ces constatations, non arguées de dénaturation, que la société requérante avait été informée de l'origine et de la teneur précise des renseignements ainsi utilisés et, par conséquent, que la procédure n'était pas entachée d'irrégularité .

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Droit disciplinaire

[Jurisprudence] Dénigrement de l'entreprise et qualification de faute lourde

Réf. : Cass. soc., 8 février 2017, n° 15-21.064, FS-P+B (N° Lexbase : A2022TCU)

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N6854BWR

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par Sébastien Tournaux, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux

Le 02 Mars 2017

Année après année, la Chambre sociale de la Cour de cassation continue d'être confrontée à un contentieux récurrent relatif à la qualification de la faute lourde du salarié. De nombreux employeurs, peu au fait des qualifications juridiques ou mal conseillés, prononcent des licenciements pour faute lourde. Les juridictions du fond acceptent parfois cette qualification dont l'enjeu essentiel était, jusqu'à récemment, le licenciement "sec" du salarié, sans le versement d'aucune indemnité y compris de congés payés. La Chambre sociale a pourtant toujours adopté une conception très restrictive de la faute lourde, essentiellement parce que la faute lourde permet l'engagement de la responsabilité civile du salarié, ce qui doit rester une exception dans un domaine où la responsabilité répond davantage à l'idée du "risque-profit" ou du "risque-activité" qu'à celle d'une responsabilité assise sur la culpabilité. Faisant oeuvre de pédagogie, la Chambre sociale a donc précisé, à la fin de l'année 2015, la définition de l'intention de nuire qui justifie la qualification de faute lourde. C'est cette définition qui est à nouveau mise en oeuvre pour refuser que des faits de dénigrement de l'entreprise puissent recevoir cette qualification dans un arrêt rendu le 8 février 2017 (I). Au-delà de la dimension pédagogique, on peine, toutefois, à trouver d'autre intérêt aux précisions apportées, d'une part, parce qu'elles ne paraissent pas changer fondamentalement la conception prétorienne de la faute lourde, d'autre part, parce que les enjeux de la qualification sont désormais fort limités en pratique (II).
Résumé

La faute lourde est caractérisée par l'intention de nuire à l'employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise.

Commentaire

I - Application au dénigrement de la conception renouvelée de la faute lourde

L'évolution de la définition de la faute lourde. Depuis 1990 (1), la Chambre sociale de la Cour de cassation définissait la faute lourde du salarié comme celle commise avec l'intention de nuire à l'entreprise ou à l'employeur. Cette définition était entièrement prétorienne, comme d'ailleurs les définitions des fautes graves, sérieuses ou légères, puisque que le législateur ne s'est jamais intéressé à l'échelle des fautes pour seulement encadrer en partie leur régime.

Le législateur prévoyait, ainsi, que la faute lourde privait le salarié du droit au paiement d'une indemnité compensatrice de congés payés. Jugée contraire à la Constitution en 2016 (2), cette disposition a été abrogée et le nouveau texte, issu de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels (N° Lexbase : L8436K9C), n'évoque même plus ce type de faute. La faute lourde n'est plus désormais envisagée, pour l'essentiel, que dans le cadre du régime juridique de la grève au cours de laquelle seuls des agissements qui reçoivent cette qualification permettent le licenciement du salarié gréviste (3). Là encore, seul le régime juridique de la faute lourde est donc envisagé.

Par deux arrêts rendus en 2015, la Chambre sociale a légèrement affiné sa définition et a précisé ce qu'il fallait entendre par l'intention de nuire du salarié (4). Désormais, la faute lourde est caractérisée par l'intention de nuire "à l'employeur" et non plus à l'entreprise, et elle implique "la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise". Cette précision était certainement nécessaire d'un point de vue pédagogique. En effet, de très nombreuses entreprises et juridictions du fond qualifient de faute lourde des comportements qui, après contrôle de la Chambre sociale, sont requalifiés en faute grave. C'est donc cette nouvelle définition dont il est à nouveau fait application dans l'affaire présentée.

L'affaire. Un salarié, engagé en 1998 par un cabinet d'expertise comptable et assurant les fonctions de directeur d'agence, est licencié pour faute lourde le 29 novembre 2005. L'employeur lui reproche d'avoir tenu, devant des clients, des propos contraires aux intérêts de l'entreprise en remettant en question le bien-fondé de sa politique tarifaire.

La cour d'appel de Nîmes juge que le licenciement repose bien sur une faute lourde. Elle considère, en effet, que les propos du salarié démontraient sa "déloyauté à l'égard de son employeur" et que, "compte tenu de son niveau de responsabilité et de sa qualification, l'auteur de ces propos dénigrant la politique tarifaire de la société devant la clientèle ne pouvait ignorer leur impact et leur caractère préjudiciable", si bien que ces agissements caractérisaient une intention de nuire à l'employeur.

Par un arrêt rendu le 8 février 2017, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse cette décision au visa de l'article L. 223-14, alinéas 1er et 4 du Code du travail (N° Lexbase : L5916AC4), devenu article L. 3141-26 du Code du travail (N° Lexbase : L6923K9B) dans sa rédaction résultant de la décision n° 2015-523 du Conseil constitutionnel en date du 2 mars 2016 (N° Lexbase : A7973QDN).

La Chambre sociale rappelle que "la faute lourde est caractérisée par l'intention de nuire à l'employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise", et en déduit que la cour d'appel n'avait pas caractérisé la volonté de nuire à l'employeur. La cassation est prononcée pour défaut de base légale, ce qui traduit "un défaut de motivation, d'où découle une mauvaise application du droit" (5) : il n'est pas reproché aux juges du fond de ne pas avoir recherché l'intention de nuire mais plutôt de l'avoir mal caractérisée.

II - Conséquences modérées de la conception renouvelée de la faute lourde

Que retenir de la nouvelle définition de la faute lourde ? Au mot près, la Chambre sociale reprend donc, ici, très exactement, la formule inaugurée par les deux arrêts de 2015. Cette définition, en apparence plus précise qu'elle ne l'était auparavant, a été analysée comme n'étant pas susceptible de beaucoup modifier la jurisprudence de la Chambre sociale en la matière (6).

Certes, la définition ne vise plus expressément que la volonté de nuire à l'employeur et non plus à l'entreprise, mais cette distinction, autrefois employée par les juges, était relativement obscure, principalement parce que l'entreprise reste une entité difficilement saisissable. La définition nouvelle pourrait laisser penser que les agissements du salarié doivent être délibérément dirigés contre la personne physique ou morale cocontractante et non pas vers l'entité plus abstraite que constitue l'entreprise. Il y a d'ailleurs, dans cette approche, une forme de logique et de cohérence au regard du régime juridique de la faute lourde.

En effet, si la faute lourde du salarié ne permet plus la privation des indemnités de congés payés, elle demeure la seule qui autorise l'employeur à engager la responsabilité civile du salarié (7). Or, dans une acception certes fort classique du préjudice (8), seule une personne qui subit un dommage légitime, celle qui a un intérêt légitime à agir parce qu'il a été porté atteinte à l'un de ses droits subjectifs, peut engager la responsabilité de l'auteur du dommage (9). L'entreprise n'ayant pas la personnalité juridique, elle n'est pas titulaire de droits subjectifs, pas davantage qu'elle ne peut agir en justice.

Certainement plus juste d'un point de vue technique, le recentrage sur l'intention de nuire à l'employeur ne devrait, toutefois, pas emporter de changements concrets très importants. En effet, l'entreprise s'identifie le plus souvent à la personne physique ou morale de l'employeur, si bien que nuire à l'un, c'est très souvent aussi nuire à l'autre.

Pour le reste, l'intention de nuire à l'employeur restera particulièrement difficile à caractériser. Elle devrait répondre à des problématiques assez proches de celle de la preuve de l'intention dolosive caractérisant un dol, qui permet l'annulation d'un contrat ou de l'intention de nuire qui caractérise un abus de droit. L'un comme l'autre ne sont que rarement admis par les juges, précisément parce que le caractère interne, psychologique, de l'intention est souvent indémontrable.

On peut, enfin, relever que la Chambre sociale a parfois pu juger que le dénigrement de l'entreprise auprès de ses clients pouvait justifier la qualification de faute lourde, ce qui n'est pas admis en l'espèce (10). Cela ne signifie pas, bien sûr, que le dénigrement ne puisse jamais être qualifié de faute lourde, mais il sera nécessaire de démontrer l'intention malveillante.

Des enjeux minimes. Au-delà des questions purement techniques de qualification, l'enjeu des précisions apportées par les arrêts récents à la qualification de faute lourde n'aura finalement qu'un impact modéré en pratique, parce que le régime de la faute grave et de la faute lourde ont été sensiblement rapprochés.

Il ne subsiste plus, en réalité aujourd'hui, que deux enjeux essentiels. D'abord, nous l'avons vu, celui de l'engagement de la responsabilité civile du salarié auteur d'une faute lourde. Encore que l'on puisse, là aussi, relativiser, puisque, si la possibilité d'engager cette responsabilité est essentielle lorsque l'entreprise subit un préjudice matériel aisément quantifiable (11), elle présente un intérêt bien plus faible dans le cadre d'un dénigrement dont les effets sur les partenaires de l'entreprise sont plus souvent difficiles à évaluer. Ensuite, la qualification de faute lourde reste essentielle dans le cadre de la grève. On sait, toutefois, que l'appréciation de la faute lourde dans le cadre d'un conflit collectif répond à des logiques légèrement différentes puisque le juge admet cette qualification sans toujours rechercher l'intention de nuire, notamment lorsque le salarié sort du strict cadre légal de la grève.

Pour conclure, on peut légitimement se demander si la qualification de faute lourde conserve un avenir en droit du travail. Les textes visés par la Chambre sociale ne font plus référence à la faute lourde. Déjà fragile avant la censure du Conseil constitutionnel, quel sera, à l'avenir, le fondement textuel de la qualification de faute lourde ?


(1) Cass. soc., 29 novembre 1990, n° 88-40.618, publié (N° Lexbase : A9254AAY) ; sur cette faute, lire l’Ouvrage de droit du travail (N° Lexbase : E9192ESA).
(2) Cons. const., décision n° 2015-523 QPC du 2 mars 2016 (N° Lexbase : A7973QDN) et les obs. de Ch. Radé, Lexbase, éd. soc., n° 647, 2016 (N° Lexbase : N1762BW8). V. également Cass. QPC, 2 décembre 2015, n° 15-19.597, FS-P+B (N° Lexbase : A4927NY7) et nos obs., Lexbase, éd. soc., n° 637, 2015 (N° Lexbase : N0450BWL).
(3) C. trav., art. L. 2511-1 (N° Lexbase : L0237H9N). Il est également fait référence à la faute lourde dans quelques textes relatifs à des contrats aidés, mais elle est alors toujours placée au même niveau que la faute grave auquel le même régime s'applique, v. par ex. C. trav., art. L. 5121-17 (N° Lexbase : L6511IZ8), pour les entreprises qui recourent au contrat de génération et bénéficient d'une aide dont ils ne sont pas privés si le sénior est licencié pour faute grave ou lourde ; v. encore, C. trav., art. L. 5134-21-2 (N° Lexbase : L6804I77), le bénéfice d'une aide en cas de recrutement d'un salarié en contrat d'accompagnement dans l'emploi à condition que l'embauche ne vise pas à procéder au remplacement d'un salarié licencié, à moins que le licenciement n'ait reposé sur une faute grave ou lourde.
(4) Cass. soc., 22 octobre 2015, deux arrêts, n° 14-11.291, FP-P+B (N° Lexbase : A0160NUH) et n° 14-11.801, FP-P+B (N° Lexbase : A0259NU7) et les obs. de Ch. Radé, Lexbase, éd. soc., n° 632, 2015 (N° Lexbase : N9833BUQ).
(5) J.-P. Ancel, Le manque de base légale, Cycle Droit et technique de cassation, 2009.
(6) Cass. soc., 22 octobre 2015, deux arrêts, n° 14-11.291, FP-P+B et n° 14-11.801, FP-P+B, préc., et les obs. de Ch. Radé, Lexbase, éd. soc., n° 632, 2015, préc.. Dans le même sens, Cass. soc., 26 janvier 2017, n° 15-27.365, F-D (N° Lexbase : A5568TAH) et les obs. de G. Auzero, Lexbase, éd. soc., n° 687, 2017 (N° Lexbase : N6580BWM).
(7) Rappelant que seule la faute lourde justifie l'engagement de la responsabilité civile du salarié, v. récemment Cass. soc., 25 janvier 2017, n° 14-26.071, FS-P+B (N° Lexbase : A5474TAY) et les obs. de Ch. Radé, Lexbase, éd. soc., n° 687, 2017 (N° Lexbase : N6577BWI).
(8) Il faut ainsi nuancer, au regard de l'émergence de préjudices détachés d'une personne qui le subit directement, comme cela est le cas, par exemple, avec les préjudices environnementaux.
(9) V. F. Terre, Ph. Simler, Y. Lequette, Droit des obligations, D., 11ème éd., 2013, p. 763.
(10) Admettant la faute lourde : Cass. soc., 5 avril 2005, n° 02-46.628, F-D (N° Lexbase : A7517DHU) ; Cass. soc., 18 décembre 2013, n° 12-15.009, F-D (N° Lexbase : A7261KSQ).
(11) V., par ex., les deux arrêts de 2015, préc., où il s'agit de cas de détournements de fonds dont le salarié est l'auteur mais qui ne permettent pas d'engager sa responsabilité, faute que l'intention de nuire à l'employeur soit démontrée.

Décision

Cass. soc., 8 février 2017, n° 15-21.064, FS-P+B (N° Lexbase : A2022TCU)

Cassation partielle (CA Nîmes, 6 septembre 2011, n° 10/01572 N° Lexbase : A4145H7N)

Textes visés : C. trav., art. L. 223-14, ancien (N° Lexbase : L5916AC4), art L. 3141-26 (N° Lexbase : L6923K9B), dans sa rédaction issue de la décision du Conseil constitutionnel du 2 mars 2016 (Cons. const., décision n° 2015-523 QPC du 2 mars 2016 N° Lexbase : A7973QDN).

Mots-clés : faute lourde ; qualification ; dénigrement.

Lien base : (N° Lexbase : E9192ESA).

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Droit pénal des affaires

[Jurisprudence] Exhumation de l'application UberPOP : condamnation de la société Uber pour pratiques commerciales trompeuses

Réf. : Cass. crim., 31 janvier 2017, n° 15-87.770, F-D (N° Lexbase : A4306TB4)

Lecture: 5 min

N6833BWY

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par Evan Raschel, Maître de conférences à l'Université Clermont Auvergne, Centre Michel de l'Hospital EA 4232

Le 02 Mars 2017

La médiatique concurrence entre les taxis et les voitures de transport avec chauffeur (VTC) est rude et amère, trop pour que les acteurs concernés parviennent à des accords, au point de devoir pousser le législateur à intervenir régulièrement ; il en fut ainsi, dernièrement, avec la loi n° 2016-1920 du 29 décembre 2016, relative à la régulation, à la responsabilisation et à la simplification dans le secteur du transport public particulier de personnes (N° Lexbase : L0757LCZ) (1), règlementant une nouvelle activité de courtage : la mise en relation, par des centrales de réservation, de transporteurs de personnes avec des clients potentiels. Dans ce contexte de tension permanente, la mise en place il y a trois ans de l'application UberPOP, proposant des activités rémunérées de transport à de simples particuliers, a engendré des contestations politiques et sociales véhémentes, parfois violentes, forçant la société Uber France à la "suspendre" en juillet 2015. En réalité, ce retrait fut d'autant moins spontané que plusieurs procédures judiciaires étaient déjà déclenchées, menaçant la société de diverses sanctions, notamment pénales.
L'arrêt commenté conclut l'une de ces procédures, initiée par un procès-verbal d'infractions établi par des agents de la Direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF), à la suite duquel la société fut convoquée devant le tribunal correctionnel, pour y répondre du délit pénal de pratiques commerciales trompeuses (2), envers les conducteurs et les consommateurs, en raison du contenu de certaines communications sur internet. Le 31 janvier 2017, la Chambre criminelle de la Cour de cassation entérine, par rejet du pourvoi de la société Uber France, sa condamnation à une amende de 150 000 euros et une mesure de publication, tout en prononçant sur les intérêts civils à l'égard, notamment, de certaines représentations de taxis. Relevons la mesure de la peine prononcée, quand celle encourue s'élève, s'agissant d'une personne morale, à 1,5 million d'euros (3), voire "à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits, ou à 50 % des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité ou de la pratique constituant ce délit" (4). La caractérisation de l'élément matériel du délit ne posait en l'espèce aucune difficulté majeure, insuffisamment en tous cas, pour que les juges successivement saisis acceptent de poser, comme le demandait la société, une question préjudicielle à la CJUE aux fins d'interprétation de la Directive 2005/29 du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales (N° Lexbase : L5072G9Q). En effet, le Code de la consommation définit longuement les pratiques commerciales trompeuses par commission et omission (5), avant de réputer trompeuses certaines de ces pratiques. Sur ce dernier point, la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, de modernisation de l'économie (N° Lexbase : L7358IAR dite "LME"), a entendu parfaire l'oeuvre de transposition de la Directive européenne, en reprenant ce qu'il était d'usage d'appeler la "liste noire" de pratiques que cette Directive considère explicitement comme trompeuses en toutes circonstances. Sous cet aspect, l'expression de pratiques "réputées trompeuses" n'est peut-être pas la meilleure, car celles-ci seront toujours considérées comme trompeuses. Ce n'est donc pas une présomption, plutôt une véritable règle de fond. Or, parmi les pratiques ainsi réputées trompeuses, figurent notamment celles qui ont pour objet "de déclarer ou de donner l'impression que la vente d'un produit ou la fourniture d'un service est licite alors qu'elle ne l'est pas" (6). La qualification pénale se concentrait alors sur cette question essentielle : l'application UberPOP, promue par la société dans sa communication en ligne, pouvait-elle être considérée comme un service licite ? La cour d'appel, intégralement approuvée par la Cour de cassation, répond par la négative, déployant un raisonnement en deux temps.

D'abord, ce service ne respectait pas la réglementation imposée, sous la menace d'une sanction pénale, aux taxis ou aux voitures de transport avec chauffeur. A titre principal, il convient de rappeler que dans les deux cas, une autorisation administrative est nécessaire (7). S'agissant des taxis, l'exclusion était d'autant plus évidente que les conducteurs du service UberPOP ne répondaient ni à la définition des conducteurs de taxi, ni aux diplômes et formations requis (8). S'agissant plus spécifiquement des voitures de transport avec chauffeur (la loi faisait à l'époque des faits référence aux "véhicules de petite remise"), auxquelles les conducteurs UberPOP pouvaient plus facilement être rattachés, le texte alors applicable était l'article L. 3122-2 du Code des transports (N° Lexbase : L3413I48) qui disposait que "l'exploitation de voitures de petite remise est soumise à autorisation délivrée par l'autorité administrative", laquelle faisait justement défaut aux conducteurs UberPOP.

Ensuite, le service UberPOP ne pouvait davantage être assimilé à une activité de covoiturage. D'une part, parce que celle-ci suppose un but non lucratif, alors que, comme le remarque la cour d'appel, "la tarification prédéfinie par Uber France, imposée tant au passager qu'au conducteur ne correspondait pas au partage des frais mais s'apparentait bien au paiement d'une course" ; par ailleurs, le site internet de la société indiquait lui-même que le service visait des particuliers souhaitant gagner de l'argent durant leurs disponibilités. D'autre part, parce que le conducteur UberPOP acceptait d'emmener le passager vers une destination qui n'était pas nécessairement la sienne. La Cour de cassation souligne, dans ses motifs, que "le choix de la destination par le client était présenté comme inhérent au service offert, ce qui excluait la qualification de covoiturage". Ces exigences, initialement jurisprudentielles, semblent correspondre tout à fait à la définition du covoiturage issue de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015, relative à la transition énergétique pour la croissance verte (N° Lexbase : L2619KG4), qui figure aujourd'hui à l'article L. 3132-1 du Code des transports (N° Lexbase : L2945KG8) et selon lequel "le covoiturage se définit comme l'utilisation en commun d'un véhicule terrestre à moteur par un conducteur et un ou plusieurs passagers, effectuée à titre non onéreux, excepté le partage des frais, dans le cadre d'un déplacement que le conducteur effectue pour son propre compte. Leur mise en relation, à cette fin, peut être effectuée à titre onéreux et n'entre pas dans le champ des professions définies à l'article L. 1411-1 (N° Lexbase : L8102INE)" [nous soulignons].

Ainsi, faute de s'inscrire dans le cadre d'une des réglementations citées, le service UberPOP ne pouvait qu'apparaître illégal dès l'origine ; partant, la pratique commerciale consistant à la promouvoir devait être réputée trompeuse. L'affirmation de la Chambre criminelle de la Cour de cassation mérite d'être rapprochée d'autres décisions antérieures -auxquelles la Cour aurait d'ailleurs pu se référer- qui confirment cette illicéité du service UberPOP. Il en est particulièrement ainsi de la décision du 22 septembre 2015 du Conseil constitutionnel (9), saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur l'ancien article L. 3124-13 du Code des transports (N° Lexbase : L3396I4K) (10) incriminant le fait "d'organiser un système de mise en relation de clients avec des personnes qui se livrent aux activités [de transport routier] sans être ni des entreprises de transport routier pouvant effectuer les services occasionnels mentionnés [...] ni des taxis ni des [voitures de transport avec chauffeur]". Rejetant le grief tiré de la méconnaissance de la liberté d'entreprendre, invoqué par Uber, le Conseil déduisit de cet article, notamment, "que l'exercice de cette activité est donc interdite aux personnes qui ne sont ni des entreprises de transport routier [...] ni des taxis, des véhicules motorisés à deux ou trois roues ou des voitures de transport avec chauffeur ; que le législateur a entendu, par les dispositions contestées, réprimer des agissements facilitant l'exercice d'une activité interdite" (11) [nous soulignons]. Aurait-il pu dire plus clairement que les activités alors proposées par le service UberPOP étaient illicites ?

Il restait à trancher la question de l'élément moral du délit, dont la société Uber contestait la présence. En discuter n'était pas déraisonnable : on se souvient que la mutation, par la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008, pour le développement de la concurrence au service des consommateurs (N° Lexbase : L7006H3U), du délit de publicité trompeuse en pratiques commerciales trompeuses avait été l'occasion d'une évolution de son élément moral, d'une infraction d'imprudence à une infraction intentionnelle (12). Mais l'intention exigée à ce titre est extrêmement légère : reprenant une formule fréquente, la Cour de cassation précisa que "la seule constatation de la violation, en connaissance de cause, d'une prescription légale ou réglementaire implique de la part de son auteur l'intention coupable exigée par l'article 121-3, alinéa 1er, du Code pénal (N° Lexbase : L2053AMY)". Bref, la conscience de la violation suffit, étant précisé qu'en matière pénale également, nul n'est censé ignorer la loi... Voilà une nouvelle démonstration de l'affaiblissement constant de l'élément moral des infractions d'affaires. Sans doute la solution n'est-elle pas à l'abri de la critique. Il reste peu étonnant de voir la cour d'appel affirmer laconiquement, dans la présente espèce, que "c'est en toute connaissance de cause que la société Uber France a vanté les mérites de la prestation illégale proposée sous la dénomination UberPOP", élément moral auquel la Cour de cassation elle-même ne fait qu'une référence rapide et formelle.


(1) Sur laquelle, v. Ph. Delebecque, Du nouveau pour les taxis, les VTC et leurs clients : un statut pour les centrales de réservations, D., 2017, p. 314 et s..
(2) Actuel article L. 121-2 du Code de la consommation (N° Lexbase : L1706K7C les articles visés dans l'arrêt commenté ont été déplacés par l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, relative à la partie législative du Code de la consommation N° Lexbase : L0300K7A).
(3) En application de l'article 131-38 du Code pénal (N° Lexbase : L0410DZ9), l'amende est quintuplée à l'encontre des personnes morales.
(4) C. consom., art. L. 132-2 (N° Lexbase : L1657K7I).
(5) V. respectivement, les actuels articles L. 121-2 (N° Lexbase : L1706K7C) et L. 121-3 (N° Lexbase : L9807LC9) du Code de la consommation. V. pour une remise en cause de la distinction : Cass. crim., 22 novembre 2016, n° 15-83.559, F-P+B (N° Lexbase : A3537SLL).
(6) Actuel article L. 121-4, 9° du Code de la consommation (N° Lexbase : L1704K7A).
(7) Rappelons qu'un titre du Code des transports est consacré aux "transports publics particuliers" (C. transports, art. L. 3120-1 N° Lexbase : L3387I49 et s. ; pour les sanctions pénales, v. C. transports, art. L. 3124-4 N° Lexbase : L1767LCG et L. 3124-5 N° Lexbase : L7649INM).
(8) Les textes alors applicables étaient les articles L. 3121-1 (N° Lexbase : L7672INH), L. 3121-9 (N° Lexbase : L7664IN8) et L. 3121-10 (N° Lexbase : L7663IN7) du Code des transports.
(9) Cons. const., 22 septembre 2015, n° 2015-484 QPC (N° Lexbase : A4510NPQ).
(10) Comp., aujourd'hui, l'article L. 3143-4 du Code des transports (N° Lexbase : L1308LCG), créé par la loi n° 2016-1920 du 29 décembre 2016, , relative à la régulation, à la responsabilisation et à la simplification dans le secteur du transport public particulier de personnes (N° Lexbase : L0757LCZ).
(11) Cons. const., 22 septembre 2015, préc., cons. 17.
(12) Cass. crim., 15 décembre 2009, n° 09-83.059, F-P+F (N° Lexbase : A2220EQB).

newsid:456833

Entreprises en difficulté

[Brèves] Taxe d'apprentissage et taxe "formation professionnelle" : fait générateur et éligibilité au traitement préférentiel des créances postérieures "méritantes"

Réf. : Cass. com., 22 février 2017, n° 15-17.166, F-P+B+I (N° Lexbase : A6883TNA)

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N6823BWM

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par Vincent Téchené

Le 02 Mars 2017

En premier lieu, si en application de l'article 228 bis (N° Lexbase : L1206IEE), devenu l'article 1599 ter I, du CGI (N° Lexbase : L1588IZT), et de l'article R. 6331-9 du Code du travail (N° Lexbase : L1096I4D), dans sa rédaction applicable en la cause, les employeurs sont astreints au paiement de la taxe d'apprentissage et de la participation au développement de la formation professionnelle à raison des salaires versés au cours de l'année écoulée, le fait générateur des créances fiscales résultant de cette obligation, et donc leur naissance régulière, se situe à la date à laquelle expire le délai qui est imparti aux employeurs pour procéder aux dépenses et investissements libératoires prévus par la loi, soit le 31 décembre de l'année considérée. En second lieu, lorsque leur fait générateur se situe après le jugement d'ouverture de la procédure collective, la taxe d'apprentissage et la participation des employeurs à la formation professionnelle constituent, pour les entreprises qui y sont assujetties, une obligation légale et sont inhérentes à l'activité poursuivie après le jugement d'ouverture, de sorte que la taxe et la participation précitées entraient dans les prévisions de l'article L. 622-17 du Code de commerce (N° Lexbase : L8102IZ4). Telle est la solution énoncée par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 22 février 2017 (Cass. com., 22 février 2017, n° 15-17.166, F-P+B+I N° Lexbase : A6883TNA). En l'espèce, une société a été mise en sauvegarde par un jugement du 6 novembre 2012, laquelle a été convertie en redressement judiciaire le 11 février 2014, le plan de cession totale de l'entreprise étant arrêté par un jugement du 8 avril 2014 et la liquidation judiciaire prononcée le 6 mai 2014. Assujettie à la taxe d'apprentissage et à la participation des employeurs à la formation professionnelle continue, la débitrice avait déposé le 30 avril 2013, sans paiement, deux déclarations couvrant la période comprise entre le 1er janvier et le 5 novembre 2012. Les 28 juin et 16 août 2013, le comptable du service des impôts des entreprises a mis en demeure la société de payer la taxe d'apprentissage et la participation des employeurs à la formation professionnelle continue, en considérant qu'il s'agissait de créances nées postérieurement au jugement d'ouverture. La cour d'appel (CA Besançon, 4 mars 2015, n° 14/01945 N° Lexbase : A6744NCR) ayant autorisé les organes de la procédure à régler, conformément aux dispositions de l'article L. 622-17 du Code de commerce, les sommes réclamées dues pour l'année 2012, le liquidateur a formé un pourvoi en cassation. Enonçant la solution précitée, la Cour de cassation approuve l'arrêt d'appel en ce qu'il a retenu que ces créances étaient nées postérieurement à l'ouverture de la sauvegarde le 6 novembre 2012 et qu'elles bénéficiaient du traitement préférentiel (cf. l’Ouvrage "Entreprises en difficulté" N° Lexbase : E0329EUQ et N° Lexbase : E0608E9E).

newsid:456823

Fiscalité des particuliers

[Brèves] Mise au point sur la condition de présomption de distribution applicable au maître de l'affaire

Réf. : CE 3°, 8°, 9° et 10° ch.-r., 22 février 2017, n° 388887, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8444TN3)

Lecture: 1 min

N6908BWR

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par Jules Bellaiche

Le 03 Mars 2017

En cas de refus des propositions de rectifications par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire de sommes regardées comme distribuées, il incombe à l'administration d'apporter la preuve que celui-ci en a effectivement disposé ; toutefois, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle. Telle est la solution retenue par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 22 février 2017 (CE 3°, 8°, 9° et 10° ch.-r., 22 février 2017, n° 388887, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A8444TN3). En l'espèce, l'administration fiscale a procédé à un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle du requérant, associé et gérant de droit d'une SARL, et a imposé entre ses mains, en application des dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du CGI (N° Lexbase : L2060HLU), les sommes de 47 034 euros au titre de l'année 2005 et 86 234 euros au titre de l'année 2006. Cependant, au cas présent, le frère du requérant, qui détenait 2 % des parts de la SARL et dont la compagne en détenait 49 %, avait signé de nombreux documents engageant cette société au cours de la période vérifiée et disposait, comme l'intéressé, de la signature bancaire de cette société au cours de la période vérifiée. Ainsi, pour la Haute juridiction, l'administration n'apportait pas d'éléments suffisants permettant de regarder le requérant comme le seul maître de l'affaire. Ce dernier, selon le principe dégagé, ne pouvait donc être présumé avoir appréhendé les revenus distribués par la SARL .

newsid:456908

Marchés publics

[Brèves] Conditions de recevabilité de l'introduction d'un référé contractuel après un référé précontractuel

Réf. : CE 2° et 7° ch.-r., 14 février 2017, n° 403614, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A2620TPQ)

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N6866BW9

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par Yann Le Foll

Le 04 Mars 2017

S'agissant d'un recours référé précontractuel envoyé au service compétent du pouvoir adjudicateur par des moyens de communication permettant d'assurer la transmission d'un document en temps réel, la circonstance que la notification ait été faite en dehors des horaires d'ouverture de ce service est dépourvue d'incidence, ce qui implique la recevabilité de ce recours et le fait que le pouvoir adjudicateur qui signe le contrat postérieurement à la réception du recours doit être regardé comme ayant méconnu les dispositions de l'article L. 551-4 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L1601IEZ). Ainsi statue le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 14 février 2017 (CE 2° et 7° ch.-r., 14 février 2017, n° 403614, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A2620TPQ). Le conseil municipal de la commune a approuvé le vendredi 1er juillet 2016 l'attribution du contrat de délégation du service public de distribution d'eau potable à la société X. La société Y avait notifié à la commune le référé précontractuel qu'elle avait intenté contre cette procédure le vendredi 1er juillet à 19H38 à l'adresse électronique indiquée par le règlement de la consultation avant que celle-ci ne signe le contrat dans la soirée. Cette dernière devait donc être regardée comme ayant eu connaissance de la notification de son recours par la société, alors même qu'il lui avait été notifié après la fermeture des services survenue à 16 heures 30, comme la mairie l'avait indiqué aux candidats dans le règlement de la consultation. En estimant que le contrat n'avait pas été signé pendant la suspension prévue à l'article L. 551-4 précité, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a donc commis une erreur de droit. Dès lors, la société Y est recevable à saisir le juge du référé contractuel d'une demande tendant à l'annulation du contrat de délégation de service public conclu entre la commune et la société X (cf. l’Ouvrage "Marchés publics" N° Lexbase : E8498EQS).

newsid:456866

Pénal

[Brèves] Publication de la loi réformant la prescription en matière pénale

Réf. : Loi n° 2017-242 du 27 février 2017, portant réforme de la prescription en matière pénale (N° Lexbase : L0288LDZ)

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N6883BWT

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par Aziber Seïd Algadi

Le 02 Mars 2017

A été publiée au Journal officiel du 28 février 2017, la loi n° 2017-242 du 27 février 2017, portant réforme de la prescription en matière pénale. La nouvelle loi modifie les délais de prescription de l'action publique en matière de délits et de crimes ainsi que la prescription des peines. Sur la prescription de l'action publique, le délai de prescription de l'action publique passe de dix à vingt ans, en matière criminelle (C. pr. pén., art. 7 N° Lexbase : L9879IQX) et de trois à six ans pour les délits de droit commun (C. pr. pén., art. 8 N° Lexbase : L9542I3S). En revanche, l'action publique en matière contraventionnelle se prescrit toujours par une année révolue. Pour les infractions occultes ou dissimulées, le point de départ de la prescription est fixé au jour où l'infraction a été constatée dans des conditions permettant la mise en mouvement ou l'exercice de l'action publique. Toutefois, ce délai ne peut pas excéder douze années révolues pour les délits et trente années révolues pour les crimes à compter du jour où l'infraction a été commise (C. pr. pén., nouvel art. 9-1). Le texte précise également les causes d'interruption (C. pr. pén., nouvel art. 9-2) et de suspension (C. pr. pén., nouvel art. 9-3) du délai de prescription de l'action publique. Sur la prescription des peines, la nouvelle loi modifie les articles du Code pénal relatifs aux règles applicables à la prescription des peines criminelles et correctionnelles (C. pén., art. 133-2 N° Lexbase : L2298AM3 et 133-3 N° Lexbase : L2050AMU et nouvel art. 133-4-1). A ce titre, elle rend imprescriptibles les peines réprimant les crimes de guerre au même titre que celles réprimant les crimes contre l'Humanité et maintient en l'état le délai de prescription des peines criminelles (droit commun et délais dérogatoires). Elle porte de cinq à six ans le délai de prescription des peines délictuelles et laisse inchangés les délais dérogatoires applicables à certaines peines délictuelles (terrorisme, trafic de stupéfiants, etc.). Aussi, conserve-t-elle en l'état le délai de prescription des peines contraventionnelles fixé à trois ans. Enfin, s'agissant de l'application de la loi, il est précisé que la nouvelle loi ne peut avoir pour effet de prescrire des infractions qui, au moment de son entrée en vigueur, avaient valablement donné lieu à la mise en mouvement ou à l'exercice de l'action publique à une date à laquelle, en vertu des dispositions législatives alors applicables et conformément à leur interprétation jurisprudentielle, la prescription n'était pas acquise.

newsid:456883

Procédure administrative

[Brèves] Octroi de la suspension demandée dans le cadre du référé-suspension : possibilité de tenir compte de l'intervention prochaine d'un jugement au fond

Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 10 février 2017, n° 404291, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A2526TCK)

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N6870BWD

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par Yann Le Foll

Le 07 Mars 2017

L'intervention prochaine d'un jugement au fond peut justifier le refus d'octroi de la suspension demandée dans le cadre du référé-suspension. Telle est la solution d'un arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 10 février 2017 (CE 9° et 10° ch.-r., 10 février 2017, n° 404291, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A2526TCK). Le juge des référés a relevé, pour juger que la demande présentée par une société tendant à la suspension de la mise en recouvrement d'impositions ne remplissait pas la condition d'urgence prévue à l'article L. 521-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3057ALS), que la requête d'appel de la société était inscrite au rôle d'une audience devant se tenir moins d'un mois après la date de son ordonnance et était, dès lors, susceptible d'être jugée à une date rapprochée. En se fondant sur cette circonstance, et en estimant nécessairement qu'au vu des éléments apportés à l'appui de la demande de suspension, dont il ressortait que le montant des disponibilités de la société requérante était supérieur à celui des impositions et pénalités mises en recouvrement, aucun préjudice irréversible n'était susceptible de résulter de leur recouvrement avant le jugement de la requête au fond, le juge des référés n'a pas commis d'erreur de droit (cf. l’Ouvrage "Procédure administrative" N° Lexbase : E3109E4W).

newsid:456870

Rel. collectives de travail

[Brèves] Des conditions de la désignation conventionnellement prévue d'un représentant au CHSCT par les organisations syndicales

Réf. : Cass. soc., 22 février 2017, n° 15-25.591, FS-P+B (N° Lexbase : A2602TP3)

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N6875BWK

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par Blanche Chaumet

Le 03 Mars 2017

En l'absence de précisant dans l'accord, les organisations syndicales ne peuvent procéder à la désignation d'un représentant au CHSCT, conventionnellement prévue, que si elles sont représentatives dans l'entreprise ou l'établissement dans lesquels cette désignation doit prendre effet. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 22 février 2017 (Cass. soc., 22 février 2017, n° 15-25.591, FS-P+B N° Lexbase : A2602TP3).
En l'espèce, la Fédération sociétés d'études CGT a, le 13 mars 2014, désigné M. B. en qualité de représentant syndical au CHSCT de la société T.. La société a saisi le tribunal de grande instance aux fins d'annulation de cette désignation, en faisant valoir que ce syndicat n'était pas représentatif dans l'entreprise.
Pour débouter la société de sa demande, la cour d'appel (CA Versailles, 15 septembre 2015, n° 14/04726 N° Lexbase : A9993NNG) retient que l'article L. 2324-2 du Code du travail (N° Lexbase : L3724IBK), issu de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, portant rénovation de la démocratie sociale (N° Lexbase : L7392IAZ), prévoit que chaque organisation syndicale ayant des élus au comité d'entreprise peut y nommer un représentant, que ce texte ne pose aucune autre condition tenant notamment à la représentativité de l'organisation syndicale au sein de l'entreprise, que l'accord cadre interprofessionnel du 17 mars 1975 ne soumet nullement le droit pour une organisation syndicale de désigner un représentant au CHSCT à une condition de représentativité, le texte conventionnel reconnaissant cette prérogative à "chaque organisation syndicale" sans autre précision, que dès lors qu'aucune disposition légale ne prohibe la désignation par un syndicat non représentatif, d'un représentant syndical au CHSCT, que même le principe d'une telle désignation est reconnu au sein du comité d'entreprise, les dispositions de l'accord de 1975 s'avèrent licites et doivent produire leurs effets et que le dispositif conventionnel qu'elles ajoutent à celui, expressément prévu par la loi, doit donc recevoir application. A la suite de cette décision, la société s'est pourvue en cassation.
En énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction casse l'arrêt d'appel au visa des articles L. 2121-1 (N° Lexbase : L3727IBN), L. 2122-1 (N° Lexbase : L3823IB9), L. 2231-1 (N° Lexbase : L3746IBD), L. 4611-7 (N° Lexbase : L1733H93) du Code du travail, ensemble l'article 23 de l'accord national interprofessionnel du 17 mars 1975 (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E3381ETE).

newsid:456875

Rel. collectives de travail

[Brèves] Nécessité pour tout syndicat représentatif ou non de satisfaire au critère de transparence financière pour désigner un représentant de la section syndicale

Réf. : Cass. soc., 22 février 2017, n° 16-60.123, FS-P+B (N° Lexbase : A2534TPK)

Lecture: 1 min

N6881BWR

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par Charlotte Moronval

Le 07 Mars 2017

Saisi d'une demande de nullité de la désignation d'un représentant de la section syndicale fondée sur le fait que le syndicat ne remplirait pas le critère de transparence financière, le tribunal d'instance ne peut la rejeter en énonçant que la régularité de cette désignation n'implique pas que le syndicat à l'origine de cette désignation remplisse les conditions prévues aux articles L. 2121-1 (N° Lexbase : L3727IBN) et L. 2121-2 (N° Lexbase : L2105H9T) relatifs à la représentativité, mais celles des articles L. 2142-1 (N° Lexbase : L3761IBW) et L. 2142-1-1 (N° Lexbase : L6225ISD) du Code du travail (NDLR : et non les articles L. 2141-1 N° Lexbase : L6059IAN et L. 2141-1-1, comme l'indique par erreur la Cour dans son visa), alors que tout syndicat doit, pour pouvoir exercer des prérogatives dans l'entreprise, satisfaire au critère de transparence financière. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 22 février 2017 (Cass. soc., 22 février 2017, n° 16-60.123, FS-P+B N° Lexbase : A2534TPK ; voir aussi Cass. soc., 8 juillet 2009, n° 08-60.599, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A7068EIM).
En l'espèce, une société saisit le tribunal d'instance d'une demande d'annulation de la désignation d'un représentant de la section syndicale, effectuée par un syndicat des employés de propreté et des gardiens d'immeubles et concierges d'Ile-de-France, en faisant notamment valoir que ce syndicat ne remplirait pas le critère de transparence financière.
Le tribunal d'instance de Saint-Germain-en-Laye rejette la demande de la société, ce qui la pousse à former un pourvoi en cassation.
En énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction casse et annule le jugement rendu par le tribunal d'instance au visa des articles L. 2121-1, L. 2142-1 et L. 2142-1-1 du Code du travail. En statuant comme il l'a fait, le tribunal a violé les textes susvisés (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E6025EXG).

newsid:456881

Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

[Jurisprudence] Cession de droits d'auteur : position divergente du juge fiscal ?

Réf. : CE 3° et 8° ch.-r., 27 janvier 2017, n° 390660, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5626TAM)

Lecture: 6 min

N6923BWC

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par Nacima Lamalchi-Elkilani, Avocat counsel et Florent Mattern, Avocat - UGGC Avocats

Le 02 Mars 2017

Dans son arrêt du 27 janvier 2017, le Conseil d'Etat aurait-il souhaité jeter un pavé dans la marre des règles d'ordre public posées par le Code de la propriété intellectuelle ("CPI") en matière de cession des droits d'auteur ? La question mérite d'être posée tant on pourrait penser à première lecture que le juge fiscal a admis la cession implicite des droits de l'auteur en considérant que "les contrats passés emportaient, par leur objet même, cession de ses droits de représentation ou de reproduction [...]" et s'est ainsi affranchi des règles impératives régissant les cessions de droits d'auteur posées par l'article L. 131-3 du CPI (N° Lexbase : L3386ADR) et de la jurisprudence de la Cour de cassation s'y rapportant. Pour comprendre la réelle portée de cet arrêt qui dépasse le droit fiscal et alimente un débat en droit d'auteur, il est nécessaire de rappeler les règles applicables à la cession de droits d'auteur en droit fiscal puis en droit de la propriété intellectuelle avant de les confronter aux faits de l'espèce de l'arrêt du 27 janvier 2017 du Conseil d'Etat (CE 3° et 8° ch.-r., 27 janvier 2017, n° 390660, mentionné aux tables du recueil Lebon). En droit fiscal, la cession des droits d'auteur sur les oeuvres de l'esprit bénéficie d'un taux réduit de TVA sur le fondement de l'article 279, g du CGI (N° Lexbase : L4666I7X) selon lequel "la taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 10 % (1) en ce qui concerne [...] g) les cessions des droits patrimoniaux reconnus pas la loi aux auteurs des oeuvres de l'esprit et aux artistes-interprètes ainsi que tous droits portant sur les oeuvres cinématographiques et sur les livres [...] (2)".

En droit d'auteur, l'article L.131-3 du CPI impose un formalisme strict à la validité des cessions des droits patrimoniaux de l'auteur (droits de reproduction et de représentation) puisqu'il prévoit que "la transmission des droits de l'auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l'objet d'une mention distincte dans l'acte de cession et que le domaine d'exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée".

Traditionnellement, les tribunaux judiciaires interprètent cet article en faveur de l'auteur, en particulier lorsqu'il s'agit d'une personne physique, et requièrent, à peine de nullité, que la cession soit conclue par écrit et comporte les quatre mentions légales obligatoires. Est ainsi privée d'effet toute cession de droits d'auteur tacite ou verbale (3).

Un tempérament au formalisme de l'article L. 131-3 est néanmoins admis en matière de cessions de droits d'auteur entre personnes morales ou de sous-cessions entre le cessionnaire et le sous cessionnaire (4).

Les faits d'espèce de l'arrêt commenté. A l'occasion d'une vérification de comptabilité en matière de TVA, l'administration fiscale avait refusé à un artiste professionnel l'application du taux réduit de 5,5 % (5) qu'il avait appliqué sur la base de l'article 279, g du CGI au motif que "les documents contractuels produits n'identifient ni ne distinguent ce qui relève de la cession de l'oeuvre ou de la cession des droits de représentation ou de reproduction, passibles du taux réduit, que lorsque de telles cessions sont identifiées, elles ne sont pas délimitées quant à leur étendue et à leur montant [...]".

Bien entendu, l'artiste a contesté ce rappel de taxe au motif notamment que "l'article 279 ne subordonne pas l'application du taux réduit de TVA au respect des conditions de forme ou de fond mentionnées dans le code de la propriété intellectuelle ainsi qu'il ressort également des instructions administratives".

Il est d'abord débouté par le tribunal administratif d'Orléans (6) puis la cour administrative d'appel de Nantes (7). Le Conseil d'Etat (8), saisi une première fois, casse l'arrêt de la cour pour défaut de réponse à un point des conclusions de l'artiste, sans pour autant trancher le conflit apparent entre les articles 279, g du CGI et L. 131-3 du CPI.

Dans son arrêt de renvoi du 2 avril 2015, la cour administrative d'appel de Nantes retient le caractère "dérogatoire au droit commun" de l'article 279, g et juge que les cessions de droits patrimoniaux sont soumises au taux réduit "quelles que soient les formes et conditions suivant lesquelles elles ont été consenties" (CAA Nantes, 2 avril 2015, n° 14NT02139 N° Lexbase : A0062NRQ).

Cette position, a priori surprenante, trouve en fait appui sur l'article 279, g du CGI tel qu'interprété à la lumière l'instruction du 9 octobre 1991 (9) (l'"Instruction") (conformément à l'article L. 80 du LPF N° Lexbase : L8732G8W) et en particulier du :

- point 67 (10) selon lequel "Lorsque des travaux d'études, de conception et de mise en oeuvre [...] sont suivis d'une cession du droit de représentation ou de reproduction [...], l'ensemble de l'opération s'analyse, au regard de la taxe sur la valeur ajoutée, comme une cession de droits" ;

- point 79, alinéa 2, selon lequel "Le terme de cession de droits recouvre en pratique toutes les opérations relatives à l'exploitation des droits protégés" ;

- point 80 (11) selon lequel "Le taux réduit de la taxe s'applique aux opérations qui ont la nature de cession de droits".

Nonobstant cette interprétation de l'article 279, g du CGI à la lumière de l'Instruction, la cour appliquera le taux réduit de TVA à certaines prestations de l'artiste à l'exception de celles réalisées pour la commune des Pays de Murat et le comité Fulbert, ce qui a conduit à un nouveau pourvoi et à l'arrêt du Conseil d'Etat.

L'arrêt. Après avoir rappelé les termes des articles 279 alinéa, g du CGI et L. 131-3 du CPI, le Conseil d'Etat confirme l'arrêt déféré en ce qu'"Il résulte des dispositions précitées du g) de l'article 279 du CGI que la cession à des tiers, par les auteurs d'oeuvres de l'esprit, des droits de représentation ou de reproduction qu'ils détiennent sur celles-ci est soumise au taux réduit de TVA, alors même que les conditions posées par l'article L. 131-3 du Code de la propriété intellectuelle ne seraient pas remplies". Pour autant, il casse partiellement cet arrêt en ce qu'il a commis une erreur de droit dans l'application de cette règle.

Sur la base de ce principe, après avoir pris soin de retenir la qualification d'oeuvres de l'esprit des prestations réalisés (12), le Conseil d'Etat a considéré que :

- la convention conclue avec la commune des Pays de Murat prévoyant la conception de prestations de scénographie "par son objet même, impliquait la cession du droit de représentation lié à l'exposition en cause et alors qu'il n'était pas contesté qu'elle avait été exécutée" ;

- "le contrat passé [avec le comité Fulbert] impliquait par nature la cession du droit de reproduction" s'agissant de la conception par l'artiste de maquettes graphiques pour divers supports ayant fait l'objet d'éditions.

On comprend ainsi que le fait que les personnes publiques aient exercé, pour l'une, le droit de représentation en exploitant la scénographie créée pour une exposition et pour l'autre, le droit de reproduction en éditant les documents pour lesquels les maquettes graphiques avaient été créées, constituent des actes d'exploitation desdits droits de l'auteur impliquant "par nature" ou "par leur objet-même" leur cession.

Quel est l'apport de l'arrêt du 27 janvier 2017 ?

Sous une apparente contradiction, la position du Conseil d'Etat sur la cession implicite de droits d'auteur est en réalité parfaitement compatible avec les règles de cession de droits d'auteur posées par le CPI puisqu'il confirme l'indépendance de l'article 279, alinéa g, du CGI au regard des dispositions de l'article L. 131-3 du CPI.

En effet, il est question de l'application du taux réduit de TVA et non de la validité de la cession de droits, et en cette matière l'Instruction fiscale de 1991 admet la cession implicite de droits d'auteur aux opérations ayant porté sur "l'exploitation des droits".

Cette solution n'est pas nouvelle. En effet, il avait déjà été jugé que, dès lors que les clients d'un graphiste indépendant "se chargeaient de faire réaliser les travaux de reproduction et de façonnage, les prestations facturées doivent être regardées comme correspondant à la cession des droits patrimoniaux sur les oeuvres réalisées [...] sans que les dispositions des articles L. 131-1 (N° Lexbase : L3384ADP) à 131-3 du Code de la propriété intellectuelle aient d'incidence à cet égard" (13).

Il n'y a donc en réalité aucune contradiction entre une disposition fiscale dérogatoire applicable en matière de TVA par l'auteur dans ses rapports avec l'administration fiscale et les dispositions de droit commun de l'article L. 131-3 du CPI applicables en matière contractuelle par l'auteur dans ses rapports avec ses clients ou commanditaire.

En conclusion, l'arrêt pose le principe de l'accès des auteurs à l'application du taux réduit de TVA et clarifie la combinaison de textes spéciaux favorables à la protection des auteurs, lesquels textes ont un objet distinct et sont ainsi indépendants l'un de l'autre.

Il reste qu'on ne peut prévoir la position des juridictions judiciaires si elles étaient confrontées, dans un contentieux de nullité de cessions de droits d'auteur à l'initiative de l'auteur pour non respect de l'article L. 131-3 du CPI, à un défendeur co-contractant se prévalant d'une cession implicite intervenue sur la base de l'article 279, g du CGI en application de la jurisprudence administrative.

On ne manquera pas de suivre les prochaines décisions des juridictions judiciaires sur ce sujet.


(1) Taux réduit applicable depuis 2014.
(2) Cette disposition n'est pas applicable aux "cessions de droits portant sur des oeuvres d'architecture et des logiciels et aux cessions de droits patrimoniaux portant sur des oeuvres cinématographiques représentées au cours de spectacles cinématographiques mentionnées à l'article L. 214-1 du Code du cinéma et de l'image animée (N° Lexbase : L6809IEW) ou dans le cadre de festivals de cinéma".
(3) Cass. com., 28 avril 2004, n° 02-14.220, F-D (N° Lexbase : A0491DC8) ; voir également CA Aix en Provence, 8 février 2012, n° 10/22511 (N° Lexbase : A1702ICZ) selon lequel "d'autant qu'en vertu du texte ci-dessus lesdits droits ne peuvent être cédés de manière implicite".
(4) Cass. com., 5 novembre 2002, n° 01-01.926, F-D (N° Lexbase : A6771A38), et Cass. civ. 1, 13 octobre 1993, n° 91-11.241 (N° Lexbase : A3606ACK).
(5) Taux applicable à cette période.
(6) TA Orléans, 27 mai 2011, n° 0803125-1003110.
(7) CAA Nantes, 17 janvier 2013, n° 11NT02155 (N° Lexbase : A1024MRD).
(8) CE 3° s-s., 23 juillet 2014, n° 367031, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A7300MUW).
(9) BOI n° 3 A 15-91, n° 199, 16 octobre 1991 (N° Lexbase : X0673ACW).
(10) Point repris au paragraphe 7 de la documentation de base 3B-263 du 18 septembre 2000 (N° Lexbase : X7872AAS).
(11) Point repris au paragraphe 14 de la documentation de base 3C-2298 du 30 mars 2001.
(12) CAA Marseille, 23 juin 2016, n° 14MA04621 (N° Lexbase : A3436RUS).
(13) TA Amiens, 30 décembre 2008, n° 0700392 (N° Lexbase : A8778EIX).

newsid:456923

Transport

[Brèves] Responsabilité du transporteur aérien en cas de retard : incompétence de la juridiction du domicile du passager au contrat de transport sans hébergement

Réf. : Cass. civ. 1, 22 février 2017, n° 15-27.809, FS-P+B+I (N° Lexbase : A6884TNB)

Lecture: 2 min

N6828BWS

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par Vincent Téchené

Le 02 Mars 2017

D'une part, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, 9 juillet 2009, aff. C-204/08 N° Lexbase : A6427EIU ; CJUE, 19 novembre 2009, aff. C-402/07 N° Lexbase : A6589END ; CJUE, 23 octobre 2012, aff. C-581/10 N° Lexbase : A7627IUZ) que le Règlement n° 261/2004 (N° Lexbase : L0330DYU) instaure un régime de réparation standardisée et immédiate des préjudices que constituent les désagréments dus aux retards, lequel s'inscrit en amont de la Convention de Montréal et, partant, est autonome par rapport au régime issu de celle-ci, de sorte que les dispositions du Code des transports et du Code de l'aviation civile, qui renvoient à la Convention de Montréal, n'ont pas vocation à s'appliquer à une demande fondée sur ce Règlement. D'autre part, dès lors qu'un passager a conclu un contrat de transport sans hébergement, les juges ne peuvent déclarer compétente la juridiction de proximité du domicile du passager, au motif que les deux parties étant domiciliées en France, les règles de compétence françaises sont applicables, notamment l'article L. 141-5 (N° Lexbase : L1930IE9), devenu R. 631-3 (N° Lexbase : L0940K9P) du Code de la consommation. Tels sont les enseignements d'un arrêt rendu par la Cour de cassation le 22 février 2017 (Cass. civ. 1, 22 février 2017, n° 15-27.809, FS-P+B+I N° Lexbase : A6884TNB). En l'espèce, un vol Lyon-Bologne via Paris ayant subi à l'arrivée un retard de plus de 4 heures, le passager a saisi la juridiction de proximité du lieu de son domicile lors de l'achat du billet, d'une demande d'indemnisation sur le fondement de l'article 7 du Règlement n° 261/2004. La compagnie aérienne Air France a soulevé l'incompétence territoriale de la juridiction saisie au profit de celle dans le ressort de laquelle se situait le lieu de départ de l'avion. La cour d'appel (CA Grenoble, 29 septembre 2015, n° 15/02007 N° Lexbase : A8112NRU) ayant déclaré la juridiction de proximité du domicile du passager compétente, Air France a formé un pourvoi en cassation. Après avoir approuvé l'arrêt en ce qu'il a retenu que les dispositions du Code des transports et du Code de l'aviation civile n'avaient pas vocation à s'appliquer à cette demande fondée sur le Règlement n° 261/2004, la Cour de cassation le censure au visa des articles 2, 15 § 3 et 16 § 1 du Règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000 (N° Lexbase : L7541A8S). Pour déclarer compétente la juridiction de proximité du domicile du passager, il a retenu que les deux parties étant domiciliées en France, les règles de compétence françaises sont applicables, notamment l'article L. 141-5, devenu R. 631-3 du Code de la consommation. Or, en statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que le passager avait conclu un contrat de transport sans hébergement, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

newsid:456828

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