La lettre juridique n°690 du 9 mars 2017

La lettre juridique - Édition n°690

Assurances

[Brèves] Découverte, avant sinistre, par l'assureur, de l'aggravation non déclarée du risque : quid lorsqu'un sinistre survient avant la rupture du contrat ou l'intervention d'un nouvel accord ?

Réf. : Cass. civ. 2, 2 mars 2017, n° 15-27.831, F-P+B (N° Lexbase : A9901TR7)

Lecture: 2 min

N7060BWE

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 15 Mars 2017

Si l'article L. 113-9 du Code des assurances (N° Lexbase : L0065AAN) institue au profit de l'assureur qui découvre avant sinistre l'aggravation non déclarée du risque, une option entre la résiliation et la proposition à l'assuré d'une prime majorée, il n'organise pas la sanction de la réticence lorsque le sinistre survient avant la rupture du contrat ou l'intervention d'un nouvel accord, alors que l'assureur demeure engagé par le contrat primitif malgré l'aggravation ; cette éventualité doit être assimilée au cas de constatation après sinistre, dès lors que dans ces deux hypothèses, ni la résiliation, ni un nouvel accord ne peuvent intervenir avant la survenance du sinistre. Telles sont les précisions apportées par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 2 mars 2017 (Cass. civ. 2, 2 mars 2017, n° 15-27.831, F-P+B N° Lexbase : A9901TR7). En l'espèce, la société B., exerçant une activité de fabrication d'articles de porcelaine de table, avait souscrit le 1er janvier 2009 pour son compte et celui de sa filiale un contrat d'assurance "Multirisque industrielle", auprès de deux assureurs. Le 23 octobre 2011, un incendie trouvant son origine dans une armoire électrique d'un atelier du site de Limoges avait entraîné d'importantes dégradations des locaux, du matériel et du stock ; le 23 février 2012, alors que les travaux de réfection étaient en cours, un second incendie était survenu dans l'atelier d'un autre bâtiment. La société B. et sa filiale avaient assigné les co-assureurs en exécution du contrat et en paiement de dommages-intérêts. Elles faisaient grief à l'arrêt de dire que les co-assureurs étaient en droit de leur opposer la règle proportionnelle de primes, de fixer en conséquence les indemnités dues à une certaine somme et de les débouter de leur demande de dommages-intérêts, soutenant que la réduction d'indemnité de l'article L. 113-9 précité, n'est pas opposable à l'assuré lorsque l'assureur avait connaissance du risque non déclaré avant la réalisation du sinistre. L'argument est écarté par la Cour suprême qui énonce la solution précitée. Aussi, ayant constaté que les risques n'avaient pas été complètement et exactement déclarés par l'assuré par suite de son manquement aux prescriptions du contrat qui lui faisaient l'obligation de faire vérifier chaque année les installations électriques et de communiquer les rapports annuels à l'assureur, puis relevé que ce n'était qu'à l'examen d'un rapport d'intervention de l'APAVE du 11 octobre 2011, que l'assureur avait pu se rendre compte que les installations électriques des locaux assurés comportaient des défectuosités générant des risques d'incendie, que ses inspecteurs avaient pu en décembre 2011, effectuer une visite et avoir connaissance de ce rapport, et que la résiliation du contrat n'était intervenue que postérieurement au second sinistre, la cour d'appel avait pu en déduire que la règle proportionnelle de primes avait vocation à s'appliquer à chacun des sinistres en cause.

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Avocats/Déontologie

[Brèves] Régime disciplinaire des avocats : transmission de la QPC au Conseil constitutionnel

Réf. : Cass. QPC, 1er mars 2017, n° 16-40.278, F-D (N° Lexbase : A0007TS3)

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N6979BWE

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par Anne-Laure Blouet Patin

Le 09 Mars 2017

Le droit disciplinaire revêtant un caractère punitif, le législateur pourrait avoir méconnu l'étendue de ses attributions par une délégation inconstitutionnelle de sa compétence au pouvoir réglementaire en renvoyant à des décrets en Conseil d'Etat la fixation de la procédure et des sanctions disciplinaires à l'encontre des avocats ; partant la question est sérieuse et doit être transmise au Conseil constitutionnel. Telle est la solution retenue par un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation rendu le 1er mars 2017 (Cass. QPC, 1er mars 2017, n° 16-40.278, F-D N° Lexbase : A0007TS3). Dans cette affaire, le Bâtonnier de l'Ordre des avocats au barreau de Rennes a engagé des poursuites disciplinaires à l'encontre de Me X et ce dernier a présenté une question prioritaire de constitutionnalité, dont le conseil de discipline des avocats du ressort de la cour d'appel de Rennes a ordonné la transmission à la Cour de cassation. La QPC concerne la conformité de l'article 53 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ) qui renvoie à des décrets en Conseil d'Etat la fixation des conditions d'application de la loi en son 2°), celles des règles déontologiques ainsi que la procédure et les sanctions disciplinaires. Pour la Haute juridiction, si la disposition contestée a déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif de la décision n° 2011-171/178 QPC (N° Lexbase : A1170HYY) rendue le 29 septembre 2011, la décision n° 2014-385 QPC du 28 mars 2014 (N° Lexbase : A9892MHT), en ce qu'elle a jugé que le principe de légalité des peines ne concerne pas seulement les peines prononcées par les juridictions pénales, mais s'étend à toute sanction ayant le caractère d'une punition, et que tel est le cas des peines disciplinaires, constitue un changement des circonstances de droit, rendant recevable la question posée. Dès lors énonçant la solution précitée la Cour de cassation transmet la QPC (cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E0113EUQ et N° Lexbase : E9180ET8).

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Contrats administratifs

[Brèves] Obligations résultant, pour le concessionnaire, des principes de continuité du service public et d'égalité des usagers devant le service public : limitation à l'objet du contrat et aux modalités définies par ses stipulations

Réf. : CE 2° et 7° ch.-r., 3 mars 2017, n° 398901, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0089TS4)

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N7039BWM

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par Yann Le Foll

Le 14 Mars 2017

La continuité du service public et l'égalité des usagers ne peuvent justifier qu'il soit fait usage des stipulations du traité de concession relatives aux sanctions coercitives applicables au concessionnaire en cas de méconnaissance de ses obligations contractuelles et que, sur ce fondement, celui-ci soit mis en demeure de poursuivre une prestation non prévue par le contrat. Telle est la solution dégagée par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 3 mars 2017 (CE 2° et 7° ch.-r., 3 mars 2017, n° 398901, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A0089TS4). Au vu du principe précité, les juges du Palais Royal énoncent que c'est à bon droit que la cour administrative d'appel (CAA Versailles, 5ème ch., 18 février 2016, n° 13VE03427 N° Lexbase : A9984QCR) a jugé que, dès lors qu'en vertu de ses obligations contractuelles, un concessionnaire, chargé d'assurer la distribution de chauffage et d'eau chaude, n'est tenu de fournir ses prestations qu'auprès des usagers titulaires de polices d'abonnement, la collectivité concédante commet une faute en le mettant en demeure, sous peine de sanction, de fournir ces prestations en l'absence de souscription d'une telle police. En effet, la concession porte sur la gestion du réseau primaire de distribution de chauffage urbain et d'eau chaude sanitaire jusqu'aux postes de livraison mais le réseau secondaire, qui raccorde les postes de livraison aux usagers finaux, est géré par les abonnés et ne fait pas partie du périmètre de la concession. Ainsi, le concessionnaire, responsable du seul réseau primaire, n'était pas tenu d'assurer ses prestations à destination des copropriétaires des résidences pendant la période au cours de laquelle ils n'étaient titulaires, du fait de la liquidation judiciaire de la société abonnée du concessionnaire, d'aucune police d'abonnement au service public de distribution du chauffage urbain et d'eau chaude sanitaire. Il n'a donc pas manqué à ses obligations contractuelles.

newsid:457039

Contrôle fiscal

[Brèves] Procédure de visite domiciliaire : la présence d'un interprète n'est pas obligatoire

Réf. : Cass. com., 1er mars 2017, n° 15-26.654, FS-P+B (N° Lexbase : A9931TRA)

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N7002BWA

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par Jules Bellaiche

Le 14 Mars 2017

Ni l'article L. 16 B du LPF (N° Lexbase : L3180LCR), ni aucun autre texte n'impose la présence d'un interprète à l'occasion d'une visite domiciliaire. Telle est la solution retenue par la Cour de cassation dans une décision rendue le 1er mars 2017 (Cass. com., 1er mars 2017, n° 15-26.654, FS-P+B N° Lexbase : A9931TRA). En l'espèce, un juge des libertés et de la détention a autorisé, sur le fondement de l'article L. 16 B du LPF, des agents de l'administration fiscale à procéder à une visite avec saisies dans des locaux et dépendances occupés par une société et les requérants, afin de rechercher la preuve de la fraude de cette société au titre de l'impôt sur les bénéfices ou des taxes sur le chiffre d'affaires et que ces opérations ont été réalisées le 30 avril suivant. Les requérants et la société ont alors exercé un recours contre le déroulement de ces opérations. Les juges du fond, pour annuler le procès-verbal de visite et saisies, ont relevé que les intéressés n'ont qu'une maîtrise restreinte de la langue française. La compréhension des termes d'une autorisation de visite prise en application des dispositions de l'article L. 16 B, du déroulement d'une telle visite et du contenu du procès-verbal dressé à l'issue de cette visite, exige donc, selon eux, une autre maîtrise de la langue française que celle nécessaire à la satisfaction des besoins de la vie courante et que la violation du droit des requérants à l'assistance d'un interprète est caractérisée et justifie l'annulation de ce procès-verbal. Cependant, la Haute juridiction n'a pas confirmé cette décision. En effet, l'article L. 16 B a pour objet l'appréhension provisoire de pièces en rapport avec la fraude présumée, et qu'à supposer incompris le sens de la décision autorisant la visite et de son déroulement, les occupants des lieux, qui reçoivent notification de cette décision, bénéficient d'un recours effectif. Les requérants et la société ayant exercé ce recours en l'espèce, les juges du fond ont donc violé le texte susvisé. Cette décision s'inscrit dans une continuité, la même cour ayant énoncé récemment que le droit de se faire assister d'un interprète (au sens de l'article 6, paragraphe 1, de la CESDH N° Lexbase : L7558AIR) lors d'une visite opérée sur le fondement de l'article L. 16 B du LPF n'était pas applicable (Cass. com., 4 octobre 2016, n° 15-10.775, F-P+B N° Lexbase : A4422R7W) .

newsid:457002

Divorce

[Jurisprudence] Accueil de l'exception de litispendance internationale par les juridictions françaises dans le cas particulier d'une autorité religieuse libanaise première saisie d'une demande en divorce

Réf. : Cass. civ. 1, 18 janvier 2017, n° 16-11.630, F-P+B (N° Lexbase : A7032S9C)

Lecture: 8 min

N6974BW9

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par Pauline Deschamps et Madeleine Diébolt, Avocats au barreau de Paris, CBBC Avocats

Le 10 Mars 2017

Par un arrêt du 18 janvier 2017 qui aura la faveur d'une publication au Bulletin, la Cour de cassation est venue préciser les contours de la litispendance internationale hors convention internationale. Dans cette affaire, des époux de nationalité libanaise et de confession musulmane chiite s'étaient mariés le 8 décembre 1988 selon le rite musulman au Liban. Le 30 juin 2010, l'épouse avait saisi le juge du conseil islamique chiite au Liban d'une demande en divorce. Le 23 mars 2011, cette dernière a également déposé une requête en divorce devant le juge aux affaires familiales française. Devant le juge conciliateur, l'époux a donc décidé de soulever l'exception de litispendance internationale au profit de l'autorité religieuse première saisie.

Tant le juge conciliateur que la cour d'appel de Paris dans un arrêt en date du 27 novembre 2014, ont rejeté l'exception de litispendance en retenant qu'il n'existe pas au Liban de juridiction civile statuant en matière de divorce et que la décision du conseil islamique chiite ne pouvait être reconnue en France.

Dans son arrêt en date du 18 janvier 2017, la première chambre civile de la Cour de cassation est venue rappeler l'importance d'appliquer strictement l'exception de litispendance internationale.

Dès lors, invalidant en cela le raisonnement de la cour d'appel, la Cour de cassation relève que : "en statuant ainsi tout en constatant que les époux étaient de statut personnel musulman chiite et que leur divorce relevait de la juridiction religieuse, et alors que le litige se rattachait au juge libanais premier saisi, la cour d'appel qui s'est prononcée par motif impropre à établir que la décision à intervenir n'était pas susceptible d'être reconnue en France, a violé les textes et principes susvisées [...]".

La Cour de cassation est venu casser l'arrêt d'appel au visa désormais classique puisque repris dans de nombreux arrêts de "l'article 100 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1362H49) et des principes régissant la litispendance internationale" (Cass. civ. 1, 3 décembre 2014, n° 13-25.802, F-D N° Lexbase : A0524M7K ; Cass. civ. 1, 6 décembre 2005, n° 02-19.208, FS-P+B N° Lexbase : A9094DLE, Bull. civ. I, n° 467, p. 394).

Cet arrêt sera donc tout d'abord, le prétexte pour rappeler les règles régissant la litispendance internationale hors de toute convention internationale bilatérale, multilatérale ou européenne (I). Ensuite, il conviendra de s'attarder sur son apport particulier quant à la portée du contrôle qui doit être exercé par les juges du fond en cas de litispendance internationale (II).

I - Un rappel des principes régissant la litispendance internationale

Hors des Règlements européens et Conventions internationales, la jurisprudence française a défini le régime de la litispendance internationale par une internationalisation de l'article 100 du Code de procédure civile qui traite des cas de litispendance nationale.

La reconnaissance de la litispendance internationale a toutefois impliqué de définir son régime en l'absence de texte spécifique ; régime qui implique, pour qu'elle puisse être accueillie, qu'un certain nombre de critères soient réunis.

Dans son arrêt de principe "Société Mineria di Fragne" (Cass. civ. 1, 26 novembre 1974, n° 73-13.820 N° Lexbase : A1277CKI, Bull. civ. I, n° 312, B. Ancel et Y. Lequette, GAJDIP, Dalloz, 5ème éd., 2006, n° 54 ; Rev. crit. DIP, 1975, 491, note D. Holleaux), la Cour de cassation a donc reconnu qu'une exception de litispendance internationale "peut" être retenue par le juge français, mais qu'elle ne saurait l'être "lorsque la décision à intervenir à l'étranger n'est pas susceptible d'être reconnue en France" (voir notamment en matière de répudiation internationale, Cass. civ. 1, 23 février 2011, n° 10-14.101, F-P+B+I N° Lexbase : A4670GXA).

Ainsi, l'accueil de l'exception de litispendance internationale n'est pas subordonnée à la simple existence d'un juge étranger premier saisi d'un litige entre les mêmes parties ayant le même objet et la même cause, mais au respect de l'ensemble des conditions de reconnaissance des jugements étrangers en France telles qu'elles ressortent aujourd'hui du célèbre arrêt "Cornélisen" (Cass. civ. 1, 20 février 2007, n° 05-14.082, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2537DUI, Bull. civ. I, n° 68).

Pour mémoire, cet arrêt assouplissait les règles de reconnaissance des jugements étrangers et fixait à trois le nombre des conditions nécessaires à l'obtention d'un jugement d'exequatur : le litige doit se rattacher par un lien suffisant au juge saisi (compétence indirecte), il ne doit pas y avoir de fraude à la loi et enfin la décision rendue doit être conforme à l'ordre public de fond et de procédure.

En l'espèce, la cour d'appel, pour rejeter l'exception de litispendance, s'était contentée de soutenir qu'une décision de divorce prononcée par une autorité religieuse était insusceptible d'être reconnue en France. Il sera noté que la cour d'appel n'a pas spécifiquement évoqué la contrariété à l'ordre public pour fonder sa décision, mais uniquement, la nature religieuse de l'autorité amenée à prononcer le divorce, comme si elle se cachait en réalité derrière la nature même de la décision et donc, l'incompétence du juge religieux.

Le pourvoi en cassation a donc amené la Cour de cassation à effectuer elle-même ce contrôle, en rappelant clairement que la cour d'appel se devait de respecter "les principes régissant la litispendance internationale" et donc, ne pouvait rejeter l'exception de litispendance hors du cadre strictement fixé par la Cour de cassation dans sa jurisprudence précitée.

Cet arrêt a donc le mérite de préciser les contours de l'exception de litispendance internationale et de rappeler son caractère impératif.

A ce titre, il sera noté que, depuis l'arrêt "Société Miniera di Fragne" la doctrine s'est maintes fois interrogée sur le fait de savoir si le juge français "pouvait" ou "devait" accueillir l'exception de litispendance internationale. En effet, entre Etats membres, l'exception de litispendance est considérée comme d'ordre public dans de nombreuses matières, notamment la désunion (cf. à ce titre, l'article 19 du Règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 N° Lexbase : L0159DYK, relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le Règlement (CE) n° 1347/2000) mais hors ce cadre conventionnel, la jurisprudence n'a jamais eu à statuer spécifiquement sur son caractère impératif.

En effet, dans l'arrêt "Société Miniera di Fragne", la Cour de cassation précisait que l'exception de litispendance internationale "peut être reçue" (nous soulignons) par le juge français, mais non pas qu'elle doit être reçue. De manière beaucoup plus ferme, dans un arrêt du 17 juin 1997, la première chambre civile de la Cour de cassation énonçait que : "la litispendance internationale [impose] le désistement du juge français" (Cass. civ. 1, 17 juin 1997, n° 95-17.031 N° Lexbase : A0583ACL, Bull civ. I, n° 200 ; Rev. crit., DIP, 1998, 452, obs. Ancel ; D., 1997, 166). Finalement, semblant clairement refuser le caractère obligatoire de l'exception de litispendance internationale, dans un arrêt du 6 décembre 2005, la Cour de cassation venait simplement affirmer qu'en présence d'une exception de litispendance, le juge français "peut estimer devoir se dessaisir" (Cass. civ. 1, 6 décembre 2005, n° 03-17.542 N° Lexbase : A9123DLH, Bull. civ. I, n° 466).

Suivant ce courant, une partie de la doctrine moderne considère que le dessaisissement n'est qu'une faculté pour le juge français. Elle considère que le juge français saisi en second doit pouvoir écarter en opportunité l'exception de litispendance s'il constate que la saisine du juge étranger fait apparaître une précipitation suspecte du demandeur ou s'il s'estime mieux placé pour connaître du litige, notamment en raison de la vocation de sa décision à être exécutée en France (Droit de la famille, n° 511, 226, P. Murat, 2016).

Pourtant l'ensemble de la jurisprudence récente semble confirmer l'obligation faite au juge français d'accueillir l'exception de litispendance ; approche que l'arrêt présentement commenté ne fait que renforcer.

II - La portée de cet arrêt sur l'accueil des divorces religieux en France

Comme rappelé précédemment, il appartient aux juges du fond saisis d'une exception de litispendance internationale de se prêter à une analyse prospective de la décision étrangère à intervenir : sera-t-elle susceptible d'être reconnue en France ?

Il semble s'agir d'un exercice divinatoire. Pourtant, la Cour de cassation paraît poser une limite importante en imposant un contrôle in concreto de la décision à intervenir. Les juges du fond doivent se fonder sur les éléments qui sont en leur possession et ne peuvent donc se contenter de spéculer sur le contenu de la décision à intervenir (Cass. civ. 1, 4 décembre 2013, n° 12-16.899, FS-D N° Lexbase : A8280KQQ).

Pour bien comprendre la portée de cet arrêt, il apparaît utile de le mettre en perspective avec un arrêt rendu six ans plus tôt par la Cour de cassation (Cass. civ. 1, 23 février 2011, n° 10-14.101, F-P+B+I N° Lexbase : A4670GXA, Bull. civ. I, n° 33). A l'instar de l'espèce de l'arrêt qui nous occupe, il était invoqué une situation de litispendance en raison d'une procédure de divorce engagée au Liban par un mari chiite à l'encontre de son épouse de la même confession.

Cependant, dans cet arrêt, la Cour de cassation avait rejeté le pourvoi et approuvé les juges du fond d'avoir écarté l'exception de litispendance internationale au motif qu'il y avait une atteinte au principe d'égalité entre époux et de respect des droits de la défense, la procédure intentée au Liban par le mari étant une répudiation unilatérale, et l'épouse n'ayant eu qu'un délai de quinze jours entre la requête et la première audience. Ainsi, la violation de l'ordre public ressortait déjà clairement de sorte que le juge français pour refuser cette exception s'était bien basé sur une situation concrète.

Six ans plus tard et dans l'affaire dont question ici, la cour d'appel déduit de la seule circonstance que le divorce soit soumis à une autorité confessionnelle que cela emportera une méconnaissance de l'ordre public international de fond et de procédure.

La Cour de cassation sanctionne ce raccourci. L'analyse à faire doit être spécifique à chaque espèce et non en des termes généraux. D'ailleurs en l'espèce, l'épouse elle-même avait saisi l'autorité religieuse libanaise d'une demande de divorce avant de finalement saisir le juge français d'une demande similaire.

Ce rappel de la nécessité d'une appréciation in concreto de chaque espèce semble d'autant plus opportun, qu'au Liban, l'ensemble des mariages et des divorces sont confessionnels. Ainsi, bannir les divorces confessionnels reviendrait donc à écarter d'office toute possibilité de reconnaissance d'une décision de divorce libanaise.

Au Liban, en effet, chaque communauté dispose d'un statut personnel qui lui est propre et qui relève des tribunaux de chaque confession.

Cela signifie que tout ce qui touche l'état des personnes ou la famille : le mariage, la désunion, la filiation et dans une certaine mesure, les successions, relève de lois établies par les diverses communautés, et ce par une délégation de l'Etat libanais. De même, les problèmes touchant ces questions sont tranchées par les tribunaux religieux (communautés religieuses et système politique au Liban, Nabil Maamari, Université Saint Joseph - Beyrouth, accessible via le site de jafbase).

Attention, cette admission d'une possible reconnaissance des divorces religieux étrangers ne signifie en aucune façon qu'un divorce prononcé par une autorité religieuse sur le sol français pourrait être reconnu en France. En effet, la Cour de cassation a décidé qu'"il ne peut y avoir en France de divorce sans décision judiciaire et que les actes des autorités religieuses y sont en la matière dénués d'effet civil" (arrêt "Zagha", Cass. civ. 1, 15 juin 1982, n° 81-12.611 N° Lexbase : A5800CHB, Bull. civ. I, n° 224).

De plus, l'affirmation de l'absence de contrariété à l'ordre public d'un divorce religieux dans son principe, ne constitue pas un revirement de jurisprudence puisque la Cour de cassation admet et reconnaît les divorces religieux qui ont eu lieu hors du territoire français (v. pour la cassation d'un arrêt qui n'aurait pas vérifié le contenu de la loi israélienne en matière de divorce religieux : Cass. civ. 1, 4 décembre 2013, n° 12-16.899, FS-D N° Lexbase : A8280KQQ), à condition qu'ils respectent les conditions posées par l'arrêt "Cornélisen".

L'accueil de l'exception de litispendance à ce stade n'est évidemment aucunement une garantie de reconnaissance de la future décision sur le territoire français.

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Durée du travail

[Brèves] Contingent d'heures supplémentaires : possibilité pour un accord d'entreprise ou d'établissement de déroger à un accord de branche antérieur à la loi du 20 août 2008

Réf. : Cass. soc., 1er mars 2017, n° 16-10.047, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A3545TPY)

Lecture: 2 min

N6950BWC

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par Blanche Chaumet

Le 09 Mars 2017

Les dispositions de l'article L. 3121-11, alinéa 1er, du Code du travail (N° Lexbase : L3752IBL), dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 (N° Lexbase : L7392IAZ), permettent de fixer par voie d'accord d'entreprise ou d'établissement le contingent d'heures supplémentaires à un niveau différent de celui prévu par l'accord de branche, quelle que soit la date de conclusion de ce dernier. Telle est la solution dégagée dans l'arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 1er mars 2017 (Cass. soc., 1er mars 2017, n° 16-10.047, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A3545TPY, voir la note explicative).
La société X, soumise à la Convention collective nationale des industries chimiques (N° Lexbase : X0653AEW), a signé avec la délégation unique du personnel un accord d'entreprise du 19 avril 2011 portant le contingent annuel d'heures supplémentaires à un montant de 220 heures par salarié, supérieur à celui prévu par l'accord de branche. La commission paritaire de branche a validé l'accord le 31 août 2011 et la Direccte l'a enregistré le 8 septembre 2011. La Fédération nationale des industries chimiques CGT a fait assigner la société X ainsi que la délégation unique du personnel de l'entreprise et ses membres devant un tribunal de grande instance en annulation de l'accord d'entreprise.
Pour annuler l'accord d'entreprise du 19 avril 2011, la cour d'appel retient, d'abord, que si le Conseil constitutionnel a indiqué que les parties à la négociation collective peuvent, dès la publication de la loi du 20 août 2008, conclure des accords d'entreprise prévoyant un contingent différent d'heures supplémentaires (du contingent prévu par les conventions collectives antérieures), c'est à la condition d'avoir dénoncé ces conventions antérieures, ce qui n'est pas le cas en l'espèce concernant l'accord cadre de branche en date du 8 février 1999, ensuite, que cet accord cadre, qui a été conclu avant la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 (N° Lexbase : L1877DY8), laquelle a remis en cause la hiérarchie des normes jusqu'alors en vigueur, ne comprend pas de dispositions permettant expressément aux entreprises d'y déroger et fixe dans son article 8 le contingent d'heures supplémentaires à 130 heures par an et par salarié, enfin, qu'il n'est pas possible de conclure d'accord collectif d'entreprise déterminant un contingent d'heures supplémentaires supérieur à celui prévu par l'accord de branche. La société s'est alors pourvue en cassation.
En énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction tire les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel rendue en 2008 (Cons. const., décision n° 2008-568 DC du 7 août 2008 N° Lexbase : A8775D9U) pour déterminer la portée de l'article L. 3121-11, dans sa rédaction alors applicable et casse, dès lors, l'arrêt d'appel au visa de cet article (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E0344ETW).

newsid:456950

Huissiers

[Jurisprudence] L'échec de la signification internationale

Réf. : Cass. civ. 2, 23 février 2017, n° 16-15.493, F-P+B+I (N° Lexbase : A6909TN9)

Lecture: 8 min

N6965BWU

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par Sylvian Dorol, Huissier de justice, Chargé d'enseignement (Paris I Sorbonne/Normandie), Collaborateur de l'Ecole nationale de procédure

Le 09 Mars 2017

Loin des yeux, mais près du coeur... Ainsi est-il possible de résumer la philosophie de la signification internationale. Le proverbe bien connu ne doit cependant pas tromper : le sujet est affaire de spécialistes et rares sont les décisions en la matière. La technicité de la signification internationale va de pair avec son aspect pratique puisqu'elle est fréquente en de nombreuses disciplines : droit de la famille, droit des affaires, propriété intellectuelle... Pour ces motifs, il convient de s'appesantir sur un arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 23 février 2017. Pour mémoire, la signification d'un acte au Maroc est régie par la Convention entre la France et le Maroc du 5 octobre 1957 d'aide mutuelle judiciaire, d'exequatur des jugements et d'extradition et protocole. En d'autres termes, les dispositions internationales applicables autorisent l'huissier de justice compétent pour la notification (1) à adresser l'acte directement au Parquet marocain territorialement compétent.

Dans l'espèce commentée, un créancier institutionnel français poursuivait un débiteur domicilié au Maroc. Il l'assigna dans les formes prévues par la Convention entre la France et le Maroc du 5 octobre 1957 d'aide mutuelle judiciaire, d'exequatur des jugements et d'extradition et protocole, mais aucun retour de l'assignation n'eut lieu avant la date de l'audience. Le créancier invoqua donc le bénéfice de l'application de l'article 688 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L4839ISZ) qui autorise le juge à statuer au fond si, notamment, un délai d'au moins six mois s'est écoulé depuis l'envoi de l'acte et qu'aucun justificatif de remise de l'acte n'a pu être obtenu nonobstant les démarches effectuées auprès des autorités compétentes de l'Etat où l'acte doit être remis. Pour prouver ce dernier point, il se prévalait d'un écrit de l'huissier de justice ayant transmis à l'acte au Maroc établissant qu'aucun document de signification n'était revenu de l'entité du requis. La question se posait donc de savoir si cet écrit de l'huissier de justice français suffisait à caractériser une démarche effectuée auprès des autorités compétentes de l'Etat où l'acte doit être remis. La cour d'appel (2) avait répondu que l'article 688 du Code de procédure civile n'exige pas la preuve par l'huissier significateur des démarches effectuées auprès des autorités compétentes de l'Etat où l'acte doit être remis, et avait donc admis cet écrit. La Cour de cassation ne partage cependant pas son avis et casse l'arrêt.

Il incombe donc à l'huissier de justice d'effectuer les démarches auprès des autorités compétentes de l'Etat où l'acte doit être remis pour que les dispositions de l'article 688 du Code de procédure civile reçoivent application.

Il s'agit là d'une décision très intéressante (la première à la connaissance de l'auteur), qui jette la lumière sur un point méconnu du droit et source de nombreuses difficultés : l'échec de la signification internationale. Si des solutions existent en la matière (I), la preuve de l'échec est bien souvent affaire de casuistique (II).

I - Les solutions à l'échec de la signification internationale

Parce que la signification internationale ne se heurte pas seulement à des difficultés d'ordre géographique (A), les textes ont prévu des solutions en cas d'échec (B).

A - Les causes

Outre les milliers de kilomètres qui peuvent séparer le destinataire de l'acte du demandeur, la principale difficulté en matière de signification internationale est l'écoulement du temps. Sur ce point, il est possible de lire sur la page internet "Entraide civile internationale" du ministère de la Justice (3) un avertissement aux termes duquel "la transmission d'un acte aux fins de notification internationale à son destinataire s'accomplit en fonction des règles applicables, issues le cas échéant d'un accord ou d'une convention. Le circuit qui découle de ces règles peut être plus ou moins direct et plus ou moins long, chaque étape correspondant à un nécessaire délai de traitement de la demande de notification. Ainsi, aux délais de traitement requis pour le traitement de la demande en France, s'ajoutent les délais de traitement nécessaires aux différentes autorités qui interviennent dans l'Etat de destination. Ces délais, par essence aléatoires et variables, ne font pas l'objet d'informations officielles communiquées par avance par les Etats. Toutefois, l'observation empirique conduit à constater qu'est généralement exigé un délai suffisant -qui ne saurait être inférieur à plusieurs semaines à compter de la réception de l'acte par l'Etat requis- pour que puisse être donné une suite effective à toute demande de notification. Il importe dès lors d'avoir soin de prévoir un délai raisonnablement suffisant entre la transmission de l'acte et la date de convocation ou de comparution".

Le délai de la signification internationale est donc une difficulté notoire, au point qu'il soit possible d'imaginer "qu'une assignation [...] parvienne [au destinataire] après la date de l'audience à laquelle il est censé comparaître, ce qui est pour le moins fâcheux" (4). Mais il n'est pas possible d'exiger du requérant à l'acte d'attendre ad vitam aeternam la signification de l'acte à son destinataire demeurant à l'étranger, et la justice française ne peut surseoir indéfiniment à la faveur des diligences d'un agent significateur étranger. Des solutions existent donc pour parer à l'écoulement d'un délai de signification excessif.

B - Solutions

Heureusement, la solution à l'écoulement d'un délai excessif de signification est prévue par le droit interne français, et plus particulièrement par les dispositions de l'article 688 du Code de procédure civile. Aux termes de son deuxième alinéa, "s'il n'est pas établi que le destinataire d'un acte en a eu connaissance en temps utile, le juge saisi de l'affaire ne peut statuer au fond que si les conditions ci-après sont réunies : l'acte a été transmis selon les modes prévus par les règlements communautaires ou les traités internationaux applicables ou, à défaut de ceux-ci, selon les prescriptions des articles 684 (N° Lexbase : L6870H7L) à 687 ; un délai d'au moins six mois s'est écoulé depuis l'envoi de l'acte ; aucun justificatif de remise de l'acte n'a pu être obtenu nonobstant les démarches effectuées auprès des autorités compétentes de l'Etat où l'acte doit être remis".

Il faut donc la réunion de ces trois conditions cumulatives pour qu'un jugement puisse être rendu contre une personne demeurant à l'étranger et dont on ignore si elle a reçu l'acte qui lui était destiné.

C'est la troisième condition qui posait des problèmes d'interprétation dans l'espèce commentée. Comment comprendre la formule aux termes de laquelle "aucun justificatif de remise de l'acte n'a pu être obtenu nonobstant les démarches effectuées auprès des autorités compétentes de l'Etat où l'acte doit être remis" ? Quelles sont les démarches, et qui doit les effectuer en pareille hypothèse ? L'interrogation est cruciale, tant la réponse influera les droits de la partie adverse, et se présente pour la première fois devant la Cour de cassation.

II - La preuve de l'échec de la signification internationale

Comment et qui doit prouver l'échec de la signification internationale dans la formule de l'article 688 du Code de procédure civile ? La réponse à cette interrogation nécessite de déterminer qui supporte la charge de la preuve de l'échec de la signification internationale (A), ainsi que son objet (B).

A - Charge de la preuve

La cour d'appel de Dijon, le 17 décembre 2015 (5), avait retenu que l'article 688 du Code de procédure civile n'exige pas la preuve par l'huissier significateur des démarches effectuées auprès des autorités compétentes de l'Etat où l'acte doit être remis. Aux termes de sa réflexion, l'huissier de justice n'avait donc pas à justifier de ses diligences effectuées en vue d'obtenir le résultat de la signification à l'étranger.

C'est pourtant là une mauvaise application de la loi, ce pourquoi la Cour de cassation casse l'arrêt précédemment évoqué en ces termes : "qu'en statuant ainsi, sans qu'il ait été justifié des démarches effectuées en vue d'obtenir un justificatif de remise de l'acte auprès des autorités compétentes de l'Etat où l'acte devait être remis, la cour d'appel a violé les textes susvisés".

Etonnamment, la Cour de cassation ne précise pas qui doit prouver l'échec de la signification internationale, étant ici précisé qu'il s'agit d'une preuve négative : l'impossibilité d'obtenir un justificatif de remise de l'acte suffit à caractériser l'échec de la signification internationale. Cette absence de précision n'est cependant pas préjudiciable puisqu'il semble logique que la preuve de l'échec de la signification internationale incombe à celui qui peut y procéder : l'huissier de justice. C'est un parallélisme des formes logique, mais qui place cet officier public et ministériel dans une délicate position : comment obtenir cette preuve négative puisqu'aucune procédure n'est prévue en pareille hypothèse ?

B - Objet de la preuve

Contrairement à la signification européenne, où l'échec de la signification est expressément envisagé (l'entité requise, c'est-à-dire l'agent significateur, informe positivement l'entité d'origine, c'est-à-dire l'huissier de justice, au moyen du formulaire 6 prévu à l'article 10 du Règlement relatif à la signification et à la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale (6). Il l'informe également si la signification n'a pu intervenir dans le délai d'un mois à compter de la réception de l'acte, rien n'est spécialement prévu en matière de signification internationale.

L'huissier de justice se trouve donc esseulé, condamné à improviser pour satisfaire aux dispositions de l'article 688 du Code de procédure civile. Aux termes de l'arrêt commenté, il lui incombe donc de s'enquérir régulièrement de l'état d'avancement de la signification dans le pays étranger, en sollicitant au besoin des services postaux locaux une attestation établissant la bonne réception de l'acte (transmis par pli recommandé) à l'autorité étrangère et à son destinataire (7) (par chance, les services postaux étrangers, à l'instar de la Poste, permettent bien souvent d'obtenir ce type de documents par internet en renseignant simplement le numéro de recommandé). Le fait pour l'huissier de justice d'attester ne pas avoir reçu de retour de l'acte transmis, comme en l'espèce, est donc insuffisant.

Il ne faut pas croire que l'arrêt commenté impose à l'officier public et ministériel français de prouver les diligences effectuées par l'agent significateur étranger : il lui incombe seulement de prouver ses diligences pour obtenir une réponse de l'Etat étranger, dont le silence laissera présumer de l'échec de la signification internationale et la possibilité de se prévaloir des dispositions de l'article 688 du Code de procédure civile.

Comme il a été précédemment exposé, la signification internationale est une affaire de spécialistes. Spécialistes juridiques et professionnels spécialisés. Les délais de signification peuvent pour partie être expliqués par la diversité des agents significateurs : selon les pays, la signification peut être assurée par des sociétés privées (8), des fonctionnaires (9), des professionnels libéraux (10)... Tous ces acteurs ont des formations différentes (11), et des outils de travail plus ou moins efficaces. Et chaque pays a son propre système juridique, relevant de la Common law, de la Civil law, ou d'un système mixte... De cette diversité découlent les forces et faiblesses de la signification internationale, qui ne doivent cependant pas affecter le principe du contradictoire, comme le rappelle l'arrêt commenté.


(1) Sur la question : Cass. civ. 1, 19 décembre 2012, n° 11-21.688, F-P+B+I (N° Lexbase : A1592IZY) ; Cass. civ. 2, 5 juin 2014, n° 13-13.765, F-P+B (N° Lexbase : A2843MQD), Dr et proc., 2014, p. 137, note S. Dorol.
(2) CA Dijon, 17 décembre 2015, n° 15/00 034 (N° Lexbase : A9831NZ7).
(3) Voir site internet : http://www.justice.gouv.fr/europe-et-international-10045/entraide-civile-internationale-11847/
(4) J. Héron, Droit judiciaire privé, Montchrestien, 3ème éd., par T. Le Bars, Domat, 2006, p. 146, n° 177
(5) CA Dijon, 17 décembre 2015, n° 15/00034 (N° Lexbase : A9831NZ7).
(6) Règlement (CE) n° 1393/2007 du Parlement européen et du Conseil, 13 novembre 2007, relatif à la signification et à la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale ("signification ou notification des actes"), et abrogeant le Règlement (CE) n° 1348/2000 du Conseil (N° Lexbase : L4841H3P).
(7) C. pr. civ., art. 686.
(8) Etats-Unis par exemple.
(9) Irlande, Royaume-Uni par exemple.
(10) Belgique, France par exemple
(11) Les huissiers de justice français figurent parmi les seuls agents significateurs à justifier d'une formation initiale supérieure (Bac+6, souvent Bac+7, en droit) et être astreints à la formation continue.

newsid:456965

Magistrats

[Brèves] Juge de proximité : une erreur de droit n'est pas une faute professionnelle lourde !

Réf. : Cass. civ. 1, 1er mars 2017, n° 15-60.247, F-D (N° Lexbase : A9955TR7)

Lecture: 1 min

N6978BWD

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par Anne-Laure Blouet Patin

Le 09 Mars 2017

Une erreur de droit commise par un juge de proximité ne peut constituer une faute professionnelle lourde au sens de l'article L. 141-3 du Code de l'organisation judiciaire (N° Lexbase : L4739H9E). Telle est la solution dégagée par la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 1er mars 2017 (Cass. civ. 1, 1er mars 2017, n° 15-60.247, F-D N° Lexbase : A9955TR7). Dans cette affaire, M. D. a sollicité l'autorisation de prendre à partie M. C., juge de proximité dans la juridiction de proximité de Meaux, auquel il reproche une faute lourde pour l'avoir condamné à la peine complémentaire de suspension de son permis de conduire pendant huit jours, qui n'était pas encourue du chef de l'excès de vitesse inférieur à 30 km/h pour lequel il était poursuivi. Le premier président ayant rejeté sa demande, M. D. a formé un pourvoi. En vain. L'ordonnance relève que la requête est fondée sur une erreur de droit qui aurait été commise par M. C. et retient qu'en se bornant à énoncer l'existence du prononcé d'une peine illégale, lequel serait constitutif d'une faute lourde commise par le juge, sans justifier de l'exercice préalable des voies de recours qui lui sont ouvertes, le demandeur n'établit pas le bien-fondé de sa demande. Ainsi, énonçant la solution précitée la Haute juridiction rejette le pourvoi.

newsid:456978

Pénal

[Brèves] Assignation en matière d'infractions de presse : précisions relatives à leur validité et exception au principe de rétroactivité de la jurisprudence nouvelle

Réf. : Cass. civ. 1, 1er mars 2017, n° 16-12.490, FS-P+B+I (N° Lexbase : A3546TPZ)

Lecture: 2 min

N7051BW3

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par June Perot

Le 11 Mars 2017

Lorsque l'annulation d'une assignation, alors conforme à l'application immédiate, à la suite d'un revirement, aboutit à priver les parties d'un procès équitable au sens de l'article 6 § 1 de la CESDH (N° Lexbase : L7558AIR), il doit être fait exception au principe de rétroactivité de la jurisprudence nouvelle. Tel est l'enseignement d'un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation rendu le 1er mars 2017 (Cass. civ. 1, 1er mars 2017, n° 16-12.490, FS-P+B+I N° Lexbase : A3546TPZ). Dans cette affaire, soutenant que deux articles publiés par une association parisienne sur son site internet présentaient un caractère diffamatoire à leur égard, M. B. et la société E. ont assigné, par actes des 24 et 25 mars 2014, l'association parisienne et M. D., salarié de cette dernière, devant le juge des référés. Ils les ont ensuite cités à comparaître, par acte du 11 avril 2014. Par son arrêt du 1er mars 2017, la première chambre civile casse et annule l'arrêt d'appel qui avait prononcé l'annulation de l'assignation du 11 avril 2014, en ce qui concerne l'exposé des faits et des prétentions des parties. D'une part, la première chambre civile rappelle que les formalités édictées à peine de nullité par l'article 53 s'appliquent au seul acte introductif d'instance et non aux citations ultérieures, lesquelles demeurent régies par le droit commun de la procédure civile. Elle reproche ainsi à la cour d'appel d'avoir vérifié la conformité à l'article 53 de l'acte du 11 avril 2014 alors que "la régularité de la saisine du juge des référés était subordonnée au respect, par le seul acte du 24 mars 2014, des formalités de l'article 53 [...]". Ensuite, et c'est le point important, elle énonce que, selon une jurisprudence constante, la Chambre criminelle vérifie si l'assignation mentionne le texte qui édicte la peine sanctionnant l'infraction poursuivie ; que, pour sa part, la première chambre civile a jugé que la seule omission de la mention de la sanction pénale encourue, que la juridiction civile peut prononcer, n'est pas de nature à affecter la validité de l'assignation (Cass. civ. 1, 24 septembre 2009, n° 08-17.315, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A3176EL9). Toutefois, l'Assemblée plénière a consacré le principe d'unicité du procès de presse (Ass. plén., 15 février 2013, n° 11-14.637, P+B+R+I N° Lexbase : A0096I83) conduisant la première chambre à unifier les règles relatives au contenu de l'assignation, et donnant lieu à un arrêt de revirement (Cass. civ. 1, 6 avril 2016, n° 15-10.552, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A6051RBQ, dans lequel elle juge que l'assignation doit préciser et qualifier le fait incriminé, et indiquer le texte de loi applicable. Elle ajoute qu'à la date à laquelle l'assignation avait été délivrée, M. B. et la société E. ne pouvaient ni connaître, ni prévoir l'obligation nouvelle de mentionner le texte édictant la peine encourue (cf. l’Ouvrage "Responsabilité civile" N° Lexbase : E4097EYE).

newsid:457051

Procédures fiscales

[Brèves] Cumul des pénalités fiscales et des sanctions pénales pour fraude fiscale : précisions sur la réserve d'interprétation émise par le Conseil constitutionnel

Réf. : Cass. crim., 22 février 2017, n° 16-82.047, FS-P+B (N° Lexbase : A2441TP4)

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N7006BWE

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par Jules Bellaiche

Le 16 Mars 2017

La réserve d'interprétation émise par le Conseil constitutionnel, qui concerne l'application combinée de l'article 1729 du CGI (N° Lexbase : L4733ICB) et certaines dispositions de l'article 1741 dudit code (N° Lexbase : L9491IY8), ne s'applique qu'à une poursuite pénale exercée pour des faits de dissimulation volontaire d'une partie des sommes sujettes à l'impôt, et non d'omission volontaire de faire une déclaration dans les délais prescrits, et nécessite qu'il soit justifié de l'engagement d'une procédure administrative de sanction au titre de l'article 1729. Telle est la solution retenue par la Cour de cassation dans une décision rendue le 22 février 2017 (Cass. crim., 22 février 2017, n° 16-82.047, FS-P+B N° Lexbase : A2441TP4). En l'espèce, à la suite d'une plainte de l'administration fiscale, le requérant, gérant de droit d'une société jusqu'au 30 avril 2009, a été poursuivi du chef de fraude fiscale et d'omission d'écriture dans un document comptable, pour avoir notamment, en sa qualité de gérant de droit puis gérant de fait, frauduleusement soustrait la société à l'établissement ou au paiement total de la TVA exigible au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2009, en s'abstenant de souscrire les déclarations requises. Selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel (Cons. const., 24 juin 2016, n° 2016-545 QPC N° Lexbase : A0909RU9 et n° 2016-546 QPC N° Lexbase : A0910RUA), le principe de nécessité des délits et des peines impose que les dispositions de l'article 1741 ne s'appliquent qu'aux cas les plus graves de dissimulation frauduleuse de sommes soumises à l'impôt, cette gravité pouvant résulter du montant des droits fraudés, de la nature des agissements de la personne poursuivie ou des circonstances de leur intervention. Ainsi, le requérant soutient qu'il ne pouvait être déclaré coupable de fraude fiscale si les faits qui lui étaient reprochés ne présentaient pas une gravité suffisante. Toutefois, pour la Haute juridiction, la cour d'appel avait bien justifié sa décision sans méconnaître la réserve d'interprétation invoquée par le requérant. En effet, pour déclarer le requérant coupable de fraude fiscale, les juges du fond ont notamment énoncé qu'en raison de son activité et eu égard au montant du chiffre d'affaires, la société, qui avait opté pour le régime simplifié d'imposition, était assujettie à la TVA, relevait du régime réel normal d'imposition et était tenue de procéder à des déclarations mensuelles de TVA, que son représentant devait souscrire une déclaration récapitulative dès le mois d'août 2009 puis des déclarations mensuelles de TVA et que l'intéressé, gérant de droit jusqu'au 30 avril 2009, s'est comporté par la suite comme le gérant de fait et ne pouvait ignorer que la société réalisait un chiffre d'affaires de près de 770 000 euros .

newsid:457006

Propriété intellectuelle

[Brèves] Usage fautif d'un signe enregistré en tant que marque : sur la condition de dégénérescence

Réf. : Cass. com., 1er mars 2017, n° 15-13.071, FS-P+B+I (N° Lexbase : A5750TPN)

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N7018BWT

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par Vincent Téchené

Le 11 Mars 2017

L'usage d'un signe enregistré en tant que marque n'est pas fautif s'il n'est pas susceptible d'être à l'origine d'une dégénérescence de cette marque. Ainsi ne peut contribuer à une telle dégénérescence le simple usage d'une marque à titre de métaphore dans un article de presse, qui ne tend pas à désigner des produits ou services. Tel est le sens d'un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 1er mars 2017 (Cass. com., 1er mars 2017, n° 15-13.071, FS-P+B+I N° Lexbase : A5750TPN). En l'espèce, une société, titulaire de la marque verbale française "Meccano" enregistrée pour désigner notamment en classe 28 les jeux et jouets, ainsi que de la marque verbale communautaire "Meccano" enregistrée afin de désigner notamment les jeux, jouets et modèles, notamment de construction, pièces pour jeux de construction et de modèles, jeux et pièces techniques récréatifs, a assigné l'éditeur d'un hebdomadaire en responsabilité, pour avoir, dans plusieurs articles parus dans cet hebdomadaire, employé les mots "meccano", ou "Meccano" afin de désigner des constructions scientifiques, politiques ou intellectuelles subtiles et compliquées. La cour d'appel (CA Paris, Pôle 5, 1ère ch., 21 octobre 2014, n° 13/08736 N° Lexbase : A8311MYH ; lire N° Lexbase : N4811BUQ) a fait droit à cette demande, retenant que l'hebdomadaire a employé le mot "meccano" comme un mot usuel du langage journalistique et qu'elle conceptualise un signe, qui constitue une marque de jeu, pour l'étendre à la désignation de toutes sortes de systèmes de construction ou de montage architecturaux, sans jamais indiquer, d'aucune manière qu'il s'agit d'un nom déposé. En outre, selon les juges du fond, si le lecteur moyennement averti peut comprendre qu'il s'agit implicitement d'une référence à un jeu de construction connu, il ne saura pas nécessairement qu'il s'agit d'un signe protégé, aucune mention ou sigle ne l'indiquant et le public sera ainsi incité à croire, au vu des articles en cause, que le signe "Meccano" peut être employé de manière usuelle et généralisée. La Cour de cassation censure l'arrêt d'appel, au visa de l'article 1382 (N° Lexbase : L1018KZQ), devenu 1240 (N° Lexbase : L0950KZ9), du Code civil, reprochant aux juges du fond de ne pas avoir caractérisé en quoi cet usage à titre de métaphore, qui ne tendait pas en l'espèce à désigner des produits ou services, pouvait contribuer à une dégénérescence de la marque.

newsid:457018

Rémunération

[Brèves] Pas de prise en compte des primes versées annuellement dans le calcul de l'indemnité compensatrice de congés payés versée par l'entreprise de travail temporaire au salarié intérimaire

Réf. : Cass. soc., 1er mars 2017, n° 15-16.988, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A3542TPU)

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N6942BWZ

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par Charlotte Moronval

Le 09 Mars 2017

Les primes allouées pour l'année entière, qui ont pour objet de rémunérer des périodes de travail et de congés réunis, n'ont pas à être incluses dans l'assiette de calcul de l'indemnité compensatrice de congés payés versée par l'entreprise de travail temporaire au salarié intérimaire. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 1er mars 2017 (Cass. soc., 1er mars 2017, n° 15-16.988, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A3542TPU ; voir également Cass. soc., 1er juillet 1998, n° 96-40.421 N° Lexbase : A5595AC9).
En l'espèce, un salarié est engagé par une société selon un contrat de travail temporaire, pour être mis à disposition d'une autre société en qualité d'agent de fabrication polyvalent préparation de commandes.
Le salarié saisit la juridiction prud'homale d'une demande de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés au motif que n'avaient pas été incluses dans son assiette de calcul les primes annuelles, dont la prime de treizième mois et la prime de vacances, servies par l'entreprise utilisatrice. Le conseil de prud'hommes accède à sa demande et condamne la société à verser au salarié une certaine somme en complément de l'indemnité compensatrice de congés payés. La société forme un pourvoi en cassation.
En énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction casse et annule le jugement rendu par le conseil de prud'hommes au visa des articles L. 1251-19 (N° Lexbase : L1558H9L), L. 3141-22, dans sa rédaction applicable (N° Lexbase : L3940IBK) et D. 3141-8 (N° Lexbase : L5799LBE) du Code du travail. En statuant comme il l'a fait, le conseil de prud'hommes a violé les textes susvisés (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E0765ETI et N° Lexbase : E7920ES7).

newsid:456942

Responsabilité administrative

[Brèves] Indemnisation des carences de l'Etat dans la prévention des risques liés à l'exposition des travailleurs des DCN à l'amiante

Réf. : CE 2° et 7° ch.-r., 3 mars 2017, n° 401395, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0090TS7)

Lecture: 1 min

N7044BWS

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par Yann Le Foll

Le 10 Mars 2017

Dès lors qu'un ouvrier d'Etat ayant exercé dans la construction navale a été intégré dans ce dispositif d'allocation spécifique de cessation anticipée d'activité, compte tenu d'éléments personnels et circonstanciés tenant à des conditions de temps, de lieu et d'activité, il peut être regardé comme justifiant l'existence de préjudices tenant à l'anxiété due au risque élevé de développer une pathologie grave, et par là même d'une espérance de vie diminuée, à la suite de son exposition aux poussières d'amiante. Telle est la solution d'un arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 3 mars 2017 (CE 2° et 7° ch.-r., 3 mars 2017, n° 401395, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A0090TS7, voir sur le caractère indemnisable du préjudice d'anxiété, CE, 9 novembre 2016, n° 393108 N° Lexbase : A0090TS7). La décision de reconnaissance du droit à cette allocation vaut reconnaissance pour l'intéressé d'un lien établi entre son exposition aux poussières d'amiante et la baisse de son espérance de vie, et cette circonstance, qui suffit par elle-même à faire naître chez son bénéficiaire la conscience du risque de tomber malade, est la source d'un préjudice indemnisable au titre du préjudice moral. En adoptant cette position et en condamnant l'Etat à verser à l'intéressé la somme de 14 000 euros au titre du préjudice subi, la cour administrative d'appel de Marseille (CAA Marseille, 8ème ch., 31 mai 2016, n° 15MA03706 N° Lexbase : A6726RRK) n'a donc pas commis d'erreur de droit, ni inversé la charge de la preuve (cf. l’Ouvrage "Responsabilité administrative" N° Lexbase : E3802EUD).

newsid:457044

Sociétés

[Brèves] GFA : possibilité pour les associés de solliciter judiciairement leur retrait

Réf. : Cass. civ. 1, 1er mars 2017, n° 15-20.817, FS-P+B+I (N° Lexbase : A3543TPW)

Lecture: 2 min

N6943BW3

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par Vincent Téchené

Le 09 Mars 2017

Si l'article 6, § 1, de la CESDH (N° Lexbase : L7558AIR) permet à l'Etat de limiter le droit d'accès à un tribunal dans un but légitime, c'est à la condition que la substance même de ce droit n'en soit pas atteinte. Un tel principe justifie que l'associé d'un groupement foncier agricole puisse solliciter judiciairement son retrait, nonobstant les dispositions de l'article L. 322-23 du Code rural et de la pêche maritime (N° Lexbase : L3824AED), à charge pour le juge saisi d'opérer un contrôle de proportionnalité entre l'objectif poursuivi par la limitation légale du droit de retrait et le respect du droit de propriété de l'associé retrayant. Tel est l'enseignement d'un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 1er mars 2017 (Cass. civ. 1, 1er mars 2017, n° 15-20.817, FS-P+B+I N° Lexbase : A3543TPW), alors qu'elle avait précédemment retenu que l'impossibilité de retrait judiciaire d'un GFA pour justes motifs ne portait pas atteinte à l'article 1er du Protocole additionnel de la CESDH protégeant le droit de propriété (cf. Cass. civ. 1, 3 juin 2010, n° 09-65.995, FS-P+B+I N° Lexbase : A1525EY7). En l'espèce, certains associés d'un GFA, qui l'étaient devenus par l'effet d'une dévolution successorale, ont engagé une action aux fins, notamment, de voir d'autoriser leur retrait du capital social du groupement. La cour d'appel a accueilli cette demande. Le GFA a formé un pourvoi en cassation. Il soutenait qu'à défaut de précision dans les statuts d'un groupement foncier agricole des conditions dans lesquelles un associé peut se retirer totalement ou partiellement de la société, son retrait ne peut être autorisé que par une décision unanime des autres associés. Ce droit spécial, qui prime sur le droit commun, exclut la possibilité d'un retrait judiciairement autorisé pour justes motifs. Ainsi, la cour d'appel ne pouvait autoriser le retrait du GFA pour cause de mésentente, au motif que les demandeurs avaient seulement hérité de leurs parts sociales et que l'interdiction qui serait faite à l'héritier de se retirer d'un groupement foncier agricole sans l'autorisation de celui avec lequel il ne veut pas être associé constituerait une atteinte disproportionnée à son droit de propriété. Enonçant la solution précitée, la Haute juridiction rejette le pourvoi (cf. l’Ouvrage "Droit des sociétés" N° Lexbase : E3994ET4).

newsid:456943

Urbanisme

[Jurisprudence] Détermination du point de départ du délai de péremption du permis de construire en cas de travaux subordonnés à l'obtention d'une autorisation environnementale - conclusions du Rapporteur public

Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 10 février 2017, n° 383329, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9955TMN)

Lecture: 12 min

N6955BWI

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par Marie-Astrid de Barmon, Rapporteur public au Conseil d'Etat

Le 09 Mars 2017

Dans une décision rendue le 10 février 2017, la Haute juridiction administrative souligne que, s'agissant de travaux soumis aux prescriptions du code de l'environnement relatives à la protection des eaux et dont la réalisation est, à ce titre, subordonnée à une autorisation, le délai de péremption du permis de construire court à compter de la date à laquelle les travaux peuvent commencer en application de cette autorisation environnementale. Lexbase Hebdo - édition publique vous propose de retrouver les conclusions anonymisées du Rapporteur public, Marie-Astrid de Barmon. Cette affaire a trait à l'incidence sur le délai de validité des autorisations d'urbanisme de leur articulation avec les autres autorisations exigées pour une même opération par des législations indépendantes. Le point de départ du délai de péremption d'un permis de lotir était-il différé jusqu'à la date d'obtention de l'autorisation préalable au commencement des travaux requise au titre de la loi sur l'eau, lorsque cette hypothèse concrète de différé d'exécution des travaux n'était pas expressément prévue par le code de l'urbanisme ?

Les faits à l'origine du litige sont les suivants. Par un arrêté du 26 janvier 2004, le maire de la commune de Saint-Gilles, dans le Gard, a accordé à la société X une autorisation de lotir en vue de réaliser un village équestre. Le préfet a toutefois pointé les difficultés liées au système d'évacuation des eaux pluviales soulevées par ce projet. A sa demande, le maire a retiré le permis de lotir par un arrêté du 29 avril 2004. La société X a saisi le tribunal administratif de Nîmes, qui a annulé le retrait du permis pour un motif de procédure et rétabli la requérante dans ses droits par un jugement du 8 décembre 2006, devenu définitif.

Les services de l'eau et de la police des milieux aquatiques de la préfecture ont néanmoins rappelé à la société que le dispositif de rejet des eaux pluviales nécessitait une autorisation au titre de la loi sur l'eau, en vertu du I de l'article L. 214-3 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L4464HWA). La préfecture lui a délivré cette autorisation le 29 octobre 2008.

La SARL a alors demandé à la communauté d'agglomération Nîmes-Métropole et à la commune de Saint-Gilles d'autoriser les travaux de raccordement aux réseaux publics d'eaux potables et d'eaux usées.

La communauté d'agglomération a toutefois refusé d'y donner son aval par une décision du 27 mai 2009. De son côté, le maire de Saint-Gilles a estimé que le permis de lotir était devenu caduc, faute pour son titulaire d'avoir commencé les travaux d'aménagement avant l'expiration, le 15 juin 2008, du délai de dix-huit mois suivant la notification du jugement du tribunal. Le 26 novembre 2009, il a en conséquence pris un arrêté interruptif des travaux qui avaient enfin débuté sur la parcelle.

La SARL a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler ces deux dernières décisions, mais il a cette fois-ci rejeté ses prétentions par des jugements que la cour administrative d'appel de Lyon a confirmés dans un arrêt du 3 juin 2014 (CAA Lyon, 1ère ch., 3 juin 2014, n° 11LY21932 N° Lexbase : A6186MSW). C'est contre cet arrêt que la SARL se pourvoit régulièrement en cassation.

Quelques indications préalables sur la computation du délai de péremption du permis de lotir en litige et l'application dans le temps des règles d'urbanisme en la matière sont indispensables pour s'assurer de l'opérance du premier moyen de la société, qui, disons-le d'emblée, nous semble non seulement opérant mais fondé.

Sous l'empire de l'article R. 315-30 (N° Lexbase : L8113ICH) applicable à la date de sa délivrance, en janvier 2004, l'autorisation de lotir accordée à la société requérante avait une durée de validité de dix-huit mois. Ce délai de caducité a été presqu'aussitôt interrompu par la décision de retrait du permis, et ce jusqu'au prononcé du jugement définitif du tribunal administratif annulant cette décision de retrait. Vous savez en effet que, dans un tel cas de figure, le délai de caducité n'est pas simplement suspendu mais interrompu. L'absence d'exécution des travaux étant imputable au fait de l'administration, l'annulation contentieuse de l'acte administratif qui y a illégalement fait obstacle replace le bénéficiaire de l'autorisation dans la situation dans laquelle il se trouvait à la date de sa délivrance. Le permis initial est rétabli et un nouveau délai de péremption entier recommence à courir à compter de la date de lecture (1) de la décision juridictionnelle d'annulation (pour une autorisation de lotir, voyez CE, 16 juin 1995, n° 118752 N° Lexbase : A4396AN7, aux Tables ; pour un permis de construire, CE, 30 juillet 2003, n° 255368 N° Lexbase : A2625C94, aux Tables ; et pour l'autorisation d'exploiter les ICPE, CE, 22 mai 2012, n° 339504 N° Lexbase : A0909IMM, aux Tables). En l'espèce, le délai de péremption de dix-huit mois a recommencé à courir le 8 décembre 2006 et devait théoriquement expirer en juin 2008 comme l'indique l'arrêté attaqué.

Or, avant que ce terme soit échu, est entré en vigueur le décret (2) du 5 janvier 2007 qui a aligné la durée de validité de l'autorisation de lotir sur celle du permis de construire, en instituant un article R. 424-17 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L7573HZI) la portant à deux ans. L'article 26 de ce décret prévoit certes que les demandes de permis déposées avant le 1er octobre 2007 demeurent soumises aux règles de compétence, de forme et de procédure en vigueur à la date de leur dépôt. Toutefois, la péremption n'étant pas une règle de procédure mais de fond, le nouvel article R. 424-17 s'est immédiatement appliqué aux permis dont le délai de validité n'était pas expiré à la date de publication du décret, comme vous l'avez jugé à propos du décret d'août 1981 portant d'un à deux ans le délai de caducité du permis de construire dans votre décision "Régie nationale des usines Renault" du 5 décembre 1984, au Rec. (CE, n° 23380 N° Lexbase : A3038AL4). Dans l'arrêt attaqué, la cour a donc eu raison de juger que l'arrêté interruptif des travaux pour caducité en litige trouvait son fondement légal dans les dispositions de l'article R. 424-17 du Code de l'urbanisme qu'elle a substituées à celles de son ancien article R. 315-30, et d'affirmer que le délai imparti à la société pour engager les travaux était de deux ans.

Non seulement le décret de 2007 prolongeait jusqu'au 8 décembre 2008 la validité du permis de lotir consenti à la SARL, mais il ajoutait au Code de l'urbanisme un article R. 424-20 (N° Lexbase : L7576HZM), que vous n'avez encore jamais eu l'occasion d'appliquer, prévoyant que, lorsque le commencement des travaux est subordonné à une autorisation ou à une procédure prévue par une législation autre que le droit de l'urbanisme, le délai de péremption de deux ans ne commence à courir qu'à compter de la date à laquelle les travaux peuvent commencer en application de cette législation, si elle est postérieure à la date de notification de l'autorisation d'urbanisme. Autrement dit, dans les cas où la réalisation des travaux est différée en raison d'une autre législation, le début du délai de péremption du permis l'est aussi. Cette règle relative à la caducité des autorisations de construire est elle aussi une règle de fond qui était immédiatement applicable au permis de la société X.

C'est donc par un moyen opérant qu'elle s'est prévalue de ces dispositions devant la cour, en faisant valoir que les travaux d'aménagement du lotissement étant subordonnés à l'obtention de l'autorisation requise au titre de la loi sur l'eau, le délai de péremption de son permis de lotir n'avait pu commencer à courir qu'à compter de la date de délivrance de cette autorisation.

Elle rappelait que si elle avait entrepris les travaux avant de l'obtenir, elle se serait exposée à des mesures conservatoires édictées sur le fondement de l'article L. 216-1-1 alors applicable du Code de l'environnement (N° Lexbase : L4486HW3) pour faire cesser des travaux réalisés sans avoir fait l'objet de l'autorisation prévue au titre de la loi sur l'eau, et aurait été passible d'une peine de deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 18 000 euros en application de l'article L. 216-8 alors en vigueur de ce code (N° Lexbase : L2221IEY). Elle aurait en outre pris le risque économique de devoir reprendre les travaux si l'autorisation délivrée ultérieurement avait été assortie de prescriptions qu'elle n'avait pas anticipées, voire de tout perdre si l'autorisation lui était in fine refusée, de sorte que le titulaire d'une autorisation de lotir ne peut sérieusement envisager de commencer les travaux tant qu'il n'a pas obtenu l'autorisation au titre de la loi sur l'eau.

La société précisait aussi qu'il était en pratique impossible d'isoler, au sein des travaux autorisés par le permis de lotir, ceux qui auraient pu débuter sans attendre l'issue de cette procédure distincte. Elle expliquait, non sans vraisemblance, que tous les travaux de lotissement avaient un impact sur la gestion des eaux : la réalisation des travaux de voirie suppose au préalable une imperméabilisation des sols, et la viabilisation de chaque parcelle nécessite la construction des réseaux d'assainissement et de bassins de rétention d'eau.

Cette argumentation, qui ne manquait pourtant pas de force, n'a pas convaincu la cour. Elle a jugé que le permis de lotir et l'autorisation relative à la loi sur l'eau étant accordés en vertu de législations distinctes et selon des procédures indépendantes, la circonstance que la seconde était en cours d'instruction ne faisait pas obstacle à ce que les travaux autorisés par le premier soient réalisés. Puis, elle a affirmé, avec un maniement audacieux de la double négation, qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier qu'en l'espèce aucun des travaux autorisés par l'autorisation de lotir ne pouvait débuter indépendamment de l'obtention de l'autorisation au titre de la loi sur l'eau. Les juges d'appel en ont conclu que la société requérante ne pouvait utilement invoquer les dispositions de l'article R. 424-20 du Code de l'urbanisme, si bien que l'autorisation de lotir était devenue caduque le 9 décembre 2008 et que la communauté d'agglomération et la commune étaient tenues de rejeter les demandes de la SARL. La société soutient que la cour a commis une erreur de droit en lui refusant ainsi le bénéfice du dispositif de péremption différée prévu par l'article R. 424-20.

L'affirmation de la cour selon laquelle une partie des travaux autorisés en l'espèce, qu'elle se garde de préciser, aurait pu être débutée indépendamment de l'autorisation au titre de la loi sur l'eau, révèle sans doute une première erreur de droit, car les dispositions de l'article R. 424-20 n'invitent pas à diviser ainsi les travaux autorisés par un unique permis pour apprécier le point de départ de son délai de caducité. Mais le premier temps du raisonnement de la cour, opposant l'indépendance des législations à la mise en oeuvre de l'article R. 424-20, nous semble entaché d'une erreur de droit plus fondamentale.

Les deux collectivités défenderesses invoquent en vain votre jurisprudence découlant de ce principe au soutien de l'arrêt attaqué, car l'article R. 424-20 a justement pour objet d'y déroger.

La seconde ligne de défense des collectivités et du ministre du logement et de l'habitat durable est plus intéressante. Elle déplace quelque peu les termes du débat, mais n'en est pas moins recevable dès lors qu'elle soulève une question de champ d'application de la loi. Ils font valoir qu'à l'époque des faits, l'autorisation exigée par l'article L. 214-3 du Code de l'environnement ne faisait pas partie de la liste limitative des autorisations requises au titre de législations distinctes des règles d'urbanisme susceptibles de repousser le point de départ du délai de péremption de l'autorisation d'urbanisme en application de l'article R. 424-20 du Code de l'urbanisme.

Selon cette thèse, le Code de l'urbanisme énumère de manière expresse et exhaustive les situations dans lesquelles le déclenchement du délai de péremption de l'autorisation d'urbanisme est différé dans l'attente d'une autorisation ou de l'issue d'une procédure indépendantes. D'après le ministre, le périmètre de l'article R. 424-20 serait plus précisément limité aux cas de figure envisagés aux sections II et IV du chapitre V du titre II du livre IV de la partie réglementaire du Code de l'urbanisme, qui organisent l'articulation des autorisations d'urbanisme avec les législations et procédures relatives aux monuments historiques, aux parcs nationaux, aux zones agricoles protégées, aux sites inscrits ou encore à l'archéologie préventive. Or, à l'époque des faits, le Code de l'urbanisme ne comportait aucune disposition de coordination entre les autorisations d'urbanisme et la législation de protection de l'eau : c'est l'ordonnance du 25 mars 2016 qui a tardivement comblé cette lacune en y créant l'article L. 425-14 alors applicable (N° Lexbase : L3832K73) qui dispose désormais que l'autorisation de construire ne peut être mise en oeuvre avant la décision d'autorisation ou de non-opposition prévue à l'article L. 214-3 du Code de l'environnement.

Vous pourriez être tentés de suivre le ministre et les collectivités défenderesses dans cette lecture restrictive de l'article R. 424-20 du Code de l'urbanisme car ses dispositions instituent une double exception, d'une part à la règle générale assignant pour point de départ au délai de péremption des autorisations d'urbanisme expresses le jour de leur notification au pétitionnaire, et d'autre part au principe d'indépendance des législations. Leur interprétation a aussi le mérite, au moins à première vue, de limiter les incertitudes sur le champ d'application de cet article et donc sur la caducité des autorisations dans un droit de l'urbanisme où la sécurité juridique est essentielle.

Toutefois, la formulation de l'article R. 424-20 est très générale et ne comporte pas de renvoi invitant à en faire une lecture combinée avec le chapitre V du même titre consacré aux "opérations soumises à un régime d'autorisation prévu par une autre législation", dont l'objet est autre. L'essentiel de ce chapitre coordonne la délivrance des autorisations d'urbanisme avec celles exigées par d'autres législations, en repoussant l'octroi des premières après l'obtention des secondes ou en dispensant de permis des opérations approuvées au titre de législations distinctes, alors que l'article R. 424-20 régit la péremption d'une autorisation d'urbanisme déjà accordée.

En réalité, seuls deux articles du chapitre V prévoient des hypothèses de différés d'exécution des travaux : l'article R. 425-30 (N° Lexbase : L7609HZT) interdisant d'engager des travaux en site inscrit avant l'expiration d'un délai de quatre mois à compter du dépôt de la demande de permis ou de la déclaration de travaux, et l'article R. 425-31 (N° Lexbase : L8712ICN) faisant obstacle à l'exécution des travaux avant l'achèvement des opérations d'archéologie préventive. L'on trouve à l'inverse dans la partie législative du code d'autres hypothèses où la réalisation de travaux est différée par mesure de coordination avec d'autres législations, ce qui illustre la difficulté de cibler de manière pertinente les dispositions du code qui délimiteraient le champ d'application de l'article R. 424-20 : c'est le cas notamment des travaux destinés à changer l'usage de locaux d'habitation (C. urb., art. L. 425-9 N° Lexbase : L3456HZZ), de ceux portant sur des installations classées soumises à autorisation (C. urb., art. L. 425-10 N° Lexbase : L6413LCI) et les installations nucléaires de base (C. urb., art. L. 425-12 N° Lexbase : L9105ITE).

Surtout, il nous semble que la péremption différée du permis a autant de raison d'être économiques et juridiques lorsque l'engagement des travaux est paralysé dans l'attente d'une autorisation au titre de la loi sur l'eau (loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 N° Lexbase : L9269HTH) que de l'achèvement de fouilles préventives. L'autorisation au titre de la loi sur l'eau était un préalable indispensable à l'engagement des travaux de lotissement, comme les services de l'Etat l'ont d'ailleurs plusieurs fois rappelé à la société X.

Pour ces raisons, nous vous invitons à retenir une interprétation pragmatique de la péremption différée prévue à l'article R. 424-20, conçue pour tenir compte des difficultés concrètes posées aux porteurs de projets par la multiplicité des autorisations parfois nécessaires à leur accomplissement, en jugeant qu'elle s'applique à toutes les autorisations ou procédures distinctes des règles d'urbanisme auxquelles est subordonné le commencement effectif des travaux, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que le différé de travaux en question n'ait pas été expressément envisagé par le code de l'urbanisme. Juger le contraire inciterait les titulaires d'autorisations d'urbanisme à engager illégalement les travaux sans attendre l'octroi des autorisations requises par d'autres législations pour préserver leurs droits.

Quoi qu'il en soit, la cour a clairement méconnu la portée de l'article R. 424-20 en refusant d'en faire application au bénéfice de la société X au motif que la loi sur l'eau et les règles d'urbanisme constituaient des législations distinctes.

La censure de ce motif entraîne la cassation totale de l'arrêt qui fait masse des décisions de la communauté d'agglomération et du maire de la commune. La caducité du permis n'épuisant pas les questions juridiques qui étaient soumises à la cour, vous lui renverrez l'affaire.

Vous pourrez mettre à la charge de la communauté d'agglomération et de la commune le versement à la société X d'une somme globale de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles. L'article L. 761-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3227AL4) fait en revanche obstacle à ce que vous fassiez droit à la demande présentée au même titre par les deux collectivités.

Tel est le sens de nos conclusions dans cette affaire.


(1) La décision "Chabran et autres" du 6 avril 2007 (n° 296493 N° Lexbase : A9363DUC, aux Tables) jugeant que, lorsqu'un permis de construire est retiré et que ce retrait est annulé, le permis initial est rétabli à compter de la date de lecture de la décision juridictionnelle prononçant cette annulation nous semble avoir pour conséquence de revenir sur la décision "Laugier" (CE, 16 juin 1995, n° 118752, préc.) retenant comme point de départ du nouveau délai la date de notification de cette décision, sauf à créer un décalage inopportun entre la date à laquelle le permis recommence à produire des effets de droit au profit de son titulaire et celle à laquelle son délai de péremption recommence à courir.
(2) Décret n° 2007-817 du 11 mai 2007, relatif à la restauration immobilière et portant diverses dispositions modifiant le Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L5074HX9).

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