La lettre juridique n°685 du 26 janvier 2017

La lettre juridique - Édition n°685

Actes administratifs

[Brèves] Publication des textes relatifs aux autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes

Réf. : Loi n° 2017-55 (N° Lexbase : L5685LCK) et loi organique n° 2017-54 (N° Lexbase : L5684LCI) du 20 janvier 2017

Lecture: 1 min

N6396BWS

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par Yann Le Foll

Le 01 Février 2017

Ont été publiés au Journal officiel du 21 janvier 2017 deux textes en date du 20 janvier 2017 relatifs aux autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes, la loi n° 2017-55 (N° Lexbase : L5685LCK) et la loi organique n° 2017-54 (N° Lexbase : L5684LCI), après que cette dernière a été validée par les Sages (Cons. const., décision n° 2017-746 DC du 19 janvier 2017 N° Lexbase : A3235S9P et lire N° Lexbase : N6319BWX). La loi n° 2017-55 définit l'organisation des AAI et API, la déontologie qu'elles doivent respecter, leur mode de fonctionnement et les modalités de leur contrôle, et en fixe la liste de manière précise. La loi organique n° 2017-54 modifie le Code général des collectivités territoriales afin de fixer les incompatibilités avec le mandat de membre des AAI et API, et procède au renforcement du contrôle parlementaire de ces mêmes autorités.

newsid:456396

Bancaire

[Brèves] Opération de paiement non autorisée : preuve de la fraude ou de la négligence de l'utilisateur

Réf. : Cass. com., 18 janvier 2017, n° 15-18.102, FS-P+B+I (N° Lexbase : A0605S9B)

Lecture: 2 min

N6310BWM

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par Vincent Téchené

Le 26 Janvier 2017

Si, aux termes des articles L. 133-16 (N° Lexbase : L4828IEK) et L. 133-17 (N° Lexbase : L4704IEX) du Code monétaire et financier, il appartient à l'utilisateur de services de paiement de prendre toute mesure raisonnable pour préserver la sécurité de ses dispositifs de sécurité personnalisés et d'informer sans tarder son prestataire de tels services de toute utilisation non autorisée de l'instrument de paiement ou des données qui lui sont liées, c'est à ce prestataire qu'il incombe, par application des articles L. 133-19, IV (N° Lexbase : L4809IET) et L. 133-23 (N° Lexbase : L4794IEB) du même code, de rapporter la preuve que l'utilisateur, qui nie avoir autorisé une opération de paiement, a agi frauduleusement ou n'a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave à ses obligations ; cette preuve ne peut se déduire du seul fait que l'instrument de paiement ou les données personnelles qui lui sont liées ont été effectivement utilisés. Tel est le sens d'un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 18 janvier 2017 publié au Bulletin et sur son site internet (Cass. com., 18 janvier 2017, n° 15-18.102, FS-P+B+I N° Lexbase : A0605S9B ; cf. également Cass. com, 18 janvier 2017, trois arrêts, n° 15-26.058, FS-D N° Lexbase : A7158S9Y ; n° 15-22.783, FS-D N° Lexbase : A7093S9L ; n° 15-18.466, FS-D N° Lexbase : A7192S9A). En l'espèce, le titulaire d'un compte bancaire a contesté trois opérations de paiement, effectuées, selon lui, frauduleusement sur ce compte, et demandé à la banque de lui en rembourser le montant. Se heurtant au refus de celle-ci, qui lui reprochait d'avoir commis une faute en donnant à un tiers des informations confidentielles permettent d'effectuer les opérations contestées, il l'a assignée en paiement. La banque ayant été condamnée à payer, elle s'est pourvue en cassation. La Cour de cassation, énonçant la solution précitée, rejette le pourvoi : ayant souverainement retenu qu'il ne résultait pas des pièces versées aux débats la preuve que le titulaire du compte avait divulgué à un tiers, de manière intentionnelle, par imprudence ou par négligence grave, des éléments d'identification strictement confidentiels ayant permis les paiements contestés et que la banque se bornait à évoquer l'hypothèse d'un "hameçonnage", en prétendant que le client avait certainement répondu à un courriel frauduleux qu'il pensait émaner de la banque pour qu'il renseigne un certain nombre de points dont les identifiants, mots de passe et codes de clefs qui permettent de réaliser les opérations à distance, sans en apporter la démonstration, c'est exactement que la juridiction de proximité a accueilli la demande de remboursement (cf. l’Ouvrage "Droit bancaire" N° Lexbase : E7414EXU).

newsid:456310

Bancaire

[Jurisprudence] Le taux effectif global erroné pour n'avoir pas pris en compte les intérêts intercalaires

Réf. : Cass. civ. 1, 14 décembre 2016, n° 15-26.306, P+B (N° Lexbase : A2297SXD)

Lecture: 5 min

N6422BWR

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par Alexandre Bordenave, Avocat au barreau des Hauts-de-Seine, chargé d'enseignement à l'ENS Cachan

Le 26 Janvier 2017

Si elle fait parfois, et de plus en plus, place à des innovations consolantes (1), la moisson jurisprudentielle en matière de taux effectif global (TEG) sait aussi se faire plus sage, ce qui n'exclut pas qu'elle puisse être analysée à frais nouveaux.
Le 8 novembre 2007, une banque (le prêteur) avait consenti à des époux (les emprunteurs) un prêt immobilier prévoyant une phase de préfinancement assortie d'intérêts dits "intercalaires" (sur lesquels nous reviendrons). Quelques années plus tard, les emprunteurs introduisirent une action devant les tribunaux demandant la nullité de la stipulation d'intérêts et la substitution du taux d'intérêt légal au taux d'intérêt contractuel à la date du prêt considéré. Cette action fut couronnée de succès, le tribunal relevant que le TEG indiqué par le prêteur ne prenait pas en compte les intérêts dits "intercalaires" dont le contrat de prêt prévoyait le paiement. En cela, le tribunal vit son jugement confirmé par la cour d'appel de Nîmes le 3 septembre 2015 (2). Le prêteur se pourvut alors en cassation arguant de deux moyens que l'on peut résumer ainsi : en premier lieu, les intérêts intercalaires susmentionnés ne devaient pas entrer dans le calcul du TEG ; en second lieu, l'inexactitude du TEG ne pouvait être sanctionnée par substitution du taux d'intérêt légal au taux d'intérêt contractuel à la date du prêt.
Dans son arrêt du 14 décembre 2016, la première chambre civile de la Cour de cassation devait donc répondre à la question suivante : l'absence de prise en compte dans le calcul du TEG des intérêts intercalaires doit-elle être sanctionnée par la substitution du taux d'intérêt légal au taux d'intérêt contractuel à la date du prêt ? La réponse est négative et, en cela, se trouve maintenue la jurisprudence de la haute juridiction. Nous nous proposons d'étudier cette solution en commençant par le sort réservé aux intérêts intercalaires dans le calcul du TEG (I) avant de nous arrêter sur la sanction admise par la première chambre civile (II).

I - L'inclusion des intérêts intercalaires dans le calcul du TEG

L'arrêt du 14 décembre 2016 confirme un enseignement éprouvé : les intérêts dits "intercalaires", technique usuelle des financements immobiliers (A), doivent être inclus dans le TEG (B).

A - Le mécanisme des intérêts intercalaires

Ne prolongeons pas le suspense plus longtemps et essayons-nous à une définition des intérêts intercalaires. Le plus souvent, ces intérêts sont dus au titre d'une phase initiale de la vie d'un prêt que l'on désigne comme la phase de préfinancement. Celle-ci recouvre la période comprise entre la date de déblocage des fonds (3) par le prêteur et la date de début du remboursement du prêt. Il s'agit donc d'une phase de différé d'amortissement (4) au cours de laquelle l'emprunteur ne rembourse pas le capital emprunté. En matière de financements immobiliers, cela lui permet, par exemple, de financer la construction d'un bien immobilier qui lui tiendra lieu de résidence principale et de ne rembourser le financement qu'une fois le bien achevé.

En termes financiers, cette période se traduit mécaniquement par un surcoût d'intérêts à la charge de l'emprunteur. En effet, puisque, pendant la phase de préfinancement, le principal du prêt ne varie pas à la baisse, faute de remboursement, les intérêts dus au titre de cette période sont plus élevés qu'ils ne l'auraient été si le prêt s'était amorti au cours de celle-ci. Ce surcoût d'intérêts (5) correspond à ce que l'on appelle les intérêts intercalaires. Le mystère est résolu.

B - L'inclusion nécessaire dans le TEG

L'article L. 313-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L6649IM9), applicable au moment des faits de l'arrêt étudié (6), dispose que "pour la détermination du taux effectif global du prêt [...], sont ajoutés aux intérêts les [...] commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, supportés par l'emprunteur". Or, il est difficile de contester que les intérêts intercalaires sont une rémunération directe du prêt que supporte l'emprunteur et qu'ils sont, au surplus, liés à l'octroi du prêt. Le seul argument à la disposition du prêteur ayant, comme dans l'arrêt étudié, négligé de les prendre en compte dans le calcul du TEG, est leur caractère indéterminé à la date du prêt. Il est exact que l'article L. 313-1 du Code de la consommation précise que ne sont à considérer pour calculer le TEG que les éléments dont "le montant peut être déterminé" à la date du prêt (7). En l'espèce, c'était la ligne de défense du prêteur qui avait négligé d'inclure les intérêts intercalaires dans le calcul du TEG applicable au prêt.

Pour que l'argument fasse mouche, reste à savoir si les intérêts intercalaires sont déterminés ou au moins déterminables à la date de conclusion du contrat de prêt. Il y a tout lieu de penser que c'est bien le cas. Dès lors que le taux d'intérêt applicable est bien stipulé, quand bien même la durée de la phase de préfinancement (au cours de laquelle les intérêts intercalaires sont dus) serait laissée à la main de l'emprunteur (8), par exemple s'il dispose d'une faculté contractuelle d'y mettre fin par anticipation, il demeure possible de déterminer le montant des intérêts intercalaires en faisant l'hypothèse que la période de préfinancement aura la durée maximale prévue par le contrat de prêt. Cette solution avait déjà été retenue par la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 17 juin 2015 (9). L'arrêt du 14 décembre 2016 ne fait que s'inscrire dans cette ligne, insistant particulièrement, à notre sens, sur le caractère déterminable des intérêts intercalaires. En les excluant de son calcul, le prêteur a donc minoré le TEG.

Concluant au caractère erroné du TEG du prêt, la Cour de cassation fait sienne la solution des juges du fond et les rallie aussi quant à la sanction applicable en conséquence.

II - La sanction d'un TEG n'incluant pas les intérêts intercalaires

Une fois encore, l'arrêt étudié ne brille pas par son originalité en sanctionnant le TEG erroné par la substitution du taux d'intérêt légal au taux d'intérêt contractuel (A). L'actualité impose d'observer cette solution à la lumière de développements récents en matière de TEG qui semblent s'attacher plus qu'auparavant aux griefs subis par l'emprunteur (B).

A - La réduction au taux d'intérêt légal en guise de sanction

Suivant les juges du fond, la Cour de cassation considère que c'est à bon droit que ces derniers ont retenu "que l'inexactitude de la mention du TEG dans l'acte de prêt était sanctionnée par la substitution du taux d'intérêt légal au taux d'intérêt contractuel depuis la signature du contrat". Cette sanction civile, aux origines prétoriennes, régulièrement appliquée (10) comme en atteste notre affaire, est particulièrement redoutée des prêteurs dans un contexte où les taux d'intérêt légaux réels sont quasi nuls (11) et où la casuistique jurisprudentielle tend à rendre diabolique le calcul du TEG (12).

Cette sanction a quelque chose de consternant. D'une part, sanctionnant la violation une règle empêtrée dans son formalisme (13), elle ne sert pas l'impératif de justice. D'autre part, et ainsi qu'en excipait le pourvoi en cassation, elle est très largement disproportionnée ce qui a amené certains à s'essayer, sans succès jusqu'à présent, à dénoncer cette disproportion (14) en faisant appel aux libertés du droit de l'Union européenne et au Protocole n°1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (15).

B - La justification de la sanction au nom des griefs subis par l'emprunteur

Fort heureusement, un vent de raison semble désormais parcourir les prétoires saisis de contentieux relatifs au TEG. En ce sens, ainsi que nous le remarquions récemment, la première chambre civile considère qu'un TEG erroné à la hausse n'est, par principe (16), pas susceptible de sanction car porteur d'une erreur ne venant pas au détriment de l'emprunteur. De façon encore plus intéressante, il convient de relever l'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 9 novembre 2016 (17). Dans cette décision, les juges européens ont notamment estimé que le droit européen ne s'oppose pas à ce qu'un Etat membre sanctionne l'absence de TEG par l'absence d'intérêts et de frais pour le prêteur "pour autant qu'il s'agisse d'un élément dont l'absence est susceptible de mettre en cause la possibilité pour le consommateur d'apprécier la portée de son engagement".

C'est donc avec une pointe de soulagement (18) que l'on constate que l'arrêt commenté est conforme à la position de la Cour de justice : il applique une sanction consistant en la déchéance du droit aux intérêts contractuels dans un cas où le TEG avait été minoré par le prêteur, ne permettant en conséquence pas aux emprunteurs de réaliser qu'ils contractaient à un coût supérieur à celui affiché. Il ne révolutionne rien à l'affaire, mais a au moins le mérite de ne pas entraver une marche entamée aux plus hauts niveaux vers une application mesurée des règles concernant le TEG.


(1) A titre d'exemple, celle résultant de Cass. civ. 1, 12 octobre 2016, 15-25.034, F-P+B (N° Lexbase : A9572R7N), que nous avions commenté : nos obs., Lexbase, éd. aff., 2016, n° 486 (N° Lexbase : N5033BWC).
(2) CA Nîmes, 3 septembre 2015, n° 14/00375 (N° Lexbase : A4025NNE)
(3) Ou les dates de déblocage, si le contrat prévoit une mise à disposition du prêt en plusieurs fois.
(4) On peut aussi dire de franchise de remboursement.
(5) Dont l'emprunteur s'acquitte soit à des dates convenues au cours de la phase de préfinancement soit à son issue (donc à la première date de remboursement en plus de l'échéance normale).
(6) L'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 (N° Lexbase : L0300K7A), comme son décret d'application n° 2016-884 du 29 juin 2016 (N° Lexbase : L0525K9C), a renuméroté le Code de la consommation, remplaçant les articles L. 313-1 et suivants par les articles L. 314-1 (N° Lexbase : L3335K7N) et suivants.
(7) Ou de son éventuelle renégociation.
(8) Ce qui n'est jamais le cas, à tout le moins pas sans limite.
(9) Cass. civ. 1, 17 juin 2015, n° 14-14.326, F-P+B (N° Lexbase : A5272NLT), RDBF, n° 6, novembre 2015, comm. 182, F.-J. Crédot et Th. Samin ; D., 2015, Actualité, 10 juillet 2015, V. Avena-Robardet. A cette occasion, la Cour de cassation neutralisa une clause excluant du calcul du TEG les intérêts intercalaires.
(10) P. ex. Cass. civ. 1, 21 janvier 1992, n° 90-18.120 (N° Lexbase : A5454AHH) ; plus récemment : Cass. civ. 1, 1er juillet 2015, n° 14 18.053, F-D (N° Lexbase : A5463NMB).
(11) A cette date, 0,90 % lorsque le créancier est un professionnel.
(12) L'ensemble des frais de dossier (Cass. crim., 10 septembre 2003, n° 02-85.188, F-D N° Lexbase : A9109C9A), les frais de renégociation de l'offre (CA Paris, 15ème chambre, section B, 17 novembre 2005), les frais de préfinancement (Cass. civ. 1, 16 avril 2015, n° 14-17.738, F-D N° Lexbase : A9344NG8)...
(13) Pour ne pas dire purement formelle.
(14) D'ailleurs critiquée par la Cour de justice de l'Union européenne : CJUE, 27 mars 2016, aff. C-565/12 (N° Lexbase : A9833MHN).
(15) Nos obs. préc. note 1.
(16) Nos obs. préc. note 1.
(17) CJUE, 9 novembre 2016, aff. C-42/15 (N° Lexbase : A0602SGE).
(18) Il faut bien se réjouir de quelque chose...

newsid:456422

Contrôle fiscal

[Brèves] Refus du bénéfice d'avantages fiscaux subordonnés à une condition de respect d'obligations de déclaration du chiffre d'affaires : sanction fiscale ayant le caractère d'une punition ?

Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 18 janvier 2017, n° 389268, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3267S9U)

Lecture: 1 min

N6381BWA

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par Jules Bellaiche

Le 02 Février 2017

Les dispositions de l'article 302 nonies du CGI (N° Lexbase : L4018I39) qui subordonnent le bénéfice d'avantages fiscaux en matière d'impôts sur les sociétés et sur le revenu à une condition liée au respect d'obligations de déclaration du chiffre d'affaires, dont la méconnaissance est par ailleurs réprimée par les sanctions fiscales prévues à l'article 1728 du même code (N° Lexbase : L9544IY7), n'ont pas pour objet de prévenir ou de réprimer la méconnaissance de ces obligations, mais seulement de réserver le bénéfice de ces avantages aux contribuables remplissant les conditions prévues par la loi ; en se fondant sur ces dispositions pour refuser le bénéfice d'un de ces avantages, l'administration ne prononce pas une sanction ayant le caractère d'une punition, mais se borne à tirer les conséquences de ce que le contribuable ne remplit pas cette condition. Telle est la solution retenue par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 18 janvier 2017 (CE 9° et 10° ch.-r., 18 janvier 2017, n° 389268, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3267S9U). En l'espèce, le requérant, qui exerçait une activité de consultant conseil aux entreprises au titre de laquelle il a bénéficié de l'exonération temporaire d'imposition prévue par l'article 44 octies du CGI (N° Lexbase : L1927KGH) à raison de son implantation dans une zone franche urbaine, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale a, sur le fondement de l'article 302 nonies, remis en cause l'exonération d'impôt sur le revenu dont il avait bénéficié. Pour la Haute juridiction, qui a donné raison à l'administration fiscale, selon la solution dégagée, la cour administrative d'appel (CAA Douai, 3 février 2015, n° 13DA01303 N° Lexbase : A7538S93) n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que ces dispositions ne relèvent pas des accusations en matière pénale au sens des stipulations du premier paragraphe de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L7558AIR) .

newsid:456381

Fonction publique

[Brèves] Pas d'obligation, préalablement au licenciement pour insuffisance professionnelle, de chercher à reclasser le fonctionnaire sur d'autres emplois que ceux correspondant à son grade

Réf. : CE 4° et 5° ch.-r., 18 janvier 2017, n° 390396, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A3268S9W)

Lecture: 1 min

N6403BW3

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par Yann Le Foll

Le 28 Janvier 2017

Si le licenciement pour insuffisance professionnelle d'un fonctionnaire ne peut être fondé que sur des éléments manifestant son inaptitude à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé ou correspondant à son grade et non sur une carence ponctuelle dans l'exercice de ses missions, aucun texte législatif ou réglementaire ni aucun principe n'impose, avant de licencier pour insuffisance professionnelle un fonctionnaire qui ne parvient pas à exercer des fonctions correspondant à son grade ou aux fonctions pour lesquelles il a été engagé, de chercher à le reclasser dans d'autres emplois que ceux correspondant à son grade. Telle est la solution dégagée par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 18 janvier 2017 (CE 4° et 5° ch.-r., 18 janvier 2017, n° 390396, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A3268S9W). En estimant que les lacunes de l'enseignement de M. X, ses carences dans la gestion des classes, ses difficultés à se faire comprendre, son incapacité à imposer son autorité aux élèves, ainsi que ses difficultés à accomplir les tâches qui lui étaient confiées au CNED, ressortaient des pièces du dossier qui lui était soumis, la cour administrative d'appel (CAA Paris, 23 mars 2015, n° 14PA03999 N° Lexbase : A0992NQS) a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation. En en déduisant que la manière de servir de l'intéressé était de nature à justifier son licenciement pour insuffisance professionnelle, elle n'a donc pas inexactement qualifié les faits (cf. l’Ouvrage "Fonction publique" N° Lexbase : E9754EPX).

newsid:456403

[Brèves] Mention manuscrite de la caution : aucune obligation d'indiquer le montant en chiffres et en lettres

Réf. : Cass. com., 18 janvier 2017, n° 14-26.604, F-P+B (N° Lexbase : A7144S9H)

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N6332BWG

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par Vincent Téchené

Le 26 Janvier 2017

L'article L. 341-2 du Code de la consommation (N° Lexbase : L5668DLI), dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 14 mars 2016 (ordonnance n° 2016-301 N° Lexbase : L0300K7A ; C. consom., art. L. 331-1, nouv. N° Lexbase : L1165K7B), n'impose pas la mention du montant de l'engagement de la caution à la fois en chiffres et en lettres. Tel est le sens d'un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 18 janvier 2017 (Cass. com., 18 janvier 2017, n° 14-26.604, F-P+B N° Lexbase : A7144S9H). En l'espèce, par un acte du 15 janvier 2009, une caution a garanti, à concurrence de 52 000 euros, du remboursement d'une facilité de trésorerie d'un montant de 40 000 euros consentie par une banque à une société. Cette dernière ayant été mise en redressement judiciaire, la banque a assigné la caution en paiement. La cour d'appel (CA Lyon, 3 avril 2014, n° 12/07979 N° Lexbase : A4565MIW) a annulé l'engagement de caution souscrit. Pour ce faire, elle a relevé que la caution avait apposé sur l'acte la mention manuscrite suivante : "En me portant caution de la société [X] dans la limite de la somme de 52 000 euros (52 000 €) couvrant le paiement [...]". Elle retient ainsi que l'exigence générale posée par l'article 1326 du Code civil (N° Lexbase : L2660C3W, devenu C. civ. 1376 N° Lexbase : L0971KZY), à laquelle ne dérogent pas les dispositions de l'article L. 341-2 du Code de la consommation, a précisément pour but, par la répétition de la somme, sous deux formes différentes, d'attirer l'attention et de faire prendre conscience au scripteur de l'importance de son engagement et qu'il s'ensuit que la mention portée en l'espèce ne révèle pas qu'une simple erreur matérielle mais porte atteinte à la validité de son engagement. Enonçant la solution précitée, la Cour de cassation censure l'arrêt d'appel au visa de l'article L. 341-2 : la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé ce texte (cf. l’Ouvrage "Droit des sûretés" N° Lexbase : E7181E9T).

newsid:456332

Pénal

[Brèves] Caractérisation de la légitime défense : indifférence du résultat de l'action

Réf. : Cass. crim., 17 janvier 2017, n° 15-86.481, FS-P+B (N° Lexbase : A7180S9S)

Lecture: 2 min

N6359BWG

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par June Perot

Le 28 Janvier 2017

La circonstance de légitime défense peut être retenue dès lors qu'il est établi que le prévenu a répondu aux coups de son agresseur par un acte constitutif de violences volontaires et qu'il n'existait pas de disproportion entre l'agression et les moyens de défense employés et ce, peu important les conséquences dommageables de l'action de défense. Telle est la solution énoncée par la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 17 janvier 2017 (Cass. crim., 17 janvier 2017, n° 15-86.481, FS-P+B N° Lexbase : A7180S9S). En l'espèce, à la suite d'un accident matériel de la circulation survenu sur le boulevard périphérique parisien, l'un des conducteurs, M. S., est sorti de son véhicule et est allé vers l'autre conducteur, M. X, pour le saisir au cou. Ce dernier ayant pris la fuite au volant de son véhicule pour se réfugier dans un chantier, M. S. a mis le sien en travers de la voie, est descendu pour aller l'insulter. A l'issue de cette altercation, M. S. a perdu l'équilibre et chuté au sol, cette chute entraînant sa paraplégie. Par ordonnance du juge d'instruction, M. X a été renvoyé devant le tribunal correctionnel qui l'a déclaré coupable de violences volontaires aggravées et responsable pour moitié de leurs conséquences dommageables. Un appel a été interjeté. Pour retenir la circonstance de légitime défense au bénéfice de M. X, l'arrêt a retenu que M. X, courbé pour parer les coups de son adversaire, a lancé sa main en avant vers M. S. qui a chuté au sol après que sa tête eut heurté le capot de la voiture de M. X, puis ensuite le sol, sans qu'il ait pu être établi avec certitude si M. S. avait été touché par le geste de M. X ou si, en tentant de l'éviter, il a été déséquilibré. Les juges avaient alors ajouté que le prévenu, ayant été contraint de se défendre et de riposter pour éviter de recevoir d'autres coups, a réagi de manière proportionnée, un coup de poing contre d'autres coups de poing, face à une agression injustifiée, réelle, actuelle, les conséquences dramatiques pour M. S. ne pouvant être juridiquement prises en compte pour caractériser ou non le fait justificatif. M. S. a formé un pourvoi, à l'appui duquel il soutenait qu'il présentait une tétraplégie résultant de l'acte de défense de M. X, démontrant ainsi le caractère disproportionné de l'acte, lequel constituait une faute civile. A tort selon la Chambre criminelle qui approuve l'appréciation des juges du fond et rejette le pourvoi .

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Procédures fiscales

[Jurisprudence] De l'irrésistible extension du contrôle du juge administratif sur la légalité des rescrits

Réf. : CE Sect., 2 décembre 2016, n° 387613, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9075SNG)

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par Olivier Ramond, Professeur des universités et Avocat au barreau de Paris

Le 26 Janvier 2017

Rares sont les décisions du Conseil d'Etat qui peuvent, par leur portée, rééquilibrer, voire renverser les rapports de force entre administration et administré. L'arrêt du 2 décembre 2016 est, sans nul doute, à ranger dans cette catégorie (CE Sect., 2 décembre 2016, n° 387613, publié au recueil Lebon). A partir d'un cas d'espèce relativement anodin, auquel de nombreux fiscalistes ont déjà été confrontés, l'éligibilité d'une activité à un taux réduit de TVA (I), et dans la directe lignée de la jurisprudence administrative relative au "droit souple" consacrée par ses deux décisions du 21 mars 2016 (CE Ass., 21 mars 2016, n° 368082 N° Lexbase : A4320Q8I et 390023 N° Lexbase : A4296Q8M, publiés au recueil Lebon) (II), le Conseil d'Etat vient, d'une part, de reconnaître au rescrit une nature de "décision" et, d'autre part, valider le fait que le recours pour excès de pouvoir sur un rescrit, régi par les dispositions de l'article L. 80 B (N° Lexbase : L3693I38) (ou L. 80 C N° Lexbase : L7607HEH) du LPF, est possible sous couvert que toutes les voies de recours administratifs aient été préalablement épuisées et que la décision ait produit, pour le contribuable, des effets économiques significatifs autres que fiscaux. En immisçant le contrôle du juge sur toute prise de position formelle de l'administration fiscale, cet arrêt permet d'envisager de nouvelles pistes de réflexion stratégique qu'il nous paraît opportun de discuter (III). I - Les faits et la procédure : taux réduit ou taux de droit commun de TVA dans le domaine de l'édition ?

L'affaire en question trouve sa source dans une problématique fiscale très régulièrement rencontrée par les fiscalistes évoluant dans le domaine de l'édition et de l'imprimerie : la revue commercialisée par telle société d'édition est-elle un "livre" au sens fiscal du terme ? La société requérante, en tant qu'entreprise exerçant dans le domaine de l'édition en double qualité d'exportateur de magazines dans plus de 80 pays et d'éditeur de revues n'a pas fait exception à la règle. Les huit titres, objet du litige entre l'intéressée et l'administration fiscale (titres qui, comme le suggère pudiquement le Rapporteur public, Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, "ont en commun d'explorer le thème du mystère dans divers domaines de la connaissance humaine") pouvaient néanmoins, reconnaissons-le, laisser libre cours à l'imagination de tout néophyte. En vue de sécuriser le taux réduit de TVA applicable aux ventes de ces revues, c'est-à-dire en s'assurant que ces dernières remplissaient bien les critères posés par la définition fiscale d'un livre (1), conformément aux dispositions de l'ancien 6° de l'article 278 bis du CGI (N° Lexbase : L3951KWA), abrogé en 2012 (2), la société a interrogé, sur la base de la procédure de l'article L. 80 B du LPF, à huit reprises, la Direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France (ci-après la DRFiP), en mars 2012, qui, par huit réponses successives, la plupart curieusement non datées, a fait savoir au contribuable que lesdites revues ne pouvaient être considérées comme des livres et étaient soumises, de facto, au taux de droit commun en cas de commercialisation.

Le 11 août 2012, la société a alors introduit une requête en annulation pour excès de pouvoir auprès du tribunal administratif de Paris des huit décisions reçues en date des 14, 18, 19 et 21 juin 2012 de la part de la DRFiP (v. notamment : TA Paris, 29 janvier 2013, n° 1214731 N° Lexbase : A3259SH8). Certes, il est possible de s'interroger sur le fait que la société ait souhaité individualiser les demandes de qualificatif de ses revues qui présentent, pour certaines d'entre elles, des contenus et des périodicités analogues. Avait-elle des doutes quant à la qualification fiscale de certaines de ses revues ? Légitimement, elle le pouvait compte tenu de la qualification fiscale relativement subjective d'un livre. Par ailleurs, comme le laissent supposer les huit arrêts (3) rendus par la cour administrative d'appel de Paris, en date du 19 décembre 2014, la société avait également subi quelques cas de conscience quant à la bonne application du taux de TVA pratiqué au cours de la période antérieure à sa demande formulée auprès des services de l'administration, puisqu'elle avait commercialisé certaines de ses revues selon un autre taux de TVA réduit (2,1 %) applicable aux publications de presse.

Le point intéressant de l'affaire reste que la société, bien avisée ou bien perdue (4) (le lecteur se forgera sa propre opinion), a souhaité faire appel de la prise de position administrative en déposant un recours pour excès de pouvoir auprès du tribunal administratif de Paris alors même qu'aucune procédure administrative ne le prévoit. Le tribunal administratif a rejeté cette demande qui a, par la suite, été accueillie, pour partie, favorablement, par la cour administrative d'appel de Paris, en ce qui concerne l'application du régime de TVA du "livre" aux revues de la société. Cette vision a été, depuis, validée par le Conseil d'Etat dans l'arrêt susmentionné, à partir de bases juridiques prônant l'avènement d'une vision résolument économique (voire organisationnelle) de la contestation d'une prise de position formelle de l'administration.

II - Les bases juridiques de l'arrêt et ses enseignements : vers la consécration d'un "droit souple" fiscal ?

L'essentiel des enseignements de l'arrêt rendu par le Conseil d'Etat se retrouve au sein de ses considérants 6 et 7, qui précisent qu'"une prise de position formelle de l'administration sur une situation de fait au regard d'un texte fiscal en réponse à une demande présentée par un contribuable [...] a, eu égard aux effets qu'elle est susceptible d'avoir pour le contribuable et, le cas échéant, pour les tiers intéressés, le caractère d'une décision" et qu'"en principe, une telle décision ne peut, compte tenu de la possibilité d'un recours de plein contentieux devant le juge de l'impôt, pas être contestée par le contribuable par la voie du recours pour excès de pouvoir. Toutefois, cette voie de droit est ouverte lorsque la prise de position de l'administration, à supposer que le contribuable s'y conforme, entraînerait des effets notables autres que fiscaux et qu'ainsi, la voie du recours de plein contentieux devant le juge de l'impôt ne lui permettrait pas d'obtenir un résultat équivalent. Il en va ainsi, notamment, lorsque le fait de se conformer à la prise de position de l'administration aurait pour effet, en pratique, de faire peser sur le contribuable de lourdes sujétions, de le pénaliser significativement sur le plan économique ou encore de le faire renoncer à un projet important pour lui ou de l'amener à modifier substantiellement un tel projet".

Le principe même de contrôle de la légalité des actes, autres que les décisions, par le juge administratif trouve son origine dans la jurisprudence récente du Conseil d'Etat relative aux actes de droit souple (exemple : communiqué de presse, avis, recommandations, mises en garde) des autorités de régulation (5) (décisions du 21 mars 2016 précitées). Dans l'arrêt d'intérêt, le Rapporteur public, dans ses conclusions remarquablement argumentées, écarte néanmoins tout patronage de la sorte, en raison de la différence des environnements normatifs vers lesquels ces décisions de la Haute assemblée sont dirigées. De manière plus précise, dans les deux décisions du 21 mars 2016, le Conseil d'Etat avait jugé que les actes de droit souple sont susceptibles de recours dans deux cas de figure : d'une part, "conformément à une jurisprudence antérieure, lorsqu'il s'agit d'avis, de recommandations, de mises en garde et de prises de position qui pourraient ensuite justifier des sanctions de la part des autorités", et, d'autre part, et ce de manière plus innovante, "lorsque l'acte contesté est de nature à produire des effets notables, notamment de nature économique, ou lorsqu'il a pour objet d'influer de manière significative sur les comportements des personnes auxquelles il s'adresse".

Bien que la convergence de ces deux catégories de décisions (celle du 2 décembre 2016 et celles du 21 mars 2016) puisse encore faire débat, leur parallélisme reste indiscutable. Certains auteurs avaient d'ailleurs anticipé, depuis quelques mois, la retranscription du principe de contrôle des actes de droit souple défendu dans les arrêts de mars 2016 dans le contexte fiscal (6).

Dans sa décision du 2 décembre 2016, la Haute assemblée du Palais-Royal semble simplement avoir consacré sa volonté de restriction des "angles morts" de contentieux vis-à-vis des actes décisoires de l'administration fiscale qui peuvent impliquer des effets pratiques, parfois désastreux pour les administrés, comme c'était le cas pour la société requérante et qui jusqu'à ce jour, ne pouvaient voir leur légalité contrôlée par le juge administratif. A ce titre, la cour administrative d'appel de Paris avait déjà noté, dans son arrêt, que cette société se trouvait dans une situation précaire et qu'elle ne pouvait répercuter auprès de ses clients la TVA rappelée. L'argument repris in extenso dans les conclusions du Rapporteur public a, sans nul doute, permis de faciliter l'orientation des débats.

III - Quelles perspectives pratiques ?

En étendant le pouvoir de contrôle du juge administratif sur tout acte décisoire qui, rappelons-le, "aurait pour effet, en pratique, de faire peser sur le contribuable de lourdes sujétions, de le pénaliser significativement sur le plan économique ou encore de le faire renoncer à un projet important pour lui ou de l'amener à modifier substantiellement un tel projet", le Conseil d'Etat propose, aux contribuables et à leurs conseils, une avancée historiquement importante en matière de contestation fiscale, puisque seules les décisions litigieuses portant impositions pouvaient être préalablement soumises à l'appréciation du juge administratif (7).

Néanmoins, ce nouveau cadre reste bien entendu limité par deux aspects : d'une part, la prise de position de l'administration doit être formalisée (gageons que la jurisprudence nous fournira les contours nécessaires à l'identification d'une bonne formalisation) et, d'autre part, les effets de cette prise de position, valant décision, doivent être "lourds", "significatifs", "substantiels", "importants" pour reprendre les termes de l'arrêt de la Haute assemblée. Il apparaît ainsi que toute prise de position formalisée est une "décision" au sens de l'arrêt. A ce titre, il semble utile de rappeler la définition, que fait sienne le Rapporteur public, d'un acte décisoire du Professeur Chapus qui revêt une telle qualité dès lors que "la manifestation de volonté de son auteur se traduit par l'édiction d'une norme destinée à modifier l'ordonnancement juridique ou bien, au contraire, à le maintenir en l'état" (8). De manière complémentaire, il est important de noter que la prise de position formalisée doit avoir usé toutes les voies de recours administratives qui sont offertes pour être contestables (9).

A n'en pas douter, l'arrêt du 2 décembre 2016 s'inscrit dans l'esprit du grand arrêt "Dame Lamotte" selon lequel toute décision administrative peut faire l'objet, même dans le silence des textes, d'un recours pour excès de pouvoir (CE Ass., 17 février 1950, n° 86949, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A1567B8K, p. 110, RD publ., 1951, n° 478).

De manière intéressante, il suggère même que, dans certaines situations d'urgence, il pourrait être envisageable d'actionner la procédure de référé suspension si un projet risquait d'être compromis par un rescrit de l'administration. Enfin, si le contribuable se conforme à une décision de rescrit laquelle serait illégale, s'il subit de ce fait un préjudice (perte d'opportunité, distorsion de concurrence), une action en responsabilité de l'Etat pourrait être envisagée.

Les enseignements de cet arrêt restent nombreux, techniques mais aisément appréhendables. En revanche, leur portée ne connaîtra de limites que celle posée par l'imagination des praticiens et l'analyse du juge administratif. L'administration, quant à elle, verra ses actes non porteurs d'imposition contrôlés au même titre que ses décisions classiquement contestées devant le juge du plein contentieux. A n'en pas douter, elle devra muscler ses procédures arrêtant ses prises de position, ce qui inclut également sa doctrine administrative (BOFiP) qui, rappelons-le, peut déjà subir la procédure de recours pour excès de pouvoir en cas de prescription générale et contraignante (CE 8° et 3° s-s-r., 19 février 2003, n° 235697, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A2732A7C). Il est encore difficile de dire jusqu'à quel point cet arrêt chamboulera les rapports de force entre administration et administré. A contrario, il risque également de raviver un intérêt certain pour la procédure de rescrit qui connaissait, dans certains cas (exemple : rescrit valeur de l'article L. 18 du LPF N° Lexbase : L4734ICC), une déshérence avérée de la part des contribuables.


(1) La définition fiscale d'un livre est donnée aujourd'hui par la doctrine administrative (BOI-TVA-LIQ-30-10-40 du 15 juillet 2013 N° Lexbase : X5048ALK) qui tire ses principales dispositions textuelles de l'ancienne doctrine, BOI 3 C-4-05 n° 82 du 12 mai 2005 (N° Lexbase : X0808ADB), applicable aux moments des faits du cas d'espèce. Rappelons qu'au sens de cette doctrine, "un livre est un ensemble imprimé, illustré ou non, publié sous un titre, ayant pour objet la reproduction d'une oeuvre de l'esprit d'un ou plusieurs auteurs en vue de l'enseignement, de la diffusion de la pensée et de la culture". Par ailleurs, cette définition s'apprécie, de manière casuistique, au regard de quatre critères qui doivent être cumulativement respectés : l'ouvrage doit (i) être constitué d'éléments imprimés, (ii) reproduire une oeuvre de l'esprit, (iii) ne pas présenter un caractère commercial ou publicitaire marqué et (iv) ne pas contenir un espace important destiné à être rempli par le lecteur.
(2) L'article a été remplacé, par la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 (N° Lexbase : L9357ITQ), par l'article 278-0 bis du CGI (N° Lexbase : L2958LCK) auquel le 3° du A énonce que la TVA est perçue au taux réduit de 5,5 % en ce qui concerne les livres, y compris leur location. Le présent 3° s'applique aux livres sur tout type de support physique, y compris ceux fournis par téléchargement.
(3) CAA Paris, 19 décembre 2014, n° 13PA01232 (N° Lexbase : A7636M9P), 13PA01235 (N° Lexbase : A7925M9E), 13PA01236 (N° Lexbase : A7759M9A), 13PA01237 (N° Lexbase : A7772M9Q), 13PA01238 (N° Lexbase : A7871M9E), 13PA01239 (N° Lexbase : A7887M9Y), 13PA01240 (N° Lexbase : A7837M97), 13PA01241 (N° Lexbase : A7863M94).
(4) La société a fait appel de la prise de position administrative sur la base de deux moyens juridiques : un premier déjà évoqué qui consiste à argumenter que ses revues remplissent la définition fiscale du livre et sont ainsi éligibles au taux réduit de TVA de 5,5 % (et non pas au taux de droit commun de 19,6 %) et un second, bien plus bancal, à notre avis, qui a continué à lui être refusé en cour administrative d'appel, qui est celui de l'erreur de régime, la société ayant argumenté qu'elle ne souhaitait potentiellement plus être régie par le régime de TVA du "livre" mais par celui des publications de presse. En effet, de manière, sans nul doute, assez maladroite, la société avait demandé à la Direction régionale des Finances publiques d'Ile-de-France que lui soit appliqué le taux réduit applicable aux "livres" sans pour autant que ne lui soit remis en cause le taux de 2,1 % applicable aux publications de presse, pendant toute la période pendant laquelle elle avait pu l'appliquer et qui était antérieure à sa demande de rescrit.
(5) La première affaire avait trait à un communiqué de presse de l'Autorité des marchés financiers qui visait à avertir les investisseurs quant à des produits de placement immobilier commercialisés, selon ses mots, de manière "très active par des personnes tenant des discours parfois déséquilibrés au regard des risques encourus". La seconde affaire s'intéressait à une disposition jugée erronée par la société demanderesse qui lui avait été imposée par l'Autorité de la concurrence lors d'un rachat de sociétés.
(6) Voir O. Fouquet, Le droit souple : quel avenir fiscal ?, Droit fiscal, n° 17, avril 2016, comm. 297. Ou encore, Conséquences sur la connexion comptabilité et fiscalité des décisions du Conseil d'Etat du 21 mars 2016 : P. Michaud interroge le président O. Fouquet sur le droit souple fiscal, Etudes fiscales internationales, 5 mai 2016, p. 4.
(7) A noter que les refus d'agrément, difficiles à classer car impliquant une (remise d')imposition, pouvaient faire l'objet de recours en excès de pouvoir.
(8) R. Chapus, Droit administratif général, tome I, n° 555, LGDJ, 10ème éd..
(9) Il y a fort à parier que l'épuisement des voies de recours administratifs ne restera pas longtemps l'unique critère de la "bonne formalisation" d'une décision.

newsid:456399

Procédures fiscales

[Brèves] Inopérance d'un moyen tiré des irrégularités commises dans la procédure de transaction présenté à l'appui de conclusions tendant à la décharge d'impositions

Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 18 janvier 2017, n° 386434, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3261S9N)

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par Jules Bellaiche

Le 27 Janvier 2017

La décision par laquelle l'administration fiscale rejette une demande de transaction présentée par un contribuable ne peut être contestée que par la voie d'un recours pour excès de pouvoir ; par suite, le contribuable ne peut utilement invoquer devant le juge de l'impôt les éventuelles irrégularités commises dans la procédure de transaction à l'appui de ses conclusions en décharge des impositions en litige. Telle est la solution retenue par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 18 janvier 2017 (CE 9° et 10° ch.-r., 18 janvier 2017, n° 386434, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3261S9N). En l'espèce, la société requérante a sollicité la conclusion d'une transaction, par courrier en date du 21 octobre 2008. Le 5 novembre suivant, l'administration a adressé à la société une proposition de transaction par laquelle, en contrepartie de l'acceptation des redressements, les trois quarts des pénalités en cause lui étaient remis et un échéancier de paiement de six mois lui était accordé. Le 18 novembre, le conseil de la société a, de nouveau, saisi l'administration d'une demande de transaction, sans se référer à la proposition du 5 novembre. Le 4 décembre, il a répondu au courrier du 5 novembre proposant la transaction. Le 22 décembre 2008, l'administration a mis en recouvrement les impositions et pénalités litigieuses. Le 6 janvier 2009, enfin, elle a adressé à la société un courrier lui indiquant que, celle-ci n'ayant pas accepté la proposition qui lui avait été faite, sa demande de transaction était rejetée. Pour la Haute juridiction, qui a donné raison à l'administration, la demande de saisine du supérieur hiérarchique ayant été présentée par le contribuable dans le cadre de la procédure transactionnelle, l'administration n'avait pas entaché d'irrégularité la procédure d'imposition en litige en s'abstenant de donner suite à cette demande. Egalement, l'administration avait donc pu régulièrement mettre en recouvrement les impositions avant qu'une réponse ne fût apportée aux observations du requérant sur la proposition de transaction .

newsid:456387

Rel. collectives de travail

[Brèves] De la possibilité pour une organisation syndicale représentative au niveau d'une académie de siéger dans la commission académique correspondante créée par accord national professionnel

Réf. : Cass. soc., 18 janvier 2017, n° 15-20.549, FS-P+B (N° Lexbase : A7014S9N)

Lecture: 2 min

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par Blanche Chaumet

Le 27 Janvier 2017

Quelle que soit sa qualification, un accord national conclu entre les maîtres et les chefs d'établissement des établissements catholiques de l'enseignement du second degré qui institue, au niveau de chaque académie, des commissions disposant de prérogatives dans l'organisation du mouvement annuel du personnel, composées de représentants désignés par les organisations syndicales en fonction de leur représentativité, ne peut priver une organisation syndicale, représentative au niveau d'une académie, de la possibilité de siéger dans la commission académique correspondante. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 18 janvier 2017 (Cass. soc., 18 janvier 2017, n° 15-20.549, FS-P+B N° Lexbase : A7014S9N).
Un accord national professionnel sur l'organisation de l'emploi des maîtres des établissements catholiques d'enseignement du second degré sous contrat d'association a été conclu le 12 mars 1987, et modifié la dernière fois le 12 novembre 2009, entre les chefs d'établissement, représentés par les organisations syndicales représentatives de la profession, les maîtres représentés par les organisations nationales représentatives de droit ou dans la profession et le secrétariat général de l'enseignement catholique. Il prévoit la création dans chaque académie d'une commission académique de l'emploi, composée de représentants des maîtres et des chefs d'établissement, les représentants des maîtres disposant de neuf sièges, répartis entre les organisations syndicales représentatives de droit ou dans la profession au niveau national, et signataires de l'accord. Se prévalant de sa représentativité au niveau de l'académie de Toulouse, le syndicat SUNDEP a demandé à siéger dans la commission académique de l'emploi de Toulouse, ce qui lui a été refusé. Il a saisi la juridiction prud'homale à cet effet.
Pour rejeter cette demande, la cour d'appel (CA Toulouse, 30 avril 2015, n° 13/05565 N° Lexbase : A3794NHY) retient que l'accord de 1987 n'a pas été signé entre l'Etat, employeur des maîtres, et les organisations syndicales de salariés, qu'il ne s'agit pas d'un accord collectif au sens du Code du travail, que le principe d'égalité ne s'applique pas, qu'il résulte de l'article L. 442-5 du Code de l'éducation (N° Lexbase : L2176ICL) que les dispositions du droit du travail ne s'appliquent qu'aux élections des délégués du personnel et aux élections au CHSCT et au comité d'entreprise, que les commissions administratives de l'emploi qui n'ont pas été mises en place par la loi mais ont été créées par l'enseignement catholique et lui sont propres, ne sont pas des institutions représentatives du personnel et n'ont pas vocation à être régies par le Code du travail, et que le principe de concordance n'a pas lieu à s'appliquer. Le syndicat s'est alors pourvu en cassation.
En énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction casse l'arrêt d'appel au visa de l'alinéa 8 du Préambule de la Constitution de 1946 (N° Lexbase : L6821BH4).

newsid:456345

Rémunération

[Jurisprudence] La remise en question des critères de qualification des remboursements de frais professionnels

Réf. : Cass. soc., 11 janvier 2017, n° 15-23.341, FP+P+B+R+I (N° Lexbase : A4924S47)

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N6350BW4

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par Sébastien Tournaux, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux

Le 26 Janvier 2017

Les sommes versées aux salariés au titre du remboursement de frais professionnels sont longtemps restées dans un certain flou, faute que le législateur se soit véritablement intéressé à la question. Depuis la fin du XXème siècle, on sait, toutefois, que les frais professionnels ne doivent pas être mis à la charge du salarié. Par ailleurs, ils ne doivent pas être assimilés à des rémunérations, ce qui impliquent qu'ils ne doivent pas être intégrés dans l'assiette du SMIC, dans l'assiette des cotisations sociales, ni pris en compte dans le calcul de différentes sommes assises sur la rémunération telles que, par exemple, les indemnités de congés payés ou les indemnités maladie. A défaut de critères clairs, la Chambre sociale a, toutefois, varié dans les qualifications retenues, et c'est à un nouveau changement que procède un arrêt rendu le 11 janvier 2017, auquel est conféré le plus haut degré de publicité. La Chambre sociale juge que, malgré leur caractère forfaitaire et l'absence d'exigence de justificatif des dépenses engagées, une prime de panier qui compense le surcoût d'un repas consécutif à des horaires atypiques et une indemnité de transport qui indemnise les frais de déplacement domicile/travail constituent des remboursements de frais professionnels et non des compléments de salaire (I). Les critères employés par la Chambre sociale ne sont pas tous convaincants : s'il semble, en effet, approprié de ne pas prendre en considération le caractère forfaitaire ou justifié des sommes versées, le lien établi avec leur objet semble plus fragile (II).
Résumé

Une prime de panier et une indemnité de transport ayant pour objet, pour la première, de compenser le surcoût du repas consécutif à un travail posté, de nuit ou selon des horaires atypiques, pour la seconde, d'indemniser les frais de déplacement du salarié de son domicile à son lieu de travail, constituent, nonobstant leur caractère forfaitaire et le fait que leur versement ne soit soumis à la production d'aucun justificatif, un remboursement de frais et non un complément de salaire.

Commentaire

I - Le changement de qualification des primes de panier et indemnités de déplacement

Assiette de calcul des indemnités versées au salarié absent. L'article L. 3141-22 du Code du travail (N° Lexbase : L3940IBK), devenu l'article L. 3141-24 (N° Lexbase : L6925K9D) après la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels (N° Lexbase : L8436K9C), détaille les sommes qui constituent l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés d'un salarié. L'indemnité doit être calculée à partir de la rémunération brute totale versée au salarié au cours de la période de référence, celle-ci incluant la précédente indemnité de congés payés et les contreparties financières versées en contrepartie de la réalisation d'astreintes. L'ancien article L. 3141-23 (N° Lexbase : L0573H94) ajoutait que l'indemnité devait tenir compte des avantages accessoires et des prestations en nature dont le salarié ne bénéficie pas pendant la prise de congé. Ces textes ne visaient pas les remboursements de frais professionnels qui sont donc exclus de l'assiette de calcul de l'indemnité.

En cas d'absence pour maladie, l'employeur est tenu de verser au salarié une indemnité complémentaire aux indemnités journalières de Sécurité sociale (1). Les articles D. 1226-1 (N° Lexbase : L2569IAE) et suivants du Code du travail précisent les modalités de calcul de cette indemnité assise sur la rémunération brute que le salarié aurait perçue s'il avait continué à travailler. Là encore, les remboursements de frais professionnels n'étant pas constitutifs d'une rémunération, ils ne doivent pas être pris en compte dans le calcul de l'indemnité. Des stipulations conventionnelles améliorent, parfois, le mode de calcul légal, comme cela est le cas de l'article 7 de l'accord national du 10 juillet 1970, sur la mensualisation du personnel ouvrier, conclu dans la branche de la métallurgie. Ce texte s'intéresse, lui aussi, à l'assiette de calcul de l'indemnité en stipulant que "la rémunération à prendre en considération est celle correspondant à l'horaire pratiqué, pendant son absence, dans l'établissement ou partie d'établissement", sans évoquer le sort des remboursements de frais professionnels.

Par principe, les remboursements de frais professionnels semblent donc exclus de l'assiette de calcul de ces indemnités, mais encore faut-il s'entendre sur les caractères de ce type de sommes.

Définition des frais professionnels. Les textes du Code du travail ne font que rarement référence aux frais professionnels.

Les articles L. 3261-1 (N° Lexbase : L1023H9R) et suivants évoquent la prise en charge par l'employeur des frais de transport du salarié de sa résidence habituelle au lieu de travail. Les sommes versées à titre de remboursement de frais sont expressément exclues de l'assiette de calcul du SMIC par l'article D. 3231-6 (N° Lexbase : L9056H9B) du Code du travail.

Le droit de la Sécurité sociale est plus disert et l'on trouve, en particulier, des éléments de définition dans un arrêté du 20 décembre 2002, relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de Sécurité sociale (N° Lexbase : L0307A9A), qui dispose que "les frais professionnels s'entendent des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi du travailleur salarié ou assimilé que celui-ci supporte au titre de l'accomplissement de ses missions". L'article 2 de ce texte précise que les remboursements de frais professionnels peuvent prendre la forme de remboursements par l'employeur "des dépenses réellement engagées par le travailleur" ou d'une allocation forfaitaire, "sous réserve de l'utilisation effective de ces allocations forfaitaires conformément à leur objet". Il convient donc que des frais aient véritablement été engagés par le salarié pour que l'allocation forfaitaire soit exclue de l'assiette des cotisations. Dans le cas contraire, les sommes versées sont qualifiées de complément de salaire (2).

Davantage que la forme des sommes versées, forfaitaires ou non, c'est donc l'objet des dépenses engagées par le salarié qui serait déterminant de leur qualification de frais professionnels (3). Lorsque ces sommes répondent à des charges spéciales inhérentes aux fonctions ou à l'emploi du salarié, qu'il supporte en raison de la réalisation de ses missions, de son travail, elles sont alors qualifiées de remboursements de frais professionnels.

Zone grise : les indemnités compensant une sujétion particulière. Entre les rémunérations, seules prises en compte pour le calcul de l'indemnité de congés payés dans l'assiette des cotisations, et les frais professionnels qui en sont exclus, est peu à peu apparue une troisième catégorie de sommes que la Cour de cassation qualifie d'indemnités compensant une sujétion particulière subie par le salarié.

Cette qualification a notamment donné lieu à débat s'agissant du versement aux salariés d'une prime de panier. Lorsque cette prime venaient compenser des sommes véritablement engagées par le salarié, elle revêtait la qualification de remboursement de frais professionnel malgré son caractère forfaitaire. En revanche, si la somme ne correspond pas à de véritables débours du salarié, l'indemnité de repas compense une sujétion particulière et constitue alors un complément de salaire (4). Tel est le cas, par exemple, d'une prime de panier servie aux salariés en raison de leurs horaires continus et non de sommes réellement engagées (5).

Plus étonnant, la Chambre sociale de la Cour de cassation tenait parfois compte du caractère forfaitaire des sommes versées pour leur refuser la qualification de remboursement de frais professionnels. Elle jugeait, par exemple, en 2012, que la prime de panier, fixée de manière forfaitaire, compense une sujétion particulière de l'emploi, de sorte qu'elle ne correspond pas à un remboursement de frais mais constitue un complément de salaire (6).

L'affaire. En application de stipulations conventionnelles, les salariés d'une entreprise du secteur de la métallurgie percevaient une prime de panier de jour, une prime de panier de nuit et une indemnité de transport. La Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT saisit le tribunal de grande instance afin qu'il enjoigne l'employeur d'inclure ces primes et indemnités dans l'assiette de calcul de l'indemnité de maintien de salaire en cas de maladie, prévue par l'article 7 de l'accord du 10 juillet 1970, et de l'indemnité de congés payés.

Les juges d'appel font droit à la demande du syndicat en jugeant que les salariés travaillaient selon des horaires atypiques, de manière postée ou la nuit, que ces primes avaient un caractère forfaitaire et étaient versées sans que les salariés n'aient à produire de justificatifs de leurs dépenses, si bien qu'il s'agissait de sommes octroyées en considérations de sujétions liées à l'organisation du travail et qu'elles constituaient un complément de salaire.

Par un arrêt rendu le 11 janvier 2017, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse cette décision au visa de l'article L. 3141-22 du Code du travail (7) et de l'article 7 de l'accord national sur la mensualisation du 10 juillet 1970. La Chambre sociale juge qu'"une prime de panier et une indemnité de transport ayant pour objet, pour la première, de compenser le surcoût du repas consécutif à un travail posté, de nuit ou selon des horaires atypiques, pour la seconde d'indemniser les frais de déplacement du salarié de son domicile à son lieu de travail, constituent, nonobstant leur caractère forfaitaire et le fait que leur versement ne soit soumis à la production d'aucun justificatif, un remboursement de frais et non un complément de salaire".

II - Les critères de qualification de la prime de panier et de l'indemnité de déplacement

Le refoulement du caractère forfaitaire. Contrairement à la position adoptée en 2012, la Chambre sociale réfute donc l'argument tiré du caractère forfaitaire de ces primes et indemnités pour déterminer si les sommes versées constituent des frais professionnels ou des compléments de salaire. Cette position nous semble justifiée.

En effet, l'arrêté du 20 décembre 2002, précédemment évoqué, précise, très clairement, que des sommes peuvent être qualifiées de remboursements de frais professionnels nonobstant leur caractère forfaitaire. Quoiqu'il ne soit nullement visé ou invoqué par la Chambre sociale et que l'affaire ne porte clairement pas sur un litige relatif aux cotisations de Sécurité sociale, il s'agit de l'un des rares textes précisant la définition des frais professionnels. Quoique distinctes, les notions de rémunération en droit du travail et en droit de la Sécurité sociale demeurent proches, et l'on peut donc admettre que le caractère forfaitaire soit, en principe, indifférent pour l'un comme pour l'autre.

Si l'on continue de suivre ce texte, le caractère forfaitaire ne fait pas obstacle à la qualification de frais professionnels, à condition d'une "utilisation effective de ces allocations forfaitaires conformément à leur objet". Ici, à première vue, le raisonnement de la Chambre sociale pourrait être critiqué puisqu'elle juge indifférent le fait que les sommes soient versées sans être soumises à la production d'aucun justificatif. Une réponse peut, toutefois, être à nouveau trouvée dans le texte de l'arrêté dont les articles 3 et suivants présument de l'utilisation conforme à leur objet de différents types d'indemnités forfaitaires (repas, déplacement, etc.), à condition que le montant de ces plafonds n'excède pas certains montants. L'existence d'une justification des dépenses engagées n'est donc pas toujours nécessaire, mais la cour de renvoi pourrait vérifier que les montants fixés par l'arrêté n'ont pas été dépassés car, dans le cas contraire, une justification pourrait être nécessaire.

La référence à l'objet des sommes versées. Puisque le caractère forfaitaire est, en principe, sans importance sur la qualification de frais professionnels, c'est à un autre critère que la Chambre sociale choisit de s'intéresser, celui tiré de l'objet des sommes versées.

La prime de repas a, aux yeux de la Chambre sociale, pour objet "de compenser le surcoût du repas consécutif à un travail posté, de nuit ou selon des horaires atypiques", tandis que l'indemnité de déplacement indemnise "les frais de déplacement du salarié de son domicile à son lieu de travail". Les finalités de ces sommes permettraient, ainsi, de les qualifier de remboursements de frais professionnels.

Ce raisonnement est-il conforme aux termes de l'article 1er de l'arrêté qui dispose que, sont des frais professionnels les "charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi du travailleur salarié ou assimilé que celui-ci supporte au titre de l'accomplissement de ses missions" ? L'argument convainc pour les primes de repas puisque le travail posté, de nuit ou selon des horaires atypiques, peut imposer au salarié des frais de repas qu'il n'aurait pas engagé s'il avait travaillé selon des horaires plus classiques, s'il avait pu déjeuner chez lui ou dans le restaurant de l'entreprise, par exemple.

L'argument est, sans autre précision, plus discutable s'agissant des frais de déplacement du salarié de son domicile à son lieu de travail. Les frais de déplacement pour se rendre à son travail sont-ils des charges de caractère spécial ? On peut l'entendre lorsqu'il s'agit de déplacement occasionnellement ou exceptionnellement longs, mais faut-il retenir cette conception de frais de déplacement "normaux", depuis le lieu de résidence au lieu de travail habituels ?

Considérer que l'indemnité de déplacement versée de manière forfaitaire, sans circonstance de distance ou de durée particulière, soit toujours qualifiée de remboursement de frais professionnels pourrait, par ailleurs, avoir un effet pervers. Faudra-t-il considérer, à l'avenir, que les sommes engagées par le salarié pour son trajet domicile-travail sont des frais professionnels et que, en vertu du principe selon lequel les frais professionnels ne peuvent être mis à la charge du salarié, l'employeur devra l'indemniser de ces frais (8) ?

La question est déjà, en partie, réglée par le Code du travail qui impose à l'employeur de prendre en charge une partie des frais de transport public (9) et lui donne la possibilité de prendre en charge une partie des dépenses liées à l'utilisation d'un vélo ou des frais de carburant du salarié (10). On doute, toutefois, que la Chambre sociale entende généraliser le principe de la prise en charge de tous frais de déplacement du salarié de son domicile au travail puisque le législateur ne pose pas ce principe de manière générale (11). La solution consistant à considérer qu'une indemnité de déplacement "indemnisant les salariés des frais de déplacement entre leur domicile et leur lieu de travail" constitue des frais professionnels pourrait alors entrer en contradiction avec l'absence de prise en charge, par principe, des déplacements au titre des frais professionnels.


(1) C. trav., art. L. 1226-1 (N° Lexbase : L8858KUM).
(2) Cass. soc., 17 décembre 2004, n° 04-44.103, FS-P+B (N° Lexbase : A6296DEW) et les obs. de Ch. Radé, Lexbase, éd. soc., n° 149, 2005 (N° Lexbase : N4188ABQ).
(3) G. Vachet, La notion de frais professionnels au regard du droit social, JCP éd. S, 2011, 1129.
(4) V. Cass. soc., 1er avril 1992, deux arrêts, n° 88-40.108 (N° Lexbase : A4394ABD) et n° 88-42.067 (N° Lexbase : A1883ABD).
(5) Cass. soc., 6 février 1992, n° 90-10.540 (N° Lexbase : A2107AG7).
(6) Cass. soc., 21 novembre 2012, n° 10-21.397, FS-D (N° Lexbase : A5046IX8) ; JCP éd. S, 2013, 1056, note G. Vachet.
(7) Même si la Chambre sociale ne le précise pas, il semble qu'il faille lire ce texte dans sa rédaction antérieure à l'adoption de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels (N° Lexbase : L8436K9C).
(8) "Il est de principe que les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent lui être remboursés", Cass. soc., 25 février 1998, n° 95-44.096 (N° Lexbase : A5375AC3) ; Cass. soc., 9 janvier 2001, n° 98-44.833, publié (N° Lexbase : A2029AIY), Dr. soc., 2001, p. 441, obs. J. Mouly ; RTD civ., 2001, p. 699, obs. N. Molfessis.
(9) C. trav., art. L. 3261-1 (N° Lexbase : L1023H9R).
(10) C. trav., art. L. 3261-3 (N° Lexbase : L7787IMD) et L. 3261-3-1 (N° Lexbase : L3808KWX).
(11) V., par ex., Cass. soc., 25 juin 2007, n° 06-41.006, F-D (N° Lexbase : A9506DWY) et les obs. de G. Auzero, Lexbase, éd. soc., n° 268, 2007 (N° Lexbase : N7860BBQ).

Décision

Cass. soc., 11 janvier 2017, n° 15-23.341, FP+P+B+R+I (N° Lexbase : A4924S47).

Cassation (CA Paris, 28 mai 2015, Pôle 6, 2ème ch., n° 13/07973 N° Lexbase : A3796NKS).

Textes visés : C. trav., art. L. 3141-22 (N° Lexbase : L6927K9G) ; accord national sur la mensualisation du 10 juillet 1970, art. 7.

Mots-clés : indemnité de congés payés ; indemnité maladie ; frais professionnels.

Liens base : (N° Lexbase : E0809ET7) et .

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Rémunération

[Brèves] De la fixation des conditions relatives au versement de la prime de partage des profits d'une société appartenant à un groupe au sein duquel un comité de groupe a été constitué

Réf. : Cass. soc., 18 janvier 2017, n° 15-24.050, FS-P+B (N° Lexbase : A6976S9A)

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N6346BWX

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par Blanche Chaumet

Le 28 Janvier 2017

Dès lors qu'une société appartient à un groupe au sein duquel un comité de groupe a été constitué, les conditions relatives au versement de la prime de partage des profits sont exclusivement fixées par les dispositions de l'alinéa 2 du II de l'article 1er de la loi n° 2011-894 du 28 juillet 2011, de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2011 (N° Lexbase : L8284IQU), quand bien même la filiale concernée était détenue par une société étrangère. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 18 janvier 2017 (Cass. soc., 18 janvier 2017, n° 15-24.050, FS-P+B N° Lexbase : A6976S9A).
En l'espèce, le syndicat CGT de la société X a demandé l'ouverture de négociations sur les conditions de versement de la prime de partage des bénéfices prévue par la loi n° 2011-894 du 28 juillet 2011. La société ayant fait connaître que les conditions de versement de cette prime n'étaient pas réunies, le syndicat a saisi le tribunal de grande instance.
La cour d'appel ayant débouté le syndicat de ses demandes tendant à faire juger que les conditions de versement de la prime de partage des profits étaient réunies pour la société X, ce dernier s'est pourvu en cassation.
Cependant, en énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction rejette le pourvoi.

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