La lettre juridique n°366 du 8 octobre 2009

La lettre juridique - Édition n°366

Éditorial

Avocat, au-delà de la radicule, le cotylédon : éveil d'une communauté de juristes

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 27 Mars 2014


"Il n'y a plus de corporations dans l'Etat ; il n'y a plus que l'intérêt de chaque individu et l'intérêt général. Il n'est permis à personne d'inspirer aux autres citoyens un intérêt intermédiaire, de les séparer de la chose publique par un esprit de corporation". Fallait-il que Isaac-René-Guy Le Chapelier, inspirateur de la loi de 1791 interdisant les associations et les corporations, fut avocat, pour oublier, tel un cordonnier -bien qu'il fut plutôt Jacobin- mal chaussé, qu'une corporation peut avoir aussi comme ambition noble, la promotion de l'intérêt général -en l'occurrence celle du droit, des libertés fondamentales et de l'efficacité de la justice-.

Certes, la profession d'avocat, réunie autour des Ordres, de la Conférence des Bâtonniers et du Conseil national des Barreaux sait défendre ses intérêts et, à travers eux, l'intérêt général. Car, comme l'a sensiblement rappelé le Garde des Sceaux, lors de l'Assemblée générale du CNB, le 25 septembre dernier, sur lequel revient, cette semaine notre toute nouvelle édition professions : "Là où est la société est le droit. Là où est le droit est l'avocat". Et, de poursuivre : "Nos sociétés changent, les enjeux changent, les modalités de création et d'application du droit changent. Le métier d'avocat doit s'adapter, se moderniser, se diversifier". Le ton est donné -nous l'avions tout de même perçu auparavant-, la profession d'avocat, et plus généralement les professions du droit, sont "à la croisée des chemins", non pour accomplir une révolution, mais pour inventer le métier d'avocat de demain, lui pour lequel la capitulaire de Charlemagne de 802 et l'ordonnance de Philippe III le Hardi, organisant la profession, résonnent, encore parfois, comme le serment d'Hippocrate à l'oreille des médecins, pour mieux rappeler les siècles qui le contemplent.

Au menu de cette modernisation -que d'aucuns trouveront à marche forcée, mais qui pourtant aura été inspirée par un rapport remis au Président de la République par l'un des leurs, Jean-Michel Darrois-, le Président du CNB, Thierry Wickers, ne manqua pas de souligner la nécessité de faire naître en France une véritable communauté de juristes, à l'instar de ce qui existe dans la plupart des pays au monde. "L'homme ne peut rien faire en bien ou en mal qu'en s'associant. Il n'y a pas d'armure plus solide contre l'oppression ni d'outils plus merveilleux pour les grandes oeuvres", écrivait Pierre Waldeck-Rousseau, éminent avocat au barreau de Saint-Nazaire, à l'origine de la loi relative à la liberté des associations professionnelles ouvrières et patronales.

Ainsi, il convient, non seulement, de prévoir une formation professionnelle commune aux professions juridiques, mais aussi de favoriser la collaboration entre avocats et notaires. Renforcer la place du droit par un meilleur respect des conventions, tel est le but que permettra d'atteindre l'adoption de l'acte contresigné par avocat, introduit par le rapport "Darrois" et déjà en discussion parlementaire au travers la proposition de loi "Blanc". La procédure participative y contribuera également. Il s'agit pour les parties, assistées de leurs avocats, agissant dans le cadre d'une convention respectant le principe du contradictoire, et dans l'ombre portée du juge, de rechercher une solution à leur litige.

Dans le même sens, la proposition de loi du sénateur Béteille consacre la fusion entre avocats et les conseils en propriété intellectuelle. Et, si la fusion entre avocats et avoués, qui n'entrera en vigueur qu'au 1er janvier 2011, est déjà sur les rails, le rapport "Darrois" tente aussi de répondre à une question qui donne lieu à des débats particulièrement vifs : celle de l'exercice de la profession d'avocat en entreprise -sur lequel l'Association française des juristes d'entreprise arécemment donné son sentiment (cf. notre édition professionnelle de la semaine dernière)-.

Mais attention, comme le soulignait judicieusement le ministre de la Justice, "la fusion n'est pas l'alpha et l'oméga du rapprochement des professions". "Ce qui rapproche, ce n'est pas la communauté des opinions, c'est la consanguinité des esprits" ironisait Marcel Proust dans A la recherche du temps perdu. L'histoire de chaque profession juridique est ancienne, riche et singulière ; elle mérite d'être respectée, car elle a contribué à l'émergence, puis la défense, de la démocratie, de l'Etat de droit et, ce faisant, des libertés fondamentales. Et, chacun conviendra, avec le cardinal Mazarin, que "dans une communauté d'intérêts, il y a danger dès qu'un membre devient trop puissant"... C'est donc un savant dosage entre rapprochement des professions, cohésion de la communauté des juristes, et respect des identités professionnelles que le Gouvernement, à travers son arsenal législatif et réglementaire, aura les moyens d'ancrer le métier d'avocat dans le XXIème siècle ; comme semble être l'ambition du nouveau garde des Sceaux. Il ne s'agit pas de rire devant La Farce de Maître Pathelin, et qu'"à malin, malin et demi".

En attendant, les regroupements d'avocats sont un facteur de modernisation de la profession et une réponse à la concurrence internationale. Et, ces regroupements peuvent prendre la forme d'associations pour la réflexion juridique, dans de nouveaux domaines du droit applicable à de nouvelles activités économiques. Cyberlex est l'une de ces associations, véritable lieu d'échanges, où chacun s'exprime et tous débattent sur les orientations législatives, les affaires en cours, les prises de positions des acteurs, l'économie du numérique et les incidences des innovations technologiques sur le droit. Elle a pour particularité de réunir tous les profils des acteurs concernés : juristes d'entreprise ou d'organisations professionnelles, avocats et professionnels du marché et des technologies numériques. C'est parce que cette association s'inscrit dans le cadre d'un lieu d'échange interprofessionnel juridique que Lexbase - édition professions a rencontré le nouveau président de Cyberlex, Maître Jean-Marc Coblence, avocat associé du cabinet Coblence.

"Le droit est la plus puissante des écoles de l'imagination. Jamais poète n'a interprété la nature aussi librement qu'un juriste la réalité", écrivait Jean Giraudoux, dans La Guerre de Troie n'aura pas lieu. Au-delà des murailles, c'est cette imagination dont les professionnels du droit ont besoin, aujourd'hui, pour élaborer la carte professionnelle juridique de demain.

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Avocats

[Evénement] Assemblée générale extraordinaire du CNB du 25 septembre 2009 - L'union fait la force

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par Anne Lebescond, Journaliste juridique

Le 07 Octobre 2010

"Là où est la société est le droit. Là où est le droit est l'avocat. Notre société a, plus que jamais, besoin de ses avocats, parce que notre société a, plus que jamais, besoin du droit", a déclaré, à la grande satisfaction de l'assistance, le Garde des Sceaux, Michèle Alliot-Marie, lors de l'assemblée générale extraordinaire du Conseil National des Barreaux (CNB), tenue à la Maison de la Chimie, le 25 septembre 2009.
Etre là, c'est bien, le faire savoir c'est mieux. Le CNB, qui a poursuivi sa vaste campagne de communication initiée en 2004 (1), l'a compris, faisant de cet événement suffisamment médiatisé une tribune pour défendre la profession des nombreux assauts subis ces derniers mois, voire ces dernières années. L'occasion fut, ainsi, de passer en revue la majorité des propositions formulées dans le cadre de la réforme des professions du droit (2). Car, si le Gouvernement reconnaît l'importance du rôle social des avocats, il ne lui revient pas de moderniser seul la profession, comme l'a souligné le ministre de la Justice. Mais, pour faire efficacement entendre leur voix, les avocats doivent s'accorder, ce qui n'a pas toujours été une mince affaire.

Le mot d'ordre a, donc, été l'union. Dès l'introduction de la manifestation par Jean-Michel Darrois, unanimement plébiscité, puis lors de l'intervention de Thierry Wickers, président du Conseil, jusqu'à la clôture de l'événement par le Garde des Sceaux : unissez-vous et vous vaincrez. Il est vrai que les notaires ont adopté cette stratégie, qui s'est, jusqu'à présent, révélée payante.

Soit, mais comment s'y prendre et, surtout, derrière qui ? S'il a été soufflé dans la salle que la légitimité ne se déclare pas, mais s'acquiert, peu conteste encore celle du CNB. En tout cas, Madame le ministre, le président de la Conférence des bâtonniers et le Bâtonnier de l'Ordre des avocats au barreau de Paris n'en font pas partis. Ces deux derniers, membres de droit de l'institution depuis peu, exercent, également, les fonctions de vice-présidents de droit du bureau du Conseil, pour la durée de leur mandat. L'union est donc amorcée, le CNB parle, désormais, d'une seule voix, ainsi que l'a indiqué Jean Castelain, "Dauphin" de l'Ordre de Paris : les discussions auront lieu en interne et non plus par médias interposés.

Le porte-parole étant officiellement désigné, quels messages doit-il transmettre ?

Sur l'acte d'avocat (3) : Les intervenants (Michel Bénichou -président d'honneur du CNB et président de la Fédération des barreaux d'Europe-, Christophe Jamin -Directeur scientifique du CREA, professeur à Sciences-Po-, Andréanne Sacaze -président de la commission textes du CNB- et Jean-Jacques Uettwiller -avocat-) ont dénoncé les vives réactions des notaires, partis en croisade contre cette forme d'acte, depuis le communiqué du Président de la République du 26 août 2009, quant à son souhait de voir rapidement examinée la proposition de loi portant création de l'acte sous contreseing d'avocat, déposée sur le bureau de l'Assemblée nationale par le député UMP, Etienne Blanc. Le Conseil supérieur du notariat a récemment adressé à chaque parlementaire une lettre dénonçant une atteinte à la sécurité juridique des contrats et une déresponsabilisation de l'avocat. Selon eux, le régime prévu par la proposition de loi serait moins contraignant que celui imposé, aujourd'hui, par la jurisprudence. Ils ont, pour l'instant, obtenu que le texte ne soit pas inscrit à l'ordre du jour. Mais, l'assurance de la nécessité d'un tel acte en droit français et l'annonce par Michèle Alliot-Marie d'un examen de cette proposition de loi d'ici la fin de l'année ont, toutefois, entraîné la satisfaction de l'assistance.

Sur l'interprofessionnalité : A "la grande profession du droit", finalement rejetée dans le rapport "Darrois", s'est substituée la notion de "communauté de juristes", puisque l'interprofessionnalité a été préférée. Si la fusion des professions d'avocats et d'avoués doit entrer en vigueur le 1er janvier 2011, l'opportunité d'une fusion des conseils en propriété industrielle et des avocats (prévue dans la proposition de loi "Béteille") devrait être examinée par l'Assemblée avant 2010, aux dires du Garde des Sceaux. Le CNB envisage de remettre, lors de son assemblée du mois d'octobre, un rapport d'étape sur la possibilité pour les avocats d'exercer en entreprise, pour autant, il ne s'est pas prononcé sur la question du maintien des passerelles existantes en sens contraire (qui permettent aux juristes d'entreprise de devenir avocat). Enfin, la fusion des professions de notaire et d'avocat n'étant, à l'heure actuelle, pas envisageable, leur rapprochement doit, pour le moins, être renforcé.

Sur la formation : Le CNB (par les voix de Jean-François Lecas -président délégué de la commission formation du CNB-, Denis Lequai -trésorier du CNB- et Christophe Regnard -président de l'Union syndicale des magistrats-) a déclaré adhérer à la préconisation du rapport "Darrois" d'instituer une école commune à l'ensemble des professions du droit, qui dispensera une formation d'une année portant sur des matières transversales telles l'expertise comptable, la fiscalité, les langues étrangères, la culture juridique etc.. Les futurs avocats y apprendraient, également, à travailler en équipe. Le rapport "Darrois" met, en effet, l'accent sur l'importance du regroupement des professionnels (au sein d'associations par exemple) pour faire face à la forte concurrence que connaît l'avocature.

Le rapport prévoit que cet enseignement serait dispensé sur douze mois, à l'issue des études universitaires. Il constituerait un passage obligé entre les universités et les stages professionnels. Dans ce cadre, la question se pose du maintien des écoles de spécialisation existantes, en particulier, celui de l'Ecole nationale de la magistrature (ENM) et celui de l'Ecole de formation du barreau (EFB). Selon le CNB, il n'existe pas nécessairement d'incompatibilité à les conserver toutes les deux et instaurer parallèlement une formation commune. Deux pistes peuvent être explorées :

- soit, une école commune est créée, ce qui posera forcément les questions de son financement et de la durée totale des études ;

- soit, un tronc commun d'enseignement est mis en place parallèlement aux Master 1 et 2, cette dernière solution ayant la préférence du Conseil.

L'assistance a profité de l'occasion pour évoquer un autre sujet relatif à la formation : celui de la possibilité de créer une grande école nationale des avocats. Si certains y sont favorables, le Conseil y est réticent, tout comme le directeur de l'EFB de Paris, Gérard Nicolay, qui rappelle, déjà, les difficultés de gestion, eu égard au nombre important d'élèves-avocats.

Sur la gouvernance : L'intégration du président de la Conférence des bâtonniers et du Bâtonnier de l'Ordre des avocats au barreau de Paris comme membre de droit du CNB a été saluée par chacun, en ce qu'elle permet un renforcement de la représentation de la profession vis-à-vis des pouvoirs publics. Les avocats souffraient, jusqu'alors, de l'éparpillement des points de vue.

Concernant les ordres, le CNB s'est déclaré favorable à leur maintien, mais il estime que la création de structures intermédiaires au niveau régional est indispensable. Ces "ordres régionaux" (si cette terminologie est retenue) permettraient de mutualiser au mieux les moyens de chacun et de proposer des interlocuteurs privilégiés aux pouvoirs publics.

Enfin, les intervenants (Pascal Eydoux -président de la Conférence des bâtonniers-, Paul-Albert Iweins -président d'honneur du CNB- et Carlo Vermiglio -vice-président du Consiglio Nazionale Forense-) ont évoqué la création du Haut conseil du droit, en remplacement du Conseil national du droit, qui s'inscrirait dans l'effort d'interprofessionnalité voulu par la commission "Darrois". Si une grande profession du droit n'est pas envisageable, il faut a minima des structures communes. Ce conseil serait, notamment, en charge des questions ayant trait au rapprochement des notaires et des avocats, dont celle délicate du partage des tarifs.

Sur l'aide juridictionnelle : Le CNB a fermement fait connaître sa position ; il n'appartient pas aux professionnels du droit de financer l'aide juridictionnelle au-delà de ce qu'ils font déjà. L'Etat doit prendre des engagements en la matière. Michèle Alliot-Marie a, quant à elle, annoncé la mise en place, d'ici peu, d'un groupe de travail qui sera chargé de lui faire des propositions. Pour mémoire, le rapport "Darrois" préconisait, outre l'engagement de l'Etat, la création d'une taxe spéciale à percevoir de l'ensemble des professions du droit, par le Haut conseil du droit à créer.

Sur le rapport "Léger" : Si le rapport "Darrois" emporte l'adhésion de la profession sur la majorité de ses recommandations, les intervenants ont fustigé certains des points figurant au rapport "Léger", longuement évoqué au cours de l'événement. "Les propositions de supprimer le juge d'instruction, de confier le pouvoir d'enquête unique au procureur de la République, de faire du président de la cour d'assises un arbitre et d'introduire la reconnaissance de culpabilité en matière criminelle ne peuvent se concevoir qu'à la double et impérative condition d'être accompagnées d'un nouveau statut du parquet et d'un renforcement véritable des droits de la défense. Le refus de l'accès de l'avocat à tout ou partie de la procédure dès la première heure de garde à vue et au dossier de l'enquête pendant toute la garde à vue manifeste une défiance inacceptable à l'égard de la profession d'avocat" (4). A cela, le ministre de la Justice répond qu'un rapport reste un rapport et ne constitue en aucune façon une loi. La garantie du respect des droits de la défense et de ceux des victimes est "le premier objectif" ; "le rôle accru des avocats contribuera à renforcer les droits de la défense lors de la garde à vue. L'intervention de l'avocat aux auditions du mis en cause, sa mission d'assistance dans le cadre des interrogatoires si la garde à vue est prolongée font partie de la réflexion engagée".

Enfin, sur la question plus générale du renforcement de la place de l'avocat dans la société, le CNB regrette que la procédure prévue par la loi "Hadopi 2" (loi sur la protection pénale de la propriété littéraire et artistique) n'impose pas qu'il y soit associé. Il peut, cependant, se consoler : Michèle Alliot-Marie a indiqué que la proposition de loi "Béteille", relative à la procédure participative de négociation assistée par un avocat (forme de règlement amiable des litiges), devrait être discutée à l'Assemblée nationale d'ici la fin de l'année.

L'assemblée générale extraordinaire du CNB du 25 septembre 2009 s'inscrit dans les réflexions actuelles sur la réforme des professions juridiques. Le Conseil a pu, lors de cet événement, livrer ses différents points de vue et défendre les intérêts de la profession. Le timing est parfait : le ministre de la Justice a annoncé qu'un projet de loi visant à "une modernisation profonde de l'organisation et des moyens de la profession d'avocat" devrait être présenté au premier trimestre 2010, une fois aboutie la concertation annoncée par le Président de la République le 26 août dernier.


(1) Le CNB a, notamment, lancé la campagne de communication intitulée "La semaine des avocats et du droit", qui se déroulera du 16 au 20 novembre 2009 et qui sera annoncée le 12 novembre sur Europe 1. Il s'agit de mettre en place, au sein des ordres, des plateformes téléphoniques, afin que les citoyens puissent soumettre gratuitement leurs questions aux avocats. Ceci permettrait une meilleure visibilité de la profession.
(2) Lire nos obs., Concertation sur la réforme des professions du droit : réforme a minima ou simple étape ?, Lexbase Hebdo n° 1 du 1er octobre 2009 - édition professions (N° Lexbase : N9361BLB).
(3) Pour un point sur l'acte d'avocat, lire Le point sur l'acte contresigné par un avocat - questions à Maître Michel Bénichou, président de la Fédération des Barreaux d'Europe, Lexbase Hebdo n° 1 du 1er octobre 2009 - édition professions (N° Lexbase : N9384BL7)
(4) Cf. le communiqué du CNB du 1er septembre 2009, Le Conseil national des barreaux estime que toute réforme cohérente de la procédure pénale doit être fondée sur un renforcement des droits de la défense.

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Baux commerciaux

[Jurisprudence] Sur les conséquences de l'exercice du droit d'option

Réf. : Cass. civ. 3, 16 septembre 2009, n° 08-15.741, Société Institut conseil, FS-P+B (N° Lexbase : A0989EL9)

Lecture: 9 min

N0759BM3

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par Julien Prigent, Avocat à la cour d'appel de Paris, Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Baux commerciaux"

Le 07 Octobre 2010

Les frais qui sont mis à la charge du bailleur qui, exerçant son droit d'option, refuse le renouvellement du bail, sont exclusivement les frais exposés avant l'exercice de ce droit et non ceux d'une nouvelle procédure engagée postérieurement pour fixer le montant des indemnités d'éviction et d'occupation. Tel est l'enseignement inédit d'un arrêt de la Cour de cassation rendu le 16 septembre 2009. En l'espèce, par acte du 26 juillet 1999, le propriétaire de locaux à usage commercial donné à bail avait signifié à son preneur un congé avec offre de renouvellement, moyennant un certain loyer qui avait, ensuite, été fixé judiciairement. Le propriétaire avait exercé, le 24 juin 2002, son droit d'option comportant refus de renouvellement avec offre de paiement d'une indemnité d'éviction et avait assigné le locataire en fixation de cette indemnité et de l'indemnité d'occupation. Une expertise avait été ordonnée pour déterminer le montant de ces indemnités. En cause d'appel, et après expertise, ces indemnités avaient été fixées et les frais de cette expertise ont été répartis pour moitié entre le propriétaire et le locataire (CA Paris, 16ème ch., sect. B, 20 mars 2008, n° 06/17172, SARL Institut Conseil c/ Mme Claude Lahalle N° Lexbase : A6278D8Z). Le preneur s'est alors pourvu en cassation sur cette répartition des frais d'expertise en soutenant qu'ils devaient incomber dans leur intégralité au propriétaire.

I - Sur le mécanisme du droit d'option

Le droit d'option est un mécanisme particulier qui permet au bailleur ou au preneur d'un bail commercial de refuser le renouvellement alors que les parties étaient initialement d'accord sur le principe du renouvellement. Hormis l'hypothèse d'un accord express et amiable sur le renouvellement du bail commercial, qui peut même être stipulé dès la conclusion du contrat (Cass. civ. 3, 27 octobre 2004, n° 03-15.769, FS-P+B N° Lexbase : A7412DDU, nos obs., Rev. loyers, 2004/252, n° 20, p. 682,), un renouvellement peut s'opérer, soit par la délivrance d'un congé du bailleur portant offre de renouvellement (C. com., art. L. 145-9 N° Lexbase : L2243IBP), généralement avec une proposition de nouveau loyer, soit par l'acceptation, tacite ou expresse, du bailleur d'une demande de renouvellement (C. com., art. L. 145-10 N° Lexbase : L2308IB4).

A moins qu'un accord ne soit trouvé entre les parties sur le montant du loyer, l'acceptation du renouvellement pouvant s'effectuer sans cet accord, le juge des loyers est généralement saisi afin de fixer le montant du loyer en renouvellement (sur ce point, cf. l’Ouvrage "baux commerciaux", Le litige portant sur la détermination du loyer du bail révisé ou renouvelé : la compétence du président du TGI [LXB= E6901AZM]).

Cependant, même une fois amorcé, le processus de renouvellement du bail commercial n'est pas irrémédiable puisqu'aux termes du statut des baux commerciaux : "pendant la durée de l'instance relative à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé, le locataire est tenu de continuer à payer les loyers échus au prix ancien ou, le cas échéant, au prix qui peut, en tout état de cause, être fixé à titre provisionnel par la juridiction saisie, sauf compte à faire entre le bailleur et le preneur, après fixation définitive du prix du loyer.
Dans le délai d'un mois qui suit la signification de la décision définitive, les parties dressent un nouveau bail dans les conditions fixées judiciairement, à moins que le locataire renonce au renouvellement ou que le bailleur refuse celui-ci, à charge de celle des parties qui a manifesté son désaccord de supporter tous les frais
" (C. com., art. L. 145-57 N° Lexbase : L5785AI4).

Ce texte reconnaît aux parties un "droit d'option" qui leur permet, alors même qu'une instance en fixation du loyer en renouvellement serait en cours, de renoncer au renouvellement. Ce droit doit être exercé avant l'expiration du délai d'un mois courant à compter de la signification de la décision définitive statuant sur le montant du loyer en renouvellement. Si ce texte est rédigé de telle manière qu'il envisage l'exercice du droit d'option dans l'hypothèse où un jugement statuant sur le loyer en renouvellement serait rendu, la Cour de cassation a précisé que le délai d'un mois, dont dispose les parties pour exercer leur droit d'option, constituait une limite maximale pour renoncer au bénéfice du renouvellement et que les parties pouvaient l'exercer antérieurement (Cass. civ. 3, 9 octobre 1974, n° 73-11.561, Epoux Doléans c/ Maire d'Angers N° Lexbase : A8414AH4 ; Cass. civ. 3, 15 février 1983, n° 81-11.486, Consorts Auboin c/ Compagnie Assurances Le Nord N° Lexbase : A7589AG8 ; Cass. civ. 3, 2 décembre 1992, n° 90-18.844, Société Arts Litho c/ M. Leclert N° Lexbase : A3220ACA). L'absence de corrélation entre une procédure en fixation du loyer et le droit d'option a conduit la Cour de cassation a admettre que ce dernier pouvait être exercé même en présence d'une clause recettes (Cass. civ. 3, 24 novembre 2004, n° 03-14.620, FS-P+B N° Lexbase : A0368DED ; Cass. civ. 3, 11 janvier 2006, n° 04-18.475, Société Compagnie restaurants et caféterias (CRC) c/ Société Sogefin, FS-D N° Lexbase : A3439DMC), étant rappelé que l'existence d'une telle clause rend impossible toute fixation judiciaire du loyer en renouvellement (Cass. civ. 3, 10 mars 1993, n° 91-13.418, Théâtre Saint-Georges c/ Compagnie foncière Saint-Dominique N° Lexbase : A5622ABT).

La possibilité d'exercer un droit d'option reste, toutefois, subordonnée à l'absence d'accord sur le loyer en renouvellement. Une fois un tel accord intervenu, tant sur le principe du renouvellement que sur le montant du loyer renouvelé, le droit d'option ne peut plus être exercé (Cass. civ. 3, 6 décembre 1995, n° 94-10.611, Société Les Grands Bains Simart, société à responsabilité limitée c/ M. Georges Rohmer et autres N° Lexbase : A8675AGE ; CA Paris, 16ème ch., sect. B, 21 juin 2007, n° 06/09336, SARL Foncière Saint-Honoré c/ SARL Marcellin N° Lexbase : A4905DYC).

Dans l'espèce commentée, le propriétaire avait exercé son droit d'option à la suite d'un jugement ayant fixé le montant du loyer en renouvellement.

Le droit d'option ne doit pas être confondu avec le droit de repentir (C. com., art. L. 145-58 N° Lexbase : L5786AI7) qui est la possibilité accordée au bailleur, qui a refusé de renouveler le bail, de revenir sur sa décision. Tant le droit d'option que celui de repentir ont un caractère irrévocable (C. com., art. L. 145-59 N° Lexbase : L5787AI8).

Le droit d'option permet donc à la partie qui préfère ne pas voir le bail se renouveler, éventuellement en raison du prix fixé par le juge des loyers (pas assez élevé pour le bailleur ou trop élevé pour le preneur) de mettre un terme à leurs relations contractuelles.

II - Sur les conséquences financières de l'exercice du droit d'option

Lorsque le bailleur exerce son droit d'option, il devient, en principe, débiteur d'une indemnité d'éviction dont la vocation est de réparer le préjudice subi par le preneur du fait de son éviction (C. com., art. L. 145-14 N° Lexbase : L5742AII).

La fixation du montant de l'indemnité d'éviction s'effectuera, en principe, sauf accord des parties sur son montant, à la suite d'une expertise judiciaire. Le choix du bailleur de renouveler le bail ou de refuser ce renouvellement dépendra, le plus souvent, du montant du loyer et, en comparaison, de celui de l'indemnité d'éviction. Afin d'exercer un choix "éclairé", certains bailleurs, alors même qu'une procédure en fixation du loyer en renouvellement était en cours, avaient saisi le juge des référés sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L2260AD3) afin de voir désigné un expert judiciaire avec mission de fixer le montant de l'indemnité d'éviction. Si cette demande a pu être accueillie par certains juges du fond, la Cour de cassation a récemment refusé au bailleur la possibilité de recourir à une expertise in futurum à cette fin, en affirmant que tant que le bailleur n'avait pas exercé sont droit d'option, il n'existait pas de litige potentiel (Cass. civ. 3, 16 avril 2008, n° 07-15.486, FS-P+B+I N° Lexbase : A9366D7Z ; cf. les obs. d'E. Vergès, La demande d'expertise in futurum est soumise à l'existence d'un litige potentiel, in La chronique de procédure civile d'Etienne Vergès, Professeur à l'Université de Grenoble II, Lexbase Hebdo n° 309 du 19 juin 2008 - édition privée générale N° Lexbase : N3595BGA).

Le bail, dont le renouvellement avait été initialement convenu, prendra fin à sa date d'expiration, à savoir le terme contractuel ou le dernier jour du trimestre civil en cas de tacite prorogation (C. com., art. L. 145-9, L. 145-10 et L. 145-12 N° Lexbase : L2273IBS). Le locataire se trouvera donc rétroactivement occupant sans droit ni titre à compter de cette dernière date alors qu'il aura continué à occuper les lieux compte tenu du renouvellement initialement envisagé du bail. Il deviendra, en conséquence, à compter de la date d'expiration du bail et non à compter de celle de la notification du droit d'option (Cass. civ. 3, 7 novembre 1984, n° 83-13.550, Mme Caillet c/ SARL Margaret N° Lexbase : A2481AA7), débiteur d'une indemnité d'occupation.

Lorsque c'est le bailleur qui exerce le droit d'option, l'indemnité d'occupation doit être fixée à la valeur locative conformément à l'article L. 145-28 du Code de commerce (N° Lexbase : L5756AIZ), même si le bail comporte une clause recettes (Cass. civ. 3, 3 octobre 2007, n° 06-17.766, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A6191DYX et nos obs., Clause-recettes, droit d'option et indemnité d'occupation, Lexbase Hebdo n° 279 du 1er novembre 2007 - édition privée générale N° Lexbase : N9106BCA). Cette valeur locative est souvent affectée d'un abattement pour précarité, le preneur ne pouvant pleinement déployer son activité compte tenu de son départ imminent (Cass. civ. 3, 21 février 2001, n° 99-11.035, Société des Etablissements de l'Hôtel de Than c/ Société Union du meuble N° Lexbase : A3348ARG).

L'indemnité d'occupation due par le preneur qui a exercé son droit d'option est, en revanche, une indemnité de droit commun dont le montant peut excéder la valeur locative des lieux (Cass. civ. 3, 30 septembre 1998, n° 96-22.764, Société Selectinvest c/ Société des Editions Bordas N° Lexbase : A5581ACP). Il a, cependant, été jugé, dans une espèce où le preneur avait exercé son droit d'option, que l'indemnité d'occupation due entre la date à laquelle le bail a pris fin et l'exercice du droit d'option est de nature statutaire et s'établit au montant de la valeur locative en renouvellement (CA Paris, 16ème ch., sect. A, 24 octobre 2007, n° 04/21937, SARL Gestion Gacey c/ Charmet N° Lexbase : A6204DPH). La cour d'appel de Paris, dans cette même décision, a considéré que, lorsque c'est le locataire qui a librement fait le choix de renoncer au renouvellement du bail qui lui était offert, la valeur locative ne devait pas subir un abattement pour précarité.

Enfin, l'article L. 145-57 du Code de commerce précise que le droit d'option s'exerce "à charge de celle des parties qui a manifesté son désaccord [sur le renouvellement] de supporter tous les frais". La jurisprudence est plutôt rare sur cette notion de "frais". Par analogie avec une décision rendue à propos du droit de repentir et dans la mesure où l'article L. 145-58 du Code de commerce met à la charge du bailleur qui l'exerce "les frais de l'instance", il pourrait être soutenu que ces frais ne se réduisent pas aux frais de procédure c'est-à-dire les frais taxables (Cass. civ. 3, 27 mars 2003, n° 00-22.534, FS-P+B N° Lexbase : A3886AYL).

L'arrêt rapporté, directement relatif à la détermination des frais qui incombent à la partie qui exerce son droit d'option, précise que ces frais ne peuvent concerner que les frais exposés avant l'exercice de ce droit et non ceux de la nouvelle procédure engagée postérieurement en fixation des indemnités d'occupation et d'éviction qui vont se trouver dues. La solution doit être approuvée. Il est justifié, en effet, de faire supporter à la partie qui exerce un droit, qui rend inutile une procédure antérieure de fixation du loyer en renouvellement, les frais engendrés par cette procédure. Il serait, en revanche, injustifié de lui faire supporter à elle seule les frais liés à la procédure en fixation de l'indemnité d'éviction et d'occupation, frais qui auraient été exposés en tout état de cause si le refus de renouvellement avait eu lieu ab initio, le preneur et le bailleur ayant autant chacun intérêt à ce que le montant de ces indemnités soit fixé.

En l'espèce, le preneur critiquait la décision des juges du fond qui avait réparti par moitié entre chacune des parties les frais d'expertise en soutenant que seul le bailleur, dans la mesure où il avait exercé son droit d'option, devait supporter ces frais. L'argument est rejeté compte tenu de la règle précédemment énoncée selon laquelle les frais supportés par celui qui exerce son droit d'option sont ceux antérieurs à l'exercice de ce droit. La répartition des frais d'expertise judiciaire, qui ressortissent des dépens (C. proc. civ., art. 695 N° Lexbase : L4893GUR), devait donc s'effectuer selon le droit commun (C. proc. civ., art. 696 N° Lexbase : L2972ADG), le juge du fond disposant en la matière, selon l'arrêt rapporté, d'un pouvoir discrétionnaire.

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Sécurité sociale

[Jurisprudence] Indemnisation du préjudice moral des ayants droit de la victime décédée d'un accident du travail

Réf. : Cass. civ. 2, 17 septembre 2009, n° 08-16.484, Société Maaf assurances, FS-P+B (N° Lexbase : A1001ELN)

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Droit de la Sécurité sociale"

Le 07 Octobre 2010

La législation sur les accidents du travail repose sur des bases conçues il y a plus d'un siècle (désignées sous l'expression "compromis de 1898") (1) selon lesquelles la victime d'un accident du travail est automatiquement prise en charge du simple fait que l'accident a eu lieu sur le lieu et le temps de travail (imputabilité). En contrepartie de cette prise en charge au titre de la législation sur les accidents du travail, la victime ne bénéficie que d'une réparation forfaitaire, et non intégrale, car elle ne peut plus demander devant un juge réparation du préjudice sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile. Ces règles fondamentales connaissent pourtant une exception, liée à la reconnaissance d'une faute inexcusable. Dans ce cas, sous certaines conditions, la victime a le droit de demander à l'employeur, devant la juridiction de Sécurité sociale, la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément, ainsi que du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle (CSS, art. L. 452-3 N° Lexbase : L5302ADQ). De même, en cas d'accident suivi de mort, les ayants droit de la victime, ainsi que les ascendants et descendants qui n'ont pas le droit à une rente (CSS, art. L. 434-7 N° Lexbase : L5274ADP et suivants), peuvent demander à l'employeur réparation du préjudice moral devant la juridiction spéciale.
Ces différentes solutions ont suscité un contentieux extrêmement abondant et récurrent. La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a rendu un arrêt, le 17 septembre 2009, illustrant les difficultés d'application de ces règles, spécialement celle issue de l'article L. 452-3, alinéa 2, du Code de la Sécurité sociale. La Cour de cassation précise deux points : qu'est-ce qu'un ayant droit, au sens de la législation sur les accidents du travail ? A quelles conditions une réparation fondée sur le droit commun de la responsabilité civile peut-elle être ouverte ?
Résumé

L'expression d'ayants droit figurant dans l'article L. 451-1 du Code de la Sécurité sociale vise uniquement les personnes énumérées aux articles L. 434-7 à L. 434-14 du même code, qui perçoivent des prestations en cas de décès de leur auteur. Les dispositions de l'article L. 452-3 de ce code ne font pas obstacle à ce que les ascendants ou descendants d'une victime d'un accident mortel dû à une faute inexcusable de l'employeur qui n'ont pas droit à une rente au sens des articles précités, puissent être indemnisés de leur préjudice moral selon les règles du droit commun.

En l'espèce, un salarié est décédé des suites d'un accident du travail. Son employeur a été condamné par le tribunal correctionnel pour homicide involontaire. La grand-mère et le père de la victime ont assigné ce dernier et son assureur, en référé devant le tribunal de grande instance, pour obtenir une provision sur l'indemnisation de leur préjudice moral. Les juges du fond ont reconnu la compétence du juge des référés pour connaître de leur demande et leur ont alloué certaines sommes à titre de provisions. L'employeur et son assureur se sont pourvus devant la Cour de cassation, qui a rejeté leur pourvoi.

I - Réparation propre à la législation sur les accidents du travail

A - Faute inexcusable de l'employeur : régime de la réparation

Le régime de la réparation d'un accident du travail, alors qu'une faute inexcusable de l'employeur a été reconnue, diffère, sur certains points, du régime de la réparation propre aux accidents du travail. Depuis la jurisprudence "Amiante"(2), le domaine de la faute inexcusable s'est considérablement élargi, au point que le régime de la réparation en application de la législation sur les accidents du travail ne peut plus être présenté comme le "droit commun" de la réparation (3).

Premièrement, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire (CSS, art. L. 452-1).

Deuxièmement, la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues. Lorsqu'une indemnité en capital a été attribuée à la victime, le montant de la majoration ne peut dépasser le montant de cette indemnité. Lorsqu'une rente a été attribuée à la victime, le montant de la majoration est fixé de telle sorte que la rente majorée allouée à la victime ne puisse excéder, soit la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité, soit le montant de ce salaire dans le cas d'incapacité totale. En cas d'accident suivi de mort, le montant de la majoration est fixé sans que le total des rentes et des majorations servies à l'ensemble des ayants droit puisse dépasser le montant du salaire annuel. Lorsque la rente d'un ayant droit cesse d'être due, le montant de la majoration correspondant à la ou aux dernière(s) rente(s) servie(s) est ajusté de façon à maintenir le montant global des rentes majorées tel qu'il avait été fixé initialement. Dans le cas où le conjoint survivant recouvre son droit à la rente en application du troisième alinéa de l'article L. 434-9, la majoration dont il bénéficiait est rétablie à son profit (CSS, art. L. 452-2 N° Lexbase : L5301ADP).

Troisièmement, la victime a le droit de demander à l'employeur, devant la juridiction de Sécurité sociale, la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément, ainsi que du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. Si la victime est atteinte d'un taux d'incapacité permanente de 100 %, il lui est alloué, en outre, une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation. De même, en cas d'accident suivi de mort, les ayants droit de la victime, ainsi que les ascendants et descendants qui n'ont pas droit à une rente peuvent demander à l'employeur réparation du préjudice moral devant la juridiction précitée. La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse, qui en récupère le montant auprès de l'employeur (CSS, art. L. 452-3).

Et enfin, quatrièmement, si l'accident est dû à la faute intentionnelle de l'employeur ou de l'un de ses préposés, la victime ou ses ayants droit conserve, contre l'auteur de l'accident, le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application des règles de la réparation pour faute inexcusable (CSS, art. L. 452-5 N° Lexbase : L5304ADS).

B - Créanciers d'un droit à réparation

En cas d'accident suivi de mort, une pension est servie, à partir du décès, à certaines personnes et sous certaines conditions (CSS, art. L. 434-7).

  • Conjoint, concubin ou personne liée par un pacte civil de solidarité

Le conjoint, ou le concubin ou la personne liée par un pacte civil de solidarité, a droit à une rente viagère égale à une fraction du salaire annuel de la victime, à condition que le mariage ait été contracté, le pacte civil de solidarité conclu ou la situation de concubinage établie antérieurement à l'accident ou, à défaut, qu'ils l'aient été depuis une durée déterminée à la date du décès. Cependant, ces conditions ne sont pas exigées si les époux, les concubins ou les partenaires du pacte civil de solidarité ont eu un ou plusieurs enfants.

Le conjoint condamné pour abandon de famille est déchu de tous ses droits. Il en est de même pour celui qui a été déchu totalement de l'exercice de l'autorité parentale, sauf, dans ce dernier cas, à être réintégré dans ses droits s'il vient à être restitué dans l'autorité parentale. Les droits du conjoint déchu sont transférés sur la tête des enfants et descendants.

Le conjoint survivant a droit à un complément de rente égal à une fraction du salaire annuel de la victime lorsqu'il atteint un âge déterminé ou, avant cet âge, aussi longtemps qu'il est atteint d'une incapacité de travail générale (CSS, art. L. 434-8 N° Lexbase : L5275ADQ).

En cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle suivi de mort, une rente viagère est servie au conjoint survivant à partir du décès de la victime, et non à compter de la date de l'accident ou de celle assimilée à celle de l'accident (4).

  • Conjoint remarié

S'il existe un nouveau conjoint de la victime, la rente viagère à laquelle il a droit ne peut être inférieure à un minimum (CSS, art. L. 434-8, al. 3). En cas de nouveau mariage, le conjoint survivant cesse d'avoir droit à la rente. Il lui est alloué une somme égale aux arrérages de la rente calculés selon le taux en vigueur à la date du mariage et afférents à une période déterminée. Toutefois, si le conjoint survivant a des enfants, il conserve le droit à la rente, dont le rachat sera différé, aussi longtemps que l'un d'eux bénéficie lui-même d'une rente d'orphelin (CSS, art. L. 434-9 N° Lexbase : L5276ADR).

  • Conjoint séparé ou divorcé

Lorsqu'il y a eu séparation de corps ou divorce, le conjoint ou l'ex-conjoint survivant n'a droit à la rente viagère que s'il a obtenu une pension alimentaire. La rente viagère, ramenée au montant de la pension, ne peut dépasser une fraction du salaire annuel de la victime inférieure à celle qui est prévue en l'absence de divorce ou de séparation de corps (CSS, art. L. 434-8, al. 2).

En cas de séparation de corps, de divorce ou de nouveau veuvage, le conjoint survivant recouvre son droit à la rente. Si le conjoint survivant reçoit, en raison de son nouveau veuvage, une rente, pension ou allocation ou s'il reçoit, en raison d'une séparation de corps ou d'un divorce, une pension alimentaire, le montant de l'avantage dont il bénéficie s'impute sur celui de la rente de conjoint survivant (CSS, art. L. 434-9).

Selon certains juges du fond, l'objectif du législateur ayant été de maintenir les revenus du survivant dans le couple, les conséquences étant plus négatives pour le conjoint survivant que pour le concubin ou le pacsé, la justification de l'article L. 434-8 du Code de la Sécurité sociale est objective et raisonnable (5).

  • Enfants de la victime

Les enfants dont la filiation, y compris adoptive, est légalement établie ont droit à une rente jusqu'à un âge limite. Cette limite d'âge peut être relevée pour les enfants qui sont placés en apprentissage, qui poursuivent leurs études, qui sont à la recherche d'une première activité professionnelle et inscrits comme demandeurs d'emploi à pôle emploi ou qui, par suite d'infirmités ou de maladies chroniques, sont dans l'impossibilité permanente de se livrer à un travail salarié. La rente est égale à une fraction du salaire annuel de la victime plus importante lorsque les enfants sont orphelins de père et de mère au moment du décès ou le deviennent postérieurement, que lorsque le père ou la mère vit encore. Cette rente croît avec le nombre des enfants bénéficiaires.

Les rentes allouées sont collectives et réduites au fur et à mesure que les orphelins atteignent la limite d'âge qui leur est applicable. S'il y a des enfants de plusieurs lits, chaque catégorie est traitée distinctement au regard des dispositions qui précèdent. Les autres descendants de la victime et les enfants recueillis par elle, si les uns et les autres sont privés de leurs soutiens naturels et tombés de ce fait à sa charge, bénéficient des mêmes avantages (CSS, art. L. 434-10 N° Lexbase : L5823ICN).

  • Parents de la victime

La rente est versée au père ou à la mère, au tuteur ou à la personne ayant la garde de l'enfant (CSS, art. L. 434-11 N° Lexbase : L5278ADT). Dans le cadre de la mesure judiciaire d'aide à la gestion du budget familial (C. civ., art. 375-9-1 N° Lexbase : L0922IC7), le juge peut décider que le délégué aux prestations familiales percevra la rente prévue à l'article L. 434-10 (CSS, art. L. 434-12 N° Lexbase : L0882ICN).

  • Autres ascendants

Chacun des ascendants reçoit une rente viagère égale à une fraction du salaire annuel de la victime, s'il rapporte la preuve : dans le cas où la victime n'avait ni conjoint, ni enfant, qu'il aurait pu obtenir de la victime une pension alimentaire ; dans le cas où la victime avait conjoint ou enfant, qu'il était à la charge de la victime. La condition prévue doit être remplie soit à la date de l'accident, soit, si cela est plus favorable, à la date du décès de la victime. Le bénéfice de cette disposition ne peut être accordé à l'ascendant qui a été reconnu coupable d'abandon de famille ou qui a été déchu totalement de l'autorité parentale (CSS, art. L. 434-13 N° Lexbase : L5280ADW).

La rente perçue par l'ascendant de la victime décédée à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est égale à 10 % du salaire annuel de la victime (CSS, art. R. 434-16 N° Lexbase : L5270ADK).

II - Réparation de droit commun

A - Créanciers d'un droit à réparation

En application du principe résumé par la formule du "compromis de 1898", le législateur a retenu la règle selon laquelle aucune action en réparation des accidents et maladies ne peut être exercée conformément au droit commun de la responsabilité civile par la victime ou ses ayants droit (CSS, art. L. 451-1). Cette action en réparation ne peut être exercée conformément au droit commun, peu important que l'accident ait été causé par un tiers et que l'association n'est pas été assignée en qualité d'employeur (6). L'impossibilité de saisir le juge pour demander et obtenir une réparation fondée sur le droit commun de la responsabilité civile vise essentiellement la victime d'un accident du travail elle-même.

La situation des ayants droit, singulièrement lorsque la victime est décédée du fait de l'accident du travail (ou de ses suites) est-elle différente ? La Cour de cassation dans l'espèce rapportée précise le champ rationae personae de cette exclusion : l'expression d'ayants droit figurant dans l'article L. 451-1 du Code de la Sécurité sociale vise uniquement les personnes énumérées aux articles L. 434-7 à L. 434-14 du Code de la Sécurité sociale qui perçoivent des prestations en cas de décès de leur auteur.

Le juge des référés, dans son ordonnance confirmée par la cour d'appel d'Agen avait déjà, en ce sens, relevé que les dispositions des articles L. 434-7 à L. 434-14 du Code de la Sécurité sociale visent uniquement les personnes qui, en cas de décès de la victime, perçoivent ou sont en droit de percevoir des prestations de réversion.

En l'espèce, tel n'était pas le cas. Un apprenti, âgé de 17 ans, se blessait, le 9 avril 2002, alors que, travaillant pour son employeur, il tombait du toit et faisait une chute de 4,45 m, puis décédait vingt jours plus tard d'une perforation de l'abdomen. La victime n'avait pas d'enfants, n'était pas mariée, en concubinage ou liée par un Pacs. Les seuls créanciers d'un droit à réparation du fait de son décès étaient son père et sa grand-mère. Mais les conditions fixées par les articles L. 434-12 (parents de la victime) et L. 434-13 (autres ascendants) n'étaient pas remplies.

B - Fondement juridique du droit à réparation

Dans la mesure où les ayants droit ne remplissent pas les conditions pour bénéficier d'une rente du fait du décès d'un membre de leur famille à la suite d'un accident du travail pour lequel une faute inexcusable de l'employeur a été reconnue, peuvent-ils encore prétendre à une réparation, et sur quel fondement ? En l'espèce, le père et la grand-mère de la victime, exclus par le régime de la législation sur les accidents du travail, n'avaient comme ressource que le droit commun de la responsabilité civile.

Le juge des référés l'a admis, et les juges du fond également. La Cour de cassation s'est rangée à leurs prétentions, en admettant que les dispositions de l'article L. 452-3 du Code de la Sécurité sociale ne font pas obstacle à ce que les ascendants ou descendants d'une victime d'un accident mortel dû à une faute inexcusable de l'employeur qui n'ont pas droit à une rente (au sens de CSS, art. L. 434-7 à L. 434-14), puissent être indemnisés de leur préjudice moral selon les règles du droit commun.

C - Règles de compétence

En l'espèce, la grand-mère et le père de la victime ont assigné l'employeur et son assureur en référé devant le tribunal de grande instance, pour obtenir une provision sur l'indemnisation de leur préjudice moral. Le juge des référés s'est reconnu compétent. Le premier juge relevait que l'action qui lui était soumise était engagée contre l'employeur et son assureur et que cette demande n'est pas exclue par l'article L. 452-3 du Code de la Sécurité sociale attribuant compétence au tribunal des affaires de Sécurité sociale pour en connaître. La cour d'appel d'Agen a, également, admis la compétence du juge des référés pour connaître de la demande de la grand-mère et du père de la victime.

L'employeur et son assureur, devant la Cour de cassation, estimaient que la réparation du préjudice moral subi à la suite d'un accident mortel du travail ne peut être sollicitée que par les ascendants de la victime d'une faute inexcusable de l'employeur devant les juridictions du contentieux général de la Sécurité sociale. En se déclarant compétente pour allouer une provision au titre de leur préjudice aux intéressés, la cour d'appel aurait violé les articles L. 434-7, L. 451-1 et L. 452-3 du Code de la Sécurité sociale.

La Cour de cassation (arrêt rapporté) ne s'est pas rangée à cette argumentation là. Au contraire, dans la mesure où le père et la grand-mère ne pouvaient prétendre percevoir aucune rente en application de l'article L. 454-13 du Code de la Sécurité sociale, la cour d'appel a décidé à bon droit, selon la Cour de cassation, que le juge des référés était compétent pour connaître des demandes des intéressés et que l'obligation de l'employeur et de son assureur n'était pas sérieusement contestable.

Précision étant faite que l'article L. 452-3, alinéa 2, du Code de la Sécurité sociale précise qu'en cas d'accident suivi de mort, les ayants droit de la victime (CSS, art. L. 434-7 et s.), ainsi que les ascendants et descendants qui n'ont pas droit à une rente, en vertu des articles L. 434-7 et suivants, peuvent demander à l'employeur réparation du préjudice moral devant la juridiction de Sécurité sociale. Il faut admettre qu'en toute rigueur juridique, la lecture très souple que la Cour de cassation fait de l'article L. 452-3, alinéa 2, du Code de la Sécurité sociale se conçoit. Le législateur prévoit que les ascendants et descendants qui n'ont pas droit à une rente (CSS, art. L. 434-7 et s.), peuvent demander à l'employeur réparation du préjudice moral devant la juridiction de Sécurité sociale -mais expressément, le législateur n'exclut pas la compétence d'autres juges ou d'autres juridictions-.


(1) G. Dériot, Rapport Sénat n° 83, 2008-2009, tome VI, Accidents du travail et maladies professionnelles ; A. Vasselle, Rapport Sénat n° 83, 2008-2009, tome VII, examen des articles, p. 277-287 ; J.-J. Jégou, Avis Sénat n° 84, 2008-2009, p. 203-212 ; Choppin Haudry de Janvry, Les accidents du travail, accidents de trajet et accidents de mission : réflexions autour d'un bilan contrasté, Rapport d'activité de la Cour de cassation, 1995, p. 67 ; C. Fuentès, La normalisation des risques au travail : l'invention du risque professionnel, in F. Meyer (dir.), L'évaluation des risques professionnels, 1995, p. 71 ; M. Fuchs, Structure et légitimation de l'assurance accidents légale : une étude de droit comparé , Revue Internationale de Sécurité Sociale (RISS), 1997, p.19 ; n° spécial Droit social, 1990, p 683 et s., Améliorer la législation des accidents du travail et les contributions dans Droit social, 1998, p. 631 et s., Accidents du travail et maladies professionnelles. Centenaire de la loi du 9 avril 1898 ; P. Sargos, L'évolution du concept de sécurité au travail et ses conséquences en matière de responsabilité, JCP éd. E et éd. A, 2003, p. 121 ; M. Yahiel, Vers la réparation intégrale des accidents du travail et des maladies professionnelles, Rapport au ministre de l'Emploi, du Travail et de la Solidarité nationale, 2002 ; M. Laroque, La rénovation de la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, Rapport au ministre de l'Emploi, du Travail et de la Solidarité nationale, 2004.
(2) Cass. soc., 28 février 2002, n° 99-17.201, Société Valeo c/ Mme Monique Rabozivelo, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A0761AYT) ; n° 99-18.389, Société Eternit industries c/ Mme Marie-Louise Delcourt-Marousez, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A0766AYZ) ; n° 99-21.255, Société Eternit industrie c/ M. Christophe Gaillardin, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A0773AYB) ; n° 00-10.051, Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Grenoble c/ Société Ascométal, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A0806AYI) ; n° 00-11.793, Société Eternit industrie c/ Mme Arlette Chavatte, FP/P+B+R+I (N° Lexbase : A0602AYX) ; n° 00-13.172, Société Everite c/ M. André Gerbaud, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A0610AYA).
(3) X. Pretot, La nouvelle définition de la faute inexcusable de l'employeur : une jurisprudence contra legem, D., 2002 p. 2700 ; I. Monteillet, Les arrêts "amiante" de la Cour de cassation du 28 février 2002, RJS, 5/02, p. 403 ; N. Dupuy-Loup, La faute inexcusable de l'employeur au-delà du 28 février 2002, Responsabilité civile et assurances, 2002, n° 9, p. 6 ; P. Morvan, Le "déflocage" de la faute inexcusable, RJS, juin 2002, p. 10 ; L'obligation de sécurité dans le contrat de travail, RJS 6/02 p. 495 ; D. Jonin, F. Kessler, La faute inexcusable, deux ans après les arrêts "amiante". Entretien croisé avec S. Topaloff et J.-P. Teissonnière, SSL, n° 1159, 2004, p. 5.
(4) Cass. civ. 2, 13 septembre 2007, n° 06-21.909, Mme Sabine Saint-Marc, FS-P+B (N° Lexbase : A4346DYM).
(5) CA Paris, 18ème ch., sect. B, 4 décembre 2008, n° 07/01032, Mme Raymonde Potier (N° Lexbase : A8575EB9).
(6) Cass. civ. 2, 22 février 2007, n° 05-11.811, Mutuelle assurance des instituteurs de France (MAIF), FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A2841DUR), v. nos obs., Le régime des accidents du travail - maladies professionnelles exclut l'action en réparation de droit commun, Lexbase Hebdo n° 251 du 8 mars 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N2991BAZ).
Décision

Cass. civ. 2, 17 septembre 2009, n° 08-16.484, Société Maaf assurances, FS-P+B (N° Lexbase : A1001ELN)

Rejet de CA Agen, ch. civile 14 mai 2008

Textes visés : CSS, art. L. 434-7 (N° Lexbase : L5274ADP), L. 451-1 (N° Lexbase : L4467ADS) et L. 452-3 (N° Lexbase : L5302ADQ)

Mots-clefs : accident du travail ; faute inexcusable de l'employeur ; décès de la victime ; rente ; ayants-droits ; ascendants de la victime ; préjudice moral ; droit à réparation ; fondement ; responsabilité civile

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[Textes] PLF 2010 : une "réforme en profondeur de la structure de notre fiscalité"

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par Anne-Lise Lonné, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition fiscale

Le 07 Octobre 2010


Présenté mercredi 30 septembre 2009, en conseil des ministres comme "le budget de la reprise", le projet de loi de finances pour 2010 prévoit un déficit public record de 116 milliards d'euros. Au rang des dispositions fiscales, le projet de loi engage une "réforme en profondeur de la structure de notre fiscalité" dixit le ministre de l'Economie et celui du Budget. Dans la lignée de la loi de finances pour 2009, les mesures du PLF 2010 s'articulent, comme l'an dernier, autour des trois mêmes axes : encourager la compétitivité de notre économie en stimulant l'investissement et l'innovation, mettre la fiscalité au service de l'environnement, et prolonger le soutien à l'économie en proposant une fiscalité des ménages plus juste et plus équitable. Le texte est marqué par deux mesures phares : l'instauration de la taxe carbone et la suppression, tant annoncée, de la taxe professionnelle. Par souci de clarté, nous présentons l'ensemble des mesures fiscales selon les acteurs concernés.
1. Les mesures touchant l'ensemble des acteurs
  • L'instauration d'une taxe carbone (PLF 2010, art. 5)

La conférence des experts réunie en juillet 2009, sous la présidence de M. Michel Rocard, a confirmé l'existence d'un consensus sur la réalité et les enjeux du réchauffement climatique. Pour maintenir le réchauffement de la planète en dessous de 2°C en moyenne, et limiter ainsi un phénomène préjudiciable tant aux activités humaines qu'à notre environnement, les émissions mondiales doivent être plafonnées d'ici 2020, puis réduites de moitié d'ici 2050.

Comme annoncé, afin que la France puisse tenir ses engagements, le PLF 2010 propose la mise en place d'une taxe carbone, donnant un prix aux émissions de CO2. C'est en faisant émerger un prix du carbone, reflétant le coût réel des émissions de CO2 pour la collectivité, que les entreprises, les ménages et les administrations seront incités à réduire leurs émissions de la manière la plus efficace et la moins coûteuse.

A cet effet, l'article 5 du projet de loi prévoit ainsi de créer, à un article 266 quinquies C du Code des douanes, une taxe carbone, recouvrée, par simplification, dans les mêmes conditions que les taxes intérieures de consommation applicables aux produits utilisés comme carburant ou combustible, mais avec un champ d'application plus large. Les produits énergétiques visés sont le gaz, le pétrole et le charbon. Cette taxe, fondée sur le contenu en carbone des produits taxables, serait calculée à partir d'un prix de la tonne de carbone fixé à 17 euros en 2010.

L'ensemble des acteurs de la vie économique serait soumis à cette taxe, à l'exclusion des entreprises déjà soumises au système d'échange de quotas de CO2.

Toutefois, il est prévu d'accompagner de manière spécifique certains secteurs sensibles afin de leur laisser le temps de s'adapter à des modes de production et de transport plus économes en énergie et en carbone et de ne pas pénaliser leur compétitivité vis-à-vis de leurs concurrents étrangers, qui ne seraient pas soumis à une contrainte carbone équivalente.

Ainsi, il est proposé d'appliquer cette taxe de manière progressive aux professions de l'agriculture et de la pêche (cf. infra).

De même, s'agissant du transport routier de marchandises effectué au moyen de véhicules de 7,5 tonnes et plus, il est proposé de déplacer le signal-prix vers l'aval pour limiter les risques de distorsion entre Etats membres. Dans ce but, serait créée une taxe due par tout utilisateur d'une prestation de transport routier de marchandises réalisée au moyen de tels véhicules sur le territoire national dans le cadre de son activité économique.

Fondée sur le contenu en carbone des produits taxables, la taxe carbone serait calculée à partir d'un coût de la tonne de carbone fixé à 17 euros en 2010, soit une valeur proche de celle constatée sur le marché européen des quotas depuis le début de la deuxième phase de ce marché. Concrètement, la taxe carbone augmenterait de 4,11 centimes d'euro le prix du litre d'essence et de 4,52 centimes d'euro celui du litre de gazole. Ce tarif aurait vocation à évoluer, après avis d'une commission consultative qui serait mise en place lors de l'instauration de la taxe, jusqu'à un niveau cible évalué à 100 euros par tonne de CO2 en 2030 lors de la conférence des experts.

Enfin, l'intégralité du produit de la taxe carbone prélevée sur les ménages leur serait restituée de manière forfaitaire (cf. infra).

On relèvera que le texte proposé respecte le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques, ce qui implique, notamment, de ne pas soumettre à la taxe les installations soumises par ailleurs à la Directive 2003/87/CE du 13 octobre 2003, établissant un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans la communauté et modifiant la Directive 96/61/CE du Conseil (N° Lexbase : L5687DL9).

  • Malus automobile : accélération de la montée en puissance du malus applicable aux voitures les plus polluantes à compter de 2011 (PLF 2010, art. 47)

Dans le cadre des objectifs du Grenelle de l'environnement visant à lutter contre les changements climatiques et à maîtriser la demande d'énergie, l'article 47 du projet de loi de finances pour 2010 propose, afin de renforcer l'efficacité du dispositif du malus automobile prévu à l'article 1011 bis du CGI (N° Lexbase : L5030ICB ; cf. l’Ouvrage "Droit fiscal" N° Lexbase : E1946EPR), d'appliquer, dès 2011, le barème initialement prévu au titre de l'année 2012.

Ainsi, dès le 1er janvier 2011, le seuil de taxation serait abaissé à 151 g de CO2/km. Ce relèvement permettrait ainsi d'accompagner et d'accélérer, d'une part, l'évolution des comportements à l'achat des consommateurs, pour privilégier l'achat de véhicules à faible émission de CO2 et favoriser ainsi la modification de la structure du parc automobile, d'autre part, les évolutions techniques des constructeurs en les encourageant à cibler leur offre vers des véhicules moins émetteurs de CO2.

2. Les mesures visant les entreprises

  • TP : suppression de la taxe professionnelle (PLF 2010, art. 2)

Comme prévu -le Chef de l'Etat l'avait annoncé le 5 février dernier- la taxe professionnelle, instituée en 1975, devrait être supprimée en 2010. La réforme est d'ampleur sachant que la taxe professionnelle constitue la principale imposition locale à la charge des entreprises et une ressource essentielle pour l'ensemble des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

En effet, la taxe professionnelle se caractérise par son impact néfaste sur l'investissement. La taxation des équipements et biens mobiliers, en renchérissant le coût des facteurs de production, contribue à l'insuffisance des investissements productifs, alors même que ceux-ci ont un impact déterminant sur la croissance et l'emploi à moyen terme. Elle pénalise tout particulièrement les secteurs intensifs en investissements, qui sont souvent parmi les plus exposés à la concurrence internationale et sont déjà soumis par ailleurs à des prélèvements élevés au regard de la moyenne européenne. La taxe professionnelle, qui n'a pas d'équivalent à l'étranger, constitue ainsi un handicap pour les entreprises implantées en France.

L'article 2 du projet de loi de finances pour 2010 prévoit, donc, la suppression de la taxe professionnelle, avec deux objectifs : d'une part, développer les investissements productifs afin de renforcer la compétitivité de nos entreprises, de conforter l'attractivité de notre territoire et de soutenir ainsi l'emploi et la croissance ; d'autre part, restaurer le lien entre entreprises et territoires et assurer aux collectivités territoriales des ressources à la fois dynamiques et peu volatiles, qui préservent davantage le tissu économique local, dans le respect du principe d'autonomie financière garanti par la Constitution.

La taxe professionnelle serait remplacée par une contribution économique territoriale (CET) composée, d'une part, d'une cotisation locale d'activité (CLA) assise sur les bases foncières, lesquelles sont minorées de 15 % pour les établissements industriels, et, d'autre part, d'une cotisation complémentaire (CC) assise sur la valeur ajoutée des entreprises. Afin de ne pas pénaliser les PME, cette cotisation complémentaire serait perçue selon un taux progressif. Son produit serait réparti en fonction de la localisation des entreprises.

Pour éviter d'affaiblir les secteurs les plus intensifs en main d'oeuvre, la valeur ajoutée prise en compte dans l'assiette de la cotisation complémentaire serait plafonnée, pour les sociétés non financières, à 80 % du chiffre d'affaires. Par ailleurs, un abattement à la base de 1 000 euros serait créé pour les petites entreprises, et la contribution économique territoriale serait plafonnée à 3 % de la valeur ajoutée, au lieu de 3,5 % actuellement, ce qui permettrait de garantir la baisse de la charge fiscale des entreprises les plus imposées. Enfin, un écrêtement serait mis en place afin de lisser les effets de la transition vers le nouveau système, pour certaines entreprises actuellement très peu imposées.

  • Prorogation du remboursement immédiat du crédit d'impôt recherche (PLF 2010, art. 4)

Le crédit d'impôt recherche prévu à l'article 244 quater B du CGI (N° Lexbase : L2970IEQ) s'impute sur l'impôt sur les bénéfices dû au titre de l'année au cours de laquelle les dépenses de recherche ont été engagées. Dans l'hypothèse où le montant du crédit d'impôt excède le montant de l'impôt dû, l'excédent constitue une créance sur l'Etat d'égal montant. Cette créance est, en principe, utilisée pour le paiement de l'impôt sur les bénéfices dû au titre des trois années qui suivent celle au titre de laquelle la créance est constatée. A l'expiration de cette période de trois ans, la fraction non utilisée de la créance de crédit d'impôt recherche est restituée.

Toutefois, pour certaines catégories d'entreprises (entreprises nouvelles, entreprises faisant l'objet d'une procédure de sauvegarde ou d'une procédure collective, jeunes entreprises innovantes, entreprises de croissance), l'article 95 de la loi de finances rectificative pour 2008 (N° Lexbase : L3784IC7) avait instauré un régime de restitution immédiate et accélérée de la créance de crédit d'impôt recherche. Ainsi, il avait été prévu que les créances sur l'Etat relatives à des crédits d'impôt pour dépenses de recherche calculées au titre des années 2005 à 2008 et non encore utilisées soient immédiatement remboursables. Un régime de remboursement accéléré avait également été créé afin de permettre aux entreprises de bénéficier, dès les premiers mois de 2009, d'un remboursement d'une estimation de leur créance de crédit d'impôt recherche calculé au titre de 2008 .

Afin de soutenir l'activité des entreprises dans le contexte économique actuel, l'article 4 du PLF 2010 propose de reconduire, pour les créances de crédit d'impôt recherche calculé au titre des dépenses de recherche exposées en 2009, ce régime de remboursement immédiat et accéléré, tout en le codifiant à l'article 199 ter B du CGI (N° Lexbase : L2713HWE).

  • Taxe carbone : remboursement partiel de la taxe en faveur des exploitants agricoles

En raison des conditions particulières d'insertion des activités agricoles dans la concurrence internationale, l'article 7 du projet de loi de finances pour 2010 prévoit, d'assurer le remboursement, à hauteur des trois quarts, de la taxe carbone que supporteront en 2010 les exploitants agricoles sur leurs dépenses énergétiques (gazole, fioul et gaz) (cf. supra). En effet, alors même que les politiques européennes communes tiennent une place décisive dans l'organisation des marchés agricoles, la réglementation communautaire relative à la taxation des produits énergétiques laisse aux Etats membres une grande liberté pour réduire le niveau de taxation, voire exonérer d'accises les produits qui sont utilisés dans ce secteur. Dans ce contexte, il apparaît nécessaire de prévoir des délais plus longs pour permettre au monde agricole de s'adapter au renchérissement des dépenses énergétiques résultant de l'instauration de la taxe carbone.

Les personnes exploitants devront ainsi déposer, auprès de la trésorerie générale dans laquelle se trouve le siège de leur exploitation, leur demande de remboursement de la taxe carbone supportée sur les consommations de l'année précédente.

En 2010, le remboursement ferait l'objet d'un acompte versé au début de l'année. Le montant de cet acompte serait égal à 75 % du tarif de la taxe carbone relative à chacun des produits, appliqué aux volumes des produits consommés par le demandeur au cours de l'année 2009.

  • TVA : transposition de trois Directives relatives à la territorialité des prestations de service et au remboursement aux assujettis communautaires par un autre Etat membre (Paquet TVA) (PLF 2010, art. 50)

L'article 50 du projet de loi de finances a pour objet de transposer en droit interne trois Directives venant modifier la Directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), à savoir les Directives 2008/8/CE (N° Lexbase : L8139H3T), en ce qui concerne le lieu des prestations de services, et 2008/9/CE (N° Lexbase : L8140H3U), définissant les modalités du remboursement de la TVA en faveur des assujettis qui ne sont pas établis dans l'Etat membre du remboursement, mais dans un autre Etat membre, toutes deux du 12 février 2008, et la Directive 2008/117/CE du 16 décembre 2008, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, afin de lutter contre la fraude fiscale liée aux opérations intracommunautaires (N° Lexbase : L6898ICH).

Les prestations de services sont actuellement taxables, par principe, au lieu d'établissement du prestataire. Cela étant de nombreuses dérogations existent pour assurer, dans toute la mesure du possible, que le produit de la taxe soit attribué au pays dans lequel a lieu la consommation finale. Il en va, notamment, ainsi pour les services électroniques fournis à des particuliers par des prestataires établis en dehors de la Communauté qui sont taxés dans l'Etat membre de consommation.

Les modifications proposées auront pour effet de moderniser et de simplifier les règles applicables aux prestations de services. Il s'agit, en premier lieu, de donner une meilleure lisibilité des règles de territorialité applicables, d'une part, par la fixation d'un principe général qui tient compte de la qualité du preneur (ainsi, alors que le principe général de taxation au lieu d'établissement du prestataire demeure lorsque le client est une personne non assujettie, comme un particulier, la prestation sera désormais taxable au lieu d'établissement du preneur lorsqu'il s'agit d'un assujetti à la TVA) ; d'autre part, par la conservation ou la création de quelques dérogations pour certaines prestations de services aisément localisables, ce qui permettra de les taxer au lieu de leur consommation effective. En deuxième lieu, il s'agit de simplifier les formalités des prestataires dans les autres Etats membres lorsqu'ils rendent des prestations de services visées au principe général à des assujettis établis dans un autre Etat membre, par la mise en oeuvre d'un mécanisme d'autoliquidation de la taxe par le preneur. A cet effet, une harmonisation des règles d'exigibilité de la taxe grevant ces prestations est rendue nécessaire. En dernier lieu, il convient d'élargir le guichet électronique relatif aux services électroniques réalisés par des opérateurs établis hors de la Communauté aux services de télécommunications, de radiodiffusion et de télévision et d'étendre ce guichet aux prestataires communautaires.

Ces évolutions s'accompagnent de mesures visant à lutter contre la fraude fiscale par l'extension des états récapitulatifs de recoupement relatifs aux échanges intracommunautaires de biens, aux prestations de services entre des opérateurs établis dans des Etats membres différents. A cet égard, la Direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI), en complément de ses attributions actuelles en matière de déclarations d'échanges de biens, sera chargée de procéder à la collecte de ces états récapitulatifs.

Enfin, les modalités de remboursement de la TVA aux assujettis communautaires non établis dans l'Etat membre de remboursement seront simplifiées par l'instauration d'un portail électronique mis à leur disposition par l'Etat membre d'établissement, ce dernier servant de "relais" entre ses opérateurs et les Etats membres de remboursement. La nouvelle procédure aura, notamment, pour effet de garantir aux assujettis un délai de traitement de leurs demandes de remboursement dans un délai très encadré qui, s'il n'est pas respecté, ouvrira droit au profit de l'assujetti au paiement d'intérêts moratoires.

Ces nouvelles dispositions entreraient en vigueur entre le 1er janvier 2010 et le 1er janvier 2015.

3. Les mesures visant les particuliers

  • Crédit d'impôt sur le revenu forfaitaire destiné à rendre aux ménages le montant de la taxe carbone (PLF 2010, art. 6)

L'article 6 du projet de loi de finances propose de créer, à un nouvel article 200 quindecies du CGI, un crédit d'impôt sur le revenu forfaitaire afin de redistribuer, à l'ensemble des ménages, la taxe carbone (cf. supra) et la TVA induite qu'ils vont supporter.

Ce crédit d'impôt, forfaitairement fixé à 46 euros pour un contribuable célibataire ou assimilé, et à 92 euros pour un couple soumis à imposition commune, serait porté respectivement à 61 euros et 122 euros pour les contribuables qui sont domiciliés dans une commune qui n'est pas intégrée à un périmètre de transports urbains. Par ailleurs, ces montants seraient majorés de 10 euros par personne à charge.

Pour les ménages qui paient l'impôt sur le revenu, ce crédit d'impôt s'imputerait sur l'impôt dû. L'excédent serait reversé au contribuable. Les ménages non imposables bénéficieraient d'un "chèque vert" versé par le Trésor public.

Cette disposition s'appliquerait dès l'imposition des revenus de 2009. Le crédit d'impôt ferait l'objet, début 2010, d'un versement anticipé.

  • Réduction d'impôt sur le revenu au titre de l'investissement locatif dite "Scellier" : "verdissement" graduel du dispositif (PLF 2010, art. 44)

L'article 31 de la loi de finances rectificative pour 2008 a mis en place, à l'article 199 septvicies du CGI (N° Lexbase : L3148IEC), une réduction d'impôt sur le revenu en faveur des contribuables domiciliés en France qui acquièrent ou font construire, entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2012, des logements neufs ou anciens lorsque ces deniers sont réhabilités dans certaines conditions . Le taux de la réduction d'impôt est fixé à 25 % pour les investissements réalisés en 2009 et 2010 et à 20 % pour ceux réalisés en 2011 et 2012.

Au titre des mesures prises au service de l'environnement, l'article 44 du projet de loi de finances pour 2010 a pour objet de diminuer progressivement, à compter de 2010, le taux de la réduction d'impôt applicable aux logements qui ne présentent pas un niveau de performance énergétique globale supérieur à celui imposé par la réglementation thermique obligatoire (RT 2005). En pratique, il s'agit des logements qui ne répondent pas au critère d'attribution du label "bâtiment basse consommation énergétique" (BBC 2005) mentionné au 5° de l'article 2 de l'arrêté du 8 mai 2007.

Pour les logements qui respectent la RT 2005 sans atteindre les critères BBC, le taux de la réduction d'impôt serait ramené de 25 % à 20 %, pour les logements acquis ou construits en 2010 ; de 20 % à 15 % pour les logements acquis ou construits à compter de 2011. Pour les logements acquis ou construits en 2009, le taux de la réduction d'impôt de 25 % ne serait pas remis en cause. En revanche, pour les logements répondant à la norme BBC, plus exigeante, le taux de la réduction d'impôt serait maintenu à 25 % en 2010 et à 20 % en 2011 et 2012.

Cette diminution progressive des taux de la réduction d'impôt aurait pour but d'accroître la part des constructions de logements neufs plus économes en énergie et ainsi d'accélérer l'acquisition de savoir-faire par les professionnels de la construction avant que cette norme ne devienne obligatoire à compter de 2013.

  • Crédit d'impôt sur le revenu au titre des intérêts d'emprunt d'acquisition de l'habitation principale : "verdissement" graduel dans le neuf du dispositif

L'article 103 de la loi de finances pour 2009 avait engagé le "verdissement" du crédit d'impôt au titre des intérêts d'emprunts contractés pour l'acquisition ou la construction de l'habitation principale ("crédit d'impôt TEPA" institué à l'article 200 quaterdecies du CGI N° Lexbase : L1122IEB ; cf. l’Ouvrage "Droit fiscal" N° Lexbase : E8349EQB), par le biais de deux dispositions : d'une part, l'obligation pour les logements neufs de justifier du respect de la réglementation thermique en vigueur ; d'autre part, l'octroi d'avantages supplémentaires (allongement de la durée du crédit d'impôt de cinq à sept ans et maintien du taux à 40 % sur l'ensemble de la période) pour les acquisitions de logements neufs en avance sur la réglementation thermique en vigueur (aujourd'hui les bâtiments basse consommation, dits "BBC", puis, lorsque le niveau BBC sera la norme, les bâtiments à énergie positive, dits "BPOS").

L'article 45 du PLF 2010 propose d'aller plus loin dans le "verdissement" du crédit d'impôt en en réduisant graduellement le taux, sur la période 2010 à 2012, pour les logements neufs ne répondant pas à la norme BBC, et cela afin d'accroître la part des constructions de logements plus économes en énergie et d'accélérer l'acquisition de savoir-faire par les professionnels de la construction avant que cette norme ne devienne obligatoire en 2013.

Ainsi, pour ces logements, les taux actuellement applicables, soit 40 % au titre des intérêts payés au titre de la première annuité de remboursement et 20 % au titre des quatre suivantes, seraient ramenés respectivement à :

- 30 % puis 15 % pour les logements acquis ou construits en 2010 ;

- 25 % puis 10 % pour les logements acquis ou construits en 2011 ;

- 15 % puis 5 % pour les logements acquis ou construits en 2012.

Pour les logements acquis ou construits en 2009, le taux du crédit d'impôt ne serait pas remis en cause.

A partir de 2013, et à législation inchangée, les logements neufs respectant la norme BBC, qui correspondra alors à la norme thermique obligatoire, bénéficieraient de l'avantage fiscal aux taux de droit commun (40 %, puis 20 % de crédit d'impôt sur cinq annuités) tandis que les logements ne la respectant pas n'en bénéficieraient plus. Les logements "BPOS" devraient alors bénéficier de l'avantage fiscal majoré (40 % de crédit d'impôt sur sept annuités).

  • IR : exonération de l'aide exceptionnelle de 200 euros versée aux bénéficiaires de certaines prestations sociales et à certains demandeurs d'emploi et de la prime exceptionnelle de 500 euros versée aux travailleurs privés d'emploi (PLF 2010, art. 10)

Au titre des mesures visant à poursuivre l'effort engagé en faveur d'une fiscalité des ménages plus juste et plus équitable, afin de donner leur plein effet aux mesures de solidarité nationale annoncées lors du sommet social du 18 février 2009, l'article 10 du PLF 2010 propose d'exonérer d'impôt sur le revenu, d'une part, l'aide exceptionnelle de 200 euros versée sous la forme de chèques emploi service universels (CESU) préfinancés par l'Etat aux bénéficiaires de certaines prestations sociales et à certains demandeurs d'emploi ; d'autre part, la prime exceptionnelle de 500 euros versée aux salariés perdant involontairement leur emploi entre le 1er avril 2009 et le 31 mars 2010 et qui ne peuvent prétendre au versement de l'allocation chômage.

Ces dispositions seraient applicables dès l'imposition des revenus de l'année 2009.

  • IR : suppression de l'exonération partielle des indemnités de départ volontaire en retraite hors plan de sauvegarde de l'emploi (PLF 2010, art. 49)

L'article 81, 22° du CGI (N° Lexbase : L5717IEH) prévoit que les indemnités de départ volontaire à la retraite versées en application de l'article L. 1237-9 du Code du travail (N° Lexbase : L1407H9Y) sont exonérées d'impôt sur le revenu dans la limite de 3 050 euros .

Au titre des mesures de l'équité fiscale, l'article 49 du projet de loi de finances pour 2009 propose de supprimer ce régime d'exonération. Le régime fiscal des indemnités de mise à la retraite d'office par l'employeur et celui des indemnités de départ volontaire à la retraite versées dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi ne seraient, en revanche, pas modifiés.

Cette mesure serait applicable aux indemnités de départ volontaire à la retraite versées à compter du 1er janvier 2010.

  • Crédit d'impôt sur le revenu pour les dépenses d'équipement de l'habitation principale des personnes âgées et handicapées : prorogation du dispositif en 2010 (PLF 2010, art. 43)

L'article 91 de la loi de finances pour 2005 (loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 N° Lexbase : L5203GUA) a mis en place un crédit d'impôt dédié aux dépenses d'équipements de l'habitation principale en faveur de l'aide aux personnes âgées et handicapées, codifié à l'article 200 quater A du CGI (N° Lexbase : L2482HNA ; cf. l’Ouvrage "Droit fiscal" N° Lexbase : E9148CD8). Ce crédit d'impôt s'applique aux dépenses payées entre le 1er janvier 2005 et le 31 décembre 2009, dans la limite d'un plafond global pluriannuel de 5 000 euros pour une personne seule et de 10 000 euros pour un couple. Ces plafonds sont majorés de 400 euros pour chaque personne à la charge du foyer fiscal.

Le taux du crédit d'impôt varie en fonction du type d'équipement concerné :

- 25 % pour les dépenses d'installation ou de remplacement d'équipements spécialement conçus pour les personnes âgées ou handicapées ;

- 15 % pour les dépenses d'acquisition d'ascenseurs électriques à traction possédant un contrôle avec variation de fréquence ;

- 15 % pour les dépenses de travaux de prévention des risques technologiques.

L'article 43 du PLF 2010 propose de proroger d'un an ce dispositif, soit jusqu'au 31 décembre 2010. Le plafond des dépenses éligibles, soit 5 000 euros ou 10 000 euros selon la composition du foyer fiscal, resterait inchangé mais il serait désormais apprécié par période de cinq années consécutives.

  • Prêt à taux zéro (PTZ) : prorogation pour trois ans du dispositif avec maintien du doublement du prêt jusqu'au 30 juin 2010 (PLF 2010, art. 46)

L'article 93 de la loi de finances pour 2005 (loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004) a institué un crédit d'impôt au titre des avances remboursables ne portant pas intérêt. Ce dispositif permet aux personnes physiques, sous condition de ressources, de bénéficier d'un prêt à taux zéro (PTZ) pour l'acquisition ou la construction d'une résidence principale en accession à la première propriété. L'extinction de ce dispositif est prévue pour le 31 décembre 2009.

La loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006, portant engagement national pour le logement (dite ENL) (N° Lexbase : L2466HKK) a majoré de 15 000 euros le montant du PTZ pour les opérations d'accession sociale à la propriété dans le neuf, bénéficiant d'une aide des collectivités territoriales ou de leurs groupements.

De même, l'article 100 de la loi de finances pour 2009 (loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 N° Lexbase : L3783IC4) a instauré une majoration du PTZ d'un montant maximum de 20 000 euros pour les acquisitions ou les constructions de logements neufs répondant à des niveaux élevés de performance énergétique.

Enfin, dans le cadre du plan de relance de l'économie, le montant du PTZ a été doublé de manière temporaire pour être porté à 65 100 euros pour les offres de prêt émises entre le 15 janvier 2009 et le 31 décembre 2009.

Dans un contexte de fragilité économique, où l'accès des ménages, notamment modestes, à la propriété reste une priorité gouvernementale, tout comme l'incitation à la construction de bâtiments basse consommation, l'article 46 du projet de loi de finances pour 2010 propose ainsi de reconduire le dispositif du PTZ jusqu'au 31 décembre 2012.

L'article 46 propose, également, de proroger le dispositif temporaire de doublement du PTZ à 65 100 euros dans le neuf pour les offres de prêts émises jusqu'au 30 juin 2010. Pour les offres de prêts émises à compter du 1er juillet 2010 et jusqu'au 31 décembre 2010, le montant maximal du PTZ serait majoré de moitié, soit un prêt de 48 750 euros au maximum, au lieu de 32 500 euros.

Par ailleurs, il est prévu que le Gouvernement diminue dès le 1er janvier 2010 les plafonds de la zone C de 10 % par voie réglementaire, afin d'accompagner la baisse des prix et de lutter contre l'étalement urbain.

Les établissements de crédit qui octroient ce type de prêt bénéficient d'un crédit d'impôt au titre des avances remboursables, codifié à l'article 244 quater J du CGI . Ce dispositif, qui est le pendant du PTZ, serait donc également prorogé jusqu'au 31 décembre 2012.

  • TVA : suppression du taux réduit sur les équipements de climatisation (PLF 2010, art. 8)

En vertu de l'article 279 0-bis du CGI (N° Lexbase : L2533HN7), depuis le 15 septembre 1999, la TVA est perçue au taux réduit au titre des travaux réalisés dans les logements, plus précisément, sur les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien portant sur des locaux à usage d'habitation, achevés depuis plus de deux ans, à l'exception de la part correspondant à la fourniture d'équipements ménagers ou mobiliers ou à l'acquisition de gros équipements fournis dans le cadre de travaux d'installation ou de remplacement du système de chauffage, des ascenseurs ou de l'installation sanitaire dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé du Budget .

En application de ces dispositions, les équipements fixes de climatisation sont soumis au taux réduit de TVA lorsqu'ils sont fournis et facturés par l'entreprise prestataire qui les installe dans un logement achevé depuis plus de deux ans.

Au titre des mesures prises au service de l'environnement, l'article 8 du projet de loi de finances pour 2010 vise à supprimer le taux réduit de TVA (5,5 % au lieu de 19,6 %) dont bénéficie à ce jour l'installation d'équipements de climatisation, en mentionnant expressément, à l'article 279-0 bis, les systèmes de climatisation parmi les éléments exclus du dispositif. En effet, alors que le recours à la climatisation entraîne une augmentation des émissions de gaz à effet de serre à la fois au travers de la consommation de gaz fluorés qu'elle génère et des surconsommations d'électricité nécessaires à son fonctionnement, il s'agit de supprimer cet avantage fiscal afin de favoriser des solutions alternatives moins émettrices de gaz à effet de serre.

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Propriété intellectuelle

[Chronique] La Chronique de droit de la propriété intellectuelle de Nathalie Martial-Braz, Maître de conférences, Université Rennes 1, CDA-PR - Octobre 2009

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N0712BMC

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Le 07 Octobre 2010

L'automne est une saison bien mélancolique avec sa rentrée et ses feuilles mortes qui bientôt joncheront le sol de nos rues... au temps de la propriété intellectuelle, les feuilles mortes se ramassent aussi à la pelle sous la plume de la Cour de cassation ! En témoigne, la chronique en droit de la propriété intellectuelle de Nathalie Martial-Braz, Maître de conférences, Université Rennes 1, CDA-PR. Sont donc à l'honneur ce trimestre, quatre arrêts de la Haute juridiction. D'abord, le premier arrêt, rendu par sa Chambre commerciale le 7 juillet 2009, rappelle la compétence exclusive de l'Office d'harmonisation du marché intérieur en matière de nullité d'une marque communautaire. Ensuite, dans le deuxième arrêt commenté, en date du 1er juillet 2009, la Chambre sociale revient sur la distinction entre le contrat de travail et le contrat d'exploitation des droits de propriété intellectuelle par lequel un artiste-interprète cède ses droits voisins. Enfin, les troisième et quatrième arrêts sélectionnés par l'auteur de cette chronique, rendus les 25 juin et 9 juillet 2009 par la première chambre civile, consacrent respectivement la nature juridique du jeu vidéo et la primauté du droit à l'information doit sur le droit à l'image de l'artiste si l'image a un lien direct avec l'information qu'elle illustre.



1 - "
Oh ! Je voudrais tant que tu te souviennes !"

Alors que le brevet communautaire tarde à voir le jour, la marque communautaire affirme son succès de manière quelque peu effrontée. Depuis leur reconnaissance par le Règlement communautaire n° 40/94 du 20 décembre 1993 ( N° Lexbase : L5799AUC), entré en application le 1er avril 1996 et modifié en dernier lieu par le Règlement CE n° 207/2009 du 26 février 2009 (N° Lexbase : L0531IDZ), le dépôt de marques communautaires ne cesse de croître. Près de 500 000 marques communautaires sont enregistrées. Plus de 80 000 demandes ont été reçues en 2007 (1) soit par l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (OHMI), soit auprès d'un office de l'un des 27 Etats membres qui, lui, transmet la demande à l'OHMI.

La marque communautaire offre à son titulaire une protection unitaire sur l'ensemble du territoire de la Communauté. Le titre communautaire ne se substitue nullement aux titres nationaux qui sont délivrés par les offices des Etats membres en vertu des dispositions nationales. La marque communautaire n'est donc absolument pas soumise à ces dispositions nationales. En cela, elle permet l'harmonisation souhaitée par ses concepteurs. La marque communautaire répond pour son existence à des conditions de validité qui sont semblables à celles du droit interne puisque celui-ci doit être interprété à la lumière de la Directive du 21 décembre 1988 (Directive 89/104 du Conseil, rapprochant les législations des Etats membres sur les marques N° Lexbase : L9827AUI) (2) dont les termes ont été repris pour définir les conditions de la protection dans le Règlement. L'OHMI saisi d'une demande d'enregistrement doit donc s'attacher à vérifier qu'il n'existe aucun motif absolu, voire relatif, de refus (3). Une marque communautaire enregistrée selon cette procédure peut être cependant contestée. La nullité (4) peut en effet être demandée, d'une part, s'il apparaît qu'en dépit de l'enregistrement il existait un motif absolu ou relatif de rejet et, d'autre part, si l'enregistrement a été effectué de manière frauduleuse par le demandeur. Face à l'essor des marques communautaires, le contentieux lié à la contestation de celles-ci va certainement être des plus récurrent. La précision apportée par la Chambre commerciale de Cour de cassation dans son arrêt du 7 juillet 2009 (Cass. com., 7 juillet 2009, n° 08-17.135, F-P+B N° Lexbase : A7416EII) revêt, dès lors, un attrait tout particulier.

Dans une affaire où était contestée la compétence territoriale du TGI d'Auch et de la cour d'appel d'Agen, juridictions toutes deux saisies d'une action en annulation de sept marques dont trois communautaires, la Cour de cassation, après avoir rejeté le moyen soutenant l'incompétence du tribunal de Auch aux motifs que "s'agissant du non-respect de la législation sur les marques, le fait dommageable [...] est subi dans l'ensemble des lieux dans lesquels la marque dont l'annulation est recherchée et commercialisée, et qu'il est établi en l'espèce que les marques [...] sont diffusées sur l'ensemble du territoire national par internet, la cour d'appel a pu en déduire que le dommage avait été subi dans le ressort du TGI d'Auch, peu important que le fait dommageable se soit également produit dans le ressort d'autres tribunaux", a relevé d'office le moyen de la compétence communautaire. Elle a ainsi décidé, au visa des articles 51 et 52 du Règlement CE n° 40/94 du 20 décembre 1993 et de l'article 92 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L3234AD7), que "la nullité de la marque communautaire est déclarée, sur demande présentée auprès de l'Office d'harmonisation du marché intérieur ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon", la cour d'appel avait, dès lors, excédé ses pouvoirs en "déclarant une juridiction nationale compétente pour connaître de la demande principale de la société, en tant qu'elle portait sur l'annulation de marques communautaire".

Cette solution ne surprend guère. Elle résulte, en effet, des termes mêmes des articles 51 en matière de déchéance des droits, et 52 en matière d'annulation des droits, rappelés par la Cour de cassation. Lorsque la demande porte principalement sur la question de la validité des droits, la compétence exclusive est donc celle de l'Office d'harmonisation du marché intérieur (OHMI) à l'exclusion dès lors des juridictions nationales. Cette décision est, par ailleurs, en parfaite harmonie avec les solutions admises par le Règlement communautaire du 22 décembre 2000 dit "Bruxelles I" (6) sur la compétence en matière civile et commerciale (7) qui prévoit, en son article 22 § 4, une compétence exclusive des juridictions nationales de l'Etat membre sur le territoire duquel la demande d'obtention du droit de propriété industrielle a été déposée à l'égard du contentieux relatif aux questions de validité des droits de propriété industrielle. Seules les actions en contrefaçon peuvent être soumises à d'autres juridictions.

Toutefois, une question a été soulevée à l'égard de la compétence exclusive de l'article 22 § 4 du Règlement "Bruxelles I", qui ne manquera pas d'ailleurs de se poser pour les marques communautaires : celle de savoir si la compétence exclusive est également applicable lorsque la demande relative à la validité du droit de propriété industrielle n'est pas faite à titre principale mais de manière reconventionnelle en défense d'une action en contrefaçon. La Cour de justice des communautés européennes, saisie de cette question, a répondu en deux temps. Dans un premier arrêt "Dujinstee" du 15 novembre 1983 (CJCE, 15 novembre 1983, aff. 288/82, Ferdinand M.J.J. Duijnstee c/ Lodewijk Goderbauer N° Lexbase : A6028ELT), elle avait décidé que l'article 22 § 4, reconnaissant la compétence exclusive, devait s'appliquer dans les cas dans lesquels le litige "porte lui-même sur la validité du brevet ou l'existence du dépôt ou de l'enregistrement". La formule n'était pas des plus éclairantes et le doute persistait donc. Il faut attendre un arrêt "GAT" du 13 juillet 2006 (CJCE, 13 juillet 2006, aff. C-4/03, Gesellschaft für Antriebstechnik mbH & Co. KG c/ Lamellen und Kupplungsbau Beteiligungs KG N° Lexbase : A4759DQC) pour enfin être assuré du sens de la décision qui précède. La CJCE, en effet, confirmait de manière très explicite cette fois que "la compétence exclusive que prévoit cette disposition doit trouver à s'appliquer quel que soit le cadre procédural dans lequel la question de la validité d'un brevet (ou d'un autre de droit de propriété industrielle) est soulevée, que ce soit par voie d'action ou par voie d'exception, lors de l'introduction de l'instance ou à un stade plus avancé de celle-ci". Cette solution a été saluée par la doctrine comme étant la plus cohérente. La décision administrative d'une autorité nationale ayant octroyé un droit doit logiquement être contrôlée par les juridictions de ce même Etat, plutôt que par un Etat tiers. C'est certainement la logique qui a présidé à l'existence de la règle contenue aux articles 51 et 52 du Règlement sur la marque communautaire.

Toutefois, il est à craindre que la logique ne soit pas respectée jusqu'à son terme pour les marques communautaires. En effet, à la lecture des textes du Règlement, il semble qu'il faille distinguer selon que la demande est faite à titre principale ou en défense à une action en contrefaçon. En disposant à l'article 52 que "la nullité de la marque communautaire est déclarée, sur demande présentée auprès de l'Office ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon", il semble que la compétence de l'OHMI ne soit exclusive qu'à l'égard des demandes principales pour lesquelles la précision est faite.
A contrario, à l'égard des demandes reconventionnelles, en l'absence de précision, rien ne semble indiquer que celles-ci doivent être obligatoirement présentées devant l'OHMI. De même, à suivre la solution retenue par la Cour de cassation dans notre espèce, tout porte à penser que la compétence exclusive de l'OHMI et partant l'incompétence des juridictions nationales ne sera requise qu'à l'égard de "la demande principale [...] en tant qu'elle porte sur l'annulation des marques communautaires". Il est peut-être regrettable que la rigueur retenue pour la compétence territoriale des juridictions chargées de contrôler la validité des marques nationales ne soit pas appliquée pour les marques communautaires. En effet, les arguments avancés pour justifier la solution à l'égard des titres nationaux restent tout aussi pertinents à l'égard des titres communautaires.
Ainsi, la CJCE (8) relevait-elle que le fait d'admettre la compétence exclusive des juridictions de l'Etat chargé de la délivrance du titre répond à un souci de bonne administration de la justice : ces juridictions "sont les mieux placées pour connaître des cas dans lesquels le litige porte lui-même sur la validité du brevet ou l'existence du dépôt ou de l'enregistrement".

Souhaitons que, saisie de la question, la CJCE ne se déjugera pas et saura se souvenir de ces arguments pour interpréter le Règlement communautaire de telle sorte qu'aucune disparité ne naisse sous sa plume !

2 - "Des jours heureux où nous étions amis. En ce temps-là la vie était plus belle"

Il est certain que la vie est toujours plus belle entre un artiste et sa maison de disque... avant que celle-ci ne rompe abusivement le contrat d'enregistrement exclusif qu'elle avait conclu avec le premier ! L'amitié est ainsi faite qu'elle tient pour beaucoup au succès de l'artiste !

La Cour de cassation saisie en Chambre sociale de la question du calcul des dommages et intérêts versés à l'artiste en cas de rupture abusive d'un tel contrat est venue apporter, le 1er juillet 2009 (Cass. soc., 1er juillet 2009, n° 07-45.681, FS-P+B N° Lexbase : A5766EIE) (9), une précision fondamentale, et sévère, qui, partant, bénéficiera certainement du même succès que celui auquel semblait être réduit notre artiste-interprète en l'espèce.

Un contrat d'enregistrement exclusif avait, en effet, été conclu le 7 février 1995 entre un producteur et un artiste pour interpréter des oeuvres musicales et chantées en vue de leur fixation et reproduction destinées à être publiées et exploitées à des fins commerciales et promotionnelles. Le 15 novembre 2001 un autre contrat a été conclu entre eux pour une durée de cinq ans, qui avait pour objet la réalisation d'au moins trois albums. A la suite d'une altercation entre la maison de disque et l'artiste, et face, notamment, à l'insuccès du premier album réalisé, le producteur a dénoncé par lettre recommandée du 15 mai 2004 la faute grave de l'artiste afin de mettre fin au contrat. Celui-ci a dès lors saisi la juridiction prud'homale afin que la rupture soit qualifiée d'abusive et que lui soit octroyés des dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral.
La cour d'appel a fait droit à ses demandes et, afin d'évaluer le préjudice, a décidé d'inclure dans l'assiette du calcul des dommages-intérêts non seulement les cachets de l'artiste, mais également "les redevances qu'il aurait pu escompter toucher jusqu'à la fin du contrat".
La Cour de cassation a cependant, sur ce point, censurée la décision d'appel en soulignant, au visa des articles L. 212-3 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3434ADK) et L. 1243-1 (N° Lexbase : L1457H9T), L. 1243-4 (N° Lexbase : L1462H9Z), L. 7121-3 (N° Lexbase : L3102H9R) et L. 7121-8 (N° Lexbase : L3112H97) du Code du travail et par une formulation de principe, que "les redevances versées à l'artiste-interprète, qui sont fonction du seul produit de l'exploitation de l'enregistrement et ne sont pas considérées comme des salaires, rémunèrent les droits voisins qu'il a cédées au producteur et continuent à lui être versées après la rupture du contrat d'enregistrement". Dès lors, "les redevances et les avances sur redevances ne pouvaient être prises en considération dans l'évaluation du montant des rémunérations qu'aurait perçues [l'artiste] jusqu'au terme du contrat de travail à durée déterminée, montant représentant le minimum des dommages-intérêts dus en application de [...] L. 1243-4 du Code du travail ".

A priori, cette solution est des plus classiques, la Cour de cassation ayant déjà eu l'occasion d'affirmer qu'il y a lieu de distinguer le contrat de travail du contrat d'exploitation des droits de propriété intellectuelle par lequel un artiste-interprète cède ses droits voisins (10). Or en l'espèce c'est bien au contrat de travail que l'employeur-producteur a mis fin unilatéralement et de manière anticipée.
Toutefois, la décision apporte une précision bienvenue. En effet, si l'on s'en tient à la lettre des textes du Code du travail, la solution retenue par les juges du fond semblait pouvoir se justifier. Le calcul du préjudice subi du fait d'une rupture abusive du contrat de travail doit être, selon l'article L. 1243-4 du Code du travail, au moins égal "aux rémunérations" que l'artiste aurait perçues. Or, en vertu de l'article L. 7121-8 du même code, il y a lieu de distinguer les "rémunérations dues à l'artiste à l'occasion de la vente ou l'exploitation de l'enregistrement de son interprétation, exécution ou présentation par l'employeur [...] n'est pas considérée comme salaires dès que la présence physique de l'artiste n'est plus requise". Partant, il y a bien lieu d'admettre que, si les redevances ne sont pas des salaires, elles constituent toutefois des rémunérations et à ce titre pourraient être admises, ainsi que l'avait retenu la cour d'appel (CA Paris, 21ème ch., sect. C, 13 décembre 2007, n° 05/07345, Société Emi Music France c/ M. Bruno Beausir dit "Doc Gynéco" N° Lexbase : A7353D3Q), dans l'assiette du calcul du montant des dommages-intérêts dus au titre de la rupture abusive du contrat de travail.

En dépit de cette analyse a priori bien fondée, il y a lieu de saluer la solution retenue par la Cour de cassation. Si la Chambre sociale s'écarte, semble-t-il, de la lettre des textes c'est certainement pour mieux s'en tenir à son esprit. Ce qui justifie fondamentalement l'exclusion des redevances de l'assiette de calcul du préjudice, ce n'est pas tant leur nature à proprement parler, que leur fondement. Parce qu'elles sont la contrepartie du contrat d'enregistrement et nullement du contrat de travail, elles ne disparaissent pas du fait de la rupture anticipée du contrat de travail. Dès lors, le préjudice résultant de cette rupture ne peut en aucun cas comprendre la perte de cette rémunération, puisque nul ne conteste leur qualification, dès lors que précisément l'artiste la conserve en dépit de la rupture du contrat de travail. Ainsi, quoique cette solution puisse sembler sévère à l'égard des artistes-interprètes largement soumis aux volontés des producteurs si l'on s'en tient à la faiblesse du montant de ce qui constituent les rémunérations prises en compte pour l'évaluation du préjudice, rappelons que les cachets versés en l'espèce pour la réalisation de chacun des albums étaient d'un montant de 706, 25 euros, ce qui, il faut en convenir semble résiduel au regard des sommes en jeu, elle ne peut être différente sauf à s'écarter du principe de réparation intégrale. Soulignons toutefois, qu'en dépit des apparences, l'artiste-interprète n'est pas nécessairement lésé par la rigueur de la Cour de cassation.
D'une part, il conserve les redevances qui lui seront versées en dépit de la rupture, et bien que celles-ci dépendent de son succès, elles ne lui sont pas retirées du fait de la décision, et sauf à dire qu'elles avaient été surévaluées par la cour d'appel, leur exclusion du champs des dommages-intérêts ne cause aucun préjudice à l'artiste.
D'autre part, si les seules rémunérations susceptibles d'être admises pour l'évaluation du préjudice sont celles qui ne seront plus versées du fait de la rupture anticipée, ce montant ne constitue qu'un minimum que le juge peut dépasser lorsqu'il estimera que le préjudice effectivement subi est supérieur à ce montant, notamment, en réparant le préjudice moral souffert par l'artiste du fait de la rupture anticipée.

Le principe de réparation intégrale a bien évidemment vocation à s'appliquer à la réparation du préjudice causé par la rupture abusive du contrat de travail. Dès lors, si l'artiste ne se voit allouer que de faibles dommages-intérêts réduits au minimum de ses cachets, c'est certainement parce que le préjudice souffert n'est pas plus important !

3 - "C'est une chanson qui nous ressemble"... et quoique les jeux vidéo ressemblent à des logiciels, ils n'en sont pas !

Tel est le refrain entonné par les juges de la première chambre civile de la Cour de cassation à l'occasion d'un arrêt rendu le 25 juin 2009 (Cass. civ. 1, 25 juin 2009, n° 07-20.387, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A5422EIN) (11).

Une société éditrice de jeux vidéo n'avait, à l'occasion de l'utilisation de compositions musicales appartenant au répertoire de la SACEM, payé aucune redevance auprès de la Sesam chargée d'assurer, pour les oeuvres multimédias, l'exercice et la gestion des droits de reproduction mécanique de ces oeuvres musicales. La Sesam a déclaré sa créance résultant des reproductions non autorisées dans divers jeux vidéo au passif de la société qui a produit, édité et commercialisé les jeux vidéo placée en liquidation judiciaire.
La cour d'appel de Paris (CA Paris, 3ème ch., sect. B, 20 septembre 2007, n° 07/01793, Société Civile Sesam c/ SELAFA MJA N° Lexbase : A1002DZ7) ayant admis ces créances, la société s'est pourvue en cassation en soutenant que l'oeuvre que constitue le jeu vidéo doit être qualifiée de logiciel et qu'à ce titre les dispositions de l'article L. 131-4-5° du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3387ADS), selon lesquelles la cession des droits portant sur un logiciel peut être évaluée forfaitairement, ont vocation à s'appliquer excluant de fait l'existence de toutes créances en faveur de la Sesam.

La question de la nature de l'oeuvre que constitue le jeu vidéo était donc clairement posée à la Cour de cassation.
Or, pour la première chambre civile, l'argumentation du moyen doit être rejetée au motif que "un jeu vidéo est une oeuvre complexe qui ne saurait être réduite à sa seule dimension logicielle, quelle que soit l'importance de celle-ci, de sorte que chacune de ses composantes est soumise au régime qui lui est applicable en fonction de sa nature". Partant, l'incorporation des oeuvres musicales devait être soumise au droit de reproduction mécanique dont la gestion est confiée à la Sesam. Cette dernière se voit ainsi conférer une créance à l'encontre de la société éditrice et exploitante des jeux vidéo et admise par voie de conséquence au passif de la liquidation judiciaire ouverte à son encontre.

En rendant cette solution, la Cour de cassation tranche une controverse relative à la nature des jeux vidéo, controverse dont les conséquences financières ne sont pas négligeables.
Alors qu'il semblait acquis que la qualification d'oeuvre audiovisuelle doive être exclue pour ces oeuvres particulières (12) dès lors qu'il ne s'agissait ni d'un "défilement linéaire des séquences", ni d'une "succession de séquences animées d'images", il semble qu'il faille également exclure la qualification de logiciel. Il ne pouvait en effet être retenu la qualification d'oeuvre audiovisuelle dès lors que l'intervention de l'utilisateur est toujours possible pour en modifier l'ordre des séquences et que l'oeuvre se caractérise par une succession de séquences fixes pouvant contenir des images animées. Or, les jeux vidéo répondent parfaitement à une telle description.

Certaines juridictions (13), à l'instar de ce qui était soutenu dans le pourvoi, déduisaient de cette exclusion de la qualification d'oeuvre audiovisuelle la nécessaire qualification de logiciel pour les jeux vidéo qui constituent de manière certaines (14) des oeuvres susceptibles d'être protégées par un droit d'auteur. Cette qualification présentait, en outre, l'avantage de soumettre l'oeuvre à un régime unique et forfaitaire, excluant ainsi notamment tout droit de reproduction des éventuelles oeuvres utilisées pour sa confection. Alors que la Chambre criminelle, quoique saisie d'une action en contrefaçon d'un jeu vidéo et non expressément de la question de la nature de cette oeuvre, avait admis sans aucun doute la qualification de logiciel, la première chambre civile s'oppose fermement à celle-ci. Le jeu vidéo ne peut être réduit à la qualification de logiciel, tout aussi restrictive que la qualification d'oeuvre audiovisuelle.

La Cour de cassation choisit de ne pas qualifier expressément l'oeuvre que constituent les jeux vidéo, elle emploie seulement le qualificatif "d'oeuvre complexe" sans davantage de précisions. Certains considèrent que l'exclusion des qualifications de logiciel et d'oeuvres audiovisuelles implique nécessairement que les jeux vidéo puissent recevoir la qualification d'oeuvre multimédia (15). Nous nous permettrons d'être plus réservés. En effet, l'oeuvre multimédia n'est pas aussi évidente à définir (16) qu'il peut paraître a priori et semble difficilement détachable pour la détermination de son régime (17), d'une part, de l'oeuvre audiovisuelle (18) clairement exclue par la même formation et, d'autre part, de l'oeuvre collective, qualification invoquée par le pourvoi et dont le rejet semble marquer la volonté de la Cour de cassation de s'en départager. En outre, une telle qualification d'oeuvre multimédia permettrait-elle de résoudre les difficultés soulevées par les jeux vidéo ? Rien n'est moins sûr !

Si cette qualification ne permet pas de lui conférer un régime bien déterminé, ce qui semble exclu dès lors que sa qualification est empreinte de doute, force est d'admettre qu'elle n'a que peu d'intérêt. Reste alors à la Cour de cassation, face au silence du législateur, à procéder à la construction du régime applicable à cette "oeuvre complexe " que constitue les jeux vidéo qui relève, à n'en pas douter, d'une qualification sui generis qui ne ressemble qu'à elle !

4 - "Et la chanson que tu chantais, Toujours, toujours je l'entendrai !"... mais Jamais, Jamais je ne te verrai plus la chanter...

Telle pourrait être la morale de l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 9 juillet 2009 (Cass. civ. 1, 9 juillet 2009, n° 07-19.758, F-P+B N° Lexbase : A7210EIU).

En l'espèce, un chanteur célèbre, dont les oeuvres qu'il avait composées et interprétées entre les années 1930 et 1950 avaient été compilées dans un coffret de chansons françaises dont l'illustration était faite par une photographie d'époque le représentant, dénonçait les multiples utilisations de son image au sein de ce coffret, faites sans son autorisation.
La cour d'appel de Paris (CA Paris, 11ème ch., sect. A, 6 juin 2007, n° 05/21809 N° Lexbase : A7437DXQ). a refusé de faire droit à ses demandes dans un arrêt pour le moins surprenant quoique circonstancié. Pour les juges du fond l'utilisation d'un portrait pris à l'occasion de la vie professionnelle de l'artiste pour promouvoir ses oeuvres ne "procède pas de l'exploitation de la personnalité, mais relève de l'activité d'information et de communication". Or dans le conflit opposant le droit à l'image de l'artiste et le droit à l'information du public, la cour d'appel de Paris a jugé que "le droit à l'image doit [...] céder devant la liberté d'expression chaque fois que l'exercice du premier aurait pour effet de faire arbitrairement obstacle à la liberté de recevoir ou de communiquer des idées qui s'expriment spécialement dans le travail d'un artiste". Dès lors, conformément à ce qui est traditionnellement enseigné, si l'image a un lien direct avec l'information qu'elle illustre, le droit à l'information doit primer sur le droit à l'image de l'artiste. Une limite est, toutefois, rappelée par la cour, l'utilisation de l'image ne devant pas porter atteinte à la vie privée de l'artiste, ce qui ne pouvait être le cas, dès lors qu'il s'agissait d'un portrait professionnel. Les juges du fond ayant constaté que l'image, "accessoire au champ musical de l'artiste" constituait une illustration "indissociable et légitime d'une réédition de son oeuvre caractérisant le contexte précis de la reproduction de l'image", et en l'absence de toute atteinte à la vie privée, ils ont jugé qu'il y avait lieu de rejeter les prétentions de l'artiste.
Il faut apprécier le lyrisme de cette décision que les juges du fond ont tenté de motiver par tous moyens, y compris philosophiquement, en invitant l'artiste à davantage de modestie et d'humilité en lui rappelant que "la gloire n'est pas un capital que les grands hommes se constituent une fois pour toutes et sur lequel ils auraient un droit acquis à jamais, mais bien davantage un sentiment qu'ils trouvent dans le regard des autres hommes".

Mais la Cour de cassation n'a pas souhaité faire prévaloir ces intérêts "supérieurs" sur le droit à l'image et rappelle fermement, au visa de l'article 9 du Code civil (N° Lexbase : L3304ABY) et sous forme de principe... juridique cette fois, que "l'utilisation de l'image d'une personne pour en promouvoir les oeuvres doit avoir été autorisée par celle-ci, et que la reproduction de la première au soutien de la vente des secondes n'est pas une information à laquelle le public aurait nécessairement droit au titre de la liberté d'expression, peu important l'absence d'atteinte à la vie privée de l'intéressé".

On ne peut que se satisfaire de la rigueur retenue par la Cour de cassation qui rappelle le caractère autonome de ce droit subjectif que constitue le droit à l'image (19) qui, quoique fondé sur l'article 9, est totalement indépendant du droit à la vie privée expressément contenu dans le texte. Dès lors, la seule atteinte à l'image d'une personne constitue une atteinte à un droit de la personnalité (20). Et s'il semble désormais incontesté que ce droit à l'image puisse céder face au droit à l'information du public, attribut de la liberté d'expression consacrée par l'article 10 de la CESDH (N° Lexbase : L4743AQQ), lorsqu'il existe un lien direct entre l'image et l'information (21), encore faut-il que celle-ci soit véritablement qualifiée.
Or sur ce point, la Cour de cassation démontre qu'à l'instar de toute exception, celle-ci doit être interprétée strictement. Dès lors, il faut apprécier la notion d'information de manière orthodoxe. La promotion commerciale d'une oeuvre ne peut constituer une information. Il faut voir dans la solution rendue par la Cour de cassation l'illustration d'une volonté d'admettre restrictivement les limites au droit à l'image. Celui-ci ne peut céder que face à la liberté d'expression justifiant un droit à l'information du public, notion que l'on ne peut dévoyer pour servir quelques intérêts commerciaux.

Le recours au droit de la propriété intellectuelle n'est pas de nature à restreindre le droit à l'image de l'auteur. Le droit d'utiliser les oeuvres d'un artiste n'autorise donc pas l'utilisation de son image en dépit de ce que pouvait laisser sous-entendre la cour d'appel en soulignant le caractère "accessoire" de l'image au "champ musical" de l'artiste. Le droit à l'image acquiert ainsi par la rigueur de la Cour de cassation un statut de plus en plus prompt à assurer à son titulaire une protection efficace.

Dès lors, si l'artiste se voyait déjà en haut de l'affiche, il n'appartient pas à d'autres que lui d'autoriser que son image soit jointe à ses oeuvres !

Nathalie Martial-Braz, Maître de conférences, Université Rennes 1 - CDA-PR


(1) OHMI, rapport annuel 2007.
(2) La Directive du 21 décembre 1988 a été transposée en droit interne par la loi du 4 janvier 1991. Toutefois, la jurisprudence a eu l'occasion de rappeler que la loi nationale doit s'interpréter à lumière des finalités de la Directive afin d'atteindre le résultat visé par celle-ci, "nonobstant des éléments d'interprétation contraire qui pourraient résulter des travaux préparatoires de la règle nationale" (CJCE, 29 avril 2004, aff. C-371/02, Björnekulla Fruktindustrier A c/ Procordia Food AB N° Lexbase : A0416DCE, D., 2005, pan. 504, obs. S. Durrande).
(3) Sur ces motifs de rejet de la demande d'enregistrement, v. J. Passa, Traité de la propriété industrielle. Droit de la propriété industrielle, tome 1, LDGJ, 2006, n° 611 et s..
(4) Article 52 du Règlement CE n° 40/94 du 20 décembre 1993 modifié par le Règlement CE n° 207/2009 du 26 février 2009.
(5) Cf. D., 2009, n° 30, p. 2037.
(6) Règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (N° Lexbase : L7541A8S).
(7) Ce texte s'est substitué à la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 (N° Lexbase : L9088ARZ).
(8) CJCE, 13 juillet 2006, op. cit., pt 22.
(9) Cf. D., 2009, n° 28, p. 1894, obs. J. Daleau ; S. Tourneaux, Salaires, rémunérations et droits voisins : l'articulation complexe des rétributions de l'artiste-interprète, Lexbase Hebdo n° 363 du 17 septembre 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N9151BLI).
(10) Cass. civ. 1, 6 mars 2001, n° 98-15.502, Syndicat national de l'édition phonographique et autres c/ Syndicat national des artistes musiciens de France et autre, publié (N° Lexbase : A4709ART), Bull. civ. I, n° 58, D., 2001, jur. 1868, note B. Edelman, CCE, 2001, comm. 44, note Ch. Caron, JCP éd. G, 2002, II, 10014, note F. Pollaud-Dulian. Pour la Cour de cassation, dans cette décision, "la cour d'appel a justement énoncé qu'en vertu de l'article L. 212-3 du Code de la propriété intellectuelle, et malgré le renvoi fait aux articles L. 762-1 et L. 762-2 du Code du travail, l'existence d'un contrat de travail n'emportant pas dérogation à la jouissance des droits de propriété intellectuelle".
(11) Cf. D., 2009, n° 27, p. 1819.
(12) Cass. civ. 1, 28 janvier 2003, n° 00-20.294, Mme Françoise Casaril c/ Société Havas interactive, FS-P+B (N° Lexbase : A8437A4A), Bull. civ. I, n° 29, CCE, 2003, comm.. 35, note Ch. Caron.
(13) CA Caen, 19 décembre 1997, n° 97/00344, Mme Annie Truffaut (N° Lexbase : A7628DNT), LPA, 18 novembre 1999, p. 10, note Treppoz, JCP éd. E, 2000, 1375, obs. Sardain ; Cass. crim., 21 juin 2000, n° 99-85.154, M. Pierre Tel (N° Lexbase : A5706AWA), D., 2001. somm. 2552, obs. Sirinelli, JCP éd. E, 2001. 312, note Sardain.
(14) Ass. Plén., 7 mars 1986, n° 85-91.465, Société Williams électronics INC c/ Mme Tel, SA Jeutel, publié au bulletin (N° Lexbase : A4408CGD), D., 1986, p. 405, concl. Cabannes, note B. Edelman. Un jeu vidéo pour l'Assemblée plénière "est formé par un scénario [...] ; que chacun des éléments du jeu évolue selon une trajectoire bien définie [...] le tout se déroulant sur un fond sonore donné. Ceci constitue une oeuvre se manifestant de façon visuelle, sur un fond sonore particulier que l'on peut rattacher à une oeuvre cinématographique".
(15) J. Daleau, Le jeu vidéo est une oeuvre multimédia, note sous Cass. civ. 1, 25 juin 2009, D., 2009, p. 1819.
(16) B. Edelman, L'oeuvre multimédia, un essai de qualification, D., 1995., p. 109.
(17) Pour B. Edelman, en conclusion de son analyse, op. cit., n° 39  : "au terme de ce long parcours, nous pouvons tirer quelques enseignements simples. En premier lieu, il nous est apparu que l'oeuvre multimédia ne présente pas une spécificité telle qu'il faille bouleverser notre droit : elle peut aisément se couler soit dans le moule de l'oeuvre audiovisuelle, soit dans le moule de l'oeuvre collective".
(18) Quoique que ces deux formes d'oeuvres doivent être clairement distinguées pour un auteur, v. X. Linant de Bellefonds, note sous CA Paris, 16 mai 1994, JCP éd G., 1995, II, 22375.
(19) Cass. civ. 1, 13 janvier 1998, n° 95-13.694, M. X. c/ Société Jag, publié (N° Lexbase : A1813AC7), Bull. civ. I, n° 14, D., 1999, jur. p. 120, note Ravanas, et somm. obs. Caron ; Cass. civ. 1, 16 juillet 1998, n° 96-15610, M. X. et autre c/ M. Z., publié (N° Lexbase : A7537CHM), Bull. civ I, n° 259, D., 1999, jur. p. 541 note Saint-Pau.
(20) Th. Hassler, La liberté de l'image et la jurisprudence récente de la Cour de cassation, D., 2004, chr. 1611.
(21) Cass. civ. 2, 11 décembre 2003, n° 01-17.623, Société Le Nouvel Observateur du Monde c/ Mme Frédérique Marillier, épouse de Leffe, FS-P+B (N° Lexbase : A4260DAZ), Bull. civ. II, n° 385 ; Cass. civ. 1, 10 mai 2005, n° 02-14.730, Société Intra presse c/ M. Daniel Davenet, FS-P+B (N° Lexbase : A2211DIQ), Bull. civ. I, n° 206 ; Cass. civ. 1, 12 juillet 2005, n° 04-11.068, Société Hachette Filipacchi associés c/ M. Didier Schuller, FS-P+B (N° Lexbase : A9301DIC), Bull.civ. I, n° 330.

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Droit pharmaceutique

[Le point sur...] La responsabilité des audits des substances actives à usage pharmaceutique chez le fournisseur

Lecture: 4 min

N0717BMI

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par Sophie Tatot, avocat, Cabinet Lefèvre Pelletier & associés, Géraldine Baudot-Visser et Samantha Dalloz, Consultantes Affaires technico-réglementaires pharmaceutiques, A.R.C. pharma

Le 07 Octobre 2010

En vertu de la législation européenne, le titulaire d'une autorisation de fabrication est tenu de se conformer aux principes et lignes directrices édictés par les bonnes pratiques de fabrication ("BPF") pour les médicaments à usage humain et de n'utiliser comme matières premières à usage pharmaceutique que des substances actives et certains excipients (appartenant à une liste européenne non finalisée à ce jour) fabriquées en conformité avec les bonnes pratiques de fabrication spécifiques de ces substances (article 46, alinéa f, de la Directive (CE) 2004/27 du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 N° Lexbase : L1899DYY, modifiant la Directive 2001/83/CE, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain N° Lexbase : L4483BHI). La décision de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) du 6 juillet 2007 et son annexe (BO n° 2007/8 du 15 septembre 2007) transposent en droit français la partie II des bonnes pratiques de fabrication européennes en conformité avec l'article L. 5138-3 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L7663HWQ), dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-248 du 26 février 2007, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament (N° Lexbase : L5161HUP).

A ce jour, il est possible de distinguer différents opérateurs, intervenant dans le processus de mise sur le marché d'un médicament et pouvant être considérés comme responsables de sa commercialisation sur un plan civil :

- le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché (AMM) ;

- l'exploitant de l'AMM ;

- et, le fabricant du médicament.

Ainsi, le fabricant du médicament ou le titulaire de l'AMM ou encore l'exploitant, s'il est directement fournisseur de matières premières chez son fabricant de médicament, doit s'assurer que le ou les fournisseur(s) de matières premières à usage pharmaceutique fabrique(nt) conformément aux BPF des substances actives, en diligentant, notamment, des audits qualité chez le fournisseur.

Les audits auprès des fournisseurs peuvent être réalisés :

- soit par le donneur d'ordre (audits internes) régulier, c'est-à-dire le titulaire de l'AMM, l'exploitant ou le fabricant du médicament ;

- soit par un tiers mandaté par le donneur d'ordre dans le cadre d'une sous-traitance (audits externes), cette relation étant encadrée par un contrat et/ou un cahier des charges ;

- soit par une mutualisation de plusieurs donneurs d'ordre ou d'auditeurs externes de manière à alléger les audits et la fréquence chez les fournisseurs.

Ce principe non décrit dans la réglementation est formalisé également dans un contrat pour assurer la confidentialité liée au produit.

En pratique, le problème de la responsabilité de ces audits survient véritablement lorsque les titulaires d'une AMM sous-traitent la fabrication d'un médicament, notamment pour les contrats conclus avant l'adoption de la Directive 2004/27/CE et encore en cours d'exécution, qui ne prévoient pas l'obligation d'audits.

En effet, lorsqu'un tiers est impliqué dans un accord de fabrication ou dans un contrat de sous-traitance de fabrication de médicaments, la question de la responsabilité du contrôle de ce fournisseur se pose rapidement. La situation est souvent complexe car la plupart des fournisseurs de substances actives se situent hors de l'Union européenne.

Aucun texte légal ne précise à qui incombe l'obligation d'auditer ce fournisseur en cas de sous-traitances multiples.

Néanmoins, le texte des BPF du médicament soulignent certaines obligations incombant au fabricant de médicaments :

- article 5.25 : "L'achat de matières premières est une opération importante qui requiert un personnel possédant une connaissance particulière et approfondie des fournisseurs" ;

- article 5.26 : "Les matières premières ne doivent être achetées qu'auprès de fournisseurs agréés,..." ;

- article 7.12 : "Le contrat doit définir clairement qui est responsable de l'achat des matières premières et des articles de conditionnement, de leur contrôle et de leur acceptation, de la décision d'entreprendre la fabrication et les contrôles de qualité, y compris les contrôles en cours de fabrication et qui est responsable du prélèvement d'échantillons et de l'analyse" ;

- enfin, les BPF du médicament précisent à l'intention du donneur d'ordre, souvent le titulaire d'AMM, à l'article 7.3  qu'"il appartient au donneur d'ordre d'évaluer la capacité du sous-traitant à réaliser correctement le travail demandé ; il est aussi de sa responsabilité de s'assurer, par contrat, que les principes des bonnes pratiques de fabrication décrites dans ce guide sont respectés".

Ainsi, il est donc préférable que le contrat liant le donneur d'ordre au fabricant de médicament définisse, en particulier et le plus précisément possible, quelle est la partie chargée de l'audit des matières premières à usage pharmaceutique chez le fournisseur.

Sur un plan juridique, il s'agit ici d'un cas où les textes font peser une véritable obligation de résultat sur le donneur d'ordre.

Ce mécanisme juridique a pour conséquence, par ailleurs, de créer une véritable atténuation, de fait, de la responsabilité du sous-traitant à l'égard des autorités compétentes, dans la mesure où, si le contrat de sous-traitance détermine précisément les obligations de chacune des parties, seul le donneur d'ordre répond de l'obligation de conformité aux BPF à l'égard de ces autorités, le sous-traitant étant quant à lui épargné d'une telle responsabilité par le mécanisme de la sous-traitance. Le sous-traitant n'en reste pas moins contractuellement responsable à l'égard du donneur d'ordre de l'exécution de ses obligations.

Il est, par ailleurs, le premier responsable civilement en cas de dommage subi par un consommateur du fait du médicament, pour défaut de son produit sur le fondement des articles 1386-1 (N° Lexbase : L1494ABX) et suivants du Code civil.

Dans le silence du contrat de sous-traitance, il pèse de plus sur le sous-traitant un véritable devoir de vigilance obligeant ce dernier à procéder lui-même aux audits chez le fournisseur.

En effet, sa responsabilité contractuelle peut être engagée par le donneur d'ordre sur le fondement du non-respect de son obligation de livrer au donneur d'ordre des produits répondant aux spécifications convenues expressément dans le contrat de sous-traitance ou le cahier des charges.

En l'absence de texte plus précis sur l'identité du débiteur de l'obligation d'audits chez le fournisseur, il convient de se référer aux conventions entre les parties afin de prévenir tout litige sur la répartition de la charge des audits de matières premières à usage pharmaceutique. Dans ce contexte, on ne saurait toutefois que conseiller aux titulaires d'une AMM de procéder, eux-mêmes, aux audits seuls ou accompagnés chez les fournisseurs de matières premières, afin de pouvoir justifier, auprès des autorités compétentes, du respect des bonnes pratiques de fabrication.

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Procédure prud'homale

[Jurisprudence] Les litiges préélectoraux désormais soumis à la Cour de cassation

Réf. : Cass. soc., 23 septembre 2009, n° 08-60.535, Société Régie autonome des transports parisiens (RATP) c/ Syndicat Sud Ratp et a., FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2423ELC)

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par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010




La représentativité des syndicats s'appréciant, désormais, à l'aune de leurs résultats aux élections professionnelles dans l'entreprise, ces dernières prennent une importance qu'elles n'avaient pas antérieurement. A cet égard, mais aussi compte tenu des modifications profondes apportées par la loi du 20 août 2008 (N° Lexbase : L7392IAZ) (1) au processus électoral, la régularité de celui-ci devrait être fréquemment mis en cause devant les juridictions du fond dans les années qui viennent. Il convient de ne pas chercher ailleurs les raisons qui ont conduit la Cour de cassation à revenir, dans un important arrêt rendu le 23 septembre 2009, sur une jurisprudence pourtant solidement ancrée, aux termes de laquelle était exclu tout pourvoi en cassation contre les décisions des tribunaux d'instance statuant sur un litige préélectoral.

Résumé

Le pourvoi en cassation contre une décision rendue en dernier ressort est une voie de recours qui constitue, pour les justiciables, une garantie fondamentale. Il s'ensuit que la décision du tribunal d'instance statuant en matière de contestation préélectorale rendue en dernier ressort est susceptible de pourvoi.

I - Le revirement de jurisprudence

  • La jurisprudence antérieure

Qu'il s'agisse de l'élection des délégués du personnel (C. trav., art. L. 2314-25 N° Lexbase : L2644H9S) ou de celle des représentants des salariés au comité d'entreprise (C. trav., art. L. 2324-23 N° Lexbase : L9776H8L), le Code du travail distingue les contestations relatives à l'électorat et les contestations relatives à la régularité des opérations électorales. Les textes réglementaires reprennent cette distinction pour fixer les délais de saisine du tribunal d'instance, seul compétent en la matière (C. trav., art. R. 2314-28 N° Lexbase : L0402IA7 et R. 2324-24 N° Lexbase : L0215IA9).

Ces différents textes invitent, ainsi, à différencier un contentieux préélectoral et un contentieux postélectoral. On pouvait penser que cette opposition n'avait de sens qu'au regard des délais pour agir. Pourtant, dans un important arrêt en date du 7 mai 2002, la Chambre sociale de la Cour de cassation devait décider que "la décision du tribunal d'instance statuant avant les élections sur la régularité d'une liste de candidatures à des élections professionnelles dans l'entreprise, n'est pas susceptible de pourvoi en cassation, dès lors que cette contestation peut être portée devant le juge de l'élection dont la décision peut être frappée de pourvoi" (2).

Cette solution, excluant tout pourvoi en cassation lorsque un jugement intéressait un contentieux préélectoral, n'allait pas de soi, dans la mesure où les textes applicables se bornent à indiquer que le tribunal d'instance statue en dernier ressort qu'il soit saisi d'un litige préélectoral ou d'un litige postélectoral (C. trav., art. R. 2314-27 N° Lexbase : L0405IAA et R. 2324-23 N° Lexbase : L0216IAA). Elle devait, néanmoins, être confirmée par la suite à de nombreuses reprises (3).

Difficile à justifier en droit, cette jurisprudence s'expliquait sans doute par la volonté de la Cour de cassation de ne plus avoir à examiner de multiples pourvois qui l'encombraient inutilement et s'avéraient sans intérêt, celle-ci n'étant appelée à statuer qu'après les élections.

Le pourvoi en cassation n'était, par ailleurs et en quelque sorte, que provisoirement exclu, puisqu'il était à nouveau possible lors d'un jugement statuant sur un litige postélectoral. En outre, dans un arrêt rendu le 27 octobre 2004, la Chambre sociale avait affirmé que "la décision prise en matière de contentieux préélectoral n'a pas d'autorité de la chose jugée dans le litige tendant à l'annulation des élections professionnelles, de sorte qu'il est de l'office du juge du fond d'examiner tous les éléments de fait et de droit qui lui sont soumis" (4).

  • La solution nouvelle

Pour être relativement équilibrée, la jurisprudence qui vient d'être retracée n'en restait pas moins critiquable dans la mesure où elle revenait à interdire aux parties au litige de former un pourvoi en cassation contre un jugement statuant sur un litige préélectoral. Or, et ainsi que le relève la Cour de cassation dans l'arrêt rapporté, "le pourvoi en cassation contre une décision rendue en dernier ressort est une voie de recours qui constitue pour les justiciables une garantie fondamentale". On pourra s'étonner que cette garantie fondamentale ait pu être écartée ne serait-ce qu'un temps et se demander pourquoi elle revient aujourd'hui sur le devant de la scène. L'explication nous est donnée par le communiqué accompagnant l'arrêt et tient à l'application de la loi du 20 août 2008, qui était en cause dans l'affaire.

En l'espèce, un syndicat Sud avait saisi le tribunal d'instance d'une demande d'annulation du protocole d'accord préélectoral signé le 26 septembre 2008 dans un établissement de la RATP en vue de l'élection des délégués du personnel. Pour annuler le protocole préélectoral, le tribunal d'instance, après avoir retenu l'applicabilité des dispositions nouvelles de la loi du 20 août 2008 et, notamment, de son article 11-IV, avait précisé que la RATP n'avait pas invité tous les syndicats visés par cet article à négocier le protocole préélectoral.

La RATP a formé un pourvoi en cassation qui, en d'autres temps, aurait été voué à l'échec, en application de la jurisprudence précitée de la Cour de cassation, mais qui est, en l'espèce, déclaré recevable pour le motif de principe relevé précédemment. Ainsi que l'affirme ensuite la Chambre sociale de manière on ne peut plus claire, "la décision du tribunal d'instance statuant en matière de contestation préélectorale, rendue en dernier ressort, est susceptible de pourvoi en cassation".

Cette décision constitue un revirement de jurisprudence dont la raison réside, ainsi que le précise la Cour de cassation dans le communiqué mis en ligne sur son site, dans "les nouveaux enjeux attachés aux élections professionnelles par la loi du 20 août 2008 [qui] ont incité à une nouvelle réflexion et montré la nécessité de permettre le pourvoi immédiat en matière préélectorale pour s'assurer, dans les meilleurs délais, de la régularité du processus électoral". Il convient d'admettre que, désormais, les élections professionnelles dans l'entreprise présentent une importance nouvelle et capitale puisqu'elles permettent de déterminer la représentativité des organisations syndicales et d'assurer la validité des conventions et accords collectifs de travail. En outre, la loi a apporté des changements profonds à la négociation du protocole préélectoral, que ce soit au regard des syndicats autorisés à y participer ou de ses conditions de validité. Tout cela imposait certainement que la Cour de cassation s'arroge à nouveau le droit d'examiner les jugements rendus sur des contentieux préélectoraux. Il reste, désormais, à envisager les conséquences de ce revirement.

II - Les conséquences du revirement

  • Rétroactivité

Conséquence première du revirement, les contestations tranchées par le tribunal d'instance avant les élections ne pourront plus lui être de nouveau soumises, contrairement à ce qu'avait antérieurement décidé la Cour de cassation. Compte tenu du caractère rétroactif des revirements de jurisprudence, cette solution devrait valoir pour les jugements rendus avant le 23 septembre 2009. Cette issue n'a, cependant, rien d'inéluctable.

Ainsi qu'il est précisé dans le communiqué, "il appartiendra ultérieurement à la Cour de cassation de décider, au regard de la jurisprudence relative à l'aménagement des effets d'un revirement concernant les voies de recours, s'il y a lieu d'appliquer immédiatement cette nouvelle règle à l'égard des jugements qui, ayant été rendus le 23 septembre 2009, n'auront pas été frappés de pourvoi en vertu de sa jurisprudence antérieure [...]". Le communiqué renvoie expressément à un arrêt de la Chambre commerciale en date du 13 novembre 2007, dans lequel la Cour de cassation a modulé l'application dans le temps d'un revirement de jurisprudence relatif, précisément, à la recevabilité d'un pourvoi (5).

Il est difficile de se prononcer sur l'attitude qu'adoptera la Cour de cassation en la matière. Cela étant, dans la mesure où le revirement est clairement lié à l'application de la loi du 20 août 2008, il n'est pas certain que son application soit modulée à l'égard de jugements étrangers à cette réforme. Il reste à espérer que la Chambre sociale aura très rapidement l'occasion de se prononcer sur cette question.

  • Portée

Dans une décision rendue le 1er avril 2008 et dont on s'était fait l'écho dans ces colonnes, la Cour de cassation avait fait application de la jurisprudence antérieure à l'arrêt sous examen à la désignation de la délégation du personnel au CHSCT (6). Cette décision semblait manifester la volonté de la Cour de cassation de distinguer, s'agissant de l'élection des membres du CHSCT, les litiges préélectoraux et postélectoraux.

On peut, dès lors, se demander si le revirement de jurisprudence en cause ici sera applicable à cette élection au second degré. Une réponse affirmative semble devoir être apportée à cette interrogation. Pourtant, et pour en revenir aux raisons du revirement, cette élection ne présente pas les mêmes enjeux que les élections au comité d'entreprise ou des délégués du personnel, puisqu'elle n'emporte, notamment, aucune conséquence quant à l'appréciation de la représentativité des syndicats. Partant, l'exclusion du pourvoi en cassation pour les litiges préélectoraux pourrait être ici maintenue. Sans doute cela conduirait-il à une certaine cacophonie, mais le maintien du statu quo ante en la matière éviterait une multiplication de pourvois aux enjeux très faibles.

Pour conclure, et bien que la solution ne soit pas au coeur de la décision commentée, il convient de faire état de la réponse apportée par la Chambre sociale à la première branche du moyen formé par l'employeur. Celui-ci reprochait aux juges du fond d'avoir dit recevable l'action du syndicat Sud, alors que ce dernier n'avait aucun intérêt à agir, puisqu'il avait été invité à participer à l'élaboration du protocole d'accord préélectoral litigieux. La Cour de cassation rejette cette prétention en soulignant que "les conditions de négociation du protocole préélectoral mettant en jeu l'intérêt collectif de la profession, tout syndicat non signataire du protocole, invité ou non à participer à cette négociation, a intérêt à agir pour en contester le déroulement".


(1) Loi n° 2008-789 du 20 août 2008, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, C. trav., art. L. 2121-1 (N° Lexbase : L3727IBN).
(2) Cass. soc., 7 mai 2002, n° 01-60.040, M. Olivier Fesquet c/ EDF, publié (N° Lexbase : A6147AYC) ; Dr. soc., 2002, p. 625 avec l'avis de l'avocat général P. Lyon-Caen.
(3) Cass. soc., 29 janvier 2003, n° 01-60.644, M. Jean-Pierre Irla c/ Société Bestel, publié (N° Lexbase : A7669A4S) ; Cass. soc., 25 novembre 2003, n° 02-60.805, Société Adecco travail temporaire c/ M. Thierry Nativel-Fontaine, publié (N° Lexbase : A2104DA8).
(4) Cass. soc., 27 octobre 2004, n° 03-60.429, Syndicat CGT TF1 c/ Société Télévision française (dite TF1), publié (N° Lexbase : A6596DDN). V. nos obs., Contentieux des élections professionnelles : la boucle est définitivement bouclée, Lexbase Hebdo n° 142 du 11 novembre 2004 - édition sociale (N° Lexbase : N3425ABH).
(5) Cass. com., 13 novembre 2007, n° 05-13.248, M. Robert Meynet, administrateur judiciaire, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A5843DZG).
(6) Cass. soc., 1er avril 2008, n° 07-60.317, M. Pascal Paredes et a. c/ Société TFE Midi Pyrénées, publié (N° Lexbase : A7752D7A). V. nos obs., Nouvelle illustration de la distinction des contentieux préélectoral et postélectoral, Lexbase Hebdo n° 310 du 17 avril 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N3739BGL).
Décision

Cass. soc., 23 septembre 2009, n° 08-60.535, Société Régie autonome des transports parisiens (RATP) c/ Syndicat Sud Ratp et a., FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2423ELC)

Cassation de TI Paris 20ème ch., contentieux des élections professionnelles, 3 novembre 2008

Texte visé : C. proc. civ., art. 455 (N° Lexbase : L2694AD7)

Mots-clefs : élections professionnelles dans l'entreprise ; contentieux préélectoral ; pourvoi en cassation

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Environnement

[Questions à...] Enjeux de la loi "Grenelle I" : questions à Nicolas Nahmias, avocat associé d'AdDen avocats - cabinet spécialisé en droit public et en droit de l'environnement

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N0761BM7

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par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition publique

Le 07 Octobre 2010

La loi n° 2009-967 du 3 août 2009, de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement (N° Lexbase : L6063IEB), a été publiée au Journal officiel du 5 août 2009. Ce texte, sans pour autant comporter de dispositions d'application directe -ce rôle étant dévolu au projet de loi "Grenelle II"-, transcrit, toutefois, des modifications importantes dans tous les secteurs participant à la dégradation de l'environnement ou au changement climatique. Dans le domaine de la lutte contre le changement climatique, le texte confirme l'engagement pris par la France de diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre (GES) entre 1990 et 2050, en réduisant de 3 % par an, en moyenne, les rejets de GES dans l'atmosphère. Il prévoit, également, de porter la part des énergies renouvelables à, au moins, 23 % de sa consommation d'énergie finale d'ici à 2020. Cet engagement se traduit par différentes mesures touchant, par exemple, au BTP, aux infrastructures routières, à la biodiversité, à l'agriculture ou, encore, à la santé. Pour faire le point sur les enjeux principaux du texte, Lexbase Hebdo - édition publique a rencontré Maître Nicolas Nahmias, associé d'AdDen avocats, cabinet d'avocats spécialisé en droit public et en droit de l'environnement. Lexbase : Quelle est la plus-value de la loi de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement par rapport à d'autres textes protecteurs de l'environnement préexistants, telles les lois n° 2008-757 du 1er août 2008, relative à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'environnement (N° Lexbase : L7342IA8), ou n° 2005-205 du 1er mars 2005, relative à la Charte de l'environnement (N° Lexbase : L0268G8G) ?

Nicolas Nahmias : La Charte de l'environnement a érigé en principes constitutionnels les principes fondamentaux du droit de l'environnement (principes de précaution, pollueur-payeur, de prévention, et du droit à la santé). Elle a donc constitué une consécration symbolique du droit à un environnement durable.

La loi de 2008 transposait une Directive de 2004 sur "la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux" (Directive (CE) 2004/35 du 21 avril 2004 N° Lexbase : L2058DYU). Il s'agissait donc, principalement, de mettre en oeuvre ce principe pollueur-payeur (C. envir., art. L. 110-1 N° Lexbase : L2175ANU). Elle s'adressait aux exploitants en énumérant les mesures de prévention et de réparation qu'ils doivent prendre, et en précisant les sanctions administratives et pénales qu'ils encourent en cas de manquement.

La loi de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, dite loi "Grenelle I", c'est autre chose. Il ne s'agit plus d'affirmer l'importance de l'environnement, mais de constater la nécessité d'agir vite si l'on veut éviter que la situation ne devienne purement et simplement irréversible (point sur lequel il y a déjà un débat). Plus qu'un énième texte relatif à la protection de l'environnement, la loi "Grenelle I" révèle donc un renversement de perspective accompagnant une prise de conscience d'un nouveau genre.

En pratique, elle fixe donc à l'action de l'Etat des objectifs qualitatifs et quantitatifs face à l'urgence écologique. Cette loi se veut une "boîte à outils" pour l'Etat et les collectivités locales afin de mettre en oeuvre la lutte contre le changement climatique, de préserver la biodiversité, et de contribuer à un environnement respectueux de la santé.

Le nouveau modèle de développement durable présenté par la loi "Grenelle I" intègre, également, des objectifs en termes de gestion des déchets, et l'engagement de l'Etat à créer une contribution "climat-énergie", la fameuse "taxe carbone" figurant dans le projet de loi de finances pour 2010.

Lexbase : Des moyens coercitifs d'application efficients sont-ils prévus par les pouvoirs publics et à quelle échéance, la concrétisation des objectifs prévus dans les textes étant souvent le "talon d'Achille" des textes en matière d'environnement ?

Nicolas Nahmias : Non, la loi "Grenelle I" ne prévoit pas de mesures coercitives.

Elle confirme, toutefois, l'engagement de la France à "diviser par quatre ses émissions de GES entre 1990 et 2050 en réduisant de 3 % par an, en moyenne, les rejets de GES dans l'atmosphère, afin de ramener, à cette échéance, ses émissions annuelles de GES à un niveau inférieur à 140 millions de tonnes équivalent de dioxyde de carbone" (article 2).

Elle fixe également l'engagement de la France à "porter la part des énergies renouvelables à, au moins, 23 % de sa consommation d'énergie finale d'ici à 2020" (article 2).

Elle arrête, également, des objectifs nationaux telle que la réduction de la production d'ordures ménagères de 7 % par habitant pendant les cinq prochaines années.

Elle édicte, enfin, quelques normes contraignantes, comme, par exemple, l'obligation, pour les constructions neuves, de ne pas consommer plus de 50 kilowattheures par mètre carré et par an en 2012.

Mais les mesures concrètes, opérationnelles et véritablement contraignantes résulteront de l'adoption de la loi "Grenelle II", actuellement en discussion au Sénat. Elle devrait apporter des modifications notables au Code de l'environnement (la suppression des zones de publicité autorisée par exemple, ou encore le renforcement de la réglementation concernant la vente de produits phytosanitaires), au Code de l'urbanisme (en ce qui concerne la construction écologique ou l'installation de systèmes solaires thermiques ou photovoltaïques, ou encore l'avis des architectes de Bâtiments de France pour les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager), ainsi qu'au Code général des impôts (la mise en place d'une taxe sur le produit de la valorisation des terrains nus et des immeubles bâtis, résultant de la réalisation d'infrastructures de transports ou l'installation de péages urbains expérimentaux). L'entrée en vigueur de cette loi "Grenelle II" ne devrait pas intervenir avant la fin de l'année.

Lexbase : Les pays européens de poids économique comparable à la France ont-ils pris des mesures semblables ?

Nicolas Nahmias : En matière de contribution "climat-énergie", la Suède fait figure de pionnier, puisqu'elle applique depuis 1991 une taxe carbone sur les combustibles fossiles et qu'elle renforce chaque année ce mécanisme. De 27 euros la tonne de CO² à l'origine, la taxe atteint aujourd'hui 108 euros. Le Gouvernement suédois cherche, désormais, un moyen de contraindre plus fortement les industries : seules 21 % d'entre elles sont actuellement redevables de cette taxe (contre 100 % des ménages).

La présidence française de l'Union européenne durant les six derniers mois de l'année 2008 a coïncidé avec la discussion de cette loi "Grenelle I" devant l'Assemblée nationale. Le Gouvernement avait alors essayé d'influencer nos voisins et de les inciter à mettre en oeuvre des consultations et concertations nationales semblables à celle qui a abouti à cette loi "Grenelle I". Malheureusement, la crise financière les a momentanément détournés de cette priorité, et le sommet européen de Bruxelles de juin dernier sur le climat a été un fiasco.

Le sommet de Copenhague qui aura lieu en décembre prochain devrait replacer la lutte contre le changement climatique sous les feux de l'actualité : l'Australie, la Chine, les Etats-Unis, l'Inde, le Japon, l'Indonésie et bon nombre de pays européens ont, d'ores et déjà, fait part de leurs bonnes intentions. Le sommet de Bangkok qui se termine cette semaine doit délivrer un document synthétique les résumant, afin de permettre à tous ces intérêts souvent divergents de partir d'une même base. Mais parviendront-ils à trouver un accord et si c'est le cas, à le mettre en oeuvre ?

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Associations

[Questions à...] Internet, l'"inconnue" du droit - Questions à Maître Jean-Marc Coblence, avocat associé du cabinet Coblence et nouveau Président de Cyberlex, association des juristes et des professionnels de NTIC

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par Anne Lebescond, Journaliste juridique

Le 07 Octobre 2010


La vitesse du développement des nouvelles technologies et, en particulier, celui d'internet est un casse-tête pour le législateur, souvent pris de cours. En témoignent les débats suscités par la loi "DADVSI" (1) et, plus récemment, par la loi sur la protection pénale de la propriété littéraire et artistique (2) (en attente de publication au Journal officiel). Ces textes seraient, selon certains, dépassés, avant même leur entrée en vigueur (3). La question de l'applicabilité des dispositifs juridiques, quand il s'agit de la toile, est systématiquement posée. Les enjeux sont énormes, mais la difficulté de légiférer l'est aussi. "Inventer" un droit qui soit, à la fois, suffisamment souple et réactif (pour ne pas se laisser distancer par le progrès) et, en même temps, protecteur des libertés n'est pas simple. Quant aux juristes, l'explosion du net les "livre" à la si redoutée insécurité juridique. Leur position est inconfortable : le vide juridique les pousse à trancher, sans certitude, les mettant à la "merci" de l'interprétation des juges.
Dans un tel contexte, la concertation est essentielle, d'une part, pour se rassurer, parce que des solutions communes sont dégagées et, d'autre part, pour enrichir le débat. Les impératifs de souplesse, de rapidité et d'efficacité commandent que tous (opérationnels, juristes, experts, etc.) participent à la réflexion, l'importance des enjeux le justifie. Cyberlex l'a bien compris. Créée en 1996, cette association, régie par la loi de 1901 (4), est un lieu d'échanges, où chacun s'exprime et tous débattent sur les orientations législatives, les affaires en cours, les prises de positions des acteurs, l'économie du numérique et les incidences des innovations technologiques sur le droit. Elle a pour particularité de réunir tous les profils des acteurs concernés (près d'une centaine de membres) : juristes d'entreprise ou d'organisations professionnelles, avocats et professionnels du marché et des technologies numériques.

Lexbase - édition professions a rencontré le nouveau président de Cyberlex (élu le 2 juillet 2009), Maître Jean-Marc Coblence, avocat associé du cabinet Coblence. Il nous a présenté l'association et nous a exposé comment celle-ci participe aux débats et enrichit les réflexions.

Lexbase : Pouvez-vous nous présenter Cyberlex dans ses grandes lignes ?

Jean-Marc Coblence : L'association (5) a été fondée en 1996, elle existe depuis plus de treize ans. Elle compte, aujourd'hui, près d'une centaine de membres, aux profils variés, l'idée initiale était de réunir les avocats et les juristes d'entreprises autour de tables rondes auxquels sont venus s'adjoindre des ingénieurs et acteurs techniques. Introduits au sein de Cyberlex par cooptation, les adhérents sont de plus en plus nombreux et issus d'horizons différents, à l'image des avancées technologiques et du développement d'internet. Ceci démontre que, nous sommes tous, au moins, des utilisateurs quotidiens de cet outil et, par conséquent, confrontés à ses nombreuses problématiques juridiques.

L'organigramme de l'association reflète sa composition hétérogène, les professions et domaines d'activité des membres de son bureau et de ses administrateurs sont variés.

Cyberlex est un lieu d'échanges, un club indépendant de discussions sur les nouvelles technologies (en particulier, sur les problématiques liées à la dématérialisation, à internet, au cyber espace). Chacun s'y exprime dans la convivialité et librement ; les débats sont confidentiels. Les sujets sont, quant à eux, inépuisables, d'autant qu'il n'existe pas un droit de l'internet, mais plusieurs droits appliqués à la matière. La confrontation des points de vu tend simplement à enrichir les réflexions. Notre vocation n'est pas, en effet, de prendre parti ou de trancher les débats, mais plutôt de réfléchir sur toutes les pistes envisageables. La diversité des profils nous fait bénéficier d'une vue d'ensemble et contribue au pragmatisme et à la qualité des discussions.

Lexbase : Quels services et événements sont proposés par l'association ?

Jean-Marc Coblence : L'association organise des réunions mensuelles, chacune dédiée à un thème fonction de l'actualité et du désir des membres d'exprimer leurs opinions. Ces événements sont aussi l'occasion d'échanges informels entre les professionnels sur les autres sujets de l'actualité juridique des nouvelles technologies.

L'information étant essentielle, l'association évoque, également, régulièrement les membres des faits marquants liés aux aspects juridiques et techniques des nouvelles technologies, grâce à une newsletter, alimentée par et diffusée aux membres.

Enfin, Cyberlex organise chaque année les Rencontres annuelles du droit de l'internet. Le thème de l'année dernière s'intitulait "Internet et l'Individu : des limites à poser, une harmonie à construire", et abordait les sujets des données personnelles, de l'e-commerce, du dispositif "Création et internet" ou "Hadopi 1" (6), et de la responsabilité. La prochaine édition de ces Rencontres, Si Internet bouleversait nos certitudes, nos servitudes..., se déroulera au Palais du Luxembourg, le 16 novembre 2009 au matin ; elle sera l'occasion de débattre du marketing, des jeux d'argent et des défis de la loi "Hadopi 2". Les travaux exposés lors du colloque seront publiés.

Lexbase : Quels sujets sont souvent débattus ?

Jean-Marc Coblence : Naturellement, nous consacrons plusieurs réunions à certains sujets d'actualité les plus controversés ou qui concernent le plus grand nombre. Il en va ainsi du dispositif "Création et internet" (et avec lui, du régime des données personnelles) qui a fait (et fait encore) l'objet de nombreuses discussions entre nous. Les problématiques liées à la télévision (définition de la télévision à l'heure d'internet et du multimédia, nature et contenu du contrôle etc.) sont, également, souvent soulevées.

Lexbase : Il existe d'autres groupes de réflexion. En quoi Cyberlex se distingue-t-elle ?

Jean-Marc Coblence : L'indépendance de Cyberlex est son premier atout. L'objectif n'est pas de faire du lobbying, mais de fournir à ceux que ça intéresse (en ce compris, les pouvoirs publics, s'ils le souhaitent) des instruments d'information et des pistes de réflexions les plus complètes possible. La diversité des profils de nos adhérents est un autre point fort de l'association : les réflexions n'en sont que plus globales et approfondies.

Enfin, la convivialité qui règne au sein du groupe permet de pouvoir échanger sur absolument tous les points de vue, sans crainte de déplaire ou de créer des polémiques ou rancunes fâcheuses.

Lexbase : Quelles sont les priorités de l'association ?

Jean-Marc Coblence : La principale priorité de l'association est de s'imposer de plus en plus comme un lieu de référence pour les débats ayant trait aux nouvelles technologies, afin de fournir à chacun (législateur, pouvoirs publics, professionnels du droit et entreprises) des outils efficaces qui aideront dans la prise de décision et enrichiront la qualité de réflexion des acteurs du droit sur Internet.


(1) Lire Censure partielle du projet de loi "Hadopi" par le Conseil constitutionnel : jeu, set et match ? Questions à Maître Isabelle Camus, avocate associée du cabinet Atem, Lexbase Hebdo n° 335 du 17 juin 2009 - édition privée générale (N° Lexbase : N6611BK3).
(2) Cf. la loi n° 2006-961 du 1er août 2006, relative aux droits d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information (N° Lexbase : L4403HKB).
(3) Cf. la loi "Hadopi 2" (loi sur la protection pénale de la propriété littéraire et artistique en attente de publication au Journal officiel).
(4) Loi du 1er juillet 1901, relative au contrat d'association (N° Lexbase : L3076AIR).
(5) L'association a pour président Jean-Marc Coblence, Vice Présidents Thomas Lange (SCP DDG) et Corinne Thiérache (SCP Carbonnier, Lamaze, Rasle & Associés). Les administrateurs sont Bruno Anatrella (Cabinet Pierrat), Matthieu Berguig (Cabinet Redlink), Isabelle Daviaud (Accor), Elise Dufour (Cabinet Bensoussan), Pascal Tiffreau (SCP Pascal Tiffreau).

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