La lettre juridique n°258 du 3 mai 2007

La lettre juridique - Édition n°258

Éditorial

Variations sur une liberté professionnelle monnayée

Lecture: 3 min

N9291BAD

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3209068-edition-n-258-du-03052007#article-279291
Copier

par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

Le 27 Mars 2014



- Principe : "Ce n'est pas par la satisfaction du désir que s'obtient la liberté, mais par la destruction du désir" - Epictète

Illustration : Partant de "l'exigence d'une contrepartie financière à la clause de non concurrence [qui] répond à l'impérieuse nécessité d'assurer la sauvegarde et l'effectivité de la liberté fondamentale d'exercer une activité professionnelle", Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV et Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale, propose cette semaine d'aborder cette épineuse question : faut-il imposer le versement d'une compensation pour toutes les clauses qui restreignent la liberté d'exercice professionnel du salarié ? Si en l'état actuel de la jurisprudence, certains indices peuvent le laisser penser, l'auteur envisage quelles pourraient être les clauses ainsi concernées (la clause de dédit-formation, les clauses d'exclusivité...) et selon quelles modalités. En la matière, il s'agit, alors, de faire preuve de pragmatisme ; la restriction de liberté professionnelle, toute indemnisée qu'elle soit, ne revêt pas la même importance, selon les responsabilités et la rémunération du salarié concerné. Mais, ce faisant, la liberté professionnelle monnayée corrompt-elle le désir de liberté ? Autrement dit, le fait d'obtenir une contrepartie financière à l'annihilation de son désir de liberté professionnel relève-t-il toujours de la liberté ?

- Principe : "La liberté existe toujours. Il suffit d'en payer le prix" - Henry de Montherlant

Illustration : Dans un arrêt du 20 mars 2007, la Chambre criminelle de la Cour de cassation précise qu'une des conditions pour qu'un chômeur indemnisé puisse exercer une activité pendant qu'il bénéficie du revenu de remplacement est que l'exercice de cette activité n'ait pas pour effet de l'empêcher d'accomplir des actes positifs de recherche d'emploi. Selon Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen, la nouveauté tient précisément à cette condition (effectuer des actes positifs de recherche d'emploi) que les textes ne contiennent pas et que jusqu'à présent, la jurisprudence ne mentionnait pas. Pour la Haute juridiction, le chômeur n'est pas pénalement sanctionnable si l'activité de dirigeant est compatible avec une recherche d'emploi ; mais la relaxe de fraude aux prestations d'assurance chômage ne peut être prononcée si le chômeur dirigeant d'entreprise consacre l'exclusivité de son temps et énergie à la société qu'il dirige, et néglige d'accomplir des actes positifs de recherche d'emploi. L'arrêt illustre, en fait, le caractère très délicat de la notion d'activité professionnelle exercée par un chômeur, dont le régime oscille entre autorisation et interdiction (éventuellement pouvant donner lieu à sanctions). Face à une législation qui tente d'enrayer les "trappes à l'inactivité", la Cour de cassation pourrait bien décourager ceux qui, progressivement, créent leur emploi pour sortir de l'inactivité ; et l'on sait que les premiers fruits d'une entreprise tardent souvent à venir... Finalement quel est le prix à payer pour cumuler indemnités de chômage et liberté d'entreprendre ?

- Principe : "La liberté est le droit de faire ce que les lois permettent" - Montesquieu

Illustration : La Cour de cassation décide, dans un arrêt du 4 avril 2007, que la simple négociation d'une transaction avant l'envoi de la lettre de licenciement entraîne la nullité de cette transaction. Ce faisant, la Cour suprême semble pousser encore plus loin sa jurisprudence classique aux termes de laquelle la transaction ne peut être conclue qu'une fois la lettre de licenciement reçue par le salarié. Pour Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu Bordeaux IV, comment peut-on proposer à un salarié d'accepter une transaction alors même qu'il n'est pas en mesure d'apprécier les concessions que lui fait l'employeur, faute d'avoir eu la possibilité de prendre connaissance de ce qui lui était reproché ? C'est impossible, eu égard, non seulement à l'objet de la transaction, mais encore au respect de l'ordre public social. La liberté de s'accorder et de transiger ne peut donc que se confondre avec les libertés accordées expressément par la loi...

Au final, "le droit est [bien] l'ensemble des conditions qui permettent à la liberté de chacun de s'accorder à la liberté de tous" - Emmanuel Kant

newsid:279291

Procédures fiscales

[Le point sur...] Fraude à la loi et abus de droit : développements, précisions et recadrage

Lecture: 18 min

N9302BAR

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3209068-edition-n-258-du-03052007#article-279302
Copier

par Jean-Marc Priol, Avocat au Barreau des Hauts-de-Seine, Landwell & Associés

Le 07 Octobre 2010


Avec l'arrêt "Janfin" (CE, sect., 27 septembre, 2006, n° 260050, Société Janfin N° Lexbase : A3224DRT ; Dr. fisc. 2006, n° 47, comm. 744 ; CE, 3° et 8° s-s-r., 29 décembre 2006, n° 283314, Société "Bank of Scotland" N° Lexbase : A3666DTX ; CE Contentieux, 9 octobre 1992, n° 137342, M. Abihilali N° Lexbase : A7982AR3 : Rec. CE 1992, p. 363 ; CJCE, 21 février 2006, aff. C-255/02, Halifax plc c/ Commissioners of Customs & Excise [LXB=A0045DNY ]), l'administration a compris l'intérêt qu'elle a de substituer, en cours de procédure, la base légale de "la fraude à la loi" à celle de l'abus de droit, lorsque les premiers juges considèrent que les opérations critiquées ne relèvent pas du champ d'application des dispositions de l'article L. 64 du LPF (N° Lexbase : L5565G4U).

En effet, l'administration qui a conduit à tort la procédure de redressement sur le terrain de l'article L. 64 du LPF, parce que portant sur une imposition hors champ, a toujours la faculté de réclamer une substitution de base légale au juge de l'impôt, à l'effet de fonder son redressement sur la théorie jurisprudentielle de "la fraude à la loi", à la condition, que le contribuable "ne soit pas privé de la garantie d'en avoir discuté" devant lui. Or, ce débat peut intervenir à tout moment de la procédure devant le juge de l'impôt.

C'est à la suite de ce "rattrapage" légal opéré par l'administration qu'un certain nombre de décisions d'appel commence à tracer une typologie d'opérations susceptibles d'être analysées sous l'angle de "la fraude à la loi" dont les contours ne cessent d'interpeller la doctrine sur les développements pratiques à venir de la nouvelle jurisprudence.

Pour certains auteurs, en effet, la jurisprudence "Janfin" en même temps qu'elle "élargit le champ d'application des abus de droit" et "précise les critères de qualification de la fraude à la loi", soulève, non seulement, "un problème de cohérence dans sa portée avec l'émergence d'une procédure de répression des abus de droit à deux vitesses", mais pose, également, "la question d'une réforme de la procédure de l'article L. 64 du LPF avec, au centre, celle du rôle du Comité consultatif" (P. Dibout, Répression des abus de droit en matière fiscale et principe de fraude à la loi à propos de l'arrêt du Conseil d'Etat du 27 septembre 2006, Société Janfin : JCP 2006, n° 50, comm. 2820 ; J.-L. Pierre, Répression des abus de droit à propos de l'arrêt du Conseil d'Etat du 27 septembre 2006, Société Janfin : Procédures 2006, comm. 284 ; Procédures 2007, comm. 71, à propos de l'arrêt du Conseil d'Etat du 29 décembre 2006, n° 283314, Société "Bank of Scotland").

Parmi ces décisions ayant validé la procédure de substitution de base légale (v. sur l'origine de la notion de substitution de base légale, CE, 27 juillet 1936) on notera en premier lieu celle de la cour administrative d'appel de Paris (CAA Paris, 15 mars 2007, n° 04PA03397, SA AXA venant aux droits de la SA Banque d'Orsay N° Lexbase : A8310DUC), laquelle, s'inscrivant dans le développement direct de l'arrêt "Janfin", a considéré que les opérations en litige d'emprunt et d'achats à réméré d'actions "alors même que leur but est purement fiscal ne peuvent être qualifiées de fraude à la loi" (v. Y. Benard, Dissuasion à l'anglaise : la double clé de la fraude à la loi : RJF 12/06, p. 1083).

Pour arriver à cette conclusion la cour a procédé à une double démarche.

La cour observe, en premier lieu, que les opérations d'emprunt et d'achats à réméré d'actions réalisées par les différents acteurs révélaient qu'ils se plaçaient du point de vue fiscal dans des situations différentes et avaient donc des intérêts opposés. Le premier acteur, la banque en question, "était à la recherche de paiement de l'impôt sur les sociétés auquel le groupe dont elle était membre prévoyait d'être assujetti", alors que les autres sociétés, participant avec elle à l'opération, estimaient "qu'il était de leur intérêt mutuel d'échanger, fût-ce très brièvement, moyennant des contreparties qu'elles ont librement déterminées, la propriété ou la disposition de titres et les avantages en termes de dividendes et d'avoir fiscal qui y étaient légalement attachés".

En second lieu, la cour observe que si, toutefois, ces opérations d'emprunts ou d'achats à réméré de titres auxquelles s'est livrée la banque sont "étrangères aux objectifs poursuivis par les auteurs du texte" dans la mesure où "elles se sont traduites, non pas par un renforcement des fonds propres des entreprises distributrices des dividendes, mais par un partage de fait de l'avoir fiscal avec les prêteurs ou les vendeurs à réméré", ces mêmes opérations, selon la cour, ne se sont pas "écartées" pour autant des objectifs du texte "au point de leur être contraires, dès lors qu'elles ont permis que ne soient pas doublement imposés, par le biais d'un avoir fiscal dont ni le principe ni le montant ne sont contestés, les dividendes des titres empruntés ou rachetés à réméré par la banque, conformément aux intentions des auteurs du texte".

On notera sur ce sujet que la cour administrative de Paris ne s'éloigne pas des conclusions de Monsieur le commissaire du Gouvernement, Laurent Olléon, figurant sous l'arrêt "Janfin", lequel rappelait, à propos de l'utilisation d'avoirs fiscaux, qu'au cas d'espèce les infractions de "fictivité" et de "fraude à la loi" ne se trouvaient pas, à son sens, constituées.

En ce qui concerne la "fictivité", celle-ci n'était pas effectivement, selon lui, constituée, dans cette affaire, en l'absence de montage artificiel au sens "d'une construction juridique traduisant un minimum de complexité", dans la mesure où le contribuable s'est livré à "une pratique usuelle" d'achat de titres suivie de la perception de dividendes et d'avoirs fiscaux attachés à ces derniers et de vente de ces mêmes titres, nonobstant le "délai très court dans lequel ces opérations se sont déroulées".

En ce qui concerne "la fraude à la loi", celle-ci n'était pas, dans la même affaire, à son sens également, constituée dans la mesure où il "n'y a pas eu création artificielle d'un avoir fiscal, mais seulement changement de bénéficiaire [...] remplissant les conditions légales" étant observé qu'il ne voit pas en quoi l'opération "constitue un détournement de la finalité du dispositif, de la raison d'être de l'avoir fiscal [traduisant] cet excès d'habilité, pour reprendre l'expression du Professeur Cozian".

Cette décision nécessite de revenir sur la notion de "fraude à la loi" et, notamment, sur sa condition d'application relative "au but purement ou exclusivement fiscal" (1) ainsi que sur les conditions d'applications de la substitution de base légale tant au regard de la saisine des commissions (2) que de la motivation des pénalités susceptibles d'être appliquées (3).

1. L'abus de droit ou la "fraude à la loi" et la notion de "but purement ou exclusivement fiscal"

En effet, M. Olivier Fouquet commentant une récente décision du Conseil d'Etat du 28 février 2007 (v. O. Fouquet, Fraude à la loi et abus de droit : Dr. fisc. 2006, n° 47, p. 1999 ; Note sous CE 9° et 10° s-s., 28 février 2007, n° 284565, Persicot N° Lexbase : A4284DU9 : Dr. fisc. 2007 n° 14, comm. 386 ; Frédéric Dal Vecchio, Abus de droit : la saga continue !, Lexbase Hebdo n° 256 du 19 avril 2007 - édition fiscale N° Lexbase : N6819BAS) a été amené à résumer le sens de la jurisprudence en cours en ce "qu'il résulte", selon lui, "de la combinaison des jurisprudences Sté Janfin et Min. c/ Sagal, que la recherche d'un but exclusivement fiscal ne suffit pas, à elle seule, à caractériser une fraude à la loi ou un abus de droit si l'obtention de l'avantage fiscal n'est pas en l'espèce contraire aux objectifs poursuivis par le législateur ou si le montage permettant d'obtenir l'avantage fiscal comporte une substance juridique et économique interdisant de le qualifier de purement artificiel".

On observera, dans un arrêt récent du 5 mars 2007, que le Conseil d'Etat (CE, 3° et 8° s-s-r., 5 mars 2007, n° 284457, Selarl Pharmacie des Chalonges [LXB=A6799DUD ]) est allé jusqu'à considérer que "même lorsque le contribuable conclut un contrat dans l'unique but d'atténuer ses charges fiscales, celui-ci ne peut pas constituer un abus de droit au sens des dispositions [de l'article L. 64 du LPF], lorsque la charge fiscale de l'intéressé ne se trouve en réalité pas modifiée par cet acte".

A cet endroit, il sera rappelé que les cours et tribunaux "ne sont pas liés par la qualification donnée par les parties" et qu'ils "peuvent toujours rectifier la qualification des contrats qui leur sont soumis". S'agissant de la qualification, cette dernière "doit traduire la volonté réelle des parties" étant observé que "souvent, ce sont les parties qui ont inexactement qualifié leur contrat : le nom qu'elles lui ont donné n'en traduit pas l'économie véritable. Parfois, la qualification inexacte tient à l'ignorance" et "parfois, elle est volontairement mensongère, car les parties ont le désir d'éluder une règle impérative, notamment une règle fiscale [...] ; par exemple, afin d'échapper aux lourds droits fiscaux grevant une donation, elles ont déguisé le contrat sous le vêtement' d'une vente, beaucoup moins taxée : la qualification est frauduleuse " (Philippe Malaurie et Laurent Aynès, Les contrats spéciaux, éditions Cujas, 2ème édition, 1988, n° 15, p. 19).

Si la Cour de cassation ne s'est pas encore, à notre connaissance, prononcée sur la notion de "la fraude à la loi" dans les hypothèses d'abus de droit hors du champ d'application de l'article L. 64, en revanche, elle a récemment, dans une décision, eu l'occasion de rappeler sa définition "du but exclusivement fiscal", en sanctionnant comme constitutive d'une cession de fonds de commerce l'opération d'apport, faite par une société de son fonds de commerce d'hypermarché à la société filiale d'un groupe d'hypermarché (créée à cet effet), rémunérée par l'émission d'actions de la seconde au profit de la première, suivie quelques jours après de la cession de la totalité des titres à la société mère de la filiale du groupe d'hypermarché (Cass. com., 20 mars 2007, n° 05-20.599, F-D N° Lexbase : A7417DUA).

La Cour de cassation a considéré, dans cette affaire, sans s'éloigner de la conception du "but exclusivement fiscal" donnée par les juridictions administratives, que l'opération, faite "en dehors de toute prise de risque inhérente à l'apport en société et en dehors de toute logique économique [et] l'enchaînement des ces opérations sur une courte période, se justifiait par la poursuite d'un but exclusivement fiscal, consistant à éluder le paiement des droits de mutation à titre onéreux, de sorte que l'administration était fondée à requalifier cette opération en une vente consentie" par la société ayant fait apport de son fonds de commerce à la société filiale de la société mère du groupe d'hypermarché, société interposée et créée apparemment pour les besoins de l'opération.

A l'inverse, sur l'influence du "facteur temps" et l'interposition d'une structure juridique dans les opérations d'ingénierie fiscale au regard de l'abus de droit, on rapprochera cet arrêt de celui précité du Conseil d'Etat du 28 février 2007. Cette jurisprudence écarte l'existence d'un abus de droit dans une affaire dans laquelle une société anonyme, à "prépondérance immobilière", rachète ses titres que ses associés avaient préalablement cédés à une société civile particulière (appartenant aux mêmes associés), moyennant l'attribution à cette dernière société d'immeubles et de droits immobiliers inscrits à l'actif de son bilan. En effet, le Conseil d'Etat a considéré que les associés de la société anonyme n'avaient pas, préalablement à l'opération de rachat par cette société de ses propres actions, cédé leurs titres à la société civile particulière en vue d'échapper à l'imposition qu'ils auraient eue à supporter, en application de l'article 161 du CGI (N° Lexbase : L2470HNS), à raison du boni recueilli d'un rachat direct de ses actions par la société anonyme. Le Haut conseil a considéré qu'il n'y avait pas eu, au cas d'espèce, d'imposition éludée dans la mesure où la société civile particulière (interposée) avait été constituée entre les différents associés concernés quatre jours avant l'opération de transfert et qu'il "entrait dans son objet statuaire comme dans ses activités réelles de détenir et gérer des valeurs mobilières et des biens ou droits immobiliers tels que ceux qui lui ont été attribués par la société anonyme en contrepartie de l'annulation de ses propres titres".

En revanche, constitue un abus de droit "le fait pour un marchand de biens, de céder inutilement ses biens" dans le but "de lui permettre de respecter le délai de revente et de bénéficier de l'exonération de droit d'enregistrement visée à l'article 1115 du CGI (N° Lexbase : L6784HW8)" (Cass. com., 3 avril 2007, n° 06-10.702, F-P+B N° Lexbase : A9035DU8).

On notera, également, deux décisions de la cour administrative d'appel de Nantes (CAA Nantes, 1ère ch., 18 décembre 2006, n° 05NT00650, M. B. Simmenauer -1ère espèce - N° Lexbase : A6346DUL ; CAA Nantes, 1ère ch., n° 05NT00486, M. G. Bazire -2ème espèce- N° Lexbase : A6338DUB) prises dans des situations de fait identiques au regard de l'existence ou non d'un abus de droit, lorsque deux contribuables, le premier après avoir fait donation à ses enfants (1ère espèce) et le second à son épouse (2ème espèce) de titres de sociétés dans lesquelles ils exerçaient des fonctions de direction, ont été apportés à des sociétés civiles créées à cet effet, avec report d'imposition des plus-values, puis ensuite cédées à une société constituée soit entre le contribuable et les membres de sa famille (1ère espèce), soit entre un tiers et le contribuable lequel disposant d'un pourcentage de détention dans cette nouvelle société proche de 50 % (2ème espèce).

Dans ces deux situations, l'administration a soutenu que la création des sociétés civiles avait été réalisée dans un but exclusivement fiscal permettant aux contribuables de vendre les actions reçues par donation puis apportées à des sociétés créées pour l'occasion en évitant de supporter immédiatement l'imposition des plus-values qui auraient été dues s'ils avaient vendu directement leurs actions.

Dans ces deux affaires, la cour observe, préalablement, que l'administration ne peut faire usage des pouvoirs qu'elle tient des dispositions de l'article L. 64 du LPF, "lorsqu'elle entend contester le fait, pour un contribuable, de solliciter le report d'imposition d'une plus-value déclarée dans les conditions prévues par l'article 160-1 ter du Code général des impôts (N° Lexbase : L2652HLS), dès lors qu'une telle demande qui ne déguise, par elle-même, ni la réalisation, ni le transfert de bénéfices ou de revenus, n'entre pas dans les prévisions précitées du b) de l'article L. 64 du Livre des procédures fiscales ; que l'administration n'était dès lors pas fondée à procéder aux rappels contestés sur la base de ces dispositions".

C'est donc à défaut d'application de l'abus de droit visé à l'article L. 64 du LPF et sur demande de substitution de base légale de l'administration que "la fraude à la loi" trouve, le cas échéant, à s'appliquer.

La cour a, en effet, considéré, dans la première espèce, que "dans ces conditions, et compte tenu du court délai écoulé entre l'apport et la revente des actions par la société [...], et du fait que le contribuable a en réalité appréhendé au cours de la même année via cette société familiale qu'il contrôle entièrement le produit de la vente des actions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de ce que la demande de report d'imposition des plus-values reposait sur une construction visant exclusivement à éluder ou à atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées au titre de l'année [d'imposition] eu égard à sa situation et à ses activités réelles ; qu'elle revêt, dès lors, le caractère d'une fraude à la loi".

La cour poursuit, dans la seconde espèce, en considérant que, si le requérant soutient que la création de la société civile interposée "n'était motivée que pour servir de structure à un investissement professionnel qu'il envisageait dans la région parisienne, il n'établit pas cependant que ce projet dépendait de la création préalable d'une société civile ayant opté pour l'impôt sur les sociétés et était en revanche indépendant de la vente des actions de la SA ; [...] dans ces conditions, et compte-tenu du court délai entre l'apport et la revente des actions par la société civile, et du fait que le contribuable a appréhendé au cours de la même année via cette société familiale qu'il contrôle le produit de la vente des actions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de ce que la demande de report d'imposition de la plus-value reposait sur une construction visant exclusivement à éluder ou à atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées au titre de l'année [d'imposition], eu égard à sa situation et à ses activités réelles ; [...] elle revêt, dès lors, le caractère d'une fraude à la loi".

La création des sociétés dans les deux cas pour les besoins de l'opération avait, donc, pour seul motif, selon la cour, de permettre aux contribuables de se placer abusivement dans le champ d'application des articles 160 I ter 4 et 92 B II (N° Lexbase : L1933HL8) du CGI.

2. Sur les conditions d'application de la substitution de base légale au regard de la saisine des commissions

Il convient de rappeler que la procédure d'abus de droit et celle de "la fraude à la loi", hors du champ d'application du texte de l'article L. 64 du LPF, sont toutes deux des procédures contradictoires. Il s'ensuit que, si dans la première hypothèse l'administration se doit de proposer au contribuable la saisine du Comité de répression des abus de droit (CRAD), en revanche, la question de la saisine de la Commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, ainsi que de la Commission de conciliation, dans la seconde hypothèse, revêt un caractère inédit et est susceptible de soulever une difficulté dans le cas d'une substitution de base légale de la procédure de "la fraude à la loi" à celle de l'abus de droit, notamment, dans le cas d'existence d'éléments de faits.

On notera, à cet endroit, qu'à l'inverse, si l'administration conduit à tort son redressement sur le terrain de la théorie jurisprudentielle "de la fraude à la loi", elle ne pourra, devant le juge de l'impôt, réclamer la substitution à cette base légale celle de l'article L. 64 du LPF, dans la mesure où le contribuable aura été privé de la garantie que constitue la saisine du CRAD.

Dans les deux dernières affaires précitées, s'est posée, en effet, la question de savoir si, à défaut de pouvoir saisir le CRAD, dans la mesure où le litige n'entrait pas dans le champ d'application de l'article L. 64 du LPF, les contribuables pouvaient saisir la Commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires.

La réponse de la cour est, sur ce point, négative dès lors que la Commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'est pas compétente pour examiner un litige portant sur le bénéfice d'un report d'imposition prévu par les articles 160 I ter et 92 B II du CGI et qu'au cas d'espèce il n'y avait pas de désaccord sur le montant des plus-values imposées. Dans ces conditions, la cour constate qu'il n'y a pas eu, en l'espèce, de violations des garanties du contribuable en sorte qu'elle pouvait faire droit à la demande de substitution de base légale présentée par l'administration.

On observera que sur "le risque de compétence concurrente de la commission départementale des impôts et du Comité consultatif" pour la répression des abus de droit, si on ne peut complètement l'écarter en raison de l'élargissement de la compétence de la Commission à l'appréciation "des éléments de qualification juridique", ce risque, selon M. O. Fouquet, "n'a en en tout état de cause que peu de chance de se poser", dans la mesure où "les impôts exclus du champ d'application de l'article L. 64 du LPF n'entrent pas dans la compétence de la commission départementale" (v. O. Fouquet, Fraude à la loi et abus de droit : Dr. fisc. 2006, n° 47, p. 1999).

3. Sur les conditions d'application de la substitution de base légale au regard de la motivation des pénalités

En premier lieu, on peut s'interroger sur le point de savoir si la fraude à la loi est susceptible d'être invoquée dans des situations qui n'impliqueraient ni l'intention, ni le manquement délibéré (la mauvaise foi).

Il sera rappelé que l'erreur commise par l'administration sur le champ d'application de l'article L. 64 du LPF peut la conduire, non seulement, à substituer à cette base légale celle du principe général de répression de "la fraude à la loi", mais également, à substituer à la pénalité pour abus de droit les pénalités du droit commun. Toutefois, cette substitution de base légale au niveau des pénalités est subordonnée par la jurisprudence à une double condition. La première (condition générale), selon laquelle "la substitution ne doit priver le contribuable d'aucune des garanties de procédure prévue par la loi" et la seconde (condition spéciale), selon laquelle "les faits que l'administration invoque au soutien de sa demande de substitution de base légale doivent être ceux qu'elle avait retenus pour motiver la pénalité initialement appliquée". Selon toujours la jurisprudence, "la première condition sera remplie dès lors que l'administration, appliquant à tort l'article L. 64 du LPF, aura suivi la procédure contradictoire" et "la seconde condition sera également remplie le plus souvent dans la mesure où les faits retenus par l'administration pour caractériser l'abus de droit pourront probablement être retenus pour qualifier une absence de bonne foi ou des manoeuvres frauduleuses" (v. O. Fouquet, Fraude à la loi et abus de droit : Dr. fisc. 2006, n° 47, p. 1999).

Un début de réponse est peut-être donné par M. O. Fouquet à propos de l'application des pénalités, notamment celles de manoeuvres frauduleuses, en précisant "qu'on ne saurait exclure a priori qu'un montage pourtant jugé abusif n'ait pas pour autant contribué à égarer l'administration dans son pouvoir de contrôle [...], il pourrait en être ainsi lorsque la simplicité ou la rusticité du montage ne peut laisser aucun doute à l'administration sur le but poursuivi par le contribuable".

En second lieu, la réponse ainsi apportée à cette question soulève une autre relative à l'application automatique ou non des pénalités dans les cas d'application de "la fraude à la loi". Une des questions qui se pose est, en effet, de savoir si l'administration a la faculté ou non d'infliger des pénalités et quel type de pénalités ?

Il doit être rappelé que s'agissant des rectifications qui entrent dans le champ d'application de "la fraude à la loi" les sanctions de droit commun trouvent à s'appliquer.

Ainsi, trois types de pénalités sont susceptibles d'être infligés par l'administration en cas d'application de "fraude à la loi", la majoration de 40 % pour manquement délibéré (anciennement "mauvaise foi"), la majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses ainsi que les pénalités pour taxation d'office.

On observera que le caractère automatique se trouve atténué par l'obligation faite à l'administration de procéder à leur motivation au sens de l'article L. 80 D du LPF (N° Lexbase : L8025AEX).

L'administration a, dans les deux affaires précitées, substitué à la pénalité d'abus de droit, visée à l'article L. 64 du LPF, celle prévue au même taux par les dispositions de l'article 1729 du CGI (N° Lexbase : L6792HWH) concernant les hypothèses dans lesquelles les contribuables se sont rendus coupables de manoeuvres frauduleuses.

En effet, "le champ de la pénalité pour abus de droit est clairement circonscrit par l'article 1729 du CGI" qui "se limite aux cas d'abus de droit réprimés selon la procédure prévue à l'article L. 64 du LPF" en sorte qu'un "redressement pour abus de droit prononcé sur le fondement de la théorie jurisprudentielle de l'abus de droit ne pourra donc pas être assorti de cette pénalité" ; mais, en revanche, rien n'empêchera l'administration d'infliger, si elle l'estime justifié, des pénalités pour manoeuvres frauduleuses, fixées elles aussi au taux de 80 %.

La cour a déchargé les contribuables de la pénalité de 80 % qui leur a été infligée au motif tiré de ce "qu'en se bornant à se référer aux considérations de fait caractérisant une fraude à la loi et résultant de l'application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, le ministre n'établit pas que [les contribuables] aient créé des apparences de nature à égarer l'administration dans l'exercice de son pouvoir de contrôle".

La cour reproche, donc, à l'administration de s'être référée par simple automatisme à une pénalité d'une même disposition substituée à une autre pour les besoins de la procédure sans en préciser au cas d'espèce les conditions d'application.

La jurisprudence entend par "manoeuvres frauduleuses" les actes, opérations, artifices, agissements, procédés ou manoeuvres destinés à égarer, restreindre ou rendre plus difficile le pouvoir de vérification ou de contrôle de l'administration (CE, Contentieux, 23 février 2000, n° 187055, SARL Paris Hong-Kong N° Lexbase : A0387AUU ; RJF 2000, n° 534 ; CE Contentieux, 1er juin 1990, n° 67053, Ministre du Budget c/ Gruson [LXB=A4755AQ8 ] : Dr. fisc. 1990, com. 2158).

Elle subordonne la qualification de "manoeuvres frauduleuses" à deux conditions, la première relative à la démonstration d'une "action consciente et personnelle du contribuable" et, la seconde à celle d'un "montage créant des apparences de nature à égarer l'administration dans son pouvoir de contrôle" (v. O. Fouquet, études, notes et commentaires précités).

En effet, comme le fait remarquer M. O. Fouquet dans ses différents commentaires "à la différence de la pénalité pour abus de droit de 80 %, les pénalités de droit commun ne sont pas automatiquement liées à la qualification qui leur est propre [...], il appartient dès lors à l'administration d'établir les faits qui permettent de caractériser la pénalité applicable".

newsid:279302

Internet

[Manifestations à venir] Sécurité et confiance : de la gestion des droits d'accès à la gestion des droits d'usage

Lecture: 1 min

N6762BAP

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3209068-edition-n-258-du-03052007#article-276762
Copier

Le 07 Octobre 2010

L'Association pour le développement de l'informatique juridique (Adij) organise une conférence sur le thème "Sécurité et confiance : de la gestion des droits d'accès à la gestion des droits d'usage" le mardi 22 mai 2007, animée par Philippe Blot-Lefèvre, Fondateur et Chairman de Hub2b Inc.
  • Intervenants

- Thierry Hasson, Directeur associé, Sécurity
- Pierre Lombardy, Directeur général, N'Cryptone - Groupe Prosodie

  • Date et lieu

Mardi 22 mai 2007
8h30 - 10h30
La Maison du Barreau
2/4 rue de Harlay
75001 Paris.

  • Inscriptions

Mme Christiane Féral-Schuhl, AMCO
Présidente de l'Adij
Fax : 01.70.71.22.22
E-mail : coordination-adij@feral-avocats.com
Paf : 20 euros (gratuit pour les membres de l'Adij)

Cette manifestation est validée au titre de la formation continue obligatoire des avocats.

newsid:276762

Électoral

[Textes] Que retenir des nouvelles dispositions statutaires relatives à l'outre-mer ?

Réf. : Loi organique n° 2007-223 (N° Lexbase : L5251HUZ) et loi n° 2007-224 (N° Lexbase : L5250HUY) du 21 février 2007

Lecture: 4 min

N9266BAG

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3209068-edition-n-258-du-03052007#article-279266
Copier

Le 07 Octobre 2010

Deux lois portant dispositions statutaires relatives à l'outre-mer viennent d'être promulguées (1). Elles concernent pour l'essentiel quatre collectivités d'outre-mer, deux déjà existantes (Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon), deux entièrement créées (Saint-Martin et Saint-Barthélemy) et constituent en partie le prolongement législatif de consultations locales intervenues aux Antilles en décembre 2003. Les deux collectivités créées sont soustraites au département et à la région de la Guadeloupe. Simultanément, sont actualisés les statuts de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Mayotte.
Du point de vue électoral, ces textes apparaissent plus volumineux que réellement novateurs. De nombreuses dispositions se bornent à décliner, à quatre reprises, un modèle de mesures portant sur les aspects les plus variés de la vie locale. Les deux statuts rénovés le sont à droit constant ou quasi-constant, le statut actualisé de Saint-Pierre-et-Miquelon servant lui-même de modèle aux deux nouveaux. I. Les règles statutaires essentielles des quatre collectivités

1°) Mayotte

Le statut de Mayotte, succédant au précédent de 2001 (2), n'innove guère. L'assemblée locale demeure un conseil général aux compétences et au fonctionnement proches de ceux d'une assemblée départementale de métropole. Le nouveau statut maintient le cadre cantonal de l'élection, qui reste uninominale, ainsi que la durée du mandat et la périodicité des renouvellements. Comme par le passé, chaque conseiller général est élu pour six ans dans l'un des 17 cantons. Le conseil général se renouvelle par moitié tous les trois ans, en même temps que les conseils généraux de métropole (3) (soit en 2008, 2011, etc.).

Les dispositions de la récente loi tendant à promouvoir l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives (4) ont été étendues aux élections au conseil général de Mayotte (5). En d'autres termes, chaque candidat(e) à une élection cantonale devra désigner un(e) suppléant(e) du sexe opposé au sien lors du dépôt des candidatures, cette personne étant soumise aux mêmes règles d'éligibilité. En métropole, cette règle s'appliquera à compter des prochaines élections cantonales générales (6), c'est-à-dire à partir de mars 2008. En revanche, faute de disposition dérogatoire particulière, elle est d'application immédiate à Mayotte.

Les conseils municipaux des 17 communes sont maintenus, sans modification quant aux règles de désignation de leurs membres et à leur fonctionnement.

2°) Saint-Pierre-et-Miquelon

L'assemblée locale de Saint-Pierre-et-Miquelon, composée de 19 membres, reste élue au scrutin de liste dans deux circonscriptions de taille très inégale, Saint-Pierre (15 sièges) et Miquelon-Langlade (4 sièges) (7). La durée du mandat est abaissée de six à cinq ans (8). La mesure la plus voyante porte sur l'appellation : l'assemblée cesse d'être un "conseil général" pour devenir "conseil territorial", la mesure s'appliquant immédiatement. Le mandat de ses actuels membres est maintenu à son terme antérieur de six ans (9), c'est-à-dire jusqu'en 2012, le dernier renouvellement général ayant eu lieu en mars 2006.

Les deux communes, avec chacune leur conseil municipal, sont maintenues.

3°) Saint-Martin et Saint-Barthélemy

Ces deux nouvelles collectivités sont dotées chacune d'un conseil territorial élu pour cinq ans, composés respectivement de 19 membres pour Saint-Barthélemy (10) et de 23 pour Saint-Martin (11). Chaque collectivité constitue une circonscription unique pour l'élection de son assemblée : il n'y a donc plus ni commune, ni canton. Les compétences de chaque collectivité cumulent celles de la région Guadeloupe, du département de la Guadeloupe et des communes de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin. Par voie de conséquence, chaque conseil territorial se substituera tant aux actuels conseils municipaux que, le cas échéant, au conseil général et au conseil régional de la Guadeloupe (12).

Ces deux collectivités seront représentées au Parlement par la création, pour chacune d'entre elles, d'un siège supplémentaire de député (13) et d'un de sénateur (14).

II. Le calendrier électoral d'application des nouvelles dispositions législatives

1°) Le calendrier électoral dans les nouvelles collectivités

Il est fixé par les textes précités et s'appliquera graduellement, ainsi que le prévoient des dispositions précises mais dispersées, qu'il n'est sans doute pas inutile de résumer :

- les conseillers territoriaux de Saint-Martin et Saint-Barthélemy seront élus dans les six mois suivant la promulgation de la loi organique, soit avant le 21 août 2007 (15) ;

- les mandats des actuels membres des conseils municipaux des communes de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, ainsi que ceux des actuels membres du conseil général de la Guadeloupe élus dans ces îles, sont prorogés jusqu'à la première réunion de droit qui suivra l'élection des conseils territoriaux (16) ;

- les sièges de sénateurs créés pour la représentation de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy seront pourvus en septembre 2008 (17) ;

- les nouvelles circonscriptions législatives de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin seront pourvues au premier renouvellement général de l'Assemblée nationale postérieur à juin 2007 (18), donc, sauf dissolution, pas avant juin 2012.

A titre d'information, la date des élections des futurs conseils territoriaux de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy vient d'être fixée aux 1er et 8 juillet 2007.

3°) Les autres dispositions électorales qui méritent un commentaire

Sans se limiter aux quatre collectivités précitées, on peut retenir les règles suivantes, applicables sans délai et complétant le dispositif existant pour l'outre-mer :

- pour l'élection du Président de la République au suffrage universel (y compris, donc, pour les scrutins des 22 avril et 6 mai 2007), le principe du vote le samedi, veille du scrutin en métropole, déjà retenu pour la Guadeloupe (19), est maintenu pour Saint-Barthélemy et Saint-Martin (20) ;

- même dispositif pour les élections au Parlement européen (21), les prochaines se déroulant en 2009 ;

- pour les élections législatives générales, le vote le samedi, veille du scrutin en métropole, est prévu à Saint-Barthélemy (22), Saint-Martin (23) et à Saint-Pierre-et-Miquelon (24) ;

- toutefois, il a fallu le prévoir également pour l'ensemble des collectivités françaises d'Amérique (25), donc, pour les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Guyane ;

- pour les prochaines élections législatives de juin 2007, les dispositions précédentes relatives au vote le samedi seront applicables. Mais les futures circonscriptions législatives de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin n'étant pas encore créées, les électeurs insulaires participeront encore au scrutin pour désigner le député de la IVème circonscription de la Guadeloupe.

Pour toutes ces élections, il faut prévoir un dispositif réglementaire d'application (peut-être partiellement provisoire), donc une publication de décrets complémentaires, dans les semaines à venir. Les modifications du Code électoral ne sont pas terminées !

La création de deux sièges de sénateurs complétant le rééquilibrage intervenu dans les années 2003 et 2004 ne fait pas difficulté, non plus que la création de deux circonscriptions législatives calquées sur les collectivités nouvelles. Elle entraîne toutefois ipso facto une réduction du tiers de sa population d'une des quatre circonscriptions de la Guadeloupe. De même, le statu quo maintenu à Mayotte se traduit par le maintien d'un seul siège de député pour deux de sénateurs. Sans trop de risque de se tromper, on peut prévoir que la question du rééquilibrage des circonscriptions législatives, au moins outre-mer, va resurgir très vite.

Guy Prunier
Chargé de mission au Conseil constitutionnel


(1) Loi organique n° 2007-223 et loi n° 2007-224 du 21 février 2007 (JO du 27 février 2007).
(2) Loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 (N° Lexbase : L9408BB3 JO du 13 juillet 2001).
(3) C. élect., art. L.O. 457 (N° Lexbase : L7858HWX créé par l'article 7 de la loi organique n° 2007-223).
(4) Loi n° 2007-128 du 31 janvier 2007 (N° Lexbase : L2477HUB JO du 1er février 2007).
(5) C. élect., art. L. 460 (N° Lexbase : L7861HW3 créé par l'article 6 de la loi n° 2007-224).
(6) Loi précitée du 31 janvier 2007 (art. 4-II).
(7) C. élect., art. L.O. 537 (N° Lexbase : L7938HWW créé par l'article 7 de la loi organique n° 2007-223).
(8) C. élect., art. L.O. 538 (N° Lexbase : L7939HWX créé par l'article 7 de la loi organique n° 2007-223).
(9) Loi organique n° 2007-223 (art. 20-III).
(10) C. élect., art. L.O. 482 (N° Lexbase : L7883HWU créé par l'article 7 de la loi organique n° 2007-223).
(11) C. élect., art. L.O. 509 (N° Lexbase : L7910HWU créé par l'article 7 de la loi organique n° 2007-223).
(12) Loi organique n° 2007-223 (art. 18-X et 18-XI).
(13) C. élect., art. L.O. 479 (N° Lexbase : L7880HWR) pour Saint-Barthélemy et L.O. 506 (N° Lexbase : L7907HWR) pour Saint-Martin (créés par l'article 7 de la loi organique n° 2007-223).
(14) C. élect., art. L.O. 500 (N° Lexbase : L7901HWK) pour Saint-Barthélemy et L.O. 527 (N° Lexbase : L7928HWK) pour Saint-Martin (créés par l'article 7 de la loi organique n ° 2007-223).
(15) Loi organique n° 2007-223 (art. 18-II).
(16) Loi organique n° 2007-223 (art. 18-VIII).
(17) Loi organique n° 2007-223 (art. 18-IV).
(18) Loi organique n° 2007-223 (art. 18-I).
(19) Loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 (N° Lexbase : L5341AGW art. 3-II).
(20) Loi organique n° 2007-223 (art. 10).
(21) Loi n° 2007-224 (art. 8-II, 6°, b), modifiant l'article 26 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977, relative à l'élection des représentants au Parlement européen.
(22) C. élect., art. L. 480 (N° Lexbase : L7881HWS créé par l'article 6 de la loi n° 2007-224).
(23) C. élect., art. L. 507 (N° Lexbase : L7908HWS créé par l'article 6 de la loi n° 2007-224).
(24) C. élect., art. L. 534 (N° Lexbase : L7935HWS créé par l'article 6 de la loi n° 2007-224).
(25) Loi n° 2007-224 (article 7 modifiant l'article L. 173 du Code électoral N° Lexbase : L7841HWC).

newsid:279266

Famille et personnes

[Jurisprudence] Communauté universelle avec clause d'attribution intégrale des acquêts au conjoint survivant et exercice de l'action en retranchement

Réf. : Cass. civ. 1, 27 mars 2007, n° 05-14.910, M. Maurice Droz-Vincent, FS-P+B (N° Lexbase : A7929DU9)

Lecture: 5 min

N9087BAS

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3209068-edition-n-258-du-03052007#article-279087
Copier

Le 07 Octobre 2010

L'attribution de l'intégralité des acquêts au conjoint survivant constitue un avantage matrimonial réductible au profit de l'enfant issu d'une première union. Tel est l'attendu, somme toute liminaire, de la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 27 mars 2007 au visa de l'article 1527, alinéa 2, du Code civil (N° Lexbase : L1026ABM, dans sa rédaction alors en vigueur) relatif à l'action en retranchement. Selon l'article 1527, alinéa 1er, du Code civil, les avantages que l'un ou l'autre des époux peut retirer des clauses d'une communauté conventionnelle, ainsi que ceux qui peuvent résulter de la confusion du mobilier ou des dettes, ne sont pas considérés comme des donations. Qualifiés civilement de conventions à titre onéreux, les avantages matrimoniaux ne sont, de ce fait, ni rapportables à la succession du conjoint prédécédé, ni réductibles pour atteinte à la réserve héréditaire (1).

Toutefois, l'article 1527, alinéa 2, déroge à ce principe en présence d'enfants qui ne sont pas issus des deux époux. Il énonce, en effet, que "toute convention qui aurait pour conséquence de donner à l'un des époux au-delà de la portion réglée par l'article 1094-1 (N° Lexbase : L1179ABB), au titre 'Des donations entre vifs et des testaments', sera sans effet pour tout l'excédent [...]". Autrement dit, les avantages matrimoniaux que le conjoint peut retirer d'une clause d'une communauté conventionnelle ou d'une participation aux acquêts sont des libéralités qui pourront être limitées, par le jeu de l'action en retranchement, à la quotité disponible entre époux (2). Les raisons qui sous-tendent une telle solution sont évidentes : les enfants d'un précédent lit de l'époux prédécédé perdent tous les éléments de la fortune de leur père ou de leur mère que l'avantage matrimonial fait passer au second conjoint (3).

La réduction ne peut être demandée que par les "enfants qui ne seraient pas issus des deux époux". La loi n° 2001-1135, du 3 décembre 2001, relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins et modernisant diverses dispositions de droit successoral (N° Lexbase : L0288A33) a modifié l'article 1527, alinéa 2, en supprimant la référence aux enfants d'un précédent mariage. Les enfants conçus hors mariage sont donc fondés à demander la réduction (4). En revanche, la jurisprudence exclut du bénéfice de l'action en retranchement l'enfant adopté par le conjoint survivant (5).

En l'espèce, des époux s'étaient mariés sans contrat de mariage puis avaient opté pour le régime de la communauté universelle par un acte auquel le fils de l'épouse, issu de sa première union, avait consenti. La cour d'appel de Lyon, dans un arrêt du 17 mars 2005, a débouté ce dernier de son action en réduction des avantages matrimoniaux consentis par sa mère à son second mari, en retenant, notamment, que cet enfant n'apportait pas la preuve que le changement de régime matrimonial ait entraîné pour le second mari de sa mère un avantage patrimonial qui lui aurait porté préjudice au moment du décès de celle-ci. Les juges du fond ont, également, rejeté l'action en retranchement au motif que l'enfant n'établissait pas la consistance des biens propres de sa mère au moment du changement de régime matrimonial, faisant seulement état de biens immobiliers acquis après ce changement et ne démontrant pas que ces biens avaient été acquis autrement que par le fruit des travaux et des économies du couple.

Cette analyse est réfutée par la Cour de cassation au visa de l'article 1527, alinéa 2, du Code civil. L'arrêt du 27 mars 2007 retient, en effet, dans un attendu succinct, que l'attribution de l'intégralité des acquêts au conjoint survivant constitue un avantage matrimonial réductible. Il relève, en outre, que les simples bénéfices résultant des travaux communs et des économies faites sur les revenus respectifs, quoique inégaux, des deux époux, ne sont pas considérés comme un avantage fait au préjudice des enfants d'un autre lit, "sauf partage inégal de ces acquêts".

La Cour reprend donc en partie l'article 1527, alinéa 2, in fine qui exclut de l'action en retranchement les avantages matrimoniaux qui résultent simplement d'une inégalité des revenus et des économies faites sur ces revenus. Comme le relèvent certains auteurs, "les revenus sont normalement affectés aux besoins du ménage, et les époux auraient pu les dépenser. [...] Il serait inadmissible qu'une femme, qui n'exerce pas de profession, fût considérée comme donataire de son mari si celui-ci en exerce une, très lucrative. Il s'ensuit que la seule adoption de la communauté réduite aux acquêts ne peut jamais constituer un avantage réductible. Les seuls biens communs sont les acquêts. Par hypothèse, ils proviennent des économies faites sur les revenus. Leur partage par moitié n'est pas une donation, même quand les revenus d'un seul ont servi à les constituer" (6).

Cependant, la jurisprudence retient la qualification de donation lorsqu'il existe une inégale répartition des acquêts. C'est ce qu'affirme, en effet, un arrêt du 20 novembre 1958 de la première chambre civile de la Cour de cassation (7) et que confirme aujourd'hui la décision du 27 mars 2007. Le partage inégal des acquêts explique, en effet, que les enfants non issus des deux époux puissent agir en réduction dès lors que l'avantage excède la quotité disponible.

Notons, enfin, que la loi n° 2006-728, du 23 juin 2006, portant réforme du droit des successions et des libéralités (N° Lexbase : L0807HK4), a complété l'article 1527 par un alinéa 3 ainsi rédigé : "Toutefois, ces derniers [les enfants qui ne sont pas issus des deux époux] peuvent dans les formes prévues aux articles 929 à 930-1, renoncer à demander la réduction de l'avantage matrimonial excessif avant le décès de l'époux survivant. Dans ce cas, ils bénéficient de plein droit du privilège sur les meubles prévu au 3° de l'article 2374 et peuvent demander, nonobstant toute disposition contraire, qu'il soit dressé inventaire des meubles ainsi qu'un état des immeubles".

Une telle renonciation offre ainsi au conjoint survivant la possibilité de rester en possession des biens du défunt jusqu'à son propre décès (8). A cette date, les enfants non issus des deux époux pourront exercer l'action en réduction à laquelle ils n'ont pas renoncé de manière définitive (9).

Il est, en outre, prévu que cette renonciation doit se faire dans les mêmes formes que celles relatives à la renonciation anticipée à l'action en réduction contre les libéralités excessives (C. civ., art. 929 à 930-1 N° Lexbase : L0081HPP). En l'occurrence, celle-ci doit être établie par un acte authentique spécifique reçu par deux notaires et signée séparément par chaque enfant renonçant à l'action en présence des seuls notaires (10). Un tel formalisme est justifié par l'importance de l'acte ainsi que par la nécessité de protéger les intérêts patrimoniaux des enfants non issus des deux époux.

D'autres garanties accompagnent leur renonciation. Ils bénéficient, en effet, du privilège sur les meubles et peuvent demander, nonobstant toute disposition contraire, que soit dressé un inventaire des meubles et un état des immeubles.

Nathalie Baillon-Wirtz
Maître de conférences à l'Université de Reims Champagne Ardenne


(1) F. Terré et Y. Lequette, Droit civil, Les successions, Les libéralités, Dalloz, 3ème éd., 1997, p. 520, n° 638. V. également : A. Tisserand-Martin, Réflexions autour de la notion d'avantage matrimonial, Mélanges Jacques Béguin, Litec, 2005, p. 753.
(2) G. Bobin et J.-F. Pillebout, J.-Cl. Notarial Formulaire, V° Communauté entre époux, Fasc. 260, n° 46 et s..
(3) J. Flour et G. Champenois, Les régimes matrimoniaux, Ed. A. Colin, 2ème éd., 2001, p. 671, n° 721.
(4) Cass. civ. 1, 29 janvier 2002, n° 99-21.134, Mlle Virginie Rolland c/ Mme Micheline Fourtier, FS-P (N° Lexbase : A8624AXP), Dr. fam. 2002, n°45, obs. B. Beignier.
(5) Cass. civ. 1, 7 juin 2006, n° 03-14.884, Mme Odile Ruppe-Rolland, veuve Lancenet, FS-P+B (N° Lexbase : A8386DPB), RTD. civ. 2006, p.749, obs. J. Hauser.
(6) J. Flour et G. Champenois, Les régimes matrimoniaux, préc., p. 674, n° 724.
(7) Cass. civ. 1, 20 novembre 1958, JCP 1960, II., 11383, note P. Voirin.
(8) N. Peterka, Les incidences de la réforme des successions et des libéralités sur le droit des régimes matrimoniaux, AJ Famille 2006, p. 358.
(9) A. Delfosse et J.-F. Peniguel, La réforme des successions et des libéralités, Litec, 2006, p. 321, n° 690.
(10) V. sur ce point : A. Delfosse et J.-F. Peniguel, La réforme des successions et des libéralités, préc., p. 192, n° 435.

newsid:279087

Bancaire

[Evénement] L'utilisation de la fiducie dans le secteur bancaire et financier

Lecture: 11 min

N8989BA8

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3209068-edition-n-258-du-03052007#article-278989
Copier

par Propos recueillis par Florence Labasque, SGR - Droit commercial

Le 07 Octobre 2010

Devant les nombreuses interrogations soulevées peu de temps après l'introduction de la fiducie dans le droit français par la loi du 19 février 2007 (loi n° 2007-211, instituant la fiducie N° Lexbase : L4511HUM), une conférence a été organisée à Paris, le 17 avril dernier, sur le thème "La fiducie : quelle utilisation dans le secteur bancaire et financier ?", à l'initiative commune de l'Association Européenne de Droit Bancaire et Financier - France (http://www.aedbf.asso.fr) et de l'Association Nationale des Juristes de Banque (http://www.anjb.net). Après l'ouverture de la conférence par Jean-Michel Daunizeau, président AEDBF-France et Gérard Gardella, président ANJB, sont intervenus Pierre Crocq, professeur à l'Université Paris II, Panthéon-Assas et Gauthier Blanluet, professeur à l'Université Paris II, Panthéon-Assas, avocat, respectivement sur la place de la fiducie en droit français et sur la fiscalité de la fiducie. Une table ronde sur les perspectives d'utilisation dans le secteur et financier a, ensuite, été animée par Alain Gourio, vice-président AEDBF-France, avec les interventions de Alain Cerles, avocat, Michel Elland-Goldsmith, avocat et Vincent Besombes, BNP Paribas Suisse. Lexbase Hebdo - édition privée générale vous propose, cette semaine, un compte-rendu de cette conférence. Il a, dans un premier temps, été rappelé que la Cour de cassation, dans un arrêt du 19 décembre 2006, a affirmé "qu'en dehors des cas prévus par la loi, l'acte par lequel un débiteur cède et transporte à son créancier, à titre de garantie, tous ses droits sur des créances, constitue un nantissement de créance" (Cass. com., 19 décembre 2006, n° 05-16.395, Société Disques investissements audio vidéo (DIVA), FP-P+B+R+I N° Lexbase : A9943DS3 ; pour un commentaire de cet arrêt, lire G. Mégret, La Cour de cassation tranche : pas de fiducie sans texte..., Lexbase Hebdo n° 250 du 1er mars 2007 - édition privée générale N° Lexbase : N1071BAW). Dans cet arrêt, la Haute juridiction a procédé à une requalification pour dire qu'une cession de loyers à titre de garantie n'est pas une fiducie mais un nantissement. Qu'a-t-elle, ainsi, voulu en procédant à cette requalification ? Laisser le soin au législateur de s'emparer de la fiducie avec le plus d'ampleur possible ?... C'est aujourd'hui chose faite.

I - Origines et raisons du projet

Pierre Crocq a souligné que les modalités, en France, de l'élaboration des textes sont un peu curieuses dans la mesure où l'on voit souvent des textes avoir une origine lointaine, qui font l'objet de réflexions pendant des années, puis finissent adoptés dans la précipitation. C'est le cas de cette loi du 19 février 2007.
En effet, un projet de fiducie avait été très vite enterré en 1992. Une nouvelle tentative avait vu le jour en 1995, mais elle ne rencontra pas plus de succès. La perspective d'un texte général sur la fiducie semblait, alors, quelque peu abandonnée. C'est ensuite à la commission "Grimaldi" qu'il aurait dû appartenir de rédiger un texte sur la fiducie-sûreté dans le cadre de la réforme des sûretés -et plus particulièrement dans le cadre de la propriété à titre de garantie-, mais la Chancellerie a retiré des attributions de cette commission la fiducie-sûreté, pour s'en charger avec la participation du ministère de l'Economie et des Finances. La proposition de loi avait été déposée par le sénateur Philippe Marini le 8 février 2005 et une commission avait été mise en place, commission qui présentait deux particularités : d'abord, le nombre pléthorique de ses membres, ensuite, le peu de fois où elle se voyait réunie. Semblée de nouveau tombée dans l'oubli pendant un an, la fiducie a, ensuite, été inscrite à l'ordre du jour du Sénat, dans un contexte de précipitation : le texte devait, en effet, être adopté avant la fin de la session parlementaire. Les parlementaires se sont alors trouvés devant un dilemme : soit adopter le texte quasiment sans discussion -pour éviter l'étape de la Commission mixte paritaire-, soit discuter le texte et prendre le risque qu'il ne soit plus jamais adopté. Finalement, c'est un vote totalement conforme qui a eu lieu (voir le dossier législatif de cette loi).

La loi instituant la fiducie se trouve, ainsi, aux articles 2011 et suivants du Code civil (N° Lexbase : L6507HWW) (prenant la place des anciennes dispositions relatives au cautionnement). Cette fiducie n'est pas inconnue puisque le législateur et la jurisprudence avaient admis depuis longtemps qu'elle soit utilisée comme garantie (l'exemple-type étant la cession "Dailly", instituée par la loi n° 81-1, du 2 janvier 1981, facilitant le crédit aux entreprises N° Lexbase : L0197G8S). Toutefois, deux choses sont nouvelles :
- la fiducie est consacrée en tant que technique de gestion ;
- la fiducie-sûreté est consacrée dans le Code civil de manière générale quant aux biens (mais pas de manière générale "tout court", car les qualités des intervenants répondent à certaines exigences).
S'agissant de la fiducie-gestion, elle ne peut pas permettre d'assurer la transmission à titre gratuit d'un bien à un tiers. L'absence de fiducie successorale s'explique par la crainte d'une possible atteinte portée à la réserve héréditaire, mais il existe des ersatz à la fiducie successorale. Pierre Crocq estime qu'il ne faut pas regretter, non plus, que la loi nouvelle ait exclu la possibilité que la fiducie soit créée par un juge (v. l'article 2012 du Code civil N° Lexbase : L6508HWX, selon lequel "la fiducie est établie par la loi ou par contrat").
S'agissant de la fiducie-sûreté, la loi du 19 février 2007 crée un nouveau droit commun de la fiducie-sûreté. Dès lors, s'interroge l'intervenant, ces dispositions n'ont-elles pas vocation à s'appliquer à toutes les fiducies-sûretés s'il n'existe pas de dispositions expresses, ou si celles-ci existent mais n'y dérogent pas ? Trois exemples d'une telle conséquence peuvent ainsi être cités :
- le gage espèce ne pourrait pas être constitué par une personne physique ;
- la constitution d'un patrimoine d'affectation deviendrait obligatoire dans le cadre de la cession "Dailly" ;
- les cessions "Dailly" constituées en période suspecte seraient nulles.
Les effets de cette application seraient donc révolutionnaires et, même si ce n'est sûrement pas ce qu'a souhaité le législateur, le problème est bien là (et est lié, insiste le professeur Crocq, au fait que cette loi n'a pas été assez discutée).
Il existe, toutefois, un moyen pour mettre à l'écart ce problème : l'article 2011 du Code civil définit la fiducie comme "l'opération par laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent des biens, des droits ou des sûretés, ou un ensemble de biens, de droits ou de sûretés, présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d'un ou plusieurs bénéficiaires". Ainsi, la référence au patrimoine d'affectation de l'article 2025 du Code civil se trouve également à l'article 2011 du même code, c'est-à-dire dans la définition même de la fiducie et non pas seulement dans le régime juridique. Donc, a contrario, l'on peut mettre hors d'application de cette loi les fiducies sans constitution de patrimoine d'affectation.

II - Place de la fiducie en droit français

Selon Pierre Crocq, il est à craindre que cette fiducie-gestion et, surtout, cette fiducie-sûreté, aient peu d'utilisation.

1 - La fiducie-gestion

Il convient de souligner, tout d'abord, que l'intérêt de la loi du 19 février 2007 porte sur la reconnaissance des trusts à l'étranger. En effet, cette technique similaire au trust va permettre de reconnaître en France les trusts. Essentiellement, cette loi constitue un prélude à la ratification de la Convention de La Haye sur la loi applicable aux trusts (Convention de La Haye du 1er juillet 1985, relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance N° Lexbase : L3839HXH).

Le professeur Crocq, mesurant toujours l'utilité de la fiducie-gestion, explique en quoi celle-ci ne pourra certainement pas représenter une technique de gestion pour des opérations à risques particulièrement élevés. La raison en est que le cloisonnement du patrimoine d'affectation n'est pas parfait. L'article 2025  (N° Lexbase : L6521HWG) énonce, en effet, que "sans préjudice des droits des créanciers du constituant titulaires d'un droit de suite attaché à une sûreté publiée antérieurement au contrat de fiducie et hors les cas de fraude aux droits des créanciers du constituant, le patrimoine fiduciaire ne peut être saisi que par les titulaires de créances nées de la conservation ou de la gestion de ce patrimoine" (l'intervenant a souligné, ici, la mauvaise rédaction, une saisie ne pouvant porter sur "un patrimoine" mais sur les éléments du patrimoine). L'alinéa 2 énonce, ensuite, qu'"en cas d'insuffisance du patrimoine fiduciaire, le patrimoine du constituant constitue le gage commun de ces créanciers" : ces dispositions sont donc particulièrement dangereuses pour le constituant. Certes, le texte prévoit deux exceptions : tout d'abord, l'alinéa 3, lequel prévoit que "le contrat de fiducie peut également limiter l'obligation au passif fiduciaire au seul patrimoine fiduciaire". Mais cette exception est illusoire dans la mesure où cet alinéa poursuit en précisant que cette clause "n'est opposable qu'aux créanciers qui l'ont expressément acceptée". Ensuite, l'alinéa 2 énonce les termes suivants : "sauf stipulation contraire du contraire du contrat de fiducie mettant tout ou partie du passif à la charge du fiduciaire". Cette exception est donc, elle aussi, illusoire, car il paraît étonnant que le fiduciaire accepte cette stipulation.

La fiducie, continue Pierre Crocq, peut donc être utilisée comme technique de gestion, mais à condition de prendre garde à trois difficultés.
1. Tout d'abord, la loi n'ayant pas envisagé que le bénéficiaire puisse déléguer la gestion du patrimoine, le contrat devra prévoir lui-même cette hypothèse.
2. Ensuite, il est à noter que la loi n'a pas envisagé la modification des pouvoirs d'administration et de disposition du fiduciaire, alors que le contrat peut avoir une durée de 33 ans (C. civ., art. 2018, 2°  N° Lexbase : L6514HW8), durée pendant laquelle les pouvoirs déterminés dans le contrat peuvent nécessiter des modifications.
3. Enfin, aux termes de l'article 2028 du Code civil (N° Lexbase : L6524HWK), "le contrat de fiducie peut être révoqué par le constituant tant qu'il n'a pas été accepté par le bénéficiaire". La difficulté tient, ici, à ce qu'en matière de fiducie-gestion, le bénéficiaire est le fiduciant. Il faudra donc admettre contractuellement que le fiduciant pourra accepter la fiducie-gestion juste après sa constitution.

Ces imperfections vont donc générer un contentieux inutile. Mais il est possible d'y remédier par clause contractuelle.

2 - L'utilisation de la loi en matière de sûretés

L'intérêt de la loi nouvelle est, selon Pierre Crocq, plus que douteux, et ce en raison d'une malfaçon fondamentale : la loi ne fait aucune distinction entre la fiducie-gestion et la fiducie-sûreté, ne prévoyant qu'un seul régime, alors, pourtant, qu'il s'agit de deux opérations profondément différentes.

1. La loi comprend des dispositions inadaptées à la fiducie-sûreté, dont il est cité plusieurs exemples.
Ainsi, le fiduciant ne peut être qu'une personne morale, et une personne morale soumise à l'impôt sur les sociétés -soit par son statut, soit sur option-.
Par ailleurs, il est à noter que c'est la première fois que le législateur prévoit une sûreté qui peut être révoquée par le débiteur !
Un autre exemple frappant réside dans l'alinéa 2 de l'article 2029 du Code civil (N° Lexbase : L6525HWL), selon lequel le contrat de fiducie prend fin si le fiduciaire disparaît par suite d'une cession ou d'une absorption. Il demeure donc étonnant qu'une sûreté accessoire nécessite un aménagement contractuel pour pouvoir être transmise avec la créance qu'elle garantit.
Enfin, l'intervenant cite un exemple d'imperfection considérable mais qui, paradoxalement, pourrait donner une utilité au texte. Il s'agit de l'article 2018 du Code civil qui, parmi les mentions obligatoires du contrat qu'il cite, omet la désignation des créances garanties ! Visiblement, cet oubli n'est pas volontaire. Mais cela n'ouvre-t-il pas la possibilité de faire une fiducie-sûreté omnibus, pour toute créance ?

2. Outre ces imperfections, l'on peut regretter, selon Pierre Crocq, un régime juridique propre à la fiducie-sûreté. Or, ce n'est pourtant pas difficile, dans la mesure où il ne manque que deux choses :
- l'absence totale de disposition quant à la réalisation de la fiducie-sûreté -notamment, quant à l'application du droit des procédures collectives- ;
- le caractère accessoire pour sa mise en oeuvre. En effet, que faire quand le bien n'a pas une valeur déterminée ? Quelle procédure suivre ? Le créancier devra-t-il restituer la différence ? La jurisprudence devra donc, là encore, se prononcer.

Pour être utile, il faudrait que la fiducie-sûreté ait un régime de publicité spécifique. Or, ce régime spécifique n'existe pas. S'agissant de la fiducie-sûreté, la loi prévoit que le contrat de fiducie et ses avenants doivent être enregistrés dans le délai d'un mois à compter de leur date, à peine de nullité (C. civ., art. 2019  N° Lexbase : L6515HW9). Cependant, il ne s'agit pas d'un enregistrement aux fins de publicité, mais seulement d'un enregistrement auprès du service des impôts. Il faudra donc nécessairement que l'on ait à faire à une fiducie-sûreté avec dépossession. Mais alors cette sûreté ne nous apporte rien car le gage sans dépossession aujourd'hui, et le nantissement de créances sont très efficaces et ne sont pas soumis à publicité sous peine de nullité.

III - Perspectives d'utilisation dans le secteur bancaire et financier

"Cette fiducie à la française va-t-elle servir à quelque chose en matière bancaire et financière ?". Telle est la question autour de laquelle a été animée cette table ronde.

1 - Utilisation de la fiducie dans le domaine bancaire classique

S'agissant, tout d'abord, de l'absence de dispositions spécifiques à la fiducie-sûreté dans cette loi du 19 février 2007, Alain Cerles souligne que, dans la mesure où l'article 2011 du Code civil prévoit un transfert de biens, de droits ou de sûretés "dans un but déterminé", il peut très bien s'agir d'un but de sûreté.
S'agissant, par ailleurs, de l'incidence des procédures collectives, il estime que, si la fiducie est à l'abri des nullités facultatives, elle risque, toutefois, de tomber sous le coup des nullités de droit, au titre des actes à titre onéreux accomplis en période suspecte, visés à l'article L. 632-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L4035HB3).

Selon Alain Cerles, la fiducie-sûreté ne devrait pas remettre en cause les autres garanties utilisées par les établissements de crédit. Il rappelle que, notamment, le gage espèces est très utilisé par les établissements de crédit qui inscrivent les sommes dans leurs livres.
Compte tenu du texte actuel, la fiducie n'est pas "la nouvelle reine des sûretés". Elle présente, certes, un avantage qui tient au caractère non accessoire, ce qui donne de la souplesse. Il faudra, toutefois, être très vigilant, notamment, pour l'enregistrement du contrat dans le délai d'un mois, faute de quoi le contrat sera nul.
Quelles sont, alors, les utilisations prévisibles de la fiducie-sûreté ? L'intervenant envisage la fiducie sur créances (cf. l'arrêt Cass. com., 19 décembre 2006, n° 05-16.395, préc.), la fiducie sur valeurs mobilières et, enfin, la fiducie sur stocks, comme alternative au gage de stocks.

Il conclut pour affirmer que la fiducie-sûreté n'est sûrement pas universelle et que l'on souhaite -déjà- une modification de la loi du 19 février 2007 en ce sens (tel avait d'ailleurs été d'ailleurs le cas, rappelle-t-il, avec la loi "Dailly" du 2 janvier 1981, très vite modifiée).

2 - Utilisation de la fiducie dans le cadre des financements structurés

La question soulevée par Michel Elland-Goldsmith était la suivante : l'emploi actuel du trust dans les opérations en Angleterre préfigure-t-il l'emploi de la fiducie en France ?
Pour répondre à cette question, il aborde plusieurs exemples et, notamment, celui de la constitution de sûreté au profit d'une pluralité de créanciers. Dans ce cadre, plusieurs objectifs sont à atteindre, tel que la coordination, par les titulaires de la sûreté, de leurs prérogatives. Le trust est ainsi, depuis longtemps, utilisé en Angleterre pour atteindre ces objectifs.

L'article 16 de la loi du 19 février 2007 a introduit dans le Code civil un article 2328-1 (N° Lexbase : L6528HWP), aux termes duquel "toute sûreté réelle peut être inscrite, gérée et réalisée pour le compte des créanciers de l'obligation garantie par une personne qu'ils désignent à cette fin dans l'acte qui constate cette obligation". A la lecture de cette disposition, l'on comprend que la sûreté n'a pas été créée au profit de la personne désignée : elle est constituée au profit des créanciers eux-mêmes, même si elle est inscrite, gérée et réalisée par une autre personne. L'on est donc, ici, dans le cadre du mandat ! L'intervenant conclut que cet article 2328-1 est moins efficace que le trust et que ce n'était sûrement pas l'objectif recherché par le législateur français.

3 - La gestion du patrimoine privé des clients

Au Royaume-Uni, le trust avait créé un régime juridique adapté, répondant aux besoins ; il avait également trouvé la fonction d'optimisation fiscale.

Aujourd'hui, avec la loi du 19 février 2007, Vincent Besombes estime que l'on n'est pas très loin du trust. Le législateur a, toutefois, prévu deux garde-fous : la protection de la réserve héréditaire et la fiscalisation.
S'agissant de la protection des enfants, si aujourd'hui la France n'a pas le trust, il y a quand même un moyen de contourner cette absence de trust. Il faut noter, à cet égard, le point particulièrement positif apporté par la réforme des successions (loi n° 2006-728, 23 juin 2006, portant réforme des successions et des libéralités N° Lexbase : L0807HK4), à savoir la création des libéralités graduelles.

Il conclut par les termes suivants : "Le trust n'existe pas en France. Et alors ?!".

newsid:278989

Sécurité sociale

[Jurisprudence] Fraude aux allocations de chômage

Réf. : Cass. crim., 20 mars 2007, n° 06-86.269, L'Assedic d'Alsace, F-P+F+I (N° Lexbase : A9503DUI)

Lecture: 11 min

N9196BAT

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3209068-edition-n-258-du-03052007#article-279196
Copier

Le 07 Octobre 2010

Selon la Chambre criminelle de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 20 mars 2007, une des conditions pour qu'un chômeur indemnisé puisse exercer une activité pendant qu'il bénéficie du revenu de remplacement est que l'exercice de cette activité n'ait pas pour effet de l'empêcher d'accomplir des actes positifs de recherche d'emploi. En l'espèce, l'intéressé a reconnu que chômeur indemnisé, il avait procédé à l'embauche d'une salariée et s'était occupé des démarches à accomplir en vue de l'immatriculation de l'établissement français de la société. La cour d'appel a infirmé le jugement du tribunal correctionnel du chef de fraude aux prestations de chômage (C. trav., art. L. 365-1 N° Lexbase : L3102HIQ), au motif que l'intéressé a oeuvré comme simple exécutant et ne peut être considéré comme gérant de fait d'une filiale française de la société. La Cour de cassation censure cet arrêt : les juges du fond auraient dû rechercher si l'activité exercée par le prévenu, alors qu'il percevait le revenu de remplacement, lui permettait d'accomplir des actes positifs de recherche d'emploi, conformément aux dispositions de l'article L. 351-1 du Code du travail (N° Lexbase : L6240AC4). L'arrêt illustre le caractère très délicat de la notion d'activité professionnelle exercée par un chômeur, dont le régime oscille entre autorisation et interdiction (éventuellement pouvant donner lieu à sanctions).
Cass. crim., 20 mars 2007, n° 06-86.269, L'Assedic d'Alsace, F-P+F+I (N° Lexbase : A9503DUI)

Les juges du fond doivent rechercher si l'activité exercée par un chômeur, alors qu'il percevait le revenu de remplacement, lui permettait d'accomplir des actes positifs de recherche d'emploi, conformément aux dispositions de l'article L. 351-1 du Code du travail.

1. Incitation à l'exercice d'une activité professionnelle

  • Incitation à l'exercice d'une activité professionnelle au profit des chômeurs relevant du régime d'assurance chômage

Le bénéfice d'une activité réduite au profit des chômeurs indemnisés s'inscrit, en premier lieu, dans un corpus de règles issues du régime d'assurance chômage (1). Le principe du cumul entre allocation de chômage et revenu tiré d'une activité professionnelle est au coeur des débats sur le retour à l'emploi, ce que les sociologues et économistes désignent sous l'expression d'"intéressement" (2).

Les partenaires sociaux ont modifié le régime juridique du cumul du salaire avec un revenu de remplacement, tel que fixé par la convention d'assurance chômage du 1er janvier 2004 (3). Le salarié privé d'emploi qui exerce une activité occasionnelle ou réduite dont l'intensité mensuelle n'excède pas 110 heures (136 heures au titre des deux dernières conventions d'assurance chômage de 2001 et de 2004) perçoit l'allocation d'aide au retour à l'emploi, sous réserve qu'il conserve, après avoir perdu une partie de ses activités, une ou plusieurs autres activités salariées lui procurant une rémunération n'excédant pas 70 % des rémunérations brutes mensuelles perçues avant la perte d'une partie de ses activités, ou qu'il reprenne, postérieurement à la perte de ses activités, une activité salariée lui procurant une rémunération n'excédant pas 70 % des rémunérations brutes mensuelles prises en compte pour le calcul de l'indemnisation (conv. 1er janvier 2001 N° Lexbase : L4594AQ9, règl., art. 37 ; conv. 1er janvier 2004 N° Lexbase : L1532DPG, règl., art. 37 ; conv. 18 janvier 2006 N° Lexbase : L4571HI7, règl., art. 41 ; sur ce sujet, v., M. Gurgand, Activité réduite : le dispositif d'incitation de l'Unédic est-il incitatif ?, Travail et emploi, n° 89, janvier 2002, p. 81).

L'allocation est intégralement cumulable avec les revenus tirés de l'activité occasionnelle ou réduite conservée. Son montant est déterminé sur la base d'un salaire de référence composé des rémunérations de l'emploi perdu (conv. 1er janvier 2001, règl., art. 38 ; conv. 1er janvier 2004, règl., art. 38 ; conv. 18 janvier 2006, règl., art. 41). L'allocation est partiellement cumulable avec les revenus tirés de l'activité occasionnelle ou réduite reprise. Les allocations cumulables sont déterminées à partir d'un nombre de jours indemnisables au cours d'un mois civil égal à la différence entre le nombre de jours calendaires du mois et le nombre de jours correspondant au quotient des rémunérations brutes mensuelles par le salaire journalier de référence. Pour les allocataires âgés de 50 ans et plus, ce quotient est affecté d'un coefficient de minoration égal à 0,8 (conv. 1er janvier 2001, règl., art. 39 ; conv. 1er janvier 2004, règl., art. 39 ; conv. 18 janvier 2006, règl., art. 43). Le service de l'allocation est assuré pendant 15 mois (18 mois au titre des deux dernières conventions d'assurance chômage de 2001 et de 2004) dans la limite de la durée d'indemnisation applicable en matière d'assurance chômage (conv. 1er janvier 2001, règl., art. 40 ; conv. 1er janvier 2004, règl., art. 40 ; conv. 18 janvier 2006, règl., art. 44).

  • Incitation à l'exercice d'une activité professionnelle au profit des chômeurs relevant du régime de solidarité (bénéficiaires de minima sociaux)

Les aides sociales et autres revenus de remplacements accordés aux bénéficiaires de minima sociaux peuvent les dissuader de reprendre un emploi (phénomène que les économistes désignent sous le vocable de "trappe à l'inactivité"). C'est pourquoi le législateur et le pouvoir réglementaire ont aménagé, depuis la fin des années 1990, un régime juridique des minima sociaux pour qu'ils deviennent moins désincitatifs. Le décret n° 2005-1054 du 29 août 2005 (N° Lexbase : L8541HBX) a, ainsi, créé une prime exceptionnelle de retour à l'emploi en faveur de certains bénéficiaires de minima sociaux.

La loi du 23 mars 2006 (loi n° 2006-339 du 23 mars 2006, pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux N° Lexbase : L8128HHI) (C. trav., art. L. 322-12 N° Lexbase : L3146HID) (4) s'est attachée à inciter le retour à l'emploi des bénéficiaires de minima sociaux par la création de nouveaux mécanismes dits d'intéressement. Ceux-ci autorisent un cumul partiel des allocations (servies au titre de l'un des minima sociaux) avec des revenus d'activité en cas de reprise d'emploi. L'objectif est de lutter contre le phénomène de trappe à la pauvreté. Trois décrets relatifs à la prime de retour à l'emploi, à la prime exceptionnelle de retour à l'emploi ainsi qu'à la prime forfaitaire due au titre de l'allocation de parent isolé, signés le 27 septembre 2006, rendent véritablement opérationnels ces trois nouveaux mécanismes d'"intéressement" (décret n° 2006-1197 relatif à la prime de retour à l'emploi et aux primes forfaitaires dues à des bénéficiaires de minima sociaux N° Lexbase : L2558HSK ; décret n° 2006-1198 du 29 septembre 2006 portant diverses dispositions relatives à la prime forfaitaire due au titre de l'allocation de revenu minimum d'insertion et de l'allocation de parent isolé N° Lexbase : L2559HSL ; décret n° 2006-1199 relatif à la prime exceptionnelle de retour à l'emploi N° Lexbase : L2560HSM).

Le décret n° 2006-1197 a prévu que la prime de retour à l'emploi, d'un montant de 1 000 euros, est versée aux bénéficiaires de certaines allocations lors de la reprise d'une activité professionnelle qui doit être exercée pendant quatre mois consécutifs. Il détermine les modalités d'octroi de cette prime, ainsi que celles des primes forfaitaires. Il contient, également, des dispositions relatives à l'allocation de parent isolé et à la prime forfaitaire qui leur est due, ainsi qu'à la rupture des contrats d'insertion-revenu minimum d'activité (Cirma) ou des contrats d'avenir des bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés. Le décret n° 2006-1198 a complété les modalités d'octroi de la prime forfaitaire due au titre de l'allocation de revenu minimum d'insertion et de l'allocation de parent isolé. Enfin, le décret n° 2006-1199 a remplacé l'article 1er du décret n° 2005-1054 du 29 août 2005 (N° Lexbase : L8541HBX) (5).

2. Sanctions du chômeur exerçant une activité professionnelle

Le non-respect par le chômeur des différentes obligations qui pèsent sur lui (rechercher un emploi, ne pas rechercher à obtenir frauduleusement des allocations) déclenche plusieurs sanctions, pénales, civiles et administratives.

  • Sanctions pénales

Il faut rappeler que le droit pénal organise deux types de sanctions. Est passible d'une amende de 3 750 euros quiconque aura fait de fausses déclarations ou fourni de fausses informations pour être inscrit ou demeurer inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi (C. trav., art. L. 361-2 N° Lexbase : L9385HEC). Le fait de bénéficier frauduleusement ou de tenter de bénéficier frauduleusement des allocations d'aide aux travailleurs privés d'emploi, y compris la prime instituée par l'article L. 351-20 (N° Lexbase : L3101HIP), des allocations visées à l'article L. 322-4 (N° Lexbase : L6519DIB) et de la prime instituée par l'article L. 322-12 (N° Lexbase : L3146HID) est passible d'une amende de 4 000 euros. En cas de récidive, ce montant est porté au double (C. trav., art. L. 365-1 N° Lexbase : L3102HIQ). Les modifications apportées par la loi n° 2006-339 du 23 mars 2006 (préc.) relative à la fraude à l'assurance chômage, à l'allocation d'insertion, à l'allocation équivalent retraite et aux régimes particuliers d'indemnisation, ainsi que la fraude aux allocations versées par le fonds national pour l'emploi (FNE) sont sensibles, car le fait de bénéficier ou de tenter de bénéficier frauduleusement d'une des allocations d'indemnisation du chômage était puni de 3 750 euros d'amende, cette peine pouvant être assortie d'un emprisonnement de deux mois. La loi n° 2006-339 du 23 mars 2006 modifie donc l'article L. 365-1 du Code du travail (préc.) pour aligner ses dispositions sur celles retenues pour le RMI et l'ASS : l'amende prévue en cas de fraude s'élève à 4 000 euros, le double en cas de récidive. La même peine s'applique en cas de fraude à la prime de retour à l'emploi et aux primes forfaitaires d'intéressement.

En l'espèce, le pourvoi formé par l'Assedic d'Alsace (partie civile) contre l'arrêt de la cour d'appel, qui l'a déboutée de ses demandes après relaxe de M. C. du chef, notamment, de fraude aux prestations de chômage, ne partageait pas l'analyse des juges du fond, selon lesquels l'intéressé n'avait qu'un rôle d'exécutant sans aucun pouvoir de décision. Il ne peut, donc, être considéré comme gérant de fait : pendant cette période, il n'était pas encore engagé par la société N.. L'enquête ne permet pas de prouver qu'il exerçait une activité rémunérée occulte et frauduleuse, il y a donc lieu d'entrer en voie de relaxe, également de ce chef.

L'Assedic invoquait, au contraire, le principe selon lequel toute activité professionnelle, salariée ou indépendante, rémunérée ou non, est incompatible avec la recherche effective et permanente d'un emploi, et donc, est exclusive du bénéfice des allocations d'assurance-chômage. En retenant que M. C. n'a pas été engagé par la société N., de novembre 2000 à mai 2001, et qu'il n'aurait pas exercé pendant cette période une activité rémunérée, occulte et frauduleuse, après avoir constaté qu'il avait occupé des fonctions d'exécutant, au sein de cette société, et qu'il avait lui-même embauché Mme L. comme secrétaire, la cour d'appel qui n'a pas recherché si cette activité n'était pas de nature à mettre celui qui s'y livrait dans l'impossibilité de rechercher un autre emploi, a déduit un motif inopérant. La Cour de cassation, par l'arrêt rapporté, s'est rangée aux arguments développés par l'Assedic. M. C. a reconnu, alors qu'il était chômeur indemnisé, qu'il avait procédé à l'embauche d'une salariée et s'était occupé des démarches à accomplir en vue de l'immatriculation de l'établissement français de la société. Aussi, il appartenait aux juges du fond de rechercher si l'activité exercée par le prévenu, alors qu'il percevait un revenu, lui permettait d'accomplir des actes positifs de recherche d'emploi, conformément aux dispositions de l'article L. 351-1 du Code du travail (préc.).

L'analyse faite la Chambre criminelle de la Cour de cassation de la fraude aux allocations chômage est inédite et très intéressante : la fraude aux allocations chômage du chômeur en activité, en qualité de dirigeant d'une société (dirigeant de fait ou de droit, dirigeant à temps plein ou à temps partiel) n'est retenue que si cette activité est incompatible avec le noyau dur de la qualité de chômeur indemnisé, l'obligation de rechercher un emploi. La doctrine de la Chambre criminelle pourrait se synthétiser ainsi : le chômeur n'est pas pénalement sanctionnable si l'activité de dirigeant est compatible avec une recherche d'emploi ; mais la relaxe de fraude aux prestations d'assurance chômage ne peut être prononcée si le chômeur dirigeant d'entreprise consacre l'exclusivité de son temps et énergie à la société qu'il dirige, et néglige d'accomplir des actes positifs de recherche d'emploi.

La nouveauté tient précisément à cette condition (effectuer des actes positifs de recherche d'emploi) que les textes ne contiennent pas (C. trav., art. L. 365-1, préc.) et que jusqu'à présent, la jurisprudence ne mentionnait pas. Il faut rappeler que la loi de cohésion sociale (loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005, de programmation pour la cohésion sociale N° Lexbase : L6384G49) avait légèrement modifié le régime juridique de la recherche d'emploi (6). La radiation pour défaut de recherche d'emploi doit être fondée sur un défaut d'actes positifs de recherche d'emploi et répétés en vue de retrouver un emploi, de créer ou de reprendre une entreprise. De plus, au sens de la loi de cohésion sociale, le défaut dans la recherche d'emploi tient compte de la situation personnelle et familiale du demandeur d'emploi ainsi que, désormais, des aides à la mobilité qui leur sont proposées.

  • Sanctions civiles et administratives

Au titre de l'action en répétition d'indu, à l'initiative de l'Assedic, le juge civil a ainsi eu l'occasion de rappeler que le mandat social de PDG est une activité professionnelle exercée à temps plein, dans un but intéressé, de ce fait incompatible avec la qualité de chômeur indemnisé. La jurisprudence admet que l'absence de rémunération ne fait pas obstacle à la répétition de l'indu (7). La charge de la preuve que la détention de parts de société est bien en sommeil pèse sur l'intéressé, à défaut de quoi la qualification juridique d'activité professionnelle sera retenue (8).

La jurisprudence se prononce dans le même sens, excluant le cumul de qualité de chômeur indemnisé avec celui de PDG. Mais, la détention de parts sociales ne saurait, en soi, être un obstacle à la recherche d'un emploi (9). La société n'ayant eu aucune activité en l'absence de tout marché, l'intéressé a effectivement consacré tout son temps à la recherche d'un emploi. De même, la Cour de cassation retient le principe selon lequel constituent des actes positifs de recherche d'emploi les démarches en vue de la création d'une entreprise (10).

L'absence de rémunération n'implique pas, en soi, qu'une activité ne soit pas intéressée : c'est pourquoi, les juges en tirent la conséquence que de telles activités peuvent revêtir une nature professionnelle, et par là même, devenir incompatibles avec la qualité de chômeur indemnisé, conformément aux prescriptions conventionnelles (conv. 1er janvier 2001, règl., art. 34 ; conv. 1er janvier 2004, règl., art. 34 ; conv. 18 janvier 2006, règl., art. 33). Réciproquement, le caractère désintéressé de certaines activités les soustrait au régime de l'activité professionnelle, incompatible avec la qualité de travailleur privé d'emploi. Il en va ainsi du gérant bénévole de SCI, la Cour de cassation ayant décidé que le fait d'être gérant bénévole de sociétés civiles n'implique pas, nécessairement et en soi, l'exercice d'une activité professionnelle interdisant la recherche effective et permanente d'un emploi (11). La question, délicate, revient à apprécier si l'activité en cause était exercée de façon continue et habituelle ou simplement occasionnelle et quel type d'avantages le chômeur en a tirés (existence d'une relation de subordination, activités exercées en échange d'avantages en nature).

Dans le cadre de l'exclusion du bénéfice du revenu de remplacement prononcée par le DDTEFP, les juges administratifs se montrent aussi sévères pour les chômeurs-gérants de sociétés (hypothèse du gérant de fait). Dans un arrêt du 17 novembre 1997 (CE Contentieux, 17 novembre 1997, n° 159494, M. Lonchampt N° Lexbase : A5071ASM), le Conseil d'Etat prend soin de relever que l'intéressé était le gérant d'une société dont il possédait la quasi-totalité des parts sociales : il doit être, dès lors, regardé comme ayant occupé de façon habituelle, dans une entreprise commerciale, un emploi. L'exclusion du bénéfice du revenu de remplacement pouvait à bon droit être prononcée, alors même que le versement d'une rémunération ne serait pas établi.

Christophe Willmann
Professeur à l'Université de Rouen


(1) Cass. soc., 6 avril 1999, n° 96-20.382, Assedic de Bretagne c/ M. Radigue (N° Lexbase : A5099AWR) ; Dr. soc. 1999, p. 645, obs. P.-Y. Verkindt.
(2) V. Létard, Rapport d'information n° 334 (2004-2005), Sénat, 11 mai 2005.
(3)V. notre chronique, Actualité de l'assurance chômage : convention d'assurance chômage et règlement annexé du 18 janvier 2006 - Rapport de la Cour des comptes, Lexbase Hebdo n° 208 du 30 mars 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N6354AKK) ; v., également, Nouvelle convention d'assurance chômage : le changement dans la continuité, Lexbase Hebdo n° 198 du 19 janvier 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N3227AKQ) ; v., enfin, Précisions réglementaires sur la convention d'assurance chômage du 18 janvier 2006 (circulaires Unédic n° 2006-14 du 21 juillet 2006 N° Lexbase : L4617HK9 et n° 2006-19 du 21 août 2006 N° Lexbase : L7545HKN), Lexbase Hebdo n° 228 du 21 septembre 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N2941ALI).
(4) Lire notre chron., Ambivalences de la loi n° 2006-339 du 23 mars 2006 : inciter le retour à l'emploi des bénéficiaires de minima sociaux et renforcer leur contrôle, Lexbase Hebdo n° 233 du 26 octobre 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N4410ALW) ; Assemblée nationale, Rapport de L. Wauquiez, n° 2684 ; Sénat, Rapport de B. Seillier, n° 161 (2005-2006) ; Sénat, Rapport de B. Seillier, n° 196 (2005-2006) ; Assemblée nationale, Rapport de L. Wauquiez, n° 2843 ; Cons. const., décision n° 2006-534 DC du 16 mars 2006 (N° Lexbase : A5903DNX) ; M. Mercier et H. de Raincourt, Plus de droits et plus de devoirs pour les bénéficiaires des minima sociaux d'insertion, Rapport présenté au Premier ministre, décembre 2005 ; J.-M. Belorgey, Pour une protection sociale qui réponde à la précarisation de l'emploi, favorise l'accès à celui-ci et assure à tous équitablement un niveau de vie correct : le cas de la France, dans Mutations du marché du travail et protection sociale dans une perspective internationale - Voies parallèles ou convergentes ?, H. Sarfati et G. Bonoli (éd.), Peter Lang 2002, coll. Sécurité sociale, vol. 5, p. 403 ; J. Damon, Le rapport "Hirsch" : filiation, contenu et enjeux, RDSS 2005, p. 610 ; M. Hirsch (dir.), Au possible nous sommes tenus, Rapport de la Commission Familles, vulnérabilité, pauvreté, Doc. Fr. 2005 ; V. Létard, Minima sociaux : mieux concilier équité et reprise d'activité, Rapport d'information n° 334 (2004-2005), Sénat, 11 mai 2005 ; P. Steck, Les prestations gérées par la branche famille et l'emploi, RDSS 2006, p. 336.
(5) V. notre chron., Mise en oeuvre des mécanismes d'intéressement pour les bénéficiaires des minima sociaux, Lexbase Hebdo n° 233 du 25 octobre 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N4410ALW).
(6) Loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005, de programmation pour la cohésion sociale (N° Lexbase : L6384G49) ; v., notre chron., Fiche n° 4 : la réforme du placement et du chômage, Lexbase Hebdo n° 152 du 27 janvier 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N4390AB9).
(7) CA Versailles, 3 juillet 1992, RJS 10/1992, n° 1141 ; CA Paris, 4ème ch., sect . B, 17 septembre 1999, RD sanit. soc. 2000, p. 232, obs. C. W.
(8) CA Paris, 4ème ch., 7 avril 1999, RD sanit. soc. 1999, p. 651, obs. C. W.
(9) Cass. soc., 10 octobre 1990, n° 88-20.261, Wagner c/ Assedic de la Moselle N° Lexbase : A4517AZC) ; JCP éd. G, 1991, IV, p. 388 ; RJS 11/1990, n° 933.
(10) Cass. soc., 18 mars 1997, n° 95-11.127, Assedic Région Auvergne c/ M Gérard, publié N° Lexbase : A1723ACS) ; D. 1998, somm. p. 239, obs. D. Morel ; Dr. soc. 1997, p. 500, obs . P.-Y. Verkindt.
(11) Cass. soc., 10 novembre 1998, n° 96-22103, M. Giraud c/ Assedic de Saint-Etienne, publié N° Lexbase : A9663CGY) ; JCP éd. E, 1998, p. 2051 ; RJS 1998, n° 1562 ; TPS 1999, comm . 4 ; D. 1999, jurispr. p. 348, note C. W. ; CAA Nancy, 1ère ch., 21 novembre 2002, D. 2003, somm. p. 2925, obs. J.-M. Labouze.
Décision

Cass. crim., 20 mars 2007, n° 06-86.269, L'Assedic d'Alsace, F-P+F+I (N° Lexbase : A9503DUI)

Rejet (CA Colmar, ch. corr., 14 juin 2006)

Textes visés : C. trav., art. L. 365-1 (N° Lexbase : L3102HIQ) ; C. pr. pén., art. 593 (N° Lexbase : L3977AZC)

Mots-clefs : fraude aux allocations de chômage ; recherche d'emploi

Liens bases : (N° Lexbase : E1434ATB) ; (N° Lexbase : E1434ATB).

newsid:279196

Rel. collectives de travail

[Jurisprudence] Transaction : attention à la date minimum des pourparlers

Réf. : Cass. soc., 4 avril 2007, n° 05-42.856, Société H3S, F-D (N° Lexbase : A8998DUS)

Lecture: 5 min

N9216BAL

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3209068-edition-n-258-du-03052007#article-279216
Copier

Le 07 Octobre 2010

Transiger devient, en droit du travail, un art particulièrement difficile à manier. Veut-on faire disparaître la transaction du droit du travail ? C'est la question que l'on peut se poser à la lecture de la décision aujourd'hui commentée, rendue par la Chambre sociale le 4 avril dernier. En tout cas, par cette décision, les juges ne viennent pas favoriser le règlement des litiges portant sur la rupture du contrat de travail par la conclusion d'une transaction. Dans cet arrêt, la Haute juridiction, vient imposer que la transaction soit intégralement négociée postérieurement à la notification de la rupture du contrat de travail, excluant par là même toute entente préalable des parties sur les conséquences de la rupture. Il est, désormais, interdit à l'employeur d'engager des pourparlers, et a fortiori de soumettre à son salarié un projet de transaction avant de lui avoir notifié son licenciement. Le cas échéant, la transaction pourra être annulée (1). Faisant application, à l'entente préalable, du principe dégagé pour la conclusion de la transaction, la Haute juridiction refuse, en effet, de considérer que la transaction ait pu régler les différents entre les parties sur la qualification de la rupture ou sur ses effets et pour cette raison confirme la nullité de la transaction qu'avaient prononcée les juges du fonds. Cette solution, qui n'a rien d'original, doit en tous points être approuvée.
Cass. soc., 4 avril 2007, n° 05-42.856, Société H3S, F-D (N° Lexbase : A8998DUS)

Est nulle la transaction singée postérieure au licenciement mais dont le projet avait été envoyé et accepté à la salariée avant la rupture.

I - Renforcement des conditions de validité de la transaction

  • Objet et date de la transaction

L'article 2044 du Code civil (N° Lexbase : L2289ABE) dispose que la transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître.

Transposée au droit du travail, la transaction devient une convention par laquelle les parties au contrat de travail mettent fin, par des concessions réciproques, à toute contestation née ou à naître résultant de cette rupture (2). Il ne s'agit pas d'un mode de rupture du contrat de travail mais d'une modalité de règlement des conséquences de cette rupture. Elle doit nécessairement être conclue, pour cette raison, postérieurement à la rupture du contrat de travail.

Après avoir fait preuve d'une certaine souplesse, les juges sont venus renforcer leurs exigences sur cette question, imposant, dans toutes les hypothèses, que la conclusion de la transaction intervienne après que le licenciement ait été notifié au salarié.

  • Une date impérative

Autrefois, en effet, les juges avaient admis que le transaction intervienne de façon concomitante (3), voire un peu avant le prononcé de la rupture du contrat de travail (4).

Tel n'est plus le cas. Elle n'admet, désormais, la validité des transactions que lorsqu'elles ont été conclues postérieurement à la notification de la rupture de son contrat de travail au salarié (5).

Cette position résulte de l'importance accrue que la jurisprudence a accordé aux concessions réciproques. Or l'existence de concessions réciproques s'apprécie au moment de la signature de l'acte (6) eu égard à la lettre de licenciement (7). Dans la mesure où c'est la lettre de licenciement qui fixe les termes du litige, lesquels déterminent l'existence de concessions réciproques, on ne peut qu'approuver la position prise par la Haute juridiction dans la décision commentée.

  • Espèce

Pour cette dernière, en effet, le fait que les parties se soient entendues avant la notification de la rupture du contrat de travail, empêche de reconnaître la validité de la transaction conclue postérieurement à la rupture dans la mesure où à la date à laquelle les parties se sont mises d'accord, la transaction n'a pu valablement régler le différent des parties sur la qualification de la rupture ou ses effets puisque le licenciement n'était pas prononcé.

Cette solution ne peut qu'être approuvée, un autre principe aurait été contraire non seulement à l'objet et à la forme de la transaction mais encore à l'ordre public social.

II - Une solution respectueuse de la singularité du droit du travail

  • Accroissement du risque d'abandon par le salarié du minimum légal d'ordre public

Comment peut-on proposer à un salarié d'accepter une transaction alors même qu'il n'est pas en mesure d'apprécier les concessions que lui fait l'employeur, faute d'avoir eu la possibilité de prendre connaissance de ce qui lui était reproché ? C'est impossible, eu égard, non seulement à l'objet de la transaction, mais encore au respect de l'ordre public social.

Nous l'avons vu précédemment, la transaction est une convention par laquelle les parties au contrat de travail mettent fin, par des concessions réciproques, à toute contestation née ou à naître résultant de cette rupture (8).

L'employeur, en faisant parvenir au salarié avant la notification de la rupture de son contrat de travail un projet de transaction, l'avait mis dans l'impossibilité d'apprécier les concessions qu'il faisait. Ne sachant pas exactement ce qui lui était reproché, le salarié ne pouvait se faire une idée sur l'importance de ce que lui concédait l'employeur et ne pouvait donc l'accepter. Son acceptation risquait, en outre, d'être viciée puisque, dans l'impossibilité de mesurer les concessions de l'employeur, le salarié risquait de renoncer au minimum légal.

Or, il est d'ordre public en droit du travail que le salarié ne peut renoncer au minimum qu'il tient de la loi.

La transaction révélant l'acceptation par le salarié de droits inférieurs à ceux qui lui accorde la loi, ou la convention collective dans la même hypothèse est nulle faute de concessions de l'employeur (9).

Comment le salarié, pouvait-il savoir à quoi s'élevait ce minimum au moment où l'employeur lui a soumis le projet de transaction ? C'était impossible. C'est, en effet, la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige et permet de déterminer la cause du licenciement prononcé et donc les indemnités auxquelles peut prétendre le salarié. En l'absence d'une telle lettre, le salarié n'est pas en mesure d'apprécier ce à quoi il peut prétendre en vertu de la loi, et donc a fortiori, si ce que l'employeur lui accorde est supérieur ou au moins égal à ce à quoi qu'il pouvait prétendre en conséquence de cette rupture.

Le salarié ne pouvait donc pas valablement accepter la transaction au moment où elle lui avait été proposée.

Il ne le pouvait d'autant moins qu'il ne savait pas "officiellement" quel motif de licenciement l'employeur allait invoquer au soutien de la rupture, et donc, s'il y avait lieu de transiger.

Ce n'est ainsi pas systématiquement la date de signature de la transaction qui détermine sa validité mais la date à laquelle les parties se sont mises d'accord sur le contenu de la transaction. Cette dernière date ne peut, en toute hypothèse, qu'être concomitante à la signature de la transaction, l'écrit n'étant là que pour laisser une trace de l'accord des parties.

  • Absence d'exigence d'un écrit pour transiger

Soumises à diverses conditions de fonds, la transaction n'est soumise à aucune condition de forme particulière. L'écrit n'est, en effet, exigé qu'à titre de preuve. Une transaction peut donc parfaitement être conclue verbalement, le seul risque d'une telle forme étant que, en cas de litige, les parties risquent d'éprouver des difficultés pour établir l'existence et l'étendue de la transaction qu'elles ont conclue (10).

La transaction est donc parfaite par le seul échange des consentements des parties. Or comme l'illustre la décision commentée, ce consentement peut intervenir au moment de la rédaction de l'écrit ou avoir été donné préalablement à la signature de l'écrit. Dans cette dernière hypothèse, l'écrit qui ne constitue que la matérialisation de l'accord préalable des parties, ne peut servir à valider la transaction irrégulièrement acceptée.

Prudence donc dans les phases préalables au licenciement... et surtout aucun mot sur une éventuelle transaction.

Stéphanie Martin-Cuenot
Ater à l'Université Montesquieu Bordeaux IV


(1) Il s'agit, en effet, d'une nullité relative, voir Cass. soc., 28 mai 2002, n° 99-43.852, Mme Annie Coquel c/ Institut technique de prévoyance sociale interentreprises, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A7919AYX), Bull. civ. V, n° 182.
(2) Cass. soc., 24 octobre 2000, n° 98-41.192, Patrick Mesnier (N° Lexbase : A7596AHS).
(3) Cass. soc., 5 janvier 1984, n° 81-42.045, M. Marx c/ SARL Ferco International (N° Lexbase : A0095AAR), D. 85, IR 250, obs. Goineau.
(4) Cass. soc., 21 novembre 1984, Dr. soc., 1985, 700, obs. J. Savatier.
(5) Cass. soc., 29 mai 1996, n° 92-45.115, M. Purier c/ Société Seduca et autre (N° Lexbase : A3966AA7), Dr. soc. 96. 689, note J. Savatier ; Cass. soc., 16 juillet 1997, n° 94-42.283, M. Ritzenthaler c/ Société Kaysersberg-Packaging (N° Lexbase : A2150AAU) ; Cass. soc., 4 janvier 2000, n° 97-42.846, M. Nayach c/ Société Maison Trias et autre (N° Lexbase : A4774AGW), Dr. soc. 2000. 443, obs. C. Marraud.
(6) Cass. soc., 27 mars 1996, n° 92-40.448, Société Interlac c/ M. Bernard (N° Lexbase : A3904AAT).
(7) Cass. soc., 13 octobre 1999, n° 97-42.027, M. Bailleux c/ Société Jet Services et autre, publié (N° Lexbase : A4769AGQ) ; Cass. soc., 16 juillet 1997, précité.
(8) Cass. soc., 24 octobre 2000, précité.
(9) Cass. soc., 13 octobre 1999, précité ; Cass. soc., 18 février 1998, n° 95-42.500, Monsieur Jullien c/ Compagnie AXA Assurances (N° Lexbase : A2531ACQ), Bull. civ. V, n° 95.
(10) Cass. soc., 9 avril 1996, n° 93-42.254, M. Philippe Desmet c/ SAEM du LOSC, Société anonyme d'économie mixte sportive du Lille olympique (N° Lexbase : A9963AT8), Dr. soc. 1996, 740, obs. Blaise.

Décision

Cass. soc., 4 avril 2007, n° 05-42.856, Société H3S, F-D (N° Lexbase : A8998DUS)

Rejet de CA Aix-en Provence, 31 mars 2005

Mots clefs : transaction, échange de consentement des parties avant la rupture, conclusion de la transaction postérieurement au licenciement, nullité de la transaction, prise en considération de la date d'entente préalable des parties antérieure à la rupture, impossibilité de régler à cette date le différent entre les parties sur la qualification de la rupture ou sur ses effets.

Texte concerné : C. civ., art. 2044 (N° Lexbase : L2289ABE)

Lien bases :

newsid:279216

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.