La lettre juridique n°223 du 13 juillet 2006

La lettre juridique - Édition n°223

Éditorial

Harcèlement : l'arroseur et l'arrosoir arrosés !

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N0861ALH

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

Le 27 Mars 2014


"L'adversaire d'une vraie liberté est un désir excessif de sécurité". L'analyse et les portraits caustiques du célèbre fabuliste (Jean de La Fontaine) trouvent souvent écho dans notre société moderne ; pourtant rien n'est moins vrai en matière de droit social, lorsqu'il s'agit d'imposer progressivement une obligation générale de sécurité de résultat à la charge de l'employeur et au bénéfice de ses salariés, afin de garantir non pas la liberté d'entreprendre, mais bien celle de travailler dans des conditions sereines. En effet, aux termes d'un arrêt en date du 21 juin 2006, la Chambre sociale de la Cour de cassation confirme, assez logiquement, la mise en cause personnelle d'un salarié harceleur. Ce faisant, la solution adoptée, ici, rappelle que le salarié engage sa responsabilité personnelle et ne peut se réfugier derrière son statut de préposé de l'entreprise, lorsque les dommages causés par celui-ci à ses collègues résultent de faits intentionnels relevant de la qualification pénale de harcèlement. Mais, par ailleurs, cette même décision condamne son employeur, en se fondant sur l'existence d'une obligation de sécurité de résultat, obligation applicable désormais au harcèlement, dérivée de la notion de faute inexcusable de l'employeur en matière de maladies professionnelles et d'accidents du travail. Or, le renforcement de l'obligation de sécurité en matière de harcèlement en obligation de résultat suppose, grandement, que l'employeur aurait dû et aurait pu, en tout état de cause, connaître de la situation de harcèlement et y remédier. Et chacun sait que rien n'est moins évident à déterminer au sein d'une entreprise, du moins dans des délais permettant d'éviter, raisonnablement, toute atteinte aux conditions de travail. Si une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par un salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise, paraît aller de soi, une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, obligation plus générale que la première, doit-elle s'appliquer au harcèlement, moral ou sexuel, ainsi que dans toutes les affaires de discrimination ? C'est à cette question que répond, cette semaine, Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale, dans sa chronique L'employeur responsable du harcèlement moral dans l'entreprise.

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Fonction publique

[Evénement] Reprise d'une activité privée par une collectivité publique et transfert de personnel

Réf. : Loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005, portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique (N° Lexbase : L7061HEA)

Lecture: 7 min

N9599AKQ

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Le 07 Octobre 2010

La question n'est pas nouvelle, pas plus que les réponses apportées : l'article L. 122-12 du Code du travail (N° Lexbase : L5562ACY), les Directives de 1977 (1) et 2001 (2), admettent de concert le maintien de plein droit des contrats de travail en cas de transfert d'entreprise. Cependant, le principe, confirmé à maintes reprises par la jurisprudence, tant de la CJCE, que de la Cour de cassation ou du Conseil d'Etat, a été intégré plus récemment par le législateur en droit public par la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005, portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique (N° Lexbase : L7061HEA), consacrant, ainsi, l'application de l'article L. 122-12 aux hypothèses de reprise d'une activité privée (3) par une collectivité publique. L'occasion, pour Maître Jacques Bazin, avocat, Cabinet Molas et associés, de rappeler, à l'occasion de la conférence "Toute l'actualité RH de la fonction publique", organisée par Comundi les 1er et 2 juin derniers, quelles évolutions, tant législatives que jurisprudentielles (I) ont permis d'aboutir à l'article 20 de la loi du 26 juillet 2005, assurant aux personnels de droit privé concernés par le transfert de l'entité le maintien des droits qu'ils tenaient de leur contrat (II). I. Rappel du droit antérieur à la loi du 26 juillet 2005

Jusqu'en 2000, il était impossible, pour une collectivité, de reprendre le personnel provenant des structures de droit privé. Il fallait, donc, d'une part, que l'association licencie, avec indemnités, et, d'autre part, que la collectivité recrute. Cette pratique engendrait logiquement un coût élevé de la procédure. Si certains parvenaient à négocier avec les autorités de tutelle, afin d'alléger les coûts de ces procédures de transfert, d'autres ont préféré attendre l'intervention du législateur qui, progressivement, a été conduit à organiser ces procédures. Ainsi, la loi "Chevènement", concernant le secteur des collectivités locales, a-t-elle permis de proposer aux agents recrutés à la suite d'un transfert, des CDD de droit public (loi n° 99-586, 12 juillet 1999, relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale [LXB=L1827ASH ]). L'évolution se trouvait, ainsi, amorcée.

La remise en cause de l'impossibilité de transférer des personnels de droit privé dans une collectivité publique est, par la suite, intervenue en deux temps :

- un arrêt de la CJCE, du 26 septembre 2000 (CJCE, du 26 septembre 2000, aff. C-175/99, Didier Mayeur c/ Association Promotion de l'information messine (APIM) N° Lexbase : A7227AH7), va, dans un premier temps, reconnaître que les droits des travailleurs sont protégés par le droit communautaire en cas de transfert d'une association privée vers une commune. Ainsi, le transfert de l'activité d'information et de publicité d'une association de droit privé vers une commune ne peut pas être la cause du licenciement d'un salarié. En l'espèce, le requérant, salarié d'une association privée à but non lucratif, a été licencié, à la suite de la dissolution de l'association et de la reprise de ses activités par la ville de Metz, pour cessation d'activité. Il saisit, alors, le conseil des prud'hommes afin de faire constater le caractère abusif de son licenciement. Après avoir noté que la jurisprudence de la Cour de cassation française n'appliquait pas la Directive communautaire relative au maintien des droits des travailleurs (Directive (CE) 77/187 du 14 février 1977, concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d'entreprises, d'établissements ou de parties d'établissements N° Lexbase : L4352GUQ), lorsque les transferts d'activité ont lieu vers des établissements publics administratifs, il interroge la CJCE afin de préciser si la Directive s'applique lors d'un transfert d'activité réalisé par une personne morale de droit privé, vers une personne morale de droit public. La Cour de justice considère, en l'espèce, qu'un transfert d'activité vers un organisme de droit public -même si l'activité en cause est de nature administrative- n'exclut pas l'application du droit communautaire concerné.

- un arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation (Cass. soc., 25 juin 2002, n° 01-43.467, AGS de Paris c/ M. Yves Hamon N° Lexbase : A0029AZ4) va, dans un second temps, opérer un revirement de jurisprudence et s'aligner sur la jurisprudence communautaire en considérant que "la seule circonstance que le cessionnaire soit un établissement public à caractère administratif lié à son personnel par des rapports de droit public ne peut suffire à caractériser une modification dans l'identité de l'entité économique transférée". Désormais, donc, l'article L. 122-12 du Code du travail, qui prévoit que, s'il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise (N° Lexbase : L5562ACY), s'applique à toutes les personnes publiques, qu'elles gèrent un service public industriel et commercial (SPIC) (4) ou un service public administratif (SPA).

Les collectivités publiques se sont, ainsi, retrouvées face à une nouvelle difficulté, celle du personnel à réintégrer. Le rapport Pochard, rendu par le Conseil d'Etat en 2002, apporte certains éléments de réflexion et pose une question essentielle : que doit-il se passer lorsque la collectivité publique est dans l'impossibilité de recruter ? Si elle ne peut pas proposer de contrat de droit public, peut-elle licencier ?

La réponse a été apportée par le Conseil d'Etat. Les juges du Palais-Royal décident, en effet, dans un arrêt du 22 novembre 2004, que "lorsque l'activité d'une entité économique employant des salariés de droit privé est reprise par une personne publique gérant un service public administratif, il appartient à cette dernière, en l'absence de dispositions législatives spécifiques, et réserve faite du cas où le transfert entraînerait un changement d'identité de l'entité transférée, soit de maintenir le contrat de droit privé des intéressés, soit de leur proposer un contrat de droit public reprenant les clauses substantielles de leur ancien contrat dans la mesure, ainsi que l'a jugé la Cour de justice des Communautés européennes dans son arrêt n° C-175/99 du 26 septembre 2000, où des dispositions législatives ou réglementaires n'y font pas obstacle ; que, dans cette dernière hypothèse, le refus des salariés d'accepter les modifications qui résulteraient de cette proposition implique leur licenciement par la personne publique, aux conditions prévues par le droit du travail et leur ancien contrat" (CE Contentieux, 22 octobre 2004, n° 245154, M. Lamblin N° Lexbase : A6266DDG). Désormais, donc, les personnels de droit privé transférés vers des entités publiques conservent leur contrat de droit privé. Cependant, est reconnu aux personnes publiques un droit d'option : celles-ci peuvent, en effet, proposer aux agents transférés des contrats de droit public. L'acception soulève, cependant, une nouvelle difficulté pratique : comment transformer ces contrats de droit privé en contrats de droit public ? En effet, il semble difficile d'imposer aux agents la transformation de leur contrat en contrat de droit public. Finalement, l'arrêt "Lamblin" semble poser plus de questions qu'il n'apporte de réponses.

Ce sont toutes ces difficultés qui ont justifié l'introduction de l'article 20 de la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005, portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique (N° Lexbase : L7061HEA).

II. Apport de l'article 20 de la loi du 26 juillet 2005

Désormais, conformément à l'article 20 de la loi du 26 juillet dernier, lorsque l'activité d'une entité économique employant des salariés de droit privé est, par transfert de cette entité, reprise par une personne publique dans le cadre d'un service public administratif, il appartient à cette personne publique de proposer à ces salariés un contrat de droit public, à durée déterminée ou indéterminée selon la nature du contrat dont ils sont titulaires. Le même article précise, par ailleurs, que sauf disposition législative ou réglementaire ou conditions générales de rémunération et d'emploi des agents non titulaires de la personne publique contraires, le contrat qu'elle propose reprend les clauses substantielles du contrat dont les salariés sont titulaires, en particulier celles qui concernent la rémunération.

En cas de refus des salariés d'accepter les modifications de leur contrat, la personne publique procède à leur licenciement, dans les conditions prévues par le droit du travail et par leur contrat.

Ainsi, alors que, dans un premier temps, les personnes transférées conservent leur contrat de droit privé, dans un second temps, les collectivités ont l'obligation de leur proposer un contrat de droit public à durée indéterminée, cette obligation devant être mise en oeuvre dans un délai raisonnable.

En revanche, le législateur est resté beaucoup plus discret sur les conditions de fond que doit respecter ce contrat de droit public. A peine évoque-t-il les "conditions générales de rémunération et d'emploi des agents non titulaires de la personne publique". Une chose semble, cependant, acquise : si l'agent refuse la proposition, la collectivité peut le licencier, l'affaire pouvant aller jusque devant les prud'hommes en cas de contestation, le contrat étant initialement de droit privé.

De nouvelles interrogations sont, cependant, soulevées par le dispositif mis en place par l'article 20 de la loi du 20 juillet 2005. Ainsi, concernant le contenu du contrat de droit public que les collectivités doivent proposer, est-on en droit de se demander si la même rémunération, sous réserve des conditions générales applicables au sein des collectivités, doit être maintenue dans le nouveau contrat. Pour répondre à cette question, il convient de se référer à la jurisprudence administrative relative à la rémunération des agents non titulaires, jurisprudence qui prévoit, notamment, que celle-ci ne peut être "manifestement excessive" par rapport à celle d'un fonctionnaire titulaire occupant des fonctions équivalentes. A contrario, les baisses de rémunération doivent être justifiées de la même façon.

Une autre question qui peut se poser est celle des conditions générales d'emploi, à savoir, le maintien des RTT, mais, surtout, celui de la convention collective. S'il n'y a pas de contradiction de principe entre convention collective et statut de contractuel de droit public, le problème peut, en revanche, se poser lorsque les dispositions de la convention collective sont contradictoires avec le statut d'agent public. Il semblerait que l'on puisse, selon l'intervenant, maintenir ces dispositions contractuelles. Mais, subsistent, encore une fois, certaines incertitudes. Ainsi, peut-on se poser la question de savoir quelles sont les règles applicables au salarié dont certaines dispositions seraient contraires à son statut de contractuel de droit public ? Une autre difficulté peut, également, apparaître : si le salarié accepte le contrat de droit public, quelles dispositions réglementaires sont applicables ? Aucun texte réglementaire ne prévoit cette hypothèse. Il est, donc, important de ne pas oublier de prévoir, dans le contrat, les règles du décret qui les concernent et, surtout, de proposer le nouveau contrat au plus vite, au mieux immédiatement après le transfert, afin d'éviter toutes discordances, le contrat de droit public devant maintenir les anciennes clauses, sauf, logiquement, celles contraires aux conditions générales d'emploi qui lui sont applicables.

A noter, enfin, que, depuis le 27 juillet 2005, date de publication de la loi n° 2005-843, l'article 20 est applicable à tout transfert d'activité entrant dans son champ d'application.


Compte-rendu réalisé par Fany Lalanne
SGR-Droit public


(1) Directive (CE) 77/187 du Conseil du 14 février 1977, concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d'entreprises, d'établissements ou de parties d'établissements (N° Lexbase : L4352GUQ).
(2) Directive (CE) 2001/23 du Conseil du 12 mars 2001, concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, d'établissements ou de parties d'entreprises ou d'établissements (N° Lexbase : L8084AUX).
(3) On parle ici d'activités assurées par des personnes privées, dans un cadre organisé -généralement, sous la forme associative- lorsque la collectivité publique décide de rapatrier dans ses effectifs l'activité gérée par cette personne. Ces transferts, qui se font régulièrement dans la pratique, sont le plus souvent mis en place pour éviter de se trouver exposer à la procédure de gestion de fait. En effet, il est courant que les associations régies par la loi du 1er juillet 1901, relative au contrat d'association (N° Lexbase : L3076AIR), soient utilisées par les collectivités locales pour gérer plus souplement certaines activités, le plus souvent socioculturelles. Mais le recours à cette formule associative n'est pas sans risque pour les collectivités et pour les élus. C'est, d'ailleurs, pour faire face à cette insécurité juridique, qu'a été créé, par la loi n° 2002-6 du 4 janvier 2002, relative à la création d'établissements publics de coopération culturelle (N° Lexbase : L9073HHI), l'établissement public de coopération culturelle, établissement public local doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière, permettant aux collectivités territoriales de s'associer, soit entre elles, soit avec l'Etat pour gérer en partenariat des services publics culturels d'intérêt à la fois local et national.
(4) Le principe selon lequel l'article L. 122-12 du Code du travail s'applique en cas de reprise d'une activité privée par un SPIC est admis, par la Cour de cassation, depuis 1998 (Cass. soc., 7 avril 1998, n° 96-43.063, ASSEDIC Toulouse Midi-Pyrénées et autre c/ Monsieur Salvetat et autre N° Lexbase : A2901ACG), l'identité de l'entité transférée n'étant, en cas de reprise par un SPA, pas conservée (Cass. soc., 10 juillet 1995, n° 94-40.608, M. Jean Lazareff c/ Commune de Soulac, prise en la personne de son maire en exercice N° Lexbase : A2694AGU).

newsid:89599

Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] L'employeur responsable du harcèlement moral dans l'entreprise

Réf. : Cass. soc., 21 juin 2006, n° 05-43.914, M. Jacques Balaguer, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A9600DPA)

Lecture: 12 min

N0835ALI

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 07 Octobre 2010

La loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 a introduit dans le Code du travail des dispositions spécifiques visant à prévenir et à lutter contre le harcèlement moral (loi n° 2002-73 N° Lexbase : L1304AW9). Le législateur a prévu un certain nombre de règles destinées à garantir l'effectivité de la protection du salarié, mais rien concernant la mise en cause de la responsabilité civile du salarié harceleur ou de son employeur. Dans cet arrêt en date du 21 juin 2006, la Chambre sociale de la Cour de cassation confirme la mise en cause personnelle du salarié harceleur (I) et condamne, également, son employeur en se fondant sur l'existence d'une obligation de sécurité de résultat (II).
Résumé

1. Engage sa responsabilité personnelle à l'égard de ses subordonnés le salarié qui leur fait subir intentionnellement des agissements répétés de harcèlement moral.

2. L'employeur est tenu envers ses salariés d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, notamment en matière de harcèlement moral, et l'absence de faute de sa part ne peut l'exonérer de sa responsabilité.

Décision

Cass. soc., 21 juin 2006, n° 05-43.914, M. Jacques Balaguer, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A9600DPA)

Cassation (CA de Montpellier, 25 mai 2005)

Textes visés : C. trav., art. L. 122-49 (N° Lexbase : L0579AZH), L. 122-51 (N° Lexbase : L0582AZL) et L. 230-2 (N° Lexbase : L5946AC9), ce dernier interprété à la lumière de la Directive CE 89/391 du 12 juin 1989, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et la santé des travailleurs (N° Lexbase : L9900AU9)

Mots clef : harcèlement moral ; responsabilité civile du salarié ; responsabilité de l'employeur ; obligation de sécurité de résultat

Lien base :

Faits

1. Plusieurs salariés de l'association Propara se sont plaints du comportement brutal, grossier, humiliant et injurieux à leur égard de leur directeur, M. X., et ont dénoncé les menaces, dénigrements, intimidations et sanctions injustifiées dont ils faisaient l'objet au travail.

Un rapport de l'inspection du travail du 26 novembre 2002 a conclu que M. X. se livrait effectivement à "une pratique de harcèlement moral généralisée entraînant une dégradation des conditions de travail, une atteinte aux droits des personnes et à leur dignité ainsi qu'une altération de la santé physique et morale de certains salariés". Un médiateur a également relevé des faits de même nature commis par M. X. à l'encontre de ses subordonnés.

2. Le 28 février 2003, plusieurs salariés ont saisi le conseil de prud'hommes d'une action dirigée tant contre M. X. personnellement, que contre l'association en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral dont ils avaient été victimes.

L'association, qui avait déchargé M. X. de ses fonctions d'encadrement du personnel, le 28 janvier 2003, puis l'avait licencié le 7 mars 2003, a contesté sa responsabilité, tandis que M. X. demandait que l'association soit déclarée responsable des faits reprochés et condamnée au paiement des indemnités réclamées.

L'arrêt attaqué, retenant que M. X. avait commis des faits de harcèlement moral au sens de l'article L. 122-49 du Code du travail, l'a condamné à payer des dommages-intérêts aux salariés et a déchargé l'association Propara de toute responsabilité.

Solution

1. "Selon l'alinéa 1 de l'article L. 122-49 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; [...] d'autre part, la responsabilité de l'employeur, tenu de prendre, en vertu de l'article L. 230-2 II (g) du Code du travail, les mesures nécessaires à la prévention des risques professionnels liés au harcèlement moral n'exclut pas la responsabilité du travailleur auquel il incombe, selon l'article L. 230-3 du même code, de prendre soin de la sécurité et de la santé des personnes concernées du fait de ses actes ou de ses omissions au travail ; [...] il résulte de ces dispositions spécifiques aux relations de travail au sein de l'entreprise, qu'engage sa responsabilité personnelle à l'égard de ses subordonnés le salarié qui leur fait subir intentionnellement des agissements répétés de harcèlement moral" ;

"ayant retenu que le directeur de l'association, M. X., avait sciemment harcelé moralement, au sens de l'article L. 122-49 du Code du travail, des salariés qui lui étaient subordonnés, c'est à bon droit que la cour d'appel l'a condamné à leur verser des dommages-intérêts ; le moyen n'est pas fondé".

2. "Vu les articles L. 122-49, L. 122-51 et L. 230-2 du Code du travail, ce dernier interprété à la lumière de la Directive CE 89/391 du 12 juin 1989 concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et la santé des travailleurs" ;

"pour décider que l'association Propara n'était pas responsable du harcèlement moral dont ses salariés ont été les victimes, l'arrêt retient que l'employeur n'a commis aucune faute" ;

" l'employeur est tenu envers ses salariés d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, notamment en matière de harcèlement moral et que l'absence de faute de sa part ne peut l'exonérer de sa responsabilité ; en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

"Casse et annule, mais seulement en ce qu'ils ont débouté les salariés victimes du harcèlement de leurs demandes dirigées contre l'employeur ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence".

Commentaire

I - La responsabilité personnelle du salarié harceleur

  • Le dispositif légal en matière de harcèlement moral

L'article L. 122-49, issu de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, définit le harcèlement moral comme des "agissements répétés [...] qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel".

Le salarié harceleur s'expose à des sanctions pénales (C. pén., art. 222-33-2 N° Lexbase : L1594AZ3 : un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende) et disciplinaires formellement prévues, d'ailleurs, par l'article L. 122-50 du Code du travail. La jurisprudence considère aussi, dans l'hypothèse voisine du harcèlement sexuel, que les faits de harcèlement avérés doivent être qualifiés de faute grave (Cass. soc., 5 mars 2002, n° 00-40.717, FS-P+B N° Lexbase : A1864AYP, Bull. civ. V, n° 83).

Le Code du travail n'a rien prévu concernant la responsabilité civile du salarié, et il convient donc de se tourner vers les règles du droit commun.

  • Le harcèlement en l'espèce

Dans cette affaire, c'est le comportement "brutal, grossier, humiliant et injurieux" du directeur d'une association qui était en cause, ainsi que "les menaces, dénigrements, intimidations et sanctions injustifiées" dont plusieurs salariés avaient été les victimes.

Compte tenu de la gravité des faits, la qualification de harcèlement moral s'imposait (pour des exemples : Cass. soc., 27 octobre 2004, n° 04-41.008, F-P+B N° Lexbase : A7443DDZ, et nos obs., Harcèlement moral : la Cour de cassation livre une première définition, Lexbase Hebdo n° 141 du 4 novembre 2004 - édition sociale N° Lexbase : N3379ABR). La Cour de cassation ne contrôle d'ailleurs plus, aujourd'hui, cette qualification qu'elle a abandonné au pouvoir souverain des juges du fond (Cass. soc., 23 novembre 2005, n° 04-41.649, Mme Viviane Prins-Jorge c/ Association de sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence des Yvelines (SEAY), F-P N° Lexbase : A7585DLI, Dr. soc. 2006, p. 229, obs. J. Savatier).

  • Les conditions de la responsabilité civile du salarié harceleur

On sait depuis l'arrêt "Costedoat", rendu par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation en 2000, que "n'engage pas sa responsabilité à l'égard des tiers le préposé qui agit sans excéder les limites de la mission qui lui a été impartie par son commettant" (Cass. ass. plén., 25 février 2000, n° 97-17.378, M. Costedoat c/ M. Girard et autres N° Lexbase : A8154AG4, JCP éd. G 2000, II, 10295, concl. R. Kessous, note M. Billiau). La Cour de cassation a, toutefois, précisé que cette immunité cède lorsque le salarié a "intentionnellement commis une infraction ayant porté préjudice à un tiers" (Cass. ass. plén., 14 décembre 2001, n° 00-82.066, M. Patrick Cousin N° Lexbase : A7314AX8, BICC n° 551 du 1er mars 2002, conc. R. de Goutte) , et ce même s'il n'a été pas effectivement condamné au pénal (Cass. crim., 7 avril 2004, n° 03-86.203, FS-P+F N° Lexbase : A0772DCL, Resp. civ. et assur. 2004, comm. 215).

  • Valeur de la solution adoptée

La solution adoptée, ici, s'inscrit dans cette perspective puisque les dommages causés par le salarié à ses collègues résultaient bien de faits intentionnels relevant de la qualification pénale de harcèlement.

On regrettera simplement que la Cour de cassation ait "oublié" de faire référence à l'article 1382 du Code civil (N° Lexbase : L1488ABQ) qui sert de fondement à la condamnation civile du salarié, tout comme d'ailleurs elle "oublie" l'article 1147 du Code civil (N° Lexbase : L1248ABT) lorsqu'elle condamne le salarié à indemniser son employeur des dommages consécutifs à une faute intentionnelle, au profit d'une simple référence au "principe selon lequel la responsabilité du salarié n'est engagée qu'en cas de faute lourde" (Cass. soc., 23 septembre 1992, n° 89-43.035, Mme Lagrèze c/ Société générale N° Lexbase : A9442AAX, Bull. civ. V, n° 466 ; Cass. soc., 25 octobre 2005, n° 03-46.624 N° Lexbase : A3907DQR, Bull. civ. V, n° 299).

II - La responsabilité de l'employeur du salarié harceleur fondée sur le manquement à une obligation de sécurité de résultat

  • Précédent

La Cour de cassation avait déjà eu l'occasion d'affirmer, en 2001, le principe selon lequel "l'employeur doit répondre des agissements des personnes qui exercent, de fait ou de droit, une autorité sur les salariés" (Cass. soc., 10 mai 2001, n° 99-40.059, Société Repass'Net c/ Mme Rachel Bouet N° Lexbase : A4172ATP, Dr. soc. 2001, p. 921, chron. B. Gauriau ; JCP éd. G 2002, II, 10044, note J. K. Adom). La Cour n'avait toutefois pas précisé, dans cet arrêt, le fondement de cette condamnation, et une clarification s'imposait.

  • Une condamnation fondée sur l'existence d'une obligation de sécurité de résultat

C'est tout l'intérêt de cet arrêt qui vise "les articles L. 122-49, L. 122-51 et L. 230-2 du Code du travail, ce dernier interprété à la lumière de la Directive CE 89/391 du 12 juin 1989 concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et la santé des travailleurs" et fait référence à l'"obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise".

Cette référence reprend, tout en la modifiant, la formule présente dans les arrêts qui retiennent, depuis 2002, la nouvelle définition de la faute inexcusable de l'employeur en matière de maladies professionnelles et d'accidents du travail. Dans ces arrêts, la Cour de cassation, toutes chambres confondues, affirme l'existence d'une "obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise" (Cass. soc., 28 février 2002, n° 00-10.051, Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Grenoble c/ Société Ascométal, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A0806AYI, JCP éd. G 2002, II, 10053, concl. Benmakhlouf ; Dr. soc. 2002, p. 445, chron. A. Lyon-Caen ; Cass. civ. 2, 14 octobre 2003, ° 02-30.231, Olga Pézin, épouse Rose c/ Société Dunlop France, FS-P+B N° Lexbase : A8345C9X, Bull. civ. II, n° 300 ; Cass. ass. plén., 24 juin 2005, n° 03-30.038, M. Jean-Claude Grymonprez c/ Société Norgraine N° Lexbase : A8502DIQ, Dr. soc. 2005, p. 1067, obs. X. Prétôt ; JCP éd. S 2005, p. 1056, note P. Morvan) et les accidents du travail (Cass. soc., 11 avril 2002, n° 00-16.535, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A4836AYR, Bull. civ. V , n° 127 ; Cass. civ. 2, 12 mai 2003, n° 01-21.071, FS-P+B N° Lexbase : A0224B7G, Bull. civ. II, n° 141).

La Chambre sociale de la Cour de cassation a, depuis le transfert du contentieux des dommages d'origine professionnelle à la deuxième chambre civile, poursuivi son travail de détermination du champ des obligations particulières pesant sur l'employeur au titre de son obligation générale de sécurité, pour y intégrer la protection des salariés contre le tabagisme dans l'entreprise (Cass. soc., 29 juin 2005, n° 03-44.412, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A8545DIC, Dr. soc. 2005, p. 971, chron. J. Savatier) et le suivi des salariés par le médecin du travail au retour de congé maladie (Cass. soc., 28 février 2006, n° 05-41.555, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2163DNG).

  • Les mutations de l'obligation de sécurité de résultat du chef d'entreprise

S'il existe un lien évident entre les arrêts rendus dans le cadre de l'indemnisation des victimes de maladies professionnelles et d'accidents du travail, à partir de 2002, et ceux qui intéressent, depuis 2005, le tabagisme, la visite de reprise et, désormais, le harcèlement, deux différences importantes méritent d'être signalées.

La première concerne la formulation même de l'obligation de sécurité qui pèse sur le chef d'entreprise. Dans les arrêts qui concernent la faute inexcusable de l'employeur, la Cour de cassation a, en effet, visé "une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise". Or dans les trois arrêts rendus depuis 2005 et qui n'intéressaient pas le droit de la Sécurité sociale mais le droit du travail, la Chambre sociale de la Cour de cassation a retenu une formulation plus large et fait référence à une "obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise".

Cette nouvelle formule, beaucoup plus générale que la précédente, devrait conduire à étendre le champ de l'obligation de sécurité de l'employeur à toutes les questions intéressant l'hygiène, la sécurité et les conditions de travail ; la solution retenue pourrait alors s'appliquer au harcèlement sexuel, dont le régime a servi de modèle à la loi du 17 janvier 2002, ainsi que dans toutes les affaires de discrimination.

Une seconde différence, et non des moindres, concerne le fondement même de cette obligation de sécurité.

Dans toutes les décisions rendues à partir de 2002 et qui intéressent la qualification de faute inexcusable, la Cour de cassation a, en effet, visé l'article 1147 du Code civil et précisé que l'obligation de sécurité de l'employeur est due "en vertu du contrat de travail le liant à son salarié". Or dans les trois arrêts rendus depuis 2005 où apparaît la notion d'"obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise", toute référence à l'article 1147 du Code civil a disparu, seules les dispositions du Code du travail et des textes communautaires qui en constituent le fondement, étant mentionnées. Une relecture attentive de la nouvelle formulation de l'obligation de sécurité montre, d'ailleurs, que la Cour de cassation a escamoté la mention du "contrat de travail" liant l'employeur "à son salarié", au profit des "travailleurs dans l'entreprise".

La confrontation de ces deux jurisprudences fait alors difficulté car deux explications peuvent être avancées qui conduisent à consacrer l'unité de l'obligation de sécurité de l'employeur, ou, au contraire, son éclatement.

La première explication conduit à affirmer l'existence d'une rupture dans la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation qui abandonnerait le fondement contractuel de l'obligation de sécurité au profit d'un fondement légal spécial. Ce changement d'orientation créerait alors une contrariété de solutions avec la deuxième chambre civile et l'Assemblée plénière qui analysent toujours l'obligation de sécurité par référence au contrat de travail.

Une autre explication conduit, au contraire, à la reconnaissance de deux obligations de sécurité distinctes, l'une fondée sur le contrat de travail, applicable uniquement pour l'indemnisation des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles, l'autre sur les seules dispositions du Code du travail intéressant plus largement la santé et la sécurité.

Nous pensons que la Cour de cassation devrait abandonner la référence à l'obligation contractuelle de sécurité pour ne plus viser que les dispositions des articles L. 230-2 et L. 122-51 du Code du travail.

  • Les incertitudes concernant le fondement de la responsabilité du chef d'entreprise

Reste à déterminer sur quel fondement l'employeur doit être condamné civilement.

Nous l'avons dit, cette responsabilité n'est sans doute pas contractuelle dans la mesure où la Cour de cassation a écarté cette référence, dans cet arrêt comme dans les précédents. La prescription de l'action ne devrait donc pas être trentenaire, mais décennale, quoique la préférence de la Cour de cassation soit allée vers la prescription la plus longue lorsqu'il s'est agi de lutter contre les discriminations syndicales (Cass. soc., 15 mars 2005, n° 02-43.560, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A2741DHY, et nos obs. L'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination syndicale se prescrit par trente ans, Lexbase Hebdo n° 161 du 31 mars 2005 - édition sociale N° Lexbase : N2499AIE) ou le travail illégal (Cass. soc., 10 mai 2006, n° 04-42.608, FS-P+B N° Lexbase : A3549DP7, et nos obs. Application de la prescription trentenaire à l'action en paiement de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, Lexbase Hebdo n° 215 du 17 mai 2006 - édition sociale N° Lexbase : N8468AKT).

Elle doit alors être fondée soit sur l'article 1382 du Code civil, mais la victime devra prouver la faute de l'employeur, soit sur l'article 1384, alinéa 5, du Code civil (N° Lexbase : L1490ABS) qui met à sa charge une responsabilité de plein droit pour les dommages causés par ses salariés.

Comme précédemment, nous ne pouvons que regretter l'absence de toute référence aux règles de la responsabilité civile dans l'arrêt.

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Sociétés

[Focus] La garantie d'éviction du fait personnel du cédant de droits sociaux

Réf. : Cass. civ. 1, 24 janvier 2006, n° 03-12.736, M. Laurent Paudex c/ M. Jean-Michel Mazue, F-P+B (N° Lexbase : A5473DMN)

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N0853AL8

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Le 07 Octobre 2010

La cession entre vifs de droits sociaux s'apparente fortement à une vente qui est une convention à titre onéreux "par laquelle l'un s'oblige à livrer une chose, et l'autre à la payer" (1). L'opération relève, également, de la cession de créance, ce qui justifie la limitation des garanties dont dispose l'acquéreur. Conformément au régime général de la vente, le cédant est tenu à l'égard de l'acquéreur de la garantie d'éviction, c'est-à-dire de lui assurer la jouissance paisible du bien vendu, mais aussi, de la garantie des vices cachés, à savoir l'absence de défaut de ce bien (2). En revanche, dans une cession de créance, le cédant doit seulement garantir l'existence des créances cédées au moment de la cession (3). La cession de titres obéit à ces deux régimes, celui de la vente et celui de la cession de créance et, du même coup, bénéficie de ces deux garanties, contre l'éviction et contre les vices cachés. D'une part, eu égard au principe de la personnalité morale de la société (4), l'associé ne dispose d'aucun droit de propriété sur les actifs sociaux (5). Aussi, l'acquéreur ne pourrait se prévaloir que de l'éviction ou des vices des droits sociaux et non de ceux affectant les actifs sociaux. Cependant, dès lors que ces derniers rendent possible l'activité sociale et l'exercice par l'acquéreur des prérogatives inhérentes aux titres, les atteintes portées aux actifs sociaux ou à l'activité sociale ont une incidence sur les titres cédés et permettent de mettre en oeuvre les garanties d'éviction et des vices cachés. D'autre part, l'éviction et le vice ne sont admis que s'ils empêchent la société dont les parts sociales ou les actions ont été cédées, d'exercer son activité, par conséquent, de réaliser son objet. S'agissant précisément de la garantie d'éviction, elle met à la charge du cédant une obligation de non-concurrence qui existe de plein droit, sans que l'acte de cession ait à la prévoir (6). Les parties ne sauraient y déroger, l'article 1628 du Code civil (N° Lexbase : L1730ABP) réputant nulle toute clause élusive de cette garantie du fait personnel par le cédant.

La première chambre civile de la Cour de cassation se prononce sur cette garantie dans l'arrêt du 24 janvier 2006 (7).

I - L'affaire rapportée a trait à une promesse synallagmatique de cession de parts conclue le 18 mai 1999 entre deux associés d'une SCP de médecins et, en vertu de laquelle la cession devait intervenir au plus tard le 30 septembre 1999. En contrepartie de l'acquisition des parts du promettant par la SCP, celui-ci s'interdisait d'exercer dans trois cantons pendant cinq ans, aussi bien en cabinet qu'à domicile. La cession n'ayant pas été réalisée à la date prévue, le promettant a quitté la société. Après s'être installé à Lons-le-Saunier, il a saisi le tribunal de grande instance de cette ville aux fins d'obtenir le prix de la cession assorti de dommages-intérêts et de voir constater que la vente est parfaite.

Le demandeur ayant obtenu gain de cause par jugement rendu en première instance le 19 décembre 2000, le cessionnaire l'a assigné en appel en violation de la garantie d'éviction. Dans un arrêt du 14 janvier 2003, la cour d'appel de Besançon a prononcé la résolution de la cession des droits sociaux aux torts du cédant, pour violation de la garantie d'éviction.

Pour statuer en ce sens, les juges du second degré ont relevé en premier lieu, sa réinstallation dans une autre agglomération à une date antérieure à celle conventionnellement prévue ; en second lieu, ses manoeuvres destinées à capter la clientèle de la société qu'il venait de quitter et priver ainsi la cession de son objet.

Le cédant a alors formé un pourvoi en cassation. Il fait grief à la juridiction d'appel de n'avoir pas recherché si les actes de concurrence qui lui sont reprochés ont empêché la SCP de poursuivre son activité économique et de réaliser son objet social.

Sa démarche semble a priori s'inspirer des décisions auparavant rendues en la matière par la Chambre commerciale. Cette dernière considère, en effet, que la garantie légale d'éviction du fait personnel du vendeur n'entraîne pour lui l'interdiction de se rétablir que si sa réinstallation est de nature à empêcher les acquéreurs des actions de poursuivre l'activité économique de la société et de réaliser l'objet social (8).

La première chambre civile n'est cependant pas réceptive à cette argumentation. Elle estime que les actes de concurrence constatés par les juges du fond suffisent à mettre en exergue la violation de la garantie d'éviction due par le cédant au titre de son fait personnel, à l'égard aussi bien de la société que de l'acquéreur. Elle approuve pleinement la cour d'appel de Besançon de s'être appuyée sur le fait que les parts d'une SCP de médecins étant essentiellement constituées par le droit de présentation de clientèle, le détournement de celle-ci prive la cession de son objet.

En vendant ses parts sociales, le médecin retiré a inévitablement cédé le droit de présentation de sa clientèle à son successeur. Certes, il pouvait avertir ses patients du transfert de son activité, mais cette information, pour être loyale, ne devait pas aboutir à un détournement de clientèle. Or, son installation anticipée, l'incitation de nombreux patients à le suivre, établie par la production de plusieurs attestations et par la mise en service d'une ligne téléphonique avec répondeur prouvant cette installation, constituent une captation de clientèle vidant de son objet la cession des parts sociales et une violation des accords conclus entre les parties. Ces faits justifient amplement la résolution judiciaire du compromis de cession des parts sociales, indépendamment de l'absence de sanction disciplinaire.

II - La solution de la première chambre civile de la Cour de cassation est à la fois logique et équitable. En effet, la garantie d'éviction interdit au cédant d'effectuer des actes susceptibles de constituer des reprises ou des tentatives de reprise du bien vendu ou des atteintes aux activités telles qu'elles fassent obstacle à la poursuite de l'activité économique de la société et à la réalisation de l'objet social par l'acquéreur des parts sociales. Elle lui fait défense également d'accomplir des actes de détournement de clientèle avec pour finalité de vider la société de sa substance. Cette solution se justifie d'autant plus qu'elle concerne une société civile professionnelle pour laquelle la notion de clientèle occupe une place déterminante.

L'obligation de garantie du fait personnel du cédant relève de l'ordre public. Elle s'applique sans qu'une clause de non-concurrence ne soit contractuellement prévue dans l'acte de cession (9).

En dépit de sa relative sévérité, comparativement à la position habituelle de la Chambre commerciale, le présent arrêt se situe dans la lignée de la jurisprudence selon laquelle le rétablissement du cédant dans une activité similaire à celle de la société, s'il aboutit à un détournement de clientèle, constitue une "reprise par voie détournée de la chose vendue" (10).

Pareil agissement s'expose à la sanction, qu'il émane directement ou indirectement du cédant intervenant par l'intermédiaire d'une nouvelle société. La garantie d'éviction du fait personnel ne soumet pas le cédant à une obligation générale de non-concurrence qui l'empêche de se rétablir ou de tirer profit d'une activité similaire. L'interdiction porte seulement sur le détournement de clientèle qui caractérise le manquement du cédant dont les juges du fond doivent constater l'existence.

Un simple obstacle au développement de l'activité est insuffisant (11), tout comme la seule diminution de valeurs des titres cédés (12). Ainsi, les acquéreurs de l'ensemble des titres d'une société de courtage ne pouvaient valablement revendiquer sur le fondement de la garantie d'éviction, une diminution du prix de cession des titres, sous prétexte que la clientèle et le chiffre d'affaires de la société cédée n'aient pas été conformes aux éléments chiffrés retenus au moment de la détermination du prix. Effectivement, d'une part, ils n'alléguaient et n'établissaient pas l'impossibilité de réaliser l'objet social ; d'autre part, la garantie d'éviction ne tient pas compte de ce que la valeur de la clientèle cédée soit inférieure à celle inscrite dans l'acte de cession (13).

De même, la garantie n'est pas due lorsque les agissements du cédant entraînent un simple appauvrissement de la consistance des parts cédées. Dès lors, n'était pas tenue de la garantie d'éviction, une société qui, après avoir cédé l'intégralité des parts sociales qu'elle détenait dans deux de ses filiales et conclu avec chacune d'elles un contrat de sous-distribution des produits de deux marques dont elle était le représentant exclusif, avait résilié l'un des deux contrats. En effet, ce dernier ne représentait qu'un pourcentage minime du chiffre d'affaires de l'une des sociétés dont les parts avaient été cédées et l'autre contrat se poursuivait encore. En outre, la durée limitée des contrats de sous-distribution constituait une charge déclarée lors de la cession des parts et était donc exclue de la garantie (14).

Par ailleurs, si le cédant est une personne morale, la garantie d'éviction pèse non seulement sur cette dernière, mais aussi sur son dirigeant et les personnes que celui-ci pourrait interposer afin d'échapper à ses obligations (15).

La solution retenue en l'espèce à propos d'une société civile professionnelle par la première chambre civile, pourrait-elle s'appliquer à toute autre société civile pour laquelle la chambre commerciale a vocation à statuer, et pour les sociétés immobilières qui relèvent de la compétence de la troisième chambre civile ? Dans l'affirmative, elle participerait à l'harmonisation de la jurisprudence en matière de garantie d'éviction due par le cédant au cessionnaire et à la société elle-même, ainsi qu'à une certaine moralisation du droit des affaires.

Deen Gibirila
Professeur à l'Université des Sciences sociales de Toulouse I


(1) C. civ., art. 1582, al. 1er (N° Lexbase : L1668ABE).
(2) C. civ., art. 1625 (N° Lexbase : L1027ABN).
(3) C. civ., art. 1693 (N° Lexbase : L1803ABE).
(4) C. civ., art. 1842 (N° Lexbase : L2013AB8) ; C. com., art. L. 210-6 (N° Lexbase : L5793AIE).
(5) Cass. com., 18 février 2004, n° 00-10.512, Société Grison et Boiry, société anonyme c/ M. Hugues Martin de la Garde, F-D (N° Lexbase : A3080DBP), RJDA 6/2004, n° 718.
(6) C. civ., art. 1626 (N° Lexbase : L1728ABM). Sur la garantie d'éviction en matière de droits sociaux, Th. Massart, Le régime juridique de la cession de contrôle, Thèse Paris II 1995, p. 172 et suiv.
(7) Cass. civ. 1, 24 janvier 2006, n° 03-12.736, M. Laurent Paudex c/ M. Jean-Michel Mazue, F-P+B, Bull. civ. I, n° 32.
(8) Cass. com., 21 janvier 1997, n° 94-15.207, Société Eridania Beghin-Say c/ Consorts Ducros et autres (N° Lexbase : A1512ACY), RJDA 6/1997, n° 783 ; sur cet arrêt, A. Couret, La garantie du fait personnel du cédant de droits sociaux, Dr. et patrimoine mai 1997, p. 64.
(9) J. Amiel-Donat, Clauses de non-concurrence et cession de droits sociaux, Dr. sociétés janvier 1989, p. 1. C. Freyria, Réflexions sur la garantie conventionnelle dans les actes de cession de droits sociaux, JCP éd. E 1992, I, 146. P. Mousseron, Les conventions de garantie dans les cessions de droits sociaux, Nouvelles éd. fiduc. 1992, p. 114 et suiv.
(10) Cass. com., 21 janvier 1997, préc..
(11) Cass. com., 17 décembre 2002, n° 00-19.684, M. Horace Frattaroli c/ Société SNEF, FS-D (N° Lexbase : A5047A4P), RJDA 6/2003, n° 601.
(12) Cass. com., 18 février 2004, préc..
(13) Cass. com., 18 février 2004, préc..
(14) Cass. com., 9 juillet 2002, n° 98-22.284, Société Brabo distribution c/ Société Charlier Brabo groupe NV, F-D (N° Lexbase : A0960AZL), RJDA 11/2002, n° 1152.

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Marchés publics

[Jurisprudence] Critères d'attribution des marchés : le Conseil d'Etat apporte deux précisions

Réf. : CE 2° et 7° s-s-r., 28 avril 2006, n° 280197, Commune de Toulouse (N° Lexbase : A2007DPZ)

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N9591AKG

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par Marie-Hélène Sanson, Juriste marchés publics au sein d'un organisme national de protection sociale

Le 07 Octobre 2010

Par une décision du 28 avril 2006, le Conseil d'Etat a apporté deux précisions relatives aux critères d'attribution dans les procédures de marchés publics. Le Conseil d'Etat indique, d'une part, que le prix peut ne pas figurer parmi les critères retenus par la collectivité et, d'autre part, que les critères choisis doivent être suffisamment explicites afin d'assurer une mise en concurrence égale et transparente des candidats. La décision a été rendue dans le cadre d'un référé précontractuel. La société Jean-Claude Decaux avait demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation d'une procédure d'appel d'offres lancé par la commune de Toulouse, au cours de laquelle son offre avait été rejetée. La procédure avait pour objet la mise à disposition, la pose, l'entretien et l'exploitation de mobiliers urbains publicitaires sur le territoire de la commune. Le requérant invoquait un manquement de la collectivité aux obligations de publicité et de mise en concurrence résultant du Code des marchés publics. Par une ordonnance du 15 avril 2005, le juge des référés du tribunal administratif a accueilli sa demande. La commune de Toulouse a alors saisi le Conseil d'Etat en cassation et demandé l'annulation de l'ordonnance du tribunal.

Le Conseil d'Etat a lui aussi annulé la procédure lancée par la collectivité et le rejet de l'offre de la société Jean-Claude Decaux. Le juge sanctionne le manquement de la collectivité aux obligations de mise en concurrence, sur la base, toutefois, d'un motif différent de celui retenu à l'origine par le tribunal administratif.

Dans la procédure attaquée, la commune de Toulouse avait défini trois critères d'attribution du marché :

- les qualités esthétiques du mobilier ;
- la qualité de l'entretien (maintenance et nettoyage) du mobilier ;
- les qualités techniques du mobilier.

Le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse avait, alors, sanctionné ce dispositif pour méconnaissance de l'article 53 du Code des marchés publics (N° Lexbase : L8486G7G). Le magistrat avait, en effet, retenu l'irrégularité de l'absence du critère de prix. Ce raisonnement n'a pas été suivi par la Haute juridiction administrative.

La décision du Conseil d'Etat rappelle, tout d'abord, le dispositif réglementaire applicable prévu par le Code des marchés publics (décret n° 2004-15 du 7 janvier 2004 N° Lexbase : L0537DN9 - dispositions de l'article 53.II) :

"Pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, la personne publique se fonde sur divers critères variables selon l'objet du marché, notamment le coût d'utilisation, la valeur technique de l'offre, son caractère innovant, ses performances en matière de protection de l'environnement, ses performances en matière d'insertion professionnelle des publics en difficulté, le délai d'exécution, les qualités esthétiques et fonctionnelles, le service après-vente et l'assistance technique, la date et le délai de livraison, le prix des prestations.
D'autres critères peuvent être pris en compte, s'ils sont justifiés par l'objet du marché.
Si, compte tenu de l'objet du marché, la personne publique ne retient qu'un seul critère, ce critère doit être le prix
"

Les personnes publiques choisissent, ainsi, librement les critères d'attribution des marchés, sous réserve du respect de deux conditions :

- les critères doivent permettre d'identifier l'offre économiquement la plus avantageuse ;
- les critères doivent être justifiés par l'objet du marché.

Ne sont ainsi obligatoires que les critères qui répondent à ces deux conditions ; aucun critère n'est obligatoire dans l'absolu, pas même le prix, dès lors que les critères retenus répondent aux objectifs fixés par le code.

Dans l'espèce, le Conseil d'Etat relève que le cahier des charges de la consultation prévoyait que le prestataire serait rémunéré par les recettes provenant de l'exploitation publicitaire issue des mobiliers urbains. Ainsi, l'exécution du marché ne se traduisait par aucune dépense effective pour la collectivité, qui avait d'ailleurs fixé, elle-même, le montant de la redevance d'occupation du domaine public. Les aspects financiers de cette opération avaient donc été préalablement fixés par la collectivité, sans aucune intervention possible des candidats. Le prix des prestations n'avait ainsi aucun sens dans cette consultation, les candidats ne devant d'ailleurs vraisemblablement pas en formuler.

Ce contexte est très particulier. Rares, en effet, sont les marchés qui ne donnent pas lieu au versement d'un prix par la personne publique. L'absence du prix dans les critères d'attribution devrait vraisemblablement rester marginale en pratique.

Faut-il voir, par ailleurs, dans cette décision une nouvelle manifestation du "déclin du critère prix", à la suite de diverses dispositions qui semblent avoir pour objet ou effet de réduire l'importance des considérations financières dans les procédures ?

- disparition de la procédure d'adjudication ;
- possibilité d'éliminer les offres anormalement basses ;
- place du critère prix dans l'article 53 du code, en fin de liste.

Il nous semble qu'il faille répondre à cette question par la négative, en raison, précisément, du champ d'application limité de la décision rendue.

Le Conseil d'Etat apporte, ensuite, dans cette décision une précision importante relative à la formulation des critères d'attribution des marchés. C'est d'ailleurs sur cette base qu'il a annulé la procédure lancée par la commune de Toulouse et le rejet de l'offre de la société Jean-Claude Decaux.

En l'espèce, les trois critères d'attribution retenus par la commune de Toulouse étaient pondérés comme suit :

- qualités esthétiques du mobilier : 50 % de la note ;
- qualité de l'entretien du mobilier : 30 % de la note ;
- qualités techniques du mobilier : 20 % de la note.

Sur la prestation objet du marché (mise à disposition, pose, entretien et exploitation de mobiliers urbains publicitaires), le juge reconnaît la pertinence du critère esthétique. Il sanctionne toutefois la procédure en raison de l'absence d'indication de la part de la collectivité sur ses attentes relatives à ce critère, défini comme prépondérant par le cahier des charges.

Le Conseil d'Etat affirme, ainsi, le principe selon lequel les critères d'attribution doivent être définis avec précision par les personnes publiques afin que l'examen des offres ne leur confère pas une liberté de choix discrétionnaire, en violation des principes d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures.

Ce principe est simple et logique. Il ne surprendra pas les acheteurs publics. Il relève de la capacité de définir précisément le besoin, question récurrente en marchés publics. On ne peut évaluer que ce que l'on connaît : en d'autres termes, on ne peut vérifier si un critère est rempli par telle ou telle offre que si l'on est capable de définir ce que recouvre ce critère. Un critère insuffisamment précis pose en effet deux difficultés :

- l'appréciation des offres est difficile, voire impossible ;
- les offres ne peuvent être comparées sur une base égale.

Dans ces conditions, le choix de la personne publique n'est pas contrôlable ; il est donc irrégulier.

Si la décision du conseil sur ce point est logique, deux autres éléments de la décision sont, en revanche, un peu plus surprenants.

Le premier élément est la référence à la place prépondérante du critère esthétique dans la consultation en cause. Cette indication du juge signifie-t-elle que la solution du litige aurait été différente si le critère imprécis avait été affecté d'une pondération moindre ? Une telle position peut surprendre car, potentiellement, chaque critère influence la note finale obtenue par les offres, leur classement et donc la décision d'attribution. Un critère affecté d'un faible coefficient pourra, par exemple, permettre de départager deux offres proches au regard des critères jugés plus importants. Une jurisprudence prochaine permettra peut-être de lever cette incertitude.

Le deuxième élément surprenant est le moment auquel le sens d'un critère peut être formulé par la personne publique. En effet, le Conseil d'Etat précise qu'en l'espèce, aucune indication n'était fournie par la collectivité "ni dans les documents contractuels, ni dans sa réponse [...] à la demande de renseignements de la société Jean-Claude Decaux".

Le fait que le juge envisage que le sens d'un critère d'attribution puisse figurer dans les réponses apportées par les collectivités publiques en cours de procédure aux questions des candidats est étonnant au regard de l'importance de cette information. Ces réponses sont, en effet, courantes mais elles posent plusieurs difficultés. Elles peuvent, tout d'abord, être le signe d'une imprécision du cahier des charges et de la définition du besoin. Elles posent, ensuite, la question de leur impact sur le délai de remise des offres : doit-il être prolongé ? de quelle durée ? Le Conseil d'Etat a peut-être, ainsi, souhaité introduire une souplesse sur le modèle de la décision de la Cour de justice des Communautés européennes du 24 novembre 2005 (CJCE, 24 novembre 2005, aff. C-331/04, ATI EAC Srl e Viaggi di Maio Snc c/ ACTV Venezia SpA N° Lexbase : A6822DLA). Dans cette affaire, la cour avait reconnu aux commissions d'appel d'offres la possibilité de répartir les points attribués à un critère d'attribution entre les sous-éléments de ce critère, à la condition, notamment, que cette répartition ne contienne pas d'éléments qui, s'ils avaient été connus lors de la préparation des offres, auraient pu l'influencer. Dans la décision "Commune de Toulouse", le Conseil d'Etat ne sanctionne un manquement que s'il a pu avoir un effet sur la notation des offres et leur classement.

Afin d'éviter toute contestation sur ce point, on ne peut qu'encourager les acheteurs publics à définir précisément, avant le lancement de leurs consultations, leur besoin. Les critères d'attribution du marché seront alors une conséquence naturelle et logique, permettant d'apprécier la pertinence et la qualité des propositions formulées en vue de le satisfaire. Cette démarche permet d'éviter de recourir à des précisions ultérieures pouvant faire l'objet de critiques.

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Sécurité sociale

[Jurisprudence] Maladie professionnelle : preuve de la contamination du VIH

Réf. : Cass. soc., 21 juin 2006, n° 04-30.664, Société l'Hygiène médicale c/ M. Frédéric Boutot, FS-P+B (N° Lexbase : A9867DP7)

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Haute Alsace

Le 07 Octobre 2010

La Cour de cassation, par un arrêt rendu le 21 juin 2006, se prononce sur la reconnaissance d'un accident survenu par voie de contamination, au titre de la législation du travail. Un salarié, exerçant les fonctions de qualité de chauffeur collecteur, a déclaré avoir été contaminé accidentellement par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH), à l'occasion d'un contact avec une seringue demeurée dans un broyeur à ordure qu'il était chargé de nettoyer. La CPAM a refusé de prendre en charge cet accident au titre de la législation du travail, au motif que n'avait pas été pratiqué dans le délai de 7 jours prévu par le décret n° 93-74 du 18 janvier 1993, un test visant à déterminer son statut sérologique au regard de la contamination par le VIH, le salarié a saisi la juridiction de Sécurité sociale d'un recours, accueilli favorablement par les juges. La société a formé un pourvoi en cassation. La Cour de cassation rejette cependant ce pourvoi, considérant que l'inobservation des dispositions du décret n° 93-74 du 18 janvier 1993, portant modification du barème indicatif d'invalidité en matière d'accident du travail, qui ne sont pas prescrites à peine d'irrecevabilité de la demande en reconnaissance du caractère professionnel de l'accident, ne fait pas obstacle à ce que la victime puisse rapporter par d'autres moyens la preuve de ce que l'accident dont il a été victime est la cause de sa contamination. L'arrêt permet de rappeler les grandes lignes du régime général de la contamination d'une maladie par seringue, au regard de la qualification de maladie professionnelle (I) et surtout de fixer les règles spécifiques de la contamination du VIH (II).
Résumé

La victime d'une contamination du VIH peut rapporter par d'autres moyens que ceux prévus par le décret n° 93-74 du 18 janvier 1993 (N° Lexbase : L3140AI7), la preuve de ce que l'accident dont il a été victime est la cause de sa contamination.

Décision

Cass. soc., 21 juin 2006, n° 04-30.664, Société l'Hygiène médicale c/ M. Frédéric Boutot, FS-P+B (N° Lexbase : A9867DP7)

Rejet (CA Bordeaux, 2 juillet 2004, chambre sociale, section C)

Texte visé : Décret n° 93-74 du 18 janvier 1993, portant modification du barème indicatif d'invalidité en matière d'accidents du travail (N° Lexbase : L3140AI7)

Liens base :

Faits

1. M. Boutot, salarié de la société l'Hygiène médicale Actiface, en qualité de chauffeur collecteur, a déclaré avoir été contaminé accidentellement par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH), à l'occasion d'un contact avec une seringue demeurée dans un broyeur à ordure qu'il était chargé de nettoyer ;

2. la caisse primaire d'assurance maladie a refusé de prendre en charge sa contamination au titre des accidents du travail, en faisant valoir que n'avait pas été pratiqué, dans le délai de sept jours prévu par le décret n° 93-74 du 18 janvier 1993, un test visant à déterminer son statut sérologique au regard de la contamination par le VIH ;

3. M. Boutot a saisi la juridiction de sécurité sociale d'un recours. Par un arrêt rendu le 2 juillet 2004 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section C) reconnaît que la contamination du VIH a joué un rôle causal dans la maladie dont la qualification de maladie professionnelle doit dès lors être reconnue ;

4. Rejet du pourvoi formé par l'employeur.

Solution

L'inobservation des dispositions du décret n° 93-74 du 18 janvier 1993, portant modification du barème indicatif d'invalidité en matière d'accident du travail, qui ne sont pas prescrites à peine d'irrecevabilité de la demande en reconnaissance du caractère professionnel de l'accident, ne fait pas obstacle à ce que la victime puisse rapporter par d'autres moyens la preuve de ce que l'accident dont il a été victime est la cause de sa contamination.

Commentaire

I - Le régime général de la contamination d'une maladie par seringue, au regard de la qualification de maladie professionnelle

La loi nº 2002-303 du 4 mars 2002 (art. 98 N° Lexbase : L5043A8B) a mis en place un Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM). Il a été créé par un décret du 29 avril 2002, pris en application de l'article L. 1142-22 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L8857GT9) créé par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé (décret n° 2002-638 du 29 avril 2002 N° Lexbase : L5061AZH).

L'ONIAM est chargé de l'indemnisation au titre de la solidarité nationale (dans les conditions définies au II de l'article L. 1142-1 N° Lexbase : L8853GT3, à l'article L. 1142-1-1 N° Lexbase : L4435DLT et à l'article L. 1142-17 N° Lexbase : L4429DLM du Code de la santé publique) :
- des dommages occasionnés par la survenue d'un accident médical, d'une affection iatrogène ou d'une infection nosocomiale ainsi que des indemnisations qui lui incombent (C. santé publ., art. L. 1142-15 N° Lexbase : L2468DKM et art. L. 1142-18 N° Lexbase : L4426DLI) ;
- de la réparation des dommages directement imputables à une vaccination obligatoire (C. santé publ., art. L. 3111-9 N° Lexbase : L8298GTI ; loi n° 2004-806 du 9 août 2004, relative à la politique de santé publique, art. 118 N° Lexbase : L0816GTE) ;
- de l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus d'immunodéficience humaine (C. santé publ., art. L. 3122-1 N° Lexbase : L8725GTC) ;
- de la réparation des dommages imputables directement à une activité de prévention, de diagnostic ou de soins réalisée en application de mesures prises conformément à l'article L. 3110-1 (C. santé publ., art. L. 1142-22 N° Lexbase : L8857GT9 ; loi nº 2002-303 du 4 mars 2002, art. 98 ; loi nº 2002-1577 du 30 décembre 2002, art. 1 VII, XII N° Lexbase : L9375A8Q ; loi n° 2004-806 du 9 août 2004, relative à la politique de santé publique, art. 115 I N° Lexbase : L0816GTE).

L'offre d'indemnisation adressée à la victime ou, en cas de décès, à ses ayants droit est présentée par le directeur de l'ONIAM, sur avis conforme d'une commission d'indemnisation. L'offre indique l'évaluation retenue pour chaque chef de préjudice, nonobstant l'absence de consolidation ainsi que le montant des indemnités qui reviennent à la victime ou à ses ayants droit, et plus généralement des prestations et indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs du chef du même préjudice. L'acceptation de l'offre de l'ONIAM par la victime vaut transaction au sens de l'article 2044 du Code civil (N° Lexbase : L2289ABE). Jusqu'à concurrence de l'indemnité qu'il a payée, l'ONIAM est subrogé dans les droits et actions de la victime contre les responsables du dommage (C. santé pub., art. L. 3111-9 N° Lexbase : L8298GTI).

II - Règles spécifiques de la contamination du VIH : décret n° 93-74 du 18 janvier 1993

La présomption d'imputabilité signifie que tout accident survenu au temps et au lieu de travail est présumé bénéficier de la qualification juridique d'accident du travail (et aussi de maladie professionnelle), sans que la victime, contrairement au droit commun de la responsabilité civile, ne supporte la charge de la preuve. En contrepartie, la réparation est forfaitaire, et non intégrale (principe dit du 'compromis de 1898'). La transmission du virus du SIDA met à mal le bénéfice de cette présomption d'imputabilité, car elle peut être aussi bien due aux conditions de travail qu'à la vie personnelle menée par la victime.

Pour régler cette difficulté, le pouvoir réglementaire a posé des règles simples destinées à contourner de telles difficultés (A). Mais la Cour de cassation autorise la victime à se prévaloir du principe de l'imputabilité, alors même que les conditions posées par le décret du 18 janvier 1993 ne sont pas respectées. La solution est bien sûr favorable aux victimes, mais la solution s'impose : par principe, la contamination est réputée être due aux conditions de travail, non aux accidents de la vie personnelle du salarié.

A - Le principe posé par le décret n° 93-74 du 18 janvier 1993

En l'espèce, la caisse primaire d'assurance maladie a refusé de prendre en charge sa contamination au titre des accidents du travail, en faisant valoir que n'avait pas été pratiqué, dans le délai de sept jours prévu par le décret n° 93-74 du 18 janvier 1993, un test visant à déterminer son statut sérologique au regard de la contamination par le VIH.

L'employeur, qui se pourvoyait en cassation, invoquait qu'aux termes du décret n° 93-74 du 18 janvier 1993, si l'infection par le virus de l'immunodéficience humaine est prise en charge au titre de la législation des accidents du travail comme conséquence d'un fait accidentel se produisant aux temps et lieu de travail et contaminant eu égard aux circonstances dans lesquelles il survient, il est nécessaire, pour que la séroconversion puisse être rattachée à l'accident, qu'avant le huitième jour qui a suivi celui-ci une sérologie négative ait été constatée et qu'à intervalle et dans un délai fixé par arrêté de même date, un suivi sérologique de la victime ait été réalisé. Aussi, pour l'employeur, il résulte a contrario de ces prescriptions impératives qu'à défaut, la séroconversion ne peut être rattachée à l'accident ni, partant, être prise en charge au titre de la législation des accidents du travail.

Il faut rappeler que le décret du 18 janvier 1993 (art. 1er) a ajouté au barème indicatif d'invalidité (mentionné à l'article R. 434-35 du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L0811HHI et à l'art. 29 § I du décret du 29 juin 1973 N° Lexbase : L7636G9P) des dispositions spécifiques liées à l'apparition du virus du SIDA dans les années 1980, influençant nécessairement la législation sur les accidents du travail.

Le pouvoir réglementaire a retenu comme principe qu'en cas d'infection par le virus de l'immunodéficience humaine, la prise en charge au titre de la législation des accidents du travail n'est envisagée uniquement comme conséquence d'un fait accidentel se produisant aux temps et lieu de travail et contaminant eu égard aux circonstances dans lesquelles il survient (par exemple, piqûre avec une aiguille souillée, projection inopinée de sang ou de liquides biologiques contaminés sur une muqueuse ou sur une plaie).

Le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité (CSS, art. L. 434-2, alinéa 1er N° Lexbase : L5264ADC). En outre, le décret du 18 janvier 1993 précise que l'évaluation de l'incapacité permanente tient compte des conséquences cliniques et psychologiques de la séroconversion et du taux sanguin de lymphocytes CD4 du patient. La date de séroconversion peut être retenue comme date de consolidation initiale.

Lorsque la sérologie VIH est positive, c'est-à-dire comprise entre 20 à 40 %, pour que la séroconversion puisse être rattachée à l'accident, il est nécessaire qu'avant le huitième jour qui a suivi celui-ci une sérologie négative ait été constatée et qu'à intervalle, et dans un délai fixé par arrêté signé des ministres chargés de la Santé et de la Sécurité sociale, un suivi sérologique de la victime ait été réalisé. C'est exactement la situation rencontrée par la victime dans l'arrêt rapporté. Enfin, lorsque le déficit immunitaire associé à l'infection par le VIH se traduisant par un taux de lymphocytes CD 4 compris entre 200 et 350 par millimètre cube (de 40 à 60 %) ou un taux de lymphocytes CD 4 inférieur à 200 par millimètre cube (de 60 à 100 %), ce déficit immunitaire doit être affirmé par deux examens successifs pratiqués à un mois d'intervalle.

B - Portée probatoire limitée du décret n° 93-74 du 18 janvier 1993

Par l'arrêt rapporté, la Cour de cassation, en rejetant le pourvoi formé par l'employeur, reconnaît bien à la maladie contractée par un salarié (VIH) le caractère de maladie professionnelle, laquelle s'était bien produit au temps et au lieu de travail.

En effet, le régime probatoire propre à la contamination du VIH, tel que défini par le décret du 18 janvier 1993, n'exclut pas du tout que le salarié victime d'une telle maladie dans de telles conditions, puisse supporter lui-même la charge de la preuve des conditions de la contamination, alors même qu'un décret paraissait faire obstacle à un tel renversement de la charge de la preuve.

Pour la Cour de cassation, l'inobservation des dispositions du décret n° 93-74 du 18 janvier 1993, qui ne sont pas prescrites à peine d'irrecevabilité de la demande en reconnaissance du caractère professionnel de l'accident, ne fait pas obstacle à ce que la victime puisse rapporter par d'autres moyens la preuve de ce que l'accident dont il a été victime est la cause de sa contamination.

La victime pourra utilement se prévaloir d'une jurisprudence civile récente, très proche de l'espèce rapportée. L'employé d'un service de ramassage des ordures, imputant sa contamination par le virus d'immunodéficience humaine à la piqûre d'une aiguille de seringue déposée dans un sac poubelle provenant d'un immeuble, il a été déduit l'existence d'un lien de causalité certain entre cette contamination et les fautes commises par le syndicat des copropriétaires et un médecin exerçant dans l'immeuble.

La Cour de cassation a relevé que, selon les experts médicaux, rien ne permettait d'exclure que la contamination soit due à la piqûre subie ; les circonstances de l'accident et l'évolution de la contamination établissaient des présomptions suffisamment graves précises et concordantes pour imputer la contamination à la piqûre ; si les seringues provenaient bien des déchets médicaux du médecin incorporés aux ordures ménagères des autres copropriétaires, l'accident ne se serait pas produit si les ordures ménagères de l'immeuble avaient été laissées dans le bac prévu à cet effet, pour être enlevées dans des conditions excluant toute manipulation autre que le bac lui-même (Cass. civ. 2, 2 juin 2005, n° 03-20.011, FS-P+B N° Lexbase : A5118DIE, Bull. civ. II n° 146 p. 131).

En tout état de cause, même si la charge de la preuve peut être supportée par la victime, parce que les conditions d'application du décret du 18 janvier 1993 ne sont pas remplies, le juge pourra solliciter l'avis d'un expert, permettant de confirmer l'imputabilité.

Là encore dans une affaire très proche, la Cour de cassation a relevé que la victime d'un accident du travail à la suite duquel il a subi une transfusion sanguine, consolidé en octobre 1985, avait demandé que soit prise en charge, au titre de la législation professionnelle, la séropositivité VIH avec thrombopénie découverte chez lui en février 1988. Le juge du fond avait conclu que l'avis de l'expert, selon lequel la pathologie considérée est la conséquence directe et indiscutable de l'accident du travail, ne s'impose pas. Mais, selon la Cour de cassation, s'agissant d'une difficulté d'ordre médical dont dépendait la solution du litige, et si le juge du fond estimait que les conclusions de l'expert technique n'étaient pas claires et précises, il lui appartenait d'ordonner un complément d'expertise, à défaut de quoi l'avis de l'expert s'imposait aux parties qui n'avaient formé aucune demande de nouvelle expertise (Cass. soc., 18 janvier 1996, n° 93-19.017, M. Antoine Romero c/ Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Bouches-du-Rhône, service contentieux et autres, inédit au bulletin N° Lexbase : A2191CW3).

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