Jurisprudence : Cass. com., 09-07-2002, n° 98-22.284, F-D, Rejet



COMM.
JL
COUR DE CASSATION
Audience publique du 9 juillet 2002
Rejet
M. DUMAS, président
Pourvoi n° W 98-22.284
Arrêt n° 1395 F D
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant

Sur le pourvoi formé par

1°/ la société Brabo distribution, société anonyme, dont le siège est Pantin,

2°/ la société Brabo food distribution, société anonyme, dont le siège est Le Thillay,

3°/ la société Soficap, société anonyme, dont le siège est Paris et actuellement Pantin,

4°/ M. Christophe W, pris en sa qualité de commissaire à l'exécution des sociétés Soficap et Brabo distribution, demeurant Paris,

5°/ M. Jacques V, pris en sa qualité de représentant des créanciers des sociétés Soficap et Brabo distribution, demeurant Bobigny,
en cassation d'un arrêt rendu le 10 septembre 1998 par la cour d'appel de Versailles (12e chambre, 2e section), au profit de la société Charlier Brabo groupe NV, dont le siège est Kronenburstraat 55-63, B 2006 Antwerpen (Belgique),
défenderesse à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 4 juin 2002, où étaient présents M. Dumas, président, Mme Betch, conseiller rapporteur, M. Métivet, conseiller, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Betch, conseiller, les observations de la SCP Delaporte et Briard, avocat des sociétés Brabo distribution, Brabo food distribution, Soficap et de MM. W et V, ès qualités, de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la société Charlier Brabo groupe NV, les conclusions de M. Viricelle, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, (Versailles, 10 septembre 1998) que par divers actes sous seing privé du 5 octobre 1990, la société de droit belge Charlier Brabo group (la société CBG) a vendu à la société Soficap, (la Soficap) la totalité des parts sociales qu'elle détenait dans deux de ses filiales, les société Brabo distribution (la société BD) et Brabo confiserie devenue depuis lors Brabo food distribution (la société BFD) et a conclu avec celles-ci un protocole d'accord commercial destiné à constituer un cadre temporaire à la distribution sur le territoire français des produits de marque Dole et Leaf-Vrac dont la société Charlier Brabo group était le représentant exclusif en vertu des contrats de distribution qu'elle avait directement conclus avec les sociétés Dole et Leaf ; qu'ainsi, dans le cadre de ce protocole, CBG et BFD ont conclu un contrat de sous distribution à compter du 1er janvier 1991 qui a été renouvelé le 7 avril 1995 avec possibilité de résiliation unilatérale à tout moment et préavis de trois mois sans indemnité de part et d'autre ; qu'un autre contrat a été conclu en octobre 1990 avec la société BD concernant la distribution des produits Leaf-Vrac pour une durée de trois années et trois mois ; que ce contrat, une fois renouvelé, a pris fin à compter du 1er janvier 1996 ; que les sociétés Soficap, BD et BFD ont assigné la société CBG pour violation de la garantie du fait personnel en soutenant que CBG avait réduit l'étendue et la pérennité de leurs droits sur l'activité Leaf et avait démissionné de son droit au respect de l'exclusivité sur les contrats Dole ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches
Attendu que les sociétés Soficap, BD et BFD reprochent à l'arrêt d'avoir rejeté leurs demandes, alors, selon le moyen
1°/ que si, en matière de cession de droits sociaux, l'action en garantie d'éviction appartient au cessionnaire, la société dont les droits ont été cédés peut s'associer à la demande en garantie du cessionnaire aux fins de voir condamner le cédant à exécuter ses engagements contractuels à son égard ; qu'en l'espèce, l'action en garantie d'éviction ayant été exercée par la société Soficap, action à laquelle s'étaient associées les sociétés Brabo distribution et Brabo food distribution, la cour d'appel ne pouvait énoncer que la société Soficap n'était pas "recevable à agir pour le compte de ses filiales" et ne pouvait revendiquer la garantie d'éviction qu'à son seul profit ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 1121 et 1628 du Code civil ;
2°/ que la stipulation pour autrui confère immédiatement un droit au tiers au profit duquel elle a lieu ; qu'en s'abstenant de rechercher, bien qu'y ayant été expressément invitée, s'il ne résultait pas de la commune intention des parties telle qu'exprimée dans les conventions signées le 5 octobre 1990 que le respect par la Charlier Brabo group, société cédante, des engagements ainsi mis à sa charge par les protocoles d'accord et qui constituaient l'objet de la garantie d'éviction due au cessionnaire, la société Soficap, n'avait pas été stipulé au profit des sociétés Brabo distribution et Brabo food distribution dont les droits sociaux avaient été cédés, de sorte que celles-ci avaient qualité pour réclamer directement à la société Charlier Brabo group l'exécution de ses engagements dans le cadre de la garantie d'éviction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1121 et 1628 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel a décidé à bon droit que seule la société Soficap, cessionnaire unique des parts sociales des sociétés BD et BFD, avait qualité pour rechercher la garantie de la société CBG sur le fondement de l'article 1628 du Code civil ;
Attendu, en second lieu, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni de leurs conclusions que les sociétés Soficap, BD et BFD aient soutenu devant la cour d'appel les prétentions qu'elles font valoir au soutien de la seconde branche du moyen ; que celui-ci est nouveau et mélangé de fait et de droit ;
D'où il suit que le moyen irrecevable en sa seconde branche, n'est pas fondé en sa première branche ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches et sur le troisième moyen pris en ses deux branches, les moyens étant réunis
Attendu que les sociétés Soficap, BD et BFD font le même reproche à l'arrêt, alors, selon le moyen
1°/ que les agissements du cédant, tenu de la garantie d'un fait qui lui est personnel, doivent avoir pour effet d'appauvrir la consistance du bien cédé sans pour autant que l'acquéreur soit nécessairement placé dans l'impossibilité de réaliser l'objet social de la société dont les droits sociaux ont été cédés ; qu'en énonçant qu'en matière de cession de droits sociaux, la mise en oeuvre de la garantie d'éviction était subordonnée à la mise en oeuvre "d'actes de nature à constituer des reprises ou des tentatives de reprise du bien vendu et d'atteintes aux activités cédées telles qu'elles empêchent l'acquéreur de poursuivre l'activité économique de la société ainsi que de réaliser l'objet social et que tel n'étant pas le cas en l'espèce, la société Charlier Brabo group ne pouvait être tenue à garantie, la cour d'appel a violé l'article 1628 du Code civil ;
2°/ qu'aux termes de l'article 1628 du Code civil, quoi qu'il soit dit que le vendeur ne sera soumis à aucune garantie, il demeure cependant tenu de celle qui résulte d'un fait qui lui est personnel toute convention contraire est nulle ; qu'en énonçant qu'il ne pouvait être reproché à la société Charlier Brabo group des faits d'éviction dès lors que la société Soficap savait que les conventions conclues le 5 octobre 1990 avaient été contractées "sans garantie de durée ou pour une durée limitée, ne s'était vue conférer droit à leur pérennité et ne pouvait poursuivre la garantie d'éviction au titre de charges déclarées lors de la vente", alors que la garantie de la société Charlier Brabo group en sa qualité de cédante, était recherchée à raison de son fait personnel et qu'ainsi toutes les clauses tendant à exonérer ou limiter le cédant de sa garantie à raison de son fait, personnel devaient nécessairement être privées de tout effet, la cour d'appel a violé l'article 1628 du Code civil ;
3°/ que dans leurs conclusions d'appel signifiées le 23 janvier 1997, les sociétés appelantes avaient fait valoir que "le préjudice lié à la reprise de l'activité Leaf "Vrac" s'était aggravé par la contamination des activités connexes, la société Brabo distribution commercialisant conjointement aux billes de gommes à mâcher, des gadgets pour appareils distributeurs ; que dès lors pour la seule année 1996, cette société avait déjà enregistré une perte de chiffre d'affaires de 1 431 000 francs qui s'était accompagnée d'une forte dégradation de la marge ; qu'il avait été également soutenu, que les agissements de la société Charlier Brabo group avaient eu pour effet de placer la société Soficap dans l'impossibilité de faire face au remboursement des emprunts souscrits pour l'acquisition des actions, rendant ainsi inéluctable le dépôt de bilan ; qu'en énonçant que "la résiliation du contrat de distribution des produits Leaf "Vrac" n'avait présenté en 1995 que 6,23 % du chiffre d'affaires total de la société Brabo distribution et 11,83 % et 11 % de celui des deux années précédentes" sans répondre aux conclusions précitées, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
4°/ qu'en matière de résiliation de contrat de sous-distribution le respect du délai contractuel de préavis n'est pas en soi exclusif de tout abus dès lors qu'il résulte des conditions dans lesquelles la convention avait été conclue que le sous-distributeur était en droit de compter sur une certaine pérennité de la relation contractuelle ; qu'en écartant toute faute imputable à la société Charlier Brabo group au seul motif celle-ci avait respecté le délai de préavis contractuellement convenu, sans rechercher, bien qu'y ayant été expressément invitée, si le caractère abusif de la rupture du contrat de sous-distribution conclu avec la société Brabo distribution ne résultait pas de ce que celle-ci, initialement privée du droit de conclure à compter du 1er janvier 1996 un contrat de distribution avec la société Leaf avait été ensuite évincée, malgré l'ancienneté de ses relations contractuelles, du secteur de la distribution de la gomme à mâcher, au seul profit de la société Charlier Brabo group qui, parallèlement, mettait en place une nouvelle structure de sous-distribution par la constitution d'une succursale bénéficiant alors du contrat principal de distribution conclu avec la société Leaf, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
5°/ que le caractère abusif de la rupture d'un contrat de sous-distribution peut résulter de ce que la branche d'activité ainsi retranchée au profit du distributeur, s'inscrivait dans un ensemble économique et financier initialement élaboré et qui s'est trouvé dès lors gravement déséquilibré par la résiliation du contrat ; qu'en s'abstenant de rechercher, bien qu'y ayant été expressément invitée, si la résiliation du contrat de sous-distribution conclu le 9 décembre 1993 avec la société Brabo distribution n'avait pas été dictée dans le seul but de déséquilibrer l'ensemble des activités de distribution de cette société, la perte du marché des gommes à mâcher conduisant à la perte concomitante des marchés connexes, ce qui ne pouvait ignorer la société Charlier Brabo group et qu'ainsi la résiliation du contrat précité présentait un caractère abusif car effectué sciemment au détriment des intérêts de la société Brabo distribution, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu que s'agissant de la cession des actions d'une société, la cour d'appel a relevé à bon droit que la mise en oeuvre de la garantie d'éviction est subordonnée à l'existence d'actes de nature à constituer des reprises ou des tentatives de reprise du bien vendu ou d'atteintes aux activités telles qu'elles empêchent l'acquéreur de poursuivre l'activité économique de la société ainsi que de réaliser l'objet social et que tel n'était pas le cas, le contrat Dole exploité par la société BFD se poursuivant encore et la société Soficap ne rapportant pas la preuve lui incombant dès lors que la résiliation du contrat "Leaf-Vrac" n'avait représenté en 1995 qu'un pourcentage réduit du chiffre d'affaires de la société BD ; que l'arrêt retient encore que le caractère limité dans la durée des contrats de sous distribution conclus entre CBG, BD et BFD constituait une charge déclarée lors de la vente des parts sociales à Soficap ; que CBG s'est conformée au respect des conventions conclues avec les sociétés BD et BFD ; que le contrat de distribution concernant les produits "Dole" n'a pas été rompu ; que le contrat concernant les produits "Leaf-Vrac"l'a été par la propre faute du sous distributeur et qu'aucune faute aussi minime soit-elle, contractuelle ou délictuelle, ne peut être imputée à CBG ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel, répondant aux conclusions prétendument délaissées, a légalement justifié sa décision et a pu statué comme elle a fait ;

D'où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;

PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les demandeurs aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne les sociétés Brabo distribution, Brabo food distribution et Soficap, MM. W et V, commissaire à l'exécution du plan et représentant des créanciers des sociétés Soficap et Brabo distribution à payer à la société Charlier Brabo groupe NV la somme globale de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille deux.

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