La lettre juridique n°218 du 8 juin 2006

La lettre juridique - Édition n°218

Éditorial

Salariés sur écoute : le difficile équilibre entre droits et libertés

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N9295AKH

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

Le 27 Mars 2014


En janvier dernier, l'affaire défrayait la chronique : une enseigne de supermarchés employait des agents de sécurité aux fins de surveiller salariés et syndicalistes, par l'intermédiaire d'écoutes téléphoniques, de caméras cachées, de filatures... Le procédé peut paraître fallatieux, mais il est, en fait, de plus en plus répandu -ou du moins, le contentieux afférent à la surveillance des salariés est en constante progression-. Comme le souligne Marie Cousin, dans un article paru dans L'Express du 9 mai 2006, Nouvelles technologies Salariés sous haute surveillance, "nous sommes entrés dans 'l'ère du contremaître virtuel'" : si les bonnes vieilles méthodes de pointage, de contrôle de l'intégrité du salarié et des arrêts de travail, n'ont jamais cessé d'exister -productivité salariale accrue oblige-, l'heure est assurément à la surveillance de l'activité professionnelle via l'internet, la géolocalisation ou la biométrie. Dans une conférence organisée par l'Association pour le développement de l'informatique juridique (ADIJ), sur le droit du travail et les nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC), le 7 mars dernier, Jean-Emmanuel Ray, Professeur à l'Université de Paris I et à l'Institut d'études politiques de Paris, insistait sur le fait que le recours de plus en plus systématique aux nouvelles technologies avait des incidences considérables sur le rapport salarial. Il est nécessaire d'établir "un équilibre" entre la vie privée des salariés et le besoin de sécurité de l'employeur. La cybersurveillance est un sujet très délicat pour les employeurs. En effet, l'employeur qui contrôle ses salariés par la voie des NTIC et les sanctionne à la suite de comportements litigieux, se voit très souvent condamné par les tribunaux. Les arguments invoqués par la défense, comme l'absence d'information du salarié et celle du comité d'entreprise de l'établissement, entraînent l'inopposabilité de la preuve. C'est l'argument invoqué par le Syndicat Sud Télécom Paris à l'encontre de France Télécom qui avait remis à certains salariés de sa direction régionale de Paris une fiche intitulée "suivi d'écoute discrète phase 1", incluse dans un dispositif permettant aux managers d'écouter les conversations téléphoniques des salariés avec les clients et de surveiller leurs propos. L'affaire ayant été portée devant les tribunaux (TGI Paris, 4 avril 2006), les éditions juridiques Lexbase vous proposent de lire, cette semaine, la chronique de Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV. A travers son commentaire, Obligations de l'employeur en cas de mise en place d'un dispositif d'écoutes téléphoniques, l'auteur rappelle qu'il ne saurait être contesté que l'employeur dispose, à l'égard de ses salariés, d'un pouvoir de surveillance et de contrôle qui découle du contrat de travail et, plus particulièrement, du lien de subordination qui le caractérise. Mais, l'exercice de ce pouvoir, limité au temps et au lieu de travail, ne saurait, toutefois, porter une atteinte trop importante aux droits et libertés des salariés. Il appartient donc à la jurisprudence d'encadrer peu à peu l'utilisation des technologies (anciennes et nouvelles) aux fins d'une surveillance efficace et légitime de l'activité salariale, dans le respect des libertés des salariés. Le thème est d'actualité ; et l'on en veut pour preuve le rapport de la Cour de cassation pour 2005, qui s'attache, plus particulièrement cette année, aux impacts juridiques de l'innovation technologique. En attendant, un panorama commenté par les Hauts magistrats de la cybersurveillance des salariés, Lexbase Hebdo - édition sociale vous propose un dossier spécial sur la jurisprudence de la Cour de cassation rendue en 2005 à la lumière du rapport de la Cour de cassation, en matière sociale.

newsid:89295

Rapport de la Cour de cassation pour 2005

[Focus] La jurisprudence de la Cour de cassation rendue en 2005 à la lumière du rapport de la Cour de cassation : social général (1ère partie)

Réf. : Rapport de la Cour de cassation pour 2005

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N9294AKG

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 07 Octobre 2010

En raison de la récente diffusion, sur le site Internet de la Cour de cassation, de son rapport annuel 2005, Lexbase Hebdo - édition sociale vous propose, cette semaine, de retrouver, dans ses colonnes, les commentaires des éclairages apportés par la Cour sur les arrêts ayant marqué l'année 2005. Une série de six articles vous est donc proposée, balayant la jurisprudence sociale rendue en matière de relations individuelles de travail, de relations collectives de travail et, enfin, de Sécurité sociale.
  • Cass. soc., 23 février 2005, n° 03-42.018, M. Bernard Fort Cros c/ M. Bernard Sanchez, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A8789DGM) ; Cass. soc., 23 février 2005, n° 04-45.463, Société Leviel c/ Mme Valérie Caulier, F-P+B+R+I (N° Lexbase : A8816DGM), lire nos obs., La bonne foi de l'employeur et la mise en oeuvre de la clause de mobilité, Lexbase Hebdo n° 158 du 10 mars 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N4888ABN)

Dans ces deux arrêts, la Cour de cassation avait affirmé que "la bonne foi contractuelle étant présumée, les juges n'ont pas à rechercher si la décision de l'employeur de modifier les conditions de travail d'un salarié (ou de mettre en oeuvre une clause de mobilité) est conforme à l'intérêt de l'entreprise, [...] il incombe au salarié de démontrer que cette décision a, en réalité, été prise pour des raisons étrangères à cet intérêt, ou bien qu'elle a été mise en oeuvre dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle".

Certaines interrogations subsistaient à la lecture de ces décisions.

Les premières concernaient le contenu exact de la notion d'intérêt de l'entreprise et, singulièrement, les comportements de l'employeur qui apparaîtraient contraires à cette exigence.

Le rapport livre, ici, quelques éclaircissements en visant "l'intention d'évincer en fait un salarié de son emploi", c'est-à-dire le détournement de pouvoirs. L'apport est mince, mais il appartiendra aux juges du fond de déterminer d'autres hypothèses concrètes.

Les secondes interrogations concernaient l'attribution du risque de la preuve du caractère abusif de ces mesures. Si la solution semblait conforme au principe de bonne foi contractuelle qui irrigue le droit tout entier, nous avions souligné que la solution pouvait mettre le juge devant une forme de paradoxe dès lors que le litige, lié soit à la mise en oeuvre du pouvoir de direction de l'employeur (changement dans les conditions de travail), soit à la mise en oeuvre d'une clause de mobilité, devait se régler dans le cadre du licenciement, ce qui sera, en pratique, toujours le cas.

La solution retenue dans ces arrêts aboutit, en effet, à faire supporter au salarié le risque de la preuve, le doute devant profiter à l'employeur. Or, lorsqu'il statue sur la cause réelle et sérieuse du licenciement, le juge est obligé de respecter les termes clairs et précis de l'article L. 122-14-3, alinéa 2, du Code du travail (N° Lexbase : L5568AC9), en vertu duquel le doute doit profiter au salarié.

Or, sur ce deuxième point, le rapport est malheureusement muet. Nous persistons à penser que si le salarié conteste le bien-fondé de son licenciement, après un refus d'un changement dans les conditions de travail ou d'une clause de mobilité, le doute devra lui profiter, conformément aux règles spéciales qui prévalent en droit du licenciement.

  • Cass. soc., 20 avril 2005, n° 03-40.069, M. Jean-Paul Dobel c/ Société Honeywell Garrett, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A9302DHY), lire nos obs., Pas de compensation sans dette compensable, Lexbase Hebdo n° 165 du 28 avril 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N3600AI8)

Dans cet arrêt, la Cour de cassation avait affirmé que "la responsabilité pécuniaire d'un salarié à l'égard de son employeur ne peut résulter que de sa faute lourde, même en ce qui concerne le droit à compensation prévu à l'article L. 144-1 du Code du travail".

Nous avions pleinement approuvé cette décision qui rappelle aux employeurs que la compensation constitue un mécanisme de paiement de la dette, et que l'article L. 144-1 du Code du travail (N° Lexbase : L5778ACY), qui ne concerne que la compensation avec les gains et salaires du salarié, n'a ni pour objet, ni pour effet d'instaurer un mécanisme de responsabilité particulier qui dérogeait à l'exigence d'une faute lourde commise par le salarié pour engager sa responsabilité civile contractuelle.

Sans revenir à proprement parler sur la justification de la solution finalement retenue, la Cour de cassation profite de l'occasion qui lui est donnée pour préciser dans quelles hypothèses la faute du lourde du salarié ne sera pas exigée. Il s'agit des hypothèses dans lesquelles le salarié a encaissé des sommes pour le compte de son employeur, "et plus généralement les choses mises à sa disposition pour les besoins de son activité professionnelle, comme par exemple, une voiture de fonction, un téléphone portable ou un équipement informatique" ; dans ces hypothèses, le salarié est tenu "de les restituer [...] et, en cas de refus, engage sa responsabilité même sans faute lourde" (Cass. soc., 19 novembre 2002, n° 00-46.108, FS-P+B+R sur le deuxième moyen N° Lexbase : A0492A4Y).

Comme nous l'avions indiqué à l'époque, cette différence s'explique par le fait que, dans la première hypothèse, c'est l'exécution de la prestation principale du salarié qui est en cause, alors que, dans la seconde, on se trouve face à une convention accessoire, en l'occurrence un contrat de prêt ou de dépôt, qui ne bénéficie donc pas de l'immunité reconnue au salarié depuis 1958.

  • Cass. soc., 20 avril 2005, n° 03-41.802, Compagnie IBM France c/ M. Michel Chatard, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A9303DHZ), lire nos obs., Information des salariés et usage de l'intranet, Lexbase Hebdo n° 166 du 4 mai 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N3898AI9)

Dans cette affaire, la Cour de cassation avait affirmé que "si l'employeur peut porter à la connaissance de ses salariés les emplois disponibles par voie de communication électronique, notamment sur le réseau intranet de l'entreprise, il est tenu, en application de l'article L. 212-4-9 du Code du travail (N° Lexbase : L9588GQ8), de procéder à une diffusion spécifique concernant les emplois pouvant correspondre à la catégorie professionnelle, ou à un emploi équivalent, des salariés à temps partiel souhaitant occuper un emploi à temps complet, ou des salariés à temps complet souhaitant un emploi à temps partiel".

Selon le rapport annuel, "le recours aux nouvelles techniques d'information et de communication est clairement admis par la chambre sous réserve d'assurer une information individualisée du salarié, lui permettant d'exercer dans les meilleures conditions son droit de priorité", reprenant ainsi une différence entre information collective, réalisée par l'accès à l'intranet, et l'information individuelle qui doit nécessairement faire l'objet d'une diffusion ciblée. L'intranet peut donc jouer le rôle d'une large base de données, mais c'est bien encore l'homme, et lui seul, qui demeure débiteur d'une information individualisée.

  • Cass. soc., 21 juin 2005, n° 02-42.658, Mme Claude Pichery c/ Association gestionnaire de la crèche Coste-Belle, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A7983DII), lire nos obs., La justification des inégalités de rémunération, Lexbase Hebdo n° 174 du 30 juin 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N6023AIW)

Dans cette affaire, la Cour de cassation avait admis une entorse au principe "à travail égal, salaire égal", et considéré que "le fait pour un employeur, confronté à la nécessité, pour éviter la fermeture de la crèche par l'autorité de tutelle, de recruter de toute urgence une directrice qualifiée pour remplacer la directrice en congé-maladie".

La solution nous avait semblé remarquable dans la mesure où elle montrait le réalisme de la Cour de cassation, soucieuse de permettre aux entreprises de tirer les conséquences des fluctuations du marché de l'emploi, notamment lorsqu'est en cause la sauvegarde de l'entreprise.

Dans le rapport annuel, la Cour de cassation insiste, tout d'abord, sur la volonté de se conformer à la jurisprudence communautaire, et singulièrement à un arrêt rendu le 27 octobre 1993 par la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE, 27 octobre 1993, aff. C-127/92, Dr. Pamela Mary Enderby c/ Frenchay Health Authority et Secretary of State for Health N° Lexbase : A0066AWD) concernant l'égalité de rémunération entre travailleurs masculins et féminins, arrêt qui énonce "qu'il appartient à la juridiction nationale qui est seule compétente pour apprécier les faits de déterminer, en appliquant si nécessaire le principe de proportionnalité, si et dans quelle mesure la pénurie de candidats à une fonction et la nécessité de les attirer par des salaires plus élevés constitue une raison économique objectivement justifiée de la différence de rémunération entre deux fonctions de valeur égale".

Désormais, il conviendra donc d'être extrêmement vigilent dans l'examen de la jurisprudence de la Cour de Luxembourg dans la mesure où la chambre sociale semble, ici, considérer qu'il suffit que la Cour ait dit pour que la solution soit justifiée en droit interne...

  • Cass. soc., 1er décembre 2005, n° 03-47.197, Société Transports de tourisme de l'océan, OCECARS c/ M. Jean-Pierre Gandon, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A8452DLM), lire nos obs., Le principe "A travail égal, salaire égal" impuissant à réduire les inégalités résultant du passage aux 35 heures, Lexbase Hebdo n° 193 du 7 décembre 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N1672AK7)

Dans cet arrêt, la Cour de cassation a considéré comme justifiée l'atteinte au principe "à travail égal, salaire égal", dans la mesure où la perception par certains salariés d'une garantie mensuelle de rémunération conventionnelle était destinée à éviter la réduction de leur rémunération, à l'occasion de la réduction de la durée légale du travail.

La Cour reprend dans le rapport l'ensemble du "dossier 35 heures" pour justifier la nécessité d'éviter aux salariés recrutés sur une base "39 heures" la baisse de leur rémunération à l'occasion du passage aux 35 heures. Elle ajoute, comme élément supplémentaire de justification, "que, compte tenu des dispositions de l'article 32-VI de la loi Aubry II, une solution contraire aurait abouti à créer une inégalité de traitement entre salariés à temps partiel et salariés à temps complet".

Ce texte dispose que, "sous réserve des dispositions du II, lorsque les salariés dont la durée du travail a été réduite perçoivent le complément prévu au I du présent article ou un complément de même nature destiné à assurer le maintien de tout ou partie de leur rémunération en application des stipulations d'une convention ou d'un accord collectif étendu ou d'une convention ou d'un accord d'entreprise ou d'établissement, ce complément n'est pas pris en compte pour déterminer la rémunération des salariés à temps partiel telle que définie au troisième alinéa de l'article L. 212-4-5 du Code du travail, sauf stipulation contraire de l'accord collectif".

L'article L. 212-4-5 du Code du travail (N° Lexbase : L5847ACK) affirme, en effet, le principe de l'égalité de rémunération entre les salariés à temps plein et les salariés à temps partiel, ces derniers devant recevoir une rémunération proportionnelle au nombre d'heures effectuées. Or, l'article 32-VI de la loi Aubry II (N° Lexbase : L0988AH3) exclut de la base de comparaison le complément différentiel de rémunération accordé aux salariés passés aux 35 heures. Les salariés embauchés à temps partiel, postérieurement aux 35 heures, ne percevront donc pas la fraction de ce complément différentiel qui demeure réservée aux seuls salariés embauchés sous l'empire des 39 heures. Si la Cour de cassation avait autorisé les salariés embauchés à temps plein, après le passage aux 35 heures, à bénéficier de la même rémunération que les salariés embauchés sur une base 39 heures, une nouvelle discrimination serait donc apparue entre les salariés embauchés à temps plein, et qui auraient bénéficié également de la GMR par l'application du principe "à travail égal, salaire égal", et les salariés à temps partiel qui s'en trouvent légalement exclus par l'application de l'article 32-VI de la loi du 19 janvier 2000.

La solution maintient donc une différence de traitement justifiée (par le désir de maintenir les rémunérations à leur niveau antérieur) pour prévenir une différence de traitement injustifiée (entre salariés embauchés après passage aux 35 heures, les salariés à temps plein percevant les GMR, les salariés à temps partiel n'y ayant pas droit de manière proportionnelle).

  • Cass. soc., 9 novembre 2005, n° 03-47.720, Société European synchrotron radiation facility (ESRF) c/ M. Marc Diot, FS-P+B (N° Lexbase : A5949DLW), lire nos obs., Nouvelle illustration d'une différence de traitement justifiée en matière de rémunération, Lexbase Hebdo n° 191 du 24 novembre 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N1188AK9)

Dans cet arrêt, la Cour de cassation justifie une différence de traitement entre salariés, sur un critère pourtant fondé sur la nationalité, dans la mesure où "cette inégalité vise non seulement à compenser les inconvénients résultant de l'installation d'un individu et de sa famille en pays étranger, mais aussi à faciliter l'embauche des salariés ressortissants non français des parties contractantes afin de contribuer à la création d'un pôle d'excellence scientifique international".

Nous avions approuvé cette décision, comme toutes les autres d'ailleurs qui permettent à l'entreprise de lutter sur le marché de l'emploi en pratiquant des politiques de recrutement attractives, tout en faisant remarquer que la Cour ne s'était pas arrêtée au critère apparent d'attribution de la prime, fondé sur la nationalité, mais à la cause réelle de son versement, en l'occurrence la volonté d'attirer des chercheurs étrangers.

C'est exactement ce que confirme le rapport. La Cour de cassation précise en effet que le critère d'attribution conventionnel avait en réalité été mal formulé : "il est apparu à la Chambre sociale, comme d'ailleurs au conseil de prud'homme ayant statué en premier ressort, qu'en réalité la formulation de la condition mise à l'octroi d'une prime d'expatriation procédait davantage d'une terminologie maladroite que d'une véritable discrimination fondée sur la nationalité. En effet les termes des accords internationaux et des statuts de la société du synchrotron faisaient clairement apparaître que la seule finalité de l'octroi de cette prime d'expatriation était de compenser les inconvénients résultant de l'installation d'un individu et de sa famille en pays étranger et de faciliter l'embauche des salariés ressortissants non français des parties contractantes afin de contribuer à la création d'un pôle d'excellence scientifique international, ce qui constituait une raison objective étrangère à toute discrimination en raison de la nationalité".

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Rel. collectives de travail

[Jurisprudence] Obligations de l'employeur en cas de mise en place d'un dispositif d'écoutes téléphoniques

Réf. : TGI Paris, 4 avril 2006, n° RG 05/18400, Syndicat Sud Télécom Paris c/ SA France Télécom (N° Lexbase : A6828DPL)

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N9155AKB

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Le 07 Octobre 2010

Il ne saurait être contesté que l'employeur dispose, à l'égard de ses salariés, d'un pouvoir de surveillance et de contrôle qui découle du contrat de travail et, plus particulièrement, du lien de subordination qui le caractérise. L'exercice de ce pouvoir, limité au temps et au lieu de travail, ne saurait, toutefois, porter une atteinte trop importante aux droits et libertés des salariés. Plus précisément, et conformément aux prescriptions de l'article L. 120-2 du Code du travail (N° Lexbase : L5441ACI), l'employeur ne peut apporter aux droits et libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnées au but recherché. Ce principe de proportionnalité trouve, ainsi, à s'appliquer lorsque sont mises en place des mesures de contrôle ou d'évaluation du personnel ou, encore, un dispositif destiné à recueillir des informations sur les salariés. En outre, et parce qu'il ne peut y avoir de contrôle licite sans un minimum de transparence et de loyauté, l'employeur est tenu à une exigence d'information à l'égard des salariés et de leurs représentants et à une obligation de déclaration auprès de la Commission nationale Informatique et Libertés (Cnil). Il reste que le champ d'application de cette double exigence d'information et de déclaration peut prêter à discussions. Il en était ainsi dans l'affaire ayant donné lieu à une intéressante décision du tribunal de grande instance de Paris, en date du 4 avril 2006 (TGI Paris, 4 avril 2006, n° RG 05/18400, Syndicat Sud Télécom Paris c/ SA France Télécom). Etait, en l'espèce, concernée la société France Télécom, divisée en 31 "directions régionales". Au mois d'avril 2005, France Télécom avait remis à certains salariés de sa direction régionale de Paris une fiche intitulée "suivi d'écoute discrète phase 1", incluse dans un dispositif permettant aux managers d'écouter les conversations téléphoniques des salariés avec les clients et de surveiller leurs propos.

Ce dispositif n'ayant pas été déclaré auprès de la Cnil et n'ayant donné lieu à aucune information préalable des représentants du personnel, le syndicat Sud Télécom Paris a saisi le juge aux fins de dire que le dispositif d'écoutes téléphoniques était illicite quant aux objectifs poursuivis. De plus, en l'absence de déclaration à la Cnil, il réclamait la suspension de l'application de ce même dispositif dans l'attente de la déclaration auprès de la Cnil et de l'information-consultation régulière du comité d'établissement de la direction régionale de Paris (1). Pour sa défense, la société employeur soutenait que la mise en place des écoutes avait été réalisée "dans une optique de formation des téléopérateurs" et que, partant, elle n'était pas assujettie à déclaration préalable.

Les juges du fond ont partiellement fait droit aux demandes du syndicat, en suspendant l'application du dispositif d'écoutes téléphoniques, dans l'attente de la déclaration auprès de la Cnil et de l'information-consultation régulière du comité d'établissement. Pour ce faire, les juges parisiens ont relevé que le document de synthèse de l'écoute, auquel est affecté un coefficient diminuant ou augmentant le montant de la part variable de ventes, concourt à la détermination de la rémunération. Par suite, "la grille d'écoute constitue ainsi une collecte de données et démontre que les éléments recueillis sont conservés, analysés et utilisés, ce qui constitue une opération rentrant dans le champ d'application de l'obligation de déclaration à la Cnil pour le traitement automatisé de données à caractère personnel". Si la décision du TGI de Paris apparaît, de ce point de vue, justifiée (1), il n'en va pas véritablement de même au regard de l'obligation faite à la société de consulter le comité d'établissement (2).

1. Champ d'application de l'obligation de déclaration à la Cnil

  • Principes

En application de la loi "informatique et libertés" du 6 janvier 1978 (loi n° 78-17, relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés N° Lexbase : L8794AGS), telle que modifiée par la loi du 6 août 2004 (loi n° 2004-801, relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés N° Lexbase : L0722GTW) (2), les traitements automatisés de données à caractère personnel doivent faire l'objet d'une déclaration préalable auprès de la Cnil (loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, article 22) (3). Ce dernier texte est, de manière opportune, venu préciser le champ d'application de la loi en question (v., sur cette réforme, S. Vulliet-Tavernier, Après la loi du 6 août 2004 : nouvelle loi "informatique et libertés", nouvelle Cnil ?, Dr. soc. 2004, p. 1055).

Sont soumis à la loi les traitements de données à caractère personnel dont le responsable est établi sur le territoire français, ou bien recourt à des moyens de traitement situés sur le territoire français (4). Constitue une donnée à caractère personnel, "toute information relative à une personne physique identifiée ou qui peut être identifiée, directement ou indirectement, par référence à un numéro d'identification ou à plusieurs éléments qui lui sont propres. Pour déterminer si une personne est identifiable, il convient de considérer l'ensemble des moyens en vue de permettre son identification dont dispose ou auxquels peut avoir accès le responsable du traitement ou tout autre personne" (loi n° 78-17, article 2, alinéa 2).

Par ailleurs, constitue un traitement de données à caractère personnel, "toute opération ou tout ensemble d'opérations portant sur de telles données, quel que soit le procédé utilisé, et notamment la collecte, l'enregistrement, l'organisation, la conservation, l'adaptation ou la modification, l'extraction, la consultation, l'utilisation, la communication par transmission, diffusion ou toute autre forme de mise à disposition, le rapprochement ou l'interconnexion, ainsi que le verrouillage, l'effacement ou la destruction" (loi n° 78-17, article 2, alinéa 3).

  • Mise en oeuvre

Eu égard aux précisions qui viennent d'être apportées, le dispositif d'écoutes téléphoniques mis en place par la société France Télécom entrait-il dans le champ d'application de l'obligation de déclaration à la Cnil ?

Le TGI de Paris a répondu par l'affirmative en relevant, rappelons-le, que le document de synthèse de l'écoute, auquel est affecté un coefficient diminuant ou augmentant le montant de la part variable de vente, concourt à la détermination de la rémunération. En outre, et toujours selon les magistrats parisiens, "la grille d'écoute constitue ainsi une collecte des données et démontre que les éléments recueillis sont conservés, analysés et utilisés".

La décision ainsi retenue ne peut qu'être approuvée au regard des dispositions précitées. En effet, on était bien en présence de données à caractère personnel, dans la mesure où les écoutes permettaient à l'employeur de recueillir des informations relatives à des personnes physiques identifiées. En outre, il apparaît, également, que ces données faisaient l'objet d'un "traitement" au sens de l'article 2, alinéa 3, de la loi du 6 janvier 1978.

2. Champ d'application de l'obligation d'information des salariés et de leurs représentants

  • Information/consultation du comité d'entreprise

Ainsi que l'affirme l'alinéa 2 de l'article L. 432-2-1 du Code du travail (N° Lexbase : L6403AC7), le comité d'entreprise est informé, "préalablement à leur introduction dans l'entreprise, sur les traitements automatisés de gestion du personnel et sur toute modification de ceux-ci". En outre, et aux termes de l'alinéa 3 de ce même texte, le comité d'entreprise "est informé et consulté, préalablement à la décision de mise en oeuvre dans l'entreprise, sur les moyens ou les techniques permettant un contrôle de l'activité des salariés".

Les juges du fond ayant, en l'espèce, constaté que le dispositif d'écoutes téléphoniques constituait un traitement automatisé de données à caractère personnel exigeant une déclaration auprès de la Cnil, il s'en inférait automatiquement une obligation d'information préalable du comité d'entreprise, préalablement à l'introduction de ce même dispositif dans l'entreprise.

Les juges parisiens sont, cependant, allés plus loin, exigeant l'information et la consultation du comité. C'est dire que, pour eux, et encore que cela ne soit pas véritablement démontré, ce dispositif d'écoutes constituait, également, un moyen de contrôle des salariés au sens de l'alinéa 3 de l'article L. 432-2-1. Il est pour le moins difficile de nier ce fait, le dispositif en cause permettant et étant destiné à surveiller les propos des salariés. On aurait, cependant, aimé que les juges soient, ici, un peu plus précis, dans la mesure où l'employeur soutenait que ce dispositif d'écoutes avait été mis en place dans une optique de formation des téléopérateurs (5).

En admettant que le dispositif d'écoutes constituait un moyen de surveillance des salariés, sa mise en place exigeait l'information et la consultation préalable du comité d'entreprise. Il convient de relever qu'était, ici, concerné le comité d'établissement, dont on sait qu'il a les mêmes attributions que les comités d'entreprises, dans la limite des pouvoirs confiés aux chefs de ces établissements (C. trav., art. L. 435-2 N° Lexbase : L6446ACQ). L'employeur n'ayant pas respecté son obligation, il pouvait être demandé au juge de prononcer la suspension de la décision de l'employeur, alors même qu'elle était déjà entrée en vigueur (6). Ajoutons que l'employeur aurait, encore, pu être passible de poursuites pénales pour délit d'entrave. Enfin, et comme la Cour de cassation a pu l'affirmer, il résulte de la combinaison des articles 16, 27 et 34 de la loi du 6 janvier 1978, 226-16 du Code pénal (N° Lexbase : L4476GTX), L. 121-8 (N° Lexbase : L5450ACT) et L. 432-2-1 du Code du travail, qu'à défaut de déclaration à la Cnil d'un traitement automatisé d'informations nominatives concernant un salarié, son refus de déférer à une exigence de son employeur impliquant la mise en oeuvre d'un tel traitement ne peut lui être reproché (Cass. soc., 6 avril 2004, n° 01-45.227, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A8004DB3, lire les obs. de Ch. Radé, L'entreprise, espace privé d'exercice des libertés publiques, Lexbase Hebdo n° 116 du 15 avril 2004 - édition sociale N° Lexbase : N1239ABI).

  • Information des salariés

Ainsi que l'affirme l'article L. 121-8 du Code du travail, "aucune information concernant personnellement un salarié ou un candidat à un emploi ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas été porté préalablement à la connaissance du salarié ou du candidat à un emploi" (7). Procédant de l'exigence de transparence et de loyauté, ce texte interdit les procédés de surveillance des salariés mis en place à leur insu. Il en résulte que les éléments de preuve recueillis de cette façon ne seront pas jugés recevables par les tribunaux. En revanche, si les salariés ont été avertis, l'écoute de leur conversation téléphonique est licite et peut constituer la preuve de leurs manquements professionnels (Cass. soc., 14 mars 2000, n° 98-42.090, M. Dujardin c/ Société Instinet France, publié N° Lexbase : A4968AG4).

Pour en revenir à l'espèce sous examen, le dispositif d'écoutes téléphoniques permettait, ainsi qu'il l'a été vu précédemment, une collecte d'informations personnelles. Celui-ci aurait donc dû être porté à la connaissance des salariés concernés. Tel ne semble pas être le cas, les juges relevant que "la seule affirmation selon laquelle les salariés ont été informés oralement n'est pas probante". Cette précision conduit à affirmer que l'employeur a tout intérêt à procéder à une information écrite des salariés afin de se ménager une preuve de cette dernière.

Au total, on est conduit à constater que la mise en oeuvre d'un procédé de contrôle ou de surveillance des salariés, conduisant au traitement de données personnelles, implique le respect par l'employeur d'une triple obligation : déclaration auprès de la Cnil, information et consultation des représentants du personnel et information individuelle des salariés. Le respect de ces exigences, que l'on qualifiera de "formelles", ne garantit pas, toutefois, la licéité du dispositif en cause. Il faut, encore, que celui-ci soit conforme aux prescriptions de l'article L. 120-2 du Code du travail (v., en ce sens, TGI Paris, 19 avril 2005, n° RG 05/00382, Comité d'entreprise d'Effia Services c/ Fédération des Syndicats Sud Rail N° Lexbase : A0577DI9, lire notre chron., De l'illicéité d'un système de "badgeage" par empreintes digitales, Lexbase Hebdo n° 167 du 12 mai 2005 - édition sociale N° Lexbase : N4025AIW). La conciliation des droits et libertés des salariés et du pouvoir de direction de l'employeur est à ce prix et on ne peut que s'en féliciter.

Gilles Auzero
Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV


(1) Le jugement sous examen apporte, également, des réponses à plusieurs autres chefs de demande que nous laisserons de côté.
(2) Et non du 6 août 2005, ainsi que le soulignent, à tort, les magistrats saisis.
(3) Il est important de souligner que certains dispositifs sont soumis, en application de l'article 25 de la loi "informatique et libertés" à autorisation de la Cnil. Il en va, ainsi, par exemple, "des traitements automatisés susceptibles, du fait de leur nature, de leur portée ou de leurs finalités, d'exclure des personnes du bénéfice d'un droit, d'une prestation ou d'un contrat en l'absence de toute disposition législative ou réglementaire".
(4) A l'exclusion des traitements qui ne sont utilisés qu'à des fins de transit sur ce territoire ou sur celui d'un autre Etat membre de la Communauté européenne.
(5) A supposer qu'une telle argumentation ait été recevable, il aurait encore fallu s'interroger sur la conformité du dispositif au regard des prescriptions de l'article L. 120-2 du Code du travail et, notamment, sur le caractère proportionné et justifié de l'atteinte apportée aux droits et libertés individuelles des salariés.
(6) Notons que le syndicat aurait parfaitement pu saisir le juge des référés d'une telle demande.
(7) Remarquons qu'est, à nouveau, visée par ce texte la collecte d'informations personnelles. La Cour de cassation a, à ce propos, pu affirmer que "le fait pour une banque de mettre en place un système d'exploitation intégrant un mode de traçage permettant d'identifier les consultants des comptes, ne peut être assimilé ni à la collecte d'une information personnelle au sens de l'article L. 121-8, ni au recours à une preuve illicite, le travail effectué par utilisation de l'informatique ne pouvant avoir pour effet de conférer l'anonymat aux tâches effectuées par les salariés" (Cass. soc., 18 juillet 2000, n° 98-43.485, M. Gilbert Guyonnet c/ Crédit agricole du Centre Est, inédit N° Lexbase : A8310AHA).

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Rapport de la Cour de cassation pour 2005

[Focus] La jurisprudence de la Cour de cassation rendue en 2005 à la lumière du rapport de la Cour de cassation : social général (2ème partie)

Réf. : Rapport de la Cour de cassation pour 2005

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N9327AKN

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 07 Octobre 2010

En raison de la récente diffusion, sur le site Internet de la Cour de cassation, de son rapport annuel 2005, Lexbase Hebdo - édition sociale vous propose, cette semaine, de retrouver, dans ses colonnes, les commentaires des éclairages apportés par la Cour sur les arrêts ayant marqué l'année 2005. Une série de six articles vous est donc proposée, balayant la jurisprudence sociale rendue en matière de relations individuelles de travail, de relations collectives de travail et, enfin, de Sécurité sociale.
  • Cass. soc., 16 mars 2005, n° 03-40.251, Société Carcoop France c/ M. Michel Buisson, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2739DHW), lire nos obs., Le représentant du personnel peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail, Lexbase Hebdo n° 160 du 24 mars 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N2298AIX)

Revenant sur sa jurisprudence antérieure, la Cour de cassation a affirmé dans cet arrêt que "si la procédure de licenciement du salarié représentant du personnel est d'ordre public, ce salarié ne peut être privé de la possibilité de poursuivre la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquement, par ce dernier, à ses obligations".

La solution se justifiait, à la fois, par le souci de ne pas exclure les salariés protégés des avantages de la procédure de demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, ainsi que par le fait que le salarié protégé qui demande lui-même la résiliation de son contrat ne se trouve pas, par hypothèse, confronté à une tentative de contournement de son statut protecteur par l'employeur.

Nous avions toutefois signalé que le juge prud'homal allait éprouver des difficultés pour octroyer au salarié des indemnités. Lorsqu'il prononce la résiliation judiciaire du contrat, aux torts de l'employeur, il fait produire à la rupture les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Or, le licenciement d'un salarié protégé, sans autorisation administrative, n'est pas seulement injustifié, il est également nul, ce qui modifie considérablement l'étendue du droit à indemnisation du salarié.

Le rapport annuel ne répond pas à cette question, et se contente de justifier la solution par la volonté de donner au salarié protégé le même droit qu'au salarié ordinaire, en lui offrant une porte de sortie humainement acceptable de l'entreprise en cas de problèmes relationnels graves avec son employeur.

On ne pourra, ici, que regretter que la Cour de cassation n'ait pas été plus explicite sur les conséquences indemnitaires de la résiliation judiciaire prononcée aux torts de l'employeur. Espérons qu'elle aura prochainement l'occasion de se prononcer sur cette question.

  • Cass. soc., 26 octobre 2005, n° 03-44.751, Mme Laurence Orth c/ APEI, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A1388DLY) ; Cass. soc., 26 octobre 2005, n° 03-44.585, Mme Chantal Antoine c/ Association médicale du travail du Jura, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A1387DLX), lire nos obs., La rupture du contrat de travail du salarié protégé pendant la période d'essai soumise à l'autorisation préalable de l'inspection du travail, Lexbase Hebdo n° 188 du 3 novembre 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N0314AKT)

Poursuivant sa jurisprudence visant à restreindre le caractère dérogatoire du régime juridique de la période d'essai, la Cour de cassation affirme, dans cet arrêt, que les dispositions légales qui assurent une protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun à certains salariés, en raison du mandat ou des fonctions qu'ils exercent dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs, s'appliquent à la rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur pendant la période d'essai, faisant application de ce principe au conseiller du salarié et au médecin du travail.

Nous avions relevé que cette jurisprudence semble faire fi des dispositions pourtant claires du Code du travail qui excluent, pendant la durée de la période d'essai, l'ensemble des dispositions de la sous-section relative au licenciement (C. trav., art. L. 122-4, alinéa 2 N° Lexbase : L5554ACP) et, notamment, les règles statutaires propres aux salariés protégés.

A cet argument de texte, la Chambre sociale oppose un conflit de logique et considère que la protection des salariés protégés relève de la volonté de lutter contre les discriminations, et que les dispositions de l'article L. 122-45 du Code du travail (N° Lexbase : L3114HI8) doivent prévaloir, de par leur importance, sur les règles qui gouvernent la sanction des licenciements abusifs : "l'article L. 122-45 du Code du travail, texte inspiré par un principe fondamental du droit européen et national, inséré dans une section spéciale du Code du travail et ayant une portée générale, a pour finalité de lutter contre les diverses formes de discriminations dans le droit du travail [...]. Son champ d'application est donc large, et sa sanction énergique puisqu'il dispose in fine que toute disposition ou tout acte contraire à l'égard d'un salarié est nul de plein droit. Et un courant doctrinal considère que les motifs discriminatoires de rupture n'ayant pas de rapport avec la finalité de la période d'essai, on ne se trouve plus alors sur le terrain de l'abus mais sur celui du comportement illicite visé à l'article L. 122-45".

C'est donc essentiellement par un argument d'opportunité que se justifie cette décision qui, selon les propres termes du rapport, élargit "le champ d'application du régime des nullités pour discrimination" et ainsi "contribue à en accroître l'effectivité".

Nous nous étions également interrogés sur la portée de cette décision pour les salariés dont le licenciement est soumis à des conditions restrictives, mais sans qu'aucune autorisation ne soit nécessaire, comme les grévistes ou les femmes enceintes. Sur cette question, le rapport est malheureusement muet, et il faudra donc attendre les prochaines décisions pour être fixée, même si l'argument tiré de la volonté de donner à l'article L. 122-45 du Code du travail la portée la plus grande nous incite à penser que tous les salariés visés par ce texte devraient voir leur protection particulière affirmée pendant la période d'essai.

  • Cass. soc., 15 juin 2005, n° 03-48.094, Philippe Regnaut c/ Société Wolber, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A6829DIR), lire nos obs., Affaire "Wolber" : à l'impossible nul n'est tenu !, Lexbase Hebdo n° 173 du 23 juin 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N5701AIY)

Mettant un terme à la très médiatique affaire "Wolber", qui avait vu une juridiction prud'homale annuler un plan de sauvegarde de l'emploi et ordonner la réindustrialisation d'un site entre temps démantelé par une filiale à 100 % de Michelin, la Cour de cassation a affirmé dans cet arrêt "que la réintégration, demandée dans les seuls emplois que les salariés occupaient dans cette entreprise avant leurs licenciements, était devenue matériellement impossible".

Nous avions remarqué que la formule employée, qui semblait limiter la réintégration des salariés dans les seuls emplois disponibles dans l'entreprise, semblait, en réalité, liée à l'objet de la demande des salariés qui n'avaient pas demandé à être réintégré sur d'autres sites, ou au sein du groupe.

Malheureusement, le rapport n'en dit pas plus et se contente de justifier la solution par des éléments de fait tenant à l'impossibilité effective de réintégrer les salariés dans des emplois depuis effectivement supprimés. Par ailleurs, le rapport souligne que les nouvelles dispositions introduites par la loi du 18 janvier 2005 (N° Lexbase : L6384G49) n'étaient pas applicables aux faits de l'espèce, sans prendre partie sur l'interprétation que la Cour de cassation pourrait donner des nouvelles dispositions de l'article L. 122-14-4 du Code du travail (N° Lexbase : L8990G74) dans l'avenir.

On peut, toutefois, ajouter à cet arrêt une décision postérieure qui est venue affirmer que la réintégration ne pouvait pas s'opérer au sein du groupe, distinguant là l'obligation de réintégration de l'obligation de reclassement (Cass. soc., 15 février 2006, n° 04-43.282, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A8880DMT, lire les obs. de Ch. Willmann, Annulation du plan de sauvegarde de l'emploi : le périmètre de l'obligation de réintégration, Lexbase Hebdo n° 204 du 2 mars 2006 - édition sociale N° Lexbase : N5166AKK).

  • Cass. soc., 11 janvier 2006, n° 04-46.201, M. Joël Ains c/ Société Les Pages Jaunes, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A3500DML) ; Cass. soc., 11 janvier 2006, n° 05-40.977, Société Pages Jaunes c/ M. Philippe Delporte, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A3522DME), lire nos obs., Un nouveau pas en avant pour le licenciement économique fondé sur la sauvegarde de la compétitivité des entreprises, Lexbase Hebdo n° 198 du 19 janvier 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N3341AKX)

Assouplissant la jurisprudence dégagée en 1995 et autorisant le licenciement économique pour assurer la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, la Chambre sociale de la Cour de cassation admet, dans ces arrêts "Pages Jaunes", le recours à des licenciements préventifs liés à "des difficultés économiques liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l'emploi, sans être subordonnée à l'existence de difficultés économiques à la date du licenciement".

Ces arrêts ont fait couler beaucoup d'encre, et on attendait avec impatience les éléments du rapport sur cet arrêt.

Comme on pouvait s'y attendre, la Cour de cassation minimise la portée de ces décisions qu'elle rattache très directement à la jurisprudence "Vidéocolor" dégagée en 1995 (Cass. soc., 5 avril 1995, n° 93-42.690, Société Thomson Tubes et Displays c/ Mme Steenhoute et autres, publié N° Lexbase : A4018AA3) et à un mouvement législatif plus vaste visant à privilégier la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.

Il est, d'ailleurs, intéressant de constater, ici, le lien opéré formellement entre la promotion des accords de GPEC, dans la loi du 18 janvier 2005, et l'analyse des licenciements économiques qui pourraient être prononcés ultérieurement.

Selon le rapport, "on peut d'ailleurs se demander si dans les entreprises où l'article L. 320-2 du Code du travail s'applique, la nouvelle obligation de négocier sur la gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences et les mesures d'accompagnement susceptibles d'y être associées ainsi que sur les modalités d'information et de consultation du comité d'entreprise sur la stratégie de l'entreprise et ses effets prévisibles sur l'emploi et les salaires, ne devrait pas conduire à une approche plus rigoureuse des mesures de licenciement économique qui interviendraient par la suite, notamment lorsque la gestion prévisionnelle aura été défaillante".

Le message adressé aux entreprises est alors clair : négociez la GPEC, et les juges seront plus conciliant sur le critère de la sauvegarde de la compétitivité des entreprises, ou alors attendez-vous à voir cette porte se refermer, l'entreprise devant désormais privilégier la négociation sur le licenciement et pouvant se voir ainsi sanctionnée si elle n'a pas cherché loyalement à négocier les changements à intervenir dans l'entreprise. A bon entendeur !

  • Cass. soc., 15 mars 2005, n° 02-43.560, M. Patrick Monange, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A2741DHY), lire nos obs., L'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination syndicale se prescrit par trente ans, Lexbase Hebdo n° 161 du 31 mars 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N2499AIE)

Dans cet arrêt, la Cour de cassation a considéré que "l'action en réparation du préjudice résultant d'une [...] discrimination (syndicale) se prescrit par trente ans".

Si nous avions souligné que l'application de la prescription trentenaire participait de l'effectivité de la lutte contre les discriminations dont sont victimes les syndicalistes, notamment dans le déroulement de leur carrière, nous avons contesté la solution à la fois pour des raisons juridiques, la prescription décennale applicable en matière extracontractuelle nous semblant plus adéquate, et pratiques, les entreprise étant souvent dans l'impossibilité de fournir au juge les éléments objectifs justifiant le traitement réservé aux salariés sur une période aussi longue.

On attendait donc, là encore, les observations de la Cour de cassation dans le cadre du rapport annuel.

La lecture du rapport sur ce point n'est guère surprenante car ce sont bien des questions d'opportunité qui justifient la solution. Selon la Cour, il n'est, tout d'abord, pas possible de séparer, dans les prétentions du salarié, ce qui relève de la demande en paiement de salaires de la réparation du préjudice causé par la discrimination elle-même, justifiant ainsi l'application d'une prescription unique ("Le législateur a donc entendu faire en quelque sorte masse de tous les types de préjudices liés à une telle discrimination, et cela sans distinguer entre les conséquences en résultant, de sorte qu'il aurait été hasardeux, et difficile d'application, d'en extraire le préjudice lié à un manque à gagner salarial pour le soumettre à la prescription quinquennale").

Le choix de la prescription trentenaire s'explique également par de pures raisons d'opportunité : "une prescription courte est mal adaptée à ce type de contentieux, dans la mesure où la discrimination syndicale est difficile à prouver et que c'est au fil du temps que le salarié se rend compte par comparaison avec les traitements reçus par ses collègues qu'il est victime d'une discrimination ; sans doute, cet inconvénient pourrait être résolu en faisant varier le point de départ de la prescription mais cette question ne se posera réellement que lorsque la durée de la prescription contractuelle de droit commun, actuellement de trente ans, sera ramenée à dix ans comme cela est envisagé".

Nous regrettons personnellement qu'à aucun moment la Cour n'ait envisagé l'application de la prescription de dix ans applicable en matière de responsabilité extracontractuelle, car la discrimination constitue bien un comportement qui nous semble détachable de l'exécution normale du contrat de travail.

  • Cass. soc., 17 mai 2005, n° 03-40.017, M. Philippe Klajer c/ Société Cathnet-Science, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2997DIT), lire nos obs., L'employeur et les fichiers personnels du salarié : la Cour de cassation révise la jurisprudence "Nikon", Lexbase Hebdo n° 169 du 26 mai 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N4601AIA)

Revenant sur les solutions dégagées dans la fameuse affaire "Nikon", la Cour de cassation a considérablement assoupli sa position en donnant à l'employeur qui cherche à se constituer des preuves de fautes commises par son salarié des moyens beaucoup plus efficaces. Désormais, "sauf risque ou événement particulier, l'employeur ne peut ouvrir les fichiers identifiés par le salarié comme personnels contenus sur le disque dur de l'ordinateur mis à sa disposition qu'en présence de ce dernier ou celui-ci dûment appelé".

La lecture de l'arrêt laissait toutefois une incertitude sur la portée de la formule, même s'il semblait bien que celle-ci devait se lire comme autorisant l'employeur à ouvrir les fichiers du salarié, contre sa volonté, dès lors que ce dernier est présent, ou à tout le moins a été dûment appelé, à moins que l'urgence ou un événement particulier ne justifie que cette consultation ne se fasse sans sa présence, ni même qu'il en ait été au préalable informé.

Sur ce premier point, le rapport est parfaitement clair et cette lecture totalement exacte : l'ouverture des fichiers ne peut se faire "qu'en présence du salarié ou celui-ci dûment appelé ; à défaut, la preuve est illicite", et ce n'est "qu'en cas de risque ou événement particulier [...] que l'ouverture de fichiers personnels peut se faire en l'absence du salarié".

Une seconde incertitude, plus factuelle, concernait les hypothèses visées par l'"urgence" ou ces "circonstances exceptionnelles" autorisant l'employeur à ne pas informer le salarié de ses intentions. La Cour de cassation cite, ici, comme exemple à "l'urgence de récupérer des dossiers indispensables au fonctionnement de l'entreprise ou à sa sécurité ou au risque imminent de perdre des éléments de preuve".

Il restera donc aux juges du fond de compléter la liste des ces cas.

newsid:89327

Marchés publics

[Jurisprudence] Pondération des sous-critères d'attribution : la décision surprenante de la CJCE du 24 novembre 2005

Réf. : CJCE, 24 novembre 2005, aff. C-331/04, ATI EAC Srl e Viaggi di Maio Snc c/ ACTV Venezia SpA (N° Lexbase : A6822DLA)

Lecture: 7 min

N8476AK7

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Le 07 Octobre 2010

Par une décision du 24 novembre 2005, la Cour de justice des Communautés européennes a reconnu à une commission d'adjudication (1) le pouvoir de définir, sous certaines conditions, la pondération de sous-critères d'attribution, à partir de la pondération des critères figurant dans la publicité ou le cahier des charges. En l'espèce, la collectivité de l'ACTV Venezia avait lancé une consultation relative au transport de personnes. Le lot n° 1 de cette consultation était relatif au service urbain de la ville de Mestre. L'avis de publicité prévoyait que le marché serait attribué à l'offre économiquement la plus avantageuse. Le cahier des charges énumérait ensuite quatre critères d'attribution permettant d'identifier cette offre :

"1) prix au kilomètre des services indiqués dans les annexes A, B et C du cahier des charges :
- 60 points au maximum
2) prix au kilomètre des services complétant ceux indiqués dans les annexes A, B et C du cahier des charges :
- 10 points au maximum
3) modalités d'organisation et structures d'appui pour l'exécution du service, telles qu'elles découlent du document visé au point 3.10 n° 6 du présent cahier des charges :
- 25 points au maximum attribués par ACTV à son entière discrétion
4) possession d'un certificat de conformité
[...] :
- 5 points
".

Concernant le critère n° 3, le cahier des charges indiquait, ensuite, que les offres des candidats devaient comporter un rapport descriptif de l'organisation et des structures logistiques et d'appui qui seraient utilisées dans l'exécution de la prestation. Ce rapport devait contenir obligatoirement les indications suivantes :

- les dépôts et/ou zones de stationnement des autobus dont l'entreprise dispose ou dont elle est propriétaire sur le territoire de la Provincia di Venezia (...) ;
- les modalités de contrôle du service assuré et nombre de personnes affectées auxdits contrôles ;
- le nombre de chauffeurs de bus et type de permis possédé ;
- le nombre d'établissements (autres que les dépôts) dont l'entreprise dispose ou dont elle est propriétaire sur le territoire de la Provincia di Venezia (...) ;
- le nombre de personnes affectées à l'organisation des tours du personnel de conduite.

La société "ATI La Linea SpA-CSSA", ainsi qu'un groupement d'entreprises, composé des sociétés "EAC Srl" et "Viaggi di Maio Snc", ont remis une offre dans le cadre de cette consultation.

Postérieurement à la date limite de remise des offres et avant l'ouverture des plis, la commission d'adjudication de la collectivité a décidé de répartir les 25 points attribués au critère n° 3 entre les cinq informations devant figurer dans le rapport que les candidats devaient joindre à l'appui de leur offre. La répartition ainsi décidée était la suivante :

- 1ère information : 8 poins ;
- 2ème information : 7 points ;
- 3ème information : 6 points ;
- 4ème information : 2 points ;
- 5ème information : 2 points.

Le marché a été attribué à la société "ATI La Linea SpA-CSSA", qui a obtenu un total de 86,53 points, le groupement d'entreprises "EAC Srl" et "Viaggi di Maio Snc" n'ayant obtenu qu'un total de 83,50 points. Le groupement a alors attaqué cette décision devant le "tribunale amministrativo regionale", sur le fondement de la violation, notamment, de l'article 36 de la Directive 92/50/CEE du Conseil du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services (N° Lexbase : L7532AUI). Cette disposition prévoit que :

"1. [...] les critères sur lesquels le pouvoir adjudicateur se fonde pour attribuer les marchés peuvent être :

a) soit, lorsque l'attribution se fait à l'offre économiquement la plus avantageuse, divers critères variables selon le marché en question : par exemple, la qualité, la valeur technique, le caractère esthétique et fonctionnel, le service après-vente et l'assistance technique, la date de livraison et le délai de livraison ou d'exécution, le prix [...].

2. Lorsque le marché doit être attribué à l'offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur indique, dans le cahier des charges ou dans l'avis de marché, les critères d'attribution dont il prévoit l'application, si possible dans l'ordre décroissant de l'importance qui leur est attribuée".

Le "tribunale amministrativo regionale" a rejeté la demande du groupement. Celui-ci a alors saisi en appel le "Consiglio di Stato" qui a décidé préalablement d'interroger la Cour de justice des Communautés européennes sur l'interprétation à donner aux dispositions de l'article 36 rappelé ci-dessus. La juridiction demandait alors, notamment :

- si les dispositions visées autorisent le pouvoir adjudicateur à "fixer les critères sur un plan général dans l'avis de marché ou dans le cahier des charges en laissant à la commission d'adjudication le soin de spécifier et/ou de compléter ces critères, si nécessaire, à condition qu'elle le fasse avant l'ouverture des plis contenant les offres et sans innover par rapport aux critères prédéterminés dans l'avis de marché" ;

- si les dispositions visées autorisent le pouvoir adjudicateur à prévoir dans un cahier des charges, pour un critère de sélection, l'attribution de points librement décidée par lui et dans l'affirmative, si une commission d'adjudication peut compléter ou spécifier les critères en attribuant un poids spécifique aux éléments isolés que le cahier des charges prévoyait d'évaluer forfaitairement.

Dans ses conclusions l'Avocat général Ruiz-Jarabo Colomer proposait de refuser tout pouvoir de ce type à une commission d'adjudication.

L'Avocat général rappelait, tout d'abord, que les Directives communautaires ont pour objectif le développement d'une concurrence ouverte entre les entreprises, essentielle à l'intégration européenne. Cet objectif suppose l'égalité de traitement de tous les candidats aux marchés publics, ce qui implique la définition de critères objectifs de sélection dans le cadre de procédures transparentes. Ceci exclut tout pouvoir arbitraire des pouvoirs adjudicateurs, qui doivent uniquement appliquer les critères prévus par l'avis de consultation ou le cahier des charges, objectivement définis par référence aux textes réglementaires applicables. Déterminés au plus tard dans le cahier des charges, ces critères ne peuvent donc plus, ensuite, être modifiés. L'Avocat général concluait alors à l'absence de "pouvoir créateur" accordé à la commission d'adjudication, qui ne peut qu'appliquer les critères préétablis dans le respect de leur poids respectif ou de leur place dans la hiérarchie, sans aucune faculté d'en ajouter de nouveaux ou d'en supprimer certains.

La Cour de justice des Communautés européennes a, cependant, adopté une position diamétralement opposée.

La Cour a rappelé, tout d'abord, sa jurisprudence antérieure qui affirme que les critères d'attribution des marchés doivent être expressément mentionnés dans l'avis de consultation ou le cahier des charges et doivent respecter les principes de non-discrimination, de transparence et d'égalité de traitement, ce dernier principe s'appliquant aussi bien lors de la préparation des offres que lors de leur évaluation (CJCE, 17 septembre 2002, aff. C-513/99, Concordia Bus Finland Oy Ab, anciennement Stagecoach Finland Oy Ab c/ Helsingin kaupunki N° Lexbase : A3655AZE) ; CJCE, 18 octobre 2001, aff. C-19/00, SIAC Construction N° Lexbase : A3808DPQ). La Cour a indiqué, ensuite, que le principe d'égalité de traitement des candidats implique que tous les éléments examinés par le pouvoir adjudicateur pour évaluer les offres et, si possible, leur importance relative soient connus des candidats au moment de la préparation de leurs offres.

La Cour a conclu, alors, que les Directives européennes "ne s'opposent pas à ce qu'une commission d'adjudication accorde un poids spécifique aux sous-éléments d'un critère d'attribution établis d'avance, en procédant à une ventilation, entre ces derniers, du nombre de points prévus au titre de ce critère par le pouvoir adjudicateur lors de l'établissement du cahier des charges ou de l'avis de marché", sous réserve du respect de certaines conditions. Celles-ci sont au nombre de trois :

- cette décision ne modifie pas les critères d'attribution du marché définis dans le cahier des charges ou dans l'avis de marché ;

- cette décision ne contient pas d'éléments qui, s'ils avaient été connus lors de la préparation des offres, auraient pu influencer cette préparation ;

- cette décision n'a pas été adoptée en prenant en compte des éléments susceptibles d'avoir un effet discriminatoire envers l'un des soumissionnaires.

Cette position de la Cour est surprenante, à plusieurs titres.

D'une part, en effet, ce pouvoir reconnu à la commission d'adjudication pourrait être source de contentieux et l'espèce examinée par la Cour en est un exemple. Il y a là, en effet, l'apparition d'un pouvoir quasi normatif de principe reconnu à la commission d'adjudication, particulièrement discutable. En France, dans les collectivités territoriales, par exemple, la commission d'appel d'offres est une émanation de l'organe délibérant de la collectivité, dont l'existence traduit les principes de démocratie locale. Il ne s'agit donc pas d'une assemblée de techniciens ou de spécialistes. Or, la détermination du poids respectif de divers sous-critères relevant d'un domaine technique suppose une connaissance de ce domaine, de ses principes, de son contexte, de ses enjeux, de ses spécificités... permettant de distinguer les éléments importants des éléments mineurs et d'apprécier leur importance les uns par rapport aux autres. Une telle décision semblerait relever plus naturellement des services techniques de la collectivité que de la commission d'adjudication.

D'autre part, dans l'espèce examinée par la Cour, les éléments relatifs au critère n° 3 figurant dans le cahier des charges de la collectivité de l'ACTV Venezia étaient des "informations" devant figurer dans l'offre des candidats et n'étaient pas identifiés spécifiquement comme des "sous-critères". Naturellement, ce sont ces informations qui ont permis d'apprécier la valeur de chaque offre au regard du critère évoqué, mais cette absence de spécification est, somme toute, quelque peu équivoque.

Enfin, si les conditions n° 1 et n° 3 fixées par la Cour n'appellent pas de commentaire particulier car elles sont classiques en droit des marchés, la condition n° 2, en revanche, laisse perplexe. En effet, on peut s'interroger sur les cas où, en pratique, la pondération de sous-critères est sans influence sur la préparation des offres. Dans l'espèce examinée par la Cour, par exemple, l'attribution de 21 points sur 25 aux trois premiers sous-critères aurait très certainement conduit les candidats à concentrer leurs efforts sur ces sous-critères au détriment des deux derniers. Ainsi, l'influence que la pondération des sous-critères aurait pu avoir sur la préparation des offres, si elle avait été connue antérieurement, est évidente. La décision de la commission d'adjudication doit, donc, être annulée ainsi que l'attribution du marché. En pratique alors, seule l'attribution d'un nombre de points identique, ou presque, aux différents sous-critères annoncés serait sans influence sur la préparation des offres, mais il y a fort à parier que cette hypothèse sera rare puisqu'elle retire beaucoup d'intérêt à la pondération des sous-critères car, en effet, elle ne peut consacrer la primeur de l'un ou de plusieurs d'entre eux.

Dans ce contexte, la voie ouverte par la Cour de justice des Communautés européennes est très étroite ; elle pourrait, en outre, se révéler délicate en pratique.

Marie-Hélène Sanson
Juriste marchés publics au sein d'un organisme national de protection sociale


(1) Le raisonnement est transposable à la commission d'appel d'offres du Code des marchés publics français.

newsid:88476

Urbanisme

[Textes] Les modalités d'application de la loi littoral définies par une circulaire du 14 mars 2006

Réf. : Circulaire du ministre des Transports, de l'Equipement, du Tourisme et de la Mer du 14 mars 2006, n° D06002619, relative à l'application de la loi littoral (N° Lexbase : L5778HIT)

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N8330AKQ

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Le 07 Octobre 2010

Par une circulaire du 14 mars 2006 publiée récemment, le ministre des Transports, de l'Equipement, du Tourisme et de la Mer précise aux préfets certaines modalités d'application de la loi littoral. Il rappelle les finalités et l'enjeu d'une telle législation et apporte une définition unifiée de certaines notions clés. 1. La protection du littoral

L'équilibre entre impératifs de protection et nécessités de développement
Les dispositions relatives à la protection du littoral, instituées par la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986, relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral modifiée (N° Lexbase : L7941AG9), ont pour objectifs d'orienter et limiter l'urbanisation dans les zones littorales, de protéger les espaces remarquables, les espaces boisés les plus significatifs, de gérer l'implantation des nouvelles routes et terrains de camping et de caravanage et de permettre l'affectation prioritaire du littoral au public. Sont concernées trois catégories de communes : celles riveraines des mers et océans, des étangs salés et des plans d'eau intérieurs d'une superficie supérieure à 1 000 hectares ; les communes riveraines des estuaires et deltas (liste à l'article R. 321-1 du Code de l'environnement N° Lexbase : L5577HB8) ; certaines communes proches des précédentes et qui en font la demande au préfet. Les documents d'urbanisme locaux doivent être compatibles avec de telles dispositions.

La nécessité de clarifications
Vingt ans après, les enjeux de gestion économe de l'espace et d'équilibre entre développement et préservation restent pleinement d'actualité. Cependant, le caractère général ou imprécis de certaines dispositions, le retard dans la publication de décrets d'application, parfois incomplets, ont mené à des interprétations jurisprudentielles. Des parlementaires ont saisi le Gouvernement de l'exaspération des maires (2) et du retard dans la publication d'une circulaire qui était prévue avant l'été 2005.

La circulaire du 14 mars 2006 vient éclairer les problèmes posés par l'urbanisation dans les communes riveraines de la mer ; une précédente circulaire du 15 septembre 2005 (2) portait sur le traitement des espaces remarquables. Le ministre des Transports, de l'Equipement, du Tourisme et de la Mer annonce la prochaine parution d'une plaquette destinée aux élus. Elle devrait les aider dans leur démarche d'aménagement et de planification. La dernière circulaire appelle l'attention sur la médiocre prise en compte de la loi littoral par un certain nombre de documents d'urbanisme anciens, d'où un risque d'insécurité juridique grave.

La rareté de schémas directeurs sur le littoral explique en partie les difficultés. L'analyse du développement et de la protection devrait se faire à une échelle pertinente par l'élaboration de schémas de cohérence territoriale (SCOT). Certaines opérations d'aménagements pourraient être autorisées dans le cadre d'un SCOT, équilibrant protection et environnement, alors qu'elles n'auraient pas un caractère limité au seul niveau du plan local d'urbanisme. La circulaire doit contribuer à mettre fin à des situations paradoxales : terrain déclaré constructible par le POS, certificat d'urbanisme positif, mais refus du permis de construire pour contrariété avec la loi littoral par les services de la DDE qui instruisent les demandes.

2. Les apports de la circulaire

Les notions "espaces proches du rivage", "extension d'urbanisation", "hameaux nouveaux", ainsi que la différence entre "urbanisation nouvelle" et "construction nouvelle" doivent être précisées afin que leur interprétation ne diffère pas d'un département ou d'une région à l'autre. Les documents départementaux d'application de la loi littoral (DDAL), établis dans certains départements par les services de l'Etat sont dépourvus de valeur juridique et n'ont pas à être notifiés aux communes même dans le cadre de l'élaboration de futurs SCOT.

Espaces proches du rivage
La totalité du territoire des communes littorales se trouve régie par la loi littoral. Leur développement n'est pas interdit mais particulièrement encadré. Dans les espaces proches du rivage, l'extension de l'urbanisation doit être limitée et l'opération d'aménagement conforme avec le SCOT. En l'absence de SCOT, un PLU peut permettre cette opération si elle est justifiée par la configuration particulière des lieux ou la nécessité d'accueil d'activités exigeant la proximité immédiate de l'eau. Hors ces cas, les extensions d'urbanisation doivent être réalisées après délibération spécifique du conseil municipal, après avis de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysage et de sites et avec l'accord du préfet.

Dans les autres espaces, l'urbanisation n'est pas limitée mais doit s'effectuer en continuité de l'urbanisation existant. Se trouve ainsi posée une distinction fondamentale. Il appartient aux collectivités, dans le cadre du SCOT ou du PLU de procéder à une délimitation qui permet de protéger les espaces les plus proches d'une côte sans interdire l'urbanisation "rétro littorale". Le seul critère de la distance du rivage n'est pas suffisant mais doit s'intégrer dans une approche géographique concrète (3).

Extension de l'urbanisation et construction nouvelle
La notion doit être appréciée selon qu'il s'agit d'étendre l'urbanisation au-delà du tissu urbain existant ou de construire à l'intérieur d'une ville ou d'un village. A l'intérieur des parties actuellement urbanisées des communes, l'édification d'une ou plusieurs constructions ne devrait pas constituer une extension de l'urbanisation. Ce n'est pas le cas lorsque l'opération modifie fondamentalement les caractéristiques d'un quartier (immeuble collectif dans quartier pavillonnaire ou densité nettement supérieure au quartier environnant). La circulaire détaille aussi les figures d'extension en dehors des parties actuellement urbanisées des communes.

L'extension ne peut être autorisée qu'en continuité de l'urbanisation existante ou sous forme de hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. Dans les zones proches du rivage, elle reste strictement limitée. Le caractère limité d'une extension d'urbanisation s'apprécie au regard de l'importance de l'agglomération où se situe l'opération (proportionnalité), le caractère du secteur où elle se situe (proximité d'un secteur naturel ou agricole), le caractère du quartier environnant (urbain et dense prononcé).

Le cadre d'un SCOT permet de mieux apprécier l'équilibre entre les projets d'aménagement et la protection des espaces. La plupart des opérations annulées ne s'inscrivaient pas dans un projet d'ensemble et auraient pu être acceptées dans un cadre plus général (4).

Agglomérations, villages existants et hameaux nouveaux
Ces notions inscrites dans l'article L. 146-4 du Code de l'urbanisme ne sont définies ni par la loi, ni par ses décrets d'application.

Le hameau. La circulaire du 14 mars définit un hameau comme un petit groupe d'habitations (une dizaine ou une quinzaine de constructions au maximum) pouvant comprendre également d'autres constructions, isolé et distinct du bourg ou du village. Il ne comprend pas nécessairement un commerce, un café ou un service public. Inversement, de tels équipements ne suffisent pas à la qualification. Leur taille et leur type dépendent des traditions locales, ce qui exclut toute définition générale. La circulaire renvoie donc aux SCOT, PLU ou carte communale. Un document d'urbanisme peut prévoir un nouvel hameau dans un site vierge ou s'appuyant sur une ou plusieurs constructions existantes s'il est inséré dans les sites et paysages. La construction est aussi possible à l'intérieur ou à la frange d'un hameau existant sans remettre en cause la modestie de sa taille au risque de constituer une extension d'urbanisation qui reste prohibée par l'art. L. 146-4-I du Code de l'urbanisme.

Le village. Il est plus important que le hameau et comprend, ou a compris, des équipements ou lieux collectifs administratifs, cultuels ou commerciaux. Bien qu'appelé localement "village", un regroupement de quelques maisons doit être considéré comme un "hameau" pour l'application de la loi littoral.

L'agglomération. Sont considérées comme agglomération, au sens de l'article L. 146-4-I, les urbanisations d'une taille supérieure ou de nature différente des villages et hameaux. Seraient ainsi concernés : une zone d'activité, un ensemble de maisons d'habitation excédant sensiblement la taille d'un hameau ou d'un village, mais qui n'est pas doté des équipements ou lieux collectifs qui caractérisent habituellement un bourg ou un village. Une ville ou un bourg important constituent, évidemment, une agglomération.

Tant les élus (5) que les associations (6) pour la défense du littoral ne se satisfont pas pleinement d'une telle circulaire. Les définitions apportées restent pour le moins très relatives. La question des constructions dans un hameau, qui était l'une des principales difficultés, reste problématique. La construction d'un hameau nouveau est possible, l'extension d'un hameau existant reste interdite mais des constructions à l'intérieur ou à la frange sont possibles. Nombreux sont ceux qui regrettent les interrogations restant en suspens. Les défenseurs de l'environnement craignent l'ouverture d'une brèche tandis que les élus s'interrogent sur les possibilités de développement et la manière dont les juges prendront en compte la circulaire (7).

Nicolas Wismer
Collaborateur juridique à des associations de collectivités territoriales
Chargé d'enseignement en droit public à l'IEP de Lyon


(1) Rép. min. n° 20896, JOSQ 20 avril 2006, p. 1162 (N° Lexbase : L5779HIU) ; Rép. min. n° 0880S, JOSQ 18 janvier 2006, p. 10 (N° Lexbase : L5783HIZ).
(2) Circulaire UHC/PS1 n° 2005-57 du 15 septembre 2005 (N° Lexbase : L5777HIS), relative aux nouvelles dispositions prévues par le décret n° 2004-310 du 29 mars 2004 relatif aux espaces remarquables du littoral et modifiant le Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L7305E83).
(3) CE 9° et 10° s-s., 3 mai 2004, n° 251534, Mme Barrière (N° Lexbase : A0666DCN).
(4) CE 1° et 6° s-s., 27 juillet 2005, n° 264336, Comité de sauvegarde du port Vauban, Vieille-ville et Antibes-Est (N° Lexbase : A1347DK4).
(5) Associations locales des Maires de France.
(6) Union des associations pour la défense du littoral.
(7) Précisons que la situation d'élu n'est nullement exclusive d'une préoccupation environnementale.

newsid:88330

Sociétés

[Textes] Aspects de droit des sociétés de la réforme sur les offres publiques d'acquisition (2ème partie)

Réf. : Loi n° 2006-387, 31 mars 2006, relative aux offres publiques d'acquisition (N° Lexbase : L9533HHK)

Lecture: 13 min

N9296AKI

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Le 07 Octobre 2010

La loi sur les offres publiques d'acquisition (OPA) résulte de la transposition de la Directive 2004/25/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 (Directive 2004/25 du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004, concernant les offres publiques d'acquisition N° Lexbase : L2413DYZ), qui crée un droit européen harmonisé des offres publiques. Celle-ci a conduit, notamment, en termes de droit des marchés financiers, à prendre en compte les cas où plusieurs marchés réglementés de l'Union européenne -et donc leurs autorités de contrôle- sont concernés par l'offre. Le champ de compétence de l'Autorité des marchés financiers a été, ainsi, modifié afin de répondre à cette nouvelle dimension communautaire, ce qui a, d'ailleurs, conduit à modifier ses pouvoirs. Mais, indépendamment de ces aspects liés à la régulation, c'est le droit des sociétés qui est touché tant, en la matière, les aspects juridiques des mécanismes boursiers et du droit commercial s'imbriquent. On ne saurait, à ce titre, que renvoyer, pour illustrer ce propos, à l'étude approfondie de M. Pietrancosta sur les moyens de défense anti-OPA qui résultent de ce nouvel encadrement juridique, et qui vient d'être publiée dans ces colonnes (A. Pietrancosta, Loi n° 2006-387 du 31 mars 2006 relative aux offres publiques d'acquisition : des "options" françaises (1ère partie) N° Lexbase : N7263AK9, (2ème partie) N° Lexbase : N7294AKD, (3ème partie) N° Lexbase : N7295AKE, (4ème partie) N° Lexbase : N7386AKR et (5ème partie) N° Lexbase : N7390AKW, Lexbase Hebdo n° 211 du 19 avril 2006 et n° 212 du 26 avril 2006 - édition affaires). Il demeure que la nouvelle loi emporte bien d'autres conséquences qu'il convient d'analyser dans une optique prospective. A travers ce prisme, on ne peut que souligner que des tendances profondes de l'évolution du droit des sociétés se renforcent : l'information des associés, mais également des salariés, le contrôle du pouvoir des dirigeants, et une meilleure transparence des opérations constituent les principales caractéristiques de la nouvelle loi. La notion de gouvernance, encore une fois, semble ainsi s'être invitée au coeur du débat juridique au point d'en devenir incontournable. Pour autant, le législateur met, également, en oeuvre nombre de dispositions qui visent a contrario, à faciliter les offres, du moins pour celles qui obéissent aux principes communautaires. La nouvelle loi a, ainsi, à résoudre le délicat paradoxe de la protection de l'investisseur et de l'associé mais, également, de tous les acteurs de l'opération, s'agissant des conséquences externes de l'offre (première partie, cf. J.-B. Lenhof, Aspects de droit des sociétés de la réforme sur les offres publiques d'acquisition (première partie), Lexbase Hebdo n° 217 du 31 mai 2006 - édition affaires N° Lexbase : N9036AKU). Elle introduit, par ailleurs, la garantie, pour les sociétés initiatrices, de ne pas rencontrer d'obstacles au déroulement régulier d'une offre publique d'acquisition grâce à l'aménagement interne du fonctionnement de la société en période d'offre (seconde partie).

II - Faciliter les déroulements des offres dans le cadre du droit communautaire (les conséquences internes de l'offre)

Les mécanismes mis en place répondent à un objectif majeur : rendre les offres publiques plus faciles dans un cadre européen. Cet objectif passe par deux voies : faciliter le déroulement des offres en restaurant le pouvoir actionnarial (A) mais, également, en paralysant les mécanismes de défense interne contre les offres (B).

A - Faciliter le déroulement des offres en restaurant le pouvoir actionnarial

On peut difficilement mesurer les enjeux du texte examiné sans en revenir sur l'élaboration de la Directive sur les offres et, notamment, sur certains des obstacles qui se sont élevés face à sa mise en oeuvre. En effet, les Etats membres se sont opposés, assez vigoureusement, sur l'introduction, dans le texte communautaire, de la notion d'"égalité des conditions de jeu" ("level playing field") censée gouverner le droit des offres. Par certains traits, on pourrait penser que cette notion renvoie à certains des principes généraux régissant le bon déroulement des offres publiques. Ces derniers, qui figurent à l'article 231-3 du règlement général de l'AMF , sont, en effet, rattachables, à première vue, aux mécanismes gouvernant le libre jeu des offres et de leurs surenchères, l'égalité de traitement et d'information des détenteurs des titres des personnes concernées, la transparence et l'intégrité du marché et la loyauté dans les transactions et la compétition.

Pourtant, l'introduction de la notion d'égalité dans les conditions de jeu va plus loin qu'une simple synthèse des principes qui se sont progressivement imposés en droit français. D'abord, parce que cette notion s'est développée dans le cadre de l'harmonisation communautaire, ce qui lui donne une dimension supplémentaire et, en tout état de cause, politique. Ensuite, parce que "l'égalité dans les conditions de jeu" emporte, à la différence des principes qui viennent d'être mentionnés et qui relèvent strictement d'une logique boursière, des conséquences sur le fonctionnement interne de la société cible ou, éventuellement, de la société initiatrice qui ferait l'objet de mesures de défenses visant à une contre-offre. Ce principe d'égalité dans les conditions de jeu est, par ailleurs, mis en oeuvre sous l'égide d'un accroissement de la gouvernance, le pouvoir des actionnaires ayant été notablement renforcé, au point de modifier l'équilibre institutionnel dans l'ordre interne à la société.

L'article 9 de la Directive a ainsi été transposé dans la loi qui prévoit qu'en période d'offre, l'assemblée générale doit approuver toute mesure dont la mise en oeuvre est susceptible de faire échouer l'offre. Ce principe se traduit désormais par les dispositions suivantes, introduites au I du nouvel article L. 233-32 du Code de commerce (N° Lexbase : L1384HI4) : s'agissant des sociétés dont les actions sont admises à négociation sur un marché réglementé, "le conseil d'administration, le conseil de surveillance, à l'exception de leur pouvoir de nomination, le directoire, le directeur général ou l'un des directeurs généraux délégués de la société visée doivent obtenir l'approbation préalable de l'assemblée générale pour prendre toute mesure dont la mise en oeuvre est susceptible de faire échouer l'offre, hormis la recherche d'autres offres" (1).

Ainsi, si la défense est possible, elle ne l'est que sous couvert d'une autorisation des actionnaires, sauf si les dirigeants tendent, de façon autonome, à recourir à la surenchère (ce dont l'actionnaire ne saurait que profiter) ou partent à la recherche d'un chevalier blanc (ce qui devrait profiter, en principe, à l'actionnaire, tout en préservant éventuellement une certaine forme de logique industrielle).

Voilà une évolution qui traduit distinctement le déplacement du centre de gravité du pouvoir dans les sociétés anonymes cotées, qui a été initié en 2001 (cf. supra), et qui semble trouver son point d'orgue avec cette loi. En effet, l'actionnaire retrouve, aujourd'hui, dans toutes les phases critiques de la vie de la société, un pouvoir de décision quasi-absolu, les dirigeants se trouvant, désormais, cantonnés, sauf exception, dans un rôle de direction dans le cadre strict des limites que leur ont fixées les actionnaires. En même temps, la liberté statutaire prônée par le législateur s'apparente davantage à un outil visant à conserver l'équilibre entre entreprises, qu'à la possibilité d'aménager statutairement le pouvoir des dirigeants qui apparaît de plus en plus être subordonné à celui des détenteurs du capital. Par ce moyen, on espère que les actionnaires, s'ils trouvent un intérêt financier et/ou stratégique à accepter l'offre, choisissent la solution de ne pas paralyser l'action de son initiateur.

Pour autant, cette disposition ne semble pas devoir aboutir à un changement significatif des mécanismes relatifs à la pratique des offres, ainsi qu'en atteste la réglementation de l'AMF qui était applicable antérieurement. En effet, le règlement général de l'AMF limitait déjà ces pouvoirs, dans son article 231-36, en interdisant aux dirigeants d'accomplir, durant toute la période de l'offre, d'autres actes que ceux relevant de la gestion courante, sauf ceux qui avaient été expressément autorisés par l'assemblée générale. Dans le cas contraire, les dirigeants, conduits à prendre des mesures excédant le domaine de la gestion courante, devaient en aviser l'Autorité, cette dernière faisant connaître, en tant que de besoin, son avis sur la possibilité de prendre ou non l'acte qui lui était déféré. Quant à cet avis, il était rendu après examen de la conformité de l'acte aux principes généraux des OPA qui figurent au titre III du livre II du règlement général de l'AMF, cette dernière étant plus particulièrement vigilante quant au respect du "libre jeu des offres et de leurs surenchères" (article 231-3 du règlement général de l'AMF). Dans les faits, donc, les dirigeants des sociétés ont toujours été conduits à agir avec circonspection, soit en questionnant l'AMF au préalable, soit en obtenant l'autorisation de l'assemblée générale des actionnaires. C'est ainsi que la possibilité, qui semblait leur être offerte, au regard du droit des sociétés, de conduire une politique de défense de façon autonome s'est avérée, jusqu'à présent, être purement hypothétique en raison de l'édiction, par l'autorité de marché, de règles strictes de gouvernance.

Pourtant, même si la transposition de la Directive ne change rien au déroulement de l'offre, elle permet -à notre sens- de rétablir un équilibre normatif que l'irruption d'une règle visant les marchés financiers, dans le fonctionnement des sociétés cotées, avait quelque peu perturbé. En effet, à raisonner par rapport au directeur général de la société anonyme, celui-ci voit ses pouvoirs légalement définis. Il tient de la loi des pouvoirs propres et l'article L. 225-51-1, alinéa 1, du Code de commerce (N° Lexbase : L2183ATZ) dispose, à ce titre, qu'il assume sous sa responsabilité la direction générale de la société et se trouve investi, aux termes de l'article L. 225-56 I, alinéa 1, du même code (N° Lexbase : L5927AID), des pouvoirs les plus étendus pour agir "en toute circonstance au nom de la société". Quant à leurs limitations, ils ne sauraient résulter, selon les textes (et on peut s'appuyer à cet égard sur les dispositions de l'article L. 225-56 I, alinéa 3, du Code de commerce) que de stipulations statutaires ou d'une décision du conseil d'administration. Avec le recul que donne, désormais, l'édiction des nouvelles dispositions, la question se pose de savoir comment, compte tenu de la nécessité de respecter la hiérarchie des normes, le règlement général de l'Autorité des marchés financiers a pu prendre le pas sur les dispositions du Code de commerce concernant les pouvoirs des dirigeants. La question appelle une réponse d'ordre pratique : c'est volontairement -spontanément, ou contraints en pratique à le faire- que les dirigeants se sont soumis aux prescriptions du droit des marchés financiers.

On est, en revanche, en mesure de s'interroger sur la solution juridique qu'il aurait fallu apporter à un éventuel contentieux dans lequel un dirigeant, ou une société, aurait contesté le caractère impératif du règlement général de l'AMF venant en concours avec une disposition d'ordre public. Sur ce point, au moins, la transposition de la Directive vient vider cette problématique de toute sa substance.

Il reste, pour terminer sur le point de la situation des actionnaires, à souligner que le pouvoir actionnarial n'a pas été conçu dans la réforme comme un pouvoir absolu et que la loi prévoit, au contraire, le renforcement du mécanisme de retrait obligatoire. A côté de la protection du minoritaire, garantie par les nouveaux procédés d'établissement de prix ainsi que par l'obligation pour la société initiatrice de proposer une offre sur la totalité du capital, la loi simplifie, pour l'initiateur de l'offre ayant mené à bien son opération, les mécanismes de retrait obligatoire qui lui permettent de racheter de force les titres des actionnaires minoritaires. En effet, l'ancienne procédure, codifiée à l'article L. 433-4 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L8897DNT) imposait à l'offrant, avant de pouvoir imposer aux minoritaires de céder leurs titres, de procéder à une offre publique de retrait (OPR). Désormais, le retrait obligatoire devient possible sans qu'il soit besoin de lancer une offre publique de retrait. En ce sens, l'article L. 433-4 du Code monétaire et financier est complété par un III et un IV ainsi rédigés : "III. - [...] le règlement général de l'Autorité des marchés financiers fixe également les conditions dans lesquelles, à l'issue de toute offre publique et dans un délai de trois mois à l'issue de la clôture de cette offre, les titres non présentés par les actionnaires minoritaires, dès lors qu'ils ne représentent pas plus de 5 % du capital ou des droits de vote, sont transférés aux actionnaires majoritaires à leur demande, et les détenteurs indemnisés" (2).

Pour autant, en l'absence d'offre publique d'acquisition, l'ancienne règle demeure, qui veut que le retrait obligatoire ne puisse être mis en oeuvre qu'après qu'une offre publique de retrait ait été lancée.

B - Faciliter le déroulement des offres en paralysant les clauses anti-OPA

Au-delà de la situation de l'actionnaire, reconsidérée dans sa double dimension d'acteur des offres publiques et de destinataires des règles de gouvernance, l'ouverture plus large des sociétés de l'Union européenne aux offres publiques s'accompagne d'une autre série de dispositions qui touche au droit des sociétés. Celles-ci ont pour objet la suspension des mécanismes mis en place par l'aménagement du fonctionnement interne de la personne morale ou par l'aménagement du droit de vote. Comme nous l'avons déjà souligné la semaine précédente, dans la première partie de cette étude, un important volet de ce texte concernant les défenses anti-OPA a été commenté récemment par M. Pietrancosta dans ces colonnes et nous ne saurions que renvoyer, sur ce point, aux développements particulièrement approfondis de l'auteur.

Il demeure, qu'au-delà de l'aménagement des défenses de la société-cible, les instances communautaires avaient surtout pour objectif, en repensant le cadre des mécanismes de défense, de mettre en oeuvre la notion d'"égalité de traitement entre entreprises". A ce titre, il s'agissait, dans une des versions intermédiaires du texte communautaire, de réduire la liberté statutaire des sociétés en matière de lutte contre les offres et d'autoriser exclusivement une défense conventionnelle -circonstancielle dirons-nous, par opposition à statutaire- contre les OPA. Ainsi, les sociétés auraient été, dans ce projet, traitées sur un pied d'égalité, puisqu'elles auraient toutes été vulnérables à une offre et, au plan des pouvoirs en matière de défense, les décisions auraient été de la compétence de principe de l'assemblée générale. Que penser de cette toute puissance accordée à l'actionnaire ? Des voix se sont élevées en doctrine (3) pour souligner que la solution consistant à conférer à l'actionnaire un pouvoir aussi grand en période d'OPA faisait de lui le seul juge du bien fondé de l'offre et, surtout, de l'intérêt social, ce qui ne semblait pas souhaitable. In fine, cette version du projet a été abandonnée au profit d'un encadrement juridique laissant une plus large part au rôle des autres acteurs des offres.

Ce débat -actionnaire versus autres parties prenantes de l'entreprise- ressurgira, sans doute, tant le mécanisme des offres semble, parfois, ne reposer que sur une logique financière mais, en ce domaine, le débat sur le pouvoir actionnarial, a semble-t-il abouti à ce que le législateur s'imprègne de l'idée (4), qu'en principe, une OPA ne peut nuire à l'actionnaire. Cette conviction étant profondément ancrée au moment de la transposition, cette dernière a été d'autant plus aisée que la vulnérabilité des sociétés aux offres a été largement atténuée à l'issue des négociations entre Etats membres. Le texte définitif de la Directive n'a, en effet, imposé qu'un mécanisme optionnel de gel des défenses anti-OPA qui s'est traduit, en droit interne, par l'introduction d'une inopposabilité volontaire de ces défenses pour les sociétés concernées.

C'est ainsi que le nouvel article L. 233-35 du Code de commerce (N° Lexbase : L1387HI9), prévoit l'inopposabilité volontaire, dans le cas ou celle-ci figurerait dans les statuts de la société cible, des restrictions contractuelles au transfert d'actions de ladite société (sous réserves qu'elles aient été conclues après l'adoption de la Directive). Le nouvel article L. 233-36 du Code de commerce (N° Lexbase : L1388HIA), toujours dans le cas ou les statuts de la société-cible les prévoiraient, permet la levée des restrictions contractuelles à l'exercice des droits de vote ; l'article L. 233-37 du même code (N° Lexbase : L1389HIB), également nouveau, régit de la même façon les restrictions statutaires à l'exercice des droits de vote : elles peuvent être levées volontairement. Reste que le nouveau principe d'égalité des offres est moins souple qu'il n'y paraît puisque si l'option est ouverte aux sociétés -dans la loi du moins (cf. infra)- durant la période d'offre, il n'en va pas de même si l'offre réussit. En effet, dans ce cas, la suspension des pouvoirs politiques ne peut être laissée à la discrétion de la société-cible qui pourrait priver l'initiateur des fruits de son opération. En conséquence, à la suite d'une offre réussie, les éventuelles restrictions statutaires à l'exercice des droits de vote sont automatiquement suspendues, cette disposition étant insérée à l'article L. 225-125 du Code de commerce (N° Lexbase : L1417HIC).

Ceci étant posé, les termes de la loi ne préjugent pas de la future pratique juridique des offres, puisque les dispositions législatives qui viennent d'être évoquées doivent être analysées à l'aune d'autres textes, qui émanent de l'Autorité des marchés financiers, d'Euronext, voire de dispositions déjà existantes dans le Code de commerce.

En effet, ce mécanisme de suspension des dispositions statutaires ne fait que matérialiser une doctrine de l'AMF qui repose sur une position de fond en matière d'offre publique, position tendant à faire disparaître la plupart des procédés imaginés par des sociétés-cibles pour faire échec à une OPA. Les économistes, dont l'influence sur le droit boursier peut difficilement être contestée, soulignent, en effet, l'importance de cette perméabilité du capital aux participations externes. Ils démontrent, notamment, que l'offre d'un concurrent ou d'un investisseur constitue indirectement une menace pour les dirigeants et les contraint -en théorie- à offrir aux actionnaires des gains significatifs, en termes de valorisation de l'action pour les dissuader de répondre de façon positive à l'offre (5).

C'est ainsi que l'article 231-6 du règlement général de l'AMF prévoit la suspension, en période d'offre, des clauses statutaires d'agrément. Par ailleurs (mais, sur ce point, on ne peut évoquer la nature réglementaire stricto sensu de ces sujétions), s'agissant des clauses de préemption ; ce sont les règles de marché Euronext qui stipulent que ces clauses ne peuvent figurer dans les statuts des sociétés admises sur un marché réglementé. Il est, en revanche, possible de les introduire par la voie d'un pacte d'actionnaires, c'est-à-dire au moyen d'une technique purement conventionnelle.

Quant à ces pactes, même si leur paralysie n'est pas évoquée au plan infra-législatif, ils font, selon l'article 231-5 du règlement général de l'AMF, l'objet d'une obligation d'information à l'occasion d'une OPA. Cette obligation est remplie par l'insertion, dans la note d'information, des clauses prévoyant des conditions préférentielles de cession ou d'acquisition d'actions, ainsi que la publication de toute clause susceptible d'avoir une incidence sur l'appréciation de l'offre publique ou son issue. Reste, enfin, à souligner que la loi dispose, déjà, en faveur des mécanismes de transparence puisque l'article L. 233-11 du Code de commerce (N° Lexbase : L6314AIP) impose la transmission, à tout moment, à l'émetteur et à l'AMF, chargée d'en assurer la publicité, des clauses des conventions comportant des conditions préférentielles de cession ou d'acquisition d'actions cotées. Sont, ainsi, concernées les clauses de préférence et de préemption portant sur au moins 0,5 % du capital ou des droits de vote de l'émetteur. La suspension des effets de ces clauses n'est prévue qu'en cas d'absence de transmission à l'autorité.

Ainsi, on se convaincra aisément de la difficulté à considérer l'ensemble des dispositions de la loi comme n'étant pas de nature obligatoire dans le cadre d'offres publiques réalisées sous l'égide du droit interne. Au-delà des contraintes légales, l'encadrement juridique des marchés semble être à même de conduire à une égalité de traitement entre les entreprises. En définitive, le caractère optionnel des clauses de défense anti-OPA ne vise qu'à permettre le rétablissement d'une égalité de traitement entre les entreprises européennes et les sociétés américaines qui, elles, peuvent légalement mettre en place des mécanismes internes de défense. Ce déséquilibre, amplement souligné lors des débats parlementaires, risque, toutefois, de devoir être considéré comme étant obsolète, car à l'heure où nous mettons sous presse, alors que la fusion entre Euronext et le New-York Stock Exchange vient d'être annoncée, tout concourt à aboutir -à terme- à une harmonisation globale de la pratique des offres publiques.

Jean-Baptiste Lenhof
Maître de conférences à l'ENS - Cachan Antenne de Bretagne
Membre du centre de droit financier de l'Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne)


(1) Il est inséré, dans la section 5 du chapitre III du titre III du livre II du Code de commerce, un article L. 233-32 ainsi rédigé : "Pendant la période d'offre publique visant une société dont des actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé, le conseil d'administration, le conseil de surveillance, à l'exception de leur pouvoir de nomination, le directoire, le directeur général ou l'un des directeurs généraux délégués de la société visée doivent obtenir l'approbation préalable de l'assemblée générale pour prendre toute mesure dont la mise en oeuvre est susceptible de faire échouer l'offre, hormis la recherche d'autres offres".
(2) L'article L. 433-4 du Code monétaire et financier est complété par un III et un IV ainsi rédigés :
"III. - Sans préjudice des dispositions du II, le règlement général de l'Autorité des marchés financiers fixe également les conditions dans lesquelles, à l'issue de toute offre publique et dans un délai de trois mois à l'issue de la clôture de cette offre, les titres non présentés par les actionnaires minoritaires, dès lors qu'ils ne représentent pas plus de 5 % du capital ou des droits de vote, sont transférés aux actionnaires majoritaires à leur demande, et les détenteurs indemnisés. Dans les conditions et selon les modalités fixées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers, l'indemnisation est égale, par titre, au prix proposé lors de la dernière offre ou, le cas échéant, au résultat de l'évaluation mentionnée au II. Lorsque la première offre publique a eu lieu en tout ou partie sous forme d'échange de titres, l'indemnisation peut consister en un règlement en titres, à condition qu'un règlement en numéraire soit proposé à titre d'option, dans les conditions et selon les modalités fixées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers. Lorsque les titulaires de titres ne sont pas identifiés, dans les conditions mentionnées à l'article L. 228-6-3 du Code de commerce (N° Lexbase : L8365GQU), l'indemnisation est effectuée en numéraire et son montant consigné.
IV. - Le règlement général de l'Autorité des marchés financiers fixe également les conditions dans lesquelles la procédure mentionnée aux II et III porte sur les titres donnant ou pouvant donner accès au capital, dès lors que les titres de capital susceptibles d'être créés par conversion, souscription, échange, remboursement, ou de toute autre manière, des titres donnant ou pouvant donner accès au capital non présentés, une fois additionnés avec les titres de capital existants non présentés, ne représentent pas plus de 5 % de la somme des titres de capital existants et susceptibles d'être créés
".
(3) Cf. Marianne Haschke-Dournaux, L'adoption de la Directive européenne relative aux offres publiques d'acquisition, Petites Affiches du 26 avril 2004.
(4) Rapport Marini
(5) En ce sens, voir le rapport Marini précité : "Leur simple probabilité constitue un facteur incitatif à la création de valeur et à la préservation des intérêts financiers des actionnaires, susceptible de se traduire par un accroissement du cours de bourse et donc par le renchérissement du prix à payer pour une cible potentielle".

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Social général

[Evénement] La nouvelle précarité en droit du travail

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N9115AKS

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par Compte-rendu réalisé par Charlotte Figerou, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 07 Octobre 2010

La nouvelle précarité en droit du travail. Tel était l'intitulé de l'une des six conférences organisées par Legiteam, le 1er juin dernier, autour du thème Le droit social - Les ressources humaines. Cet exposé, présenté par Mohamed Oulkouir, avocat spécialisé en droit social au sein du cabinet Eversheds, était destiné à faire le point sur la situation de crise de notre modèle social français et sur l'émergence de nouveaux types de contrats de travail, tels que le contrat nouvelles embauches (CNE) et feu le contrat première embauche (CPE). Trois autres comptes-rendus des interventions vous seront proposés dans les prochains numéros de Lexbase Hebdo - édition sociale : Egalité salariale et discrimination : panorama jurisprudentiel et actualité législative, Licencier en prévision des difficultés économiques à venir : les arrêts "pages jaunes", et, enfin, Exercice du pouvoir disciplinaire et gestion du personnel.
  • Un modèle social en crise

Par modèle social, rappelle Mohamed Oulkouir, il faut entendre le droit du travail, la protection sociale (pour l'essentiel, assurance chômage, assurance maladie et assurance vieillesse), ainsi que la formation.

La crise de ce modèle social se manifeste aujourd'hui, en France, de plusieurs manières : un taux de chômage élevé (environ 9,3 % de la population active), une marginalisation croissante du contrat de travail à durée indéterminée (CDI), des difficultés de mise en place de la formation professionnelle et, enfin, des inégalités inhérentes au marché du travail, se traduisant, par exemple, par des disparités salariales entre hommes et femmes ou, encore, par un nombre plus élevé de contrats de travail à temps partiel chez la femme que chez l'homme.

Au final, notre modèle social ne correspond plus à l'évolution des relations de travail. Le CDI représente, aujourd'hui, un refuge contre la précarité alors que, à la fin du XIXème siècle, la logique était toute autre. En effet, le salariat était considéré comme la précarité, à tel point que le parti radical de la IIIème République prônait son abolition pure et simple.

Des garanties ont alors été, peu à peu, mises en place afin de sécuriser ce CDI ; la première évolution marquante est intervenue en 1958, avec l'obligation de respecter un préavis pour congédier un salarié. Ensuite, est apparue l'obligation d'accorder au salarié licencié une indemnité de licenciement puis, en 1973, celle pour l'employeur désireux de licencier un salarié de justifier son acte. Naissait, alors, la théorie de la cause réelle et sérieuse qui doit, aujourd'hui, sous-tendre tout licenciement. Au fil de sa jurisprudence, la Cour de cassation a, ensuite, pris le relais du législateur pour renforcer cette notion de cause réelle et sérieuse et imposer la présence d'éléments objectifs dans tout licenciement.

Or, ce système social étant aujourd'hui en échec, il a fallu réfléchir à des solutions autres, qui ont abouti à l'apparition des fameux CNE et CPE. Ainsi que le souligne Mohamed Oulkouir, le CNE, contrairement aux apparences et aux idées reçues, n'est pas apparu ex nihilo, de la simple succession des deux Premiers ministres, Dominique de Villepin et Jean-Pierre Raffarin. L'idée même du CNE remonte à 1995 et au rapport Boissonnat, lequel proposait, comme solution à la crise du modèle social, l'assouplissement des règles de protection de l'emploi et, partant, la facilitation du licenciement. En bref, de la flexibilité. Or, ces idées, prônées par le Gouvernement en 1995, étaient directement inspirées des instances européennes et, en particulier, de l'OCDE, cette dernière proposant de fluidifier le marché du travail français et de réformer les procédures de licenciement pour motif économique, trop complexes à mettre en oeuvre. En effet, ces procédures sont trop souvent vécues par les employeurs comme des dédales juridiques, conduisant ceux-ci à les éluder et à leur substituer les procédures plus simples de licenciements pour motifs personnels. De là est d'ailleurs né un important contentieux de licenciements pour motifs personnels déguisés, conduisant les juges à procéder à des requalifications en masse en licenciements économiques.

En outre, l'OCDE recommandait, également, la mise en place du contrat de travail unique, partant du constat d'un nombre trop élevé des types de contrats de travail, de nature à complexifier la situation -surtout lorsque les règles de rupture diffèrent d'un contrat à l'autre-.

Ces recommandations de l'OCDE ont conduit à un tournant normatif en 2000. La stratégie de Lisbonne a abouti à la mise en place, en 2005 et 2006, du CNE et du CPE. Il s'agit, pour l'essentiel, de substituer au système de garanties collectives institué par les Trente Glorieuses, un système d'individualisation des relations de travail. Le CNE s'inscrit dans cette logique.

  • Le régime du CNE

Il convient de rappeler que le CNE s'adresse à toutes les entreprises de 20 salariés au plus. L'effectif est d'ailleurs calculé selon des règles favorables aux petites entreprises, puisque le calcul se fait au jour de la signature du contrat, contrairement à la situation applicable aux élections des représentants du personnel. Par conséquent, un employeur dont l'effectif atteint, par exemple, 19 salariés, peut tout à fait conclure 10 CNE le même jour, même si cela le conduit, ensuite, à excéder la limite des 20 salariés.

L'appréciation de l'effectif se fera au niveau de l'entreprise, et non à celui de l'établissement.

S'agissant des emplois concernés, est visée toute nouvelle embauche dans l'entreprise, à l'exception des emplois saisonniers, ainsi que des emplois où il est d'usage de ne pas recourir au CDI.

En outre, le CNE est un contrat écrit, cet écrit devant d'ailleurs préciser qu'il s'agit d'un CNE.

Enfin, le CNE peut succéder immédiatement à un contrat de travail à durée déterminée (CDD) ou à un contrat de travail temporaire (CTT), sans que soit due l'indemnité de précarité. La durée du CDD ou du CTT n'entre pas, quant à elle, dans la période de consolidation de 2 ans du CNE, qui obéit, on le sait, à des règles de rupture simplifiées.

En effet, pendant cette période de consolidation, faussement qualifiée dans l'opinion publique de "période d'essai", les règles de rupture du CNE dérogent largement au droit commun de la rupture du contrat de travail. La rupture se matérialisera par une simple lettre recommandée avec accusé de réception, et aucune indemnité de licenciement ne sera due au salarié évincé de l'entreprise. D'ailleurs, la rupture n'a pas à être motivée. Il sera possible pour un employeur de rompre un CNE en raison des difficultés économiques qu'il rencontre, sans respecter les règles de la rupture pour motif économique.

Si le salarié rompt de lui-même le CNE, il ne doit pas respecter de préavis, sauf stipulation contraire du contrat de travail.

Enfin, si le contrat est rompu au cours de la période de consolidation, l'employeur doit verser au salarié une indemnité égale à 8 % du montant total de la rémunération brute due au salarié depuis la conclusion du contrat. Cette indemnité n'est, toutefois, pas due en cas de faute grave du salarié. En outre, à cette indemnité s'ajoute une contribution de l'employeur aux Assédics, égale à 2 % de la rémunération brute due au salarié depuis le début du contrat. Ces sommes sont exonérées de cotisations de sécurité sociale, de CSG et de CRDS.

Précisons, pour conclure sur la rupture du CNE, que si le salarié a commis une faute, l'employeur doit respecter la procédure disciplinaire prévue par les articles L. 122-40 et suivants du Code du travail (N° Lexbase : L5578ACL). Il vaut mieux, ainsi que le conseille Mohamed Oulkouir, ne jamais justifier cette rupture, au risque pour l'employeur de devoir démontrer qu'elle repose bien sur une cause réelle et sérieuse. Cela ne signifie pas, pour autant, que le salarié sera démuni de tout recours juridique ; s'applique un certain nombre de règles protectrices, telles que la législation sur la femme enceinte, la législation sur les accidents du travail et maladies professionnelles, les règles de l'inaptitude à l'emploi.... De plus, le salarié peut toujours recourir à la notion d'abus de droit pour contester une rupture abusive de la période de consolidation. Par une décision du conseil de prud'hommes de Longjumeau du 20 février 2006 (conseil de prud'hommes, Longjumeau, 20 février 2006, R.G n° 05/00974, M. Peyroux N° Lexbase : A5277DNR, et les obs. de Ch. Willmann, Contrat nouvelles embauches : un nouveau contrat de travail ou une réforme du droit du licenciement ?, Lexbase Hebdo n° 207 du 23 mars 2006 - édition sociale N° Lexbase : N5993AK8), un employeur a été lourdement condamné sur ce terrain là pour avoir rompu de manière abusive un CNE pendant ladite période de 2 ans.

  • Les juges et le CNE

Si, à l'heure actuelle, on dispose encore de peu de recul sur le CNE, quelques décisions de jurisprudence méritent d'être relevées. On se souviendra, notamment, de l'arrêt du Conseil d'Etat rendu le 19 octobre 2005 (CE Contentieux, 19 octobre 2005, n° 283471, Confédération générale du travail et autres N° Lexbase : A9977DKQ, et les obs. de Ch. Willmann, Le Conseil d'Etat valide le contrat nouvelles embauches, Lexbase Hebdo n° 188 du 3 novembre 2005 - édition sociale N° Lexbase : N0289AKW), et par lequel la Haute juridiction administrative se prononçait en faveur du caractère raisonnable de la période de consolidation au regard de la Charte sociale européenne. Le Conseil constitutionnel a, quant à lui, également estimé que ce délai de 2 ans était conforme à notre Constitution (Cons. const., décision n° 2005-521 DC, du 22 juillet 2005, loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi N° Lexbase : A1642DKZ). Seul le conseil de prud'hommes de Longjumeau a tranché en faveur du caractère non raisonnable de ce délai au regard de la convention n° 158 de l'OIT.

Peut être, d'ailleurs, la Cour de cassation rendra-t-elle un avis sur la question dans les prochains mois ?

  • Nouvelle précarité ou nouveau modèle ?

A l'heure où les employeurs hésitent à signer des CNE, où l'immense chantier de la recodification du Code du travail est sur les rails, où les débats autour du CPE sont apaisés et où ceux sur le contrat unique sont d'actualité, on peut s'interroger sur le sort de notre modèle social.

Alors que le CNE "agonise" devant les conseils de prud'hommes et que la CFDT monte au créneau pour anéantir, au cas par cas, ce contrat, en prenant en charge les frais de procédure des salariés désireux d'attaquer leur CNE devant les juges prud'homaux, on peut penser, avec Mohamed Oulkouir, que le devenir de ce type de contrat est étroitement lié aux mesures que prendra le Gouvernement : renforcement de la flexibilité ou retour à l'équilibre. Mais, comme le souligne Mohamed Oulkouir, la flexibilité ne suffit pas, à elle seule, pour relancer l'emploi. Il suffit, pour s'en rendre compte, de prendre l'exemple des situations internationales. Le modèle danois, dénommé "flexicurité", qui allie flexibilité et sécurité, est, selon Mohamed Oulkouir, très efficace. Ce modèle, qui repose sur une certaine souplesse du contrat de travail, apporte aux salariés une sécurisation de leurs trajectoires. Les salariés danois, très mobiles par nature, ne bénéficient que d'une faible protection contre le licenciement mais, en contrepartie, perçoivent des indemnités de chômage très importantes et ce, pendant 4 ans. Cette situation leur permet de rechercher activement un emploi, et l'aide à la recherche d'emploi est confiée à des entreprises privées. En outre, le système de formation dont bénéficient ces chômeurs est ambitieux et offre des perspectives importantes de retour à l'emploi.

  • Quelle issue pour notre modèle social ?

Le système français, tel qu'il résulte notamment du CNE, est insatisfaisant en ce qu'il ne permet pas l'individualisation des droits à la protection sociale. En effet, notre système repose encore sur la notion d'ayant droit et, par exemple, le jeune en rupture avec sa famille pourra se voir refuser une bourse d'études au motif que ses parents ont des revenus suffisants. Il en va de même pour l'époux ou l'épouse qui ne travaille pas et qui dépend donc entièrement de son conjoint en matière de protection sociale.

Les propositions visant à remédier à cette situation ont été nombreuses ; toutes visaient à instaurer plus de souplesse et à diminuer le risque de contentieux. On se souviendra, par exemple, du contrat d'activité proposé par le rapport Boissonnat en 1995. Ce contrat d'activité consistait à attacher le salarié non pas à une entreprise, mais à un bassin d'activités. Ensuite, un système de sous contrats devait rattacher plus spécifiquement ledit salarié à une entreprise du bassin. Ce système, très délicat à mettre en oeuvre, n'a jamais vu le jour.

Le Medef a, quant à lui, prôné la mise en place du contrat de projet dans le cadre de la "refondation sociale". Ce système était fondé sur un accroissement de la négociation collective et sur un système de contrat à la tâche, prenant la forme d'un CDD assoupli. Un contrat de projet resté à l'état de projet et qui n'a, lui non plus, jamais reçu une quelconque consécration législative. Enfin, le contrat unique, consistant à unifier totalement tous les contrats de travail et à instaurer un seul type de contrat de travail pour toutes les entreprises, est, selon Mohamed Oulkouir, une idée plus intéressante que les précédentes. Notamment, le montant de l'indemnité de licenciement serait fixé en fonction de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise et ce dernier ne pourrait pas saisir les juges prud'homaux au moment de la rupture. On devine déjà, cependant, en filigrane, les difficultés pratiques induites par un tel contrat, au regard des incompatibilités de telles mesures avec notre législation.

Un tel système, pour être viable, devrait, selon Mohamed Oulkouir, avoir pour corollaire une réforme en profondeur du service public de l'emploi et de l'assurance chômage. Cela implique donc d'aller plus loin que ce qui a été déjà fait via la loi "Borloo", dite de cohésion sociale (loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005, de programmation pour la cohésion sociale N° Lexbase : L6384G49) (recours aux entreprises privées pour le placement des chômeurs). De plus, il faudrait renforcer le système de formation professionnelle en permettant, par exemple, la "transférabilité" des droits acquis au titre du Dif. En outre, le salarié devrait pouvoir conserver le bénéfice de toute sa carrière lorsqu'il change d'entreprise, qu'il s'agisse de ses droits à congés payés, du bénéfice de son ancienneté... En un mot, il faut attacher les droits à la personne du salarié.

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