La lettre juridique n°219 du 15 juin 2006

La lettre juridique - Édition n°219

Éditorial

Contrat "in house" : "la confiance n'exclut pas le contrôle*" !

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N9657AKU

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

Le 27 Mars 2014


L'article 1er du Code des marchés publics pose les principes généraux de la commande publique. Ainsi, "quel que soit leur montant, les marchés publics respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. Ces principes permettent d'assurer l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics. Ils exigent une définition préalable des besoins de l'acheteur public, le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence et le choix de l'offre économiquement la plus avantageuse". A l'évidence, à travers ces principes fondamentaux, ce que recherchent les administrations et autres collectivités publiques, c'est d'inscrire le cadre de la gestion de leurs achats sous le signe de la confiance : confiance entre l'acheteur public et le prestataire privé, car pour sûr "on est plus souvent dupé par la défiance que par la confiance" (Cardinal de Retz) ; confiance entre l'acheteur public et la société civile-contribuable, car "toute figure exemplaire est nourricière de confiance" (Alain Peyrefitte). Pourtant, se faisant l'avocat du diable, qu'est ce qu'un contrat "in house", exception à la mise en concurrence et aux règles communes de la passation des marchés publics, si ce n'est une traduction juridique de la plus grande des confiances entre les parties : autrement-dit, pourquoi mettre en concurrence et suivre les affres, car malgré tout il en existe certains, des passations de marchés publics, lorsque l'on peut recourir aux services d'une personne juridique sur laquelle on exerce un contrôle analogue à celui exercé sur ses propres services, et ce d'autant plus volontiers que cette personne réalise l'essentiel de son activité avec la ou les collectivités qui la détiennent (dixit, l'arrêt fondateur de l'exception en cause, CJCE, 18 novembre 1999, aff. C-107/98, Teckal Srl c/ Comune di Viano et Azienda Gas-Acqua Consorziale (AGAC) di Reggio Emilia) ? Seulement voilà, pour le juge communautaire, la notion de "contrôle", comme celle de "réalisation de l'essentiel de son activité" n'est pas à prendre à la légère. Il convient de noter que la Cour a, à la suite de l'arrêt "Teckal Srl", fait oeuvre d'interprétation rigoriste, conduisant notamment, à exclure du bénéfice de cette exception aux règles communautaires de la commande publique, les sociétés d'économie mixte, ou encore, les sociétés à capitaux entièrement publics mais ayant acquis une vocation de marché. Le juge communautaire semblait donc voir rouge à l'approche d'un contournement abusif des règles de mise en concurrence que laisserait entrevoir l'exception des contrats "in house". Toutefois, faisant preuve de pragmatisme et se rangeant à l'avis de son Avocat général, la Cour de justice semble avoir, enfin, adopté une position moins stricte. En effet, elle n'exclut pas du régime de ces contrats, ceux passés entre une commune et une entreprise détenue, non seulement, par elle-même et, mais aussi, par d'autres communes voisines. La condition de "contrôle analogue à celui exercé sur ses propres services" paraît donc être légèrement assouplie. Sans parler de révolution, cette décision amorce une approche pragmatique qui ravira les praticiens, comme la doctrine, sans pour autant parler d'un "retour" à l'opacité des procédures d'attribution de marchés... Sur cette récente décision de la Cour, en date du 11 mai dernier, les éditions juridiques Lexbase vous invitent à lire la chronique de Olivier Dubos, Professeur de droit public à l'université Montesquieu-Bordeaux IV, La Cour de justice et l'exception in house : du rigorisme au pragmatisme ?.
* Lénine

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Rel. collectives de travail

[Jurisprudence] Aménagements conventionnels de la durée du mandat des représentants du personnel : de l'importance du respect des dispositions légales

Réf. : Cass. soc., 24 mai 2006, n° 05-60.351, Société Speedy France c/ Syndicat CFTC de la métallurgie et autres, FS-P+B (N° Lexbase : A7697DPR)

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N9490AKP

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par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

Désormais fixée à 4 ans, la durée des mandats des délégués du personnel et des membres du comité d'entreprise peut, en application d'une convention ou d'un accord collectif, être réduite à une durée moindre sans pouvoir être inférieure à 2 ans. Issues de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises (N° Lexbase : L7582HEK), ces dispositions n'auront guère tardé à susciter un contentieux, ainsi qu'en témoigne un intéressant arrêt rendu le 24 mai dernier par la Cour de cassation. Etait en cause, en l'espèce, la stipulation un peu curieuse d'un accord préélectoral fixant la durée des mandats des institutions représentatives du personnel à 4 ans, sous réserve de l'accord des délégués du personnel. Approuvant les juges du fond, la Chambre sociale a, à juste titre, considéré que cette clause était illicite, remettant du même coup en cause la validité de l'accord préélectoral dans lequel elle figurait et des élections ayant suivi celui-ci.

Résumé

Un protocole préélectoral ne peut prévoir une dérogation à la durée légale des mandats des représentants du personnel dans des conditions autres que celles prévues par l'article 96 de la loi du 2 août 2005. Par ailleurs, le premier et le second tour des élections professionnelles doivent se tenir conformément aux dispositions d'un même protocole préélectoral. Par suite, le tribunal d'instance, qui a constaté que le premier tour des élections s'était déroulé conformément à un protocole subordonnant la durée des mandats des délégués du personnel et des membres du comité d'entreprise à l'accord des délégués du personnel, a, à bon droit, annulé ce protocole, ce qui entraînait nécessairement l'annulation du premier tour des élections.

Décision

Cass. soc., 24 mai 2006, n° 05-60.351, Société Speedy France c/ Syndicat CFTC de la métallurgie et autres, FS-P+B (N° Lexbase : A7697DPR)

Rejet (TI Puteaux, contentieux des élections professionnelles, 27 octobre 2005)

Textes concernés : C. trav., art. L. 433-12 (N° Lexbase : L7723HBN) ; C. trav., art. L. 423-16 (N° Lexbase : L7794HBB)

Mots-clés : représentants du personnel ; durée du mandat ; aménagements conventionnels (conditions de validité) ; protocole préélectoral ; contentieux des élections professionnelles.

Liens bases : ; ; .

Faits

A l'occasion de l'élection des délégués du personnel et des membres du comité d'entreprise de la société Speedy, dont le premier tour s'est déroulé le 20 octobre 2005, un protocole préélectoral a été négocié et signé avec deux organisations syndicales représentatives le 14 septembre 2005. L'article 5 de cet accord fixait la durée des mandats des institutions représentatives du personnel à 4 ans, sous réserve de l'accord des délégués du personnel. Le syndicat CFTC a alors saisi le tribunal d'instance d'une demande d'annulation de ce protocole, puis d'une demande d'annulation du premier tour des élections.

Il était reproché au jugement attaqué d'avoir annulé le protocole d'accord préélectoral et d'avoir, par voie de conséquence, annulé le premier tour des élections professionnelles. A l'appui de son pourvoi, la partie demanderesse soutenait que l'illicéité d'une clause ou d'une partie d'une clause d'un protocole préélectoral n'emporte pas l'annulation de l'entier protocole, sauf lorsque la stipulation litigieuse était déterminante dans l'intention des parties. Il était, en outre, reproché aux juges du fond de n'avoir pas précisé en quoi la stipulation litigieuse avait eu une incidence sur les résultats du scrutin.

Solution

"Mais attendu, d'une part, qu'un protocole préélectoral ne peut prévoir une dérogation à la durée légale des mandats fixées à quatre ans par les articles L. 433-12 et L. 423-16 du Code du travail dans leur rédaction issue de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005, dans des conditions autres que celles prévues par l'article 96, alinéa 4, de cette même loi ; que, d'autre part, le premier et le second tour des élections professionnelles doivent se tenir conformément aux dispositions d'un même protocole préélectoral" ;

"Que, dès lors, le tribunal d'instance, qui a constaté que le premier tour des élections s'était déroulé conformément à un protocole subordonnant la durée des mandats des délégués du personnel et des membres du comité d'entreprise, à l'accord des délégués du personnel a, à bon droit, annulé ce protocole, ce qui entraînait nécessairement l'annulation du premier tour des élections".

Observations

1. Durée des mandats des représentants du personnel

  • Durée légale

On se souvient que c'est, pour ainsi dire, en catimini que le législateur est venu, par une disposition insérée dans la loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, doubler la durée des mandats de la plupart des représentants du personnel (sur cette réforme, voir notre article Brefs propos sur l'allongement de la durée du mandat des représentants du personnel, Lexbase Hebdo n° 182 du 22 septembre 2005 - édition sociale N° Lexbase : N8565AI3).

Plus précisément, l'article 96 du texte en question a modifié le Code du travail afin de porter de 2 à 4 ans le mandat des délégués du personnel (C. trav., art. L. 423-16) et des représentants élus au comité d'entreprise (C. trav., art. L. 433-12), au comité d'établissement, au comité central d'entreprise (C. trav., art. L. 435-4 N° Lexbase : L7784HBW) et au comité de groupe (C. trav., art. L. 439-3 N° Lexbase : L7719HBI). Il faut encore souligner que, selon le paragraphe VII de la disposition précitée, l'allongement de la durée des mandats des représentants du personnel ne s'applique qu'à compter des élections des représentants du personnel concernés intervenant après la publication de la loi, soit le 4 août 2005. Les mandats en cours à cette date expireront donc, normalement, à l'issue des 2 ans.

Les dispositions nouvelles étaient ainsi applicables à l'espèce commentée, les élections des représentants du personnel s'étant déroulées postérieurement à la publication de la réforme et, plus précisément, au mois d'octobre 2005.

  • Les aménagements conventionnels

Non sans faire preuve d'une certaine sagesse, le législateur a pris soin de préciser "qu'un accord de branche, un accord de groupe ou un accord d'entreprise, selon le cas, peut fixer une durée du mandat des délégués du personnel et des représentants du personnel aux comités d'entreprise, comités d'établissement, comités centraux d'entreprise et comités de groupe comprise entre deux et quatre ans" (loi n° 2005-882, art. 96, § VIII).

Cette précision législative était nécessaire, dans la mesure où la Cour de cassation considère que la durée des mandats des représentants du personnel, telle qu'elle est fixée par la loi, présente un caractère d'ordre public absolu (Cass. soc., 8 novembre 1994, n° 94-60.113, Société Ricoh c/ Union des syndicats des travailleurs de la métallurgie CGT, publié N° Lexbase : A1455ABI, Dr. soc. 1995, p. 68, obs. M. Cohen). Faute d'habilitation législative expresse, les partenaires sociaux auraient été impuissants à modifier la durée des mandats des représentants du personnel telle que fixée par la loi. Soulignons que pour être autorisée, la dérogation est encadrée puisque la norme conventionnelle ne peut ni allonger la durée des mandats, ni la réduire au-dessous de 2 ans.

Pour en revenir à l'arrêt sous examen, il convient de relever que les partenaires sociaux avaient fait une bien curieuse application des dispositions qui viennent d'être évoqués. En effet, en application de l'article 5 du protocole préélectoral, la durée des mandats des institutions représentatives du personnel était fixée à 4 ans, "sous réserve de l'accord des délégués du personnel". Sans doute faut-il en déduire qu'à défaut d'accord, la durée restait fixée à 2 ans et que, de manière encore plus étrange, la durée du mandat des membres du comité d'entreprise semblait dépendre de l'avis des délégués du personnel !

Il était pour le moins difficile d'admettre une telle stipulation et on doit approuver la Cour de cassation de l'avoir, à la suite des juges du fond, balayée.

2. Portée du protocole préélectoral

  • Objet du protocole préélectoral

L'organisation des élections professionnelles dans l'entreprise passe nécessairement, en application de la loi, par la signature d'un accord préélectoral ou, à tout le moins, par la tentative de conclusion d'un tel accord. Cela étant, le législateur n'impose la négociation que sur trois points précis : la répartition du personnel dans les collèges électoraux, la répartition des sièges entre les différentes catégories et les modalités d'organisation et de déroulement des opérations électorales.

Rien ne paraît donc interdire que l'accord préélectoral renferme d'autres stipulations et, notamment, une dérogation à la durée légale des mandats. C'est ce que tend à signifier la Cour de cassation dans l'arrêt sous examen, en précisant "qu'un protocole préélectoral ne peut prévoir une dérogation à la durée légale des mandats fixée à quatre ans [...], dans des conditions autres que celles prévues à l'article 96, alinéa 4 [de la loi du 2 août 2005]". Ce qui revient à dire qu'un protocole préélectoral peut prévoir une dérogation à la durée légale des mandats dès lors que les conditions fixées par la loi sont respectées.

Cette solution peut être rapprochée d'un précédent arrêt, dans lequel la Cour de cassation avait fait produire effet aux stipulations d'un protocole d'accord préélectoral octroyant des heures supplémentaires de délégation aux candidats élus et réélus. Ainsi que l'avait affirmé la Chambre sociale, "si les dispositions de nature électorale ne s'imposent au juge et aux parties qu'en cas d'accord préélectoral unanime, l'accord collectif qui a pour objet d'améliorer le fonctionnement des institutions représentatives dans l'entreprise, signé par au moins une organisation syndicale représentative dans l'entreprise, a force obligatoire ; que, dès lors, la cour d'appel, dont l'arrêt constate que l'accord du 14 septembre 1992, signé par une organisation syndicale représentative, avait pour objet d'allouer un supplément d'heures de délégation aux candidats élus, a, à bon droit, décidé que l'employeur ne pouvait refuser le bénéfice de cet accord collectif aux représentants de la CFDT, même si celle-ci n'avait pas signé cet accord collectif" (Cass. soc., 23 juin 1999, n° 96-44.717, Société Motorola c/ Syndicat CFDT, publié N° Lexbase : A4664AGT).

Ainsi que l'a, à juste titre, relevé un auteur, cette décision peut être porteuse d'un message général : "l'efficacité juridique des clauses inscrites dans un accord préélectoral comme dans une convention ou un accord collectif de travail dépend de l'objet de ces clauses, non de la nature réelle ou prétendue, non plus que du régime juridique de l'acte qui les supporte" (G. Borenfreund, Négociation préélectorale et droit commun de la négociation collective, Mél. Jean Pélissier, Dalloz, 2004, p. 93, spéc., pp. 114-115).

Appliquées au cas qui nous intéresse, ces précisions conduisent à souligner que les dérogations à la durée légale des mandats peuvent valablement figurer dans un protocole préélectoral à la condition, évidente, de respecter les conditions posées par l'article 96 de la loi du 2 août 2005. A cela, nous ajouterons que ces stipulations, qui ne relèvent pas de l'exigence d'unanimité, doivent, cependant, respecter les conditions de validité applicables à tout accord collectif et, notamment, l'exigence de majorité, qu'elle soit d'opposition ou d'engagement.

  • Validité du protocole préélectoral

Il est pour le moins difficile de contester que la stipulation de l'accord préélectoral relative à l'aménagement de la durée légale des mandats des représentants du personnel était illicite. La loi ne prévoit, en effet, en aucune façon qu'une telle dérogation puisse être décidée par les seuls délégués du personnel.

La nullité de la clause litigieuse était, de ce fait, encourue. Restait, cependant, à s'interroger sur l'étendue de la nullité : la clause litigieuse uniquement ou l'ensemble du protocole préélectoral ? Ainsi que l'avançait la partie requérante dans son pourvoi, l'illicéité d'une clause ou d'une partie d'une clause d'un protocole préélectoral n'emporte pas l'annulation de l'entier protocole, sauf lorsque la stipulation litigieuse était déterminante dans l'intention des parties. Cette argumentation n'était pas dénuée de tout fondement, dans la mesure où la Cour de cassation se prononce, relativement aux conventions et accords collectifs de travail, en faveur de la nullité partielle (v. F. Gaudu, R. Vatinet, Les contrats du travail, Traité des contrats, LGDJ, 2001, § 560).

La Chambre sociale n'a pas souhaité s'inscrire dans cette voie, approuvant, au contraire, les juges du fond d'avoir annulé l'ensemble du protocole préélectoral. On avouera ne pas être, ici, totalement convaincu par la solution retenue par la Cour de cassation et on peut se demander si la seule nullité partielle ne pouvait pas être retenue. Sans doute, et ainsi que le soulignent les auteurs précités, la nullité partielle doit être écartée lorsqu'il apparaît de façon très caractérisée que l'annulation d'une clause bouleverserait l'économie générale de l'accord. Mais était-ce réellement le cas en l'espèce ?

En revanche, on approuvera sans réserve l'annulation du premier tour des élections professionnelles. Il est de jurisprudence constante que les irrégularités dans la préparation ou le déroulement des élections ne peuvent justifier l'annulation de celles-ci que s'il est démontré que ces irrégularités ont pu directement influencer le résultat des élections (v., Cass. soc., 26 mars 2003, n° 02-60.381, M. Jacky Douarre c/ M. Bruno Geisler, inédit N° Lexbase : A5857A73 ; Cass. soc., 7 mai 2003, n° 01-60.905, Syndicat CGT Aventis Propharm c/ Société Aventis Propharm, inédit {"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 1216473, "corpus": "sources"}, "_target": "_blank", "_class": "color-sources", "_title": "Cass. soc., 07-05-2003, n\u00b0 01-60.905, F-D, Rejet", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: A7967BSU"}}). Il est pour le moins difficile de nier que la clause litigieuse, dont on a relevé l'irrégularité, avait, en l'espèce, pu influencer le résultat des élections. Cela étant, et pour parvenir à ce résultat, il n'était nullement nécessaire de prononcer la nullité de l'ensemble de l'accord préélectoral. La seule nullité de la stipulation en cause aurait tout aussi nécessairement entraîné l'annulation du premier tour des élections professionnelles.

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Social général

[Evénement] Egalité salariale et discrimination : panorama jurisprudentiel et actualité législative

Lecture: 7 min

N9183AKC

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par Compte-rendu réalisé par Laure Teyssendier, SGR - Droit social

Le 07 Octobre 2010

En matière de rémunération, le salaire est, en principe, librement négocié par l'employeur et le salarié sous réserve de respecter, notamment, les dispositions légales et conventionnelles relatives au Smic, et aux minima conventionnels. Toutefois, l'employeur doit aussi s'assurer que sa politique salariale ne va pas à l'encontre du principe "à travail égal, salaire égal", imposant une égalité de rémunération pour un même travail ou un travail de valeur égale, et que cette politique salariale n'est pas discriminatoire. Aujourd'hui encore, de nombreux écarts subsistent entre les hommes et les femmes. La France a, récemment, pris plusieurs mesures pour pallier ces différences et rendre ainsi sa législation conforme aux Directives européennes sur l'égalité raciale et l'égalité au travail (Directive 2000/43 du Conseil du 29 juin 2000 N° Lexbase : L8030AUX ; Directive 2000/78 du Conseil du 27 novembre 2000 N° Lexbase : L3822AU4). Ainsi, en décembre 2004 était adoptée une loi créant la Haute autorité de lutte contre les discriminations (loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004, portant création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité N° Lexbase : L5199GU4), laquelle a eu des incidences en droit du travail. Plus récemment, la loi sur l'égalité salariale du 23 mars 2006 est venue compléter l'éventail des mesures pour aboutir à une égalité effective dans l'entreprise (loi n° 2006-340 du 23 mars 2006, relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes N° Lexbase : L8129HHK). Face à ce foisonnement de textes et de réformes, quelles sont véritablement les droits et obligations des employeurs en matière d'égalité salariale ? Afin de nous éclairer sur ce sujet, le 1er juin dernier, au cours des "premières rencontres droit/RH" organisées par Legiteam, Ming Henderson-Vu Thi, avocat du Cabinet Kramer Levin, et membre du syndicat d'avocats d'entreprises en droit social Avosial, nous a présenté un panorama jurisprudentiel et législatif sur le thème de l'égalité salariale et de la discrimination.

1. Egalité de traitement : un concept qui se cherche depuis 30 ans

De nombreux textes existant sur le sujet, Maître Ming Henderson-Vu Thi a rappelé, dans un premier temps, de manière concise, les principaux textes ayant permis la construction de ce principe.

- Un principe constitutionnel : la Constitution de 1946 (N° Lexbase : L6815BHU) a reconnu, dans son préambule (alinéa 3), que la "loi garantissait à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme".

- La loi du 22 décembre 1973 et le décret du 15 novembre 1973 : ces textes posent le principe de l'égalité des rémunérations auquel est assortie une sanction : celle de la nullité de plein droit de toute disposition contraire (C. trav., art. L. 140-2 et suiv. N° Lexbase : L4160DC3).

- La loi "Roudy" du 13 juillet 1983 : cette loi transpose la Directive 76/207 (Directive (CE) 76/207 du Conseil du 9 février 1976 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes N° Lexbase : L9232AUH). L'objectif de ce texte était d'assurer l'égalité des hommes et des femmes concernant l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, ainsi que les conditions de travail.

- La consécration par la Cour de cassation du principe "à travail égal, salaire égal" par l'intermédiaire d'un célèbre arrêt : l'arrêt "Ponsolle" (Cass. soc., 29 octobre 1996, n° 92-43.680, Société Delzongle c/ Mme Ponsolle, publié N° Lexbase : A9564AAH, JCP éd. E 1997, II, 904, note A. Sauret ; Dr. soc. 1996, p. 1013, obs. A. Lyon-Caen). Les juges confèrent à ce principe la valeur d'une règle impérative ; "l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés de l'un ou l'autre sexe, pour autant que les salariés en cause sont placé dans une situation identique".

- La loi de 2001 sur l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes : ce texte renforce le rôle des partenaires sociaux et des institutions représentatives du personnel dans la promotion de l'égalité entre hommes et femmes au sein de l'entreprise (loi n° 2001-397 du 9 mai 2001, relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes N° Lexbase : L7076ASU, sur ce sujet lire Anne Olivier, Loi sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes : la notion "d'indicateurs pertinents", Lexbase Hebdo du 15 mai 2001 N° Lexbase : N0752AA4).

- La loi du 23 mars 2006 sur l'égalité salariale : l'objectif de ce texte est de supprimer les écarts de rémunération entre les deux sexes (loi n° 2006-340, 23 mars 2006, relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes N° Lexbase : L8129HHK, sur ce sujet lire Ch. Radé, La suppression des écarts de rémunération, Lexbase Hebdo n° 209 du 6 avril 2006 - édition sociale N° Lexbase : N6688AKW).

Selon Maître Ming Henderson-Vu Thi, cette loi, largement condamnée par le Conseil constitutionnel, a une portée limitée. En effet, deux des quatre objectifs poursuivis ont été censurés par le Conseil constitutionnel ; notamment, la promotion de l'accès des femmes aux instances de pouvoir (sur ce thème, lire Gilles Auzero, L'accès des femmes à des instances délibératives et juridictionnelles : la censure du Conseil constitutionnel était prévisible !, Lexbase Hebdo n° 209 du 6 avril 2006 - édition sociale N° Lexbase : N6587AK8), ainsi que l'objectif consistant à améliorer l'accès à la formation professionnelle des jeunes filles (sur ce thème, lire Nicolas Mingant, L'accès à la formation et à l'apprentissage, Lexbase Hebdo n° 209 du 6 avril 2006 - édition sociale N° Lexbase : N6686AKT). La censure du Conseil constitutionnel est décevante, étant donné que la Directive européenne avait laissé la possibilité à chaque Etat membre de favoriser une catégorie de la population par la mise en place de discrimination positive. La France a intégralement refusé ce principe. Comment est-il, alors, possible de rattraper le décalage, évalué aujourd'hui en moyenne à 25 %, entre les rémunérations des hommes et celles des femmes ? Cette loi, cependant, apporte quelques éléments intéressants. Elle étend, notamment, la notion de rémunération aux stock-options, à la participation, à l'intéressement ; elle inscrit un objectif de négociation de branche, et impose au niveau de l'entreprise un engagement obligatoire de négociation sur l'égalité salariale...

2. La notion de discrimination

On entend par discrimination "l'interdiction de prendre en considération un critère déterminé lorsque la décision est prise au sein de l'entreprise". Ce principe est mis en oeuvre par la loi de novembre 2001 (loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001, relative à la lutte contre les discriminations N° Lexbase : L9122AUE). Toutes les discriminations, qu'elles soient fondées sur l'origine, le sexe, les moeurs, l'orientation sexuelle, le handicap..., sont condamnées. Ce texte opère un renversement de la charge de la preuve. Le salarié doit apporter les éléments laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte.

Partant du constat d'échec de la protection et sous l'influence du droit communautaire, la jurisprudence lève l'obstacle probatoire en allégeant le fardeau de la preuve mis à la charge du salarié. Le salarié doit, désormais, apporter au juge les allégations et éléments de faits susceptibles de caractériser une atteinte au principe d'égalité de traitement, à charge pour l'employeur d'établir que cette disparité est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La charge de la preuve pour l'employeur est donc plus lourde : s'il ne peut présenter au juge d'éléments objectifs, il succombera et le juge pourra prononcer la nullité de plein droit de la décision prise par l'employeur avec des conséquences lourdes, telles la réintégration du salarié dans l'entreprise ou son dédommagement, à hauteur de la totalité du préjudice subi. La prescription étant trentenaire en matière de dommages-intérêts, Ming Henderson-Vu Thi conseille donc à l'employeur d'être vigilant et de conserver, par conséquent, tous les éléments de preuve.

3. Situation actuelle

Aujourd'hui, le bilan reste assez mitigé. Certes, il est possible de constater une volonté de rattrapage des inégalités salariales, mais des écarts importants subsistent. Selon un rapport du Sénat de 2005, en France, l'écart moyen qui diffère en fonction des catégories professionnelles (plus important chez les cadres), des fonctions, mais aussi des secteurs d'activités et de la taille de l'entreprise, serait en moyenne de 25 %. Plusieurs entreprises ont signé des accords sur l'égalité salariale, telles EADS, Casino, EDF. La majorité des accords signés récemment ne fait que rappeler les grands principes mis en avant par les textes législatifs ou par la jurisprudence et ne prévoit pas de sanction. D'autres tentent de corriger les inégalités existantes en privilégiant une catégorie de personnes, par la mise en place de la discrimination positive. Ces accords sont-ils, alors, en contradiction avec la Constitution ?

4. La jurisprudence

  • La jurisprudence européenne

Les arrêts rendus en matière d'égalité de rémunération s'appuient, en général, sur les textes européens et non pas sur ceux des Etats membres. Le principe de discrimination positive, visant à favoriser une catégorie de salariés, est autorisé ; mais il reste à l'état de principe sans qu'aucune automaticité ne soit reconnue. Il ne faudrait surtout pas, sous prétexte de ce principe, défavoriser les hommes !

  • La jurisprudence nationale

La Chambre sociale de la Cour de cassation a tenté d'apporter des précisions en se prononçant sur les critères à apporter en matière d'égalité salariale et les éléments susceptibles de justifier des différences de rémunérations entre salariés exerçant des tâches identiques au sein de l'entreprise. La rémunération s'entend alors du salaire proprement dit et des avantages et accessoires s'y rapportant et, notamment, des primes, des congés payés, des chèques déjeuners... La Cour de cassation a précisé qu'il faut entendre par rémunération "le salaire ou traitement ordinaire brut de base ou minimum et tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature par l'employeur" (Cass. soc., 10 avril 2002, n° 00-42.935, F-D N° Lexbase : A4899AY4). Aucune règle stricte n'étant établie, les juges évaluent les situations au cas par cas.

Cependant, il est clairement établi que le cadre d'appréciation s'effectue au sein de l'entreprise, et que l'employeur doit nécessairement apporter des justifications objectives et vérifiables de la différence. Le statut d'expatrié (Cass. soc., 9 novembre 2005, n° 03-47.720, Société European synchrotron radiation facility (ESRF) c/ M. Marc Diot, FS-P+B N° Lexbase : A5949DLW), le parcours professionnel, l'expérience (Cass. soc ., 16 février 2005, n° 03-40.465, M. Gabriel Aguera c/ Société M2PCI, F-D [LXB=A7451DG3 ]), la compétence ou la qualité du travail (Cass. soc., 8 novembre 2005, n° 03-46.080, F-D N° Lexbase : A5107DLQ), le pôle d'excellence (Cass. soc ., 9 novembre 2005, n° 03-47.720, Société European synchrotron radiation facility (ESRF) c/ M. Marc Diot, FS-P+B, précité), le marché de l'emploi (Cass. soc., 21 juin 2005, n° 02-42.658, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A7983DII), sont autant d'exemples de justifications objectives et vérifiables d'une différenciation de rémunération.

Maître Ming Henderson-Vu Thi a conclu sa présentation en incitant les employeurs à davantage de vigilance lors de la mise en place d'une politique de rémunération. Voici les mots d'ordre :

- transparence, par la mise en place d'une grille et de critères permettant d'objectiver et d'informer les salariés ;
- archive, permettant d'apporter les éléments de preuve nécessaires en cas de contentieux ;
- négociation ;
- pragmatisme.

Elle ajoute qu'il est important de neutraliser le contentieux en amont et de veiller, surtout, particulièrement à la situation des salariés protégés.

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Internet - Bulletin d'actualités n° 5

[Panorama] Bulletin d'actualités Clifford Chance - Département Communication Média & Technologies - Mai 2006

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N9390AKY

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Le 07 Octobre 2010

Tous les mois, Marc d'Haultfoeuille, avocat associé chez Clifford Chance, vous propose de retrouver l'actualité juridique en matière de Communication Média & Technologies. I - Communications électroniques
  • Publication au JOUE, le 26 avril 2006, de la recommandation de l'autorité de surveillance de l'AELE (association européenne de libre échange), adoptée le 14 juillet 2004, concernant les marchés pertinents de produits et de services dans le secteur des communications électroniques susceptibles d'être soumis à une réglementation ex ante : Recommandation n° 194/04/COL de l'autorité de surveillance AELE, 14 juillet 2004

Contenu :

L'autorité de surveillance de l'AELE a adopté, le 14 juillet 2004, une recommandation relative aux marchés pertinents de produits et de services dans le secteur des communications électroniques ayant pour objet de recenser les marchés de produits et de services sur lesquels une réglementation ex ante peut se justifier. Celle-ci vient d'être publiée au Journal officiel de l'Union européenne en date du 26 avril 2006.

Les deux principaux types de marchés pertinents dans le secteur des communications électroniques ont été retenus, conformément aux principes du droit de la concurrence de l'EEE :

1. Les marchés de services et produits fournis aux utilisateurs finals (marchés de détail)

- Accès au réseau téléphonique public en position déterminée pour la clientèle résidentielle ;
- Accès au réseau téléphonique public en position déterminée pour la clientèle non résidentielle ;
- Services téléphoniques locaux et/ou nationaux accessibles au public en position déterminée pour la clientèle résidentielle ;
- Services téléphoniques internationaux accessibles au public en position déterminée pour la clientèle résidentielle ;
- Services téléphoniques locaux et/ou nationaux accessibles au public en position déterminée pour la clientèle non résidentielle ;
- Services téléphoniques internationaux accessibles au public en position déterminée pour la clientèle non résidentielle ;
- Ensemble minimal de lignes louées.

2. Les marchés de l'accès pour les opérateurs aux installations nécessaires à la fourniture de ces services et produits aux utilisateurs finals (marchés de gros)

- Départ d'appel sur le réseau téléphonique public en position déterminée ;
- Terminaison d'appel sur divers réseaux téléphoniques publics individuels en position déterminée ;
- Services de transit sur le réseau téléphonique public fixe ;
- Marché de la fourniture en gros d'accès dégroupé (y compris l'accès partagé) aux boucles et sous-boucles sur lignes métalliques pour la fourniture de services à large bande et de services vocaux ;
- Marché de la fourniture en gros d'accès à large bande ;
- Fourniture en gros de segments terminaux de lignes louées ;
- Fourniture en gros de segments terminaux de lignes louées sur le circuit interurbain ;
- Accès et départ d'appel sur les réseaux téléphoniques publics mobiles ;
- Terminaison d'appel vocal sur les réseaux mobiles individuels ;
- Marché national de la fourniture en gros d'itinérance internationale sur les réseaux publics de téléphonie mobile ;
- Services de radiodiffusion, destinés à livrer un contenu radiodiffusé aux utilisateurs finaux.

Commentaire :

Cette recommandation a été adoptée en application de la Directive 2002/21/CE en date du 7 mars 2002 instaurant un nouveau cadre législatif dans le secteur des réseaux et services de communications électroniques (N° Lexbase : L7188AZA). L'objectif de cette Directive est de réduire progressivement la réglementation sectorielle ex ante au fur et à mesure que la concurrence s'intensifie sur le marché.

Cette recommandation reprend en tous points la recommandation de la Commission européenne du 11 février 2003. Cependant la recommandation de l'Autorité de surveillance de l'AELE a un champ d'application plus vaste en ce qu'elle s'adresse aux pays de l'AELE, contrairement à celle de la Commission qui ne s'adresse qu'aux pays de l'Union européenne.

Les autorités réglementaires nationales sont maintenant appelées à examiner les obligations imposées sur leur territoire pour décider si elles doivent être maintenues, modifiées ou supprimées à la lumière de cette recommandation.

II - Informatique

  • Par un arrêt du 30 mars 2006, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a considéré que le fait d'acquérir des licences après la constatation des actes de contrefaçon et ce, afin de "régulariser" la situation, ne vaut pas réparation du préjudice subi par les éditeurs, cette régularisation n'ayant effet que pour l'avenir : CA Aix-en-Provence, 2ème ch., 30 mars 2006, Adobe Systems et autres c/ Pebeo Industries

Faits et procédure :

A la suite d'une saisie-contrefaçon effectuée dans les locaux de la société Pebeo Industries, les sociétés de droit américain Adobe Systems, Microsoft Corporation et Symantec Corporation l'ont assignée pour des actes de contrefaçon de plus de trois cents progiciels leur appartenant et pour lesquels aucune licence n'avait été délivrée.

Par un jugement en date du 20 mars 2003, le tribunal de grande instance de Marseille a jugé qu'en reproduisant et en utilisant de façon illicite des progiciels litigieux, la société Pebeo a commis des actes de contrefaçon.

Constatant que la société Pebeo avait régularisé la situation en achetant des logiciels et en les installant en lieux et places des progiciels copiés, les juges du fond ont alors interdit à la défenderesse l'usage des progiciels contrefaits ainsi que toute reproduction illicite sous astreinte de 3 000 euros par infraction constatée et l'ont, notamment, condamnée à payer à chacune des sociétés demanderesses la somme de 1 euro à titre de dommages-intérêts.

Les sociétés Adobe Systems, Microsoft Corporation et Symantec Corporation ont interjeté appel, en faisant valoir que l'achat des progiciels et leur installation afin de régulariser la situation ne suppriment par la contrefaçon commise dans le passé et le préjudice subi au titre de la contrefaçon. Elles demandent ainsi que soit réparé leur préjudice matériel.

Décision :

La cour d'appel d'Aix-en-Provence confirme en son principe le jugement déféré en ce qu'il a, notamment, statué sur l'interdiction d'usage des progiciels contrefaits.

Néanmoins, en ce qui concerne le préjudice, le jugement a été infirmé, les juges estimant que les sociétés demanderesses avaient souligné à juste titre que la "régularisation" invoquée par la société Pebeo ne pouvait en aucun cas avoir pour effet de réparer le préjudice subi.

Les juges d'appel condamnent ainsi la société Pebeo Industries à payer à titre des dommages-intérêts :
- à la société Microsoft Corporation, la somme de 90 000 euros ;
- à la société Adobe Systems, la somme de 15 000 euros ;
- à la société Symantec Corporation, la somme de 2 000 euros.

Les juges d'appel ont précisé que l'achat de progiciels en remplacement de ceux contrefaits "ne saurait valoir que pour l'avenir" et que dès lors "les sociétés appelantes sont fondées à être indemnisées de leur manque à gagner, à savoir le prix qu'elles auraient obtenu si les logiciels avaient été régulièrement acquis".

Commentaire :

Par cet arrêt, les juges précisent les modalités d'indemnisation du préjudice subi par les éditeurs et causé par des actes de contrefaçon.

Ainsi, l'acquisition de licences de progiciels, après la constatation des actes de contrefaçon, ne vaut pas réparation du préjudice subi par l'éditeur des logiciels. Cette acquisition permet, en effet, de mettre un terme aux actes de contrefaçon et ne vaut donc que pour l'avenir.

Le préjudice subi par les éditeurs du fait des actes de contrefaçon doit donc être réparé par l'indemnisation de leur manque à gagner équivalent au prix qu'ils auraient obtenu si les logiciels avaient été régulièrement acquis.

III - Internet

  • Par un arrêt du 13 décembre 2005, la cour d'appel de Colmar condamne une société au paiement des loyers dus au titre d'un contrat de fourniture de matériels informatiques au motif que l'erreur d'appréciation de la rentabilité du projet par la société cliente n'entache pas le contrat de nullité : CA de Colmar, 13 décembre 2005, SARL Naturel c/ SA Grenke Location (N° Lexbase : A7308DPD)

Faits :

En novembre 2000, la SARL Naturel a conclu un contrat en vue de la création d'un site internet, sa mise à jour et pour la fourniture de matériel informatique nécessaire à son exploitation, pour une durée "irrévocable" de 48 mois. La location du matériel informatique est financée par la SA Granke Location, par un contrat signé entre cette dernière et la SARL Naturel.

La SARL Naturel demande la résiliation du contrat de fourniture du matériel et de prestations de service, avant la fin de la durée contractuelle convenue, car le site n'a enregistré aucune commande et n'est pas rentable. Elle souhaite que cette résiliation entraîne la résiliation du contrat de financement.

Par une décision du 26 février 2004, le tribunal de grande instance de Strasbourg rejette les prétentions de la SARL, qui affirmait que le contrat de fourniture de matériel était nul du fait d'une erreur provoquée par son co-contractant, et que le contrat de financement était ainsi dépourvu de cause. Le tribunal de grande instance la condamne alors à payer l'ensemble des loyers correspondant à la location du matériel informatique.

La SARL Naturel a interjeté appel de ce jugement.

Décision :

La cour d'appel de Colmar confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Strasbourg.

En effet, selon la cour, visant l'article 1110 du Code civil (N° Lexbase : L1198ABY), une erreur de la part de la SARL Naturel ne permet pas d'annuler le contrat de fourniture de matériel informatique, de création et de mise à jour d'un site internet car il appartenait à celle-ci, et non au prestataire de service, de se renseigner sur la rentabilité du site. En conséquence, la cause du second contrat existe bien au sens de l'article 1131 du Code civil (N° Lexbase : L1231AB9).

La cour d'appel condamne donc la SARL Naturel à payer la somme de 8 952 euros correspondant aux loyers impayés jusqu'à l'échéance du contrat.

Commentaire :

Cette décision permet de rappeler que même si le vendeur de matériels ou le prestataire de services informatiques est tenu par une obligation de conseil et d'information, il appartient au client de réaliser les études nécessaires pour s'assurer de la rentabilité et l'utilité de son projet. Une erreur d'appréciation de cette rentabilité ne peut servir de fondement à une demande d'annulation ou de résiliation de contrat.

Par ailleurs, le fondement juridique allégué par la demanderesse, l'erreur, cause de nullité du contrat, est sujet à discussion. Seule une erreur sur les qualités substantielles de l'objet du contrat peut être une cause de nullité, dans certaines conditions.

  • Dans un arrêt rendu le 14 mars 2006, la Cour de cassation confirme la condamnation d'un expéditeur de courriers électroniques non sollicités pour collecte déloyale de données nominatives sur le fondement de l'article 226-18 du Code pénal : Cass. crim., 14 mars 2006, n° 05-83.423, M. H., F-P+F (N° Lexbase : A8111DNQ)

Faits et procédure :

En 2002 et 2003, la société Alliance bureautique service (ABS) a adressé des courriers électroniques publicitaires non sollicités à des particuliers dont elle avait obtenu les adresses électroniques sur le réseau internet. Pour ce faire, elle a utilisé deux logiciels : "Robot Mail" qui enregistrait ces informations dans un fichier en vue d'un usage ultérieur et "Freeprospect" qui adressait les messages publicitaires aux adresses collectées sans les enregistrer dans un fichier.

Le 22 janvier 2003, le président de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a dénoncé au Procureur de la République l'utilisation et la commercialisation par la société ABS de ces deux logiciels. Le Ministère public a ordonné une enquête puis a décidé de poursuivre la société ABS sur le fondement de l'article 226-18 du Code pénal (N° Lexbase : L4480GT4).

Par un jugement rendu le 7 décembre 2004, le tribunal correctionnel de Paris relaxe le dirigeant de la société. Les juges du fond ont estimé que "compte tenu de l'accessibilité universelle de l'internet", les collectes des données opérées par la société ABS n'impliquaient l'usage d'aucun procédé frauduleux et ne pouvaient pas dès lors être considérées comme déloyales, au sens de l'article 226-18 du Code pénal, du seul fait qu'elles étaient effectuées à l'insu des titulaires des adresses électroniques.

Le Ministère public interjette appel.

La cour d'appel de Paris, par un arrêt du 18 mai 2005, infirme la décision de relaxe prononcée, déclare le prévenu coupable du délit prévu par l'article 226-18 du Code pénal, et le condamne à une amende de 3 000 euros. Les juges d'appel ont estimé que la collecte des données nominatives a été opérée par un moyen illicite, et, en tout cas, déloyal en ce que les adresses collectées dans le domaine public de l'internet ont été utilisées "sans rapport avec l'objet de leur mise en ligne" et sans que le consentement des titulaires de ces adresses n'ait été recueilli.

Le dirigeant de la société forme alors un pourvoi en cassation sur les moyens suivants :
- l'identification et la collecte d'adresses électroniques figurant sur l'espace public de l'internet n'implique pas l'usage d'aucun procédé frauduleux, déloyal ou illicite ;
- la non-obtention du consentement des personnes concernées par les informations collectées, ne figure pas parmi les éléments constitutifs de l'infraction de collecte illicite de données nominatives, telle que prévue par l'article 226-18 du Code pénal ;
- le seul fait pour un logiciel de cibler une adresse électronique pour lui envoyer un courrier sans que cette information ne soit ni enregistrée, ni visible, ni conservée, ne peut constituer une collecte d'information nominative.

Décision :

La Cour de cassation rejette le pourvoi et retient que :
"Constitue une collecte de données nominatives le fait d'identifier des adresses électroniques et de les utiliser, même sans les enregistrer dans un fichier, pour adresser à leurs titulaires des messages électroniques ;
Est déloyal le fait de recueillir, à leur insu, des adresses électroniques personnelles de personnelles physiques sur l'espace public d'internet, ce procédé faisant obstacle à leur droit d'opposition
".

La Cour a aussi souligné que si un logiciel n'enregistre pas les adresses électroniques dans un fichier, ces données sont collectées et traitées et "les adresses sont mémorisées ne serait-ce qu'un instant dans la mémoire vive de l'ordinateur".

Commentaire :

Dans son rapport du 21 novembre 2002, la CNIL a déclaré illégale toute pratique de spamming et a annoncé son initiative de dénoncer au Parquet les cinq entreprises qui ont été à l'origine des envois les plus massifs de spams, dont la société Alliance Bureautique Service.

Le présent arrêt met ainsi un terme à la discussion née à la suite de l'opération "Boîte à spams" réalisée par la CNIL.

La présente décision présente un double intérêt :
- d'une part, la Cour de cassation clarifie le sens de l'article 4 de la loi "Informatique et Libertés" (N° Lexbase : L4940GT7) en ce qu'elle qualifie l'identification et l'utilisation des adresses électroniques en vue d'envoi de messages électroniques de collecte de données nominatives ;
- d'autre part, la Cour précise la notion de "collecte déloyale". L'"aspiration" des adresses électroniques personnelles de personnes physiques sur l'espace public d'internet (sites web, forums de discussions, annuaires etc.) sans que ces dernières n'ait donné leur consentement préalable constitue une collecte déloyale.

Désormais, le consentement préalable des personnes physiques doit être acquis non seulement afin de pouvoir utiliser leurs adresses électroniques dans les opérations de prospection commerciale , mais également dans les communications massives à caractère non commercial.

IV - Responsabilité des fournisseurs

  • La loi n° 2006-406, relative à la garantie de conformité du bien au contrat due par le vendeur au consommateur et à la responsabilité du fait des produits défectueux, a été adoptée le 5 avril 2006 (N° Lexbase : L9953HH4)

Contenu :

La loi adoptée le 5 avril 2006, renforce, d'une part, les dispositions relatives à la garantie de conformité du bien au contrat due par le vendeur au consommateur et modifie, d'autre part, les dispositions relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux.

En ce qui concerne la garantie de conformité, la loi ratifie l'ordonnance du 17 février 2005 relative à la garantie de la conformité du bien au contrat due par le vendeur au consommateur (ordonnance n° 2005-136 N° Lexbase : L9672G7D) transposant la Directive européenne du 25 mai 1999 (Directive 1999/44/CE du 25 mai 1999 sur certains aspects de la vente des garanties des biens de consommation N° Lexbase : L0050AWR).

Par ailleurs, l'article L. 211-16 du Code de la consommation (N° Lexbase : L1559HIL), prévoyant que la période d'immobilisation d'un bien d'au moins sept jours s'ajoute à la durée de la garantie commerciale consentie par le vendeur à l'acheteur, est modifié afin d'étendre aux contrats de réparation cette prorogation de la durée de la garantie.

Quant à la responsabilité du fait des produits défectueux, la loi modifie l'article 1386-7, alinéa 1, du Code civil (N° Lexbase : L9247GUZ) comme suit :

"Si le producteur ne peut être identifié, le vendeur, le loueur, à l'exception du crédit-bailleur ou du loueur assimilable au crédit-bailleur, ou tout autre fournisseur professionnel, est responsable du défaut de sécurité du produit, dans les mêmes conditions que le producteur, à moins qu'il ne désigne son propre fournisseur ou le producteur, dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la demande de la victime lui a été notifiée".

Commentaire :

Les dispositions de la Directive européenne 99/44/CE du 25 mai 1999, sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation, ont été transposées en droit français par l'ordonnance du 17 février 2005, et sont applicables depuis sa date de parution au Journal officiel du 19 février 2005. Cette ordonnance a été prise par le Gouvernement en vertu de l'habilitation donnée pour une durée de six mois par la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit (N° Lexbase : L4734GUU). Cependant, conformément à l'article 38 de la Constitution (N° Lexbase : L1298A9X) et à peine de caducité, cette ordonnance devait être ratifiée par une loi. C'est donc l'objet de la première partie de la loi du 5 avril 2006.

Rappelons que l'ordonnance du 17 février 2005 est venue modifier le Code de la Consommation en ajoutant les articles L. 211-1 à L. 211-18. Elle vient préciser que les contrats de vente de biens meubles corporels conclus entre un vendeur-professionnel et un acheteur-consommateur comprennent une garantie légale de conformité et peuvent offrir une garantie commerciale.

Cette loi est surtout importante en ce qu'elle modifie l'article 1386-7 du Code civil en raison de la condamnation de la France par la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE). En effet, dans sa décision du 14 mars 2006, la CJCE a constaté qu'"en continuant à considérer le fournisseur du produit défectueux comme responsable au même titre que le producteur, lorsque ce dernier ne peut être identifié, alors que le fournisseur a indiqué à la victime, dans un délai raisonnable, l'identité de celui qui lui a fourni le produit", la France n'a pas transposé l'article 3, paragraphe 3, de la Directive du 25 juillet 1985 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux de manière conforme et a manqué à ses obligations (CJCE, 14 mars 2006, aff. C-177/04, Commission des Communautés européennes c/ République française N° Lexbase : A5146DNW).

Désormais, un nouveau cas de responsabilité est créé. Si le producteur d'un bien est inconnu du consommateur, c'est le vendeur qui est responsable à moins qu'il ne désigne son propre fournisseur ou le producteur, dans un délai de trois mois à compter de la date de la demande de la victime.

V - Technologies

  • Le Centre pour la démocratie et la technologie et un groupe d'experts américain ont publié, le 1er mai 2006, un Guide de bonnes bonduites pour l'utilisation de la technologie RFID (radio frequency identification) par les entreprises

Contenu :

Des représentants de groupes de consommateurs et d'entreprises commerciales ont développé un "Guide de bonnes conduites" pour l'utilisation de la technologie RFID (identification par radio-fréquence), sous la conduite du Centre pour la démocratie et la technologie (Center for Democracy and Technology).

Ce guide s'adresse tant aux entreprises du secteur privé développant ces technologies, qu'à leurs utilisateurs. Il n'a aucun caractère normatif. La mise à disposition de ce guide est justifiée par les nouveaux enjeux qu'engendre la RFID, au-delà par exemple de ceux déjà observés dans les "Lignes directrices régissant la protection de la vie privée et les flux transfrontières de données de caractère personnel" élaborées par l'OCDE, et publiées en septembre 1980.

Le CDT précise que ce guide et toutes autres recommandations proposées concernant la RFID devront être régulièrement mis à jour afin de refléter les développements technologiques.

Ce guide contient cinq principales directives relatives à l'utilisation de la technologie RFID :
- les consommateurs devraient être informés de manière claire, visible et concise si des informations sont collectées via un système RFID et si un lien est fait avec des données personnelles. Le guide précise aussi les éléments que cette information devrait contenir ;
- le cas échéant, les consommateurs devraient pouvoir exprimer leur choix pour l'utilisation de la technologie RFID, et cela avant l'achat de bien ou de services ;
- les sociétés ayant recours à la technologie RFID devront s'assurer qu'en cas de transfert ou de partage des données, leurs filiales ou leurs partenaires commerciaux assureront un niveau de protection correspondant ;
- les personnes physiques dont les données sont collectées devraient avoir un accès raisonnable à ces informations ;
- les sociétés devront faire les efforts appropriés et raisonnables pour sécuriser les étiquettes RFID, les lecteurs et, le cas échéant, les informations y afférents, pour empêcher toute lecture, traçage et transmission inappropriés.

Commentaire :

Dans son rapport de janvier 2005 sur la RFID, le Conseil général des technologies de l'information constatait que les technologies RFID "transforment en profondeur un équilibre informationnel des échanges internationaux fondé sur l'étiquetage et la gestion de biens matériels par un système électronique, au profit d'une traçabilité généralisée et d'un contrôle permanent des flux de biens, des supports d'accès à des services et des déplacements des personnes".

La mise en place des technologies RFID suscite des réticences de la part des défenseurs de la vie privée et des associations de consommateurs. Par exemple, les puces RFID, qui permettent de stocker des données relatives aux produits avant mais aussi après leur vente (propriétaire, destination, etc.), sont perçues comme un outil pouvant conduire à la traçabilité du consommateur. Aussi, M. Lemoine, commissaire de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, dans sa communication du 30 octobre 2003, a affirmé que deux priorités concernant la RFID s'imposaient à la CNIL :
- poser le principe que les données traitées sont bien des données personnelles ; et
- imposer la mise en place de mécanismes de désactivation des "smart tags" dans certaines situations, et ce avec le libre choix des personnes.

Le "groupe de l'article 29" a, aussi, publié en janvier 2005 un document de travail "sur les questions de protection des données liées à la technologie RFID" rappelant que les principes des Directives 95/46 du 24 octobre 1995 (N° Lexbase : L8240AUQ) et 2002/58 du 12 juillet 2002 (N° Lexbase : L6515A43) doivent être respectés.

Ce "Guide de bonnes conduite " se rapproche des recommandations de la CNIL. En effet, en France, les systèmes RFID sont considérés comme des systèmes de traitement des données personnelles au sens de la loi du 6 janvier 1978, modifiée par la loi du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel (N° Lexbase : L8794AGS). L'utilisation de la technologie RFID donne donc lieu à de multiples obligations, notamment de déclaration à la CNIL et d'information des personnes dont les données sont recueillies.

Il est aussi important de noter qu'au sein d'un environnement professionnel, le Code du travail établit certaines règles à respecter lorsque l'employeur souhaite exercer un contrôle de l'activité des salariés en utilisant un système d'identification intégrant des puces RFID. Ainsi, l'article L. 432-2-1 du Code du travail (N° Lexbase : L6403AC7) indique que le comité d'entreprise doit être informé et consulté préalablement, et conformément à l'article L. 120-2 du Code du travail (N° Lexbase : L5441ACI), l'employeur devra justifier le recours à cette technologie, ce choix devant être proportionnel au but recherché. En effet, l'utilisation de puces RFID peut restreindre les droits des personnes et les libertés individuelles des salariés.

VI - Télécommunications

  • Dans un arrêt rendu le 24 février 2006, la cour d'appel de Paris a condamné la société CBA à ne payer qu'une partie des sommes dues à un opérateur de téléphone qui était tenu de renseigner son client sur les causes des incidents de communication : CA Paris, 25ème ch., sect. B, 24 février 2006, n° 04/03376, SARL Christophe Bidaud Architecte c/ SA Cegetel (N° Lexbase : A3333DNR)

Faits :

La société Christophe Bidaud Architecte (ci-après la société CBA) a souscrit un abonnement téléphonique auprès de la société Cegetel.

Elle avait souscrit, auparavant, auprès de la société Artys, un contrat de sauvegarde qui s'opérait par un système de télétransmission utilisant ses lignes téléphoniques.

Après avoir résilié le contrat auprès de la société Artys, la société CBA a reçu une première facture de 6 968,84 euros émise par la société Cegetel en juillet 2002, suivie d'une seconde facture de 14 786 euros émise en septembre 2002. A la réception de chacune des factures, la société CBA avait contesté le montant de la facture par l'envoi d'une lettre recommandée et demandé à la société Cegetel d'expliquer le montant des factures. Faute de réponse, la société CBA a résilié son abonnement auprès de la société Cegetel qui n'a justifié le montant des factures qu'en octobre 2002.

Il a été établi, ensuite, que la cause du montant élevé des factures était imputable au routeur de la société Artys, demeuré en place dans les locaux de la société CBA, qui tentait de se connecter à son serveur et, la connexion ne pouvant s'établir, recommençait sans fin, générant, à chaque tentative, un appel.

La société Cegetel a assigné la société CBA devant le tribunal de commerce de Paris qui, par un jugement du 20 novembre 2003, a condamné la société CBA à payer la totalité des deux factures avec intérêts au taux légal.

La société CBA interjette alors appel.

Décision :

La cour d'appel de Paris réforme le jugement rendu par les juges du fond.

La cour juge, en effet, qu'"en attendant le 2 octobre 2002 pour faire connaître à la société CBA la cause du nombre anormalement élevé des communications, la société Cegetel a manqué à son devoir de renseignement à l'égard de ses clients sur les causes des incidents de communications". La société CBA n'est alors condamnée à payer que le montant de la première facture à la société Cegetel.

La société Artys est condamnée à garantir la société CBA.

Commentaire :

Par le présent arrêt, la cour d'appel de Paris précise qu'un opérateur est tenu à une obligation de renseignement relatif aux causes des incidents de communication.

Les opérateurs télécoms doivent renseigner leurs clients sur les causes des incidents de communications dans les meilleurs délais sous peine de ne pas pouvoir réclamer le paiement des factures qui sont postérieures à la demande d'un tel renseignement.

Marc d'Haultfoeuille
Avocat associé
Département Communication Média & Technologies
Cabinet Clifford Chance

newsid:89390

Marchés publics

[Jurisprudence] La Cour de justice et l'exception in house : du rigorisme au pragmatisme ?

Réf. : CJCE, 11 mai 2006, aff. C-340/04, Carbotermo, Consorzio Alisei c/ Commune du Busto Arsizio, AGESP SpA (N° Lexbase : A3283DPB)

Lecture: 8 min

N9597AKN

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par Olivier Dubos, Professeur de droit public à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

Dans l'arrêt "Teckal", la Cour de justice a estimé qu'il pouvait être dérogé aux Directives communautaires pour les marchés passés entre une collectivité publique et une autre personne juridique dans les hypothèses "où, à la fois, la collectivité territoriale exerce sur la personne en cause un contrôle analogue à celui qu'elle exerce sur ses propres services et où cette personne réalise l'essentiel de son activité avec la ou les collectivités qui la détiennent" (CJCE, 18 novembre 1999, aff. C-107/98, Teckal Srl c/ Comune di Viano et Azienda Gas-Acqua Consorziale (AGAC) di Reggio Emilia N° Lexbase : A0591AWS, Rec. p. I-8121, spéc. n° 50). Cette exception a été étendue aux situations dans lesquelles la passation du marché est soumise à une obligation de mise en concurrence, non pas, en vertu des Directives communautaires, mais en vertu du Traité lui-même en application de la jurisprudence "Telaustria" (CJCE, 7 décembre 2000, aff. C-324/98, Telaustria Verlags GmbH et Telefonadress GmbH c/ Telekom Austria AG N° Lexbase : A1916AWU, Rec., p. I-10745) (v. CJCE, 21 juillet 2005, aff. C-231/03, Consorzio Aziende Metano (Coname) c/ Comune di Cingia de' Botti N° Lexbase : A1664DKT ; CJCE, 13 octobre 2005, aff. C-458/03, Parking Brixen GmbH c/ Gemeinde Brixen, Stadtwerke Brixen AG N° Lexbase : A7748DK8). Deux conditions doivent donc être réunies pour que puisse jouer l'exception in house. La première est d'ordre organique, puisqu'il s'agit d'examiner si le contrôle exercé par les pouvoirs adjudicateurs sur le cocontractant est analogue à celui exercé sur ses propres services. La seconde est matérielle, puisqu'il s'agit d'exiger que l'entreprise réalise l'essentiel de son activité avec la collectivité publique. La Cour de justice avait jusqu'à présent adopté une conception très restrictive des deux conditions posées dans l'arrêt Teckal. Elle a, en effet, jugé que "la participation, fût-elle minoritaire, d'une entreprise privée dans le capital d'une société à laquelle participe également le pouvoir adjudicateur en cause exclut en tout état de cause que ce pouvoir adjudicateur puisse exercer sur cette société un contrôle analogue à celui qu'il exerce sur ses propres services" (CJCE, 11 janvier 2005, aff. C-26/03, Stadt Halle, RPL Recyclingpark Lochau GmbH, Arbeitsgemeinschaft Thermische Restabfall- und Energieverwertungsanlage TREA Leuna N° Lexbase : A9511DEY). Mais la détention de tout le capital par la collectivité n'est pas une condition suffisante. Dans une autre affaire, la Cour de justice a estimé que dans la mesure où la société à capitaux entièrement publics avait acquis une vocation de marché, le contrôle que la commune pouvait exercer était précaire et l'exception in house était donc exclue (CJCE, 13 octobre 2005, aff. C-458/03, Parking Brixen GmbH c/ Gemeinde Brixen, Stadtwerke Brixen AG, précité). Dans ce dernier arrêt, la Cour de justice semblait d'ailleurs largement confondre le premier et le second critère (v. en ce sens, D. Szymczak, JCP éd. A 2006, n° 1021).

Dans l'arrêt "Carbotermo", la Cour de justice semble avoir, sous l'influence de son Avocat général C. Stix-Hackl, adopté une position moins stricte. La commune de Busto Arsizio avait confié, sans mise en concurrence, un marché pour la fourniture d'énergie et l'entretien des installations de chauffage à la société AGESP. La commune estimait qu'il y avait là un contrat in house car la société AGESP appartient dans sa totalité à la Holding AGESP SpA qui est une société anonyme dont le capital est détenu à 99,8 % par la commune. Les autres actions sont possédées par des communes voisines. La Cour de justice a donc eu l'occasion de se prononcer sur l'interprétation des deux critères de la jurisprudence "Teckal" : la collectivité dispose-t-elle d'un pouvoir de contrôle analogue à celui exercé sur ses propres services et l'essentiel de l'activité est-il réalisé avec la collectivité ?

I. La collectivité dispose-t-elle d'un pouvoir de contrôle analogue à celui exercé sur ses propres services ?

Face à la situation de la société AGESP, la Cour a procédé en deux temps. Elle admet qu'une société qui n'est pas uniquement détenue par la collectivité puisse bénéficier de l'exception in house (A). Mais il faut toutefois que son contrôle sur une telle entité soit effectif (B).

A. Les détenteurs du capital social

Dans l'arrêt "Teckal", la Cour de justice n'avait pas exclu en principe que la notion de contrat in house soit applicable lorsque la société est détenue par plusieurs collectivités. Cette possibilité découlait surtout d'une décision de 2003 (CJCE, 8 mai 2003, aff. C-349/97, Royaume d'Espagne c/ Commission des Communautés européennes N° Lexbase : A9190B47, Rec. p. I-3851). Dans l'arrêt "Carbotermo", la situation était toutefois particulière dans la mesure où la commune de Busto Arsizio détenait 99,8 % de la Holding AGESP. Toutefois, dans des hypothèses moins caricaturales, on ne voit pas très bien comment une société détenue à parts plus ou moins égales par des collectivités locales pourrait échapper à l'obligation de mise en concurrence : chacune des collectivités contrôle la société, donc, aucune n'exerce un contrôle analogue à celui exercé sur ses propres services.

Plus intéressante semble l'ouverture de la Cour de justice en faveur des actionnaires privés. Elle semble donc abandonner les rigueurs de la jurisprudence "Stadt Halle", pourtant réitérée par une très récente décision (CJCE, 6 avril 2006, aff. C-410/04, Associazione Nazionale Autotrasporto Viaggiatori (ANAV) c/ Comune di Bari, AMTAB Servizio SpA N° Lexbase : A9381DNR). La Cour ne semble pas considérer comme un obstacle à la qualification de contrat in house, le fait que des actionnaires privés puissent entrer dans le capital de la Holding AGESP. Elle précise, toutefois, que les statuts de cette société prévoient, non seulement, que la majorité du capital reste détenu par la commune de Busto Arsizio, mais qu'un actionnaire ne peut avoir plus d'un dixième du capital de cette société. Mieux encore, elle rappelle que si la société AGESP appartient, pour l'instant, entièrement à la Holding AGESP, son capital peut être ouvert à des actionnaires privés à condition, toutefois, qu'aucun d'entre eux ne dispose de plus de 10 % des parts sociales.

Cette conception du contrat in house semble donc être plus conforme que la jurisprudence antérieure à l'article 295 CE selon lequel, "le présent Traité ne préjuge en rien le régime de la propriété dans les Etats membres". Surtout, les sociétés d'économie mixte, qui avaient semblé être exclues du champ des contrats in house (B. Leplat, La création de SPL, condition nécessaire et suffisante au bénéfice de l'exception "in house" ?, Petites affiches, 26 octobre 2005, p. 5), pourraient en bénéficier. La Cour de justice rejoint ainsi la position du Conseil d'Etat (CE, 9 juillet 2003, n° 239879, Fédération française des entreprises gestionnaires de services, aux équipements, à l'énergie et à l'environnement et autres N° Lexbase : A2034C99, Contrats et marchés publics, octobre 2003, comm. n° 169, P. Delelis).

Cette ouverture aux capitaux privés comporte toutefois des limites. La Cour a ainsi, récemment, précisé qu'après l'attribution du marché à une société entièrement publique, la collectivité ne pouvait procéder à une privatisation même partielle, en l'occurrence à hauteur de 49 % du capital social (CJCE, 10 novembre 2005, aff. C-29/04, Commission des Communautés européennes c/ République d'Autriche N° Lexbase : A4961DLC). L'opération pouvait d'ailleurs être considérée comme une fraude, dans la mesure où elle ne visait qu'à contourner l'application des règles communautaires.

Quoi qu'il en soit, au-delà d'une approche finalement assez formelle centrée sur la propriété du capital social, le juge communautaire privilégie ici une démarche plus pragmatique relative à l'effectivité du contrôle de la collectivité sur la société.

B. L'effectivité du contrôle sur la société

Pour apprécier cette effectivité, la Cour rappelle qu'"il convient de tenir compte de l'ensemble des dispositions législatives et des circonstances pertinentes. Il doit résulter de cet examen que la société adjudicataire est soumise à un contrôle permettant au pouvoir adjudicateur d'influencer les décisions de ladite société. Il doit s'agir d'une possibilité d'influence déterminante tant sur les objectifs stratégiques que sur les décisions importantes de cette société". Elle ajoute que "la circonstance que le pouvoir adjudicateur détient, seul ou ensemble avec d'autres pouvoirs publics, la totalité du capital d'une société adjudicataire tend à indiquer, sans être décisive, que ce pouvoir adjudicateur exerce sur cette société un contrôle analogue à celui qu'il exerce sur ses propres services" (n° 36 et 37).

Dans l'affaire "Carbotermo", la Cour souligne que les statuts d'AGESP Holding et d'AGESP confèrent des pouvoirs importants à leurs conseils d'administrations respectifs et que ces sociétés restent finalement très largement soumises au droit des sociétés. La commune de Busto Arsizio a donc des pouvoirs comparables à un associé "normal". Surtout, l'influence de la commune ne peut s'exercer que par le truchement de la Holding AGESP, ce qui est de nature à affaiblir le contrôle exercé par le pouvoir adjudicateur. Tout en ayant sensiblement assoupli le premier critère, la Cour de justice estime qu'il n'est toutefois pas satisfait.

Elle s'est, néanmoins, prononcée sur le second critère qui, jusque là, n'avait guère été élucidé par sa jurisprudence.

II. L'essentiel de l'activité de l'entité est-il réalisé avec la collectivité ?

La Cour a explicité la raison d'être de ce second critère (A) avant de préciser sa mise en oeuvre (B).

A. La raison d'être du critère

On rappellera d'abord que dans l'arrêt "Parking Brixen" (préc.), la Cour de justice confondant le premier critère avec le second avait estimé que l'extension de l'objet social de la société et de sa sphère d'action territoriale rendait le contrôle de la commune sur la société éminemment "précaire" (pt. 67). La clarification de l'arrêt "Carbotermo" est donc bienvenue.

Le droit communautaire des marchés publics a pour objectif la libre circulation des marchandises et des services et une concurrence non faussée dans les Etats membres. La Cour en déduit alors que "l'exigence que la personne en cause réalise l'essentiel de son activité avec la ou les collectivités qui la détiennent a particulièrement pour objet de garantir que la Directive 93/36 [LXB=L7739AU8] demeure applicable dans le cas où une entreprise contrôlée par une ou plusieurs collectivités est active sur le marché, et donc susceptible d'entrer en concurrence avec d'autres entreprises.[...] En effet, une entreprise n'est pas nécessairement privée de liberté d'action du seul fait que les décisions la concernant sont contrôlées par la collectivité qui la détient, si elle peut encore exercer une partie importante de son activité économique auprès d'autres opérateurs" (n° 60 et 61). P. Delvolve avait, ainsi, souligné que "si l'organisme peut agir dans une large proportion au profit d'autres personnes, il retrouve une liberté d'action révélant qu'il n'est pas seulement le prolongement de la collectivité" (P. Delvolve, Marchés publics : les critères des contrats-maison, RDUE 2002, p. 53, spéc. p. 56).

La Cour en déduit qu'il faut donc que l'activité de l'entreprise soit "consacrée principalement à cette collectivité, tout autre activité ne revêtant qu'un caractère marginal" (n° 63). Les termes employés par la Cour de justice ne laissent donc pas une place très importante à la diversification des activités. C'est plutôt dans la mise en oeuvre du principe que le juge communautaire fait preuve d'un certain pragmatisme.

B. La mise en oeuvre du critère

Pour déterminer si l'activité est, pour l'essentiel, réalisé avec la collectivité adjudicatrice, la Cour estime qu'il faut tenir compte de données à la fois quantitatives et qualitatives. Le juge a une approche très globale : "les activités d'une entreprise adjudicataire dont il convient de tenir compte sont toutes celles que cette entreprise réalise dans le cadre d'une attribution faite par le pouvoir adjudicateur et ce, indépendamment de l'identité du bénéficiaire, qu'il s'agisse du pouvoir adjudicateur lui-même ou de l'usager des prestations" (n° 66). Il ne peut donc se limiter au seul chiffre d'affaire réalisé directement avec la collectivité. Le chiffre d'affaire pertinent doit également inclure les rémunérations versées par les usagers. Cette précision est évidemment essentielle dans le cadre des délégations de service public. Il n'est pas non plus nécessaire de se cantonner aux prestations fournies uniquement sur le territoire de la collectivité locale.

Enfin, la Cour de justice a pris soin de préciser que "dans le cas où plusieurs collectivités détiennent une entreprise, la condition relative à l'essentiel de son activité peut être satisfaite si cette entreprise effectue l'essentiel de son activité, non nécessairement avec telle ou telle de ces collectivités, mais avec ces collectivités prises dans leur ensemble" (n° 70).

Finalement, on ne peut que se réjouir de cette interprétation plus souple de l'exception in house tant la jurisprudence antérieure avait semblé la vider de sa substance. Reste que la jurisprudence communautaire, en ce domaine comme dans bien d'autres, est de plus en plus empirique, pour ne pas dire aléatoire. Vaut-il mieux des juges rigoureux ou des juges imprévisibles ?

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Domaine public

[Textes] Réforme du Code général de la propriété des personnes publiques

Réf. : Ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006, relative à la partie législative du Code général de la propriété des personnes publiques (N° Lexbase : L3736HI9).

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N9451AKA

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Le 21 Octobre 2014

Institué par le décret n° 57-1336 du 28 décembre 1957 (1), le Code du domaine de l'Etat n'a pas subi de modifications substantielles depuis 1970. Pourtant, le Conseil d'Etat a appelé, de longue date, de ses voeux une réforme d'ensemble du droit des propriétés publiques. Sa section du rapport et des études suggérait, déjà en 1986, l'émergence de règles communes à toutes les propriétés publiques. A l'issue de plusieurs années de travaux, un projet de Code des propriétés publiques comprenant une partie législative et une partie réglementaire était ainsi achevé en 1999. Dans le prolongement de ses réflexions et, notamment, après avoir dressé le constat d'une complexité croissante des textes applicables au droit domanial et de leur caractère épars, le Gouvernement, tout en souhaitant se donner les moyens pour mener à bien une réforme d'ampleur, a donc décidé, dans un souci de sécurité juridique, de faciliter l'accès des acteurs et des citoyens à ce droit en adoptant un code de référence. C'est l'article 48 de la loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l'économie (2) qui met fin à une longue période de gestation en autorisant le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance les mesures législatives nécessaires pour compléter et modifier le droit domanial. Prise sur ce fondement, l'ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 (3) crée un nouveau code : le Code général de la propriété des personnes publiques. Commun à l'ensemble des administrations, ce nouveau droit domanial sera applicable à compter du 1er juillet 2006. L'ordonnance emportera non seulement abrogation des dispositions législatives du Code du domaine de l'Etat ainsi que des textes qui les ont complétées ou modifiées, mais aussi de nombreuses modifications (voire suppressions ou déclassements) de nombreux codes (Code général des collectivités territoriales, Code des assurances, Code de la construction et de l'habitation...). On assiste ainsi à une refonte des règles applicables aux biens et aux droits, à caractère mobilier ou immobilier, de l'ensemble des personnes publiques (Etat, collectivités territoriales, groupements des collectivités territoriales, établissements publics).

D'un point de vue formel, le code, conçu à l'usage des gestionnaires, s'organise autour de cinq parties consacrées à l'acquisition, à la gestion, à la cession, aux autres opérations immobilières des personnes publiques et à des dispositions relatives à l'outre-mer.

Ce travail de codification, auquel la Commission supérieure de codification a été associée, a pris en compte la démarche de modernisation de la gestion des immeubles de l'Etat engagée par le Gouvernement depuis 2005.

Il est important de relever que la codification ainsi effectuée ne se contente pas de simplifier et d'harmoniser les règles ou d'améliorer la gestion domaniale, elle s'étend aussi à des modifications de fond qui dépassent, ainsi, le strict encadrement d'une codification classique à droit constant. Dans le sens où cette codification réformatrice ne bouleverse pas l'économie générale des législations modifiées et qu'elle ne prive pas de garanties légales les exigences constitutionnelles qui s'attachent à la protection de l'ordre public, elle a été déclarée conforme à la Constitution dès lors que la finalité des mesures est précisée (4).

La codification amène donc à une meilleure visibilité et un accès plus facile au droit domanial (I) tout en améliorant, grâce aux possibilités offertes par la nouvelle habilitation, la valorisation économique de la propriété publique (II).

I. L'amélioration de la lisibilité et de l'accès à la propriété publique

Le nouveau Code général de la propriété publique va permettre une meilleure visibilité et un accès plus facile aux règles applicables. Il harmonise et améliore ainsi les règles de la gestion domaniale (A) tout en clarifiant la définition de la propriété publique.

A. L'harmonisation et l'amélioration des règles de la gestion domaniale

L'ensemble des définitions et des procédures applicables à la gestion domaniale des biens publics est rassemblé dans un document unique et ceci qu'ils appartiennent à l'Etat, aux collectivités territoriales, à leurs groupements ou aux établissements publics. Les dispositions obsolètes du Code du domaine de l'Etat sont supprimées.

Les règles applicables aux collectivités territoriales étaient, par définition, étrangères au Code du domaine de l'Etat sans que le Code général des collectivités territoriales, institué à droit constant, n'ait, du reste, totalement pris en charge l'ensemble du droit domanial des propriétés publiques locales. Le droit domanial applicable aux établissements publics est fragmentaire et souvent empirique, il se calque souvent sur celui de l'Etat moyennant des aménagements plus ou moins explicites.

Le nombre des acteurs concernés, propriétaires et gestionnaires, s'est largement accru depuis une quarantaine d'années. Cela a entraîné l'imbrication de dispositions diverses figurant au surplus dans des supports législatifs et réglementaires éparpillés. Il est devenu ainsi essentiel de préserver une certaine unicité du droit domanial en fixant un code de référence.

Le choix d'élaborer un code général permet d'atténuer les inconvénients liés à la prolifération et à l'éclatement des textes domaniaux en vigueur, sans pour autant remettre en cause les acquis des codes techniques propres à certaines catégories de dépendances domaniales. Ce choix s'accompagne, en tant que de besoin, d'un recours à la technique du code pilote/code suiveur, entre le Code général de la propriété des personnes publiques et les codes spécialisés (Code général des collectivités territoriales, Code de l'environnement, Code général des impôts, Code du patrimoine, Code de l'urbanisme...).

B. La clarification de la définition de la propriété publique

Sur le fond, la distinction entre les domaines privé et public est maintenue et la maîtrise régalienne de l'Etat sur son domaine public est réaffirmée. Le nouveau code apporte toutefois des modifications substantielles autorisées par l'habilitation dont disposaient les rédacteurs du code. Par exemple, si le code reprend la définition jurisprudentielle du domaine public immobilier fondée sur le critère de l'affectation d'un bien, soit à l'usage direct du public, soit au service public, le bien, dans le second cas, devra désormais faire l'objet, non plus d'un simple aménagement spécial, mais d'un aménagement indispensable à la mission en cause. Le champ d'application des règles protectrices du domaine public est donc limité aux seuls immeubles comportant des aménagements indispensables au service public. Les autres immeubles relèveront du domaine privé. Cette nouvelle définition du domaine public met fin, selon le Gouvernement, à certaines incertitudes liées en particulier à l'application de la théorie dite "du domaine public virtuel".

Le code précise également le contenu du domaine public maritime naturel. D'une part, il définit plus strictement le rivage de la mer "constitué par tout ce qu'elle couvre et découvre jusqu'où les plus hautes mers peuvent s'étendre en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles". D'autre part, il inclut les terrains soustraits artificiellement des flots ainsi que les lais et relais de la mer qui faisaient partie du domaine privé de l'Etat lors de l'entrée en vigueur de la loi n° 63-1178 du 28 novembre 1963, relative au domaine public maritime (5). L'effort de clarification s'applique, enfin, au domaine public fluvial, au sein duquel sont désormais distinguées les parties naturelles et les dépendances artificielles, et au domaine public mobilier qui repose dorénavant sur sa seule composante culturelle et artistique.

Cette redéfinition du domaine public affecte la consistance et la définition même du domaine privé. Alors que le Code du domaine de l'Etat prévoyait que le domaine privé était constitué de biens publics susceptibles d'une appropriation privative, le nouveau code se borne à poser que "font partie du domaine privé les biens des personnes publiques [...] qui ne relèvent pas du domaine public". Prolongeant l'ordonnance n° 2004-825 du 19 août 2004 (6), celle du 21 avril 2006 confirme que les immeubles de bureaux sont rangés dans le domaine privé afin d'autoriser leur vente sans procédure préalable de déclassement.

II. L'amélioration de la valorisation économique de la propriété publique

La codification à droit constant ne se limite pas à une clarification de la définition de la propriété publique, elle autorise, en outre, une refonte normative fondée sur la modernisation de la gestion du patrimoine immobilier (A) ou la modernisation du régime de l'occupation du domaine public (B).

A. La modernisation de la gestion domaniale

Les évolutions les plus notables, ces dernières années, dans la sphère de la domanialité publique, ont porté sur l'émergence de la notion de valorisation économique du domaine public, l'accroissement des transferts en propriété ou en gestion de biens domaniaux aux collectivités décentralisées.

L'ordonnance ne se borne pas à clarifier la définition de la propriété publique. Elle ambitionne également d'améliorer sa valorisation économique. C'est ainsi que les opérations de cession ou d'échange sont rendues possibles, même lorsque ces immeubles continuent provisoirement à être utilisés pour un service public et à la condition que la continuité du service public soit assurée, en vue, notamment, de permettre leur reprise en location auprès d'un investisseur. L'Etat et ses établissements publics peuvent ainsi céder un bien en prévoyant dans l'acte de cession, sous peine de résolution de la vente, sa désaffection ultérieure dans un délai dont la durée ne peut excéder trois ans.

Dans le même ordre d'idées, le propriétaire public pourra, en cas de cession à l'amiable entre administrations, s'affranchir de la contrainte du déclassement préalable du domaine public ce qui permettra de mieux faire coïncider propriété et responsabilité au bénéfice de la collectivité gestionnaire et d'encourager une démarche de propriétaire. La même simplification est réalisée pour les échanges d'immeubles afin de conforter les opérations foncières entre l'Etat et les collectivités territoriales.

B. La modernisation du régime de l'occupation du domaine public

Tout d'abord, il convient d'indiquer qu'en matière d'occupation du domaine public les principes sont déterminés par la doctrine et la jurisprudence. En effet, il n'existe aucun texte législatif fixant le régime juridique de la matière. L'ordonnance modernise, ainsi, le régime d'occupation du domaine public puisque les règles sont actualisées et rendues communes à l'ensemble des personnes publiques. Il est consacré, sur le plan législatif, le principe selon lequel toute occupation ou utilisation du domaine public, quel qu'en soit le propriétaire, donne lieu au paiement d'une redevance tenant compte des avantages de toute nature qui sont procurés à l'occupant. Le droit fixe auquel sont assujettis les occupants, en sus de la redevance lors de la délivrance du titre d'occupation, est supprimé.

Corrélativement, elle clarifie les situations où un intérêt public justifie la gratuité de l'occupation. L'autorisation d'occupation ou d'utilisation du domaine public peut être délivrée gratuitement : soit lorsque l'occupation ou l'utilisation est la condition naturelle et forcée de l'exécution de travaux ou de la présence d'un ouvrage, intéressant un service public qui bénéficie gratuitement à tous ; soit lorsque l'occupation ou l'utilisation contribue directement à assurer la conservation du domaine public lui-même .

Le régime des occupations constitutives de droits réels sur le domaine public est repris à droit constant pour l'Etat et ses établissements publics, mais une dernière innovation instaure en faveur des collectivités territoriales le droit de disposer, à côté du régime des baux emphytéotiques administratifs, d'un dispositif adapté d'autorisations d'occupation constitutives de droits réels sur leur propre domaine qui est inspiré de celui applicable à l'Etat . Il s'agit d'un régime optionnel ouvert aux collectivités territoriales à côté de celui des baux emphytéotiques administratifs. Il est rendu en particulier opérationnel pour la gestion des ports et des aéroports transférés en propriété aux collectivités territoriales (7).

Christophe De Bernardinis
Maître de conférences à l'Université de Metz


(1) Décret n° 57-1336 du 28 décembre 1957, portant réforme des règles de gestion et d'aliénation des biens du domaine national et codification sous le nom de Code du domaine de l'Etat (JO, 29 décembre 1957, p. 11871).
(2) Loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005, pour la confiance et la modernisation de l'économie (N° Lexbase : L5001HGC).
(3) Ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006, relative à la partie législative du Code général de la propriété des personnes publiques.
(4) Cf. Cons. const., décision n° 2003-473 DC du 26 juin 2003, Loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit (N° Lexbase : A9631C89) ; voir, plus spécialement, Michel Verpeaux, La codification devant le Conseil constitutionnel, AJDA 2004, p. 1849 et s.
(5) Loi n° 63-1178 du 28 mars 1963, relative au domaine public maritime.
(6) Ordonnance n° 2004-825 du 19 août 2004, relative au statut des immeubles à usage de bureaux et des immeubles dans lesquels est effectué le contrôle technique des véhicules et modifiant le Code du domaine de l'Etat (N° Lexbase : L0884GTW).
(7) Cf. CGCT, art. L. 1311-5 à L. 1311-8 (N° Lexbase : L7347HIX).

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