La lettre juridique n°208 du 30 mars 2006

La lettre juridique - Édition n°208

Éditorial

"Le passage" aux 35 heures : la loi des séries...

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

Le 27 Mars 2014


Nul besoin de lire le programme ! Chacun sait le jour et l'heure de son feuilleton favori ! Je ne sais si, à l'instar de Karl Kraus, "écrire un feuilleton consiste à faire des boucles sur une calvitie", mais concernant les professionnels de droit social, nul doute qu'ils suivent ardemment celui, quasi-hebdomadaire, des conséquences contentieuses du passage aux 35 heures. La trame de base : les lois "Aubry I" (présageant une suite...) et "Aubry II" (déjà l'ébauche d'un scénario à succès) ; en aparté, le décor : l'existence ou non d'un accord conventionnel de réduction du temps de travail, entraînant parfois une diminution de la rémunération des salariés concernés. La semaine dernière, Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV et Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale, nous contait combien la jurisprudence avait été conduite à analyser les délicates conséquences de la réduction de la durée du travail dans les entreprises lorsque les salariés s'opposent à toute modification de leur contrat de travail. Par un arrêt du 15 mars 2006, la Chambre sociale de la Cour de cassation avait fait produire son plein effet au principe de sécurisation des accords "Aubry I" contenu dans la loi "Aubry II" du 19 janvier 2000, ce qui conduisit à une application immédiate de son article 30 qui traite des conséquences du refus opposé par un salarié à la modification de sa rémunération contractuelle. En d'autres termes, l'article 30-II de la loi du 19 janvier 2000, qui impose de considérer le licenciement de salariés qui refusent la modification de leur contrat de travail consécutive à l'application d'un accord de réduction du temps de travail, s'applique, y compris à des accords conclus sous l'empire de la loi du 13 juin 1998, dès lors que les stipulations de l'accord sont conformes aux dispositions de la loi du 19 janvier 2000. Cette semaine, à l'image d'une telenovela brésilienne, le décor est sensiblement le même, mais il s'agit, cette fois, pour la Cour de cassation de révéler, d'abord, que le caractère réel et sérieux du motif du licenciement à la suite du refus opposé par un salarié à une diminution de son salaire contractuel, consécutif à l'application d'un accord de réduction du temps de travail, doit être apprécié au regard des seules dispositions de l'accord collectif de réduction du temps de travail ; ensuite, que la lettre de licenciement du salarié qui refuse une modification de sa rémunération contractuelle consécutive à l'application d'un accord de réduction du temps de travail doit comporter l'indication de cet accord ; et enfin, que le licenciement prononcé en raison du refus par un salarié de la modification de sa rémunération proposée, non en application d'un accord collectif, mais par suite d'une mise en oeuvre unilatérale dans l'entreprise de la réduction du temps de travail à 35 heures, constitue un licenciement pour motif économique. Ce sont ces trois arrêts publiés au Bulletin et sur le site internet de la Haute juridiction que les éditions juridiques Lexbase vous proposent d'analyser sous la plume du même conteur, le Professeur Christophe Radé. Et c'est tout l'apanage d'un éditeur juridique réactif, que de vous proposer, avec une régularité métronomique, la suite de vos feuilletons, commentés dans les meilleurs délais, afin de vous assurer la plus rigoureuse des sécurités juridiques.

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Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] Passage aux 35 heures et modification du contrat de travail : nouvelles précisions jurisprudentielles

Réf. : Cass. soc., 15 mars 2006, n° 04-41.935, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A8017DNA) ; Cass. soc., 15 mars 2006, n° 04-40.504, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A7999DNL) ; Cass. soc., 15 mars 2006, n° 05-42.946, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A8105DNI)

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 07 Octobre 2010

Le 15 mars 2006, la Cour de cassation a rendu quatre arrêts qui concernent tous l'interprétation de l'article 30-II de la loi du 19 janvier 2000 (loi n° 2000-37 N° Lexbase : L0988AH3). Après avoir statué sur le champ d'application temporel de ce texte (Cass. soc., 15 mars 2006, n° 03-48.027, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A6042DN4, lire nos obs., Application immédiate de la loi "Aubry II" aux salariés refusant la réduction de leur rémunération contractuelle décidée par un ARTT "Aubry I", Lexbase Hebdo n° 207 du 23 mars 2006 - édition sociale N° Lexbase : N6057AKK), la Chambre sociale de la Cour de cassation rend trois nouvelles décisions permettant de mieux cerner le régime applicable au licenciement du salarié qui refuse la réduction de sa rémunération dans le cadre du passage aux 35 heures. La Cour, d'abord, rappelle que l'article 30-II ne s'applique qu'en présence d'un accord de réduction du temps de travail et nullement si les 35 heures ont été mises en place unilatéralement par l'employeur (1), ensuite précise que l'employeur doit mentionner, dans la lettre de licenciement, l'accord en question (2) et, enfin, impose aux juges du fond les modalités d'appréciation de la cause réelle et sérieuse du licenciement du salarié (3).
Décisions

Cass. soc., 15 mars 2006, 3 arrêts :

1. Cass. soc., 15 mars 2006, n° 04-41.935, Société Amitel c/ Mme Eliane Gorse, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A8017DNA)
Cassation partielle (CA Lyon, Chambre sociale, 21 janvier 2004)

2. Cass. soc., 15 mars 2006, n° 04-40.504, Société Cap Gémini France c/ M. Jean-Pascal Perales, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A7999DNL)
Rejet (CA Bordeaux, Chambre sociale, 18 novembre 2003)

3. Cass. soc., 15 mars 2006, n° 05-42.946, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A8105DNI)
Rejet (CA Metz, audience solennelle, 23 mars 2005)

Texte visé et concerné : article 30 II de la loi du 19 janvier 2000 (N° Lexbase : L0988AH3)

Lien bases :

Résumé

1. Arrêt n° 546 : le caractère réel et sérieux du motif du licenciement consécutif au refus opposé par un salarié d'une diminution de son salaire contractuel, consécutif à l'application d'un accord de réduction du temps de travail, doit être apprécié au regard des seules dispositions de l'accord collectif de réduction du temps de travail.

2. Arrêt n° 549 : la lettre de licenciement du salarié qui refuse une modification de sa rémunération contractuelle consécutive à l'application d'un accord de réduction du temps de travail doit comporter l'indication de cet accord.

3. Arrêt n° 550 : le licenciement prononcé en raison du refus par un salarié de la modification de sa rémunération proposée, non en application d'un accord collectif, mais par suite d'une mise en oeuvre unilatérale dans l'entreprise de la réduction du temps de travail à 35 heures, constitue un licenciement pour motif économique.

Faits

1. Arrêt n° 546

Engagée le 27 novembre 1995 en qualité de chef de groupe commercial par la société Amitel, Mme Gorse a été licenciée par lettre recommandée du 1er février 2000 pour avoir refusé la modification de ses conditions de rémunération que lui proposait l'employeur en application d'un accord sur la réduction du temps de travail dans l'entreprise, signé le 23 décembre 1999.

Pour déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la société Amitel à payer à Mme Gorse une somme à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient que le changement des conditions de rémunération des seuls commerciaux de l'entreprise, qui n'est qu'une résultante très partielle des dispositions adoptées pour assurer le passage du temps de travail de 39 heures à 35 heures, apparaît au contraire comme la conséquence de raisons économiques telles qu'explicitées dans le préambule du protocole d'accord, notamment en vue de l'amélioration de la marge de + 5 % pour parfaire le redressement économique et financier de la société dont le chiffre d'affaires est en progression depuis 2 ans, et que l'employeur qui n'a pas, pour autant, usé de la procédure prévue à l'article L. 321-1-2 du Code du travail (N° Lexbase : L8923G7M) ne justifie nullement de la réalité des motifs économiques, au demeurant non explicités dans la lettre de licenciement ; que, dans ces conditions, le licenciement fondé sur le seul refus de Mme Gorse de signer l'avenant au contrat de travail est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

2. Arrêt n° 549

M. Perales, qui avait été engagé le 2 février 1987 en qualité d'ingénieur position cadre par la société Cap Sogesi Systèmes, devenue Cap Gémini France, a été licencié le 17 juillet 2000 au motif de son refus de la modification substantielle de son contrat de travail, laquelle résultait de l'application du forfait en jours prévu pour les cadres autonomes de sa catégorie par l'accord national sur la réduction du temps de travail de la Fédération Syntec du 22 juin 1999 et l'accord d'entreprise du 3 février 2000 sur les 35 heures.

Il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 8 jours de réduction du temps de travail.

La cour d'appel de Bordeaux a fait droit aux demandes du salarié.

3. Arrêt n° 550

M. Groshans, employé par la société Sopafom, s'est vu proposer le 29 novembre 1999 la modification de son contrat de travail consistant en une réduction de sa rémunération proportionnelle à la réduction de la durée du travail à 35 heures, décidée unilatéralement par l'employeur ; ayant refusé, il a été licencié le 13 janvier 2000 au motif de son refus de la modification de son salaire à la suite de la réduction de l'horaire légal.

Statuant sur renvoi après cassation (Cass. soc., 24 mars 2004, n° 02-45.130, FS-P+B N° Lexbase : A6378DBT), la cour d'appel de Metz a décidé que le licenciement s'analysait en un licenciement pour motif économique.

Solutions

1. Arrêt n° 546

"Selon l'article 30 II de la loi du 19 janvier 2000, lorsqu'un salarié refuse la modification de son contrat de travail proposée en application d'un accord de réduction de la durée de travail, son licenciement est un licenciement individuel ne reposant pas sur un motif économique et est soumis aux dispositions des articles L. 122-14 à L. 122-17 du Code du travail".

"En statuant comme elle l'a fait, alors qu'il lui appartenait d'apprécier le caractère réel et sérieux du motif du licenciement consécutif à ce refus, au regard des seules dispositions de l'accord collectif de réduction du temps de travail, conformément au texte précité, la cour d'appel a violé le texte susvisé".

"Par ces motifs : casse et annule, mais seulement en ce qu'il a dit que le licenciement de Mme Gorse ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse et condamné la société Amitel à lui payer la somme de 59 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 21 janvier 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ; condamne Mme Gorse aux dépens".

2. Arrêt n° 549

"En cas de licenciement motivé par le refus d'un salarié de la modification de son contrat de travail en application d'un accord de réduction du temps de travail, qui constitue un licenciement individuel ne reposant pas sur un motif économique et est soumis aux dispositions des articles L. 122-14 à L. 122-17 du Code du travail selon l'article 30 II de la loi du 19 janvier 2000, la lettre de licenciement doit comporter l'indication de cet accord ; la cour d'appel, qui a constaté que tel n'était pas le cas, a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision.

Par ces motifs : rejette le pourvoi".

3. Arrêt n° 550

"Le licenciement prononcé en raison du refus par un salarié de la modification de sa rémunération proposée, non en application d'un accord collectif, mais par suite d'une mise en oeuvre unilatérale dans l'entreprise de la réduction du temps de travail à 35 heures, constitue un licenciement pour motif économique".

"Que le moyen n'est pas fondé ; par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi : rejette le pourvoi ; condamne la société Sopafom aux dépens".

Observations

1. L'article 30-II de la loi du 19 janvier 2000 ne s'applique pas à la mise en place des 35 heures par décision unilatérale du chef d'entreprise

  • Modalités du passage aux 35 heures

La loi du 13 juin 1998 (loi n° 98-461 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail N° Lexbase : L7982AIH) a programmé la réduction de la durée du travail sans véritablement donner aux entreprises tous les éléments nécessaires pour "sécuriser" les procédures.

Sur le plan collectif, cette sécurisation a été assurée par les dispositions reprenant les dispositions conventionnelles conclues sous l'empire de la loi ancienne (voir notre chron., Application immédiate de la loi "Aubry II" aux salariés refusant la réduction de leur rémunération contractuelle décidée par un ARTT "Aubry I", précitée).

Sur le plan individuel, l'article 30 de la loi Aubry II du 19 janvier 2000 a prévu deux dispositifs destinés à éviter que des salariés ne puissent bloquer le processus de passage collectif aux 35 heures en opposant à leur employeur les dispositions de leur contrat de travail, conclu sous l'empire des 39 heures.

Le premier principe visait à "forcer" le passage aux 35 heures lorsque la réduction de la durée du travail ne s'accompagne d'aucune réduction de la rémunération contractuelle ; selon les termes de l'article 30-I, "la seule diminution du nombre d'heures stipulées au contrat, en application d'un accord de réduction de la durée du travail, ne constitue pas une modification du contrat". Cette réduction de la durée contractuelle constitue donc un simple changement dans les conditions de travail que le salarié ne saurait refuser sans s'exposer à un licenciement pour faute.

Le second principe vise à épargner aux entreprises, qui ont été contraintes de réduire les rémunérations, la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi lorsqu'elles décident de licencier les salariés qui s'y opposent ; l'article 30-II de la loi dispose ainsi que "lorsqu'un ou plusieurs salariés refusent une modification de leur contrat de travail en application d'un accord de réduction de la durée du travail, leur licenciement est un licenciement individuel ne reposant pas sur un motif économique et est soumis aux dispositions des articles L. 122-14 à L. 122-17 du Code du travail".

  • Champ d'application de l'article 30 de la loi du 19 janvier 2000

Reste à déterminer le champ d'application de ce texte.

Dans l'un des quatre arrêts en date du 15 mars 2006 (Cass. soc., 15 mars 2006, n° 03-48.027, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A6042DN4), la Chambre sociale de la Cour de cassation a statué sur le champ d'application temporel de l'article 30 et précisé que ces deux alinéas s'appliquent à des accords conclus sous l'empire de la loi Aubry I, dès lors que ces derniers ont été valablement repris par la loi Aubry II dans les conditions posées par l'article 28-I.

Cette fois-ci, la Cour de cassation devait statuer sur le champ d'application matériel de l'article 30.

Dans la troisième affaire (arrêt n° 550), la réduction de la durée du travail résultait non d'un accord collectif mais d'une décision unilatérale de l'entreprise. L'employeur prétendait que les dispositions de l'article 30 devaient lui être appliquées et que le licenciement du salarié devait, pour cette raison, échapper à la procédure du licenciement pour motif économique. La cour d'appel de Metz, statuant sur renvoi après cassation, lui avait donné tort, ce que confirme la Chambre sociale de la Cour de cassation qui constate que "le licenciement prononcé en raison du refus par un salarié de la modification de sa rémunération proposée, non en application d'un accord collectif, mais par suite d'une mise en oeuvre unilatérale dans l'entreprise de la réduction du temps de travail à 35 heures, constitue un licenciement pour motif économique".

Le refus d'appliquer l'article 30 de la loi du 19 janvier 2000 est parfaitement justifié et confirme la solution retenue lors du premier pourvoi intervenu dans cette même affaire (Cass. soc., 24 mars 2004, n° 02-45.130, FS-P+B N° Lexbase : A6378DBT, Dr. soc. 2004, p. 791, obs. J. Mouly). Ce texte vise, en effet, clairement l'hypothèse d'une réduction conventionnelle de la durée du travail et nullement celle de l'engagement unilatéral. Le texte est donc clairement inapplicable.

  • Régime juridique applicable aux licenciements ne relevant pas de l'article 30-II

Puisque le texte spécial ne saurait s'appliquer, reste à déterminer si, par application des principes généraux du licenciement, le licenciement du salarié qui refuse la modification de la diminution de sa rémunération relève du motif économique ou personnel.

Ici encore, la qualification de licenciement pour motif économique retenue par la Chambre sociale de la Cour de cassation s'impose. Lorsqu'un employeur licencie un salarié qui refuse une modification de son contrat de travail, le motif de ce licenciement, ainsi que sa justification, sont à rechercher dans la modification du contrat. Or, la décision de réduire les rémunérations est directement liée à l'abaissement de la durée du travail dans l'entreprise ; il s'agit donc d'un motif évidemment "non inhérent" à la personne du salarié et, partant, d'un motif économique de licenciement tel qu'il est défini par l'article L. 321-1 du Code du travail (N° Lexbase : L8921G7K).

  • Une solution conforme à la volonté du législateur

La solution retenue conduit à imposer aux entreprises, qui n'ont pas mis en place les 35 heures par la voie conventionnelle, la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi dès la proposition de modification du contrat de travail, par application de la jurisprudence "Framatome" et "Majorette" (Cass. soc., 3 décembre 1996, n° 95-17.352, Société Framatome connectors France et autre c/ Comité central d'entreprise de la société Framatome connectors, publié N° Lexbase : A2180AAY ; Cass. soc., 3 décembre 1996, n° 95-20.360, Syndicat Symétal CFDT c/ Société nouvelle Majorette et autre, publié N° Lexbase : A2182AA3), dès lors que sont concernés au moins 10 salariés dans une même période de 30 jours.

Cette sévérité donne donc raison aux entreprises qui ont choisi la voie conventionnelle, et on ne pourra que s'en féliciter dans la mesure où la négociation était absolument indispensable pour accompagner le mouvement d'abaissement de la durée légale, singulièrement pour statuer sur la question délicate du maintien des rémunérations. En faisant une stricte application des règles du droit commun aux entreprises qui avaient choisi d'imposer unilatéralement les 35 heures, la Cour de cassation se conforme ainsi aux voeux du Parlement qui avait "appelé" les partenaires sociaux à négocier dès 1998 (article 2 de la loi du 13 juin 1998).

2. Le régime procédural du licenciement prononcé dans le cadre de l'article 30-II de la loi du 30 janvier 2000

  • Le renvoi opéré à la procédure du licenciement pour motif personnel

L'article 30-II de la loi du 19 janvier 2000 se contente de renvoyer le licenciement du salarié aux dispositions des "articles L. 122-14 à L. 122-17 du Code du travail". L'employeur est donc tenu, comme pour tout licenciement pour motif personnel, de convoquer le salarié à un entretien préalable (C. trav., art. L. 122-14 N° Lexbase : L9576GQQ) et de lui notifier son licenciement (C. trav., art. L. 122-14-1 N° Lexbase : L0042HDW).

  • La question de la motivation de la lettre de licenciement

Se pose alors la question de la motivation de la lettre de licenciement dont on sait qu'elle délimite l'office du juge et peut conduire à la condamnation de l'entreprise pour défaut de cause réelle et sérieuse si elle n'est pas suffisante (jurisprudence "Rogie" : Cass. soc., 29 novembre 1990, n° 88-44.308, M. Rogie c/ Société Sermaize Distribution, publié N° Lexbase : A9329AAR, D. 1991, p. 99, note J. Savatier).

Certains auteurs ont contesté la "normalité" de ce motif de licenciement et considéré qu'il s'agissait d'un motif sui generis devant être adapté à la particularité de la situation.

C'est, en quelque sorte, ce que suggère le deuxième arrêt rendu le 15 mars 2006 (n° 549), puisque la Cour de cassation y affirme que la lettre de licenciement doit comporter l'indication de l'accord de réduction du temps de travail à l'application duquel le salarié s'oppose.

Cette solution nous paraît pleinement justifiée.

La procédure mise en place par l'article 30-II est, en effet, dérogatoire au droit commun puisque, en l'absence d'accord de réduction du temps de travail, la réduction de la rémunération, même consécutive à un abaissement de la durée du travail, conduit l'employeur à prononcer un licenciement pour motif économique, comme nous venons de le voir. Le salarié qui est licencié pour un motif personnel, mais également le juge saisi du règlement du différend, sont donc en droit d'exiger de l'employeur qu'il précise dans sa lettre de licenciement le dispositif dans le cadre duquel il s'inscrit et, singulièrement, l'accord collectif qu'il prétend appliquer et qui le rend "éligible" à la procédure de l'article 30-II du Code du travail. Mais, lorsque l'employeur a, lui-même, fait référence à un motif économique dans la lettre de licenciement, il ne peut plus, devant le conseil de prud'hommes, prétendre bénéficier des dispositions de l'article 30-II (Cass. soc., 26 octobre 2005, n° 03-41.460, F-D N° Lexbase : A1486DLM).

3. La justification du licenciement

  • Le silence du législateur

Lors de l'adoption de la loi du 19 janvier 2000, le Parlement avait, un temps, envisagé de préciser que le licenciement du salarié, qui intervient par application de l'article 30-II, repose sur une cause réelle et sérieuse. Finalement, cette précision n'avait pas été maintenue, le texte se contentant, sans autre précision, de renvoyer à l'exigence d'une cause réelle et sérieuse, sans prendre partie sur la question. Il appartient donc aux juges du fond, ainsi qu'à la Cour, de prendre position.

Jusqu'à aujourd'hui, la Cour de cassation n'avait pas clairement pris parti sur la justification du licenciement du salarié qui refuse une diminution de sa rémunération contractuelle consécutive à l'application dans l'entreprise d'un accord de réduction du temps de travail.

Dans une décision en date du 24 mars 2004 (préc.), la Chambre sociale de la Cour de cassation avait semblé s'orienter vers l'admission de la cause réelle et sérieuse, puisqu'elle avait censuré une cour d'appel qui en avait jugé autrement. Plusieurs juridictions du fond avaient également considéré que le licenciement du salarié devait être considéré, dans ce cas de figure, comme justifié (CA Agen, ch. soc., 7 août 2002, SA Drink service : CJA 2006-1, AB 322).

On attendait donc que la Cour de cassation prenne, éventuellement, position sur le sujet.

  • La réponse méthodologique de la Cour de cassation

C'était précisément la question qui se posait dans le premier arrêt en date du 15 mars 2006 (n° 546). Dans cette affaire, la cour d'appel avait considéré le licenciement de la salariée comme dépourvu de cause réelle et sérieuse. Elle avait considéré qu'en réalité, la réduction de la rémunération reposait sur la volonté de l'entreprise de "parfaire le redressement économique et financier de la société", que cette dernière n'avait pas tenté de mettre en oeuvre d'autres mesures plus adaptées et, singulièrement, qu'elle aurait dû respecter les procédures du livre III du Code du travail, notamment en proposant aux salariés une modification de leur contrat de travail pour un motif économique.

Or, cet arrêt est cassé, la Chambre sociale de la Cour de cassation affirmant "qu'il lui appartenait d'apprécier le caractère réel et sérieux du motif du licenciement consécutif à ce refus, au regard des seules dispositions de l'accord collectif de réduction du temps de travail, conformément" à l'article 30-II de la loi du 19 janvier 2000.

Un premier constat s'impose ici : la Cour de cassation refuse de prendre parti sur l'existence ou non de la cause réelle et sérieuse, confirmant ainsi le pouvoir souverain des juges du fond qu'elle leur reconnaît (dernièrement, Cass. soc., 18 décembre 2002, n° 00-46.114, F-D N° Lexbase : A4947A4Y).

En revanche, la Cour impose une méthode d'appréciation aux juges du fond et les contraint à s'en tenir aux "seules dispositions de l'accord de réduction du temps de travail". Dans cette affaire, la cour d'appel avait, en réalité, considéré que le licenciement de la salariée reposait sur un motif économique inavoué (la volonté de pérenniser le redressement de l'entreprise). Le licenciement de la salariée présentait alors une nature mixte, personnel par sa forme et économique par sa justification.

Le juge ne doit donc pas tenir compte de données extérieures et antérieures à l'accord.

Si l'on comprend bien ce qu'il est interdit de faire, on reste hésitant sur les éléments de l'accord qui aideront le juge à déterminer si le licenciement était justifié et le refus du salarié légitime ou non. On peut penser que, parmi ces éléments déterminants, il tiendra compte, notamment, de l'ampleur des modifications induites par l'accord et des éventuelles compensations accordées aux salariés (sous forme de primes, notamment).

Certes, le refus de prendre position d'une manière générale est conforme à la doctrine de la Cour de cassation en matière de pouvoir d'appréciation des juges du fond sur l'existence de la cause réelle et sérieuse. Elle n'est toutefois guère satisfaisante ni pour les entreprises, ni pour les juges du fond eux-mêmes qui auraient, sans doute, souhaité des critères plus précis et prévisibles.

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Sécurité sociale

[Jurisprudence] Détermination de l'assiette des cotisations sociales au régime d'assurance chômage et au régime de retraite complémentaire des salariés expatriés

Réf. : Cass. soc., 14 mars 2006, n° 03-47.097, M. Alain Dublineau c/ Société Défense conseil international (DCI), FS-P+B (N° Lexbase : A6039DNY)

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N6389AKT

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Le 07 Octobre 2010

Dans une décision récente, en date du 14 mars 2006, la Chambre sociale de la Cour de cassation précise les conditions selon lesquelles l'employeur peut, après accord de la majorité du personnel, déterminer l'assiette des cotisations sociales au régime d'assurance chômage (1) et les cotisations au régime de retraite complémentaire Arrco et Agirc (2) des salariés expatriés. Ces dispositions permettent à l'employeur, après accord de la majorité des salariés concernés, d'asseoir les contributions sociales d'assurance chômage et de retraite complémentaire Agirc et Arrco (uniquement jusqu'au 31 décembre 1995) des salariés expatriés sur un salaire dit "de comparaison", composé des rémunérations qui seraient perçues par les salariés pour des fonctions identiques exercées en France, et non sur l'ensemble des rémunérations effectivement perçues.

Cette option est toujours possible s'agissant des cotisations d'assurance chômage (les dispositions de la nouvelle convention d'assurance chômage du 1er janvier 2006 reprennent, sur ce point, les dispositions antérieures) (voir circulaire Unédic n° 2006-07, du 7 mars 2006, agrément de la convention du 18 janvier 2006 et des différents textes associés N° Lexbase : L6924HHW). Néanmoins, les règles de détermination de l'assiette des cotisations, s'agissant des régimes de retraites complémentaires Agirc et Arrco, ont été modifiées le 1er janvier 1996. La décision de la Cour de cassation apporte également un éclairage sur ces modifications.

Enfin, la décision est intéressante puisqu'elle précise que le bénéfice de l'option du salaire de comparaison pour le régime des retraites complémentaires Agirc et Arrco (jusqu'au 31 décembre 1995) est ouvert à l'employeur nonobstant l'application des dispositions conventionnelles de branche prévoyant le maintien des régimes des retraites complémentaires en faveur des salariés expatriés.

Décision

Cass. soc., 14 mars 2006, n° 03-47.097, M. Alain Dublineau c/ Société Défense conseil international (DCI), FS-P+B (N° Lexbase : A6039DNY)

Rejet (CA Aix en Provence, 16 septembre 2003)

Textes concernés : C. trav., art. L. 351-8 (N° Lexbase : L8886G7A) ; C. trav., art. L. 351-2 (N° Lexbase : L6241AC7) ; CSS, art. L. 242-1 (N° Lexbase : L9684HEE) ; annexe IX du règlement annexé à la convention d'assurance chômage (N° Lexbase : L6924HHW) ; délibérations D 5 Agirc ; article 72 de la convention collective Syntec .

Mots-clefs : détermination de l'assiette des cotisations sociales ; salariés expatriés ; cotisations chômage ; cotisations Agirc ; cotisations Arrco.

Liens bases : (N° Lexbase : E4556ACQ) ; (N° Lexbase : E1478ATW) ; (N° Lexbase : E1156AGW).

Apport de l'arrêt

La convention d'assurance chômage peut valablement prévoir que les contributions sont assises, s'agissant des salariés expatriés, soit sur les salaires perçus convertis en euros lors de leur perception soit, après accord de la majorité des salariés concernés, sur les salaires qui seraient perçus en France pour des fonctions correspondantes.

En outre, le choix par l'employeur du salaire de comparaison pour les salariés expatriés ne peut s'exercer qu'au moment de l'affiliation et à titre définitif : cette option s'exerçant de manière irrévocable au jour de l'affiliation de l'entreprise au régime des expatriés de l'assurance chômage, elle est opposable à l'ensemble des salariés, alors même que l'expatriation interviendrait ultérieurement, et alors même qu'à la date d'affiliation, l'employeur n'aurait recueilli l'accord que de l'unique salarié expatrié.

De même, l'option qui était ouverte à l'employeur, avec la majorité des participants en activité, de choisir le salaire de comparaison comme détermination de l'assiette des cotisations des régimes Agirc et Arrco, est opposable aux salariés dont l'expatriation intervient ultérieurement, nonobstant le fait que l'accord ait été recueilli avec l'unique salarié expatrié.

A compter du 1er janvier 1996, la prise en compte, dans l'assiette de contributions des régimes Agirc et Arrco, des primes et avantages en nature doit être prévue par le contrat d'expatriation.

Faits et procédure

Monsieur Dublineau a été engagé à compter de janvier 1984 par la société DCI (venant aux droits de la société Navsco) en qualité d'instructeur des personnels militaires étrangers utilisateurs des matériels de transport et d'armement français.

Monsieur Dublineau a exercé ses fonctions en Arabie Saoudite jusqu'au 31 décembre 1999, date à laquelle son dernier contrat de travail à durée déterminée a pris fin.

Par accord intervenu le 24 juin 1982 avec le seul salarié expatrié présent à cette date, la société DCI a opté pour le salaire de comparaison pour déterminer l'assiette de cotisations au régime d'assurance chômage et au régime de retraite complémentaire Agirc.

Le 2 avril 1999, Monsieur Dublineau a saisi le conseil de prud'hommes de Toulon afin d'obtenir l'intégration de sa prime d'expatriation (représentant 50 % de son salaire) dans l'assiette des cotisations afférente au régime de chômage et de retraite complémentaire Agirc, ainsi que la régularisation rétroactive de sa situation à compter de sa date d'embauche.

Le conseil de prud'hommes de Toulon (jugement en date du 6 novembre 2000) ainsi que la cour d'appel d'Aix-en-Provence (arrêt en date du 16 septembre 2003), ayant débouté Monsieur Dublineau de l'ensemble de ses demandes, celui-ci s'est pourvu en cassation et reproche à l'arrêt attaqué d'avoir considéré comme valable l'accord intervenu le 24 juin 1982.

Solution

1. Rejet

Sur le premier moyen (assurance chômage) :

2. "Mais attendu, d'abord, que les organisations syndicales d'employeurs et de travailleurs auxquelles les articles L. 351-8 et L. 352-2 du Code du travail donnent compétence pour négocier et conclure des accords ayant pour objet de déterminer les mesures d'application des dispositions légales relatives au régime d'assurance chômage ne méconnaissent pas leur pouvoir en insérant au règlement annexé à une convention d'assurance chômage une disposition qui prévoit que les contributions sont assises soit sur les salaires perçus convertis en monnaie ayant cours légal en France sur la base du taux officiel de change lors de leur perception, soit, après accord de la majorité des salariés concernés, sur les salaires qui seraient perçus en France pour des fonctions correspondantes".

3. "Attendu, enfin, que, selon l'annexe IX au règlement, le choix par l'employeur, après accord de la majorité des salariés concernés, d'asseoir les contributions sur les salaires qui seraient perçus pour des fonctions correspondantes en France, ne peut s'exercer qu'au moment de l'affiliation et à titre définitif ; qu'il en découle que cette option s'exerce de manière irrévocable au jour de l'affiliation de l'entreprise au régime des expatriés de l'assurance chômage et est opposable à ses salariés dont l'expatriation intervient ultérieurement ; que c'est donc à bon droit que la cour d'appel, qui a constaté que l'employeur avait choisi, après avoir recueilli le 24 juin 1983 l'accord de la majorité du personnel concerné alors employé par l'entreprise, de calculer les contributions d'assurance chômage sur les salaires de comparaison, a décidé que la prime d'expatriation perçue par M. Dublineau n'entrait pas dans l'assiette des contributions"

Sur le second moyen (régime de retraite complémentaire Agirc) :

4. "Mais attendu, d'abord, que l'alinéa 2 de l'article 72 de la convention collective des bureaux d'études, cabinets d'ingénieurs-conseils, sociétés de conseils prévoit que le régime volontaire risque vieillesse de la Sécurité sociale et le régime des retraites complémentaires seront maintenus au profit des salariés occupés hors de France métropolitaine et que la charge en sera supportée par le salarié et l'employeur dans les proportions habituelles et les conditions prévues par la loi ; que ce texte ne prive pas l'employeur qu'il astreint à faire bénéficier, par voie d'extension territoriale, les personnes qu'il occupe hors de France de la Convention collective nationale de prévoyance et de retraite des cadres du 14 mars 1947, de la faculté offerte par la délibération D 5 de cette dernière convention de se référer, pour déterminer l'assiette des cotisations, aux salaires qui seraient perçus en France pour des fonctions correspondantes, cette option n'ayant pas pour effet de diminuer les droits futurs à pension de retraite des intéressés ou d'augmenter leur part dans la charge des cotisations".

5. "Attendu, encore, que, selon la délibération D 5, dans sa rédaction applicable avant le 1er janvier 1996, la décision de se référer, pour déterminer l'assiette des cotisations, aux salaires qui auraient été perçus en France pour des fonctions correspondantes est prise par voie d'accord conclu conformément à l'article 16 de la convention ; que celui-ci énonce que les accords intervenant dans les entreprises pour l'application des mesures prévues par la présente convention, s'ils sont conclus entre l'employeur et la majorité des participants en activité concernés par ladite mesure comportent, pour l'ensemble des bénéficiaires visés auxdits accords et dans tous les cas, le même caractère obligatoire que celui prévu à l'article R. 731-8 du Code de la Sécurité sociale ; qu'il s'ensuit que cet accord est opposable aux salariés de l'entreprise dont l'expatriation intervient ultérieurement à sa conclusion ; que c'est donc à bon droit que la cour d'appel, qui a constaté que l'employeur avait passé le 24 juin 1983 avec la majorité du personnel alors concerné de l'entreprise un accord prévoyant de calculer les cotisations au régime de retraite complémentaire des cadres sur les salaires de comparaison, a décidé que la prime d'expatriation perçue par M. Dublineau n'entrait pas dans l'assiette des cotisations dues jusqu'au 31 décembre 1995".

6. "Attendu, enfin, que la délibération D 5 dans sa rédaction en vigueur à compter du 1er janvier 1996 prévoit que pour les agents dont l'activité s'exerce hors de France, les cotisations sont calculées, pour les salariés concernés par les cas A et C, sur la base du salaire qui aurait été perçu en France pour les fonctions correspondantes, éventuellement augmenté de tout ou partie des primes et avantage en nature, ainsi que prévu dans le contrat d'expatriation ; qu'il ne résulte pas de l'arrêt et de la procédure que M. Dublineau a soutenu devant les juges du fond avoir convenu avec l'employeur que la prime d'expatriation qu'il percevait serait incluse dans l'assiette des cotisations".

Commentaire

1. Les conditions de détermination de l'assiette des cotisations sociales au régime d'assurance chômage selon le salaire de comparaison

Aux termes de l'article L. 351-4, alinéa 1er, du Code du travail (N° Lexbase : L6231ACR), tout employeur est tenu d'assurer contre le risque de privation d'emploi tout salarié dont l'engagement résulte d'un contrat de travail, y compris les travailleurs salariés détachés à l'étranger ainsi que les travailleurs salariés français expatriés (3).

L'annexe IX du règlement annexé à la convention d'assurance chômage (voir circulaire Unédic n° 2006-07, du 7 mars 2006, agrément de la convention du 18 janvier 2006 et des différents textes associés N° Lexbase : L6924HHW) précise cette affiliation obligatoire au régime Assédic : les employeurs compris dans le champ d'application territorial du régime d'assurance chômage sont tenus d'assurer contre le risque de privation d'emploi les salariés expatriés (français ou ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne), avec lesquels ils ont conclu un contrat de travail en vue d'exercer une activité à l'étranger, hors Etat membre de l'Union européenne (4).

En outre, les contributions à retenir pour les salariés expatriés obligatoirement affiliés sont assises, conformément aux dispositions de l'annexe IX :
- "soit, sur l'ensemble des rémunérations brutes plafonnées converties en euros sur la base du taux officiel de change lors de leur perception, telles qu'elles sont définies aux articles L. 242-1 et suivants du Code de la Sécurité sociale ["salaire réel"] ;
- soit, après accord de la majorité des salariés concernés, sur les rémunérations brutes plafonnées entrant dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale prévue aux articles L. 242-1 et suivants du Code de la Sécurité sociale qui seraient perçues par le salarié pour des fonctions correspondantes exercées en France ["salaire de comparaison"]. Cette dernière option ne peut s'exercer qu'au moment de l'affiliation et à titre définitif".

La principale distinction entre le salaire de comparaison et le salaire réel est que ce dernier comprend l'ensemble des rémunérations, au sens de l'article L. 242-1 du Code de Sécurité sociale (N° Lexbase : L9684HEE) (5), versées aux salariés expatriés, ce qui inclut les indemnités destinées à compenser les sujétions liées à l'expatriation -indemnités de résidence ou prime d'expatriation- dont le montant peut représenter une partie importante de la rémunération totale (6).

C'est la possibilité même laissée à l'employeur (après accord de la majorité des salariés) par les dispositions de l'annexe IX qui était critiquée par le demandeur au motif que les partenaires sociaux, expressément désignés par la loi, ne pourraient déléguer leurs pouvoirs afin de déterminer la base des cotisations.

La Cour de cassation rejette cet argument en précisant que les organisations syndicales d'employeurs et de salariés ne méconnaissent pas leur pouvoir en laissant une option au bénéfice de l'employeur pour déterminer l'assiette des contributions entre le salaire réel et le salaire de comparaison, cette option étant soumise à l'accord préalable de la majorité des salariés concernés.

En outre, les dispositions de l'annexe IX prévoyant expressément que le choix du salaire de comparaison ne peut s'exercer qu'au moment de l'affiliation et à titre définitif, la Cour de cassation en conclut que "cette option s'exerce de manière irrévocable au jour de l'affiliation de l'entreprise au régime des expatriés de l'assurance chômage et est opposable à ses salariés dont l'expatriation intervient ultérieurement".

On ne peut qu'approuver la décision de la Cour de cassation sur ce point : la solution inverse aurait, en effet, abouti à solliciter l'accord individuel de chaque salarié expatrié, ce que ne prévoient nullement les dispositions de l'annexe IX.

Néanmoins, en l'espèce, la cour d'appel avait considéré que l'accord sur le choix du salaire de comparaison ne pouvait être contesté par le demandeur au motif qu'il n'existait, à la date de l'option, qu'un seul salarié expatrié.

Cette interprétation de la cour d'appel ayant été contestée par le demandeur, la question soumise à la Cour de cassation était donc de savoir si l'exercice de l'option pour le salaire de comparaison était ou non ouverte à un employeur alors même qu'un seul salarié était expatrié, sachant que l'annexe IX prévoit "l'accord de la majorité des salariés".

Ne fallait-t-il pas considérer que l'option nécessitait, pour l'exercer, qu'il y ait plusieurs salariés expatriés au même moment ? La Cour de cassation répond par la négative, approuvant la cour d'appel d'avoir relevé que l'employeur avait recueilli l'accord de la majorité du personnel concerné alors employé par l'entreprise", ce qui permettait à l'employeur de se prévaloir de l'accord du seul salarié concerné à la date à laquelle cette option a été prise.

Une décision contraire aurait interdit à l'employeur de bénéficier de l'option pour le salaire de comparaison dès lors qu'il n'existait qu'un seul salarié expatrié et aurait, de ce fait, entériné une différence de traitement injustifiée entre les employeurs selon le nombre de salariés concernés par l'expatriation au moment de l'affiliation.

Enfin, il convient de noter que le demandeur arguait devant la Cour de cassation que l'option pour le salaire de comparaison intervenue entre l'employeur et la majorité des salariés constituerait un accord atypique qui ne saurait lui être opposable, puisque moins favorable que les dispositions de l'annexe IX du régime Assédic prévoyant que l'assiette est, en principe, constituée du salaire réel.

L'accord atypique, défini comme un accord conclu par l'employeur avec les salariés ou leurs représentants élus (7), s'il ne constitue pas un accord collectif au sens de l'article L. 132-2 du Code du travail (N° Lexbase : L5680ACD) a, néanmoins, la même force obligatoire qu'un engagement unilatéral de l'employeur. De ce fait, il ne peut comporter de dispositions moins favorables pour les salariés que les dispositions légales ou conventionnelles.

Toutefois, cette branche du premier moyen ne pouvait être qu'irrecevable, puisque présentée pour la première fois devant la Cour de cassation, et mélangée de droit et de fait.

En tout état de cause, cette argumentation juridique ne saurait, à notre avis, prospérer. En effet, d'une part, même à considérer que l'option pour le salaire de comparaison constituerait un accord atypique, il n'en demeure pas moins que cette possibilité est expressément prévue par les dispositions de l'annexe IX. D'autre part, le caractère moins favorable de cette option ne nous paraît pas établi, puisque le salarié bénéficie de l'assiette de cotisations du salaire de comparaison, à savoir le salaire qu'il aurait effectivement perçu s'il avait effectué ses fonctions en France.

2. Les conditions de détermination de l'assiette des cotisations sociales aux régimes de retraites complémentaires

Les entreprises ayant leur siège social en France peuvent faire cotiser au régime de retraite Agirc et Arrco les salariés expatriés (qui ne peuvent bénéficier du statut de détaché), en demandant une extension territoriale "cas A".

Contrairement à l'assurance chômage, cette affiliation demeure facultative et n'est, désormais, plus nécessairement collective (8), les extensions territoriales pouvant ainsi être appliquées pour tout ou partie du personnel de l'entreprise adhérente, en fonction de la décision individuelle de chaque salarié.

Cela étant, certaines dispositions conventionnelles peuvent prévoir l'affiliation obligatoire des salariés expatriés aux régimes de retraites complémentaires Agirc et Arrco.

Ainsi, la convention collective des bureaux d'études, cabinets d'ingénieurs-conseils, sociétés de conseils (Syntec), applicable en l'espèce, prévoit en son article 72, alinéa 2 que "le régime volontaire risque vieillesse de la Sécurité sociale et le régime des retraites complémentaires seront maintenus et la charge en sera supportée par le salarié et l'employeur dans les proportions habituelles et les conditions prévues par la loi".

En cause d'appel, l'employeur avait tenté d'invoquer la non-application de cette convention collective, en soutenant que le contrat de travail du salarié expatrié était soumis au droit saoudien. Néanmoins, la cour d'appel d'Aix-en-Provence, à l'instar de la jurisprudence de la Cour de cassation (9) sur ce point, a considéré applicable la convention collective nationale Syntec au contrat de travail d'expatriation.

En effet, cette convention collective ayant pour objet de définir le statut des membres du personnel des sociétés ayant une activité d'assistance technique et d'ingénierie et leur siège social en France, ne distingue pas selon que le personnel exerce une activité en France ou à l'étranger (10).

C'est sur le fondement de l'article 72, alinéa 2, de la convention collective nationale Syntec que le demandeur revendiquait que l'assiette de cotisations du régime Agirc soit composée du salaire réel, et non du salaire de comparaison qui avait été choisi par l'employeur.

En effet, les modalités de détermination de l'assiette des cotisations pour les cadres expatriés (résultant de la délibération D 5 pour le régime Agirc) permettaient, jusqu'au 31 décembre 1995, à l'employeur de retenir le salaire de comparaison, c'est-à-dire le salaire perçu en France pour un emploi équivalent, après avoir conclu un accord avec la majorité des participants en activité concernés.

La Cour de cassation rejette, également, l'argumentation du demandeur, en plusieurs points.

Tout d'abord, la Cour précise que les dispositions de l'article 72, alinéa 2, de la convention collective nationale Syntec imposent le maintien des régimes complémentaires de retraites pour les salariés expatriés "dans les conditions prévues par la loi". Dès lors, si cette disposition conventionnelle impose à l'employeur l'affiliation obligatoire des salariés expatriés aux régimes de retraites complémentaires, elle ne le prive cependant pas de la faculté d'opter pour le salaire de comparaison comme assiette des cotisations, dans les conditions prévues par la délibération D 5, dès lors que "cette option n'a pas pour effet de diminuer les droits futurs à pension de retraite des intéressés ou d'augmenter leur part dans la charge des cotisations".

En effet, les cotisations aux régimes de retraites complémentaires étant assises sur le salaire de comparaison, le salarié expatrié bénéficie des mêmes droits que ceux auxquels il aurait pu bénéficier s'il avait travaillé en France, sans pour autant que sa part contributive en soit augmentée.

Ensuite, la Cour rappelle que la délibération D 5 Agirc, dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 1996, permettant à l'employeur d'opter pour le salaire de comparaison comme assiette des cotisations, ne peut intervenir qu'après un accord conclu dans les conditions de l'article 16 (11) de la convention Agirc du 14 mars 1947 (accord national interprofessionnel du 14 mars 1947, convention nationale collective de retraite et de prévoyance des cadres N° Lexbase : L1737AI8), c'est-à-dire par accord entre l'employeur et la majorité des participants en activité concernés, qui emporte le même caractère obligatoire que l'accord prévu à l'article R. 731-8 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L8075ADG) (12).

Dès lors, la Cour de cassation retient que l'accord intervenu avec l'unique salarié expatrié (la Cour visant l'accord "avec la majorité du personnel alors concerné de l'entreprise") est opposable aux salariés de l'entreprise dont l'expatriation intervient ultérieurement à sa conclusion.

En conséquence, le demandeur ne pouvait solliciter la détermination de l'assiette des cotisations sur son salaire réel (afin de voir intégrer la prime d'expatriation), l'option dont a usé l'employeur pour le salaire de comparaison ayant été prise conformément aux dispositions de la délibération D 5 Agirc, dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 31 décembre 1995.

A compter du 1er janvier 1996, la délibération D 5 modifiée prévoit que les cotisations sont déterminées sur la base du salaire de comparaison, c'est-à-dire sur la base du salaire perçu en France pour un emploi équivalent, "éventuellement augmenté des primes et avantages en nature ainsi que prévus au contrat d'expatriation".

La Cour de cassation semble, sur ce dernier point, exiger qu'un accord intervienne entre l'employeur et le salarié pour que les primes d'expatriation soient incluses dans l'assiette des cotisations : la simple mention du versement d'une prime d'expatriation dans le contrat de travail ne devrait donc pas être suffisante pour que celle-ci soit incluse dans l'assiette des cotisations (13).

En dernier lieu, on regrettera que la Cour de cassation n'ait pu répondre à l'une des branches du second moyen (présentée pour la première fois et mélangée de fait et de droit), aux termes de laquelle le demandeur soutenait que l'accord portant sur l'adoption du salaire de comparaison comme assiette des cotisations constituait un accord atypique inopposable en raison de son caractère moins favorable.

En effet, la Cour de cassation tenait l'occasion d'expliciter la nature de l'accord référendaire de protection sociale en lui accordant les mêmes effets qu'à un accord collectif de droit du travail (14).

Jean-Baptiste Allanic
Avocat au barreau de Paris
SCP Fromont Briens & Associés


(1) Cf. Annexe IX au règlement annexé à la convention d'assurance chômage.
(2) Si la présente décision porte uniquement sur les contributions Agirc, la solution dégagée par la Cour de cassation est applicable au régime de retraite complémentaire Arrco, les dispositions en la matière étant identiques dans les deux régimes (cf délibérations Agirc D 17 et D 5 et délibérations Arrco 6 B et 7 B dans leur rédaction antérieure au 1er janvier 1996).
(3) Le non-respect de cette obligation est constitutif d'une infraction pénale sanctionnée par une peine d'amende prévue pour les contraventions de cinquième classe (C. trav., art. R. 365-1, al. 1er N° Lexbase : L8814ACG), soit 1 500 euros au plus (C. pén., art. 131-13 N° Lexbase : L0781G8G). En outre, l'inexécution par l'employeur de son obligation d'assurer un salarié contre le risque de privation d'emploi, même si l'assurance doit être souscrite auprès d'un organisme étranger, est fautive et ouvre droit pour le salarié à réparation (Cass. soc., 5 juin 2001, n° 98-46.422, M. Jacques Michaux c/ Société Intexal, publié N° Lexbase : A7842ATM).
(4) Cf Annexe IX du règlement annexé à la convention d'assurance chômage - Chapitre 1er, 1.2.1.
(5) Compte tenu de l'alignement de l'assiette des contributions d'assurance chômage sur celle de la sécurité sociale à compter du 1er janvier 1992, doivent être soumises à contributions "toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment [...] les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent et en nature", ce qui inclut les indemnités destinées à compenser les sujétions liées à l'expatriation (à distinguer, néanmoins, des éventuels remboursements de frais professionnels qui demeurent exclus de l'assiette de cotisations).
(6) En l'espèce, la prime d'expatriation représentait 50 % de la rémunération totale versée au salarié expatrié.
(7) Hors les formes de négociations dérogatoires des accords collectifs (comme, par exemple, le mandatement de salariés).
(8) Afin de tenir compte des principes énoncés par le Règlement CEE n° 1408/71 (N° Lexbase : L4570DLT), le caractère collectif obligatoire des extensions territoriales "cas A" a été supprimé depuis le 1er janvier 2000.
(9) Dans le même sens, voir Cass. soc., 28 novembre 2001, n° 00-11.209, Compagnie française d'assistance spécialisée (Cofras) c/ Syndicat des métaux du Var, F-D (N° Lexbase : A2639AXZ)
(10) De manière plus générale, la Cour de cassation considère que, dès lors que la convention collective nationale envisage expressément la situation des salariés envoyés à l'étranger, ses dispositions s'imposent à l'employeur, qu'il s'agisse de salariés détachés ou expatriés et que la loi française soit ou non applicable au contrat (Cass. soc., 11 octobre 1984, n° 83-12.686, Société le Fer Blanc SA c/ Consorts Porcheron, publié N° Lexbase : A0895AAE).
(11) Cet article a été, depuis, abrogé par l'avenant A-230 signé le 1er février 2005 afin de tirer les conséquences de l'article L. 911-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5832ADD), introduit par la loi n° 94-678 du 8 août 1994 (loi relative à la protection sociale complémentaire des salariés N° Lexbase : L5156A4Q), qui prévoit que les garanties collectives, en matière notamment de retraite complémentaire, peuvent être déterminées soit par voie de conventions et d'accords collectifs, soit à la suite d'une ratification par la majorité des intéressés d'un projet d'accord proposé par le chef d'entreprise.
(12) Aux termes de l'article R. 731-8 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L8075ADG), "les obligations et avantages des adhérents et les obligations des employeurs peuvent être révisés soit par accord entre les employeurs et la majorité des travailleurs intéressés constatée par un vote à bulletin secret, soit par une convention collective". Les dispositions législatives (article L. 731-1 N° Lexbase : L8115C4C à L. 732-22 N° Lexbase : L8081C43) dont l'article R. 731-8 du Code de la Sécurité sociale était l'une des modalités d'application, ont été abrogées par l'article 16 de la loi n° 94-678 du 8 août 1994. L'article L. 911-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5832ADD) reprend, néanmoins, la possibilité de conclure un accord à la suite de la ratification par la majorité des intéressés d'un projet d'accord proposé par le chef d'entreprise.
(13) La Cour de cassation prend le soin de préciser que les mêmes dispositions s'appliquent aux extensions territoriales demandées par les entreprises situées dans les territoires d'outre-mer (Tom) "cas C".
(14) La Cour de cassation a déjà jugé, dans une décision antérieure à la législation actuelle, que l'accord référendaire de protection sociale a la même force obligatoire qu'un accord collectif. En outre, dans une décision plus récente, la Cour de cassation a jugé que, à l'instar d'un accord collectif au sens du droit du travail, le référendum "relève du statut collectif des travailleurs qui n'est pas incorporé à leur contrat de travail" (Cass. soc., 10 février 1999, n° 97-13015, Syndicat CFDT métallurgie c/ Société Trefimetaux, publié N° Lexbase : A8786CGI).

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Fiscalité des particuliers

[Jurisprudence] Versement d'un acompte sur succession, interruption de prescription et durée de la nouvelle prescription

Réf. : Cass. com., 14 mars 2006, n° 04-18.519, Société civile professionnelle (SCP) Durant des Aulnois-Pisani-Thabeault-Dubost c/ Mme Yveline Lasne, FS-P+B (N° Lexbase : A6083DNM)

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N6432AKG

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par Daniel Faucher, Consultant au CRIDON de Paris

Le 07 Octobre 2010

Dès lors que le paiement d'un acompte sur les droits de succession dus à la suite d'un décès a pu interrompre le délai de prescription de dix ans, qui court contre l'administration à compter du fait générateur de l'impôt, cette interruption a eu pour effet d'ouvrir un nouveau délai de même nature et de même durée. Telle est la solution, inédite en matière de droits de succession, que vient de rendre la Haute juridiction judiciaire par un arrêt en date du 14 mars 2006. Si les conséquences de l'interruption étaient prévisibles, le caractère interruptif du versement d'un acompte, qui ne comportait aucune indication quant à la consistance des biens dépendant de la succession, est, en revanche, plus surprenant. 1. Le versement d'un acompte, acte interruptif de prescription

On sait que, pour l'application des dispositions de l'article L. 189 du LPF (N° Lexbase : L8757G8T), les actes comportant reconnaissance par les contribuables de leur dette envers le Trésor sont susceptibles d'interrompre tous les délais de prescription, qu'il s'agisse de ceux de l'action en reprise ou de ceux de l'action en recouvrement (Doc. adm. 13 L 1211, 1er juillet 2002, n° 33). Expresse, cette reconnaissance peut être donnée sous une forme quelconque, simple missive ou déclaration tardive, par exemple. Tacite, elle peut résulter de tout acte du débiteur impliquant, sans équivoque, son aveu de la créance de l'administration, comme, par exemple, le versement d'un acompte, une demande de délais ou encore une offre de constitution de garanties. Mais, précise la doctrine administrative, "la reconnaissance n'a d'effet interruptif qu'à l'égard des créances que le débiteur désigne sans ambiguïté, ni réserve. Il importe, en particulier, que le versement d'un acompte soit accompagné d'une déclaration du redevable précisant la ou les créances, auxquelles il entend affecter cet acompte".

1.1. Reconnaissance de dette en matière de TVA, d'impôt sur les sociétés et d'impôt sur le revenu

L'inscription à un compte tiers sous la rubrique "444 Etat-impôt sur les bénéfices" d'une somme sous la désignation "impôt sur les sociétés 1991" vaut reconnaissance de dette s'agissant de l'impôt sur les sociétés de l'année 1991 (CAA Marseille, 26 février 2004, n° 02MA02324, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ SARL Agostini N° Lexbase : A6791DB7). De même, l'inscription d'une même somme au débit du compte "TVA déductible" et au crédit du compte "TVA à décaisser" constitue un acte comportant reconnaissance au sens de l'article L. 189 du LPF (CAA Bordeaux, 3ème ch., 15 mai 2001, n° 99BX02092, EURL Firman c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A4583AYE). Au cas particulier, l'inscription dans ces deux comptes implique l'existence d'une créance certaine, dont le paiement est seulement différé.

1.2. Reconnaissance de dette en matière de droits de succession

S'agissant de la prescription de l'action en recouvrement, quatorze versements partiels afférents aux impositions, dont le recouvrement est poursuivi, ont pour effet d'interrompre la prescription (CE Contentieux, 29 octobre 2001, n° 220567, M. Aveline c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A1762AXK). En revanche, le caractère interruptif d'une reconnaissance de dette n'a pas été reconnu à un versement de 300 francs (soit, environ, 46 euros), alors que le redevable était débiteur d'une somme totale de 460 527 francs (soit 70 202 euros) (CA Paris, 1ère ch., sect. B, 23 octobre 2003, n° 2002/09668, Madame Gances Lucette Adrienne épouse Gaumont c/ Monsieur le receveur principal des impôts du 11ème arrondissement Sainte Marguerite N° Lexbase : A1760DAG). Selon le juge, une telle somme, dérisoire au regard de la dette globale, ne pouvait être assimilée sans équivoque à un aveu de la créance de l'administration.

S'agissant de la prescription de l'action en reprise, la doctrine administrative précise que la reconnaissance n'a d'effet interruptif qu'à l'égard des créances que le débiteur désigne sans ambiguïté, ni réserve. Ainsi, "il importe, en particulier, que le versement d'un acompte soit accompagné d'une déclaration du redevable précisant la ou les créances auxquelles il entend affecter cet acompte" (Doc. adm. 13 L 1211, 1er juillet 2002, n° 33). Cependant, dans l'affaire examinée par la Cour de cassation, l'acompte, jugé interruptif de prescription par la cour d'appel, mentionnait, certes, la date et le lieu du décès, mais ne comportait aucune indication quant à la consistance de l'actif successoral. Cette constatation est d'importance, dès lors qu'il est estimé que la prescription est interrompue en ce qui concerne la nature de la nouvelle prescription ouverte, comme en a jugé la cour. Néanmoins, force est de constater que l'absence d'éléments permettant d'établir que des droits pouvaient être dus au-delà de l'acompte versé n'a pas été jugé de nature à écarter l'interruption de la prescription.

2. Nature du nouveau délai de prescription

La question a peu d'intérêt en ce qui concerne la TVA, l'impôt sur le revenu et sur les sociétés. En effet, le délai de reprise, sauf cas exceptionnel des activités occultes, expire à la fin de la troisième année, qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. En cas d'interruption, c'est un délai identique qui s'ouvre. La situation est différente en matière de droits d'enregistrement, qui connaissent deux durées de prescription, l'une dite abrégée et l'autre décennale. Lorsque la seconde est en cours, comme c'était le cas dans l'affaire soumise à la Haute juridiction puisque aucune déclaration de succession n'avait été souscrite dans les délais, l'acte interruptif peut donner ouverture, soit à une nouvelle prescription décennale, soit à une prescription abrégée. La solution était d'autant plus importante que l'article L. 181 du LPF (N° Lexbase : L8364AEI) prévoit qu'il ne peut résulter de l'application de la prescription abrégée une prolongation du délai de dix ans fixé par l'article L. 186 du même code (N° Lexbase : L8360AED). Ainsi, par exemple, à la suite d'un décès intervenu en mars 1996, la prescription décennale, interrompue par le dépôt d'une déclaration de succession en décembre 2005, expire en mars 2006. En revanche, si l'acte interruptif ne donne pas lieu à ouverture de la prescription abrégée, la règle générale, selon laquelle l'interruption a pour effet d'annuler la prescription commencée et de faire courir une prescription de même nature que celle à laquelle elle se substitue, s'applique (Doc. adm. 13 L 1211, 1er juillet 2002, n° 38). C'est ce qui a été décidé dans la décision du 14 mars dans la mesure où, selon le juge, le versement d'un acompte ne pouvait faire courir un délai de prescription abrégée comme le prétendait la cour d'appel sans qu'il soit constaté que ce versement était accompagné de l'enregistrement d'un acte ou d'une déclaration révélant suffisamment l'exigibilité des droits dus sur les biens dépendant de la succession. Au cas particulier, l'acompte versé en janvier 1993, à la suite d'un décès intervenu en avril 1988, faute d'indiquer au service la composition exacte de l'actif, outre d'interrompre la prescription qui courrait, en principe jusqu'en avril 1998, avait eu pour effet de reporter ce délai jusqu'en janvier 2003.

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Fiscalité des entreprises

[Jurisprudence] Possibilité d'accorder un abandon de créance à une sous-filiale même s'il n'existe aucune relation commerciale entre les sociétés concernées

Réf. : CE, 3° et 8° s-s., 10 mars 2006, n° 263183, Société Sept c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie (N° Lexbase : A4850DNX)

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N6383AKM

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par Frédéric Dal Vecchio, Juriste-Fiscaliste, Chargé d'enseignement à l'Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines

Le 07 Octobre 2010

Décision : CE, 3° et 8° s-s., 10 mars 2006, n° 263183, Société Sept c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie (N° Lexbase : A4850DNX)

Confirmation : CAA Douai, 2ème ch., 28 octobre 2003, n° 99DA20216, SARL Sept c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie (N° Lexbase : A3398DA4)

Mots-clés : Abandon de créance ; acte anormal de gestion ; intégration fiscale

Textes concernés : CGI, art. 223 A et art. 223 B

Liens bases : ; (N° Lexbase : E0901ATK)

Faits

1. Une société holding (la société Sept), constituée seule redevable de l'IS au titre du régime de l'intégration fiscale, avait déduit deux abandons de créance correspondant à deux emprunts consentis à une société (la société Proson), détenue à 99 % par l'une de ses filiales (la société Régir), dont elle détenait 99 % des titres ;

2. L'administration fiscale, suivie par les juges de la cour administrative d'appel, avait rejeté les prétentions de la société requérante, au motif que cette dernière ne justifiait d'aucun intérêt propre à consentir des abandons de créance à sa sous-filiale, tant du point de vue commercial que financier, dès lors que son activité était de gérer des participations et qu'elle ne détenait aucune part du capital social de la société débitrice.

Solution

1. Une société peut, sans commettre un acte anormal de gestion, prévenir les difficultés d'une sous-filiale en lui consentant une aide, même si elle n'entretient aucune relation commerciale avec elle ;

2. Sauf preuve contraire, cette aide financière doit être réputée augmenter la valeur de la participation détenue dans le capital de la filiale qui contrôle la sous-filiale ;

3. Aucune disposition ne permet aux sociétés ayant opté pour le régime de l'intégration fiscale de déduire, dans des conditions différant de celles du droit commun, une aide apportée à une société qui n'appartient pas au groupe intégré ;

4. Rejet.

Observations

1. L'abandon de créance, consenti à titre commercial ou financier par un créancier, n'est admis en déduction des résultats de ce dernier que s'il correspond à un acte de gestion normale. L'intérêt de l'entreprise conditionnant le régime de déductibilité de l'aide, celui-ci doit pouvoir être rapporté (CE Contentieux, 21 juin 1995, n° 132531, SA Sofige c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A4488ANK) ; les faits étant souverainement appréciés par les juges du fond (CE Contentieux, 10 juillet 1992, n° 110213, Société Musel S.B.P. c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A7494ARY). A ce titre, le Conseil d'Etat estime que les abandons de créance à titre commercial sont intégralement déductibles du résultat imposable de l'entreprise qui les a consentis, si elle peut établir avoir profité d'une contrepartie réelle et suffisante (CE Contentieux, 27 novembre 1981, n° 16814, SA X c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A5457AKC). Dans le cas contraire, il s'agit d'un acte anormal de gestion, transposition du "concept commercial d'acte non conforme à l'intérêt social, mais avec deux différences de taille : seule l'administration peut l'invoquer et elle peut agir d'office" (Conclusions de P.-F. Racine sous CE Contentieux, 27 juillet 1984, n° 34588, Société anonyme Renfort Service c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A7122ALD). Dans l'hypothèse d'une procédure contradictoire, la preuve incombe, alors, à l'administration fiscale (CE Contentieux, 15 février 1999, n° 172171, SARL Le Centre d'Etude c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A4784AXH ; contra : en cas de procédure d'imposition d'office : CE Contentieux, 8 janvier 1993, n° 87631, M . Bernard Spitaletto c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A7997AM7). La jurisprudence admet qu'un créancier accorde une aide à une entreprise, et ce quelle qu'en soit la nature (subvention, abandon de créance, etc.), dès lors qu 'elle est justifiée, notamment, par un partenariat économique. Ainsi, le Conseil d'Etat a, déjà, jugé qu'en présence de liens commerciaux étroits, un abandon de créance visant à prévenir la mise en liquidation d'une société n'était pas constitutif d'un acte anormal de gestion (CE Contentieux, 26 juin 1992, n° 68646, Société anonyme "Bisch Marley" c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A0823AIC).

Concernant la déductibilité des abandons de créances au profit d'une filiale, l'aide ne constitue pas un acte anormal de gestion pour la société mère s'il répond à son intérêt commercial ou à son intérêt financier. Au cas particulier, la société holding Sept avait consenti deux prêts, objets de l'abandon de créances, à la société Proson détenue par une filiale de la société Sept : la société Régir. Cette dernière avait, auparavant, contracté un emprunt auprès de la société holding pour consentir elle-même un prêt à la société Proson. La requérante entendait, alors, pouvoir déduire de ses résultats imposables les abandons de créance consentis à la sous-filiale. Le Conseil d'Etat approuve la décision des juges du fond d'avoir considéré que l'abandon de créance de la société Sept à l'intention de sa sous-filiale, la société Proson, ne répondait pas aux conditions de déductibilité. Les juges du fond ont relevé qu'il n'existait entre ces deux sociétés aucun liens commerciaux : la créancière, en qualité de société holding, avait une activité de gestion de ses titres de participation ; l'objet social de la société débitrice était relatif au marketing et à la publicité. Cependant, les Hauts magistrats administratifs, par un considérant de principe, permettent à une société, qui n'entretient pas de relation commerciale avec sa sous-filiale, de prévenir ses difficultés financières, ce que les faits de l'espèce ne rapportent pas, en lui accordant une aide. Le Conseil d'Etat précise alors que "sauf preuve contraire, cette aide devra être réputée augmenter la valeur de la participation détenue dans le capital de la filiale qui contrôle la sous-filiale". En effet, dans l'hypothèse d'un abandon de créance à titre financier, l'aide obéit à un régime particulier interdisant sa déductibilité pour la fraction excédant la situation nette négative (CE Contentieux, 1er juillet 1991, n° 61065, SA "La Bellignite" c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A0760AIY). Au cas particulier, n'ayant pas soutenu que l'aide n'aurait pas valorisé sa participation dans le capital de la société Régir, la requérante ne pouvait déduire les abandons de créances à titre financier de ses résultats imposables.

2. Le régime de l'intégration fiscale permet à une société tête de groupe de se constituer, sous certaines conditions, seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient au moins 95 % du capital. A ce titre, il est fait masse de l'ensemble des résultats déterminé dans les conditions de droit commun. Cependant, le sixième alinéa de l'article 223 B du CGI prévoit une neutralisation des abandons de créance consentis entre sociétés du même groupe intégré pour la détermination du résultat d'ensemble. Cela consiste en la déduction du montant de l'abandon de créance du résultat de la société bénéficiaire et, corrélativement, de la réintégration dans les résultats de la société créancière. Ce régime vient d'être aménagé par la loi de finances pour 2006 (loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 N° Lexbase : L6429HET). En effet, le montant des abandons de créance intra-groupe non retenu pour la détermination du résultat d'ensemble ne peut, dorénavant, excéder la valeur d'inscription de la créance à l'actif du bilan de la société qui consent l'abandon. Ce dispositif permet de limiter le principe de neutralisation des abandons de créance intra-groupes dans l'hypothèse où une société du groupe, débitrice à l'égard d'une société tierce, bénéficie d'un abandon de cette créance par la société intégrée l'ayant rachetée pour un prix inférieur à sa valeur nominale.

Au cas particulier, le Conseil d'Etat rappelle que les dérogations au droit commun prévues par le régime d'intégration fiscale constituent une exception. Aussi, une société qui ne fait pas partie du groupe intégré ne peut se voir appliquer les règles dérogatoires prévues par cette législation spéciale. La sous-filiale Proson ne faisant pas partie du groupe intégré constitué des sociétés Sept et Régir, la société holding ne pouvait déduire les abandons de créances que dans les conditions de droit commun et non celles résultant du régime d'intégration fiscale.

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Droit financier

[Le point sur...] L'obligation d'information permanente du public par les émetteurs (1ère partie)

Lecture: 8 min

N6388AKS

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Le 07 Octobre 2010

L'information relative aux émetteurs joue un rôle clef dans le fonctionnement de nos marchés financiers et dans la formation des cours de bourse. Pour les économistes, un marché financier efficient est celui dans lequel le cours de bourse reflète, à tout moment, l'intégralité de l'information pertinente disponible (1). Si le marché efficient reste un modèle théorique, il n'en demeure pas moins, qu'en pratique, chacun peut constater que les cours de bourse réagiront à la hausse ou à la baisse à l'annonce d'une information sensible relative à un émetteur (par exemple, l'annonce d'une acquisition, d'un dividende extraordinaire, etc.). Il existe, ainsi, une relation étroite entre le cours de bourse et les informations relatives à un émetteur disponibles à un moment donné sur le marché. Plus l'information relative à un émetteur sera fiable et complète, plus, en théorie, le cours de bourse devrait s'approcher de la valeur intrinsèque de l'émetteur (2). La transparence des informations relatives aux émetteurs est, enfin, une condition essentielle de la confiance des investisseurs dans le marché. La Directive communautaire, du 28 janvier 2003, sur les opérations d'initiés et les manipulations de marché (la Directive "abus de marché") (3), énonce ainsi, dans son 24ème considérant, qu''[une] communication rapide et équitable des informations au public renforce l'intégrité du marché, alors qu'une communication sélective par les émetteurs peut induire une perte de confiance des investisseurs dans l'intégrité des marchés financiers" (cf. L'obligation d'information permanente du public par les émetteurs (2ème partie) N° Lexbase : N6431AKE). Ceci explique que les problèmes liés à la circulation et à la fiabilité de l'information financière relative aux émetteurs constituent un enjeu fondamental du droit des marchés financiers. Il suffit pour s'en convaincre de constater l'importance de la réglementation applicable à la production, à la diffusion ou encore à l'analyse de l'information financière. Le droit des marchés financiers est, en grande partie, un droit de l'information.

La réglementation de l'information financière diffusée par les émetteurs vise, ainsi, à assurer la transparence du marché pour les investisseurs, en imposant aux émetteurs certaines obligations d'informations.

Traditionnellement, les obligations d'informations qui pèsent sur les émetteurs sont de trois ordres. On distingue :

- l'information ponctuelle donnée à l'occasion d'une opération financière (publication d'un prospectus en cas d'opération par appel public à l'épargne, publication d'une note d'information par l'initiateur et par la société cible d'une offre publique) ;

- l'information périodique donnée à échéances régulières par l'émetteur (sur une base annuelle, semestrielle et trimestrielle) (4) ; et

- l'information permanente des émetteurs (5).

De manière synthétique, l'information permanente peut être définie comme l'obligation, pour un émetteur faisant appel public à l'épargne, de porter dès que possible à la connaissance du public, sous la forme d'un communiqué, toute information non publique le concernant susceptible d'avoir une influence sensible sur son cours de bourse.

Les obligations pesant sur les émetteurs en matière d'information permanente ont été fixées, dans un premier temps, par le règlement de la Commission des opérations de bourse ("COB") 90-02 relatif à l'obligation d'information du public (6), homologué par un arrêté du 5 juillet 1990, puis par le règlement COB 98-07 relatif à l'information du public (7), homologué par un arrêté du 22 janvier 1999. Aujourd'hui, les obligations des émetteurs en matière d'information permanente résultent des articles 222-1 et suivants du règlement général de l'Autorité des marchés financiers ("AMF") (8), adopté à l'automne 2004 et transposant les dispositions de la Directive "abus de marché" telle que complétée par la Directive d'exécution du 22 décembre 2003 (9).

En vu de satisfaire à ses obligations au titre de l'information permanente, en présence d'une information non publique le concernant, un émetteur devrait se poser les questions pratiques suivantes :

- Suis-je soumis à l'obligation d'information permanente ? (I)

- Cette information doit-elle être communiquée au marché ? (II)

- A quel moment suis-je tenu de communiquer cette information ? (III)

- Quelles doivent être les qualités de l'information communiquée ? (IV)

- Comment communiquer cette information au marché ? (V)

- Quelles sont les sanctions applicables en cas de violation des règles relatives à l'information permanente ? (VI)

Nous développerons, dans cette première partie, les deux premiers points. 

I - Le champ d'application de l'obligation d'information permanente

  • L'obligation d'information permanente s'applique à tous les émetteurs faisant appel public à l'épargne

Aux termes de l'article 222-1 du règlement général de l'AMF, est soumise à l'obligation d'information du public, au titre de l'information permanente, "toute entité ou toute personne morale ayant le statut d'émetteur faisant appel public à l'épargne ou dont les instruments financiers sont supports d'un contrat à terme ou d'un instrument financier admis aux négociations sur un marché réglementé".

Il en résulte que, sont soumis à l'obligation d'information permanente, non seulement les émetteurs dont les titres sont cotés sur un marché réglementé (c'est-à-dire sur l'Eurolist d'Euronext Paris), mais, plus généralement, tout émetteur faisant appel public à l'épargne, quand bien même ses titres ne seraient pas cotés sur un marché réglementé (10). Sont également soumis à l'obligation d'information permanente les émetteurs ne faisant pas appel public à l'épargne lorsque les instruments financiers, qu'ils ont émis, constituent le sous-jacent d'un instrument financier à terme admis sur un marché réglementé (11).

  • L'obligation d'information permanente s'applique aux émetteurs étrangers faisant appel public à l'épargne en France

Il convient de noter que l'obligation d'information permanente pèse sur l'ensemble des émetteurs qui font appel public à l'épargne en France, y compris les émetteurs étrangers (12). L'application de la loi française en cas d'appel public à l'épargne en France, et non de la lex societatis de l'émetteur, est parfaitement cohérente avec l'objectif de la réglementation qui vise à protéger les investisseurs dont l'épargne a été sollicitée. Selon l'article 222-9 du règlement général de l'AMF (13), l'information donnée par un émetteur étranger en France au titre de l'information permanente doit être identique à celle qu'il donne à l'étranger (14).

II- Le fait générateur de l'obligation de communiquer : l'existence d'une information privilégiée

L'exercice le plus difficile pour un émetteur soumis à l'obligation d'information du public au titre de l'information permanente est, sans doute, de déterminer quelles sont les informations qui doivent être communiquées au marché. Cette question doit faire l'objet d'une appréciation au cas par cas, selon l'information concernée, et laisse place -hormis les cas les plus évidents- à une nécessaire subjectivité.

Les informations qui doivent être communiquées au marché par l'émetteur sont les informations privilégiées telles que ces informations sont définies à l'article 621-1 du règlement général de l'AMF, aux termes duquel "une information privilégiée est une information précise qui n'a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs d'instruments financiers, ou un ou plusieurs instruments financiers, et qui si elle était rendue publique, serait susceptible d'avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d'instruments financiers qui leur sont liés".

Ainsi, deux critères permettent de distinguer les informations privilégiées qui doivent être communiquées au marché par l'émetteur des autres informations qu'il n'a pas l'obligation de communiquer.

  • L'information privilégiée est une information précise

L'information privilégiée est, en premier lieu, une information précise qui concerne l'émetteur. L'article 621-1 du règlement général de l'AMF indique qu'une information est précise si elle "fait mention d'un ensemble de circonstances ou d'un événement qui s'est produit ou qui est susceptible de se produire et s'il est possible d'en tirer une conclusion quant à l'effet possible de ces circonstances ou de cet événement sur le cours des instruments financiers concernés ou des instruments financiers qui leurs sont liés". L'information privilégiée est donc une information relative à un évènement actuel ou futur (la survenance de cet évènement n'ayant pas à être absolument certaine mais simplement probable) qui est suffisamment précise pour qu'il soit possible d'anticiper intellectuellement l'impact de cette information sur le cours de bourse de l'émetteur (15). L'appréciation de la précision de l'information est ainsi intrinsèquement liée au second critère de l'information privilégiée qui constitue le coeur de la notion : l'influence de cette information sur le cours de bourse.

  • L'information privilégiée est une information susceptible d'avoir une influence sensible sur le cours de bourse

Le règlement COB 90-02, puis le règlement COB 98-07 imposaient la communication des informations susceptibles d'avoir une incidence significative sur le cours de bourse. Le règlement général de l'AMF, reprenant les termes de la Directive "abus de marché", vise, aujourd'hui, les informations susceptibles d'avoir une influence sensible sur le cours. Cette évolution n'est pas totalement anodine et marque un renforcement des exigences qui pèsent sur les émetteurs au titre de l'information permanente. L'influence sensible est, en effet, celle qui est "assez grande pour être perçue" (16), sans qu'il soit nécessaire qu'elle revête un caractère significatif (17).

L'article 621-1 du règlement général de l'AMF précise que l'information susceptible d'avoir une influence sensible sur le cours de bourse est "une information qu'un investisseur raisonnable serait susceptible d'utiliser comme l'un des fondements de ses décisions d'investissement". Par hypothèse, au moment où l'émetteur s'interroge sur son obligation de communiquer une information, cette information n'est pas connue du marché et n'impacte pas le cours de bourse de l'émetteur. Pour anticiper l'influence éventuelle de l'information sur le cours, l'émetteur doit se placer dans la situation de l'investisseur. L'information est-t-elle susceptible d'avoir une influence sur la décision de l'investisseur d'acheter, de conserver ou de vendre ses titres ?

Le critère de l'influence sur le cours de bourse s'inscrit dans la logique de la réglementation qui vise à obliger les émetteurs à communiquer l'ensemble des informations pertinentes pour les investisseurs. Toutefois, ce critère reste assez théorique et d'un maniement délicat pour les émetteurs. Il n'est pas toujours évident d'anticiper intellectuellement l'impact éventuel d'une information sur le cours. A cet égard, il est possible de remarquer que le simple fait de communiquer une information au marché tend souvent à accréditer l'importance de l'information aux yeux des investisseurs et, par voie de conséquence, à influer sur le cours de bourse.

  • La notion d'information privilégiée couvre des informations de natures diverses

Par la généralité de ces critères, la notion d'information privilégiée est une notion plastique qui a vocation à couvrir des évènements très divers susceptibles d'avoir une influence positive ou négative sur le cours de bourse de l'émetteur. Par le passé, la COB a eu l'occasion de fournir des exemples des événements qui doivent donner lieu à une information du marché. Il s'agit, notamment, des "évènements de caractère financier tels que la détermination des résultats ou du dividende surtout lorsqu'ils marquent une rupture de l'évolution antérieure, la réalisation de plus-values, les augmentations de capital, les distributions d'actions gratuites, les cautions et avances importantes accordées à d'autres sociétés". Il peut également s'agir d'évènements techniques, commerciaux ou accidentels affectant l'activité de l'émetteur tels la mise au point d'un procédé de fabrication, l'obtention ou la perte d'un marché, la conclusion d'accords de coopérations, la création de filiales communes, ou encore, un changement de contrôle et d'équipe dirigeante (18).

  • La notion d'information privilégiée ne couvre pas l'obligation de démentir l'information erronée donnée par un tiers

En revanche, dans l'arrêt "Société Fermière du Casino municipal de Cannes", la cour d'appel de Paris a eu l'occasion de préciser que "ne peut être assimilé à un fait important à porter à la connaissance du public [...] l'information erronée ou déformée diffusée par la presse, alors qu'il ne pèse sur les émetteurs aucune obligation de contrôler les informations que la presse choisit de publier, en dehors de tout communiqué de l'émetteur" (19). Dans cette espèce, la cour d'appel a jugé qu'il ne pouvait être reproché à la société de ne pas avoir rectifié les informations erronées relatives au prix d'émission de son augmentation de capital publiées dans des articles de presse qui ne reflétaient pas l'incertitude sur la fixation de ce prix exprimée par la société lors de son assemblée générale.

Ainsi, un émetteur n'est pas juridiquement tenu, en principe, de démentir les informations erronées le concernant qui seraient diffusées par un tiers sans qu'il en soit à l'origine (l'émetteur est, en revanche, tenu de procéder à une rectification en cas de diffusion erronée ou incomplète par la presse de l'un de ses communiqués (cf. infra V). Cette solution diffère, toutefois, de la position prise par le groupe de travail relatif aux avertissements sur résultats, présidé par Jean-François Lepetit, qui recommande aux émetteurs, dans certaines hypothèses, de procéder à une communication sur leurs résultats en cas de divergence significative entre les résultats attendus et le consensus de marché des analystes financiers (20).

L'absence d'obligation pour les émetteurs de démentir une information erronée diffusée par un tiers pose également la question délicate de l'attitude que doit adopter un émetteur lorsqu'il existe une rumeur qui perturbe son cours de bourse. L'émetteur doit-il dans ce cas intervenir pour confirmer la rumeur lorsqu'elle est fondée ou pour la démentir lorsqu'elle ne l'est pas ?

Pour la deuxième partie de cet article, lire (N° Lexbase : N6431AKE)

Bernard-Olivier Becker
Avocat à la Cour
Bredin Prat


(1) P. Vernimmen, Finance d'Entreprise, 6ème édition, P. Quiry et Y. Le Fur, p. 351.
(2) M. Nussenbaum, La formation des cours boursiers, RJ Com. 1993, p. 83.
(3) Directive (CE) 2003/6 du Parlement européen et du Conseil, du 28 janvier 2003, sur les opérations d'initiés et les manipulations de marché ("abus de marché") (N° Lexbase : L8022BBQ)
(4) L'information périodique comprend aujourd'hui l'obligation de publier les comptes annuels et les comptes semestriels au BALO (articles 295 N° Lexbase : L2661AHZ, 296 N° Lexbase : L2662AH3 et 297-1 N° Lexbase : L2664AH7 du décret n° 67-236 du 23 mars 1967) ainsi qu'une information trimestrielle sur le chiffre d'affaires (article 297 du décret n° 67-236 du 23 mars 1967 N° Lexbase : L2663AH4). La Directive "transparence" (Directive (CE) 2004/109 du Parlement européen et du Conseil, du 15 décembre 2004, sur l'harmonisation des obligations de transparence concernant l'information sur les émetteurs dont les valeurs mobilières sont admises à la négociation sur un marché réglementé et modifiant la Directive 2001/34/CE N° Lexbase : L5206GUD) renforce les obligations des émetteurs au titre de l'information permanente. Les dispositions de la Directive "transparence" ont été en partie transposées en droit français par la "loi Breton" (loi n° 2005-842, 26 juillet 2005, pour la confiance et la modernisation de l'économie N° Lexbase : L5001HGC) aux articles L. 451-1 et suivants du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L8895DNR). Ces nouvelles dispositions n'entreront, toutefois, en vigueur qu'à compter du 20 janvier 2007. Le renforcement des obligations de transparence au titre de l'information périodique n'est pas sans incidence sur la communication des émetteurs au titre de l'information permanente. La communication financière des émetteurs tend, en effet, à être rythmée par les rendez-vous trimestriels, semestriels et annuels imposés au titre de l'information périodique. Avec le renforcement de l'information périodique, l'information permanente devrait essentiellement concerner des évènements ponctuels de la vie de l'émetteur, en particulier la réalisation d'opérations financières.
(5) V., notamment, J.-P. Valuet, Information financière des sociétés cotées, Dictionnaire Joly Bourse ; Appel public à l'épargne, Dictionnaire Permanent Droit des Affaires ; B. François, Appel public à l'épargne, Répertoire sociétés Dalloz.
(6) Règlement COB n° 90-02, 5 juillet 1990, relatif à l'obligation d'information du public (N° Lexbase : L4744A4H).
(7) Règlement COB n° 98-07, 22 janvier 1999, relatif à l'obligation d'information du public (N° Lexbase : L1720ASI).
(8) Règlement général AMF, version du 12 novembre 2004, art. 222-1 et suivants (N° Lexbase : L5310G88).
(9) Directive (CE) 2003/124 de la Commission, du 22 décembre 2003, portant modalités d'application de la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne la définition et la publication des informations privilégiées et la définition des manipulations de marché (N° Lexbase : L0340DMK).
(10) Rappelons que, conformément à l'article L. 411-1 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L9395DYM), la notion d'appel public à l'épargne recouvre, outre l'admission à la négociation sur un marché réglementé, "[l']émission ou la cession d'instruments financiers dans le public en ayant recours soit à la publicité, soit au démarchage, soit à des établissements de crédit ou à des prestataires de services d'investissement".
(11) Au-delà des émetteurs eux-mêmes, une obligation d'information du public, au titre de l'information permanente pèse également sur "toute personne qui prépare, pour son compte, une opération financière susceptible d'avoir une incidence significative sur le cours d'un instrument financier ou sur la situation et les droits des porteurs de cet instrument financier [...]".
(12) V. par ex., décision de sanction AMF du 17 juin 2004 (décision AMF, 17 juin 2004, à l'encontre de la société Oxis International N° Lexbase : L0832GTY), Bull. Joly Bourse, juin 2004, p. 761. En l'espèce, la société concernée était une société américaine constituée dans l'Etat du Delaware. V. également, décision de sanction AMF du 8 décembre 2005, (décision AMF, 8 décembre 2005, à l'égard de la Société Orco Property Group N° Lexbase : L5809HGA). En l'espèce, l'émetteur était une société de droit Luxembourgeois dont les actions étaient admises au second marché d'Euronext Paris.
(13) Règlement général AMF, version du 30 décembre 2005 .
(14) Au-delà de leurs obligations au titre de l'information permanente, les émetteurs dont le siège statutaire est à l'étranger et dont les titres de capital sont admis à la négociation sur un marché réglementé français doivent, en application de l'article 212-37 du règlement général de l'AMF, informer les actionnaires français afin de leurs permettre d'exercer leurs droits. En particulier, l'émetteur étranger doit informer le marché français de la tenue des assemblées générales, du paiement des dividendes, d'un projet de modifications de leurs statuts, de la répartition de leur capital, etc. De la même manière, les émetteurs étrangers -qui ne sont pas soumis à l'obligation de publier au BALO une information financière périodique- sont tenus de publier en France leurs comptes annuels ainsi qu'une information financière semestrielle au titre de l'article 212-37 du Règlement général de l'AMF. Remarquons cependant que l'information donnée au titre de l'article 212-37 du Règlement général de l'AMF doit seulement être "équivalente" à l'information donnée sur les autres places de cotation et non "identique" comme c'est le cas pour l'information permanente.
(15) Pour un exemple jurisprudentiel où, dans le cadre d'un délit d'initié, une information a été jugée comme n'étant pas suffisamment précise pour constituer une information privilégiée, voir cour d'appel de Paris, 8 octobre 1999, SEDRI, Revue de droit bancaire et financier, janvier-février 2000, n° 38, obs. M. Germain et A.-M. Frison-Roche.
(16) Le Petit Robert, Dictionnaire de la langue française.
(17) Ainsi, conformément au principe de non rétroactivité de la loi pénale plus sévère, l'AMF a décidé dans l'affaire "Orco Property Group", concernant l'application dans le temps des dispositions de l'ancien règlement COB 98-07 et des dispositions nouvelles du règlement général de l'AMF, que la "[...] qualification de 'sensible' donnée à l'influence sur les cours étant constitutive d'une loi plus sévère, l'exigence d'une 'incidence significative' sur les cours devra être maintenue pour l'appréciation des obligations de communication au public [...]" s'agissant des faits antérieurs à l'adoption du règlement général de l'AMF (décision de sanction AMF du 8 décembre 2005, Orco Property Group, préc.).
(18) Recommandation COB de septembre 1970 citée par Th. Bonneau dans sa note sous cour d'appel de Paris, 11 janvier 2000, (CA Paris, 1ère ch., sect. H, 11 janvier 2000, n° 1999/14962, Société fermière du Casino municipal de Cannes SA c/ COB N° Lexbase : A1671AT3), Bull. Joly Bourse, mars-avril 2000, p. 148.
(19) CA Paris, 1ère ch., sect. H, 11 janvier 2000, n° 1999/14962, Société fermière du Casino municipal de Cannes SA c/ COB, préc.. 
(20) Rapport COB du groupe de travail présidé par J.-F. Lepetit sur les avertissements sur résultats en date du 6 avril 2000.

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Droit financier

[Le point sur...] L'obligation d'information permanente du public par les émetteurs (2ème partie)

Lecture: 8 min

N6431AKE

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Le 07 Octobre 2010

L'information relative aux émetteurs joue un rôle clef dans le fonctionnement de nos marchés financiers et dans la formation des cours de bourse. Pour les économistes, un marché financier efficient est celui dans lequel le cours de bourse reflète, à tout moment, l'intégralité de l'information pertinente disponible (1). Si le marché efficient reste un modèle théorique, il n'en demeure pas moins, qu'en pratique, chacun peut constater que les cours de bourse réagiront à la hausse ou à la baisse à l'annonce d'une information sensible relative à un émetteur (par exemple, l'annonce d'une acquisition, d'un dividende extraordinaire, etc.). Il existe, ainsi, une relation étroite entre le cours de bourse et les informations relatives à un émetteur disponibles à un moment donné sur le marché. Plus l'information relative à un émetteur sera fiable et complète, plus, en théorie, le cours de bourse devrait s'approcher de la valeur intrinsèque de l'émetteur (2). La transparence des informations relatives aux émetteurs est, enfin, une condition essentielle de la confiance des investisseurs dans le marché. La Directive communautaire, du 28 janvier 2003, sur les opérations d'initiés et les manipulations de marché (la Directive "abus de marché") (3), énonce ainsi, dans son 24ème considérant, qu''[une] communication rapide et équitable des informations au public renforce l'intégrité du marché, alors qu'une communication sélective par les émetteurs peut induire une perte de confiance des investisseurs dans l'intégrité des marchés financiers" (cf. L'obligation d'information permanente du public par les émetteurs (1ère partie) N° Lexbase : N6388AKS). III - Le moment de la communication de l'information
  • La communication de l'information privilégiée doit intervenir dès que possible

Aux termes de l'article 222-3 du règlement général de l'AMF, l'information privilégiée doit, en principe, être communiquée au marché dès que possible par l'émetteur. L'article 2.1 de la Directive 2003/124/CE précise que les émetteurs sont réputés avoir respecté leur obligation d'information permanente "[...] si, lorsqu'un ensemble de circonstances s'est créé ou qu'un évènement s'est produit, bien que non encore formalisé, ils en ont informé rapidement le public". Il en résulte que l'émetteur doit, en principe, communiquer rapidement, dès qu'il a connaissance de l'évènement ou des circonstances susceptibles de constituer une information privilégiée. Selon la jurisprudence, la communication doit intervenir quand bien même le fait susceptible d'avoir une influence sur le cours de bourse n'a pas encore été constaté en comptabilité (4).

Par ailleurs, en application de l'article 222-6 du règlement général de l'AMF, l'émetteur est tenu de communiquer rapidement au marché toute modification concernant une information privilégiée qu'il a déjà rendue publique.

La diffusion tardive d'une information privilégiée, comme son absence de diffusion, est ainsi susceptible de constituer un manquement à la bonne information du public par l'émetteur (5). A cet égard, il convient de noter que le respect par l'émetteur de ses obligations de publication au titre de l'information périodique ne le dispense pas de communiquer immédiatement une information privilégiée (6).

L'appréciation du moment auquel l'information doit être communiquée au marché peut s'avérer complexe pour les émetteurs, en particulier lorsque l'évènement en cause ne présente pas un caractère ponctuel et instantané, mais constitue un processus qui s'inscrit dans la durée. A quel moment, par exemple, des discussions engagées par l'émetteur et relatives à une opération qui est seulement envisagée seront suffisamment avancées pour constituer une information privilégiée devant, en principe, être communiquée au marché ?

  • L'émetteur peut toutefois différer la communication de l'information privilégiée lorsqu'il existe un intérêt légitime

Il existe pourtant des situations où il est dans l'intérêt de l'émetteur, pour des raisons commerciales, stratégiques ou autres, de ne pas communiquer immédiatement au public une information privilégiée qui le concerne. Aussi, l'article 222-3 du règlement général de l'AMF prévoit une exception à la communication immédiate de l'information lorsqu'il existe un intérêt légitime de l'émetteur à différer la communication de l'information.

Dès 1990, dans un commentaire relatif au règlement COB 90-02, la COB a été amenée à préciser la notion d'intérêt légitime. Elle avait indiqué que, "pour apprécier ces intérêts légitimes, la COB se fondera en particulier sur :

- les contraintes de confidentialité liées à la concurrence ;

- la nécessité de coordonner la diffusion des informations sur le marché national avec la diffusion sur les marchés étrangers ;

- le risque qu'une diffusion prématurée ferait courir aux négociations en cours" (7).

Les dispositions de la Directive 2003/124/CE, transposées dans le règlement général de l'AMF, sont plus précises et fournissent une liste non exhaustive d'intérêts qui peuvent être considérés comme des intérêts légitimes justifiant que la communication d'une information privilégiée soit différée. Ainsi aux termes de l'article 222-3 III du règlement général de l'AMF, l'existence d'un intérêt légitime concerne notamment les situations suivantes :

"1° Négociations en cours, ou éléments connexes, lorsque le fait de les rendre publics risquerait d'affecter l'issue ou le cours normal de ces négociations. En particulier, en cas de danger grave et imminent menaçant la viabilité financière de l'émetteur, mais n'entrant pas dans le champ des dispositions mentionnées au livre VI du code de commerce relatif aux difficultés des entreprises, la divulgation d'informations au public peut être différée pendant une période limitée si elle risque de nuire gravement aux intérêts des actionnaires existants ou potentiels en compromettant la conclusion de négociations particulières visant à assurer le redressement financier à long terme de l'émetteur ;

2° Décisions prises ou contrats passés par l'organe de direction d'un émetteur, qui nécessitent l'approbation d'un autre organe de l'émetteur pour devenir effectifs, lorsque la structure dudit émetteur requiert une séparation entre les deux organes, si la publication de ces informations avant leur approbation, combinée à l'annonce simultanée que cette approbation doit encore être donnée, est de nature à fausser leur correcte appréciation par le public".

Dans la continuité des commentaires de la COB de 1990, l'existence de négociations en cours constitue un intérêt légitime permettant de différer la publication de l'information, en particulier lorsque cette négociation concerne le redressement financier d'un émetteur confronté à une situation financière difficile. Soulignons que la communication financière d'un émetteur en présence d'un risque de faillite est un exercice délicat. S'il existe un intérêt légitime pour l'émetteur à limiter la communication faite au marché afin d'éviter d'obérer ses chances de parvenir à rétablir sa situation financière, lorsque les négociations échouent, il pourra lui être reproché de ne pas avoir averti le marché suffisamment tôt des difficultés rencontrées. La nécessaire confidentialité qui entoure la renégociation de la dette d'un émetteur doit ainsi être conciliée avec les exigences de transparence du marché.

Un arrêt rendu par la cour d'appel de Paris, dans une affaire récente sur le recours formé à l'encontre d'une décision de sanction de l'AMF, apporte un éclairage intéressant sur cette difficulté. En l'espèce, la cour d'appel de Paris a, en effet, jugé que la désignation d'un mandataire ad hoc par le Président du tribunal de commerce n'exonérait pas la société et ses dirigeants de leurs obligations au titre de l'information permanente, mais qu'il pouvait être tenu compte de la confidentialité de la mission du mandataire ad hoc pour l'application des dispositions permettant à un émetteur de différer la communication d'une information privilégiée lorsqu'il est en mesure d'en assurer la confidentialité. La cour d'appel de Paris a, par ailleurs, considéré que le caractère confidentiel du protocole d'accord conclu dans le cadre de la mission du mandataire ad hoc ne permettait pas à la société de différer la communication au public de l'accroissement du niveau de sa dette à court terme dans la mesure où cette communication n'impliquait pas qu'il soit fait référence au protocole d'accord confidentiel. Toutefois, si la cour d'appel de Paris a confirmé le prononcé d'une sanction à l'égard de la société et de son dirigeant, elle est venue réformer la décision de l'AMF afin d'adoucir les peines qui avaient été prononcées par la commission des sanctions en relevant "[...] la difficulté de la gestion de la communication sur la situation financière de la société [...], au cours du second semestre de l'année 2002 et au début de l'année 2003, tenant notamment à la mise en oeuvre d'une procédure de mandat ad hoc, au contenu du protocole du 30 septembre 2002, qui comportait des aspects positifs pour la société [...], et au risque qui s'est réalisé en octobre 2003, de cessation des paiements" (8).

La seconde hypothèse d'intérêt légitime, visée au 2° du 222-3 III, n'était, en revanche, pas envisagée dans les commentaires de la COB de 1990. Il s'agit principalement de l'hypothèse où, dans une société anonyme à directoire et conseil de surveillance, une décision du directoire doit être approuvée par le conseil de surveillance pour devenir effective.

La liste fournie par le règlement général de l'AMF n'est pas exhaustive. Aussi, l'appréciation de l'existence d'un intérêt légitime doit être effectuée au cas par cas par l'émetteur sous sa propre responsabilité.

Il convient de noter, toutefois, que l'existence d'un intérêt légitime ne permet pas à l'émetteur de s'affranchir de toute obligation de communication. L'émetteur devra concilier la protection de ses intérêts légitimes avec ses obligations au titre de l'information permanente et apprécier précisément quelles sont les informations dont la communication est susceptible de porter atteinte à l'intérêt légitime invoqué. Ainsi, par exemple, la COB a estimé, s'agissant des engagements pris par un émetteur de racheter des titres de sociétés, que "s'il est concevable que l'argument tiré du secret des affaires puisse être invoqué s'agissant du nom des sociétés sur lesquelles portaient les engagements de rachat de titres, il ne peut l'être en ce qui concerne l'existence d'engagements dont le montant est [...] susceptible d'influer sur le jugement que les destinataires de l'information peuvent porter sur la situation financière et les résultats de l'entreprise" (9). La protection du secret des affaires ne faisait pas obstacle à la communication du montant des engagements pris, dès lors que le nom des sociétés concernées n'était pas divulgué. De la même manière, dans l'affaire évoquée plus haut, la cour d'appel de Paris a jugé que le caractère confidentiel d'un protocole d'accord conclu dans le cadre de la mission d'un mandataire ad hoc ne permettait pas à la société de différer la communication au public de l'accroissement du niveau de sa dette à court terme dans la mesure où cette communication n'impliquait pas qu'il soit fait référence au protocole d'accord confidentiel (10).

L'émetteur doit, en outre, apprécier à quel moment il n'est plus possible de différer la communication de l'information malgré l'existence d'un intérêt légitime. Ainsi dans l'affaire "Cibox Interactive", les défendeurs avaient tenté de se prévaloir de l'existence d' "un risque d'effet commercial négatif" pour justifier le fait d'avoir différé la communication au public de l'échec d'une opération commerciale. Sans prendre parti sur l'existence d'un intérêt légitime, la COB a estimé que rien "ne saurait justifier qu'il ait fallu attendre près de quatre mois [...] pour que cette information soit communiquée au public" (11).

Par ailleurs, conformément à l'article 222-3 du règlement général de l'AMF, la possibilité de différer la communication d'une information privilégiée est soumise à certaines conditions et à certaines limites : l'émetteur doit être en mesure de préserver la confidentialité de l'information et le fait de différer la communication de l'information ne doit pas être de nature à induire le marché en erreur.

En revanche, la possibilité ouverte aux Etats membres par l'article 6.2 de la Directive "abus de marché" d'exiger des émetteurs la communication immédiate à l'autorité de marché de l'information dont la publication est différée n'a pas été reprise dans le règlement général de l'AMF.

  • L'émetteur ne peut différer la communication d'une information privilégiée que s'il est en mesure d'en assurer la confidentialité

Afin de préserver la confidentialité de l'information, l'émetteur devra contrôler l'accès à cette information privilégiée afin que la divulgation de l'information soit limitée aux personnes qui en ont besoin pour exercer leurs fonctions au sein de l'émetteur. L'émetteur devra, en outre, informer les personnes ayant accès à cette information de la nécessité de maintenir cette information confidentielle et des sanctions qu'elles encourent en cas de divulgation ou d'utilisation de cette information (12). En cas de fuites, l'émetteur devra communiquer immédiatement l'information au marché.

  • L'émetteur ne peut différer la communication d'une information privilégiée si l'absence de communication est de nature à induire le marché en erreur

Quand bien même il existe un intérêt légitime pour l'émetteur, la communication de l'information au marché ne peut être différée si l'absence de communication de l'information est de nature à induire le marché en erreur. Cette limite doit, selon nous, s'apprécier par rapport aux attentes du marché. S'il existe un décalage important entre les attentes du marché, exprimées en particulier par le cours de bourse et par le consensus des analystes, et l'information privilégiée concernée, l'absence de communication de l'information entretiendra la divergence existant entre la perception du marché et la réalité, ce qui est le propre de l'erreur.

La question de savoir si l'absence de communication est susceptible d'induire le public en erreur est délicate. Plus l'information est significative et inattendue pour le marché, plus le risque sera grand qu'il soit reproché à l'émetteur d'en avoir différé la communication.

Bernard-Olivier Becker
Avocat à la Cour
Bredin Prat


(1) P. Vernimmen, Finance d'Entreprise, 6ème édition, P. Quiry et Y. Le Fur, p. 351.
(2) M. Nussenbaum, La formation des cours boursiers, RJ Com. 1993, p. 83.
(3) Directive (CE) 2003/6 du Parlement européen et du Conseil, du 28 janvier 2003, sur les opérations d'initiés et les manipulations de marché ("abus de marché") (N° Lexbase : L8022BBQ).
(4) Cass. com., 23 juin 2004, n° 02-17.936, Commission des opérations de bourse c/ Société Olitec, F-D (N° Lexbase : A8940DC4), RJDA 2004, n° 134.
(5) V. par ex., décision COB du 1er juin 1995, Welcom International, Bull. COB n° 292, juin 1995 (dans cette affaire, il était, notamment, reproché à la société Welcom International d'avoir annoncé avec retard une dégradation de son chiffre d'affaires) ; CA Paris, 25ème ch., sect. B, 26 septembre 2003, n° 2001/21885, Monsieur SoulierR Roger c/ SA Flammarion (N° Lexbase : A8748C9U), Bull. Joly Sociétés, janvier 2004, p. 85 (dans cette affaire il était reproché à la société Flammarion d'avoir tardé à diffuser un communiqué sur la cession de contrôle de la société qui était en préparation).
(6) Cass. com., 22 novembre 2005, n° 03-20.600, Société Eurodirect marketing c/ M. Michel Pfeiffer, F-D (N° Lexbase : A7448DLG).
(7) Bull. COB n° 237, juin 1990, p. 8.
(8) CA Paris, 1ère ch., sect. H, 13 décembre 2005, n° 2005/13646, M. Russ Robinson et Metaleurop c/ AMF (N° Lexbase : A2381DNI), réformant la décision de sanction de l'AMF du 14 avril 2005 (décision AMF, 14 avril 2005, à l'égard de Metaleurop S.A., de M. Russ Robinson et de M. Christian Castel N° Lexbase : L4926G8X).
(9) Décision de sanction COB du 6 juillet 1999, "Marie Brizard", Bull. COB, n°337, juillet août 1999.
(10) Cour d'appel de Paris, 1ère ch., sect. H, 13 décembre 2005, Metaleurop, préc..
(11) Décision de sanction COB du 7 janvier 2003, "Cibox Interactive", Banque & Droit n° 92, novembre décembre 2003, p. 32.
(12) Les personnes qui ont accès à l'information privilégiée constituent des initiés qui devront figurer sur la liste d'initiés que tout émetteur dont les titres sont admis à la négociation sur un marché réglementé est tenu d'établir en application de l'article L. 621-18-4 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L3713HGM).

newsid:86431

Fonction publique

[Questions à...] Quelques questions au CNFPT sur le décret du 13 février 2006, facilitant l'accès des handicapés à la fonction publique territoriale

Réf. : Décret n° 2006-148 du 13 février 2006, modifiant le décret n° 96-1087 du 10 décembre 1996 (N° Lexbase : L6798HGU)

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N5736AKN

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Le 07 Octobre 2010

Est paru, au Journal officiel du 14 février, le décret n° 2006-148 du 13 février 2006 (N° Lexbase : L6798HGU), modifiant le décret n° 96-1087 du 10 décembre 1996, relatif au recrutement des travailleurs handicapés (N° Lexbase : L1076G8D). Ce décret était attendu et devrait, en ce début d'année, compter parmi les textes les plus importants de la fonction publique territoriale. Il vise, en effet, à faciliter l'accès des personnes handicapées à la fonction publique territoriale et permet, ainsi, d'en élargir le champ d'application, conformément aux dispositions prévues par la loi n° 2005-102 du 11 février 2005, pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées (N° Lexbase : L5228G7R). Par ailleurs, autre innovation, les médecins généralistes agréés compétents en matière de handicap sont, désormais, seuls habilités pour établir le certificat médical prévu à l'article 10 du décret du 30 juillet 1987 (décret n° 87-602, pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux N° Lexbase : L4961HD4), remplaçant, ainsi, les Commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel (Cotorep). Enfin, il convient de souligner que la situation des travailleurs handicapés de la fonction publique territoriale peut être comparée, sur beaucoup de points, à celle des agents non titulaires et des stagiaires. Pour nous éclairer sur certains de ces points, nous avons choisi d'interroger le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), dont la mission est la professionnalisation des agents territoriaux, la formation initiale de ces mêmes agents et l'organisation de certains concours et examens. Lexbase : Le secteur public est soumis, comme le secteur privé, à l'obligation d'emploi de 6 % de travailleurs handicapés, tel que le préconise la loi du 10 juillet 1987, favorisant l'emploi des personnes handicapées, dès lors que toute administration comporte au moins vingt agents (loi n° 87-517, 10 juillet 1987, en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés N° Lexbase : L1099G89). Quels sont, pour commencer, les chiffres clés, concernant les travailleurs handicapés de la fonction publique territoriale ?


CNFPT
: Au 31 décembre 2003, les travailleurs handicapés constituent 4,5 % des effectifs de la fonction publique territoriale, contre 4,4 % en 2001, d'où une relative stabilité du taux d'emploi. Il s'agit, essentiellement, d'handicapés COTOREP (Commission technique d'orientation et de reclassement professionnel).

Les fonctionnaires inaptes ou reclassés, les accidentés du travail ou les maladies professionnelles et, enfin, les allocations temporaires d'invalidité représentent, à chacun, environ 20 % de ces travailleurs.

Enfin, il est intéressant de souligner que le plus fort taux d'emploi échoit au SDIS (Service départemental d'incendie et de secours) (8,1 %), suivis des communes et des établissements communaux de 20 000 à 50 000 habitants et de plus de 100 000 habitants (5,8 %).


Lexbase : Quelles sont, à l'heure actuelle, les conditions exigées pour intégrer la fonction publique territoriale lorsque l'on est une personne handicapée ?


CNFPT
: Les dispositions législatives et réglementaires actuelles prévoient deux modalités d'accès pour les personnes reconnues handicapées :

- par concours avec possibilité d'aménagement des épreuves (articles 35 et 36 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale N° Lexbase : L7448AGX). Les candidats doivent réunir les conditions de droit commun prévues pour ces concours (titres ou diplômes).

L'article 35 prévoit, en effet, qu'aucun candidat ne peut être écarté, en raison de son handicap, d'un concours ou d'un emploi de la fonction publique, sauf si son handicap a été déclaré incompatible avec la fonction postulée. Par ailleurs, des dérogations aux règles normales de déroulement des concours et des examens sont prévues afin, notamment, d'adapter la durée et le fractionnement des épreuves aux moyens physiques des candidats ou de leur apporter les aides humaines et techniques nécessaires précisées par eux au moment de leur inscription. Des temps de repos suffisant sont, également, accordés à ces candidats, entre deux épreuves successives, de manière à leur permettre de composer dans des conditions compatibles avec leurs moyens physiques.

L'article 36, qui précise que les fonctionnaires sont recrutés par voie de concours, prévoit, ainsi, des concours ouverts aux candidats justifiant de certains diplômes ou de l'accomplissement de certaines études ; des concours sur épreuves réservés aux fonctionnaires territoriaux et, sous certaines conditions, aux agents des collectivités territoriales et aux fonctionnaires et agents de l'Etat et des établissements publics ; enfin, l'accès à certains cadres d'emplois peut être ouvert par la voie d'un troisième concours aux candidats justifiant de l'exercice, pendant une durée déterminée, d'une activité professionnelle, d'un mandat de membre d'une assemblée élue d'une collectivité territoriale ou d'une activité en qualité de responsable d'une association.

- par contrat (article 38 de cette même loi N° Lexbase : L7448AGX). Les candidats justifiant des conditions de diplômes fixées pour le concours externe peuvent être recrutés directement. En effet, l'article 38 précité dispose que, par dérogation à l'article 36, les fonctionnaires peuvent être recrutés sans concours et, notamment, les travailleurs handicapés peuvent être recrutés en qualité d'agent contractuel dans les emplois de catégories A, B et C pendant une période correspondant à la durée de stage prévue par le statut particulier du cadre d'emplois dans lequel elles ont vocation à être titularisées. Le contrat est renouvelable, pour une durée qui ne peut excéder la durée initiale du contrat et, à l'issue de cette période, les intéressés sont titularisés sous réserve qu'ils remplissent les conditions d'aptitude pour l'exercice de la fonction. Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application, notamment, les conditions minimales de diplôme exigées pour le recrutement en qualité d'agent contractuel en catégories A et B, les modalités de vérification de l'aptitude préalable au recrutement en catégorie C, les conditions du renouvellement éventuel du contrat, les modalités d'appréciation, avant la titularisation, de l'aptitude à exercer les fonctions. Ceux qui ne justifient pas de ces conditions doivent, préalablement, saisir une commission actuellement placée auprès de chacun des vingt-huit délégués régionaux du CNFPT.


Lexbase : Le décret n° 2006-148 du 13 février 2006, modifiant le décret n° 96-1087 du 10 décembre 1996 relatif à l'application de l'article 38 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, tend à faciliter le recrutement des travailleurs handicapés dans la fonction publique territoriale (N° Lexbase : L6798HGU). Quel est l'état du droit antérieur à ce décret ? Dans quel mouvement s'inscrit-il ?


CNFPT
: Les nouvelles dispositions se caractérisent par une extension des bénéficiaires et une simplification de la procédure de titularisation.

En effet, le décret du 10 décembre 1996 modifié (décret n° 96-1087, 10 décembre 1996, relatif à l'application de l'article 38 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale N° Lexbase : L1076G8D) tient, désormais, compte de la nouvelle rédaction de l'article 38 de la loi du 26 janvier 1984, modifié par la loi du 11 février 2005 (N° Lexbase : L5228G7R) : les bénéficiaires du recrutement par contrat ne sont plus les seules personnes reconnues handicapées, conformément à l'article L. 323-3 1° du Code du travail (N° Lexbase : L6168ACG) mais, également, les personnes relevant des 2°, 3°, 4°, 9°, 10° et 11° de ce même article L. 323-3, à savoir, les victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles ; les titulaires d'une pension d'invalidité ; les anciens militaires titulaires d'une pension d'invalidité ; les sapeurs-pompiers victimes d'accident survenu ou de maladie contractée en service ; les titulaires de la carte d'invalidité ; enfin, les titulaires de l'allocation aux adultes handicapés.

Par ailleurs, l'ancien dispositif prévoyait qu'à l'issue du contrat, l'aptitude professionnelle des agents devait être appréciée par la commission placée auprès du délégué régional de l'une des vingt-huit délégations du CNFPT. Cette appréciation était transmise à l'autorité territoriale qui décidait, ou non, de la titularisation de l'intéressé. Aujourd'hui, cette intervention de la commission à l'issue du contrat n'existe plus.

Enfin, le contrat peut désormais être renouvelé en vue d'une titularisation dans un cadre d'emplois d'une catégorie inférieure, ce qui n'était pas envisagé par l'ancien dispositif.


Lexbase : Ce décret précise les conditions dans lesquelles les travailleurs handicapés peuvent être recrutés en tant que contractuel de la fonction publique territoriale. Quels en sont les principaux apports ? Constituent-ils une réelle avancée par rapport au droit existant ?


CNFPT
: Les modifications ne concernent pas les conditions de recrutement en qualité de contractuel.

Les personnes titulaires des titres ou diplômes requis pour l'accès au concours externe du cadre d'emplois qui les intéresse peuvent être directement recrutées et n'ont pas à saisir la commission placée auprès de chacun des délégués régionaux du CNFPT, celle-ci n'intervenant que dans des hypothèses limitées.

Pour les bénéficiaires de ce dispositif, les principaux apports de ce décret concernent, d'une part, leur rémunération, désormais équivalente à celle servie aux fonctionnaires stagiaires issus du concours et, d'autre part, leur droit à exercer à temps partiel.


Lexbase : Quelles en sont les implications pratiques pour les collectivités territoriales ? Ont-elles de nouvelles obligations ?


CNFPT
: Le nouveau texte implique davantage les employeurs territoriaux dans le processus de recrutement : l'appréciation des candidatures est faite sur dossier et peut être complétée par des entretiens.

De même, à l'issue du contrat, l'appréciation par l'autorité territoriale de l'aptitude professionnelle de l'agent en vue de sa titularisation s'effectue après un entretien avec celui-ci.

Enfin, les contrats doivent expressément préciser qu'ils ont été établis en application de l'article 38 de la loi du 26 janvier 1984 précité.


Lexbase : Quel est le rôle du CNFPT aujourd'hui, concernant le recrutement des travailleurs handicapés ? Voit-il ses attributions modifiées par le décret du 13 février 2006 ?


CNFPT
: En définitive, les nouveaux textes ne font qu'officialiser les pratiques initiées par l'établissement. Afin de garantir le principe d'égalité de traitement à l'égard des personnes handicapées, le CNFPT a toujours proposé des aménagements d'épreuves pour les concours qu'il organise et des formations adaptées à leurs besoins.

La seule nouveauté pour l'établissement réside dans la disparition annoncée de la commission placée auprès de chacun des délégués régionaux du CNFPT. Cette commission continue en effet d'exercer ses missions dans l'attente de l'installation de la "commission chargée de vérifier les équivalences de diplômes pour se présenter aux concours externes" dont le positionnement et la composition restent à déterminer.


Propos recueillis par Fany Lalanne
SGR - Droit public

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Marchés publics

[Textes] Réforme du Code des marchés publics : la procédure du dialogue compétitif

Réf. : Projet de Code des marchés publics 2006, version n°3

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N5697AK9

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par Marie-Hélène Sanson, Juriste marchés publics au sein d'un organisme national de protection sociale

Le 07 Octobre 2010

Le projet de Code des marchés publics 2006 prévoit au sein de son titre III, chapitre IV, une section 3 composée d'un article unique (article 67) et intitulée "Procédure de dialogue compétitif". Cette procédure figure déjà, au même article d'ailleurs, dans le Code des marchés publics actuel (N° Lexbase : L8775GYN).
La procédure du dialogue compétitif peut être utilisée lorsque l'acheteur "n'est pas objectivement en mesure de définir seul et à l'avance les moyens techniques pouvant répondre à ses besoins [ou] d'établir le montage juridique ou financier d'un projet" (article 36 du projet de code 2006). La procédure est donc réservée aux marchés complexes, d'informatique notamment, lorsque l'acheteur ne maîtrise pas totalement les techniques pouvant satisfaire son besoin et souhaite favoriser les réponses innovantes des entreprises. L'organisation de la procédure du projet de code 2006 reprend les principales étapes du code de 2004. Elle y apporte, cependant, quelques modifications et précisions.
  • Une procédure qui conserve ses principales étapes

La procédure de dialogue compétitif débute par l'envoi d'un avis d'appel public à la concurrence, établi selon les mêmes conditions de seuils que les autres procédures* et préalable à la remise des candidatures. Le délai entre l'envoi de l'avis d'appel public à la concurrence et la remise des candidatures est de 37 jours minimum.

* soit :
- publicité obligatoire dès 4 000 euros HT ;
- publicité au BOAMP ou dans un journal d'annonces légales dès 90 000 euros HT ;
- publicité au BOAMP et au JOUE pour les marchés de fournitures et services supérieurs à 135 000 euros HT (Etat) ou 210 000 euros HT (collectivités territoriales) ;
- publicité au BOAMP et au JOUE pour les marchés de travaux supérieurs à 5 270 000 euros HT.

Les candidatures sont, ensuite, sélectionnées par le pourvoir adjudicateur, après une éventuelle régularisation, lorsque certaines pièces étaient absentes ou incomplètes.

Le dialogue s'engage, ensuite, avec les candidats sélectionnés afin d'identifier et de définir les "moyens propres à satisfaire au mieux les besoins". Le projet de code 2006 précise que "tous les aspects du marché peuvent être discutés avec les candidats sélectionnés", ce qui semble inclure les prix, même s'il paraît difficile pour bon nombre d'acheteurs publics qu'un débat sur le prix ait lieu à un stade où le projet n'a pas encore abouti. Comme dans le code de 2004, le dialogue peut se dérouler en plusieurs phases permettant d'affiner, à chaque phase, la (ou les) solution(s) pertinente(s).

Lorsque le pouvoir adjudicateur estime que le dialogue est achevé, les candidats sont invités à remettre une offre finale, dans le délai minimum de 15 jours, qui peut être précisée, clarifiée, perfectionnée ou complétée à la demande du pouvoir adjudicateur. Les offres sont ensuite classées. Le pouvoir adjudicateur, après avis de la commission d'appel d'offres pour l'Etat, ou la commission d'appel d'offres elle-même pour les collectivités territoriales, attribue le marché. Les candidats non retenus sont informés du rejet de leurs offres ; le pouvoir adjudicateur notifie le marché et procède à la publication d'un avis d'attribution.

  • Les précisions et aménagements apportés

Ces précisions et aménagements relèvent de deux types. Les premiers intègrent à l'article spécifique au dialogue compétitif des éléments présents dans les autres procédures du code. Les seconds constituent des innovations destinées à encadrer la procédure ou à en renforcer la transparence, celle-ci ayant, en effet, souvent, été désignée comme permettant manipulations et accords entre l'acheteur et les candidats.

Les précisions issues des autres procédures

Concernant les candidatures (mais l'on peut supposer que le principe est aussi applicable aux offres), ne peuvent être ouverts que les plis parvenus dans le respect de la date et de l'heure limites de remise. Le pouvoir adjudicateur peut, par ailleurs, demander aux candidats dont le dossier est incomplet d'ajouter des éléments ou de compléter ceux déjà présents. Cette possibilité doit être offerte à toutes les entreprises concernées, afin de respecter le principe d'égalité de traitement des candidats.

Après classement des offres, le marché est attribué à l'offre économiquement la plus avantageuse en fonction des critères énoncés dans la publicité ou le règlement de la consultation. Les critères sont pondérés ou hiérarchisés, le cas échéant. Dans l'hypothèse où le candidat classé en premier ne serait pas en mesure de présenter l'ensemble de ses certificats sociaux et fiscaux, il doit être fait appel au candidat classé en 2ème position, et ainsi de suite.

Les innovations du projet de code

Elles concernent, tout d'abord, l'avis d'appel public à la concurrence. Celui-ci doit comporter les besoins et exigences du pouvoir adjudicateur ; ils figurent aussi, le cas échéant, dans un projet partiellement défini ou un programme fonctionnel. Cette exigence, dès le stade de la publicité, est nouvelle, le code de 2004 n'évoquant le programme fonctionnel qu'au stade de l'engagement du dialogue. Elle permet l'information des entreprises dès le stade de la publicité, afin qu'elles fassent une demande du cahier des charges en ayant une connaissance aussi précise que possible du besoin de la personne publique.

Le pouvoir adjudicateur peut, ensuite, limiter le nombre de candidats admis à présenter une offre (il peut s'agir d'un nombre minimum -3 étant un plancher- ou d'une fourchette). Le Code des marchés publics 2004 prévoit, lui, que "le nombre de candidats invités à participer au dialogue compétitif ne peut être inférieur à 3". Cette rédaction différente laisse perplexe : stricto sensu, les candidats visés ne sont pas les mêmes. Le code de 2004 vise les entreprises sélectionnées par la personne responsable du marché après remise des candidatures, donc, avant l'engagement du dialogue ; le projet de code 2006 vise les candidats restant en lice à l'issue du dialogue et de ses différentes phases éventuelles. Cette différence de rédaction ne révèle, cependant, peut-être pas une différence de sens, car, en effet, il semble hasardeux, dès l'avis d'appel public à la concurrence, dans un projet que l'acheteur public ne maîtrise pas, d'anticiper le nombre d'offres valables à l'issue du dialogue et utiles à analyser. De plus, cette limitation, qui n'est pas issue de la version d'origine du Code des marchés publics, issue du décret n° 2004-15 du 7 janvier 2004 (N° Lexbase : L0537DN9), mais du décret n° 2004-1298 du 26 novembre 2004, relatif à diverses dispositions concernant les marchés de l'Etat et des collectivités territoriales (N° Lexbase : L4183GUH), est destinée à réduire la durée et la lourdeur du dialogue, qui impose d'organiser des rencontres avec les candidats dans le respect d'un certain formalisme. Limiter le nombre de candidats à l'issue du dialogue présente, donc, dans ce contexte, un faible intérêt. Il faut souhaiter que cette ambiguïté sera levée avant la sortie du nouveau code.

Par ailleurs, le contenu de l'invitation à participer au dialogue adressée aux candidats sélectionnés a été développé. Alors que le code de 2004 dispose seulement que le dialogue s'engage à partir d'un programme fonctionnel et, si nécessaire, d'un projet partiellement défini, le projet de code 2006 comporte une liste des informations devant figurer dans l'invitation :

- les documents de la consultation (au nombre desquels figure le programme fonctionnel) ;
- les références de la publicité ;
- la date et le lieu du dialogue ;
- la date limite pour demander des renseignements complémentaires ;
- les documents à joindre à l'offre ;
- les critères d'attribution du marché (sauf s'ils figurent dans la publicité) et leur pondération ou leur hiérarchisation (s'ils ne figurent pas dans la publicité ou les documents de la consultation).

Autre innovation du projet de Code des marchés publics 2006, les offres ne sont plus remises sur la base du cahier des charges arrêté par l'acheteur à l'issue du dialogue mais sur la base "de la ou des solutions qu'ils ont présentées et spécifiées au cours du dialogue". Les candidats pourront, ainsi, jusqu'à la fin, faire preuve d'innovation et d'originalité dans leur réponse qui n'est jamais encadrée par un cahier des charges mais seulement par la discussion avec l'acheteur. Cette liberté extrême pourrait, cependant, se révéler délicate en pratique, notamment, lors de l'analyse des offres finales qui, n'ayant pas été remises sur la base d'un cahier des charges identique, pourraient être difficiles à comparer. C'est dans cette optique, peut-être aussi, que le pouvoir adjudicateur dispose de la possibilité de demander au candidat retenu, donc, en toute fin de procédure, de clarifier des aspects de son offre ou de confirmer ses engagements.

Enfin, l'échec éventuel de la procédure a été particulièrement développé. Le code de 2004 n'envisage que la déclaration sans suite lorsque aucune offre remise n'est jugée acceptable. Le projet de code 2006 est beaucoup plus précis et ne laisse pas les acheteurs désarmés face à l'échec d'une procédure longue et complexe. Aux termes du projet de code 2006, le dialogue compétitif peut être déclaré sans suite ou infructueux. La déclaration sans suite n'appelle pas de remarques particulières : elle obéit à la condition habituelle de l'existence d'un motif d'intérêt général. En revanche l'infructuosité est une nouveauté qui permet à l'acheteur de rebondir en cas d'échec et de relancer une procédure. En effet, dans l'hypothèse où il n'a été proposé que des offres "irrégulières" (incomplètes ou qui ne respectent pas les exigences du cahier des charges) ou "inacceptables" (qui répondent au besoin mais qui sont trop élevées, ou contraires aux dispositions relatives à la sous-traitance ou au travail illégal), la consultation peut être déclarée infructueuse et plusieurs procédures peuvent être lancées. Il peut s'agir :

- d'une procédure formalisée ;
- d'un marché négocié, si les conditions initiales du marché ne sont pas substantiellement modifiées : ces "conditions initiales du marché" semblent cependant, a priori, délicates à identifier car, en effet, aux termes de ce projet de code, à l'issue du dialogue compétitif, les candidats ne sont plus invités à remettre une offre sur la base du cahier des charges arrêté par l'acheteur, comme c'est le cas dans le code de 2004, mais sur la base de la (ou des) solution(s) qu'ils ont présentée(s) et spécifiée(s) au cours du dialogue ;
- d'une procédure adaptée, si le montant du marché ou du lot le permet et dans le respect des règles habituelles de cumul des seuils.

Cette nouvelle version du dialogue compétitif vient clarifier certaines questions posées par cette procédure complexe mais aussi innovante et valorisante pour les entreprises et les acheteurs publics, même si quelques points devront encore être précisés lors de son application pratique.

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