La lettre juridique n°171 du 9 juin 2005

La lettre juridique - Édition n°171

Table des matières

Rémunération des dirigeants : le bébé et l'eau du bain...

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N5263AIR

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

Le 07 Octobre 2010


Depuis quelques années déjà, la rémunération des dirigeants est au centre de la gouvernance d'entreprise. L'actualité récente nous en a, encore, donné une parfaite illustration : les médias ayant ainsi ravivé le débat, en faisant osciller leurs papiers ou reportages entre l'offre de reclassement en Roumanie faite à ses salariés par une PME alsacienne et la polémique orchestrée autour de l'indemnité de départ de l'ancien PDG de Carrefour. Malgré les dispositions de la loi NRE de mai 2001, aménagées par celles de la loi de Sécurité financière d'août 2003, l'affaire des golden parachutes et, plus généralement, la question de la rémunération des dirigeants sociaux n'est pas prête de s'étioler. En effet, les derniers rapports en la matière font état d'une augmentation de ces rémunérations entre 6 % (SBF 120) et 10,3 % (CAC 40), dans les sociétés cotées, contre une baisse de celle des proches collaborateurs de ces mêmes dirigeants, de l'ordre de 7,6 % à 8,6 % (source Proxinvest). Par ailleurs, certains journalistes trouvent, dans cette dichotomie des comportements humains au sein de l'entreprise, une des causes du désarroi des "classes moyennes", lors du récent référendum (Vianney Aubert, Le cri des classe moyennes, Le Figaro, 6 juin 2005) ; c'est dire toute la dramaturgie existant autour de cette question. Contrôler drastiquement l'évolution des rémunérations des dirigeants est, non seulement, "collectiviste", mais parfaitement ubuesque : la grande majorité des entreprises revêtant un caractère familial échappe, de ce fait, à toute légitimité de contrôle par un tiers. La détermination de la rémunération des dirigeants sociaux relève, en effet, de la gestion de l'entreprise. Aussi, la seule solution apportée par l'Etat, ou plutôt par l'ensemble des Etats confrontés à ce même "problème de société", fut de développer la transparence de ces rémunérations et indemnités à l'attention des actionnaires, principaux intéressés par la bonne gestion de l'entreprise (cf. Reinhard Damann, avocat associé chez White & Case, Le contrôle des rémunérations des dirigeants, Les Echos, 19 mai 2005). Toutefois, une fois n'est pas coutume, notre contentieux fiscal français nous permet de relativiser ce débat, parfois caricaturé, exposant tantôt le cas d'un dirigeant social acceptant que sa rémunération soit nettement inférieure aux usages, afin de favoriser le dynamisme de son entreprise pendant cinq ans (l'administration contestant la déductibilité de l'importante augmentation de cette rémunération constitutive d'un rattrapage) ; tantôt celui de ces associés qui n'encaissent pas une partie de leurs rémunérations versées par chèque, afin de ne pas aggraver la situation financière de leur entreprise soumise à un plan de continuation (l'administration entendant imposer ces rémunérations, malgré leur non-encaissement). Les éditions Lexbase vous proposent, cette semaine, de revenir sur la question de la preuve du caractère excessif de la rémunération des dirigeants, du point de vue fiscal, avec la chronique de Jean-Marc Priol, avocat chez Landwell & Associés. Et, on y découvrira que la transparence imposée par la loi, au bénéfice des actionnaires, peut également servir l'administration fiscale...

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Social général

[Jurisprudence] Avantage de retraite et dénonciation de l'accord collectif

Réf. : Cass. soc., 17 mai 2005, n° 02-46.581, Mme Ginette Desmarteau c/ Société Naphtachimie, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2996DIS)

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par Emilie Zieleskiewicz, Avocate au sein du Cabinet Fromont Briens & Associés

Le 07 Octobre 2010

Dans le prolongement de l'arrêt "Association Hospitalière Sainte Marie" (Cass. soc., 28 mai 2002, n° 00-12.918, Association hospitalière Sainte-Marie (AHSM) c/ M. Roger Cayrier, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A7983AYC, lire Dirk Baugard, Application de l'article L. 132-7 du Code du travail à un accord collectif de protection sociale complémentaire, Lexbase Hebdo n° 27 du 13 juin 2002 - édition sociale N° Lexbase : N3146AAR), la Chambre sociale de la Cour de cassation vient définir de manière plus précise les contours de la notion de droits acquis en matière de prestation de retraite, auxquels un accord de substitution ne peut porter atteinte et, ce faisant, qualifie d'avantages collectifs susceptibles d'être remis en cause les modalités de revalorisation de la pension de retraite.


Décision

Cass. soc., 17 mai 2005, n° 02-46.581, Mme Ginette Desmarteau c/ Société Naphtachimie, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2996DIS)

Rejet (CA Versailles, 12 septembre 2002, 17e chambre sociale)

Textes concernés : C. trav., art. L. 132-8 (N° Lexbase : L5688ACN) ; CSS, art. L. 911-1 (N° Lexbase : L5832ADD) et L. 913-2 (N° Lexbase : L5842ADQ) ; C. civ., art. L. 1134 (N° Lexbase : L1234ABC)

Mots-clefs : régime de retraite à prestations définies ; dénonciation de l'accord collectif ; avantage individuel acquis.

Liens bases : ;

Faits

1. La société Naphtachimie avait mis en place, le 4 décembre 1950, un régime de retraite à prestations définies au profit de ses salariés, permettant à ces derniers de percevoir, en complément des droits à pension issus des régimes obligatoires, une rente calculée en fonction de paramètres prédéfinis et revalorisée trimestriellement par indexation sur les augmentations collectives des salaires réels appliqués au sein de l'entreprise.

Après avoir constaté qu'un tel régime constituait une charge financière extrêmement lourde, la société Naphtachimie a procédé à la dénonciation du régime de retraite supplémentaire et a ouvert des négociations avec les organisations syndicales afin de définir les modalités d'un accord de substitution.

Le 19 décembre 1997, un accord d'entreprise a été signé entre la société Naphtachimie et les organisations syndicales, instituant un nouveau régime de retraite supplémentaire. Une des salariées, ayant fait valoir ses droits à la retraite et bénéficiant de la pension du précédent régime de retraite dénoncé, s'est vue opposer un gel de la revalorisation de sa pension.

En effet, selon les dispositions du nouvel accord, le montant de la pension de retraite issu du régime initial ne serait plus réévalué jusqu'à la date à laquelle ce montant sera égal à celui du nouveau régime. Il évoluerait, ensuite, trimestriellement selon les dispositions de la revalorisation prévue par le nouvel accord.

Estimant que ces nouvelles dispositions lui étaient préjudiciables et constituaient une atteinte aux droits qu'elle avait acquis au moment de son départ en retraite, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes.

Pour dire que la retraitée ne bénéficiait pas d'un avantage individuel acquis au mode de revalorisation de sa pension de retraite, la cour d'appel énonçait que l'accord collectif relatif au régime de pension complémentaire Naphtachimie pouvait faire l'objet d'une révision, dans les conditions prévues par les articles L. 132-7 (N° Lexbase : L4696DZX) et L.132-8 (N° Lexbase : L5688ACN) du Code du travail et que cette modification ne portait pas atteinte au droit individuel définitivement acquis par les retraités postérieurement à la liquidation de leurs droits puisqu'elle n'affectait que les modalités de réévaluation de la pension à compter de l'entrée en vigueur de l'accord.

Ainsi, les partenaires sociaux avaient pu valablement procéder à la modification de l'accord collectif initial.

Problème juridique

Est-ce qu'un ancien salarié bénéficiaire du régime de retraite supplémentaire mis en oeuvre au sein de l'entreprise, ayant liquidé sa pension de retraite, peut se voir opposer les nouvelles modalités de revalorisation négociées dans le cadre d'un accord collectif de substitution postérieurement à son départ en retraite ?

Solution

Les salariés mis à la retraite avant la dénonciation de l'accord collectif du 23 février 1987 reprenant le régime de retraite à prestations définies, institué unilatéralement par l'employeur en 1950, avaient droit au maintien du niveau de pension atteint au jour de la dénonciation avec les modalités de revalorisation initiales jusqu'à l'accord collectif de substitution du 19 décembre 1997, sans pouvoir se prévaloir, au-delà de cette date, des modalités de revalorisation instituées par l'accord collectif dénoncé qui constitue un avantage collectif et non un avantage individuel.

Commentaire

Au regard des derniers développements jurisprudentiels, l'avantage dont le salarié peut se prévaloir en cas de dénonciation de l'accord collectif prend la forme, indifféremment, d'une rémunération ou d'un droit. La Cour de cassation démontre, s'il en était nécessaire, que les formes d'avantages peuvent varier et ne pas se limiter aux hypothèses de rémunération où les cas d'espèces les avaient, dans un premier temps, cantonnées.

L'arrêt "Naphtachimie" a l'intérêt principal de définir les contours du droit acquis en matière de régime collectif de retraite mis en oeuvre dans l'entreprise : quels avantages de retraite peuvent être qualifiés d'individuels et d'acquis au sens de l'article L. 132-8 du Code du travail en cas de dénonciation de l'accord collectif, acte fondateur du régime de retraite mis en cause ?

A titre préliminaire, dans l'arrêt "Naphtachimie", pour soutenir que l'employeur ne pouvait revenir sur l'avantage de retraite, les demandeurs s'appuyaient sur les dispositions de l'article L. 913-2 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5842ADQ), considérant que la nouvelle règle ne pouvait porter atteinte à des droits acquis en matière de retraite.

Il s'agissait, pour le moins, d'une lecture erronée du texte. A ce titre, la Cour de cassation a délaissé ce moyen. Il convient, en effet, de rappeler que le texte dispose : "Aucune disposition entraînant la perte des droits acquis ou en cours d'acquisition à des prestations de retraite, y compris à la réversion, des salariés ou anciens salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur ou de transfert d'entreprises, d'établissements ou de parties d'établissements à un autre employeur, résultant d'une cession conventionnelle ou d'une fusion, ne peut être insérée à peine de nullité dans les conventions, accords ou décisions unilatérales mentionnés à l'article L. 911-1".

Ce texte ne fixe pas une impossibilité générale de dénonciation des droits constitués mais, en matière de prestation de retraite, empêche la perte des droits acquis ou en cours d'acquisition uniquement dans les hypothèses d'insolvabilité de l'employeur ou de transfert de l'entreprise.

Tel n'est manifestement pas le cas en l'espèce. Ni transfert, ni insolvabilité à l'horizon, simplement une entreprise qui souhaite limiter ses engagements au regard du passif social qu'il génère du fait du désengagement progressif des régimes de retraite légaux et complémentaires. Prohibant les engagements perpétuels, la loi comme la jurisprudence prévoient expressément la possibilité d'une dénonciation, laquelle a pour effet d'arrêter l'acquisition de nouveaux droits. Ainsi, l'article L. 913-2 du Code de la Sécurité sociale ne prohibe que la perte de droits et non la perte de l'avantage collectif à la suite d'une dénonciation.

En effet, la loi du 8 août 1994 (loi n° 94-678 du 8 août 1994, relative à la protection sociale complémentaire des salariés N° Lexbase : L5156A4Q) définit, dans son article L. 911-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5832ADD), que les garanties collectives dont bénéficient les salariés, anciens salariés et ayants droit, en complément de celles qui résultent de l'organisation de la Sécurité sociale, peuvent être déterminées par voie de conventions ou d'accords collectifs.

L'article L. 911-3 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5834ADG) dispose expressément que les dispositions du titre III du livre 1er du Code du travail sont applicables aux conventions et accords collectifs mentionnées à l'article L. 911-1. Un accord collectif instaurant un régime de retraite peut donc valablement être dénoncé, les salariés ne pouvant revendiquer que le seul maintien des avantages individuels acquis au titre des prestations de retraite.

Il convient de relever qu'en définitive et fort justement, la Cour de cassation, dans l'arrêt "Naphtachimie", transpose les critères civilistes en matière d'avantage individuel acquis. Néanmoins, l'individuel et l'acquis peuvent être difficiles à appréhender au regard des modalités de constitution de la pension de retraite et des techniques de revalorisation appliquées au montant de la pension après liquidation.

Il n'est, dès lors, pas inutile de revenir sur les principes dégagés par la jurisprudence en matière d'avantage individuel acquis.

L'avantage individuel est celui qui, par son objet, a vocation à bénéficier à chaque salarié individuellement. L'acquis est une notion plus délicate à appréhender, à tel point que l'on se demande, comme le fait le Professeur Emmanuel Dockes, "s'il n'est pas préférable de considérer que l'acquis ne fait que poser de manière redondante un résultat : est acquis, ce qui doit être maintenu".

La Cour de cassation, dans l'arrêt "Naphtachimie", reprend la définition ébauchée dans un premier temps par la doctrine, puis relayée par la jurisprudence, selon laquelle l'avantage individuel est celui qui, par son objet, a vocation à bénéficier à chaque salarié individuellement.

Selon l'arrêt "Pamart" du 19 juin 1987 (Cass. soc., 19 juin 1987, n° 84-44.688, M. Pamart c/ la Société à responsabilité limitée Desanfans, publié N° Lexbase : A3598ABU), l'avantage acquis est celui qui correspond à un droit déjà ouvert et non à un droit simplement éventuel. Ainsi défini, l'avantage individuel acquis pour les salariés du fait d'un accord collectif dénoncé devra être maintenu.

La Cour de cassation avait ainsi pu définir l'avantage individuel acquis au sens de l'article L. 132-8 du Code du travail comme celui qui, au jour de la dénonciation de la convention ou de l'accord collectif, procure au salarié une rémunération ou un droit dont il bénéficiait à titre personnel et qui correspondait à un droit déjà ouvert et non simplement éventuel (Cass. soc., 15 mai 2001, n° 99-41.669, Mme Isabelle Teixera c/ Société Chromex, publié N° Lexbase : A5191AGD).

En matière d'avantage de retraite, il convient nécessairement de distinguer la période avant la liquidation de la retraite, c'est-à-dire la période de constitution des droits, de la période postérieure à cette liquidation.

Avant la liquidation de la retraite, le droit n'est qu'éventuel :
- d'une part, parce que le salarié actif ne peut prétendre au régime que s'il cesse son activité professionnelle pour liquider la retraite ;
- d'autre part, parce qu'il n'est pas encore ouvert.

C'est d'ailleurs ce qu'avait confirmé un arrêt du 18 février 1997 devant la Chambre sociale de la Cour de cassation (Cass. soc., 18 février 1997, n° 93-46.733, Caisse nationale de garantie des ouvriers dockers c/ M. Philippe Bollengier, inédit N° Lexbase : A8636AGX). Le droit du salarié au mode de calcul de la rente, tant que cette dernière n'est pas servie, est un droit simplement éventuel et non encore ouvert qui n'a donc pas le caractère d'un avantage acquis pour le personnel.

Si le régime de retraite est collectif tant par son acte fondateur que par ses bénéficiaires, l'avantage de retraite n'est, quant à lui, certain et exigible individuellement qu'à la date de sa liquidation.

La jurisprudence a confirmé, à plusieurs reprises, qu'un règlement de retraite pouvait être modifié et que ces modifications étaient opposables à toute liquidation intervenue après cette date (Cass. soc., 10 juin 1993, n° 91-10.884, Craf c/ Mandereau, inédit N° Lexbase : A2245AGA ; Cass. soc., 21 juin 1995, n° 91-42.177, Compagnie nationale Air France c/ M. Claude Bajou et autres, inédit N° Lexbase : A1642CYH).

Les modifications d'un règlement de retraite apportées par les nouvelles dispositions conventionnelles s'imposent, sauf clause contraire, au salarié, sans qu'il puisse prétendre au maintien de droit acquis (Cass. soc., 30 mars 1994, n° 90-42.144, CCAS c/ Pietri et autres, inédit N° Lexbase : A3415C7M ; Cass. soc., 23 juin 1999, n° 97-43.162, Mme Laclie et autre c/ Société Christol distribution docks des alcools N° Lexbase : A4746AGU).

Par un arrêt de principe en date du 28 mai 2002 (Cass. soc., 28 mai 2002, n° 00-12.918, Association hospitalière Sainte-Marie (AHSM) c/ M. Roger Cayrier, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A7983AYC), la Cour de cassation relève qu'hormis la rente viagère financée par leurs propres cotisations, les salariés dont l'admission à la retraite était postérieure à la date d'entrée en vigueur du nouveau régime n'ont aucun droit acquis à bénéficier d'une liquidation de leur retraite supplémentaire selon les modalités de l'ancien régime, dont les prestations, bien que définies, n'étaient pas garanties.

Dans un arrêt récent du 12 avril 2005 (Cass. soc., 12 avril 2005, n° 02-47.384, F-D N° Lexbase : A8643DHL) la Cour, après avoir retenu que l'instauration du régime de retraite supplémentaire à cotisations patronales et à prestations définies mais non garanties résultait d'un engagement unilatéral de l'employeur, a constaté que ledit engagement avait été dénoncé régulièrement par son auteur avant que l'intéressé ait fait liquider ses droits à pension de retraite. La Cour a, ainsi, pu décider que ce dernier n'avait aucun droit acquis à en bénéficier.

En période de constitution de droits à la retraite, c'est-à-dire de financement de l'engagement de retraite, le salarié ne peut prétendre à un avantage individuel acquis.

De même, le taux de cotisations ne devrait pas constituer un avantage individuel acquis en cas de dénonciation de l'accord collectif. La Cour de cassation n'a, à notre connaissance, pas eu à aborder ce point. Cependant, la cour d'appel de Versailles, dans un arrêt du 11 octobre 2002 (CA, Versailles, 11 octobre 2002, SA CGEA Connex c/ André Bezina et autres), après avoir rappelé que l'article L. 132-8 du Code du travail était applicable à l'accord concernant la retraite, a constaté que puisque le taux de cotisations ne procurait pas à ces personnes à titre personnel un droit déjà ouvert le jour de l'opération juridique, le salarié concerné ne bénéficiait pas d'un droit à la retraite, la retraite ne pouvant être calculée que lorsque l'activité du salarié cesse.

Cet arrêt est toutefois à relativiser. Il s'agissait, en effet, d'un régime de retraite par répartition et d'une harmonisation du taux de cotisations en application de la réglementation Arrco et Agirc en matière de fusion absorption. La solution ne serait pas nécessairement identique dans l'hypothèse d'un régime géré par capitalisation où la cotisation finançant le régime pourrait être qualifiée d'avantage individuel acquis.

Il convient, dès lors, d'aborder la notion des avantages individuels acquis postérieurement à la liquidation de la retraite. A cette date, un droit est ouvert et ce, au profit du salarié personnellement.

Postérieurement à la liquidation de la rente viagère, le montant de la pension de retraite acquis à la date de dénonciation, devra être maintenu.

La Cour, dans le présent arrêt "Naphtachimie", considère que les salariés mis à la retraite avant la dénonciation de l'accord collectif ont droit au maintien du niveau de la pension atteinte au jour de la dénonciation ainsi qu'au maintien des modalités de revalorisation initiales jusqu'à la date de l'accord de substitution.

Le droit est individuel et acquis, tant pour la rente que pour sa revalorisation, pendant le délai de survie de l'accord dénoncé. Par contre, au terme de ce délai ou du moins, en l'espèce, à la date d'effet de l'accord de substitution, le retraité ne pourra prétendre à un droit acquis à titre individuel au titre des modalités de revalorisation de la rente. Selon la Cour, les modalités de la revalorisation constituent un avantage collectif et non un avantage individuel.

On pouvait valablement s'interroger sur la question de savoir si l'avantage individuel devait être maintenu au niveau, en valeur absolue, qu'il avait atteint à la date de la dénonciation ou à la date d'expiration du délai de survie, ou s'il pourrait être, au contraire, réévalué postérieurement à l'expiration de ce délai. Une telle question prend toute son acuité dans le cadre d'un avantage de retraite qui fait l'objet d'une revalorisation dans le cadre des dispositions du contrat d'assurance ou de l'accord collectif. En effet, l'avantage de retraite n'est pas une rémunération mais un droit viager. La revalorisation a donc toute son importance.

En admettant que les salariés dont le statut collectif a été dénoncé ne sauraient prétendre, postérieurement à l'expiration des effets de l'accord, à une revalorisation de la rente viagère, la Cour, dans l'arrêt "Naphtachimie" reconnaît a contrario que ces salariés peuvent prétendre à de telles revalorisations jusqu'à la date d'expiration des effets de l'accord collectif dénoncé.

Si, en effet, au titre de la rente viagère, dès lors que les salariés ont liquidé leur pension de retraite, ils bénéficient d'un droit acquis au montant de cette pension, il n'en est pas de même, à la lecture de ce nouvel arrêt, du droit à la revalorisation. Cette revalorisation peut être modifiée, voire remise en cause dans le cadre d'un accord collectif postérieur à la liquidation de la pension de retraite. Une telle remise en cause est opposable au salarié puisque, selon la Cour de cassation, le mode de revalorisation est un avantage collectif et non un avantage individuel acquis.

En l'espèce, il est intéressant de noter que le précédent régime de retraite supplémentaire dénoncé par Naphtachimie prévoyait que la rente était revalorisée trimestriellement par une indexation sur les augmentations collectives des salaires réels appliqués au sein de l'entreprise.

En matière de rémunération, la Cour de cassation, par plusieurs arrêts, a réaffirmé que l'avantage acquis individuel ne subissait pas de revalorisation. Ce problème juridique s'est d'abord posé devant la cour d'appel d'Aix en Provence, à propos de la dénonciation d'une convention ou d'un accord collectif. C'est, en effet, dans un arrêt rendu le 5 juin 1998 que les magistrats de cette juridiction ont affirmé que "le salaire minimum garanti par l'accord d'entreprise [...] reste acquis en vertu de l'article L. 132-8 alinéa 6 [mais le salarié intéressé] ne saurait prétendre à des revalorisations de ce salaire minimum, en application de l'accord dénoncé, postérieurement à l'expiration des effets de cet accord" (CA Aix en Provence, 5 juin 1989 : DS 1990 p. 163).

Saisie dans une autre affaire de la même difficulté juridique, la Cour de cassation a retenu la même interprétation. Ainsi, il ressort d'un arrêt rendu par la Chambre sociale le 22 avril 1992, qu'en cas de dénonciation d'un accord collectif, les salariés "ne peuvent prétendre à la réévaluation de leur rémunération en fonction des règles de variation contenues dans l'accord dénoncé, qui ne constituaient pas un avantage individuel acquis" (Cass. soc., 22 avril 1992, n° 88-40.921, Consorts Caillaud et autre c/ Société nouvelle d'assainissement et de travaux publics, publié N° Lexbase : A1512AAA).

La Cour de cassation a eu l'occasion de confirmer cette solution, dans un arrêt du 24 novembre 1992, en admettant qu'"après dénonciation de l'accord [collectif d'entreprise] déterminant le mode de calcul [d'un] complément de rémunération, les salariés ne pouvaient prétendre le voir évoluer au-delà du niveau qu'il avait atteint, selon les modalités prévues par l'accord expiré" (Cass. soc., 24 novembre 1992, n° 89-20.427, Caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Libournais c/ Syndicat national de l'encadrement du Crédit agricole, publié N° Lexbase : A4674ABQ ; dans le même sens, Cass. soc., 26 novembre 1996, n° 93-44.811, Société Marquis Hôtels Partnership c/ M. Alia et autres, publié N° Lexbase : A4045AA3, DS 1997 p. 103 obs. G. Couturier) affirmant, à propos de la dénonciation d'un accord collectif d'entreprise, que "les salariés avaient droit, au titre des avantages individuels acquis, au maintien de leur niveau de rémunération au jour où l'accord collectif a cessé de s'appliquer".

La Cour de cassation, dans l'arrêt "Naphtachimie" a certainement été influencée par le fait que l'accord de substitution prévoyait, également, de nouvelles modalités de revalorisation.

De même, la solution aurait pu être toute autre si aucun accord de substitution n'était intervenu postérieurement à la dénonciation du régime de retraite supplémentaire. Dans l'hypothèse où aucun accord de substitution ne serait intervenu, il est de jurisprudence constante que les effets d'une convention dénoncée sont prorogés pendant 15 mois. Par conséquent, il convient d'admettre que la rente viagère stipulée dans l'accord collectif devait être maintenue au niveau, en valeur absolue, qu'elle a atteint à la date d'expiration du délai de prorogation de la convention. Pendant ce délai de survie, bien évidemment, les revalorisations seraient appliquées.

De même, et c'est un élément de fait non négligeable, le régime Naphtachimie était géré en interne et non externalisé auprès d'un organisme assureur. Il est certain que si un organisme assureur avait pris en charge le régime, les méthodes de revalorisation n'auraient pu être remises en cause par l'organisme.

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Procédures fiscales

[Jurisprudence] La justification sous conditions du rattrapage de la rémunération d'un dirigeant de société

Réf. : CAA Paris, 22 mai 2005, n° 01PA01232-01PA03949, Société Pentair Water France SAS c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie (N° Lexbase : A5583DIM)

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N5086AI9

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par Jean-Marc Priol, Avocat au Barreau de Paris, Landwell & Associés

Le 07 Octobre 2010

Les modalités de détermination de la rémunération des dirigeants de sociétés interpellent, parfois, l'administration sous le contrôle du juge de l'impôt attentif tant aux justifications des services de contrôle, auxquels la charge de la preuve du caractère excessif de la rémunération incombe, qu'à celles apportées en réponse par les sociétés contribuables redressées. C'est, ainsi, que la cour administrative d'appel de Paris, dans une affaire en date du 22 mai 2005, a pu, en s'inscrivant dans la logique de la dialectique de la preuve (lire sur le sujet, Jean-Marc Priol, Déductibilité d'une redevance forfaitaire pour prestations d'assistance : la charge de la preuve, Lexbase Hebdo n° 80 du 17 juillet 2003 - édition fiscale N° Lexbase : N8180AA9), reconnaître à la société contribuable qu'elle pouvait utilement faire valoir des circonstances antérieures à la période vérifiée pour justifier une augmentation de rémunération constitutive d'un rattrapage pour son dirigeant. Selon la cour, suivant les conclusions de son commissaire du Gouvernement M. Frédérik Bataille, la seule circonstance que la rémunération servie au dirigeant d'une entreprise a augmenté dans une proportion supérieure à celle de ses bénéfices ne saurait faire regarder cette rémunération comme excessive au sens de l'article 39-1-1° du CGI .

Aux termes de ces dernières dispositions, il est rappelé que "le bénéfice net établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, notamment : [...] les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre, [...]", étant observé que "les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu". Cette disposition, poursuit le texte, s'applique "à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais".

A l'occasion du contrôle des frais généraux et des obligations des entreprises, les dispositions de l'article 33 de l'annexe II au CGI prévoient que l'administration peut demander à l'entreprise de justifier que les dépenses visées à l'article 54 quater du même code sont nécessitées par sa gestion :

- lorsqu'elles excèdent le montant des bénéfices imposables de l'exercice ;
- ou bien lorsqu'elles augmentent dans une proportion supérieure à celle de ces bénéfices.

Pour ce faire, l'article 35 de l'annexe II au même code  précise que la comparaison prévue au 2° de l'article 33 est faite par référence à l'exercice qui précède immédiatement celui au cours duquel les dépenses litigieuses ont été exposées.

L'article 34 de l'annexe II au CGI poursuit en rappelant que pour l'application des dispositions de l'article 33 susvisées, les bénéfices imposables sont déterminés en faisant abstraction des plus-values ou moins-values provenant de la cession des éléments de l'actif immobilisé, ainsi que des déficits reportables des exercices antérieurs.

Dans l'affaire rapportée, une société s'était vue remettre en cause une large fraction de la rémunération allouée à son dirigeant, au motif que la progression sur une très courte période, deux années, du chiffre d'affaires de l'entreprise, ne justifiait pas l'augmentation de plus de 95 % de sa rémunération antérieure.

La cour, rappelant que la charge de la preuve du caractère excessif de la rémunération d'un dirigeant incombe à l'administration, a considéré qu'il résultait de l'instruction que la société contribuable relevait, à bon droit, que cette rémunération se trouvait justifiée par l'évolution du chiffre d'affaires sur une période antérieure plus longue, cinq années, lequel avait plus que doublé, ainsi que par la multiplication par plus de sept du bénéfice fiscal sur la même période et par les conditions d'exploitation de l'entreprise et le rôle de son dirigeant cumulant la responsabilité des services commerciaux, marketing et technique (voir à titre d'exemples : CAA Bordeaux, 18 avril 2000, n° 97BX01325, SARL Laboratoire de cosmétologie moderne Arsène Valère c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A4037AZK ; CAA Bordeaux, 3ème ch., 17 décembre 1996, n° 94BX01779, Société Agad c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A3378A7A ; CAA Paris, 2ème ch., 11 juin 1998, n° 96PA00395, SARL Logitec c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'industrie N° Lexbase : A9389BH9 ; CE, contentieux, 18 décembre 1992, n° 74206, M. Véron c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A0894AIX ; CE, contentieux, 11 octobre 1991, n° 54616, SA "Union Internationale Immobilière" c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A9115AQN).

La cour, observant sur cette même période que la rémunération allouée par l'entreprise à son dirigeant était sans rapport avec ces évolutions (chiffre d'affaires et bénéfice) et les performances de l'entreprise, qui, selon cette dernière, pouvaient être regardées comme lui étant largement imputables, en a déduit que l'augmentation de la rémunération de son dirigeant ultérieurement constituait un rattrapage de rémunération non contestable.

Elle refusa, en revanche, de valider une nouvelle augmentation de 75 % de la rémunération du dirigeant sur la période suivant celle ayant fait l'objet des redressements annulés par son arrêt, dans la mesure où cette augmentation ne pouvait caractériser la poursuite d'un nouveau rattrapage, les conditions précitées ne se trouvant pas réunies.

En outre, la cour a jugé utile de poursuivre la motivation de sa décision en observant que l'administration n'apportait pas davantage la preuve, qui lui incombe, du caractère excessif de la rémunération du dirigeant de la société en se prévalant d'éléments de comparaison externes, pour lesquels elle n'a informé la société requérante ni au cours de la procédure d'imposition ni au cours de la procédure contentieuse du nom des entreprises concernées.

Il peut être observé qu'au terme de cet arrêt, l'administration peut valablement se fonder pour apprécier le niveau de rémunération servie par une entreprise à son dirigeant soit, sur des éléments internes à l'entreprise (importance des services rendus, évolution de la rémunération par rapport à celle des bénéfices de l'entreprise ou la modification des fonctions) soit sur des éléments externes à cette dernière fondés sur des termes de comparaison.

Il s'agit là en effet, de la réponse faite par la cour à la question posée par la société contribuable, de savoir si, en la forme, l'administration pouvait se contenter d'effectuer son redressement sur les seuls éléments internes de l'entreprise ou si elle devait impérativement accompagner cette première motivation d'éléments externes tirés des termes de comparaison explicites de rémunérations de dirigeants d'entreprises similaires.

Sur ce dernier point, la cour rappelle que l'insuffisance de motivation constatée au niveau des comparaisons externes que l'administration entendait opposer à la société contribuable ne suffit pas à regarder, pour autant, la notification de redressement insuffisamment motivée, dans la mesure où les éléments d'appréciation internes étaient susceptibles de suffire à établir l'exagération des rémunérations.

En effet, l'insuffisance de motivation d'un ou plusieurs motifs parmi d'autres ne suffit pas à faire regarder la proposition de rectification comme insuffisamment motivée si un des autres motifs se trouve suffisamment motivé, appliquant, en cela, la jurisprudence sur l'existence d'une motivation minimale (CE, 3° et 8° s-s., 21 décembre 2001, n° 221006, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ société Labesque VI (N° Lexbase : A9405AXM).

Reste que cette affaire permet de faire le point sur l'évolution de la jurisprudence afférente au bien fondée de la méthode de comparaison et à l'appréciation des résultats de cette dernière susceptible de justifier le caractère excessif de la rémunération d'un dirigeant.

Toutefois, cet examen est rendu complexe par l'opposition apparente de deux textes, le premier, l'article L. 57 du LPF (N° Lexbase : L5567G4X), qui précise que l'administration adresse au contribuable une notification de redressement devant être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation et, le second, l'article L.103 du même livre (N° Lexbase : L8485AEY), qui vise, quant à lui, l'obligation au respect du secret professionnel s'appliquant à toutes personnes appelées à l'occasion de leurs fonctions ou attributions à intervenir dans l'assiette, le contrôle, le recouvrement ou le contentieux des impôts, droits, taxes et redevances prévus au CGI, laquelle s'étend à toutes les informations recueillies lors de ces opérations.

Si l'on peut penser que secret professionnel et motivation en la matière sur un sujet aussi délicat que l'appréciation de la rémunération des dirigeants ne font pas bon ménage, le respect du contradictoire et des droits de la défense a permis à la jurisprudence d'établir une solution médiane censée préserver à la fois les dispositions des articles L. 57 et L. 103 du LPF à la discrétion du juge de l'impôt.

C'est, ainsi, que dans un premier temps de la construction jurisprudentielle, à partir des années 1960, le juge de l'impôt a admis que l'administration ne fournisse que le chiffre d'affaires des entreprises servant de termes de comparaison sans révéler les noms de ces dernières (CE, 12 mars 1965, n° 58467, Société X c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie ; CE, 11 octobre 1965, n° 56673, Société X c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie).

Par la suite, elle a admis progressivement que l'administration puisse révéler les noms des entreprises de référence en fournissant seulement que des moyennes de chiffre d'affaires (CE, contentieux, 14 janvier 1983, n° 25233, Société anonyme XXX c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A9406ALX ; CE, contentieux, 20 juin 1984, n° 24403, SA Société d'exploitation des établissements Lecapitaine c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A4475ALC).

Les deux méthodes pouvaient être, de cette façon, utilisées, l'une à défaut de l'autre, jusqu'à ce qu'un revirement de jurisprudence ne décide en 1987 (CE, contentieux, 2 mars 1987, n° 53608, Caron c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A2734APX), dans le cadre de l'application des dispositions de l'article L. 60 du LPF (N° Lexbase : L8191AE4), à propos du contenu du rapport de l'administration à la Commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, de privilégier la seconde méthode.

Ainsi, si l'administration décide d'opposer au contribuable les termes de comparaison pour justifier son redressement, elle ne pourra communiquer que les seuls noms d'entreprises de référence, ainsi que des moyennes de chiffre d'affaires.

Ces conditions ne pourront être pleinement satisfaites pour l'application de l'article L. 57 du LPF que pour autant que l'administration expose au contribuable le mode de calcul permettant de déterminer le niveau normal de la rémunération du dirigeant sur la base des termes de comparaison qu'elle aura relevés (CE, 3° et 8° s-s., 23 janvier 2002, n° 216733, Société Protec c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A1028AYQ).

A la question soulevée par les contribuables dans ce type de contentieux sur la conformité de cette pratique au regard l'article 6 § 1 et 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme (N° Lexbase : L7558AIR), le juge de l'impôt répond sans appel en opposant son inapplicabilité.

En effet, cette disposition est inapplicable aux litiges fiscaux portant sur la contestation des droits et des pénalités non constitutives de sanctions (voir CEDH, 12 juillet 2001, Req. 44759/98, Ferrazzini c/ Italie N° Lexbase : A7683AWH). Par ailleurs, elle ne saurait, en toute hypothèse, être invoquée en matière de procédure d'imposition portant sur le caractère non contradictoire de la procédure. L'article 6 § 1 de la Convention ne trouve à s'appliquer, en tout état de cause, qu'aux procédures suivies devant les juridictions.

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Baux commerciaux

[Jurisprudence] Des conséquences de la nullité d'un contrat qualifié de location-gérance sur sa requalification en bail commercial

Réf. : Cass. civ. 3, 18 mai 2005, n° 04-11.835, Mme Marie Dominique Andreozzi c/ Société à responsabilité limitée Le Saint-Jean, FS-P+B (N° Lexbase : A3787DI4)

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N5260AIN

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par Julien Prigent, Avocat à la cour d'appel de Paris

Le 07 Octobre 2010

La nullité du contrat de location-gérance consenti par le loueur qui ne justifie pas de deux années d'exploitation du fonds fait obstacle à ce que le locataire-gérant demande la requalification de ce contrat en bail commercial. Tel est l'enseignement d'un arrêt de la Cour de cassation en date du 18 mai 2005 qui permet de revenir sur la distinction entre ces deux contrats, à laquelle cette décision vient apporter une limite. En l'espèce, le propriétaire d'un fonds de commerce de restaurant, pizzeria, crêperie, glacier, avait conclu, le 1er avril 1988, une convention intitulée "contrat de gérance". Son cocontractant l'avait, ensuite, assigné en sollicitant l'annulation de ce contrat et sa requalification en sous-bail commercial. Débouté de sa demande de requalification et déclaré occupant sans droit ni titre du fonds de commerce par les juges du fonds, il s'est pourvu en cassation.
  • La distinction du contrat de location-gérance et du bail commercial

Le contrat de bail commercial a pour objet un immeuble dans lequel est exploité un fonds de commerce (C. com., art. L. 145-1, al. 1 N° Lexbase : L5729AIZ). L'objet du contrat de location-gérance n'est pas l'immeuble où est exploité un fonds de commerce, mais le fonds de commerce lui-même (C. com., art. L. 144-1 N° Lexbase : L5716AIK). En raison même de cette différence essentielle, la Cour de cassation a précisé que les dispositions du statut des baux commerciaux ne s'appliquaient pas au contrat de location-gérance (Cass. com., 11 février 1963, n° 59-11.278, Epoux Denieau c/ Veuve Beau N° Lexbase : A0295AT4 ; voir encore, récemment, Cass. com., 12 avril 2005, n° 02-13.605, Mme Mireille Massiani, agissant en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de M. Gianati c/ M. Giovanni Gianati N° Lexbase : A8586DHH).

Il arrive, cependant, en pratique, que le contrat portant en réalité sur les locaux soit qualifié de contrat de location-gérance par le prétendu loueur, dans le but, notamment, d'échapper aux dispositions, protectrices du locataire, du statut des baux commerciaux dont celle consacrant un droit au renouvellement. En vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par l'article 12 du Nouveau Code de procédure civile (N° Lexbase : L2043ADZ), le juge requalifiera, dans une telle hypothèse, le contrat de location-gérance de bail commercial et y appliquera les règles afférentes (voir, par exemple, Cass. civ. 3, 30 janvier 2002, n° 00-17.342, FS-P+B N° Lexbase : A8905AX4).

La jurisprudence donne de nombreux exemples de requalification du contrat de location-gérance en contrat de bail commercial. Les critères de cette opération de qualification se rattachent à la mise à disposition, ou non, du locataire-gérant de certains éléments du fonds de commerce comme, en premier lieu, la clientèle (Cass. com., 1er février 1984, n° 82-13.151, Monsieur Lecuyer c/ Epoux Lantsogh N° Lexbase : A0220AAE), mais également le matériel et les marchandises nécessaires à l'exploitation (Cass. com., 27 février 1973, n° 71-10.797, Jouenne c/ Société Total SA N° Lexbase : A6837AGC) ou le nom ou l'enseigne (Cass. civ. 3, 1er juillet 1975, n° 74-11.702, SARL Sportvil c/ SA l'Etoile Commerciale N° Lexbase : A7102AG7).

Il appartiendra à la partie qui demande la requalification de la convention de prouver que le prétendu contrat de location-gérance dissimule, en réalité, un bail commercial (Cass. com., 4 juin 2002, n° 00-11.412, F-D N° Lexbase : A8495AYB).

Sur le principe, s'agissant de l'arrêt commenté, la demande du sous-locataire, tendant à voir son contrat dénommé "location-gérance" qualifié de sous-bail commercial, avait donc des chances de prospérer, à condition, au regard de ce qui précède, qu'il apporte la preuve qu'aucun élément du fonds de commerce ne lui avait, en réalité, été donné à bail.

Cependant, en l'espèce, la Cour de cassation refuse le principe même de cette requalification, en affirmant que le contrat est nul sur le fondement de dispositions propres à la location-gérance. Comment, dès lors, en effet, tenter de requalifier un contrat nul pour lui voir appliquer certaines dispositions, alors qu'en raison de cette nullité, il est censé n'avoir jamais existé ?

Les prémices de ce raisonnement sont, cependant, a priori erronées. En effet, avant de pouvoir juger qu'une convention est nulle en raison de la violation d'une disposition propre à une catégorie de contrat, encore faut-il que cette convention puisse être rattachée à cette catégorie. L'opération de qualification est donc un préalable au prononcé de la nullité, au moins lorsqu'elle se fonde sur une disposition propre à un type de contrat. Sur ce point, l'article L. 144-1 du Code de commerce précise, d'ailleurs, que les dispositions du chapitre relatif à la location-gérance s'appliquent à la convention tendant à concéder à une personne la location d'un fonds de commerce. En l'absence de location de fonds de commerce, ce qui sera le cas en présence d'un bail commercial, la violation des dispositions propres à la location-gérance ne devrait pas entraîner la nullité du contrat.

Il faut donc rechercher si la solution ne se justifie pas eu égard à la teneur des dispositions concernées. En l'espèce, la nullité de la convention reposait sur les articles L. 144-3 (N° Lexbase : L3187DYP), L. 144-4 (N° Lexbase : L5719AIN) et L. 145-10 (N° Lexbase : L5738AID) du Code de commerce.

  • La nullité d'une prétendue location-gérance doit-elle faire obstacle à sa requalification en bail commercial ?

Afin de limiter le caractère spéculatif des opérations portant sur le fonds de commerce (sur ce point, voir M.-C. Campana et G. Carducci, Bail commercial, Location-gérance, Généralités, J.-Cl. Entreprise individuelle, Fas; n° 4700, spéc. n° 91 et ss.), le législateur exigeait, dans le cadre de la location-gérance, que le loueur soit un commerçant ou qu'il ait été immatriculé au répertoire des métiers pendant sept années, ou qu'il ait exercé, pendant une durée équivalente, les fonctions de gérant ou de directeur commercial ou technique. Il devait, également, avoir exploité, pendant deux années au moins, le fonds ou l'établissement artisanal mis en gérance. Ces exigences ont été considérablement assouplies par l'ordonnance n° 2004-274 du 25 mars 2004 (N° Lexbase : L4315DPI). L'article 10 de cette dernière a modifié, en effet, l'article L. 144-3 du Code de commerce, en limitant les conditions de la possibilité de consentir un contrat de location-gérance à celle tenant à la durée -deux années- de l'exploitation du fonds par le loueur. Une dérogation à cette condition peut toujours être obtenue judiciairement (C. com., art. L. 144-4).

L'article L. 145-10, alinéa 1er, du Code de commerce sanctionne la violation de ces conditions par la nullité du contrat de location-gérance, la jurisprudence ayant précisé que cette nullité est absolue (Cass. com., 4 février 1975, n° 73-13.617, Monleau c/ Chiariglione N° Lexbase : A7083AGG), même si, aux termes mêmes de ce texte, les contractants ne peuvent invoquer cette nullité à l'encontre des tiers. Rien, aux termes de cet alinéa premier, ne permet de prononcer la nullité d'un contrat qui ne serait pas une véritable location-gérance.

Cependant, l'alinéa 2 de l'article L. 145-10 du Code de commerce dispose que "la nullité prévue à l'alinéa précédent [alinéa 1er] entraîne à l'égard des contractants la déchéance des droits qu'ils pourraient éventuellement tenir des dispositions du chapitre V du présent titre réglant les rapports entre bailleurs et locataires en ce qui concerne le renouvellement des baux à loyer d'immeubles ou de locaux à usage commercial, industriel ou artisanal".

Or, ce texte vise les "cocontractants". Il ne vise donc pas seulement la déchéance du droit au renouvellement que le loueur du fonds de commerce, également preneur d'un local à usage commercial, pourrait opposer à son bailleur (pour un exemple de cette déchéance, voir Cass. com., 30 juin 1992, n° 90-15.912, Société K Life c/ Mme Gallien N° Lexbase : A4706ABW). Par conséquent, il vise, également, le locataire-gérant. Or, par définition, ce dernier ne peut invoquer l'application des dispositions du statut des baux commerciaux à sa convention. En évoquant, pourtant, les droits issus de ce statut, le législateur a nécessairement envisagé l'hypothèse où le contrat en cause serait, en réalité, un bail commercial.

La nullité du contrat conclu en violation des dispositions des articles L. 144 -3 et L. 144-4 du Code de commerce peut donc être étendue au contrat de bail commercial qui aurait été, à tort, qualifié de location-gérance.

Si la règle prévoyant que cette nullité entraîne la déchéance des droits issus du statut des baux commerciaux se comprend à l'égard du loueur-locataire principal, dans la mesure où le contrat qui le lie au bailleur n'est pas atteint pas cette nullité, elle se comprend plus difficilement en ce qui concerne le locataire-gérant. En effet, pourquoi préciser qu'il ne pourra se prévaloir des droits qu'il tient de ce statut alors que le contrat le liant au loueur serait nul ?

Ce qui rend envisageable de sanctionner par la nullité le bail commercial faussement intitulé location-gérance constitue, également, un obstacle à l'application de cette sanction.

Dans l'arrêt rapporté, la Cour de cassation a mis fin à cette aporie, en affirmant que, lorsque le contrat de location-gérance est conclu en violation des articles L. 144-3 et L. 144-4 du Code de commerce, il n'y a pas lieu de rechercher s'il doit être qualifié de bail commercial puisque le contrat est nul.

Si la solution est discutable, elle a le mérite d'exister. Elle est sévère pour le locataire-gérant qui deviendra, en raison de la nullité du contrat, un occupant sans droit ni titre. Il lui appartiendra donc de vérifier cette condition relative à la durée d'exploitation du fonds, car il ne pourra pas compter sur une éventuelle requalification du contrat pour se maintenir en possession des lieux. Se dessine, ici, le caractère comminatoire de cette jurisprudence qui obligera le locataire-gérant au respect des dispositions de l'article L. 144-3 du Code de commerce.

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Internet

[Evénement] Liberté et protection de l'internaute artiste

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N5087AIA

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Le 07 Octobre 2010

Le 2 juin 2005 a été organisée, par le CEJEM (Centre d'Etudes Juridiques et Economiques du Multimédia), une rencontre annuelle portant sur "Internet et vie privée". Etaient présents des intervenants de divers horizons : le professeur Jérome Huet, le professeur Pierre Catala, Isabelle Gavanon, avocate, le professeur Christophe Caron, le professeur Agathe Lepage, Herbert Maisl, Conseiller d'Etat, Marie-Françoise Marais, Conseiller à la Cour de Cassation, le professeur Anne Debet, ainsi qu'Eric Caprioli, avocat. La problématique "Internet et vie privée" s'est trouvée rajeunie par l'adoption de deux textes importants : d'abord, la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique (loi n° 2004-575 N° Lexbase : L2600DZC), ensuite, la loi du 6 août 2004 (loi n° 2004-801 N° Lexbase : L0722GTW) relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés (N° Lexbase : L8794AGS). Le choix du thème présente un intérêt puissant et actuel. Il s'agit, en effet, d'envisager les différents aspects du rapport existant entre l'internaute et Internet : l'internaute est-il maître ou bien esclave du réseau (1) ? Lexbase vous propose, cette semaine, d'évoquer, plus particulièrement, le thème de la liberté et de la protection de l'internaute artiste, présenté par le professeur Christophe Caron (2) lors de cette rencontre annuelle. Se rencontrent sur Internet aussi bien l'internaute artiste, que l'internaute "qui aime les arts", à la recherche d'oeuvres littéraires, artistiques, musicales ou bien d'autres encore. Qu'il s'agisse du premier ou du second, une même question se pose : celle de la liberté et de la protection de l'internaute. En effet, la rencontre des trois éléments -droits d'auteur, vie privée, Internet- engendre des difficultés spécifiques, qui doivent être abordées sous trois angles distincts.
Il convient, d'abord, de s'interroger sur le respect de la vie privée lors de la création de l'oeuvre (I), puis lors de son exploitation (II). Doit, ensuite, être envisagé le respect de la vie privée lors de la lutte contre la contrefaçon (III).

I - Le respect de la vie privée lors de la création de l'oeuvre

Très généralement, l'auteur est libre lorsqu'il crée une oeuvre. Lors de la création de son oeuvre, il va, en principe, être titulaire du droit d'auteur pour l'oeuvre originale (C. propr. int., art. L. 111-1 et suiv. N° Lexbase : L3328ADM). Toutefois, s'il est titulaire de ce droit, c'est avec beaucoup de mal qu'il va pouvoir l'exercer, notamment par le phénomène des "copies caches".

Lorsqu'une personne, en créant un site Internet, porte atteinte à la vie privée d'autrui ou à son droit à l'image, elle peut être obligée de retirer le texte ou l'image à l'origine de l'infraction. Cependant, quand bien même elle exécuterait cette obligation, il n'est pas garanti que ce texte ou cette image ne se retrouve pas sur d'autres sites, par l'effet du "copies caches". Ainsi, quand une oeuvre porte atteinte à la vie privée, il est difficile de la faire disparaître du réseau, à cause des "copies caches".
Tel a été le cas, par exemple, de l'affaire dans laquelle la revue "Paris Match" avait été contrainte de retirer de son site des photos de "Loana". Pour autant, ces photos n'avaient pas disparu du réseau Internet ; par le biais de "copies caches", il restait, en effet, possible de retrouver lesdites photos sur d'autres sites (TGI Paris, ord. réf., 4 janvier 2002 : D. 2002, somm. p. 2296, note Ch. Caron).

Le respect de la vie privée est, également, mis en péril, lorsqu'un internaute crée une oeuvre avec une donnée personnelle. C'est pourquoi, dans ce cas, des formalités sont à respecter ; il s'agit de l'article 6, 5°, des articles 8, 9, 22, de l'article 25, I, et des articles 32, 39, 40 et 68 à 70 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
Toutefois, l'article 67, 1°, de cette même loi permet d'éliminer ce corpus de règles, dès lors que l'utilisation de ces données à caractère personnel ne poursuit que des fins "d'expression littéraire et artistique" : dans ce cas, les règles protectrices précitées ne trouvent pas application.
Or, la mise en oeuvre de cette exception est délicate, en raison de la difficulté qui existe à définir le traitement de données mis en oeuvre exclusivement à des fins d'expression littéraire et artistique.
Il n'en reste pas moins que cet article 67, 1°, de la loi de 1978 pourrait constituer une règle redoutable pour ceux qui ne respectent pas les dispositions de cette loi.

Le difficile respect de la vie privée lors de la création de l'oeuvre se rencontre, également, lors de l'exploitation de cette oeuvre.

II - Le respect de la vie privée lors de l'exploitation de l'oeuvre

La communication de l'oeuvre dans la sphère privée est, rappelons-le, ignorée par le droit d'auteur. Le droit d'auteur, en effet, n'entre en jeu que lorsqu'une oeuvre est reproduite en vue d'être communiquée au public, et non pas en cas de communication à la sphère privée.

Si ces règles étaient, jusqu'à présent, bien établies, elles sont aujourd'hui remises en cause par l'essor d'Internet, l'équilibre qu'elles constituaient se trouvant rompu.

En témoigne la notion du "cercle de famille". Comment dessiner les contours de cette notion dans le cadre de l'utilisation d'Internet ? Comment envisager être physiquement présent, devant son ordinateur, mais en même temps à l'extérieur, par le biais de la connexion à Internet ? Le "cercle de famille" devient, ainsi, une "peau de chagrin de Balzac".

La meilleure façon de protéger le droit d'auteur serait, ainsi, de connaître le parcours de l'internaute (moments auxquels il se connecte, sites visités, adresses à partir desquelles il se connecte, etc.), ce qui, de nos jours, est devenu relativement facile. Mais connaître tous ces renseignements conduirait à porter une atteinte au respect de la vie privée. A vouloir trop protéger le droit d'auteur, le respect de la vie privée est menacé, et l'internaute pourrait se retrouver plongé, comme l'a souligné le professeur Caron, dans l'univers orwellien de "Big Brother".

Cela montre bien à quel point il est difficile de concilier protection des droits d'auteur et respect de la vie privée sur internet.

III - Le respect de la vie privée lors de la lutte contre la contrefaçon

De plus en plus, la contrefaçon connaît un développement où le contrefacteur n'est pas la personne morale, comme c'est traditionnellement le cas, mais la personne privée. Cette nouvelle forme de contrefaçon utilise la technologie du "peer to peer".
La difficulté vient de ce que la lutte contre la contrefaçon touche, alors, la vie privée, dans la mesure où la personne, auteur de ces agissements, est une personne privée, qui est "chez elle".

Dans cette lutte contre la contrefaçon, on risque, aujourd'hui, de porter atteinte à la vie privée de deux façons, qui, contradictoirement, sont prévues par la loi.

- La première façon réside dans l'article 6-II de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique. Cette disposition prévoit, en effet, que :

"Les personnes mentionnées aux 1 [les personnes dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public] et 2 [les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services] du I détiennent et conservent les données de nature à permettre l'identification de quiconque a contribué à la création du contenu ou de l'un des contenus des services dont elles sont prestataires.
Elles fournissent aux personnes qui éditent un service de communication au public en ligne des moyens techniques permettant à celles-ci de satisfaire aux conditions d'identification prévues au III.
L'autorité judiciaire peut requérir communication auprès des prestataires mentionnés aux 1 et 2 du I des données mentionnées au premier alinéa.
Les dispositions des articles 226-17 (N° Lexbase : L0820DHT), 226-21 (N° Lexbase : L4485GTB) et 226-22 (N° Lexbase : L4486GTC) du code pénal sont applicables au traitement de ces données.
Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, définit les données mentionnées au premier alinéa et détermine la durée et les modalités de leur conservation
".

Cette disposition prévoit donc l'obligation, pour les fournisseurs techniques, de détenir et de conserver les données de nature à permettre l'identification de leurs clients.
L'application de ce texte a donné lieu à un jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris, en date du 7 février 2005 (affaire "Tiscali"). Cette décision, qui a reconnu une faute de la part de Tiscali, a permis de préciser que le fournisseur d'accès doit conserver des données fiables.

- La seconde façon de porter atteinte à la vie privée se trouve à l'article 9, 4° de la loi de 1978, dans sa version en vigueur (N° Lexbase : L8794AGS). Comme l'a souligné le professeur Caron, ce texte est une "révolution" dans notre droit des données personnelles.
Aux termes de cet article, "les traitements de données à caractère personnel relatives aux infractions, condamnations et mesures de sûreté ne peuvent être mis en oeuvre que par : [...]
Les personnes morales mentionnées aux articles L. 321-1 (N° Lexbase : L3459ADH) et L. 331-1 (N° Lexbase : L3471ADW) du code de la propriété intellectuelle, agissant au titre des droits dont elles assurent la gestion ou pour le compte des victimes d'atteintes aux droits prévus aux livres Ier, II et III du même code aux fins d'assurer la défense de ces droits
".
Ces personnes peuvent donc constituer des dossiers personnels sur des internautes qui sont des contrefacteurs présumés. Or, pour la première fois, le Conseil constitutionnel a estimé que l'atteinte portée à la vie privée suivait, dans ce cas précis, un objectif d'intérêt général et a, donc, refusé de censurer cette disposition.

Par conséquent, c'est dans la licéité que les personnes morales peuvent, désormais, constituer des dossiers sur des délinquants présumés, à la condition, toutefois, que ce soit pour la recherche d'une infraction.
Quelques garde-fous sont, cependant, prévus, venant limiter cette atteinte à la vie privée. Il existe, en effet, un encadrement légal prévoyant, notamment, que la CNIL doit autoriser la création du fichier. La conservation des données est, elle aussi, encadrée.

Compte-rendu rédigé par Florence Labasque
SGR - Droit commercial


(1) Lire, sur ce sujet, E. Dreyer, Le respect de la vie privée, objet d'un droit fondamental, Communication Commerce électronique n° 5 - mai 2005, p. 21.
(2) Monsieur Christophe Caron, agrégé des Facultés de droit, est professeur à l'Université de Paris XII.

newsid:75087

Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] Requalification sur requalification ne vaut... le retour !

Réf. : Cass. soc., 25 mai 2005, n° 03-43.146, M. Olivier Chavane de Dalmassy c/ M. Jean-Claude Delrieux, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A3956DID)

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N5138AI7

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par Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

La requalification permet au salarié de faire sanctionner l'employeur qui a méconnu certaines prescriptions légales en matière de contrats de travail à durée déterminée (C. trav., art. L. 122-3-13 N° Lexbase : L5469ACK) ou de contrat de travail temporaire (C. trav., art. L. 124-7 N° Lexbase : L9648GQE). Lorsqu'elle est prononcée par le juge, elle ouvre droit au salarié au paiement d'une indemnité de requalification dont le montant ne peut être inférieur à un mois de salaire (C. trav., art. L. 122-3-13, alinéa 2). Le salarié peut-il cumuler plusieurs indemnités de requalification lorsque le juge procède à la requalification de plusieurs contrats ? Partant, peut-il prétendre au paiement d'indemnités de licenciement pour chaque contrat requalifié ? Non, répond la Cour de cassation. Cette dernière considère, en effet, qu'indépendamment du nombre de contrats requalifiés, le salarié ne peut prétendre qu'au versement d'une seule indemnité de requalification et à l'indemnisation d'une seule rupture, celle du contrat requalifié. Cette solution, malgré sa nouveauté en matière de CDD, n'est pas surprenante. Elle ne fait qu'unifier le régime applicable aux contrats de travail précaires.
Décision

Cass. soc., 25 mai 2005, n° 03-43.146, M. Olivier Chavane de Dalmassy c/ M. Jean-Claude Delrieux, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A3956DID)

Cassation (CA Versailles, 5ème chambre B sociale, 7 février 2003)

Textes visés : C. trav., art. L. 122-3-13 (N° Lexbase : L5469ACK) ; C. trav., art. L. 122-14-4  (N° Lexbase : L8990G74) ; C. trav., art. L. 122-14-5 (N° Lexbase : L5570ACB)

Mots-clefs : contrats à durée déterminée successifs ; requalification ; droit à une seule indemnité de requalification ; indemnisation de la rupture du contrat requalifié.

Lien bases :

Faits

Un salarié a été engagé en qualité de pilote professionnel d'hélicoptère selon deux contrats de travail à durée déterminée. La relation s'est poursuive par un contrat de travail à durée indéterminée qui avait pris fin le 9 janvier 1998 par un licenciement pour faute grave.

Le salarié a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir la requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrats de travail à durée indéterminée, ainsi que la condamnation de la société au paiement d'une indemnité de requalification au titre de chaque contrat de travail à durée déterminée requalifié et de dommages intérêts pour rupture abusive de chaque contrat de travail à durée déterminée et d'une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La cour d'appel a accordé au salarié deux indemnités de requalification ainsi que des dommages-intérêts pour rupture abusive, des indemnités de rupture et des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au titre des deux contrats requalifiés.

Problème juridique

Le salarié peut-il cumuler les indemnités versées à la suite de la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée ?

Solution

1. Cassation partielle

2. "Attendu, cependant, que lorsque le juge requalifie plusieurs contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée, il ne doit accorder qu'une indemnité de requalification, dont le montant ne peut être inférieur à un mois de salaire" (1er moyen).

3. "En statuant ainsi, alors que lorsque plusieurs contrats à durée déterminée sont requalifiés en contrat de travail à durée indéterminée, la rupture de la relation de travail s'analyse en un licenciement et que le salarié ne peut prétendre qu'aux indemnités de rupture lui revenant à ce titre, la cour d'appel a violé les textes susvisés" (2ème moyen).

Commentaire

1. Affirmation du principe du non-cumul en matière de requalification du contrat de travail à durée déterminée

  • Indemnités consécutives à une requalification

Le juge qui fait droit à la demande de requalification du salarié doit lui accorder une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire (C. trav., art. L. 122-3-13 N° Lexbase : L5469ACK). Cette indemnité de requalification se cumule avec les indemnités inhérentes à la rupture d'un contrat de travail à durée indéterminée (C. trav., art. L. 122-3-13 in fine).

Le salarié dont le contrat de travail à durée déterminée est requalifié en un contrat de travail à durée indéterminée se verra, ainsi, accorder l'indemnité minimale de requalification, une indemnité compensatrice de préavis et, le cas échéant, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou pour non-respect de la procédure et, éventuellement, une indemnité de licenciement (C. trav., art. L. 122-9 N° Lexbase : L5559ACU).

Que se passe-t-il lorsque le juge procède à la requalification de plusieurs CDD successifs ? Ces sommes doivent-elles être versées au salarié autant de fois que le juge prononce de requalification ? Faut-il, au contraire, limiter les droits du salarié à une seule indemnité ?

  • Cumul ou non-cumul des indemnités de requalification ?

Dans le silence du législateur, deux solutions s'offraient aux juges. Ces derniers pouvaient librement opter pour le cumul ou le non-cumul des indemnisations.

Une interprétation littérale de l'article L. 122-3-13 du Code du travail est de nature à autoriser le salarié à se prévaloir d'une indemnité de requalification pour chaque contrat requalifié. Ce texte prévoit, en effet, que lorsque le tribunal est saisi d'une demande de requalification et qu'il fait droit à la demande du salarié, il doit lui accorder une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire. Ceci implique a fortiori que si le salarié forme plusieurs demandes de requalification, le juge doit lui accorder plusieurs indemnités.

Une interprétation téléologique de ce texte proscrit, quant à elle, tout cumul. La requalification inscrit le contrat dans une relation à durée indéterminée qui trouve son terme le jour de la cessation définitive de la relation professionnelle. Elle emporte donc, dans son sillage, tous les contrats postérieurs. Le salarié n'est ainsi plus fondé à obtenir le paiement que d'une seule indemnité. C'est cette seconde solution qu'est venue consacrer la Cour de cassation dans la décision commentée.

  • Espèce

Pour sanctionner les juges du fond qui avaient attribué au salarié une indemnité de requalification et des indemnités de licenciement pour chacun des deux contrats à durée déterminée requalifiés, la Haute juridiction affirme que lorsque le juge requalifie plusieurs contrats de travail à durée déterminée, il ne peut accorder au salarié qu'une seule indemnité de requalification et ne peut prononcer l'indemnisation que d'un seul licenciement.

Cette solution n'a rien de surprenant. Elle était annoncée et répond en tous points à l'objet et à l'effet de la requalification.

2. Unification du régime : application aux contrats précaires requalifiés

  • Une solution retenue en matière de contrat de travail temporaire

La limitation de l'indemnisation du salarié à une indemnité de requalification n'est pas nouvelle. Elle ne fait qu'étendre au CDD le régime récemment dégagé en matière de contrat de travail temporaire. Pour ce type de contrat, la Haute juridiction est venue affirmer que lorsque le juge requalifie une succession de contrats de travail temporaire en CDI, il ne doit accorder qu'une indemnité de requalification dont le montant ne peut être inférieur à un mois de salaire (Cass. soc., 30 mars 2005, n° 02-45.410, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A4303DHT ; Cass. soc., 13 avril 2005, n° 03-44.996, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A7990DHE et notre commentaire, Requalification sur requalification ne vaut..., Lexbase hebdo n° 165 du 28 avril 2005 - édition sociale N° Lexbase : N3565AIU).

Forte de ce principe, la Cour de cassation avait ensuite considéré que la requalification de plusieurs contrats de travail en un contrat à durée indéterminée n'entraîne le versement d'indemnités qu'au titre de la rupture du CDI (Cass. soc., 13 avril 2005, n° 03-44.996, précité). Ce sont ces deux principes que la Haute juridiction est venue appliquer à l'identique dans la décision commentée.

Cette unification du régime applicable aux contrats précaires requalifiés ne peut qu'être approuvée.

  • Effet de la requalification

La requalification agit comme la nullité. Elle a pour effet de transformer la nature du contrat de travail au regard de la clause de durée sans affecter autrement le reste de ses stipulations. Le contrat à durée déterminée originaire devient ainsi un contrat de travail à durée indéterminée dont la rupture doit être qualifiée de licenciement.

La requalification des contrats de travail à durée déterminée qui auraient été conclus au cours de cette période est donc sans objet. La requalification d'un premier contrat emporte, en effet, avec elle, tous les contrats postérieurs. Ces derniers se trouvent ainsi absorbés et primés par la relation à durée indéterminée qui ne prend fin qu'au jour de la cessation définitive de la relation de travail. Le salarié ne peut plus alors prétendre qu'à l'indemnisation d'une seule rupture, celle du contrat requalifié. CQFD.

Admettre le cumul des indemnités reviendrait, en outre, à faire échec à l'objet de la requalification qui est de redonner a posteriori à la relation la stabilité qu'elle aurait dû avoir dès l'origine.

Elle serait, en pratique, préjudiciable à l'intérêt de l'entreprise comme à l'intérêt des salariés.

  • Déséquilibre du cumul

Le salarié aurait intérêt à se voir allouer des indemnités au titre de chaque contrat requalifié. L'importance de l'indemnisation pourrait avoir de lourdes conséquences pour l'entreprise débitrice. Le cumul n'était donc pas, en pratique également, la bonne solution. Si l'on prend comme exemple celui d'un salarié qui a conclu 20 contrats à durée déterminée avant de demander la requalification, les difficultés se font jour. Si le juge procède à la requalification de chaque contrat, il devra allouer au salarié au minimum 20 mois de salaires au titre de l'indemnité de requalification et des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse pour chaque rupture non causée...

On peut aisément voir les conséquences néfastes d'une telle solution pour l'entreprise qui, en fonction de l'importance de la sanction prononcée, risque de devoir fermer ses portes.

Le seul avantage du cumul aurait été son caractère dissuasif. Les employeurs "maniaques du CDD" auraient, sans doute, limité le nombre de CDD successifs conclus avec un même salarié par peur de la sanction de la requalification. Mais, ici encore, le salarié aurait été le grand perdant puisque sa situation aurait été encore plus précarisée.

Le cumul ne trouve donc aucune justification pertinente et reste inégalitaire.

  • Un cumul inégalitaire

Il faut, en effet, garder à l'esprit qu'il s'agit de la requalification de CDD... Permettre au salarié sous contrat de travail à durée déterminée de cumuler les indemnités consécutives à la requalification reviendrait à l'inscrire dans un statut plus avantageux que celui dans lequel se trouve un salarié sous contrat de droit commun ce qui, en l'absence de disposition légale expresse, ne peut être le fait du juge.

Le but de la requalification est de permettre aux salariés illégalement embauchés sous contrats précaires de bénéficier des droits ouverts aux salariés embauchés sous contrat de travail à durée indéterminée. Elle n'a pas pour objet et ne peut donc pas avoir pour effet de leur offrir un statut privilégié. Si tel devait être le cas, seul le législateur pourrait en décider... Dans le silence de ce dernier, le non-cumul ne pouvait que s'imposer.

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Fiscalité des particuliers

[Jurisprudence] ISF : liquidités présumées constituent des biens professionnels

Réf. : Cass. com., 18 mai 2005, n° 03-14.469, Directeur général des impôts c/ Mme Michèle Thiebaut, épouse Soalhat, FS-P+B (N° Lexbase : A3675DIX)

Lecture: 5 min

N5230AIK

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par Daniel Faucher, Consultant au CRIDON de Paris

Le 07 Octobre 2010

Dans un arrêt en date du 18 mai 2005, la Haute juridiction confirme que ce n'est que dans des situations exceptionnelles que peut être combattue la présomption selon laquelle les liquidités et titres de placement d'une société constituent des biens professionnels. 1. Les liquidités sont, en principe, présumées pour les sociétés constituer des biens professionnels...

L'article 885 O ter du CGI limite la portée de l'exonération, en tant que biens professionnels, des parts ou actions de sociétés en précisant que seule la fraction de ces dernières correspondant aux éléments utilisés pour les besoins de l'activité constitue un bien professionnel. Cette disposition est un texte "anti-abus" visant à empêcher les transferts dans le patrimoine de la société de biens ou valeurs dépendant du patrimoine privé des actionnaires. A défaut de cette règle de proportionnalité, un tel apport, rémunéré par la remise d'actions ou de parts, aurait permis d'obtenir indirectement l'exonération pour des biens issus du patrimoine non professionnel. 

S'agissant des titres de placement et des liquidités détenues par une société, l'administration a précisé que de tels biens sont présumés constituer des biens professionnels, dès lors que leur acquisition découle de l'activité sociale ou résulte d'apports effectués sur des comptes courants d'associés, ces derniers étant des biens non professionnels pour leurs titulaires (Doc. adm. 7 S 3323, du 1er octobre 1999, n° 32).

2. ...sauf cas exceptionnels

2.1. La preuve contraire...

La présomption posée du caractère professionnel des liquidités de placement d'une société souffre la preuve contraire. 

Selon le juge, la présomption s'applique, dès lors que l'acquisition des liquidités découle de l'activité sociale (Cass. com., 13 janvier 1998, n° 96-10.156, M. Maurice Lagasse c/ Directeur général des impôts, représenté par le directeur des services fiscaux de Paris-Nord, inédit au bulletin, Cassation N° Lexbase : A3461CSY ; Cass. com., 13 janvier 1998, n° 96-10.157, M. Maurice, Henri Lagasse et autres c/ Directeur général des impôts, représenté par le directeur des services fiscaux de Paris-Nord, inédit, Cassation N° Lexbase : A3462CSZ).

La même décision précise, également, que la charge de la preuve du caractère professionnel de ces liquidités ne peut être renversée, et peser, ainsi, sur le redevable de l'impôt, au seul motif de l'absence de réinvestissement immédiat dans des biens similaires à ceux vendus. Ainsi, l'absence de preuve contraire, c'est-à-dire la perte du caractère professionnel, n'a pas à être apportée par le redevable et il ne peut lui être imposé aucune condition de remploi immédiat ou à terme. Au cas particulier, les ventes, dont provenaient les titres et liquidités détenus par une société, étaient intervenues depuis de nombreuses années.

Selon l'administration, s'agissant d'une présomption simple, le service peut, dans des cas exceptionnels, démontrer que ces liquidités et titres de placement ne sont pas nécessaires à l'accomplissement de l'objet social (instruction du 12 janvier 2005, BOI n° 7 S-1-05 N° Lexbase : X8035ACL). Cette preuve a été considérée comme rapportée par les juges dans une affaire examinée successivement par le tribunal de grande instance de Paris, la cour d'appel de Paris et la Cour de cassation (Cass. com., 8 février 2005, n° 03-12.421, F-D N° Lexbase : A6896DGI). La valeur comptable du portefeuille d'une société de conseil était comprise entre 8,9 millions de francs (1,3 millions d'euros) en 1989 et 6,9 millions de francs (1,05 millions d'euros) en 1994, soit, selon l'administration, hors de proportion avec l'activité sociale de la société, dont le chiffre d'affaires était compris entre 1,4 millions de francs (213 414 euros) en 1989 et 0,8 millions de francs (121 951euros) en 1994. Autrement dit, les titres de placement représentaient 6 à 7 fois le montant du chiffre d'affaires. De surcroît, ce portefeuille n'était pas utilisé pour couvrir les besoins de trésorerie, compte tenu d'un passif exigible à court terme de la société toujours inférieur au montant de ses créances. Enfin, l'activité de la société, conseil en industrie, ne nécessitait aucun investissement comme le confirmait la faiblesse de l'actif immobilisé. Ces constatations ont pu être jugées déterminantes par les juges successifs pour considérer que la preuve contraire à la présomption était apportée par le service des impôts. Cependant, il est permis de s'interroger sur la pérennité de cette jurisprudence dans la mesure où la Haute Juridiction a, dans sa décision du 18 mai, refusé de considérer que la preuve contraire à la présomption était rapportée, alors que la société disposait de très importantes liquidités. En l'espèce, une société en nom collectif, après avoir cédé son fonds de commerce d'hôtel, détenait des liquidités d'un montant de 95,5 millions de francs (14,6 millions d'euros). Ces liquidités avait été incorporées au capital sous l'intitulé "valeurs de placements". Pour écarter la présomption, le service invoquait une volonté insuffisante de la part de la SNC dans l'investissement des fonds, bien qu'un projet de réalisation d'un ensemble hôtelier n'ait pas abouti. Ce motif a été jugé impropre à renverser la présomption selon laquelle les valeurs de placements litigieuses étaient nécessaires aux investissements envisagés par la société dans le cadre de son activité commerciale. La décision du 8 février apparaît, donc, comme un arrêt d'espèce.

2.2. ...impossible ?

Aucune condition de remploi dans le temps n'étant imposée au redevable de l'impôt de solidarité sur la fortune, il est permis de s'interroger sur la possibilité même de rapporter la preuve contraire à la présomption. En effet, sauf à pouvoir démontrer que la société a renoncé définitivement à utiliser les liquidités qui proviennent de son activité dans un investissement productif conforme à son but social, il y a, dans ce principe de preuve contraire, une entorse à la règle de non immixtion par l'administration dans la gestion des sociétés. La question est d'importance puisque, dans son instruction du 12 janvier 2005, l'administration reconnaît que le fait que les valeurs réalisables à court terme ou disponibles de la société excèdent largement le passif à court terme ne constitue qu'un indice de l'absence de caractère non professionnel des liquidités, ce qui équivaut à reconnaître, implicitement, la liberté de gestion de l'entreprise. Or, on sait que ce principe de liberté de gestion interdit à l'administration de s'immiscer dans la gestion, hormis le cas de l'appréciation du caractère normal ou anormal des actes de gestion, actes qui ont une influence sur le résultat de la société. Apprécier le niveau de liquidités et de titres de placement nécessaire à une entreprise qui vient de céder des actifs pour continuer à poursuivre son objet social ne relève pas d'une gestion anormale. Il pourrait, ainsi, être prétendu que l'administration ne peut critiquer l'existence d'importantes liquidités pour contester le caractère professionnel des parts détenues par le redevable de l'ISF. L'administration n'a pas à être juge du montant de liquidités nécessaire à une société pour réaliser son objet social, hormis l'hypothèse qui était celle de l'affaire ayant donnée lieu à la décision du 8 février 2005, dans laquelle il était prétendu que la nature de l'activité ne nécessitait aucun investissement.

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