Jurisprudence : CE 7/9 SSR, 20-06-1984, n° 24403

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 24403

S.A. Société d'exploitation des établissements Lecapitaine

Lecture du 20 Juin 1984

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)



Sur le rapport de la 7ème Sous-Section


Vu la requête sommaire, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 22 mai 1980, et le mémoire complémentaire, enregistré le 29 juillet 1980 présentés pour la société d'exploitation des établissements Lecapitaine, société anonyme, dont le siège est à Saint-Lo (Manche), route de Thorigni, représentée par son président directeur général, et tendant à ce que le Conseil d'Etat 1°) annule le jugement du 11 mars 1980, par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie du chef des bénéfices réalisés au cours des exercices clos les 30 septembre 1969, 1970, 1971 et 1972; 2°) lui accorde la décharge des impositions contestées;


Vu le code général des impôts;


Vu le code des tribunaux administratifs;


Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953;


Vu la loi du 30 décembre 1977;


Vu la loi n° 83-1179 du 29 décembre 1983, portant loi de finances pour 1984, notamment son article 93-II.

Considérant que la société anonyme "Société d'exploitation des établissements Lecapitaine", qui exploite à Saint-Lô (Manche) une entreprise de carrosserie automobile industrielle, a versé à son président-directeur général et à son directeur général adjoint, au cours des exercices clos les 30 septembre 1969, 1970, 1971 et 1972, des rémunérations que l'administration a estimées excessives; qu'après avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, les bénéfices réalisés par la société au cours de ces exercices ont été rehaussés, conformément à l'avis de la commission, après qu'une partie de ces rémunérations eût été regardée comme ne constituant pas, en vertu des dispositions du 1-1° de l'article 39 du code général des impôts, des dépenses de personnel déductibles; qu'après rejet de ses prétentions par le tribunal administratif, la société persiste à soutenir devant le Conseil d'Etat que les rehaussements dont s'agit ne sont pas justifiés;


Sur le principe de l'imposition et la charge de la preuve:

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, qui est applicable, en vertu de l'article 209, aux sociétés passibles de l'impôt sur les sociétés: "1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment: 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire. Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations avantages en nature et remboursements de frais . . .";

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1651 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition concernées: "I. Le rapport par lequel l'administration soument le différend à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ainsi que tous les autres documents dont l'administration fait état auprès de cette commission pour appuyer sa thèse doivent être tenus à la disposition du contribuable intéressé au secrétariat de ladite commission pendant le délai de dix jours précédant la réunion de cette dernière, sous réserve du secret professionnel relatif aux renseignements concernant d'autres redevables, mais y compris les documents contenant des indications relatives aux bénéfices ou revenus de tiers, de telle manière qu'il puisse s'assurer que les points de comparaison retenus par l'administration visent bien des entreprises dont l'activité est comparable à la sienne . . .";

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, devant la commission départementale, l'administration a fait état d'éléments concernant le chiffre d'affaires ainsi que les résultats de diverses entreprises qu'elle estimait être des entreprises comparables à la société requérante; que, toutefois, les chiffres qu'elle a mentionnés dans son rapport ne corespondaient qu'à des moyennes établies à partir des éléments comptables dont elle avait connaissance en ce qui concerne les entreprises dont s'agit; qu'en ne précisant pas les noms des entreprises retenues comme éléments de comparaison - ce qu'elle aurait pu faire sans méconnaître le secret professionnel, dès lors qu'elle ne faisait état que le données moyennes-l'administration n'a pas mis en mesure la société requérante d'apprécier si les entreprises retenues étaient des entreprises dont la situation était comparable à la sienne; qu'ainsi, la procédure devant la commission départementale n'a pas revêtu un caractère contradictoire; que, par suite, l'avis de la commission n'étant pas opposable à la société requérante, l'administration supporte la charge de la preuve;


Sur le bien-fondé de l'imposition:

Considérant que, pour justifier les redressements qu'elle a opérés, l'administration indique que le président-directeur général de la société était avec sa femme, sa fille et son gendre, lequel était directeur général adjoint, propriétaire de la quasi-totalité du capital social et qu'au, cours des exercices clos les 30 septembre 1969, 1970, 1971 et 1972, la société requérante a versé globalement à ses deux dirigeants, MM. Lecapitaine et Bore, les sommes de 435 980 F, 334 728 F, 379 873 F et 390 071 F, y compris les avantages en nature; qu'elle soutient que ces rémunérations présentaient un caractère exagérés si on les rapproche de l'évolution du chiffre d'affaires de la société au cours de la période d'imposition, ainsi que des rémunérations qui étaient servies aux trois personnes les mieux payées de l'entreprise; qu'elle fait, en outre, valoir que les salaires versés à ces deux dirigeants représentaient, selong l'exercice, entre 41 % et 59 % des résultats calculés avant imputation de ces salaires et que des entreprises, selon elle comparables, versaient à leurs dirigeants, au cours de la même période, des rémunérations qui correspondaient à un pourcentage de leurs chiffres d'affaires notablement inférieur;

Considérant, qu'il résulte de l'instruction que les divers éléments chiffrés dont fait état l'administration ne suffisent pas à établir que les rémunérations versées par la société à ces deux dirigeants au cours des exercices dont s'agit avaient un caractère excessif, eu égard à l'importance du service rendu par chacun d'eux, alors qu'il n'est pas contesté que la prospérité de l'affaire est essentiellement due aux initiatives personnelles qu'ils ont prises dans la marche de l'entreprise, dans la recherche de débouchés et le développement de certaines techniques particulières, dont ils ont laissés la dispositon à cette entreprise, et qui ont assuré son succès, et que les deux dirigeants n'étaient assistés, à l'époque, que de trois personnes de qualification moyenne; qu'il suit de là que la société requérante est fondée à soutenir que les rémunérations dont s'agit devaient être regardées dans leur entier comme des charges déductibles; qu'ainsi, compte tenu des autres redressements dont elle a fait l'objet et qui ne sont pas contestés, la société requérante est en droit de prétendre à une réduction des bases d'imposition de 152 580 F au titre de l'année 1969, 105 328F au titre de l'année 1970, 136 973F au titre de l'année 1971 et 136 471 F au titre de l'année 1972;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort, que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

DECIDE

ARTICLE 1ER - Le jugement du tribunal administratif de Caen, en date du 11 mars 1980, est annulé.

ARTICLE 2. - Le bénéfice imposable de la société anonyme "société d'exploitation des établissement Lecapitaine" sera calculé, pour l'assiette des cotisations à l'impôt sur les sociétés duesau titre des années 1969, 1970, 1971 et 1972, sous déduction des sommes de, respectivement, 152 380F, 105 328 F, 136 973F et 136 141F.

ARTICLE 3. - Il est accordé à la société anonyme "Société d'exploitation des établissements Lecapitaine" déchargé de la différence entre le montant des droits assignes et celui qui résulte de l'article 2 ci-desus.

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