La lettre juridique n°116 du 15 avril 2004

La lettre juridique - Édition n°116

Contrats et obligations

[Jurisprudence] La protection légale contre les clauses abusives n'est pas applicable au contrat d'assurance accessoire à des prêts professionnels

Réf. : Cass. civ. 2, 18 mars 2004, n° 03-10.327, Caisse nationale de prévoyance assurances c/ M. Jean Fourcade, F-P+B (N° Lexbase : A6082DBU)

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N1224ABX

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par David Bakouche, Professeur agrégé des Facultés de droit

Le 07 Octobre 2010

Les loi du 10 janvier 1978 et, plus récemment, du 1er février 1995 (art. L. 132-1 du Code de la consommation N° Lexbase : L6478ABK) ont cantonné l'application de la législation consumériste de lutte contre les clauses abusives aux relations entre professionnels et "non-professionnels ou consommateurs". L'absence de définition légale a, très rapidement, suscité un certain nombre de difficultés que les tribunaux se sont efforcés, tant bien que mal, de résoudre. Ainsi a-t-on pu se demander si les notions de consommateur et de non-professionnel étaient synonymes ou bien si, au contraire, deux catégories de personnes différentes étaient visées. L'interrogation, loin de n'être que théorique, présentait un intérêt pratique considérable puisqu'il s'agissait, concrètement, de savoir si un professionnel qui contracte pour les besoins de son activité professionnelle, mais en dehors de sa sphère habituelle de compétence, pouvait bénéficier de la législation consumériste (sur cette question, voir notamment Ch. Jamin et D. Mazeaud, Les clauses abusives entre professionnels, Economica, coll. Etudes juridiques, 1998). La jurisprudence, après avoir retenu un critère subjectif tenant à la compétence du contractant (voir notamment Cass. civ. 1, 28 avril 1987, n° 85-13.674, Société anonyme Abonnement téléphonique c/ Société Pigranel N° Lexbase : A7486AAI, D. 1988, p. 1, note Ph. Delebecque) semble, depuis quelques années, préférer un critère plus objectif, écartant l'application du droit de la consommation toutes les fois que le contrat conclu a un rapport direct avec l'activité professionnelle du contractant (voir notamment, Cass. civ. 1, 24 janvier 1995, n° 92-18.227, Société Héliogravure Jean Didier c/ Electricité de France (EDF) N° Lexbase : A7947AGG, D. 1995, p. 327, note G. Paisant ; Cass. civ. 1, 3 janvier 1996, n° 93-19.322, Société Tourrès et Cie, Verrerie de Graville c/ Ville du Havre N° Lexbase : A9430ABU et Cass. civ. 1, 30 janvier 1996, n° 93-18.684, Crédit de l'Est c/ Société André Bernis et autre N° Lexbase : A6352AHQ, D. 1996, p. 328, note G. Paisant ; Cass. civ. 1, 5 novembre 1996, n° 94-18.667, Compagnie des téléphones et d'électronique du centre Centratel c/ Etablissements Boss N° Lexbase : A8613ABM, Bull. civ. I, n° 377 ; Cass. civ. 1, 22 mai 2002, n° 99-16.574, M. Jean-Luc Boutin c/ Banque La Henin, FS-P N° Lexbase : A6943AYS, Bull. civ. I, n° 143). La question du domaine d'application rationae personae continue, en tout cas, de générer un important contentieux (voir, récemment, Cass. civ. 1, 8 juillet 2003, n° 01-11.640, F-D N° Lexbase : A0999C9U), comme en témoigne encore une décision intéressante, publiée au Bulletin, de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation en date du 18 mars dernier.

En l'espèce, en contractant, en 1988, trois emprunts à caractère professionnel destinés à l'achat du droit d'occupation d'un local commercial, aux travaux d'aménagement de celui-ci et à l'achat de matériel, un individu avait adhéré à l'assurance de groupe souscrite par l'établissement financier en vue de garantir le remboursement de l'emprunt en cas de décès ou d'invalidité permanente et absolue. Or, ayant été placé en longue maladie, l'emprunteur a demandé à l'assureur l'exécution de la garantie qui lui a pourtant été refusée au motif que, pour pouvoir prétendre à la prise en charge des échéances du prêt, l'intéressé devait établir qu'il se trouvait, conformément aux exigences contractuelles, non seulement dans l'impossibilité de se livrer à aucune occupation ou activité rémunérée, mais encore dans l'obligation d'avoir recours à une tierce personne pour les actes ordinaires de la vie. Après le décès de l'assuré, ses héritiers ont poursuivi l'assureur en paiement en invoquant, notamment, le caractère abusif, au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, de la clause exigeant le recours à une tierce personne. La cour d'Agen a effectivement écarté l'application de la clause litigieuse considérée comme abusive, les juges du fond relevant qu'elle apparaissait "comme excessive dès lors qu'elle déséquilibre les obligations de l'assuré par rapport à celle de l'assureur et, dans les faits, vide de sa substance la garantie due par ce dernier par la limitation à l'excès de sa mise en oeuvre". La décision est cependant cassée au visa de l'article L. 132-1 du Code de la consommation - dans sa rédaction antérieure à la loi n° 95-96 du 1er février 1995 (N° Lexbase : L3301DAI). La Haute juridiction énonce en effet que "le contrat d'assurance était accessoire à des prêts professionnels souscrits [...] pour les besoins de l'exploitation d'un fonds de commerce, ce dont il s'évinçait qu'ils ne relevaient pas de la législation sur les clauses abusives applicable aux consommateurs".

Si, donc, la protection légale contre les clauses abusives est ici écartée, c'est parce que la clause litigieuse figure dans un contrat qui a un rapport direct avec l'activité professionnelle du contractant. Et s'il en va ainsi, c'est, plus exactement, parce que ce contrat est l'accessoire d'un contrat principal - en réalité d'une série de trois - qui, lui, a incontestablement un rapport direct avec l'activité professionnelle du contractant, le contrat ayant été conclu pour les besoins de l'exploitation d'un fonds de commerce. Autrement dit, puisque le contrat principal avait un caractère - ou une destination - professionnel, le contrat accessoire était, dans l'esprit de la Cour de cassation, lui aussi nécessairement conclu entre professionnels, l'accessoire était ce "qui est lié à un élément principal mais distinct et placé sous la dépendance de celui-ci, soit qu'il le complète, soit qu'il n'existe que pour lui" (G. Cornu, Vocabulaire juridique H. Capitant, v° " Accessoire "). Il y avait donc là ce que certains appellent un ensemble contractuel, c'est-à-dire des contrats qui, tout en conservant leur identité propre, poursuivent la réalisation d'une seule et même opération globale (sur cette question, voir notamment F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Droit civil, Les obligations, Précis Dalloz, 8ème éd., n° 348). Or, en raison de l'indivisibilité (voir notamment, à ce propos, J. Moury, "De l'indivisibilité entre les obligations et entre les contrats", RTDCiv. 1994, p. 255 ; J.-B. Seube, L'indivisibilité et les actes juridiques, th. Montpellier, 1999, n° 167 et s. ; S. Amrani-Mekki, "Indivisibilité et ensemble contractuels ; l'anéantissement en cascade des contrats", Defrénois 2002, p. 355) ou de l'interdépendance existant entre les contrats (sur cette notion, voir S. Bros, L'interdépendance contractuelle, th. Paris II, 2001), le fait que le contrat principal soit à vocation professionnelle, ce qui excluait l'application du droit de la consommation, devait rejaillir su le contrat accessoire. Autrement dit, pour savoir si une clause est abusive au sens du droit de la consommation, il ne faut pas se contenter d'examiner de façon isolée le contrat qui la contient ; il faut rechercher si ce contrat ne s'inscrit pas dans une opération plus large et s'il ne dépend pas d'un autre contrat dont il ne serait que l'accessoire, ce qui suppose, enfin, de déterminer si le contrat principal répond au critère personnel d'application de la protection consumériste contre les clauses abusives.

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Table des matières

"L'éco-fiscalité de droit divin"

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N1288ABC

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L'éco-fiscalité de droit divin" - par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction">

par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

Le 07 Octobre 2010


"La Bible nous dit : Dieu donne le monde, l'univers et le cosmos à l'homme pour qu'il les régisse et les domine, ça nous donne l'écologie" - Monseigneur Lustiger. Pourtant, si certains annoncent le retour de "Dieu" dans notre société, on ne peut pas dire que le respect de l'environnement soit au coeur de nos préoccupations quotidiennes, ni de celles de nos gouvernants successifs. Les politiques environnementales demeurent, à vrai dire, poussives et la fiscalité, bras séculier de l'ordre public dirigiste, peu imaginative. Une fois le principe du "pollueur-payeur" énoncé, que reste t'il du changement tant attendu de nos comportements ? Des premières redevances sur l'eau à la TIPP, en passant par la TGAP, cette éco-fiscalité siglée est tant et si bien intégrée dans nos habitudes de consommation (entreprises et particuliers confondus), qu'il ne nous reste plus qu'à se tourner vers la fiscalité incitative, celle des réductions et crédits d'impôt en tout genre, pour espérer un "sursaut citoyen". Cependant, à problème planétaire, la solution pourrait bien venir de l'Union européenne, qui par des moyens détournés, sachant le terrain miné, tente d'inscrire dans l'inconscient collectif européen une harmonisation des normes écologiques au programme de la construction européenne. Aussi, Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose, cette semaine, un point sur la fiscalité au service de l'environnement. Ne seront traitées que les principales redevances et autres taxes dites "écologiques", pour envisager la solution européenne. Les mesures d'encouragement au respect de l'environnement feront l'objet, quant à elles, d'un prochain article.

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Fiscalité des entreprises

[Jurisprudence] Cheval dressé, cheval d'occasion

Réf. : CJCE, 1er avril 2004, aff. C-320/02, Förvaltnings AB Stenholmen c/ Riksskattever ket (N° Lexbase : A6540DBT)

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N1268ABL

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par Yolande Sérandour, Professeur à la Faculté de droit de Rennes, Directrice du Master de Droit Fiscal des Affaires de Rennes et du département Droit fiscal du CDA

Le 07 Octobre 2010


Des animaux vivants en général et des chevaux en particulier peuvent-ils être considérés comme des biens d'occasion lorsqu'ils sont revendus par un assujetti qui les a acquis pour les revendre? La question ne se pose pas à l'égard des animaux inscrits en comptabilité comme un moyen d'exploitation destiné à rester durablement dans l'exploitation. En effet, outils de production au même titre qu'un matériel de fabrication, leur qualité de biens usagés ne fait aucun doute. Leur éventuelle revente relève de la TVA si leur acquisition a donné lieu à déduction de la TVA ayant grevé le prix d'achat (6ème directive TVA, art. 20-2 et s. N° Lexbase : L9279AU9 transposé sous CGI, art. 261-3-1°a, al. 2 N° Lexbase : L4596AAH). S'agissant des animaux non immobilisés, achetés en vue de leur revente auprès d'une personne non habilitée à facturer de la TVA, sans application d'une exonération légale, le revendeur s'expose-t'il à la TVA sur le prix total ou sur la marge? Le dressage peut-il influencer la qualification de bien d'occasion dont la cession relève de la TVA sur la marge ? A cette question, la CJCE vient d'apporter, le 1er avril 2004, la réponse suivante : d'une part, "les animaux vivants peuvent être considérés comme des biens d'occasion au sens [de l'article 26 bis de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977]" ; et d'autre part, "peut ainsi être considéré comme un bien d'occasion au sens de cette disposition un animal acheté à un particulier (autre que l'éleveur), qui est revendu après avoir été dressé pour une utilisation spécifique". L'article 26 bis, A, d de la 6ème directive définit les biens d'occasion comme "les biens meubles corporels susceptibles de remploi, en l'état ou après réparation". En sorte que si le dressage d'un animal ne le transforme pas en un bien nouveau, cette intervention sur un animal devenu bien d'occasion (1) équivaut à une réparation (2).

1. L'animal devenu un bien d'occasion

Une société envisageait d'acheter de jeunes chevaux à des particuliers, de les dresser pour en faire des chevaux de selle et de les revendre ensuite. Afin de connaître précisément les conséquences fiscales de l'activité envisagée, la société avait posé la question suivante à l'administration fiscale suédoise : "un cheval - acheté à un particulier (autre que l'éleveur) en tant que jeune cheval non formé et revendu après avoir fait l'objet d'un dressage de cheval de selle - doit-il être considéré comme un bien d'occasion au moment de la revente, ce qui permettrait d'appliquer le régime d'imposition de la marge bénéficiaire" ? Afin d'appliquer correctement la 6ème directive TVA, la cour administrative suprême suédoise a saisi la CJCE en lui posant la première question préjudicielle suivante : "un animal peut-il être considéré comme un bien d'occasion" ? La question de savoir ce que vise l'expression "biens d'occasion" ne semble pas avoir déjà été soumise à l'appréciation de la CJCE.

En langage courant, un bien d'occasion s'entend d'une chose ayant déjà servie. L'article 26 bis, A, d de la 6ème directive va dans le même sens en définissant les biens d'occasion comme "les biens meubles corporels susceptibles de remploi, en l'état ou après réparation". Le remploi présuppose une utilisation antérieure. Il s'ensuit que la qualité de bien d'occasion de l'objet en cause doit être appréciée lors de l'acquisition de ce dernier par le revendeur. Cela sous tend que le précédent propriétaire a utilisé la chose dans le cadre d'une activité professionnelle ou privée, comme une immobilisation. En l'espèce, le dresseur souhaitait acquérir des jeunes chevaux auprès de particuliers autres que des éleveurs. Le libellé de la question posée par le dresseur laisse supposer qu'il excluait de se fournir auprès d'éleveurs professionnels soumis à la TVA. Dans le cas contraire, l'intéressé aurait payé de la TVA à ses fournisseurs de jeunes chevaux et l'aurait imputée sur la TVA facturée obligatoirement sur le prix de revente de ces chevaux (le régime de taxation sur la marge est réservé aux biens achetés sans TVA, 6ème directive, art. 26 bis-B-2). En se fournissant chez des particuliers, le dresseur entendait, d'une part, ne pas supporter la TVA sur ses acquisitions et, d'autre part, acquitter la TVA sur la seule différence entre le prix de revente et le prix d'achat. Parvenir à ce but présupposait de voir qualifier les animaux revendus de biens d'occasion.

Deux hypothèses se présentent. La première vise l'acquisition d'un poulain par un particulier en tant que tel, en vue d'une jouissance personnelle, puis sa revente à un assujetti-revendeur. La deuxième hypothèse concerne la vente, par un particulier, en tant que tel, du croît d'une jument. Dans les deux cas, si le particulier n'exerce pas réellement une activité habituelle d'acheteur-revendeur ou d'éleveur, la vente occasionnelle du jeune cheval échappe à la TVA. Pour autant, réalise t'il une vente d'un bien d'occasion ? En qualité de particulier, il ne tient pas de comptabilité. Aussi, est-il impossible de distinguer, parmi ses biens, les choses corporelles immobilisées (usagées), des biens corporels neufs ou d'occasion destinés à la commercialisation. S'agissant d'un particulier, ses biens ne peuvent qu'être destinés qu'à son usage personnel. Aussi, la seule présence du poulain dans le patrimoine du particulier avant sa revente permet d'admettre qu'il s'agit d'une cession de bien usagé.

Cette analyse permet surtout d'atteindre l'objectif assigné au régime des assujettis-revendeurs : éviter des distorsions de concurrence entre les assujettis dont l'activité porte sur l'achat et la revente de biens d'occasion (§ 8 et 25). Le risque d'inégalité existe dans la mesure où celui qui n'a pas récupéré la TVA lors de l'acquisition initiale tente de l'inclure dans le prix de revente au détriment de l'acquéreur du bien usagé. En effet, si l'assujetti-revendeur peut récupérer la TVA supportée lors de son achat par imputation sur la TVA due sur le prix de revente, la TVA non facturée mais incluse dans le prix d'achat n'est pas récupérable. Le raisonnement ne vaut que si l'assujetti-revendeur ne se trouve pas en situation de négocier un prix prenant en considération les conséquences de la TVA. Cette seule éventualité fait peser un risque de rupture d'égalité entre les professionnels en biens d'occasion et porte en germes une atteinte au principe de neutralité. Or, la 6ème directive TVA vise à instaurer une saine concurrence entre les opérateurs économiques. Prévenir de tels inconvénients présupposait de distinguer entre les biens usagés acquis avec TVA facturée et ceux excluant une telle facturation. Tel est l'objet de l'article 26 bis de la 6ème directive TVA, transposé en France sous les articles 297 et suivants du CGI . De plus, le système de taxation sur la marge permet de limiter l'assiette de la TVA à la valeur ajoutée, seule base d'imposition admissible pour une taxe sur la consommation. En l'espèce, cette valeur ajoutée réside dans le dressage de jeunes chevaux. La CJCE vient ainsi assimiler le dressage à la réparation d'un objet inanimé.

2. Le dressage devenu une réparation

La TVA ne frappe que la seule valeur ajoutée conférée au produit par chaque intervenant dans le cycle économique concerné. Si les règles de TVA applicables au marché des biens d'occasion ne permettaient pas de distinguer selon que la TVA est ou non déductible, une même valeur ajoutée serait définitivement imposée plusieurs fois. Illustrons par un exemple simple : soit un bien fabriqué, acquis en France pour 1 000 euros HT (1 196 euros TTC) par un professionnel, revendu en France pour 2 000 euros HT (2 392 euros TTC) à un assujetti-revendeur 13 mois plus tard puis cédé immédiatement en France à un particulier pour 3 000 euros, prix du marché TTC (2508,25 euros HT). Le premier acquéreur a acquitté et déduit 196 euros de TVA. Le second a supporté et récupéré 392 euros de TVA. Le dernier titulaire étant le consommateur final, il a versé 491,61 euros de TVA (3 000 x 16, 387 % ou 2 508,25 x 19,6 %) sans pouvoir la récupérer. Il subit définitivement la TVA frappant la valeur ajoutée, en l'occurrence : 1 000 euros (la fabrication) + 1 000 euros (la marge du 1er acquéreur) + 508,25 euros (la marge du 2e acquéreur). Conservons les mêmes prix de vente TTC en supposant que le premier acquéreur était un particulier et que l'assujetti-revendeur doit facturer la TVA sur le prix de revente. Le premier acquéreur a payé, sans la déduire, 196 euros de TVA. Le second, s'il a acquitté un prix égal à celui grevé de TVA, n'a pu imputer aucune taxe. Le dernier a définitivement supporté 491,61 euros de TVA. Comparée à la première hypothèse, cette seconde engendre un supplément de TVA ayant effectivement frappé la circulation du bien en cause de 196 euros. Cela correspond exactement au taux de la TVA appliqué à la première valeur ajoutée. En sorte que celle-ci est frappée de TVA deux fois. Le système d'imposition des assujettis-revendeurs sur la marge évite cette anomalie (§25).

S'agissant des dresseurs également assujettis-revendeurs, le maintien de ce système oblige à assimiler le dressage à une réparation. Eu égard à la définition communautaire d'un bien d'occasion, le jeune cheval revendu après dressage n'est pas une chose acquise en vue d'un remploi en l'état. Il a bénéficié d'une amélioration que la CJCE analyse comme une réparation afin de maintenir le système de taxation sur la marge. Pourtant, la réparation s'entend de la remise en état de fonctionnement. Elle doit permettre de restaurer les facultés initiales. Tel n'est pas le cas du dressage, lequel a pour but de doter l'animal d'un potentiel supplémentaire. Le dressage transforme un animal. Aussi était-il envisageable de voir la fin de ce dressage comme marquant l'acquisition d'un nouveau bien soumis au régime des livraisons à soi-même (6ème directive TVA, art. 5-7). Ce régime prévoit que les Etats membres peuvent organiser la taxation, notamment, de la transformation d'un bien professionnel pour les besoins de l'entreprise, si l'acquisition d'un tel bien auprès d'un fournisseur n'ouvre pas droit à déduction complète de la TVA facturée. La déduction étant subordonnée à l'affectation des dépenses aux opérations imposables , le dressage d'un animal stocké n'emporterait aucune taxation. En effet, si le dressage transforme l'animal non dressé en bien nouveau, sa vente par un professionnel relève de la TVA, justifiant ainsi la déduction de toute la TVA ayant grevé son prix de revient. Néanmoins, devenu bien nouveau, la cession du cheval dressé serait entièrement imposable. Le problème précédemment évoqué, relatif à la double imposition de la valeur initiale se poserait. Aussi, est-ce de bonne politique fiscale que de considérer le jeune cheval vendu par un particulier comme un bien d'occasion et de ne pas lui retirer cette qualité après son dressage ?

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Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] L'entretien préalable en dehors du temps de travail

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N1272ABQ

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par Chrystelle Alour, Rédactrice en droit social

Le 07 Octobre 2010

Décision

Cass. soc., 7 avril 2004, n° 02-40.359, M. Laurent Robène c/ Association de formation pour la coopération et la promotion professionnelle méditerranéenne (ACPM), FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A8066DBD)

Rejet de CA Nîmes, 21 novembre 2001

Texte visé : C. trav., art. L. 122-14 (N° Lexbase : L5565AC4)

Licenciement ; entretien prélable ; lieu de travail ; procédure de licenciement

Lien base :

Faits

Un salarié est licencié pour insuffisance professionnelle et perte de confiance. Il conteste la mesure au motif que l'entretien préalable aurait été fixé un jour où il ne travaillait pas, alors que, selon lui, la loi impose "que cet entretien ait lieu pendant la durée et à l'époque du travail". Pour le salarié, ce fait constitue une irrégularité de procédure. Ce n'est pas l'avis de la Cour de cassation.

Solution

"Mais attendu que la convocation du salarié à l'entretien préalable en dehors du temps de travail ne constitue pas une irrégularité de procédure ; qu'il peut seulement prétendre à la réparation du préjudice subi.

La cour d'appel qui a relevé par motif adopté que le temps passé à l'entretien préalable lui avait été payé comme temps de travail, a rejeté à bon droit la demande du salarié".

Commentaire

1. Le silence de l'article L. 122-14 sur le lieu et le moment de l'entretien préalable

Comme chacun sait, la procédure de licenciement est rigoureusement encadrée par les textes. L'employeur qui envisage une telle mesure doit convoquer le salarié à un entretien préalable. Cette convocation doit être effectuée par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise en mains propres contre décharge (C. trav., art. L. 122-14 N° Lexbase : L5565AC4).

Une telle exigence permet de garantir le caractère contradictoire de la procédure. A cet égard, la loi prévoit l'assistance du salarié par un conseiller de son choix. Pour une meilleure protection, l'entretien ne doit pas se dérouler moins de cinq jours ouvrables après la présentation au salarié de la lettre ou sa remise en mains propres, lorsque l'entreprise ne compte pas de représentants du personnel...le temps de laisser au salarié le soin de préparer sa défense. En outre, la lettre doit indiquer l'objet de l'entretien.

De son côté, l'article R. 122-2-1 (N° Lexbase : L9013ACS) encadre l'organisation de ce rendez-vous. La lettre doit ainsi préciser la date, l'heure et le lieu de cet entretien. Mais cette formulation est source de conflit car le texte ne dit pas si l'entretien doit se dérouler sur le lieu et pendant le temps de travail.

Dans une affaire où l'employeur avait convoqué les salariés au siège de la société, et non sur leur lieu de travail, la Cour de cassation avait cassé l'arrêt d'appel qui avait jugé qu'une telle modalité était constitutive d'une irrégularité de procédure. En statuant ainsi, selon la Haute juridiction, les juges du fond ajoutaient à l'article L. 122-14 du Code du travail (N° Lexbase : L5565AC4) une obligation qu'il ne prévoyait pas (Cass. soc., 3 octobre 1995, n° 94-40.995, Société Générale de Services c/ Mme Arbia Dridah, inédit N° Lexbase : A2715AGN).

Cette position n'autorise toutefois pas l'employeur à fixer librement le lieu de rendez-vous. Ainsi, le lieu de l'entretien préalable est en principe celui où s'exécute le travail ou celui du siège social de l'entreprise. Un employeur ne peut donc valablement convoquer un salarié à Tours, alors que son lieu de travail comme le siège de l'entreprise se situent à Versailles (Cass. soc. 9 mai 2000, n° 97-45.294, M Bourgin c/ Société Socogest, publié N° Lexbase : A4912AGZ).

Quant au moment de l'entretien, les décisions sont plus rares. Toutefois, la Cour de cassation a eu l'occasion de préciser que la convocation d'un salarié à temps partiel un autre jour de la semaine que celui où il exerçait son activité constituait une irrégularité de procédure donnant droit à dommages intérêts (Cass. soc., 9 avril 1992, n° 91-41.169, Mme Guilbert c/ SA Combustibles de Normandie, inédit N° Lexbase : A2327AGB).

Dans les deux décisions précitées, la méconnaissance par l'employeur des dispositions protectrices avait donné lieu à sanction pour irrégularité de procédure.

Mais, dans l'arrêt du 7 avril 2004, la Cour de cassation modifie son approche. La convocation d'un salarié en dehors de son temps de travail ne constitue plus une irrégularité de procédure. Elle cause toutefois au salarié un préjudice qui doit être réparé.

2. La réparation du préjudice

Comme le montre l'arrêt du 7 avril 2004, les manquements de l'employeur dans l'organisation de l'entretien préalable ne relèvent pas tous de l'irrégularité de procédure.

La sanction pour irrégularité de procédure est encourue en cas de non-respect de la lettre du texte. A ce titre, il est bien évident qu'une conversation téléphonique ne saurait remplacer l'entretien préalable prévu par l'article L. 122-14 (Cass. soc., 14 novembre 1991, n° 90-44.195, Mme Macé c/ Mme Colangello, inédit N° Lexbase : A3758AAG). Une réparation sur un tel fondement a également lieu lorsque l'intention dolosive de l'employeur se révèle dans la fixation de la date ou du lieu de rendez-vous. Un chef d'entreprise a ainsi été condamné pour avoir volontairement mis un salarié dans l'impossibilité de se présenter à l'entretien préalable (Cass. soc., 1er février 2001, n° 98-45.784, Société Districuir Cuir Center c/ M.Yannick Lecomte, inédit N° Lexbase : A9600ASD).

En revanche, la procédure est régulière lorsque l'employeur conduit correctement la procédure, mais que pour des raisons pratiques, il convoque le salarié en dehors de son temps de travail. Ainsi, l'arrêt du 7 avril 2004 ne fonde pas la réparation du salarié sur l'irrégularité de la procédure de licenciement. Une condamnation sur un tel fondement ajouterait une condition qui ne figure pas dans l'article L. 122-14. Notons, à ce titre, que la décision ne présente pas cet article dans son visa.

Il reste que le salarié doit être indemnisé, car la Cour estime que la fixation de l'entretien préalable en dehors du temps de travail lui cause un préjudice.

La décision a le mérite de résoudre d'emblée les interrogations que pourrait susciter l'évaluation du préjudice, puisqu'elle admet que le paiement comme temps de travail du temps passé à l'entretien constitue une réparation valable : une solution qui allie le respect du caractère contradictoire de la procédure de licenciement avec des préoccupations d'ordre pratique. On s'étonnera peut-être que la rémunération de ce temps de travail prenne ici la figure d'une indemnité.

newsid:11272

Sociétés

[Textes] A propos de l'ordonnance n° 2004-274 du 25 mars 2004 : l'évolution du droit des SARL (première partie)

Réf. : Ordonnance n° 2004-274 du 25 mars 2004 portant simplification du droit et des formalités pour les entreprises (N° Lexbase : L4315DPI)

Lecture: 13 min

N1232ABA

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par Jean-Philippe Dom, Maître de conférences à l'Université de Caen

Le 07 Octobre 2010


Par une série de textes (ordonnance n° 2004-274 du 25 mars 2004 N° Lexbase : L4315DPI ; décret n° 2004-275 du 25 mars 2004 N° Lexbase : L4314DPH ; ordonnance n° 2004-279 du 25 mars 2004 N° Lexbase : L9555DQX ; ordonnance n° 2004-280 du 25 mars 2004 N° Lexbase : L5293DST ; ordonnance n° 2004-281 du 25 mars 2004 N° Lexbase : L9556DQY), le pouvoir exécutif a mis en oeuvre la délégation qui lui avait été octroyé par le pouvoir législatif aux fins, notamment, de simplifier le droit des sociétés (loi n° 2003-591, 2 juillet 2003, habilitant le Gouvernement à simplifier le droit, art. 26 N° Lexbase : L6771BHA). Le droit des sociétés à responsabilité limitée se trouve modifié en profondeur par les dispositions du chapitre III de l'ordonnance n° 2004-274. Pour autant, l'ambiguïté de la nature de l'engagement qui lie les associés d'une SARL est maintenue. En effet, on classe généralement la SARL parmi les sociétés de capitaux (1). Néanmoins, contrairement aux sociétés par actions, les SARL ne sont plus tenues d'avoir un capital minimal et connaissent des conditions d'agrément qui ne vont pas sans rappeler celles des sociétés de personnes. Cela peut laisser penser que, dans les SARL, la personne des associés ou des dirigeants et les garanties que ceux-ci peuvent apporter importent plus que le capital social, gage des créanciers. Peut-être faut-il voir là un nouveau pas de la réglementation française dans la quête d'une plus grande attractivité par rapport au droit national des autres Etats membres de l'Union Européenne ? Quatre importantes questions peuvent être dégagées. En premier lieu, les modes de financement de l'activité de ces sociétés sont plus ouverts. En deuxième lieu, la direction des SARL est assouplie. En troisième lieu, l'agrément des associés entrants est également aménagé. En quatrième et dernier lieu, le mouvement de dépénalisation du droit des sociétés, déjà largement engagé depuis les réformes effectuées par la loi relative aux nouvelles régulations économiques (2), la loi pour l'initiative économique (3) et la loi de sécurité financière (4), trouve un nouveau prolongement.

Section 1 : Le financement

Outre l'aménagement de la demande de remboursement des apporteurs (5) en cas de défaut de constitution de la SARL dans un délai de six mois à compter du premier dépôt de fonds, ou si elle n'est pas immatriculée au registre du commerce et des sociétés dans le même délai (C. com., art. L. 223-8), l'amélioration du financement des SARL se fait de façon notable à deux points de vue. En premier lieu, le législateur offre la faculté à ces sociétés de recourir à l'émission d'emprunts obligataires (6). En second lieu, il les autorise à élargir la répartition du capital social jusqu'à cent associés (7).

§ 1 L'émission d'emprunts obligataires

Tout en maintenant la prohibition du recours à l'appel public à l'épargne dans les SARL (C. com. art. L. 223-11 N° Lexbase : L5836AIY), le législateur permet maintenant à cette forme de société d'émettre des emprunts obligataires. Jusqu'alors, les SARL ne pouvaient pas émettre de titres négociables (C. com., art. L. 223-12 N° Lexbase : L5837AIZ pour les parts sociales) ; dorénavant, il en va différemment, l'obligation étant, par nature, un tel titre (C. com., art. L. 228-38 N° Lexbase : L9913DNH). Cette faculté d'émettre des obligations est accordée par l'article L. 223-11 du Code de commerce. Ce texte définit les conditions et le régime de l'émission et renvoie au droit commun des obligations pour préciser le statut des obligataires.

A - Les conditions de l'émission

Deux conditions sont requises pour qu'une SARL puisse émettre des obligations :

  1. la société doit être tenue, en vertu de l'article L. 223-35 (N° Lexbase : L5860AIU), de désigner un commissaire aux comptes ;
  2. les comptes des trois derniers exercices de douze mois doivent avoir été régulièrement approuvés par les associés.

Selon nous, ces deux conditions sont cumulatives, mais il n'est pas nécessaire qu'un commissaire aux comptes ait été désigné pendant les trois derniers exercices approuvés pour que l'émission puisse avoir lieu.

Suivant la première condition, la société doit être tenue de désigner un commissaire aux comptes. L'émission d'obligations ne peut donc pas être envisagée lorsqu'un commissaire aux comptes est nommé conventionnellement par la société. Aux termes de l'article L. 223-35 du Code de commerce, les associés ont l'obligation de désigner un commissaire lorsque la société dépasse, à la clôture de l'exercice social, deux des trois seuils suivants, déterminés par l'article 12 du décret n° 67-236 du 23 mars 1967 ([LXB=L2353AHM ]) :

  • 1 550 000 euros pour le total du bilan ;
  • 3 100 000 euros pour le montant hors taxe du chiffre d'affaires ;
  • cinquante salariés (nombre moyen de salariés au cours de l'exercice).

Suivant la seconde condition, les comptes des trois derniers exercices de douze mois doivent avoir été régulièrement approuvés. Cette condition distingue nettement les SARL des sociétés par actions. Pour ces dernières, depuis la loi n° 2001-420, du 15 mai 2001, relative aux nouvelles régulations économiques, il n'est plus nécessaire à une société par actions d'avoir au moins deux années d'existence et d'avoir approuvé deux bilans pour émettre des obligations (C. com., art. L. 228-39 N° Lexbase : L6214AIY). En effet, avant que deux bilans régulièrement approuvés aient été établis par la société, l'émission est possible, mais elle doit être précédée d'une vérification de l'actif et du passif dans les mêmes conditions que s'il y avait un apport en nature (C. com., art. L. 228-39, al. 1er qui renvoie à C. com., art. L. 225-8 N° Lexbase : L5879AIL et L. 225-10 N° Lexbase : L5881AIN).

Les exercices doivent être de douze mois, on ne peut prendre en considération des exercices écourtés, et doivent avoir été approuvés par l'assemblée générale annuelle des associés.

B - Le régime de l'émission

L'émission d'obligations est décidée par l'assemblée générale des associés "conformément aux dispositions applicables aux assemblées générales d'actionnaires". Ce renvoi sans précision au droit des sociétés par actions peut laisser quelque peu perplexe l'interprète.

En effet, on pourrait au premier abord considérer que ce renvoi très imprécis désigne en réalité les articles L. 228-40 (N° Lexbase : L6215AIZ) et L. 228-41 (N° Lexbase : L6216AI3) du Code de commerce qui précisent que seule l'assemblée a qualité pour décider ou autoriser l'émission d'obligations et précise les modalités d'une délégation aux organes de direction. Cependant, ces textes voient leur application expressément exclue par l'article L. 223-11, alinéa 2.

Dès lors, il faut considérer que l'on est en présence d'un renvoi implicite à l'article L. 225-100, alinéa 5, du Code de commerce (N° Lexbase : L5971AIY) suivant lequel l'assemblée générale ordinaire des actionnaires d'une société anonyme "autorise les émissions d'obligations".

Au cas particulier, on peut s'interroger sur l'utilité d'un tel renvoi. D'une part, l'émission d'obligations est en effet un acte d'emprunt. Celui-ci ne tend pas à modifier les statuts et ne requiert, comme tel, qu'une décision prise par la majorité des associés. D'autre part, on se gardera bien de sombrer dans un bien inutile "juridisme" tendant à voir dans ce renvoi une exigence du législateur de se conformer, dans les SARL, aux conditions d'information des actionnaires, de déroulement et de vote de l 'assemblée par référence au droit des sociétés anonymes. Les assemblées de SARL ont leur propre régime (C. com., art. L. 223-26 et s. N° Lexbase : L5851AIK), il ne saurait être question que celui des SA s'y trouve substitué.

La société doit mettre à la disposition des souscripteurs une notice relative aux conditions de l'émission et un document d'information selon les modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. Ces éléments seront destinés à éclairer le consentement des prêteurs.

Enfin, à moins que l'émission ne soit faite par une société de développement régional ou que l'on soit en présence d'une émission d'obligations bénéficiant de la garantie subsidiaire de l'Etat, il est interdit à une société à responsabilité limitée de garantir une émission de valeurs mobilières. La sanction est celle de la nullité de la garantie. La différence est ici remarquable avec l'article L. 225 -100 du Code de commerce qui donne à l'assemblée générale des actionnaires le pouvoir de constituer les sûretés particulières à conférer aux emprunts obligataires.

C - Le statut des obligataires

Les obligations détenues sont nominatives. Il ne peut donc s'agir de titres au porteur. En pratique, les titres nominatifs seront inscrits sur un compte tenu par la personne morale émettrice.

Pour le reste, le droit des sociétés par actions est pleinement applicable. Les obligataires d'une SARL auront donc droit aux intérêts de l'emprunt et au remboursement du capital. Ils bénéficieront de protections spéciales en cas de procédure collective affectant la société. Chaque emprunt donnera lieu à la création d'une masse des obligataires dotée de la personnalité juridique. Celle-ci assurera de façon collective la protection des obligataires. Au sein de la masse, chaque obligataire disposera d'un droit d 'information et d'un droit de vote. La masse ne donnera qu'un avis sur les opérations capables de nuire indirectement à la condition des obligataires : en cas de fusion, de transformation ou de scission par exemple. La société pourra passer outre cet avis. Cependant, en ce cas, elle devra rembourser les obligataires qui le souhaiteront dans un délai de trois mois. Sauf à l'unanimité, elle ne peut pas accroître les charges des obligataires, ni établir un traitement inégal entre les obligataires d'une même masse.

§ 2 L'élargissement à cent du nombre des associés

L'ordonnance a également modifié l'article L. 223-3 du Code du commerce (N° Lexbase : L5828AIP), en augmentant, notamment, le nombre maximal d'associés qui passe de cinquante à cent. Cette modification des caractéristiques s'inscrit dans une volonté du législateur de simplifier le fonctionnement de la SARL. La sanction qui découle du dépassement de ce seuil a également été assouplie. Désormais, en cas de dépassement, les associés ont un an au lieu de deux auparavant, pour revenir au seuil légal du nombre d'associés ou pour transformer la société dans la forme sociale la plus adaptée, à défaut la société est dissoute. La société n'a plus à être transformée obligatoirement en société anonyme, bien que certains auteurs suggéraient déjà qu'il était possible d'adopter une autre forme sociale (société en commandite simple ou par actions) (7), les associés décidant de la nouvelle forme sociale.

Les discussions autour de la limitation du nombre d'associés de la SARL ne sont pas nouvelles. Le sénateur Marini, dans son rapport au Premier ministre, en 1996, avait proposé d'abroger l'article L. 223-3 du Code de commerce afin de supprimer le plafond légal du nombre d'associés. Selon le sénateur, "cette disposition est de nature à constituer un frein à l'investissement mais aussi à gêner des sociétés qui, bien qu'ayant conservé un caractère familial, ont vu leur capital se diluer au fil du temps" (8). Il faut souligner que cette idée n'est pas récente, dans la loi du 7 mars 1925 d'inspiration allemande, qui a introduit la société à responsabilité limitée dans la législation française, aucune limitation du nombre maximal d'associés n'était imposée. Celle-ci a été introduite par l'article 36 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 (N° Lexbase : L6226AH3), le plafond ayant été fixé à cinquante.

Ainsi, le législateur n'a pas totalement suivi la proposition de suppression du plafond légal, mais l'a augmenté à cent. On peut s'interroger sur l'intérêt d'une telle limitation. En effet, on peut douter de la conservation du caractère intuitu personae de la société avec un maximum de cent associés, argument pourtant avancé par le législateur (9). Néanmoins, avec cette augmentation de seuil, l'objectif principal est que la société obtienne un financement supplémentaire avec l'entrée de nouveaux associés. Les sociétés à responsabilité limitée qui aspirent à se développer, mais qui étaient limitées par le nombre maximal d'associés et qui ne souhaitaient pas se transformer en société anonyme en raison de la lourdeur de son fonctionnement, pourront désormais recueillir les investissements nécessaires à leur expansion par l'entrée de nouveaux associés.

De plus, l'augmentation du nombre d'associés aura un impact par rapport au fonctionnement de la société, également modifié par le changement des formalités des parts sociales (voir infra). En effet, celle-ci pourra permettre de "diluer" certains associés minoritaires.

La modification de l'article L. 223-3 du Code du commerce aura donc, des répercussions sur la vie sociale de la SARL.

Section 2 : Le gérant

Les nouveaux textes modifient le statut et le domaine de compétence du gérant de SARL (11).

§ 1 Le statut

D'une part, afin d'éviter tout risque de blocage institutionnel, en cas de décès du gérant unique, le commissaire aux comptes ou tout associé convoque l'assemblée des associés à seule fin de procéder au remplacement du gérant.

D'autre part, le gérant peut être révoqué par décision des associés dans les conditions de l'article L. 223-29 du Code de commerce (N° Lexbase : L5854AIN). Comme auparavant, il faut donc, sur première convocation, qu'une décision soit prise par un ou plusieurs associés représentant plus de la moitié des parts sociales. Mais, ce que ne permettait pas l'ancienne rédaction de l'article L. 223-25 du Code de commerce ([LXB=L5850AII ]), sur deuxième convocation, il suffit qu'une majorité simple se dégage, sans condition de quorum. Les statuts peuvent, en outre, prévoir une majorité plus forte. Les associés vont donc pouvoir définir beaucoup plus librement qu'auparavant les modalités d'adéquation entre la majorité d'entre eux et leur représentation auprès des tiers. Ont ainsi disparu les rigidités de l'ancien texte qui réputait non écrite toute clause contraire au principe de révocation par décision des associés représentant plus de la moitié des parts sociales.

Dans le prolongement de cette mesure, lorsqu'un gérant statutaire cesse ses fonctions quelles que soient les raisons de cette cessation, il est possible à l'assemblée générale de la SARL de supprimer la mention de son nom dans les statuts (C. com., art. L. 223-18, al. 2). Cette mesure devrait permettre non seulement de toiletter nombre de statuts devenus sans rapport avec la réalité, mais aussi de favoriser une meilleure information des tiers.

§ 2 Le domaine de compétence

Le législateur favorise d'ailleurs la mise en adéquation des statuts de ces sociétés avec les dispositions impératives de la nouvelle réglementation en permettant au gérant de procéder à cette mise en harmonie (C. com., art. L. 223-18 in fine), sous réserve d'une ratification par l'assemblée des associés statuant en matière extraordinaire (C. com., art. L. 223-30 N° Lexbase : L5855AIP).

De façon plus anecdotique, c'est dorénavant également au gérant qu'il reviendra de décider du déplacement du siège social dans le même département ou dans un département limitrophe, l'assemblée des associés devant ratifier cette décision dans les mêmes conditions que précédemment (C. com., art. L. 223-18 in fine).

Section 3 : La transmission des parts

La réforme fait évoluer la transmission des parts sociales (12). Sont concernées la transmission par voie de succession, la transmission par voie de cession et le régime de l'agrément.

§ 1 La transmission par voie de succession

Alors que jusqu'à présent il n'était pas possible de procéder à la désignation statutaire du successeur d'un ou de plusieurs associés de SARL, la réforme permet dorénavant une telle désignation dans des termes qui ne vont pas sans rappeler ceux que connaissent les associés de société en nom collectif (C. com., art. L. 221-15 N° Lexbase : L5811AI3).

Désormais, les statuts peuvent stipuler qu'en cas de décès de l'un des associés la société continuera avec son héritier ou seulement avec les associés survivants. Lorsque la société continue avec les seuls associés survivants, ou lorsque l'agrément a été refusé à l'héritier, celui-ci a droit à la valeur des droits sociaux de son auteur (C. com., art. L. 223-13).

Il peut aussi être stipulé que la société continuera, soit avec le conjoint survivant, soit avec un ou plusieurs des héritiers, soit avec toute autre personne désignée par les statuts ou, si ceux-ci l'autorisent, par dispositions testamentaires. Lorsque la société continue dans ces conditions, la valeur des droits sociaux attribués aux bénéficiaires de cette stipulation est rapportée à la succession.

Dans les cas prévus au présent article, la valeur des droits sociaux est déterminée au jour du décès conformément à l'article 1843-4 du Code civil (N° Lexbase : L2018ABD).

De telles conventions statutaires constituent des pactes sur succession future. Pour autant, ces conventions sont valables car elles dérogent au principe de prohibition édicté par l'article 1130 du Code civil (N° Lexbase : L1230AB8).

§ 2 La transmission à titre onéreux

En cas de cession des parts sociales à des tiers étrangers à la société, était requis, auparavant, le consentement de la majorité des associés représentant au moins les trois quarts des parts sociales. A l'avenir, à moins que les statuts prévoient une majorité plus forte, il suffira du consentement de la majorité des associés représentant au moins la moitié des parts sociales (C. com., art. L. 223-14).

§ 3 Le régime de l'agrément

On sait que les parts sociales sont librement transmissibles par voie de succession ou en cas de liquidation de communauté de biens entre époux et librement cessibles entre conjoints et entre ascendants et descendants (C. com., art. L. 223-13, al. 1er). Initialement, les statuts pouvaient contenir des modalités d'agréments différentes de celles que connaissent les transmissions à titre onéreux. Tel n'est plus le cas. A l'avenir, les conditions de l'article L. 223-14 s'appliquent aussi en matière de transmission à titre gratuit. De façon incidente, on notera que le maintien, dans l'article L. 223-13, de différentes références à l'article L. 223-14 est donc devenu redondant. Le régime de l'agrément est ainsi unifié.

En réalisant cette unification, le législateur en a profité pour tenir compte de la jurisprudence qui reconnaissait un droit de repentir au cédant dont le cessionnaire n'avait pas été agréé (voir notamment, Cass. com., 27 octobre 1992, n° 90-20.963, Beaunez c/ Epoux Deguitre et autres N° Lexbase : A2153AGT ; Dr . sociétés 1992, comm. 257, note Le Nabasque). C'est ainsi que, suivant les nouveaux termes de l'article L. 223-14, alinéa 3, "si la société a refusé de consentir à la cession, les associés sont tenus, dans le délai de trois mois à compter de ce refus, d'acquérir ou de faire acquérir les parts à un prix fixé dans les conditions prévues à l'article 1843-4 du Code civil, sauf si le cédant renonce à la cession de ses parts. Les frais d'expertise sont à la charge de la société. A la demande du gérant, ce délai peut être prolongé par décision de justice, sans que cette prolongation puisse excéder six mois".

La section 4 relative au mouvement de dépénalisation du droit des sociétés fera l'objet d'un prochain développement.


(1) Voir, notamment, la directive 68/151/CEE du 9 mars 1968 (N° Lexbase : L7917AUR) tendant à coordonner, pour les rendre équivalentes, les garanties qui sont exigées, dans les Etats membres, des sociétés au sens de l'article 58, deuxième alinéa du traité, pour protéger les intérêts tant des associés que des tiers qui concerne, en droit français, les SARL et les sociétés anonymes.
(2) Loi n° 2001-420, 15 mai 2001, relative aux nouvelles régulations économiques (N° Lexbase : L8295ASZ).
(3) Loi n° 2003-721, 1er août 2003, pour l'initiative économique (N° Lexbase : L3557BLC).
(4) Loi n° 2003-706, 1er août 2003, de sécurité financière (N° Lexbase : L3556BLB).
(5) Ordonnance n° 2004-274, 25 mars 2004, Section 4, Modes d'organisation de la gérance (N° Lexbase : L4315DPI).
(6) Ordonnance n° 2004-274, 25 mars 2004, Section 2, Emission d'obligations (N° Lexbase : L4315DPI).
(7) Ordonnance n° 2004-274, 25 mars 2004, Section 1, Augmentation du nombre maximal des associés (N° Lexbase : L4315DPI).
(8) Mémento F. Lefebvre, Sociétés commerciales, 2004, n° 5067.
(9) Ph. Marini, La modernisation du droit des sociétés, Rapport au Premier ministre, La documentation française, 1996, p. 30.
(10) Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2004-274 du 25 mars 2004 portant simplification du droit et des formalités pour les entreprises.
(11) Ordonnance n° 2004-274, 25 mars 2004, Section 4, Modes d'organisation de la gérance (N° Lexbase : L4315DPI).
(12) Ordonnance n° 2004-274, 25 mars 2004, Section 3, Formalités de cession des parts sociales (N° Lexbase : L4315DPI).

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Fiscalité des entreprises

[Manifestations à venir] Fiscalité des restructurations - Quand restructuration rime avec optimisation...

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N1271ABP

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Le 07 Octobre 2010

Le LJA (Lettre des Juristes d'Affaires) organise, le jeudi 6 mai 2004 à l'hôtel de Crillon (Paris), une matinée-débat sur la fiscalité des restructurations.
  • Questions abordées :

- Fusion ou confusion de patrimoine ?
- Recours à l'intégration fiscale ?
- Avantages et inconvénients de ces opérations ?
- Jusqu'où peut-on aller sans outrepasser les sacro-saintes règles fiscales ?
- Quel est le montage le plus approprié au regard de la situation de l'entreprise ou du groupe ?

  • Intervenants :

- Antoine Colonna d'Istria, avocat associé, Freshfields Bruckhaus Deringer
- Marie-Hélène Raffin, avocat associée, Willkie Farr & Gallagher
- Dominique Villemot, avocat associé, Villemot Nevot Barthes & associés

  • Date et lieu :

- Jeudi 6 mai 2004 (8h30 - 11h15)
- Hôtel de Crillon, salon Gabriel - 10, place de la Concorde - 75008 Paris

  • Contact :

Audret Carel
La Lettre des Juristes d'Affaire, Lamy SA
21/23 rue des Ardennes
75935 Paris Cedex 19
Tél : 01 44 72 18 08
Fax : 01 44 72 18 28
E-mail : matineesdebats@lamy.fr

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