La lettre juridique n°655 du 19 mai 2016

La lettre juridique - Édition n°655

Avocats

[Point de vue...] Divorce par consentement mutuel sans juge : ce serait drôle si ce n'était pas si triste

Lecture: 11 min

N2693BWN

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/31680714-edition-n-655-du-19052016#article-452693
Copier

par Jérôme Casey, Avocat au barreau de Paris et Maître de conférences à la Faculté de droit de Bordeaux

Le 19 Mai 2016

Le Garde des Sceaux a voulu être discret, mais c'est raté. Son petit amendement (n° CL 186) visant à créer un divorce par consentement mutuel par acte d'avocat et sans juge n'est pas passé inaperçu. Comment pouvait-il en être autrement ? La question est trop sensible pour ne pas intéresser les médias, mais aussi les justiciables... Alors, on a découvert le contenu de cet "article additionnel" glissé en douce par le Gouvernement... Et c'est proprement stupéfiant. Le lecteur est d'abord étonné quand il découvre les choix opérés, dont rien ne dit qu'ils sont si modernes que cela (I). Mais il y a plus grave : cet étonnement se mue en stupeur lorsque l'on réalise que la Chancellerie elle-même ne connaît pas le droit civil et propose un texte qui est contraire au Code civil, à moins qu'il ne veuille faire passer en catimini (encore ?!) un changement majeur pour les personnes vulnérables (II). I - La fausse modernité de la mesure

Le dispositif est assez simple à résumer. Le Gouvernement veut créer un "divorce par consentement mutuel par acte d'avocat enregistré par notaire". Oui, vous l'avez remarqué, il faut prendre son souffle pour le prononcer. Cela sonne simple et charmant comme une norme bureaucratique. Heureusement que, par ailleurs, le même Gouvernement fait des lois pour... simplifier le droit ! On aurait pu se borner à subdiviser le divorce par consentement mutuel en deux sous parties, l'une étant intitulée "Du divorce par consentement mutuel conventionnel" et l'autre "Du divorce par consentement mutuel judiciaire", mais cela était sans doute trop simple.

Voici donc un "machin" contresigné par deux avocats et enregistré par un notaire. Vous noterez que l'avocat unique a disparu... Il faudra en payer deux, même si on est d'accord sur tout. Oh bien sûr, tout n'était pas parfait dans la procédure avec avocat unique, mais dans nombre de cas, cela réduisait le coût du divorce. Désormais, il faudra en payer deux. La modernité, ma brave dame, ça se paie.

Mais surtout, dans quels cas pourra-t-on s'enivrer de la joie de signer le divorce le plus "hype" du 21ème siècle ? Dans la plupart des cas dit l'exposé sommaire des motifs... Vous comprenez, il faut désengorger les tribunaux. Alors, ouste ! Dehors les consentements mutuels ! C'est logique : vous imaginez si la moitié des divorces désertent les prétoires le gain de temps et de moyens ? Cela s'appelle de l'effacement statistique. Un problème d'engorgement ? Facile ! Tout le monde à la porte et le problème est réglé... C'est sans doute cela moderniser la justice au 21ème siècle : faire en sorte qu'il n'y ait rien à juger. Fallait y penser... Non, vous avez raison, j'exagère. Certains divorces par consentement mutuels resteront quand même aux mains des juges. Lesquels ? Ceux où il y a un enfant mineur qui demandera à être entendu par un magistrat. Vous imaginez le truc ? Les parents : "Léa, ton père et moi on va divorcer, tu veux être entendue par le juge ? Qu'est-ce que tu dis ? Oui tu veux être entendue ?! Oh t'es pénible, ça va tout retarder ! Si tu y renonces, ton père et moi on est d'accord pour te prendre un X-téléphone 18s+, forfait univers, sms et mms intergalactiques illimités. Tu veux toujours être entendue ? Non ?! Tant mieux...". Pauvres enfants, les voilà devenus l'aiguillage des procédures ! Modernité, quand tu nous tiens... Cela dit, relisez l'exposé des motifs, c'est à mourir de rire. Comment le Gouvernement justifie-t-il ce retour vers le juge lorsque l'enfant mineur demande à être entendu ? Par une justification à peine croyable : "afin de respecter les engagements internationaux de la France". Je suis si naïf... Moi qui pensais que c'était parce qu'il en allait de l'intérêt supérieur de l'enfant... On aurait sans doute pu dire plus simplement que l'intérêt de l'enfant est un intérêt trop grave pour échapper au contrôle du juge. Mais je sens bien que ce genre de formulation est trop simple pour une justice moderne du 21ème siècle... Il va falloir que je prenne des cours "d'éléments de langage". Reste le message annoncé : la majorité des consentements mutuels devront passer par la voie "extra-judiciaire". Sauf enfant mineur pénible, évidemment. Léa, va falloir penser à te calmer...

Autre innovation de taille, le délai de réflexion de 15 jours avant signature de la convention de divorce. En réalité, il y a deux délais de 15 jours, puisque chaque avocat fait courir son propre délai, en envoyant le projet de convention de divorce à son client. Un envoi commun à date unique aurait été trop simple. Donc, attention à l'avocat qui "oublie" ou part en vacances sans expédier l'exemplaire à son client. L'autre n'aura plus qu'à attendre. Mais surtout, ce délai de 15 jours consacre une vraie faculté de réflexion. C'est normal, car chacun aura deviné qu'arrivé à ce stade, c'est à peine si les parties auront réfléchi... On imagine le truc : Juliette a choisi un avocat, Roméo aussi, ils ont beaucoup discuté tous ensemble lors de "rendez-vous à quatre" hyper sympas et détendus, les robes noires ont pondu une belle convention, les clients ont payé leurs honoraires (en les maudissant), et là, paf ! Tout d'un coup l'un d'entre eux va dire "halte là, je ne suis plus sûr de rien...". Bon, d'accord, on a tous connu des consentements mutuels qui sombrent corps et biens quand l'un des époux refuse d'entrer dans le bureau du juge. Mais c'est quand même l'exception. Là, on nous colle un délai de réflexion, comme si aucune réflexion en amont n'avait été menée. C'est étrange. D'autant qu'une fois la convention rédigée, on n'aura pas de rendez-vous chez le notaire tout de suite, car au prix annoncé, on ne pourra pas en vouloir aux notaires d'avoir d'autres clients à fouetter. De plus, jusqu'à la minute où le notaire aura déposé la convention au rang de ses minutes, rien ne sera définitif et un époux pourra toujours dire, "euh, je ne suis plus très sûr"... Donc, le temps de réflexion, les parties l'auront... Enfin, songez aux 15 jours de réflexion, ils font penser aux 15 jours pour former un pourvoi en cassation contre le "vieux" consentement mutuel judiciaire... Mais là, pas de voie de recours, même extraordinaire, c'est ça de passer en mode conventionnel !

Quant au notaire, voilà un acte qui va le ravir. Le tarif annoncé est "d'environ 50 euros", pour lequel il faudra accueillir les justiciables (à ce prix, c'est à peine des clients...), les deux avocats, leur proposer un thé ou un café (on sait vivre, en dépit du tarif), recevoir tout ce petit monde dans une salle pas trop exiguë (ça fait 5 personnes minimum), et enfin déposer l'acte au rang des minutes, ce qui lui donnera date certaine et force exécutoire. Amis notaires, je compatis vraiment !

Mais le meilleur reste à venir... Voici un divorce librement négocié à deux avocats et enregistré par un notaire. Une question se glisse alors subrepticement dans mon cerveau : qui est responsable ? Le notaire ? Les avocats ? L'exposé des motifs dit que les avocats en contresignant l'acte attestent de l'accomplissement de leur devoir de conseil. Rien de neuf ma foi. Le notaire n'est donc pas responsable, et d'ailleurs l'exposé des motifs le dit expressément. Vous remarquerez combien la Chancellerie adore le verbe "constater" : les époux peuvent "constater" leur accord dans une convention, et le notaire lui "constate" le divorce. Tout le monde "constate" de nos jours, c'est fou ! On en déduit donc que le divorce s'est donc produit en amont du notaire, car un constat se fait toujours a posteriori. Songez au constat d'adultère (c'est de circonstance) : le petit fricotage est antérieur au constat, sinon il n'y a rien... à constater ! Vous me trouvez caustique ? Pourtant, réfléchissez... De quoi résultera donc le divorce ? Qu'est-ce qui fera "naître" le divorce ? Hé bien on suppose que c'est l'accord "constaté" dans la convention. Mais alors, c'est un peu l'histoire des sources du Nil (ou du Ciron, si l'on est de Gascogne). Personne ne sait exactement où ça commence. C'est un peu gênant quand même... Si le divorce ne résulte pas du notaire (qui ne fait que le "constater"), cela veut dire que les époux entrent dans son étude en étant déjà divorcés, mais sans force exécutoire et sans date certaine. Enfin quand même, il y aura une date puisqu'on leur aura fait signer la convention après 15 jours de réflexion suite à l'expédition d'un envoi en recommandé (sinon comment savoir que les 15 jours ont couru ?). La situation sera alors cocasse : les époux seront potentiellement divorcés, mais sans possibilité de contraindre à l'exécution. Il n'est pas certain que la distinction faite par le législateur entre "naissance" du divorce et force exécutoire soit une réussite... La question "quand serai-je divorcé ?" sera sans doute l'une des plus redoutables pour les avocats. Ces derniers pourront toujours répondre : "c'est le dépôt au rang des minutes du notaire qui importe", façon pudique de jeter un voile sur une question mal réfléchie...

Alors est-ce que tout ceci est bien moderne ? Par la piètre qualité intrinsèque du dispositif, oui, incontestablement. C'est dans l'air du temps, et d'un niveau de rédaction qui égale le tout nouvel article 267 du Code civil (N° Lexbase : L1685KMD), qui était pourtant déjà un sommet dans le genre "nanar législatif". Mais sur le fond, la modernité est encore à découvrir. Moderniser la justice en vidant les prétoires, et sans garantie que les juges ne voient revenir de plus fort, quelques mois plus tard, les justiciables, voilà qui n'est pas moderne. Peut-être serait-il vraiment moderne d'affirmer qu'aucune démocratie sérieuse ne peut exister sans un service public de la justice digne de ce nom. Ben oui... A quoi sert-il de créer des QPC à l'heure où l'on refuse au peuple le droit d'être jugé par un juge professionnel ? A quoi sert-il d'affirmer les droits de l'Homme si l'on encourage par ailleurs la justice privatisée ? Payer pour être divorcé par consentement mutuel, payer pour faire appel ou pour défendre à un appel, de plus en plus le droit d'agir gratuitement en justice disparaît. Entre les timbres fiscaux, les médiateurs que l'on impose (et qui sont payants, bien sûr), l'externalisation du divorce par consentement mutuel, c'est peu à peu toute une partie du droit de la famille qui devient payante, en dehors même du recours à un avocat. Est-ce cela le progrès ? Quant à dire que les avocats sont mis en avant et valorisés par cet amendement, un esprit sceptique y verrait aisément un piège, avant un transfert pur et simple chez le notaire si d'aventure ils n'étaient pas à la hauteur (ce qu'à Dieu ne plaise, bien sûr). Vous verrez que l'argument du coût des avocats refera surface tôt ou tard...

II - L'étrange situation des majeurs protégés dans cette mesure

La stupeur remplace l'étonnement ou la moquerie lorsque l'on regarde l'article 229-2, 2° de l'amendement. En effet, ce texte dit que ce magnifique divorce par consentement mutuel sans juge ne pourra faire l'objet du consentement des époux lorsque l'un d'eux sera sous un régime de protection (tutelle ou curatelle). Là, c'est désolant de le dire, mais on touche le fond. Vous ne voyez pas pourquoi ? Mais si, c'est évident... Parce que les majeurs protégés n'ont pas le droit de divorcer par consentement mutuel. C'est l'article 249-4 du Code civil (N° Lexbase : L8333HWK) qui le dit... Et l'amendement du Gouvernement n'a pas modifié ce texte. Autrement dit, à quoi sert-il d'interdire le divorce par consentement mutuel sans juge à des personnes qui, de toutes les façons, n'ont pas le droit de divorcer par consentement mutuel ?! Si vraiment le Gouvernement voulait préciser que la règle de l'article 249-4 s'applique à tous les consentements mutuels, et donc à la nouvelle version créée, n'était-ce pas à l'article 249-4 qu'il fallait le dire ? Il suffisait d'ajouter une phrase dans le genre : "la présente interdiction s'applique aux formes de divorce par consentement mutuel prévues aux articles 229-1 et 230 (N° Lexbase : L2789DZC) du Code civil".

Ou alors, c'est l'inverse, et c'est pire encore. Cela signifie que les personnes sous mesure de protection peuvent désormais divorcer par consentement mutuel, mais uniquement par voie judiciaire. Cela peut être compris ainsi puisque l'exposé des motifs semble le dire (en page 6, assimilant ce cas à celui des mineurs voulant être entendus par le juge). Mais alors, pourquoi ne dit-on pas que l'article 249-4 est modifié ? Pourquoi le laisser inchangé ? C'est absolument incompréhensible (sauf à dire qu'il ne vise plus que "l'autre" consentement mutuel, le vieux-jeu, le pas moderne, donc le judiciaire ; mais là aussi, il faudrait peut-être le dire...). En outre, ouvrir le divorce par consentement mutuel aux personnes sous mesure de protection mérite une vraie réflexion de fond, et l'aménagement complet du régime de l'action. Comment penser que cela puisse se faire comme cela, au détour d'un texte mal fichu, sans concertation aucune avec personne ?

Quelle que soit la lecture que l'on fait de cet article 229-2,2°, on est donc consterné. Soit c'est un texte inutile car l'article 249-4 demeure. Soit c'est un texte qui crée une énorme nouveauté, mais sans que le régime de l'action ne soit défini et sans que l'article 249-4 ne soit réécrit, ce qui cause un flou colossal.

Y a-t-il encore des juristes à la Chancellerie ?

Pour finir sur une note optimiste, on se consolera en pensant aux merveilles juridiques que le pouvoir exécutif ne cesse de créer, semaine après semaine, en droit de la famille, et plus spécifiquement en droit du divorce : l'article 267 du Code civil (N° Lexbase : L1685KMD), l'article 1116 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L8973K3Q), et maintenant les potentiels articles 229-1 et suivants du Code civil. C'est une performance que d'être aussi mauvais à chaque fois. Il faut un vrai talent pour reproduire inlassablement un tel exploit avec une constance sans faille. Pendant ce temps, nos juges aux affaires familiales crient leur désespoir dans un Livre blanc pour idées noires, les palais de justice ne sont plus entretenus, il n'y a plus de papier dans les imprimantes, et il faut faire du chiffre, du chiffre, du chiffre... Pauvres juges ! On se moque de vous. On rabote vos pouvoirs en faisant croire que vous êtes remplaçables, mais en affirmant surtout que cela vous soulagera. Mais vous le savez mieux que quiconque : ce que vous évitez là, vous le retrouverez plus tard, lorsque les justiciables vous saisiront parce que leur super convention n'aura pas été respectée, ou que des déséquilibres trop graves apparaîtront. Et ce n'est pas l'engagement de la responsabilité des avocats rédacteurs qui vous soulagera, car elle aussi devra être jugée, par vos collègues, ou peut-être par vous-même si vous arrivez à obtenir votre mutation loin de l'enfer du JAF... Les notaires sont pris pour des caisses-enregistreuses au tarif rase-moquette, les avocats sont mis au pied du mur ("faîtes la preuve de votre efficacité, sinon la prochaine fois on fera sans vous"), et les juges sont dupés. Ne serait-il pas temps que nos gouvernants, toutes tendances confondues, aient une vision à long terme de ce qu'est la vie dans la Cité ? Qu'ils respectent la place essentielle de la justice en lui donnant les moyens qu'elle mérite ? Et que les professions juridiques mettent leurs querelles de côté pour dire leur refus de participer à pareille mascarade, que l'on ose appeler, sans rire, une justice modernisée du 21ème siècle ? Il paraît que ces textes seront discutés dans les jours qui viennent au Parlement... Alors parlez-en à votre député, faites circuler l'info autour de vous. Soyez "participatifs ", ou "collaboratifs", mais faites quelque chose pour que ces sujets, qui sont de vrais grands sujets de société, aient le débat public qu'ils méritent. Et si votre député ne vous croit pas, dites-lui de m'appeler, je lui expliquerais...

newsid:452693

Avocats/Procédure

[Brèves] De la compétence d'une cour d'appel désignée comme juridiction de renvoi par la Cour de cassation, pour connaître du litige relevant à l'origine de la cour d'appel de Paris, s'agissant de la contestation d'une décision du conseil de l'Ordre des avocats au barreau de Paris

Réf. : Cass. civ. 1, 12 mai 2016, n° 15-18.739, F-P+B (N° Lexbase : A0797RP9)

Lecture: 2 min

N2802BWP

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/31680714-edition-n-655-du-19052016#article-452802
Copier

Le 28 Mai 2016

Une cour d'appel désignée comme juridiction de renvoi par la Cour de cassation, se trouve, de ce fait, compétente pour connaître du litige relevant à l'origine de la cour d'appel de Paris, s'agissant de la contestation d'une décision du conseil de l'Ordre des avocats au barreau de Paris. Telle est la solution retenue par la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 12 mai 2016 (Cass. civ. 1, 12 mai 2016, n° 15-18.739, F-P+B (N° Lexbase : A0797RP9). En l'espèce, M. X, condamné à une peine d'emprisonnement avec sursis et à une peine d'amende pour des faits d'escroquerie et de recel de banqueroute commis entre 2005 et 2006, a sollicité son inscription au barreau de Paris après avoir obtenu, en octobre 2011, le certificat d'aptitude à la profession d'avocat. La cour d'appel de Versailles, statuant sur renvoi après cassation (Cass. civ. 1, 5 février 2014, n° 12-29.824, F-D N° Lexbase : A9182MDG), ayant rejeté sa demande, le demandeur a formé un pourvoi en cassation arguant qu'en se prononçant, comme elle l'a fait, sur la saisine du procureur général près la cour d'appel de Versailles, la cour d'appel aurait violé l'article 631 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6792H7P), ensemble les articles 13 et 14 du décret du 27 novembre 1991 (N° Lexbase : L8168AID) (CA Versailles, 26 mars 2015, n° 14/07948 N° Lexbase : A4132NER). Le pourvoi sera rejeté par la Haute juridiction. En effet, la cour d'appel de Versailles, désignée comme juridiction de renvoi par la Cour de cassation, se trouvait, de ce fait, compétente pour connaître du litige relevant à l'origine de la cour d'appel de Paris, s'agissant de la contestation d'une décision du conseil de l'Ordre des avocats au barreau de Paris. Partant il appartenait, en conséquence, au procureur général près la cour d'appel de Versailles, seul représentant du ministère public auprès de cette juridiction, de saisir la cour d'appel désignée, pouvoir que ne détenait pas le procureur général près la cour d'appel de Paris (cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E4295E79 et N° Lexbase : E0318E7W).

newsid:452802

Concurrence

[Brèves] Prononcé d'une amende civile à l'encontre d'une personne morale à laquelle une entreprise a été transmise : conformité à la Constitution

Réf. : Cons. const., décision n° 2016-542 QPC du 18 mai 2016 (N° Lexbase : A3876RPA)

Lecture: 1 min

N2786BW4

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/31680714-edition-n-655-du-19052016#article-452786
Copier

Le 20 Mai 2016

Est conforme à la Constitution la troisième phrase du deuxième alinéa du paragraphe III de l'article L. 442-6 du Code de commerce (N° Lexbase : L1769KGM) concernant le prononcé d'une amende civile à l'encontre d'une personne morale à laquelle une entreprise a été transmise. Telle est la solution retenue par le Conseil constitutionnel dans une décision rendue le 18 mai 2016 (Cons. const., décision n° 2016-542 QPC du 18 mai 2016 N° Lexbase : A3876RPA). Saisi par la Cour de cassation le 18 février 2016 (Cass. QPC, 18 février 2016, n° 15-22.317, F-D N° Lexbase : A4489PZB), les Sages ont jugé que, contrairement à ce que soutenait la société requérante, ces dispositions ne méconnaissent pas le principe de personnalité des peines. L'amende civile en cause, qui a la nature d'une sanction pécuniaire, a pour objet de préserver l'ordre public économique. L'absorption de la société auteur des pratiques restrictives par une autre société ne met pas fin aux activités qu'elle exerce, qui se poursuivent au sein de la société absorbante. Seule une personne bénéficiaire de la transmission du patrimoine d'une société dissoute sans liquidation est susceptible d'encourir l'amende prévue par les dispositions contestées. Partant la disposition contestée est conforme.

newsid:452786

Contrat de travail

[Jurisprudence] Titre emploi service entreprise : simple, à condition d'être rapide !

Réf. : Cass. soc., 3 mai 2016, n° 14-29.317, FS-P+B (N° Lexbase : A3417RNU)

Lecture: 7 min

N2711BWC

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/31680714-edition-n-655-du-19052016#article-452711
Copier

par Sébastien Tournaux, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux

Le 19 Mai 2016

Le titre emploi service entreprise (TESE) a été plébiscité par le Conseil de la simplification pour les entreprises en 2014, comme un moyen d'alléger substantiellement les formalités d'embauche pour les petites entreprises. Tirant les conséquences de ce constat, l'ordonnance n° 2015-682 du 18 juin 2015, relative à la simplification des déclarations sociales des employeurs (N° Lexbase : L9019I8K), en a largement élargi le domaine puisque ce titre simplifié de travail est désormais ouvert aux entreprises comptant moins de vingt salariés. Il n'est toutefois pas certain que l'objectif de simplification ait été véritablement assouvi par l'ordonnance (1), sentiment fortement renforcé par le maintien de dispositions réglementaires qui n'ont pas été mises en conformité avec les nouveaux textes et dont l'interprétation est parfois délicate. C'est cette problématique qu'illustre un arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 3 mai 2016 qui, faisant application de ces textes, juge que la remise du volet d'identification du TESE au salarié doit intervenir "sans délai" (I). Le salarié ayant été engagé par contrat de travail à durée déterminée, la remise tardive du volet équivaut à l'absence d'écrit et le contrat doit être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée. L'interaction entre les délais imposés pour la remise d'un contrat à durée déterminée et ceux relatifs à la remise du volet d'identification du TESE rend l'identification du délai que l'employeur doit matériellement respecter très incertaine et fait espérer que les décrets en cause seront prochainement révisés (II).
Résumé

Equivaut à une absence d'écrit, qui entraîne la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée, la transmission tardive au salarié d'une copie du volet d'identification qui doit être établi en cas de recours au titre emploi service entreprise.

Commentaire

I - Le délai de remise du volet d'identification du TESE au salarié

Les procédures simplifiées d'embauche. Depuis les années 1990 (2), le droit du travail a vu apparaître des formes simplifiées d'embauche du salarié. Initialement réservées aux particuliers employeurs pour des services à la personne avec le chèque emploi service, ces procédures simplifiées sont désormais utilisables dans d'assez nombreux cas de figure (3).

En effet, à côté du chèque emploi service universel qui reste l'apanage des particuliers employeurs ou des associations de services à la personne, le législateur a créé de nombreux autres chèques ou titres simplifiés de travail dont le chèque emploi associatif et le titre emploi service entreprise.

Le titre emploi service entreprise. Le TESE est encadré par des dispositions issues du Code de la Sécurité sociale et du Code du travail.

Depuis l'ordonnance n° 2015-682 du 18 juin 2015, relative à la simplification des déclarations sociales des employeurs, le Code de la sécurité sociale accueille plusieurs dispositions relatives au TESE. L'article L. 133-5-6, 1° (N° Lexbase : L0745KWI) prévoit la possibilité de recourir à ce titre dans les entreprises comptant moins de vingt salariés (4). Dans leurs relations avec les organismes sociaux, le TESE permet aux employeurs de "satisfaire aux formalités obligatoires liées à l'embauche et à l'emploi de leurs salariés" (5).

Le Code du travail a conservé les dispositions applicables à la relation entre l'employeur et le salarié. L'article L. 1273-5 (N° Lexbase : L2247IBT) dispose, en particulier, que l'employeur qui recourt au TESE "est réputé satisfaire [à certaines formalités] par la remise au salarié et l'envoi à l'organisme habilité des éléments du titre emploi qui leur sont respectivement destinés". Sont notamment concernées les règles relatives à la déclaration sociale nominative visées à l'article L. 1221-10 (N° Lexbase : L0788H93), celles relatives à la délivrance d'un certificat de travail à l'issue de la relation (6) ou encore les formalités relatives à l'établissement d'un contrat de travail à temps partiel (7).

S'agissant en particulier du recrutement par TESE d'un salarié en contrat de travail à durée déterminée, l'article L. 1273-5, 4° prévoit que sont réputés être accomplis "l'établissement d'un contrat de travail écrit, l'inscription des mentions obligatoires et la transmission du contrat au salarié, prévus aux articles L. 1242-12 (N° Lexbase : L1446H9G) et L. 1242-13 (N° Lexbase : L1447H9H) pour les contrats de travail à durée déterminée".

Volet d'identification du TESE. Les articles D. 1273-1 (N° Lexbase : L9243IDP) et suivants du Code du travail, qui n'ont d'ailleurs pas encore été mis en conformité aux dispositions introduites par l'ordonnance (8), complètent la réglementation de ce titre simplifié de travail.

L'article D. 1273-3 (N° Lexbase : L8913IDH) prévoit, en particulier, que l'embauche d'un salarié par TESE doit donner lieu à l'établissement d'un volet d'identification du salarié comportant de nombreuses informations relatives, notamment, au type de contrat de travail auquel les parties recourent. Le volet doit être signé par l'employeur et le salarié. Il doit être adressé au centre national de traitement du TESE compétent dans les délais prévus par l'article R. 1221-5 (N° Lexbase : L5213IQ7), soit au plus tard le dernier jour ouvrable avant l'embauche (9). Enfin, l'article D. 1273-4 (N° Lexbase : L9048IDH) précise qu'"une copie du volet d'identification du salarié est transmise sans délai par l'employeur au salarié".

L'affaire. Un salarié avait été engagé par TESE en qualité de maître d'hôtel pour plusieurs contrats de travail à durée déterminée à temps partiel. Ayant signé certains volets d'identification tardivement, le salarié saisit le juge prud'homal pour obtenir la requalification de la relation en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet.

La cour d'appel d'Amiens refusa la requalification en temps complet (10) mais également en contrat à durée indéterminée. Elle jugea que le régime du TESE n'impose à l'employeur que de remettre au salarié le volet d'identification, mais que les textes n'imposent pas de délai précis ni sa signature effective. Le fait que le salarié n'ait pas signé, ou qu'il ait signé tardivement certains de ces volets, était donc sans incidence sur la validité des contrats en cause.

Par un arrêt rendu le 3 mai 2016, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse cette décision au visa des articles L. 1242-13, L. 1273-5, D. 1273-3 et D. 1273-4 du Code du travail. A l'appui de ces textes, la Chambre sociale juge que la transmission tardive du volet d'identification équivaut à une absence d'écrit qui entraîne la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée. En refusant de rechercher si l'employeur avait respecté son obligation de transmettre "sans délai au salarié une copie du volet d'identification", la cour d'appel a violé les textes visés.

II - L'interaction entre délai de remise du volet d'identification et délai de remise du contrat à durée déterminée

La remise du volet d'identification "sans délai". Quelle interprétation la Chambre sociale pouvait-elle retenir des dispositions de l'article D. 1273-4 du Code du travail ? En énonçant qu'une copie du volet d'identification "est transmise sans délai par l'employeur au salarié", le texte ne brille, en effet, pas par sa clarté. Il n'est évidemment pas question de considérer que les termes "sans délai" puisse signifier que l'employeur peut adresser la copie du volet au moment qui lui convient : l'expression "sans délai" est plutôt synonyme de "aussitôt que possible". Cela entendu, il était envisageable que l'employeur puisse laisser passer quelques jours avant d'adresser la copie du volet d'identification sans que le délai ne paraisse trop long. La règle de l'article D. 1273-4 doit, toutefois, être mise en perspective des autres délais imposés à l'employeur en matière de contrat de travail à durée déterminée d'une part, et de transmission du volet d'identification aux organismes sociaux, d'autre part.

Pour le premier, on sait que l'article L. 1242-13 du Code du travail, visé par la Chambre sociale, exige que le contrat soit "transmis au salarié, au plus tard, dans les deux jours ouvrables suivant l'embauche". Le volet d'identification se substituant au contrat écrit, il importe donc qu'il soit lui aussi transmis dans un délai très court.

Le second, qui résulte lui aussi d'un texte visé par la Chambre sociale, impose la remise du volet d'identification aux organismes sociaux, au plus tard le dernier jour ouvrable avant l'embauche. Si le centre national du TESE doit recevoir le volet avant l'embauche, le salarié peut lui aussi espérer cette remise précoce. L'un comme l'autre sont des délais particulièrement courts et il semble ainsi logique que la remise "sans délai" prévue par l'article D. 1273-4 intervienne très tôt.

Appréciée strictement, la remise "sans délai" de la copie du volet laisse penser que sa délivrance au salarié doit avoir lieu au moment de son établissement. Le salarié et l'employeur ayant l'obligation de le signer, la remise peut matériellement être instantanée. D'ailleurs, l'obligation d'envoi du volet aux organismes sociaux avant l'embauche démontre que le volet peut, en tous cas, être remis au salarié avant celle-ci. Cette interprétation est toutefois troublée par plusieurs éléments d'appréciation.

L'interférence du délai de remise du CDD. On peut avoir de la peine à comprendre pourquoi la Chambre sociale se réfère à l'article L. 1242-13 du Code du travail, relatif au délai de remise au salarié du CDD. Le volet d'identification fait office de contrat de travail et sa remise pallie l'absence de remise d'un contrat écrit classique. Ce n'est donc plus le délai de remise du CDD qui importe, mais bien le délai de remise du volet. La référence à ce texte implique-t-elle que, malgré l'exigence d'une remise "sans délai", malgré l'exigence d'un envoi avant l'embauche au centre national de traitement du TESE, l'employeur pourrait remettre au salarié la copie du volet au plus tard dans les quarante-huit heures suivant l'embauche ?

Il est toutefois possible de voir, dans le visa de l'article L. 1242-13, une simple volonté de justifier la sanction de la remise tardive du volet d'identification. C'est parce que l'employeur n'a pas remis le volet d'identification que la formalité de remise du contrat sous quarante-huit heures, vue comme équivalente, n'a pas été respectée. Or, la remise tardive du CDD a toujours été assimilée à l'absence d'écrit et a justifié la requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée (11).

Si c'est bien une interprétation stricte qu'il convient de retenir des textes relatifs au TESE, la remise du volet doit se faire "sans délai", et non dans un délai de quarante-huit heures, cela d'ailleurs, quel que soit le contrat de travail concerné. Cette approche aurait toutefois pour inconvénient d'enserrer le TESE dans des conditions plus strictes que celles prévues par le législateur lorsqu'il s'agit d'engager un salarié par CDD sans TESE. Un comble s'agissant d'une procédure précisément destinée à simplifier l'embauche des salariés (12)...

Les décrets d'application des dispositions législatives relatives au TESE n'ont pas encore été révisés après l'adoption de l'ordonnance du 18 juin 2015. Espérons, comme cette affaire y invite, que les futurs textes seront mieux rédigés, soit pour prévoir une remise du volet d'identification à une date clairement déterminée (avant l'embauche, comme pour la remise du volet aux organismes sociaux), soit pour prévoir un délai plus aisément identifiable que l'exigence actuelle d'une remise "sans délai".


(1) S. Tournaux, La simplification des déclarations sociales des employeurs, RDT, 2015, p. 539.
(2) A. Lyon-Caen, Le chèque-service, Dr. soc., 1994, p. 109.
(3) S. Tournaux, La maturité des chèques et titres emploi simplifiés de travail, RDT, 2014, p. 537.
(4) L'ancien article L. 1273-1 du Code du travail (N° Lexbase : L2245IBR), abrogé par l'ordonnance n° 2015-682 du 18 juin 2015, relative à la simplification des déclarations sociales des employeurs N° Lexbase : L9019I8K), limitait l'accès au TESE aux entreprises comptant moins de onze salariés.
(5) CSS, art. L. 133-5-7, 2° (N° Lexbase : L9075I8M).
(6) C. trav., art. L. 1234-19 (N° Lexbase : L1335H9C).
(7) V. également les formalités spécifiques dont sont dispensés les employeurs par application de l'article D. 1273-7 du Code du travail (N° Lexbase : L8920IDQ).
(8) V. not. les dispositions des articles D. 1273-1 (N° Lexbase : L9243IDP) et D. 1273-2 (N° Lexbase : L9054IDP) du Code du travail qui renvoient à des dispositions légales abrogées par l'ordonnance n° 2015-682 du 18 juin 2015, préc..
(9) Ce délai s'applique, aux termes du texte, à l'envoi de la déclaration préalable d'embauche qui, depuis l'ordonnance n° 2015-682 du 18 juin 2015 (préc.), a été remplacée par la déclaration sociale nominative.
(10) Troisième moyen, non examiné par la Chambre sociale.
(11) Cass. soc., 17 juin 2005, n° 03-42.596, FS-P+B (N° Lexbase : A7534DIU).
(12) Il est vrai que la Chambre sociale adopte une position très ferme à l'égard du formalisme allégé du TESE. Les TESE ne permettent pas d'évincer l'ensemble du droit de la rupture du contrat de travail, mais seulement les formalités d'embauche visées par les textes (Cass. soc., 6 novembre 2013, n° 12-24.053, F-P+B (N° Lexbase : A2058KPW) et nos obs., Lexbase éd. soc., n° 548, 2013 (N° Lexbase : N9507BTB). Le volet d'identification doit être convenablement rempli, par exemple s'agissant de la mention de la durée du travail du salarié recruté à temps partiel (Cass. soc., 5 mars 2014, n° 12-17.809, FS-P+B N° Lexbase : A3997MG7, RDT, 2014, p. 333).

Décision

Cass. soc., 3 mai 2016, n° 14-29.317, FS-P+B (N° Lexbase : A3417RNU).

Cassation partielle (CA Amiens, 21 octobre 2014, n° 13/00122 N° Lexbase : A7821MYC).

Textes visés : C. trav., art. L. 1242-13 (N° Lexbase : L1447H9H), L. 1273-5 (N° Lexbase : L2247IBT), D. 1273-3 (N° Lexbase : L8913IDH) et D. 1273-4 (N° Lexbase : L9048IDH).

Mots-clés : titre emploi service entreprise ; contrat de travail à durée déterminée ; volet d'identification ; délai de remise au salarié.

Lien base : (N° Lexbase : E4304EXP).

newsid:452711

Contrôle fiscal

[Brèves] Irrégularité d'une vérification de comptabilité et indépendance des procédures d'imposition

Réf. : CE 3° ch., 11 mai 2016, n° 385845, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A6838RNL)

Lecture: 1 min

N2721BWP

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/31680714-edition-n-655-du-19052016#article-452721
Copier

Le 26 Mai 2016

Compte-tenu de l'indépendance des procédures d'imposition, l'irrégularité d'une vérification de la comptabilité menée à l'égard de sociétés, due par le fait que ces dernières n'avaient pas reçu l'avis de vérification, est sans incidence sur les suppléments d'impositions mis à la charge des associés. Telle est la solution retenue par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 11 mai 2016 (CE 3° ch., 11 mai 2016, n° 385845, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A6838RNL). En l'espèce, les requérants, associés de quatre SEP, ont bénéficié de réductions d'impôt en application des dispositions de l'article 199 undecies B du CGI (N° Lexbase : L3076KWT), à raison des investissements que ces sociétés ont déclaré avoir effectués dans le département de La Réunion. A l'issue de plusieurs contrôles concernant une autre société, les fournisseurs et les utilisateurs des équipements en cause, l'administration fiscale a rectifié le montant des déficits industriels et commerciaux non professionnels déclarés par les SEP et imposables entre les mains des requérants à raison de leurs droits d'associés. Pour la Haute juridiction, l'avis de vérification prévu à l'article L. 47 du LPF (N° Lexbase : L3153KWP) n'a pas été adressé aux SEP, ce qui signifie donc que l'administration avait procédé à une vérification de la comptabilité de ces sociétés dans des conditions irrégulières. Toutefois, cette irrégularité était sans incidence sur les suppléments d'imposition consécutifs à la remise en cause de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du CGI, à raison des investissements outre-mer déclarés par ces quatre SEP. Ainsi, ce motif, qui répond à un moyen d'ordre public soulevé par le juge de cassation et dont l'examen n'implique l'appréciation d'aucune circonstance de fait, doit être substitué au motif juridiquement erroné retenu par l'arrêt attaqué (CAA Versailles, 18 septembre 2014, n° 13VE00386 N° Lexbase : A9981M9K), dont il justifie légalement le dispositif .

newsid:452721

Domaine public

[Brèves] Illégalité d'un bail à construction ne respectant pas les règles du domaine public

Réf. : CE 2° et 7° s-s-r., 11 mai 2016, n° 390118, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6849RNY)

Lecture: 2 min

N2713BWE

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/31680714-edition-n-655-du-19052016#article-452713
Copier

Le 19 Mai 2016

Un bail à construction ne respectant pas les règles du domaine public est illégal. Telle est la solution d'un arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 11 mai 2016 (CE 2° et 7° s-s-r., 11 mai 2016, n° 390118, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6849RNY). En 2009, la communauté urbaine Marseille-Provence-Métropole, devenue depuis métropole, a régularisé la signature d'une délégation de service public pour l'exploitation d'installations de traitement des déchets par incinération. Dans le même temps, elle a cédé au délégataire une autre convention, intitulée "bail à construction", qu'elle avait signée l'année précédente avec le port autonome de Marseille et qui prévoyait la construction et l'entretien des installations de traitement des déchets. Le Conseil d'Etat était saisi d'un pourvoi en cassation dans un litige tendant à l'annulation de délibérations relatives à ce contrat de délégation de service et à cette cession du "bail à construction". Il lui revenait notamment d'examiner la légalité de la convention intitulée "bail à construction" signée avec le port autonome de Marseille et la légalité de sa cession, alors que le terrain en question appartenait dès l'origine au domaine public. Le "bail à construction" est en effet un contrat particulier qui confère au preneur un droit réel immobilier et qui n'a pas été conçu par le législateur pour le domaine public. Le Conseil d'Etat a cependant estimé qu'il n'était pas impossible d'utiliser un tel montage contractuel sur une parcelle appartenant au domaine public, à la condition toutefois que le contrat respecte les règles prévues par le Code général de la propriété des personnes publiques pour les autorisations d'occupation du domaine public constitutives de droits réels, qui sont destinées à assurer une protection effective du domaine public. Or, cette convention ne comporte pas toutes les clauses requises par le Code général de la propriété des personnes publiques, applicables aux autorisations d'occupation temporaire du domaine public de l'Etat constitutives de droits réels et aux conventions de toute nature ayant pour effet d'autoriser l'occupation du domaine public de l'Etat, de nature à garantir l'utilisation du domaine public conformément à son affectation à l'utilité publique. En outre, elle contient des clauses incompatibles avec le droit du domaine public avant sa modification par le Code général de la propriété des personnes publiques. L'acte de cession de la convention conclue le 21 mars 2005 est illégal, ainsi que la décision de signer la délégation du service public et celle approuvant la convention de délégation.

newsid:452713

Droit de la famille

[Brèves] De l'absence d'intérêt d'un enfant de porter le nom de son père

Réf. : Cass. civ. 1, 11 mai 2016, n° 15-17.185, F-P+B (N° Lexbase : A0720RPD)

Lecture: 2 min

N2799BWL

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/31680714-edition-n-655-du-19052016#article-452799
Copier

Le 20 Mai 2016

Accoler au nom de la mère celui d'un père qui n'entend pas s'impliquer dans la vie de l'enfant et s'intéresser à lui risque de confronter en permanence ce dernier au rejet dont il est l'objet de la part de son père ; c'est ainsi qu'une cour d'appel a souverainement estimé qu'au regard du contexte familial, il n'était pas de l'intérêt de l'enfant de porter le nom de son père. Telle est la solution retenue par la première chambre civile de la Cour de cassation (Cass. civ. 1, 11 mai 2016, n° 15-17.185, F-P+B N° Lexbase : A0720RPD). En l'espèce, le 13 mai 2011, était née l'enfant Marine, reconnue par sa mère, Mme M. ; le 25 août 2011, cette dernière avait assigné M. B. en établissement du lien de filiation à l'égard de l'enfant ; une expertise biologique ayant conclu à la paternité de l'intéressé, un tribunal avait, notamment, dit que M. B. était le père de l'enfant, dit que l'autorité parentale serait exercée exclusivement par la mère, fixé la résidence habituelle de l'enfant au domicile de cette dernière et dit qu'elle se nommerait désormais Marine M.-B.. Mme M. faisait grief à l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix-en-provence de dire n'y avoir lieu d'adjoindre, pour l'enfant, le nom du père à celui de sa mère faisant notamment valoir l'intérêt supérieur de l'enfant. Elle n'obtiendra pas gain de cause. La Cour suprême approuve, en effet, la cour d'appel, qui ne s'est pas déterminée par un motif d'ordre général ou par un motif hypothétique, a pris en considération l'ensemble des intérêts en présence, dont celui supérieur de l'enfant, et a relevé, d'une part, que son nom n'avait pas d'incidence sur le lien de filiation, qui était judiciairement établi et n'était plus contesté, d'autre part, qu'accoler au nom de la mère celui d'un père qui n'entendait pas s'impliquer dans la vie de l'enfant et s'intéresser à lui risquait de confronter en permanence ce dernier au rejet dont il était l'objet de la part de son père. Selon la Haute juridiction, par ces motifs, la cour d'appel a souverainement estimé qu'au regard du contexte familial, il n'était pas de l'intérêt de l'enfant de porter le nom de son père.

newsid:452799

Entreprises en difficulté

[Chronique] Chronique de droit des entreprises en difficulté - Mai 2016

Réf. : CA Aix-en-Provence, 18ème ch., sect. B, 15 janvier 2016, n° 14/08848 (N° Lexbase : A9114N3X) ; CA Amiens, 1ère ch. civ., 17 mars 2016 n° 14/01959 (N° Lexbase : A8463Q7L)

Lecture: 19 min

N2690BWK

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/31680714-edition-n-655-du-19052016#article-452690
Copier

par Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises, et Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences - HDR à l'Université de Nice Sophia-Antipolis

Le 19 Mai 2016

Lexbase Hebdo - édition affaires vous propose de retrouver, cette semaine, la chronique de Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises, et Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences - HDR à l'Université de Nice Sophia-Antipolis, Co-directrice du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises, Membre du CERDP (EA 1201), retraçant l'essentiel de l'actualité juridique rendue en matière de procédures collectives. Les auteurs ont sélectionné deux arrêts de cours d'appel qui se prononcent sur des questions inédites. Le Professeur Le Corre s'est arrêté sur un arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 15 janvier 2016 qui retient, de façon critiquable, la possibilité de contester le motif économique du licenciement intervenu en suite du jugement de liquidation judiciaire (CA Aix-en-Provence, 18ème ch., sect. B, 15 janvier 2016, n° 14/08848). Emmanuelle Le Corre-Broly a, pour sa part, choisi de revenir sur un arrêt rendu le 17 mars 2016 par la cour d'appel d'Amiens qui se prononce sur la question de savoir si le créancier peut prendre des mesures conservatoires à l'encontre du garant personne physique pendant la procédure de sauvegarde (CA Amiens, 1ère ch. civ., 17 mars 2016 n° 14/01959).
  • Possibilité de contester le motif économique du licenciement intervenu en suite du jugement de liquidation judiciaire (CA Aix-en-Provence, 18ème ch., sect. B, 15 janvier 2016, n° 14/08848 N° Lexbase : A9114N3X ; cf. l’Ouvrage "Entreprises en difficulté" N° Lexbase : E0182EUB)

On se souvient de la médiatique affaire des prothèses mammaires trafiquées, dite affaire "PIP". La cour d'appel d'Aix-en-Provence, en ses chambres sociales, vient de rendre un arrêt intéressant les suites de cette affaire. La société PIP avait, en effet, été placée en liquidation judiciaire, à la suite, notamment, de la découverte de l'utilisation frauduleuse de produits dangereux pour la fabrication des prothèses mammaires, mais aussi, de façon plus générale à une gestion contestable de la société par ses dirigeants. La liquidation judiciaire a été prononcée sur conversion d'un redressement judiciaire, sans poursuite d'activité. Dans ces conditions, le liquidateur a dû procéder aux licenciements des salariés dans le délai de 15 jours de la liquidation judiciaire, aux fins de prise en charge des indemnités de rupture des contrats de travail par l'AGS. Le jugement de liquidation judiciaire n'avait pas été frappé d'appel. Les salariés ont ensuite assigné devant le conseil des prud'hommes de Toulon le liquidateur et l'AGS pour contester le motif économique du licenciement et solliciter en conséquence la fixation à leur profit, au passif de la liquidation judiciaire de la société PIP, d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Tel est le cas de Mme C. demandant, en sus de son indemnisation classique, une indemnité complémentaire de près de 48 000 euros.

Le conseil des prud'hommes a fait droit à cette demande. Appel a été interjeté par l'AGS, qui reproche aux premiers juges d'avoir admis la prétention de la salariée alors que, d'une part, la fraude alléguée par cette dernière était d'une particulière gravité et revêtait, en conséquence, la qualification de faute détachable des fonctions du dirigeant et que, d'autre part, la réalité du motif économique du licenciement ne pouvait être remise en cause par le premier juge dès lors que la société, employeur, avait été placée en liquidation judiciaire.

La cour d'appel d'Aix-en-Provence va confirmer le jugement entrepris. Elle va, tout d'abord, admettre que le juge prud'homal puisse remettre en cause le caractère économique du licenciement effectué par le liquidateur, en recherchant si la réalité des difficultés économiques qui ont entraîné la liquidation judiciaire n'a pas pour origine le comportement fautif de l'employeur. Et la cour d'appel va ensuite affirmer que "si la cessation de l'activité constitue effectivement une cause économique du licenciement, encore faut-il qu'elle ne soit pas due à une faute de l'employeur ou à sa légèreté blâmable". Ayant retenu cette faute et cette légèreté blâmable, la cour d'appel va en tirer la conséquence que le licenciement faisant suite à la liquidation judiciaire est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Ajoutons que la cour d'appel, en l'espèce, ne va pas retenir la faute détachable des fonctions commises par le dirigeant social, au motif que ces fautes ne seraient pas intentionnelles, mais relèveraient de l'incompétence et de l'inconséquence du dirigeant.

Avant de poursuivre plus avant, arrêtons-nous quelques instants sur les fautes reprochées au dirigeant.

Tout d'abord celle d'avoir utilisé pour fabriquer des implants un gel non homologué, le dirigeant se rendant ainsi coupable de tromperie.

Il est également adressé au dirigeant le reproche d'une rémunération excessive et d'un train de vie dispendieux. Il s'agit là d'un détournement de fonds (cas de banqueroute). Le délit est constitué si le dirigeant se verse des rémunérations excessives (1), procède à une augmentation de ses salaires et se verse des dividendes (2).

Il est encore reproché au dirigeant une captation des fonds en provenance d'Amérique du Sud.

Il est fait reproche au dirigeant d'avoir perdu de l'argent dans le cadre du financement d'autres sociétés dans lesquelles il avait des intérêts. Il en est ainsi du soutien abusif à la filiale espagnole. Il s'agit du fait d'avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle le dirigeant était directement ou indirectement intéressé (cas de faillite personnelle).

Il est enfin reproché une fraude à la TVA, qui constitue un cas d'application de l'article 267 du Livre des procédures fiscales (N° Lexbase : L0567IHH), créant une solidarité fiscale entre le dirigeant social et la société pour les manquements graves et répétés ayant empêché le recouvrement de l'impôt.

L'examen de la jurisprudence de la Cour de cassation sur la question de la faute détachable permet d'affirmer qu'il y a faute détachable des fonctions si le dirigeant a eu l'intention de causer le dommage ou s'il a témoigné d'une indifférence manifeste quant aux risques des dommages occasionnés par sa faute (3).

La définition de la faute détachable des fonctions fait clairement apparaître que la faute est quasiment toujours commise dans la limite des attributions du dirigeant social. Ce n'est pas une faute extérieure aux fonctions de dirigeant. Elle est dans l'exercice des fonctions du dirigeant, mais pas, comme le relève la Cour de cassation, dans son exercice normal.

La solution retenue par la cour d'Aix-en-Provence dans l'affaire qui nous intéresse, apparaît, à cet égard, particulièrement critiquable.

D'abord, elle exclut le caractère détachable de la faute au motif que les fautes retenues à l'encontre des dirigeants de la société PIP résultent soit de leur incompétence, soit de leur inconséquence. Or, nous avons pu voir que l'un des deux critères retenus pour qualifier la faute de "détachable des fonctions" du dirigeant social était celui de l'indifférence manifeste quant aux risques des dommages occasionnés par sa faute. Tel est bien ce que recouvre la notion d'inconséquence retenue par la cour d'appel. Ainsi, l'on peut affirmer que la chambre sociale de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a, pour le moins, une vision extraordinairement déformée de la notion de faute détachable des fonctions du dirigeant social.

Ensuite, il est pour le moins surprenant de considérer comme relevant de la simple incompétence ou de la simple inconséquence, pour reprendre la terminologie de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, des faits constitutifs de banqueroute aussi graves que celui de détournement d'actifs.

Si la cour d'appel a cru devoir ainsi statuer, c'est qu'elle entendait bien que le licenciement qu'elle va qualifier de sans cause réelle et sérieuse soit indemnisé par l'AGS. De là à dire que la cour d'appel a posé le résultat pour en induire le raisonnement...

Et le raisonnement tenu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, pour parvenir à affirmer qu'un licenciement intervenant à la suite d'une liquidation judiciaire sans poursuite d'activité est dépourvu de cause réelle et sérieuse nous semble exorbitant, et cela à plus d'un titre.

Deux difficultés nous semblent ici se présenter sur la possibilité pour les conseils des prud'hommes de prendre en compte la faute ou la légèreté blâmable des dirigeants sociaux pour procéder à la disqualification du licenciement économique en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La première tient à une question de compétence matérielle des conseils des prud'hommes.

Selon l'article L. 1411-1 du Code du travail (N° Lexbase : L1878H9G), le conseil des prud'hommes est compétent pour trancher les litiges individuels nés à l'occasion des contrats de travail de droit privé. Cette compétence d'attribution exclut évidemment la compétence d'une autre juridiction, mais ne saurait être étendue au-delà de son domaine.

Cette attribution de compétence n'autorise pas le conseil des prud'hommes à porter un jugement sur la gestion du dirigeant social d'une société commerciale, à apprécier ou à caractériser sa faute de gestion. Ces questions relèvent de la compétence d'une autre juridiction, le tribunal de commerce.

Le conseil des prud'hommes de Saintes, par décision du 20 juillet 2015 (4), a jugé, face à un salarié soulevant, pour remettre en cause le caractère économique de son licenciement et par voie de conséquence, soutenant que ce dernier était sans cause réelle et sérieuse afin de demander à l'AGS la prise en charge de dommages- intérêts, que "le conseil se permet de faire observer que son domaine de compétence est relatif à l'exécution du contrat de travail de droit privé. Il ne lui appartient absolument pas de juger les actions de gestion économique ou financière des entreprises et de leurs dirigeants. Il invite le demandeur, s'il désire poursuivre dans cette voie, à mieux se pourvoir".

La solution doit être suivie au regard de la compétence d'attribution du conseil des prud'hommes, ce qui suffit pour rendre très critiquable la décision de la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

La seconde tient à la juridiction devant laquelle le caractère économique du licenciement peut être discuté en cas de procédure collective.

Seul le tribunal qui a ouvert la procédure collective peut entendre la discussion qui s'élève sur la contestation du caractère économique du licenciement.

La solution prend un tour particulier lorsque les licenciements interviennent en liquidation judiciaire, en dehors de toute poursuite d'activité. En effet, il n'existe pas alors de décision judiciaire statuant précisément sur les licenciements. Ces derniers interviennent en application du jugement de liquidation judiciaire lui-même, dès lors qu'il n'y a pas de poursuite d'activité. Et c'est pourquoi la Cour de cassation exige, pour que le licenciement ne soit pas dépourvu de cause réelle et sérieuse, que la lettre de licenciement émanant du liquidateur vise le jugement de liquidation judiciaire, en application duquel les licenciements interviennent.

Le jugement ouvrant ou prononçant la liquidation judiciaire sans poursuite d'activité doit dès lors être tenu pour équivalent à la décision du juge-commissaire autorisant en période d'observation les licenciements, ou encore à la décision du tribunal arrêtant le plan de redressement ou de cession, en application duquel les licenciements interviendront. C'est pourquoi il convient d'effectuer cette comparaison.

On sait qu'en application de l'article L. 631-17 du Code de commerce (N° Lexbase : L0721IXY), le juge-commissaire autorise les licenciements inévitables, indispensables et urgents. L'ordonnance qu'il rend est notifiée aux institutions représentatives du personnel, notamment aux comités d'entreprise. En revanche, elle n'est pas notifiée aux salariés. Ces derniers ne peuvent donc exercer de recours à son encontre. Au contraire, le comité d'entreprise a la qualité pour contester, devant le tribunal qui a ouvert la procédure collective, l'ordonnance du juge-commissaire. Une fois le délai de recours expiré, l'ordonnance devient définitive et la Cour de cassation juge, de la manière la plus claire, que "l'ordonnance du juge-commissaire autorisant les licenciements partiels du personnel d'une entreprise dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire étant devenue définitive, le caractère économique du licenciement ne peut plus être contesté". La solution a été réaffirmée en 1998 : "dès lors que le juge-commissaire a autorisé l'administrateur, dans le cadre de la période d'observation dont fait l'objet une entreprise en redressement judiciaire, à procéder à des licenciements pour motif économique, ni la suppression d'emploi, ni les difficultés économiques ne peuvent être contestées".

La Cour de cassation n'admet à ce principe qu'une seule réserve, qui est d'évidence : l'hypothèse où l'ordonnance a été obtenue par fraude.

En cas de plan de redressement ou de cession, c'est le jugement arrêtant le plan qui a autorité de chose jugée sur le motif économique du licenciement. Ce jugement fixe la réalité du motif économique.

A l'instar de ce qui vient d'être dit pour les licenciements en période d'observation et lors de l'arrêté d'un plan de redressement ou de cession, le jugement qui prononce la liquidation judiciaire a autorité de la chose jugée sur le motif économique qui fonde la mesure de licenciement.

On comprend, dès lors, pourquoi le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire doit impérativement être notifié aux institutions représentatives du personnel et notamment aux comités d'entreprise. Ces institutions doivent désigner en leur sein une personne à exercer les voies de recours. Cette personne aura qualité pour frapper d'appel le jugement ouvrant ou prononçant la liquidation judiciaire. Cette voie de recours constituera la seule possibilité de discussion, devant le tribunal de la faillite, du caractère économique des licenciements induits par le jugement de liquidation. Il ne peut donc être affirmé que le droit d'accès au juge serait fermé pour les salariés désireux de discuter du caractère économique du licenciement. Ce droit d'accès s'exerce par les institutions représentatives des salariés, et cela quel que soit le nombre de salariés. En effet, à défaut de comité d'entreprise ou de délégué du personnel, le représentant des salariés exercera les attributions accordées par le livre VI du Code de commerce aux institutions représentatives du personnel.

Il ne peut donc être prétendu que les salariés sont privés de toute discussion sur le caractère économique des licenciements, dès lors que, par l'intermédiaire des institutions représentatives du personnel, ils ont la qualité pour frapper d'appel le jugement de liquidation judiciaire qui constitue en lui-même la cause économique du licenciement.

On sait que la Cour de cassation oblige le liquidateur procédant à des licenciements économiques en liquidation judiciaire à viser spécialement, dans la lettre de licenciement, le jugement de liquidation judiciaire en application duquel les licenciements économiques interviennent. Cette solution s'explique par la finalité de la lettre de licenciement : le salarié doit comprendre pourquoi il est licencié et c'est pourquoi la lettre de licenciement doit énoncer la raison du licenciement (5).

On comprend dès lors pourquoi la Cour de cassation juge qu'il faut, mais qu'il est suffisant, que la lettre de licenciement économique en liquidation judiciaire vise le jugement ouvrant ou prononçant la liquidation judiciaire, en application duquel les licenciements économiques interviennent. La liquidation judiciaire entraîne par principe arrêt de l'activité. L'employeur ne peut donc plus fournir de travail au salarié. Le salarié sait pourquoi il est licencié : parce qu'il y a liquidation judiciaire, la liquidation judiciaire entraînant arrêt de l'activité.

Dès lors que la lettre de licenciement vise le jugement de liquidation judiciaire, toute explication supplémentaire est superflue.

On comprend parfaitement, à travers la problématique de la lettre de licenciement, que la liquidation judiciaire sans poursuite d'activité suffit à elle seule à justifier les licenciements économiques et pourquoi il n'est pas possible juridiquement de remettre en cause le caractère économique du licenciement, dès lors qu'il est fondé sur la liquidation judiciaire. Toute discussion sur la question est inopérante, outre qu'elle ne pourrait prospérer que devant le tribunal de la faillite.

Il n'est donc conforme ni à la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation, ni surtout à la lettre des textes d'ajouter des considérations particulières tenant à l'attitude des dirigeants sociaux pour prétendre, comme l'a fait en l'espèce la cour d'appel d'Aix-en-Provence, que les licenciements perdraient leur caractère économique, alors même qu'ils seraient intervenus en application d'un jugement ouvrant ou prononçant une liquidation judiciaire.

Au demeurant, nous avons déjà observé qu'un conseil des prud'hommes ne peut porter son appréciation sur la gestion des dirigeants sociaux.

Dès lors qu'une liquidation judiciaire est prononcée, le caractère économique du licenciement ne peut être discuté que devant le tribunal de la faillite. Pour sa part, le conseil des prud'hommes reste seul compétent pour connaître des questions relatives à la situation individuelle des salariés licenciés (6). "Le juge consulaire est le pivot sur lequel repose l'ensemble de l'édifice [du licenciement dans les procédures collectives...], le juge prud'homal reste, non sans heurts, le juge du contrat de travail".

La cause économique justificative du licenciement économique permet de déterminer si le licenciement est justifié, s'il est conforme au droit. Concrètement, le problème est celui de la cause réelle et sérieuse (7). Le juge judiciaire vérifie la réalité du motif économique du licenciement. Il doit vérifier deux points :
- la réalité de la suppression de l'emploi ;
- et le fait que la suppression de l'emploi repose sur des difficultés économiques réelles. Et comme le relèvent les bons auteurs, là s'arrête son contrôle (8).

Il ne peut être discuté de la réalité du motif économique du licenciement. Il y a suppression d'emploi et le salarié n'est pas remplacé dans son emploi.

La suppression de l'emploi est justifiée, en présence d'une liquidation judiciaire sans poursuite d'activité, car elle entraîne arrêt immédiat de l'activité, et par voie de conséquence obligation de licencier le personnel dans un certain délai aux fins de prise en charge par l'AGS. Il s'en déduit que les conditions matérielles du licenciement économique sont indiscutables.

Si les circonstances économiques justifiant le licenciement sont réelles, le motif économique ne peut davantage être discuté. Or tel est bien le cas si le tribunal prononce la liquidation judiciaire, puisque cela signifie, sur le plan juridique, que l'entreprise n'a plus aucune chance de se redresser et que, par voie de conséquence, son activité doit cesser.

Au demeurant, il importe d'observer que l'article L. 1233-3 du Code du travail (N° Lexbase : L8772IA7), qui définit le motif économique du licenciement, évoque des mesures consécutives notamment [nous soulignons] à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. En employant l'adverbe "notamment", la loi a donc laissé la place à d'autres motifs comme le relèvent les bons auteurs (9). Et ils indiquent que, à ce jour, la jurisprudence a en a découvert deux : la réorganisation et la cessation d'activité.

Il suffit donc qu'il y ait cessation d'activité pour que le licenciement économique soit justifié. Or tel est le cas en présence d'une liquidation judiciaire sans poursuite d'activité. On n'a donc plus, en cette occurrence, à se demander si le licenciement économique est la conséquence des difficultés économiques, puisqu'il y a cessation d'activité.

La recherche à laquelle s'est, en l'espèce, livré le conseil des prud'hommes et à sa suite la cour d'appel a très largement dépassé le cadre du contrôle que doit opérer le juge en charge de l'appréciation du caractère économique du licenciement, au regard des critères ci-dessus dégagés.

En outre, cette recherche s'est faite en méconnaissance totale de la répartition des pouvoirs entre le juge de la procédure collective et le juge du contrat de travail.

C'est pourquoi la décision de la cour d'appel nous apparaît des plus critiquables.

Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises

  • Prise de mesures conservatoires à l'encontre du garant personne physique pendant la procédure de sauvegarde (CA Amiens, 1ère ch. civ., 17 mars 2016 n° 14/01959 N° Lexbase : A8463Q7L ; cf. l’Ouvrage "Entreprises en difficulté" N° Lexbase : E3826EXY)

Le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire interrompt ou interdit toute action en justice à l'encontre du débiteur principal de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au premièrement de l'article L. 622-17 (N° Lexbase : L8102IZ4) et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent (C. com., art. L. 622-21, 1° N° Lexbase : L3452ICT). L'ouverture de la procédure arrête ou interdit également toute procédure d'exécution de la part de ces créanciers (C. com., art. L. 622-21, 2°).

Tant en sauvegarde qu'en redressement judiciaire, l'arrêt des poursuites individuelles est également posé par le législateur au profit des personnes physiques ou coobligés ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie, et ce pendant toute la durée de la période d'observation (C. com., art. L. 622-28, al. 2 N° Lexbase : L7292IZ4). Le législateur a ainsi voulu laisser un peu de répit aux garants personnes physiques. Cependant, cette faveur ne devait pas laisser grande ouverte la possibilité pour les garants de constituer leur insolvabilité pendant la période d'observation. C'est la raison pour laquelle le législateur du 26 juillet 2005 (loi n° 2005-845 N° Lexbase : L5150HGT) a prévu que "les créanciers bénéficiaires de ces garanties peuvent prendre des mesures conservatoires". Par là même, le législateur a recherché un juste équilibre.

Afin de prendre une mesure conservatoire, c'est-à-dire inscrire une garantie conservatoire ou pratiquer une saisie conservatoire, le créancier, s'il ne détient pas un titre, doit obtenir une autorisation du juge, dans les prévisions de l'article R. 511-7 du Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L2542ITC). Cependant, au regard de l'article L. 511-1 du même code (N° Lexbase : L5913IRG), le créancier peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire à condition qu'il justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement. Il va de soi que lorsque le débiteur principal fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire, le recouvrement de la créance est en péril en raison de l'état de cessation des paiements du débiteur principal qui justifie l'ouverture de la procédure. Qu'en est-il lorsque le débiteur fait l'objet d'une procédure de sauvegarde ? Puisque l'ouverture de cette procédure suppose que le débiteur ne soit pas en état de cessation des paiements, peut-on considérer que la créance est en péril et ainsi ouvrir la voie à la prise de mesures conservatoires à l'encontre des cautions ? Une juridiction du fond s'est récemment prononcée sur cette intéressante question.

Dans l'espèce rapportée, ayant donné lieu à un arrêt rendu le 17 mars 2016 par la cour d'appel d'Amiens, une banque avait, pendant la période d'observation de la procédure de sauvegarde ouverte à l'égard de personne morale cautionnée, obtenu du juge de l'exécution l'autorisation d'inscrire des hypothèques judiciaires sur des biens appartenant à un couple de cautions. Les cautions personnes physiques avaient alors contesté la prise des mesures conservatoires et saisi le juge de l'exécution d'une demande de rétractation des ordonnances ayant autorisé la banque à inscrire les hypothèques judiciaires. Les cautions n'ayant pas été suivies par le juge de l'exécution ont alors interjeté appel. Infirmant le jugement rendu par le juge de l'exécution, la cour d'appel a considéré que "la mise en oeuvre au profit [du débiteur principal] du régime protecteur de la sauvegarde, réservé aux débiteurs justifiant de difficultés financières qu'ils ne sont pas en mesure de surmonter, constitue un élément suffisant pour caractériser la menace qui pèse sur le recouvrement de la créance [...] mais n'est pas de nature à démontrer que la créance de [la banque] envers [les cautions personnes physiques] est menacée". La cour d'appel a, en conséquence, ordonné la mainlevée de l'ensemble des inscriptions d'hypothèques judiciaires provisoires prises à la requête de la banque sur les biens immobiliers des cautions personnes physiques.

Ainsi, la cour d'appel considère que le recouvrement de la créance n'est pas menacé compte tenu de la qualité de la consistance du patrimoine des époux cautions. La cour -et c'est là l'intérêt de cet arrêt- considère que l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, alors même qu'elle suppose l'absence de cessation des paiements du débiteur principal, constitue un élément suffisant pour caractériser la menace qui pèse sur le recouvrement de la créance sur l'entreprise qui fait l'objet d'une procédure collective mais ne caractérise pas, à elle seule, une telle menace quant au recouvrement de cette créance sur les garants. Ainsi, aux yeux de la cour d'appel, seule une piètre consistance du patrimoine des cautions aurait pu justifier la prise de mesures conservatoires pendant la période d'observation du débiteur sous sauvegarde.

Cette solution peut paraître critiquable dans la mesure où elle laisse ainsi au garant le loisir de constituer son insolvabilité, ce que, précisément, le législateur a souhaité éviter en édictant l'article L. 622-28, alinéa 3.

Deux observations peuvent être faites.

Premièrement, la solution selon laquelle l'ouverture d'une procédure de sauvegarde constitue un élément suffisant pour caractériser la menace qui pèse sur le recouvrement de la créance et ainsi n'est pas un obstacle en soi à la prise de mesures conservatoires, n'était pas évidente puisque, précisément, le débiteur principal n'est pas en état de cessation des paiements. Il aurait donc pu être considéré que le recouvrement de la créance n'était pas en péril à l'égard du débiteur principal. C'est d'ailleurs en ce sens que s'était exprimée la doctrine (10) remarquant cependant que s'il devait être considéré que le recouvrement de la créance n'était pas en péril à l'encontre du débiteur principal, cela ne devait pas nécessairement interdire la prise de mesures conservatoires à l'égard des cautions car deux interprétations sont alors possibles :

- soit le législateur n'a pas réfléchi à la nécessité de la prise de mesures conservatoires spécifiquement en sauvegarde. Il faut se souvenir, en effet, que le texte qui pose le principe de la suspension des poursuites contre les cautions personnes physiques date de la loi du 10 juin 1994 (loi n° 94-475 N° Lexbase : L9127AG7), époque à laquelle la procédure de sauvegarde n'avait pas fait son entrée dans le livre VI du Code de commerce. Ce texte, devenu l'article L. 622-28, pose en deux alinéas un principe de suspension et ensuite une possibilité de prise de mesures conservatoires. Il a, par la loi du 26 juillet 2005, été appliqué à la sauvegarde car ce texte est en effet devenu un texte de la procédure de sauvegarde que le législateur a rendu applicable en redressement. Si c'est par inadvertance du législateur que l'alinéa 3 de l'article L. 622-28 est applicable en sauvegarde, la prise de mesures conservatoires devrait être impossible dès lors que l'on prend le parti de considérer que la créance n'est pas en péril en l'absence de cessation des paiements du débiteur principal ;

- soit le législateur a délibérément choisi de rendre applicable l'alinéa 3 de l'article L. 622-28 du Code de commerce en sauvegarde. Cela signifie alors que l'idée selon laquelle il faut un péril dans le recouvrement de la créance pour pratiquer des mesures conservatoires lorsque le débiteur principal est en sauvegarde, doit être rejetée. La possibilité de pratiquer des mesures conservatoires sur le garant personnes physiques d'un débiteur, pendant la période d'observation de la procédure de sauvegarde, ne nécessiterait alors pas la démonstration que le recouvrement de la créance est en péril à l'égard du débiteur principal, à l'instar de la solution posée pour la prise de mesures conservatoires sur les biens d'un dirigeant recherché en responsabilité pour insuffisance d'actif (11). Ainsi que l'a relevé un auteur (12), cette interprétation permettrait de ne pas laisser lettre morte l'alinéa 3 de l'article L. 622-28.

En décidant que l'ouverture d'une procédure de sauvegarde à l'égard du débiteur principal caractérise, au sens de l'article L. 511-1 du Code des procédures civiles d'exécution, la menace pesant sur le recouvrement de la créance, la cour d'appel d'Amiens rend, sur ce point, une décision favorable au créancier du débiteur sous sauvegarde puisqu'elle ne lui ferme pas ab initio la voie du recours aux mesures conservatoires contre les garants.

Mais c'est sur un autre terrain que la cour d'appel ordonne, en l'espèce, la mainlevée des mesures conservatoires prises à l'encontre des cautions : elle considère que le recouvrement de la créance n'est pas en péril au regard de la consistance du patrimoine des cautions, laquelle démontrait, selon la cour, qu'elles étaient en mesure de faire face à leur engagement sans qu'il soit nécessaire de mettre en oeuvre des mesures conservatoires à leur encontre.

Sur ce point, l'arrêt apparaît critiquable car il n'est pas conforme avec l'objectif du législateur, qui était celui d'éviter de permettre aux garants de constituer leur insolvabilité pendant la période de suspension des poursuites individuelles.

Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences - HDR à l'Université de Nice Sophia-Antipolis, Co-directrice du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises, Membre du CERDP (EA 1201)


(1) Cass. crim., 18 juin 1998, n° 97-83.996, inédit (N° Lexbase : A8964AG4), JCP éd. E, 1999, 174, note J.-H. Robert ; Rev. sociétés, 1998, 817, obs. B. Bouloc ; Cass. crim., 5 novembre 2008, n° 07-87.086, F-D (N° Lexbase : A4884RN9), Gaz. proc. coll., 2009/1, p. 60, note C. Robaczewski.
(2) Cass. crim., 3 octobre 2007, n° 07-81.030, F+P+F (N° Lexbase : A8638DYL), Bull. crim., n° 237 ; Gaz. proc. coll., 2008/1, p. 74, note C. Robaczewski.
(3) J. Abras, Responsabilité extra-contractuelle des dirigeants sociaux - L'exigence d'une faute séparable des fonctions entendue restrictivement : présent offert aux dirigeants ou nécessité ?, JCP éd. E, 2008, 1912, spéc. n° 8.
(4) CPH Saintes, 2 juillet 2015, n° F 14/00224.
(5) B. Bossu, F. Dumont et P.-Y. Verkindt, Droit du travail, éd. Montchestien, 2011, n° 734.
(6) Cass. soc., 3 octobre 1989, n° 88-42.835, publié (N° Lexbase : A1534AA3), Bull. civ. V, n° 559 ; Cass. soc., 6 mars 1990, n° 88-40.028, publié (N° Lexbase : A6061CXR), Bull. civ. V, n° 92, D., 1990, Somm. 218, obs. A. Honorat, JCP éd. E, 1991, 46, n° 18, obs. Ph. Pétel, Rev. proc. coll., 1991, 244, obs. E. Kerckhove ; Cass. soc., 5 mai 1993, n° 92-40.835, publié (N° Lexbase : A3987ACN), Bull. civ. V, n° 127 ; Cass. soc., 21 février 1996, n° 93-41.310, inédit (N° Lexbase : A1136AAC), JCP éd. E, 1996, II, 862, note J.-J. Serret.
(7) Bossu, Dumont et Verkindt, préc. n° 752.
(8) Bossu, Dumont et Verkindt, préc., n° 753.
(9) Bossu, Dumont et Verkindt, préc., n° 757.
(10) P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz Action, 2015/2016, n° 712.24.
(11) Cass. com., 31 mai 2011, n° 10-18.472, FS-P+B (N° Lexbase : A3307HTN), Bull. civ. IV, n° 89 ; D., 2011. Actu 1613, obs. A. Lienhard ; D., 2011. 2692, note Guillou ; P.-M. Le Corre, Chron., Lexbase, éd. aff., 2011, n° 255 (N° Lexbase : N4343BSN).
(12) P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, préc., n° 712.24.

newsid:452690

Fiscalité des particuliers

[Brèves] Condition de résidence fiscale pour l'imposition commune des époux en Nouvelle-Calédonie

Réf. : Cons. const., 10 mai 2016, n° 2016-539 QPC (N° Lexbase : A5064RNU)

Lecture: 1 min

N2723BWR

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/31680714-edition-n-655-du-19052016#article-452723
Copier

Le 20 Mai 2016

Le fait que l'article Lp. 52 du Code des impôts de la Nouvelle-Calédonie soumette à une imposition commune les seules personnes mariées ayant chacune leur domicile fiscal en Nouvelle-Calédonie est contraire à la Constitution. Telle est la solution retenue par le Conseil constitutionnel dans un arrêt rendu le 10 mai 2016 (Cons. const., 10 mai 2016, n° 2016-539 QPC N° Lexbase : A5064RNU). Le Conseil constitutionnel a été saisi 10 février 2016 par le Conseil d'Etat d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du deuxième alinéa du paragraphe I de l'article Lp. 52 du Code des impôts de la Nouvelle-Calédonie (CE 9° et 10° s-s-r., 10 février 2016, n° 394701, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A7087PKP). Les dispositions contestées prévoient que l'imposition commune des époux et, par conséquent, l'attribution d'un quotient conjugal de deux parts, est soumise à la condition que les deux époux sont fiscalement domiciliés en Nouvelle-Calédonie. Le Conseil constitutionnel a alors jugé que cette différence de traitement entre les couples mariés, selon le lieu des domiciles des époux, n'est pas justifiée par une différence de situation en rapport avec l'objectif poursuivi par le législateur de la Nouvelle-Calédonie. Les juges suprêmes ont, en conséquence, jugé les dispositions contestées contraires au principe d'égalité devant la loi. Ils ont déclaré contraires à la Constitution les mots "ayant chacun leur domicile fiscal en Nouvelle-Calédonie" figurant dans la première phrase du deuxième alinéa du paragraphe I de l'article Lp. 52 du Code des impôts de la Nouvelle-Calédonie. Cette abrogation prend effet dès la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Ainsi, les contribuables concernés pourront s'en prévaloir.

newsid:452723

Fiscalité internationale

[Chronique] Les réformes visant à lutter contre l'évasion et la fraude fiscales internationales

Lecture: 6 min

N2732BW4

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/31680714-edition-n-655-du-19052016#article-452732
Copier

par Frédéric Dal Vecchio, Avocat à la Cour, Docteur en droit et Chargé d'enseignement à l'Université Royale de Phnom Penh (URDSE) et à l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines

Le 18 Mai 2016

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose, cette semaine, de retrouver un article de droit fiscal international réalisé par Frédéric Dal Vecchio, Avocat à la Cour, Docteur en droit, Chargé d'enseignement à l'Université Royale de Droit et de Sciences Economiques de Phnom Penh (URDSE) et de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, portant sur les importantes réformes, tant conventionnelles qu'en droit interne, visant à lutter contre l'évasion et la fraude fiscales internationales. A ce titre, l'effet collatéral bénéfique de la crise financière de 2008 réside sans nul doute dans l'opportunité historique, du point de vue des administrations fiscales, de faire admettre de profonds changements quant à la législation applicable en droit fiscal international. A n'en pas douter, la crise financière est l'un des alliés objectifs des différentes administrations fiscales concernées par la perte substantielle de leurs bases d'imposition, officiellement en conséquence de l'émergence de l'économique numérique et de l'ingénierie contractuelle transfrontalière mise en place par les contribuables ; officieusement du fait d'une mobilité internationale accrue (voulue ou subie) des contribuables susceptibles de générer une forte valeur ajoutée (1) et qui se voient offrir une excellente qualité de vie par des Etats tiers. Le deuxième allié objectif des administrations fiscales, ce sont les différentes personnes pudiquement (2) appelées "lanceurs d'alerte" à l'origine de fuites opportunément orchestrées afin d'alimenter des révélations journalistiques (3) que l'on aurait pu espérer à titre gracieux lorsqu'on prétend défendre l'intérêt général (4). Le droit fiscal étant susceptible de faire l'objet d'interprétations hâtives et partiales de groupes de pression qui ont leurs relais auprès des autorités publiques, les textes conventionnels ou internes adoptés par les Etats peuvent être la résultante de débats qui ne relèvent plus de la seule technique juridique dans leur mise en oeuvre (I) révélant des adaptations législatives qui ne sont pas nécessairement convergentes entre les différentes juridictions (II). I - La lutte contre l'évasion et la fraude fiscales internationales : du constat aux moyens mis en oeuvre

La lutte contre l'évasion et la fraude fiscales internationales à travers des instruments juridiques de droit interne et conventionnels repose en premier lieu sur un constat (A) puis sur des moyens mis en oeuvre (B).

A - Le constat

Les stratégies suivies par les groupes internationaux profitent de l'absence d'harmonisation des législations nationales ainsi que des sensibles différences de qualifications juridiques entre les juridictions. Si initialement, l'impôt suivait les flux physiques, l'essor du numérique remet ce schéma traditionnel d'imposition en cause. Le chalandage fiscal inhérent à l'émergence de l'économie digitale permet aux contribuables d'organiser leurs activités économiques en abusant du statut d'établissement stable "en faisant appel à des commissionnaires plutôt qu'à des distributeurs ou en fragmentant les activités de manière artificielle" (5) ; en facturant des prestations immatérielles à d'autres entreprises appartenant au même groupe au titre de la propriété intellectuelle (design des magasins, licences de marques, brevets...), de conseil en stratégie ou en ressources humaines, de frais financiers ou de services de paiements pour des entités domiciliées dans des Etats exotiques. L'imagination des contribuables paraît être sans limite : les financements hybrides (6), qui permettent une double déduction ou une double non-imposition selon les qualifications juridiques de titres de participation ou de titres de dette retenues par les juridictions, ont également été exploités par les contribuables (7). L'audition de responsables de sociétés multinationales devant le Parlement britannique est particulièrement instructive et a mis en évidence, notamment, toute la difficulté à établir le "bon" taux de redevances entre entreprises liées dont on comprend, à la lecture des transcriptions de ces auditions (8), qu'il ne dépend pas uniquement de critères rationnels économiques dès lors qu'il doit être politiquement acceptable. Ces problématiques renvoient également à une forme d'avantage compétitif octroyé aux entreprises par certains Etats (et dans un premier temps parfaitement tolérés par les politiques) qui, à travers des accords particuliers, ont accordé des aides d'Etat (9).

B - Les moyens mis en oeuvre

L'une des questions centrales quant à la lutte contre l'évasion et la fraude fiscales internationales ayant trait à l'imposition effective des bénéfices dans un monde converti à l'économie numérique, le risque était réel de voir les Etats (confrontés à de substantielles pertes de base imposable) agir en ordre dispersé et modifier leurs législations respectives de telle façon que l'application du droit conventionnel soit écartée de facto : certains Etats ont ainsi adopté des mesures anti-abus de droit interne visant à faire échec aux montages contractuels des contribuables mais entraînant l'impossibilité d'appliquer les conventions fiscales bilatérales, ce qui est contraire au principe pacta sunt servanda ainsi que l'avait rappelé le Conseil d'Etat dans sa décision "Schneider Electric" (10). C'est pourquoi, à la suite de la crise financière de 2008, l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) a promu le projet BEPS (11) adopté par le G20 en 2013 visant à lutter contre les pratiques des contribuables (12) qui exploitent les disparités entre les juridictions (notamment quant aux régimes juridiques localement applicables mais également s'agissant des standards internationaux) sous la forme de quinze actions devant entrer en vigueur selon un calendrier préétabli (13). Ce plan d'action approuvé par les ministres des Finances du G20 et les membres de l'OCDE, parmi lesquels le Japon, la Corée, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, vise notamment l'économie numérique, la prévention de l'utilisation abusive du statut d'établissement stable et les prix de transfert et propose une mise en oeuvre en plusieurs phases (14) coordonnées avec une large participation de pays non membres de l'OCDE notamment l'Inde, la Chine et l'Indonésie (15).

II - La lutte contre l'évasion et la fraude fiscales internationales : des juridictions en ordre dispersé ?

Si la tendance actuelle des juridictions est de converger vers des dispositifs communs ou comparables (A), d'irréductibles différences subsisteront dès lors que le droit fiscal porte, par essence, l'empreinte du pouvoir régalien (B).

A - Des juridictions dont la législation converge

Sans nul doute, depuis le début de la crise financière de 2008, les législations d'un grand nombre d'Etats ont été adaptées afin de satisfaire aux normes promues par l'OCDE. L'échange automatique, et non plus seulement sur demande, des données entre les Etats en est l'illustration la plus topique. En effet, la Convention concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale (16) vise tous les prélèvements obligatoires (17) et offre la possibilité depuis 2011 à l'ensemble des juridictions, qu'elle soit membre ou non de l'OCDE ou du Conseil de l'Europe, d'y adhérer. Cet instrument juridique a été signé par quatre-vingt-quatorze Etats (18) prévoyant un échange de données que l'on suppose exploitable par les ressources humaines des administrations concernées. On s'interrogera toutefois sur le respect effectif du secret professionnel dès lors que certaines ONG revendiquent l'accès à ces informations. De même, l'action 13 du programme BEPS visant à "Développer la transparence pour les administrations fiscales et accroître la certitude et la lisibilité pour les contribuables grâce à une amélioration de la documentation des prix de transfert et à l'élaboration d'un modèle-type de communication d'information pays par pays" (19) a été adoptée par plusieurs Etats dont la France : après avoir voté des dispositions relatives au suivi de la politique fiscale en matière de prix de transfert au sein des groupes internationaux (20), la France contraint les entreprises à effectuer une déclaration dématérialisée souscrite dans les douze mois de la clôture des comptes par certaines personnes morales françaises comportant la répartition pays par pays des bénéfices du groupe et des agrégats économiques, comptables et fiscaux, ainsi que des informations sur la localisation et l'activité des entités (21). La France a été imitée par d'autres Etats qui appliquent l'action 13 après adaptation de leurs législations internes : c'est le cas du Japon, de la Corée du Sud, de l'Italie, de l'Irlande, de l'Australie et du Danemark. Enfin, la participation à l'écriture des recommandations promues par le programme BEPS, et publiées dans les rapports finaux en octobre 2015, a permis, par ailleurs, à certaines juridictions de prétendre endosser un rôle politique plus important dans les relations internationales (22).

B - Des juridictions dont la législation diverge

Malgré le mouvement initié depuis quelques années, il est illusoire d'envisager que les législations fiscales des différents Etats, même ceux ayant décidé de s'atteler sérieusement à la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales internationales, puissent converger au point que les législations puissent être tout à fait assimilables. Outre les différences de développement économique et la rareté de certains abus dénoncés (23), le fait culturel ne peut pas être ignoré quant au rapport des contribuables à l'impôt et au rôle assigné à l'Etat : les modifications législatives en conséquence d'événements économiques et politiques internationaux peuvent être interprétées comme heurtant la souveraineté fiscale des Etats. On ne saurait, en effet, ignorer le caractère parfois sourcilleux de certaines juridictions lorsqu'il s'agit de modifier une législation interne sous l'influence d'un tiers extérieur : si les Etats sont sensibles aux arguments justifiant la mise en oeuvre du programme BEPS, ils entendent également adopter les différentes actions promues par l'OCDE en fonction de leur propre expérience. L'exemple de la loi "FATCA" est topique à cet égard : les autorités fiscales américaines ont introduit des dispositions obligeant les banques étrangères à "transmettre à l'administration fiscale américaine des informations précises sur les flux de revenus des citoyens américains et leurs stocks d'actifs, sous peine d'un prélèvement obligatoire de 30 % à la source sur les revenus détenus par les citoyens américains" (24). Beaucoup de juridictions ont dû accepter de modifier leurs propres législations afin de se conformer à la Lex americana. Au-delà des sanctions juridiques applicables et de l'épineuse question de la réciprocité des échanges d'informations, l'administration américaine disposait d'un argument économique sans équivalent : la menace de suspendre une licence bancaire pour exercer aux Etats-Unis, ce qui a permis de convaincre plus d'une juridiction de l'intérêt de coopérer (25) rapidement, notamment la France, qui a inspiré une "FATCA" européenne (26), malgré les interrogations légitimes des titulaires des comptes pour la protection de leur vie privée au pays des droits de l'Homme. D'autres juridictions ont été autrement plus réticentes à modifier leurs législations : il a en été ainsi en Corée du Sud où la loi "FATCA" entrait en conflit avec le respect du secret bancaire et le principe du recueil préalable du client ; ou encore en Russie où les pourparlers pour modifier la législation russe en conséquence ont été rompus. Si l'objectif annoncé des différents instruments internationaux proposés est de mettre un terme aux abus supposés des contribuables, on scrutera avec intérêt leur effectivité sur le long terme (27) d'autant que des réserves peuvent être exprimées à la signature (28) par les Etats contractants.


(1) Y. Galut, Rapport au nom de la Commission d'enquête sur l'exil des forces vives de France, Assemblée nationale, 8 octobre 2014. Des querelles sur la méthodologie et sur les chiffres quant au suivi de l'évolution et des retours des contribuables français à l'étranger sont inévitables : le nombre d'assujettis à l'ISF ou à l'exit tax ne rend compte que d'une réalité partielle. Quid des contribuables qui n'étaient pas imposables à l'ISF ou qui ne souscrivaient pas leurs déclarations par exemple ? Si certains soulignent l'existence d'une fiscalité motivant les exils, la réalité est malheureusement plus préoccupante : bien souvent, les contribuables quittent la France en quête de véritables opportunités professionnelles et d'une qualité de vie meilleure. Le niveau des prélèvements obligatoires est un facteur de décision parmi d'autres et il ne suffira pas de l'abaisser pour inciter mécaniquement les exilés fiscaux au retour. Le précédent du "bouclier fiscal" en vigueur en France de 2005 à 2011 en est l'illustration car les contribuables exilés avaient parfaitement perçu l'instabilité chronique de la législation fiscale française : ce que le Parlement a institué à la suite de déclarations solennelles (le "bouclier fiscal" était codifié à l'article 1er du CGI N° Lexbase : L9234HZZ), il le modifiera sensiblement par étapes successives, par le biais du détricotage législatif et règlementaire, avant de le supprimer. Vu de l'étranger, autant rester sous des cieux économiques plus cléments et plus stables juridiquement.
(2) Les extraordinaires ressorts linguistiques de la langue française permettent de qualifier du doux vocable de "lanceur d'alerte" ce qui pourrait apparaître comme relevant d'une violation du secret professionnel, du secret des affaires ou du secret de l'instruction.
(3) 2008 : "UBS Suisse" ; 2013 : "Offshore Leaks" ; 2014 : "China Leaks" ; 2014 : "Luxembourg Leaks" ; 2015 : "Swiss Leaks (HSBC)" ; 2016 : "Panama Papers", M. Damgé et M. Vaudano, D'UBS aux Panama papers, une décennie de scandales financiers (et ce qu'ils ont changé), Le Monde, 6 avril 2016.
(4) Dans le cadre de l'affaire "Panama Papers", on apprend, malgré le désintéressement affiché par certains groupes de pression, qu'"une partie des données du cabinet d'affaires panaméen Mossack Fonseca a été vendue aux autorités allemandes, américaines et britanniques notamment", M. Vaudano et J. Baruch, Le Monde, 6 mai 2016.
(5) OCDE, Projet OCDE/G20 sur l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices, Exposé des actions 2015, Editions OCDE, 2015, p. 10.
(6) Action n° 2 du programme BEPS : "Les travaux ont permis de définir une approche commune qui permettra la convergence des pratiques des pays, en s'appuyant sur des règles nationales et des dispositions conventionnelles. Cette nouvelle approche contribuera à limiter les cas de double non-imposition en neutralisant les avantages fiscaux qui découlent des asymétries, en mettant un terme aux déductions multiples et coûteuses au titre d'une même dépense, aux déductions opérées dans un pays sans imposition correspondante dans l'autre pays et à la génération de plusieurs crédits d'impôt étrangers pour un seul impôt étranger acquitté", OCDE, ibidem, p. 15.
(7) La France a modifié sa législation sans opérer de distinction entre des mouvements financiers internationaux ou non (CGI, art. 212 I N° Lexbase : L3880KWM). V. également : Commission européenne, Document de travail des services de la Commission, Marché intérieur : exemples concrets de cas de double non-imposition, Document de consultation, 2012. Plusieurs recommandations ont été publiées par la Commission européenne le 6 décembre 2012 concernant "La planification fiscale agressive" et "Les mesures visant à encourager les pays tiers à appliquer des normes minimales de bonne gouvernance dans le domaine fiscal".
(8) "Q219 Chair: So how on earth do you then get that 6% or 4.7% is the fair and proper charge? Troy Alstead: Two or perhaps three ways. One is understanding what global brands charge for those goods and services to licensees around the world. In the UK, that ranges from close to 5% up to a maximum of 8% or so. Q220 Chair : No, it does not. McDonald's is about 4%. Burger King is about 4%. KFC do not charge anything. Troy Alstead: The royalty rate, as we have seen around the world, ranges from that 5% or so- Q221 Chair: This is really interesting, so you go for what is in the market-what you think you can get away with-and charge it. Troy Alstead: We have approximately 20- Q222 Chair: Is that right? Have I understood that right? You look at what the going rate is in a particular jurisdiction and charge it. Troy Alstead : No, that is not quite right. If I may explain- Q223 Chair: But you have no figures underpinning it. Troy Alstead: We have 20 licensees around the world who are independent companies. These licensees are big, sophisticated companies who willingly pay us the 6% royalty, because they clearly recognise the value of the goods and services, the store design, the trademark protection and the value of the global brand that comes into that band. I would also point out that, whereas most licensors charge their licensees multiple fees-a royalty and often a marketing contribution and other funds-in Starbucks we have one. We have just that 6% royalty fee. Q224 Chair: I want to understand. I am going to turn to Stewart, but I will give you one last chance. Apart from it being the going rate in a country, what are the figures that underpin it? How much for getting the coffee mix right? How much for getting the advertising right? How much for getting the layout of the shops right? Troy Alstead: It is a collective fee that represents all those services. Q225 Chair: But how much on each ? There must be some logic to it, or it is just what you hope you can get away with", Public Accounts Committee-Minutes of Evidence, HC 716, 12 novembre 2012. M. Troy Alstead était le directeur en charge des opérations de l'entreprise Starbucks.
(9) Cf. Communiqué de la Commission européenne du 21 octobre 2015 concernant, notamment, la filiale luxembourgeoise d'un constructeur automobile au titre de prêts intragroupe.
(10) CE Ass., 28 juin 2002, n° 232276, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0219AZ7), Dr. fisc., 2002, comm. 657 ; P. Dibout, L'inapplicabilité de l'article 209, b du CGI (N° Lexbase : L4558I7X) face à la Convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 (N° Lexbase : L6752BHK) (à propos de l'arrêt Schneider Electric), Dr. fisc., 2002, ét. 28.
(11) P. Saint-Amans et E. Robert, Le projet BEPS et la longue marche en direction d'une fiscalité globale pour l'économie du XXIe siècle, Dr. fisc., 2015, comm. 709.
(12) "Le manque à gagner pour les Etats pourraient être compris entre 4 et 10 % des recettes totales de l'impôt sur les bénéfices des sociétés, soit entre 100 et 240 milliards de dollars chaque année à l'échelle mondiale", OCDE, ibidem, p. 5.
(13) P. Saint-Amans et E. Robert, Le projet BEPS et la longue marche en direction d'une fiscalité globale pour l'économie du XXIe siècle, Dr. fisc., 2015, comm. 709.
(14) En septembre 2014, septembre 2015 et décembre 2015.
(15) La Chine, le Japon, la Corée du Sud, l'Inde, l'Indonésie, l'Australie sont membres du G20.
(16) Amendée par le Protocole de 2010. V. également en droit de l'Union européenne en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal : Directive 2011/16/UE du 15 février 2011 (N° Lexbase : L5101IPM) ; Directive 2014 /107/UE du 9 décembre 2014 (N° Lexbase : L0202I7M) ; Directive 2015/2376 du 8 décembre 2015 (N° Lexbase : L3592KWX).
(17) Les droits de douane n'entrent pas dans le champ d'application de cette convention multilatérale.
(18) Au 22 avril 2016.
(19) Exposé des actions relevant du projet BEPS.
(20) LPF, art. L. 13 AA (N° Lexbase : L9780I3M) ; V. également l'article 86 de la loi de finances pour 2016 (loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 N° Lexbase : L2719KWM) qui modifie l'article 223 quinquies B du CGI (N° Lexbase : L3157KWT), relatif à l'obligation déclarative annuelle des prix de transfert.
(21) Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2016 : CGI, art. 223 quinquies C (N° Lexbase : L2943KWW).
(22) La Chine par exemple.
(23) Les financements hybrides sont rares dans certains Etats notamment du fait du contrôle des changes.
(24) T. Lambert, La lutte contre l'évasion fiscale internationale : l'offensive américaine en matière d'échange automatique d'informations, Dr. fisc., 2014, ét..697.
(25) "L'échange automatique d'informations est en train de devenir la norme de référence pour les relations entre administrations fiscales. C'est le résultat de deux initiatives convergentes. La première est celle des Etats-Unis, avec le vote en 2010, dans le cadre du Hire Act, du dispositif FATCA (Foreign Account Tax Compliance Act) visant à obliger les établissements financiers des autres pays à transmettre à l'administration fiscale américaine, l'ensemble des informations sur les revenus et les actifs de leurs contribuables. C'est à l'origine une démarche unilatérale américaine fondée sur le principe d'extraterritorialité de la loi, comme le sont certaines lois des Etats-Unis, et dont la portée contraignante repose très largement sur l'accès des établissements financiers internationaux au marché américain", E. Grelier, Rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères sur le projet de loi adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique en vue d'améliorer le respect des obligations fiscales à l'échelle internationale et de mettre en oeuvre la loi relative au respect des obligations fiscales concernant les comptes étrangers, n° 2195, 10 septembre 2014.
(26) Par courrier du 9 avril 2013, cinq Etats membres de l'Union européenne ont interpellé le Commissaire européen en charge de la fiscalité pour mettre en place une "FATCA" européenne.
(27) P. Saint-Amans et S. Abdelghani, Le projet BEPS siffle la fin de la récréation, Revue européenne et internationale de droit fiscal, 2016/1, p. 151.
(28) Art. 30, "Réserves" de la Convention concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale.

newsid:452732

Notaires

[Brèves] Acte authentique : rappel sur les obligations qui incombent au notaire

Réf. : Cass. civ. 1, 12 mai 2016, n° 14-29.959, FS-P+B (N° Lexbase : A0892RPQ)

Lecture: 2 min

N2800BWM

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/31680714-edition-n-655-du-19052016#article-452800
Copier

Le 21 Mai 2016

Le notaire est tenu d'éclairer les parties et d'appeler leur attention, de manière complète et circonstanciée, sur la portée, les effets et les risques des actes auxquels il est requis de donner la forme authentique. Tel est le rappel opéré par la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 12 mai 2016 (Cass. civ. 1, 12 mai 2016, n° 14-29.959, FS-P+B N° Lexbase : A0892RPQ ; déjà en ce sens Cass. civ. 1, 19 décembre 2006, n° 04-14.487, FS-P+B N° Lexbase : A0806DTZ). Dans cette affaire après avoir successivement authentifié, entre le 18 décembre 2007 et le 16 juillet 2008, la donation-partage conjonctive consentie par deux époux, mariés sans contrat préalable le 9 décembre 1987, aux deux enfants issus de leur union, leur changement de régime matrimonial et le partage de la communauté consécutif à l'adoption par ceux-ci du régime de séparation de biens, puis la donation consentie, à titre de partage anticipé, par l'épouse aux enfants communs, d'une partie du solde créditeur d'un compte courant d'associé lui revenant à l'issue du partage de la communauté, le notaire a reçu, le 9 septembre 2008, l'acte portant donation par l'épouse à l'époux, du solde de cette créance ainsi que de la moitié indivise en usufruit de quatre des immeubles objets de la donation-partage et abandon de la soulte due par ce dernier. En février 2009, l'époux a manifesté son intention de divorcer et, un an plus tard, l'épouse a assigné son époux, le notaire et la SCP aux fins, notamment, d'annulation de la donation entre époux pour dol ou erreur, et, subsidiairement, d'indemnisation d'une perte de chance de ne pas y consentir, du fait d'un manquement du notaire à son devoir de conseil. La cour d'appel a rejeté la demande indemnitaire en retenant que l'épouse ne pouvait, sans se contredire, demander la confirmation du jugement qui avait retenu que son consentement n'avait été vicié ni par l'erreur ni par le dol, ce dont il résultait qu'elle reconnaissait avoir signé cet acte en ayant conscience de son sens et de sa portée, et reprocher au notaire d'avoir manqué à son devoir de conseil en ne l'informant pas sur la teneur et la portée du même acte. L'arrêt sera censuré par la Cour de cassation au visa de l'article 1382 du Code civil (N° Lexbase : L1488ABQ). Enonçant la solution précitée, la Haute juridiction retient que le devoir d'information et de conseil du notaire ne se limite pas à s'assurer de l'intégrité du consentement du donateur au regard de l'erreur ou du dol. Partant, la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs impropres à démontrer que l'épouse avait effectivement reçu du notaire une information complète et circonstanciée sur les incidences patrimoniales des libéralités consenties à son époux, dont elle était désormais séparée de biens, qui concernaient la quasi-intégralité de ses droits dans le partage de communauté, et sur les risques découlant, notamment en cas de divorce, de l'irrévocabilité de ces libéralités, a violé le texte susvisé.

newsid:452800

Marchés de partenariat

[Brèves] Annulation d'un contrat de partenariat pour cause d'information insuffisante des conseillers municipaux sur le "coût prévisionnel global" du contrat

Réf. : CE 2° et 7° s-s-r., 11 mai 2016, n° 383768, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6835RNH)

Lecture: 1 min

N2706BW7

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/31680714-edition-n-655-du-19052016#article-452706
Copier

Le 19 Mai 2016

Une information insuffisante des conseillers municipaux sur le "coût prévisionnel global" du contrat justifie l'annulation d'un contrat de partenariat. Telle est la solution dégagée par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 11 mai 2016 (CE 2° et 7° s-s-r., 11 mai 2016, n° 383768, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6835RNH, lire à ce sujet N° Lexbase : N2915BUI). En 2011, un conseil municipal a autorisé la signature d'un contrat de partenariat pour construire et exploiter un nouveau stade. Le calcul du "coût prévisionnel global du contrat, en moyenne annuelle" doit inclure toutes les sommes que la personne publique sera amenée à verser au titulaire du contrat durant toute la période de son exécution, ainsi que toutes les recettes qui seront procurées par le contrat au titulaire. Or, en l'espèce, le juge relève que le coût communiqué aux conseillers municipaux n'a pas pris en compte une "subvention" de 17 millions d'euros, versée par la commune à titre d'avance sur rémunération. En outre, alors que le contrat prévoyait que le titulaire du contrat refacturerait à la commune les impôts et taxes qu'il aurait acquittés, le montant estimatif annuel de ces impôts et taxes étant de 2,6 millions d'euros, ce montant n'a, pas davantage que la "subvention" de 17 millions d'euros, été intégré dans le calcul du coût prévisionnel global en moyenne annuelle du contrat communiqué aux conseillers municipaux. Eu égard à la nature et au montant des deux sommes en cause, le Conseil d'Etat a jugé que leur omission dans le calcul de ce coût caractérise une insuffisance d'information des membres du conseil municipal sur les conséquences financières du recours à un contrat de partenariat qui a privé les membres du conseil municipal de la garantie octroyée par l'article L. 1414-10 du Code général des collectivités territoriales, alors en vigueur (N° Lexbase : L1579IE9). Le Conseil d'Etat annule en conséquence la délibération du conseil municipal autorisant la signature du contrat de partenariat.

newsid:452706

Procédure civile

[Brèves] Saisine du juge de la mise en état et exception d'incompétence

Réf. : Cass. civ. 2, 12 mai 2016, n° 14-28.086, FS-P+B (N° Lexbase : A0854RPC)

Lecture: 1 min

N2752BWT

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/31680714-edition-n-655-du-19052016#article-452752
Copier

Le 19 Mai 2016

Le juge de la mise en état n'est saisi des demandes relevant de sa compétence que par les conclusions qui lui sont spécialement adressées. Ainsi, ayant relevé que lors de la procédure de première instance, l'appelant avait déposé, avant les conclusions aux fins d'incident saisissant explicitement le juge de la mise en état de l'exception d'incompétence, des conclusions qui formulaient à la fois cette exception de procédure et des demandes au fond, c'est à bon droit que la cour d'appel, sans dénaturer les premières conclusions, a retenu que l'exception d'incompétence était irrecevable, faute d'avoir été soulevée avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Telles sont les précisions apportées par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 12 mai 2016 (Cass. civ. 2, 12 mai 2016, n° 14-28.086, FS-P+B N° Lexbase : A0854RPC). Selon les faits de l'espèce, l'Union des mutuelles a employé M. H. en qualité de directeur pendant une période durant laquelle MM. R. et V. en avaient successivement présidé le conseil d'administration. L'Union des mutuelles ayant fait assigner MM. R., V. et H. devant un tribunal de grande instance pour voir annuler le contrat l'ayant liée à ce dernier ainsi que la convention de rupture conventionnelle en exécution de laquelle avait été versée une certaine somme, M. H. a déposé des conclusions demandant au tribunal de grande instance de se déclarer incompétent puis a, dans un second temps, saisi le juge de la mise en état de la même demande. M. H. a formé un contredit et interjeté appel de l'ordonnance du juge de la mise en état ayant rejeté l'exception d'incompétence. Il a ensuite fait grief à la cour d'appel (CA Chambéry, 14 octobre 2014, n° 12/01624 N° Lexbase : A5554MYD) de déclarer irrecevable son exception d'incompétence, arguant de la violation des articles violé 74 (N° Lexbase : L1293H4N) et 771 (N° Lexbase : L8431IRP) du Code de procédure civile. A tort. Enonçant la règle susvisée, la Cour de cassation retient que le moyen n'est pas fondé (cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E3947EUQ).

newsid:452752

Procédure pénale

[Chronique] Chronique de procédure pénale - Mai 2016

Lecture: 28 min

N2670BWS

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/31680714-edition-n-655-du-19052016#article-452670
Copier

par Guillaume Beaussonie, Professeur de droit privé à l'Université Toulouse 1-Capitole (IEJUC, EA 1919) et Jean-Baptiste Thierry, Maître de conférences en droit privé à l'Université de Lorraine, directeur de l'IEJ (IFG, EA 7301)

Le 19 Mai 2016

Lexbase Hebdo - édition privée vous invite à retrouver la chronique de procédure pénale de Guillaume Beaussonie, Professeur de droit privé à l'Université Toulouse-Capitole (IEJUC, EA 1919) et de Jean-Baptiste Thierry, maître de conférences en droit privé à l'Université de Lorraine, directeur de l'IEJ André Vitu (IFG, EA 7301). Parmi les arrêts rendus depuis le début de l'année 2016, on retrouve d'abord différentes questions plutôt classiques : au stade de l'enquête, celles des contrôles d'identité et de l'audition libre ; au stade de l'action publique, celles de la comparution volontaire et de l'article 6-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9880IQY). Une séquence substantielle est ensuite consacrée au mécanisme de l'action civile. Enfin, au stade de l'instruction, est abordée le problème intéressant du rôle joué par l'enquêteur de personnalité. I - L'enquête
  • Le contrôle d'identité prévu à l'article 78-2-2 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L4966ISQ) ne peut être réalisé qu'en présence d'un officier de police judiciaire (Cass. avis, 12 janvier 2016, n° 9003 N° Lexbase : A4921RPX ; Cass. civ. 1, 16 mars 2016, n° 14-25.068, FS-P+B+I N° Lexbase : A4890Q7A) ; lors du contrôle d'identité, la fouille des bagages de la personne contrôlée ne peut intervenir qu'avec son consentement, dès lors que la palpation de sécurité n'a pas préalablement révélé l'existence d'un indice de la commission d'une infraction flagrante (Cass. crim., 23 mars 2016, n° 14-87.370, F-P+B N° Lexbase : A3652RAI ; cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E4338EU9)

Les contrôles d'identité et les pouvoirs octroyés aux officiers et agents de police judiciaire sont fréquemment au coeur de polémiques sociales mettant en cause leur caractère arbitraire ou discriminatoire. Ces contrôles sont un élément essentiel de l'activité de la police judiciaire et de la police administrative. Les arrêts commentés viennent préciser les conditions du déroulement des contrôles d'identité et les pouvoirs des agents qui les réalisent. Ils s'inscrivent, en outre, dans une actualité législative mouvante.

Le premier arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation (n° 14-25.068) concerne le contrôle d'identité de l'article 78-2-2 du Code de procédure pénale. Ce texte prévoit la possibilité pour les officiers de police judiciaire, assistés des agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints, de réaliser les contrôles d'identité prévus à l'article 78-2, alinéa 6, du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9299K48) mais aussi à la visite des véhicules circulant, arrêtés ou stationnant sur la voie publique ou dans des lieux accessibles au public. Un individu interpellé à la suite d'un tel contrôle, effectué par des agents de police judiciaire, puis retenu pour vérification de son droit de circulation et de séjour, avait fait l'objet d'une mesure de rétention sur décision préfectorale. Le juge des libertés et de la détention avait estimé que le contrôle était régulier, ce que l'ordonnance du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence avait confirmé. Ce dernier avait estimé que la présence des officiers de police judiciaire n'était requise que pour les visites de véhicules, les contrôles d'identité pouvant être réalisés par les agents de police judiciaire, sous les ordres des officiers de police judiciaire. Le 6 octobre 2015, la première chambre civile avait fait une demande d'avis auprès de la Chambre criminelle, pour savoir si ce contrôle d'identité supposait la présence effective d'un officier de police judiciaire. La question était pertinente : l'article 78-2-2 renvoie à l'article 78-2 du Code de procédure pénale, lequel prévoit expressément que les contrôles qu'il prévoit peuvent être réalisés par les agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints, sur l'ordre et sous la responsabilité d'un officier de police judiciaire. Il fallait donc déterminer si l'article 78-2-2 envisage le contrôle et la visite des véhicules comme devant être réalisés en présence d'un officier de police judiciaire ou si cette disposition opère, en raison du renvoi à l'article 78-2, une distinction, entre le contrôle qui pourrait être réalisé hors présence de l'officier de police judiciaire, et la visite, qui nécessiterait cette présence.

Le 12 janvier, la Chambre criminelle a précisé que la présence effective d'un officier de police judiciaire s'impose "dès lors qu'un tel contrôle, qui exige des garanties spécifiques, a pour objet de permettre concomitamment au contrôle d'identité, la réalisation d'une visite de véhicule". Elle ajoute que l'article 78-2-2 n'opère "aucune distinction selon que ce contrôle se limiterait, dans les faits, à celui de l'identité d'une personne ou serait associé à une visite de véhicule". Cet avis est entièrement suivi par la première chambre civile, qui casse et annule sans renvoi la décision du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

Bien que portant sur la version de l'article 78-2-2 du Code de procédure pénale antérieure à la loi n° 2016-339 du 22 mars 2016, relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes de terrorisme dans les transports collectifs de voyageurs (N° Lexbase : L2650K7B), la solution de l'avis de la Chambre criminelle et de l'arrêt de la première chambre civile (n° 14-25.068) est la même dans la rédaction actuelle du texte, et devrait être identique dans la future modification du texte qui résultera du projet de loi sur la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement et l'amélioration de l'efficacité et des garanties de la procédure pénale. L'actuel article 78-2-2 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L2743K7Q) permet l'inspection visuelle des bagages ou leur fouille, dans les véhicules et les emprises immobilières des transports publics de voyageurs. Le futur article 78-2-2 permettra cette inspection visuelle et cette fouille, quel que soit l'endroit. En tout état de cause, la présence de l'officier de police judiciaire est et sera nécessaire.

Cette possibilité de procéder à l'inspection visuelle ou à la fouille des bagages concernera donc le contrôle d'identité réalisé dans le cadre de l'article 78-2-2 du Code de procédure pénale. En revanche, pour le contrôle d'identité de l'article 78-2 et la vérification d'identité de l'article 78-3 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L1334HP4), la fouille des bagages n'est pas expressément prévue, ce qui rend l'arrêt rendu le 23 mars 2016 par la Chambre criminelle de la Cour de cassation particulièrement intéressant. Des gendarmes pensent reconnaître un individu faisant l'objet d'une fiche de recherches et réalisent donc un contrôle d'identité, dans le cadre de l'article 78-2 du Code de procédure pénale. L'individu déclarant ne pas disposer de document d'identité, il est procédé à une vérification d'identité, conformément à l'article 78-3 du Code de procédure pénale. Au cours de cette vérification, les gendarmes procèdent à une "fouille palpation", découvrant un faux permis de conduire dans la sacoche de l'intéressé. Poursuivi pour détention de faux documents administratifs en récidive, le prévenu est condamné par le tribunal correctionnel, qui rejette l'exception de nullité tirée de l'irrégularité de la fouille de la sacoche. La cour d'appel de Grenoble, le 14 octobre 2014, confirme le rejet de l'exception de nullité, estimant que la fouille de la sacoche était l'unique moyen de garantir la sécurité des personnes et des biens. A la suite du pourvoi formé par le prévenu, la Chambre criminelle casse et annule l'arrêt rendu, et renvoi la cause et les parties devant la cour d'appel de Chambéry.

La Cour vise les articles 76 (N° Lexbase : L7225IMK) (relatif aux perquisitions), 78-2 et 78-3 du Code de procédure pénale, ainsi que l'article R. 434-16 du Code de la sécurité intérieure (N° Lexbase : L9238IYS). Cette dernière disposition précise le cadre du recours à la palpation de sécurité, qui ne revêt pas un caractère systématique et est réservée aux cas dans lesquels elle apparaît nécessaire à la garantie de la sécurité du policier ou du gendarme qui l'accomplit ou de celle d'autrui. Elle a pour finalité de vérifier que la personne contrôlée n'est pas porteuse d'un objet dangereux pour elle-même ou pour autrui. La palpation doit donc être justifiée par un risque qu'il faut caractériser. Par la référence à ces dispositions, la Cour de cassation fixe le cadre des mesures qui peuvent intervenir lors d'un contrôle d'identité de police judiciaire. Le contrôle ne peut intervenir que pour les raisons énumérées aux six premiers alinéas de l'article 78-2. Il est nécessaire de caractériser une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner que la personne a commis ou tenté de commettre une infraction, ou qu'elle se prépare à commettre un crime ou un délit, ou qu'elle est susceptible de fournir des renseignements utiles à l'enquête en cas de crime ou de délit, ou qu'elle fait l'objet de recherches ordonnées par l'autorité judiciaire. Le sixième alinéa de l'article 78-2 prévoit, quant à lui, le cas des contrôles d'identité de toute personne, sur réquisitions écrites du procureur de la République. Si le cadre du contrôle est régulier, encore faut-il alors que la réalisation du contrôle le soit également. La palpation de sécurité n'interviendra qu'en raison d'un risque, et ce n'est que si cette palpation révèle l'existence d'un indice de la commission d'une infraction flagrante que la fouille des bagages pourra intervenir sans le consentement de l'intéressé. Cette fouille est expressément assimilée à une perquisition par le visa de l'article 76 du Code de procédure pénale.

Les décisions de la première chambre civile et de la Chambre criminelle de la Cour de cassation apportent donc des précisions utiles sur des pratiques encadrées par des textes mal rédigés. On pourra, toutefois, regretter que le législateur ne se saisisse pas de la question des contrôles d'identité pour créer un régime clair et cohérent qui pourrait s'organiser en deux ou trois dispositions qui regrouperaient toutes les hypothèses de ces contrôles. Il serait ainsi envisageable de préciser le cadre des contrôles d'identité de police judiciaire et des pouvoirs des autorités les réalisant, d'une part, et celui des contrôles d'identité effectués sur réquisition du procureur de la République et des pouvoirs des autorités les réalisant, d'autre part. Les premiers obéiraient à la logique de l'arrêt du 23 mars 2016, les seconds permettraient la fouille des bagages à condition qu'un officier de police judiciaire soit effectivement présent. Une telle clarification bénéficierait à n'en pas douter aux personnes contrôlées, mais également aux autorités de police et de gendarmerie qui verraient le cadre de leur action précisé. Malheureusement, le législateur s'apprête, dans le projet de loi sur la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement et l'amélioration de l'efficacité et des garanties de la procédure pénale, à réformer, pour la deuxième fois cette année, l'article 78-2-2 du Code de procédure pénale.

  • L'absence de notification du droit de quitter les lieux n'est pas une cause de nullité d'une audition libre lorsque celle-ci intervient hors des locaux de police ou de gendarmerie (Cass. crim., 1er mars 2016, n° 14-87.368, FS-P+B N° Lexbase : A0816QYU ; cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E1769EU3)

Un officier de police judiciaire constate un excès de vitesse. Le conducteur du véhicule est entendu sur les lieux de constatation de ce dépassement. Poursuivi pour excès de vitesse d'au moins 50 km/h en récidive, il est condamné à un mois d'emprisonnement avec sursis, 2 000 euros d'amende et à la suspension du permis de conduire pendant six mois. Devant le tribunal correctionnel, il soulève la nullité du procès-verbal de constatation d'infraction. Le tribunal, puis la cour d'appel rejettent cette exception de nullité. La Chambre criminelle rejette le pourvoi formé. Le demandeur au pourvoi faisait valoir que les droits de l'audition libre auraient dû lui être notifiés et, notamment, le droit de quitter les lieux. La Cour de cassation estime que la cour d'appel a exactement appliqué les textes en précisant que "l'intéressé, qui a été informé de la nature et de la date de l'infraction, ne se trouvant pas dans des locaux de police ou de gendarmerie, mais sur la voie publique, lieu du contrôle routier, n'avait pas à être informé des droits prévus aux articles 62 (N° Lexbase : L3155I3A) et 78, alinéa 1er (N° Lexbase : L9804I3I) [...], en particulier son droit de quitter les lieux, au sens des réserves du Conseil constitutionnel". La décision appelle quelques précisions, sur les normes appliquées, d'une part, et leur interprétation, d'autre part.

S'agissant des normes appliquées, il s'agissait des articles 62 et 78 du Code de procédure pénale, interprété à la lumière des réserves d'interprétation du Conseil constitutionnel. Les faits ont eu lieu le 29 septembre 2012.

A cette époque, la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011, relative à la garde à vue (N° Lexbase : L9584IPN) était intervenue, modifiant l'article 62 du Code de procédure pénale, qui prévoyait alors que les personnes à l'encontre desquelles il n'existe aucune raison plausible de soupçonner qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction ne peuvent être retenues que le temps strictement nécessaire à leur audition, sans que cette durée ne puisse excéder quatre heures. Les suspects ne pouvaient être entendus que sous le régime de la garde à vue. L'article 78 du Code de procédure pénale prévoyait, quant à lui que les personnes non suspectes, convoquées par un officier de police judiciaire, pouvaient être retenues pendant le temps nécessaire à leur audition, qui ne pouvait excéder quatre heures. Les suspects, en revanche, ne pouvaient être maintenus sous la contrainte que sous le régime de la garde à vue. Le Conseil constitutionnel, saisi de questions prioritaires de constitutionnalité, avait, dans sa décision QPC du 18 novembre 2011 (1), estimé que l'article 62 du Code de procédure pénale était conforme à la Constitution, assortissant sa décision de la réserve d'interprétation suivante : "le respect des droits de la défense exige qu'une personne à l'encontre de laquelle il apparaît, avant son audition ou au cours de celle-ci, qu'il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction pour laquelle elle pourrait être placée en garde à vue, ne puisse être entendue ou continuer à être entendue librement par les enquêteurs que si elle a été informée de la nature et de la date de l'infraction qu'on la soupçonne d'avoir commise et de son droit de quitter à tout moment les locaux de police ou de gendarmerie". Depuis, la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014, portant transposition de la Directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales (N° Lexbase : L2680I3N) est intervenue, qui permet l'audition libre du suspect, sous réserve de la notification des information suivantes : la qualification, la date et le lieu présumés de l'infraction ; le droit de quitter à tout moment les locaux ; le droit d'être assisté par un interprète ; le droit de faire des déclarations, de répondre aux questions ou de se taire ; le droit d'être assisté par un avocat si l'infraction pour laquelle elle est entendue est un crime ou un délit puni d'emprisonnement ; la possibilité de bénéficier de conseils juridiques dans une structure d'accès au droit.

S'agissant de l'interprétation des normes appliquées, la décision de la Cour de cassation n'est guère surprenante. De la même manière qu'elle avait pu considérer qu'il n'y a pas d'atteinte au droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination ou au droit au silence, dans l'hypothèse où l'on ne parle pas (2), elle considère qu'il n'y a pas lieu de notifier un droit de "quitter à tout moment les locaux de police ou de gendarmerie" -selon la formule du Conseil constitutionnel- lorsque l'on est pas entendu dans les dits locaux, mais sur la voie publique. Transposée à l'actuel article 61-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L2752I3C), il n'y aurait pas davantage lieu d'informer le droit de quitter "les locaux" où la personne est entendue librement. Le Conseil constitutionnel, et la loi maintenant, font référence aux locaux, et non aux lieux : il était dès lors difficile de considérer que la Cour aurait pu assimiler les deux. Mais la décision semble bien dire que l'audition d'une personne sur la voie publique est une audition libre, au sens où l'entendait le Conseil constitutionnel, et au sens de l'article 61-1 du Code procédure pénale. La cour d'appel a en effet considéré que l'interpellation s'assimilait à une convocation par un officier de police judiciaire, et que l'intéressé avait bien été informé de la nature et de la date de l'infraction. Faut-il alors considérer que, désormais, lors d'un contrôle routier s'assimilant à une convocation par un officier de police judiciaire, les informations de l'article 61-1 du Code de procédure pénale doivent être notifiées, et notamment celle d'être assisté par un avocat, dans l'hypothèse d'un crime ou d'un délit puni d'emprisonnement ? C'est en tout cas ce que suggère la décision.

Jean-Baptiste Thierry

II - L'action publique

  • La comparution volontaire suppose, au préalable, la mise en mouvement de l'action publique dans les conditions prévues par l'article 1er du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9909IQ3) (Cass. crim., 2 février 2016, n° 15-82.790, F-P+B N° Lexbase : A3107PKB ; cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E2063EUX)

Si, en vertu de l'article 388 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L2281H4A), "le tribunal correctionnel est saisi des infractions de sa compétence soit par la comparution volontaire des parties, soit par la citation, soit par la convocation par procès-verbal, soit par la comparution immédiate, soit enfin par le renvoi ordonné par la juridiction d'instruction", encore faut-il que l'action publique ait été préalablement mise en mouvement "dans les conditions prévues par l'article 1er" de ce même code. La chose est évidente pour presque tous ces modes de saisine, qui reposent sur des poursuites exercées par le ministère public, ne serait-ce que lorsque celui-ci décide de faire comparaître une personne devant le tribunal ; mais tel ne semble pas être le cas de la comparution volontaire, qui paraît ne procéder que de l'initiative du prévenu, comme en l'espèce, où le gardien d'un véhicule a souhaité prendre la place du titulaire du certificat d'immatriculation qui était poursuivi pour l'avoir maintenu en circulation sans avoir satisfait aux obligations du contrôle technique. Sa condamnation heurte sans surprise la Chambre criminelle de la Cour de cassation, qui rappelle "qu'à défaut de poursuites engagées à son encontre, la seule comparution volontaire d'une personne ne saurait mettre en mouvement l'action publique".

C'est, qu'en effet, il ne faut lire le début de l'article 388 du Code de procédure pénale qu'à la lueur de son article 389 (N° Lexbase : L3797AZN), aux termes duquel "l'avertissement, délivré par le ministère public, dispense de citation, s'il est suivi de la comparution volontaire de la personne à laquelle il est adressé". Il ne s'agit, en vérité, que de prévoir qu'un défaut de citation, l'oubli d'une infraction ou encore la découverte de faits nouveaux n'empêchent pas le jugement d'un prévenu comparant.

A défaut d'une telle restriction dans l'utilisation de la comparution volontaire, toute personne pourrait exiger d'une juridiction répressive qu'elle le juge pour une infraction qu'elle prétendrait avoir commise, ce qui impliquerait de repenser l'action publique, le procès pénal et, disons-le, le principe même de la répression...

  • Les dispositions de l'article 6-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9880IQY) ne sauraient trouver application lorsque la procédure à l'occasion de laquelle l'acte dénoncé aurait été commis n'a donné lieu à la saisine d'aucune juridiction pénale habilitée à constater le caractère illégal de la poursuite ou de l'acte accompli (Cass. crim., 30 mars 2016, n° 14-87.251, FS-P+B+I N° Lexbase : A5105RAC ; cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E2835EUK)

En vertu de l'article 6-1 du Code de procédure pénale, lorsqu'un crime ou un délit prétendument commis à l'occasion d'une poursuite judiciaire impliquerait la violation d'une disposition de procédure pénale, l'action publique ne peut être exercée que si le caractère illégal de la poursuite ou de l'acte accompli à cette occasion a été constaté par une décision devenue définitive de la juridiction répressive saisie. Le délai de prescription de l'action publique court à compter de cette décision. Pour le dire plus clairement, cette disposition "instaure un obstacle à l'action publique si les agissements délictueux reprochés à une personne concourant à la procédure constituent, à la fois, un des éléments d'une infraction, criminelle ou délictuelle, et une irrégularité procédurale, tant que cette dernière n'aura pas été constatée définitivement par la juridiction répressive saisie de l'affaire au cours de laquelle elle a eu lieu" (3). Mais que se passe-t-il en l'absence de décision définitive ? Pas d'action publique ou, à l'inverse, pas d'obstacle à l'action publique ?

En l'espèce, aucune décision définitive n'avait été rendue, puisque les poursuites aux cours desquelles une irrégularité procédurale constituant également une infraction aurait été commise, classiquement un placement en garde à vue perçu comme une atteinte à la liberté individuelle, s'étaient soldées par un classement sans suite, décision administrative provisoire. En conséquence, alors que le requérant n'avait eu aucune occasion de faire sanctionner l'irrégularité dont il avait été victime et, par là même, ne pouvait remplir les conditions posées par l'article 6-1 du Code de procédure pénale, c'est sur le fondement de ce texte que le juge d'instruction rendait à son égard une ordonnance de refus d'informer, ce que la chambre de l'instruction confirmait.

La Cour de cassation sanctionne les juges du fond, précisant que "si", aux termes de l'article 6-1 du Code de procédure pénale, "lorsqu'un crime ou un délit prétendument commis à l'occasion d'une poursuite judiciaire implique la violation d'une disposition de procédure pénale, l'action publique ne peut être exercée que si le caractère illégal de la poursuite ou de l'acte accompli à cette occasion a été constaté par une décision devenue définitive de la juridiction répressive saisie, ces dispositions ne sauraient trouver application lorsque la procédure à l'occasion de laquelle l'acte dénoncé aurait été commis n'a donné lieu à la saisine d'aucune juridiction pénale habilitée à constater le caractère illégal de la poursuite ou de l'acte accompli". Or, relève-t-elle, "la garde à vue dont se plaint [le requérant] est intervenue dans une procédure d'obtention frauduleuse de documents administratifs finalement classée sans suite, [...] aucune juridiction pénale [n'ayant] été saisie". L'article 6-1 du Code de procédure pénale ne devait donc pas être appliqué, la Cour de cassation n'opérant donc pas de renvoi mais ordonnant le retour du dossier au président du tribunal de grande instance aux fins de désignation, en application de l'article 83 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L2976IZA), d'un magistrat instructeur autre que celui initialement saisi.

Laissons la conclusion à M. Jean-Baptiste Thierry (4) : "l'article 6-1 constitue donc un obstacle temporaire à l'exercice de l'action publique, mais il ne saurait constituer un obstacle permanent. Adopter une solution inverse reviendrait à rendre impossible l'exercice du droit à un recours juridictionnel effectif" (ce dernier droit ayant été très pertinemment invoqué par le requérant).

Guillaume Beaussonie

III - L'action civile

  • La confiscation d'un objet placé sous scellés s'analyse, à l'égard de parties civiles qui le revendiquent, en un refus de restitution (Cass. crim., 26 janvier 2016, n° 14-86.030, F-P+B N° Lexbase : A3215N79 ; cf. l’Ouvrage "Procédure pénale N° Lexbase : E4278EUT)

La confiscation est une mesure à la mode dont les contours apparaissent encore très flous. Ce qui est sûr est qu'elle ne peut, en tant que peine, concerner que le condamné. Que se passe-t-il, dès lors, si l'objet "confisqué" appartient, en réalité, à la partie civile et que celle-ci est la seule à le revendiquer ?

Il faut alors requalifier la confiscation en ce qu'elle est vraiment : un refus de restitution qui, en tant que tel, peut faire l'objet d'un recours, comme le précise l'article 482 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9919IQG), en vertu duquel "le jugement qui rejette une demande de restitution est susceptible d'appel de la part de la personne qui a formé cette demande".

  • Le détenteur d'une somme d'argent à la suite d'un vol peut, à son tour, être la victime du vol de cette même somme ; il peut donc, en tant que telle, exercer l'action civile (Cass. crim., 9 mars 2016, n° 15-80.107, F-P+B N° Lexbase : A1733Q7C ; cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E2069EU8)

Le simple détenteur d'une chose, entendu comme celui qui en a la possession sans en avoir la propriété, est-il l'une des victimes de son vol, avec toutes les conséquences que cela peut avoir (notamment la possibilité d'exercer l'action civile) ? De façon constante, la Chambre criminelle de la Cour de cassation considère que tel est le cas (5), l'idée étant, sans doute, que ce dernier aura des comptes à rendre au propriétaire -à défaut de la chose- à un moment ou à un autre. Il faudrait certainement limiter cette extension de la qualité de victime pénale à celui qui peut se prévaloir d'un droit réel sur la chose (6), ce que ne fait pas la Cour de cassation en l'espèce, qui ouvre l'action civile à celui qui détient la chose... à la suite d'un vol ! Autrement dit, le premier voleur d'une chose peut agir contre le second, quand bien même il ferait lui-même l'objet de poursuites.

En l'occurrence, les deux acquéreurs d'une maison y trouvent de l'argent et des bons au porteur pour une valeur qui représente presque le double du prix d'acquisition de la maison. Différents éléments démontrant aisément que les acquéreurs ne pouvaient ignorer que cette valeur appartenait aux vendeurs de la maison -les héritiers de son ancien propriétaire-, ils sont logiquement condamnés pour vol. Le problème est que, préalablement à cette condamnation, une partie de la somme trouvée a été soustraite aux acquéreurs. Ces derniers agissent donc à l'encontre des voleurs et, semble-t-il, c'est à cette occasion que les enquêteurs se rendent compte que les victimes étaient elles-mêmes des voleurs. Il n'empêche que leur action est déclarée recevable en première instance, ce que la cour d'appel infirme puisqu'il a été démontré qu'elles n'étaient pas propriétaires de la somme.

Au visa de l'article 2 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9908IQZ), en vertu duquel "l'action civile appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction", la Chambre criminelle de la Cour de cassation casse l'arrêt rendu par la cour d'appel. Elle précise, en ce sens, que le vol dont a été victime l'acquéreuse survivante -l'autre étant entre-temps décédé- l'a "privé d'une somme dont elle était détentrice et qu'elle a été condamnée à verser aux" véritables propriétaires.

D'un point de vue théorique, il est difficile de fonder une telle action ; d'un point de vue pratique, n'est-ce pas simplement pour autoriser l'indemnisation du vrai propriétaire que la fausse victime a été promue ?

  • La spécificité de l'action civile engagée par une victime devant le juge répressif justifie la distinction du régime de la preuve en matière civile et en matière pénale (Cass. crim., 9 mars 2016, n° 15-83.517, F-P+B N° Lexbase : A1770Q7P ; cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E1782EUK)

La juridiction pénale peut être amenée à statuer sur la seule action civile, par exemple, lorsque la faute civile d'un prévenu définitivement relaxé est examinée par le juge pénal saisi en appel exclusivement par la partie civile. Dans un tel cas, le juge pénal doit-il appliquer les règles régissant la preuve pénale, en raison du contexte, ou celles relatives à la preuve civile, en raison de l'enjeu ? C'était finalement la question à laquelle devait répondre la Chambre criminelle de la Cour de cassation, dans l'optique d'un éventuel renvoi pour un examen des dispositions fondant sa position actuelle par le Conseil constitutionnel.

Comme le rappelle le requérant, cette position, c'est l'application des règles pénales, et ces dispositions, ce sont celles contenues par "l'article 427 du Code procédure pénale (N° Lexbase : L6531H7Z), qui dispose que, hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve, et les articles 3, 10, al. 2, et 497, 3° du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L6614H74), qui ne prévoient aucune disposition spécifique concernant les règles de preuve applicables dans le cas où la juridiction pénale est amenée à statuer sur la seule action civile". Y aurait-il, alors, contrariété "au principe d'égalité devant la Loi qui découle de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen (N° Lexbase : L1370A9M), au respect de la présomption d'innocence affirmé à l'article 9 de la Déclaration (N° Lexbase : L1373A9Q) et au principe de garantie des droits affirmé à l'article 16 de la Déclaration (N° Lexbase : L1363A9D), en tant qu'ils excluent l'application des règles de preuve propres au droit civil, plus protectrices, dans le cas où un litige, quoi qu'exclusivement civil, se trouve porté devant une juridiction pénale" ? L'idée, bien sûr, est qu'il sera plus facile d'établir la responsabilité civile du prévenu dans un système -pénal- de preuve libre que dans un système -civil- de preuve réglementée.

La réponse est négative, selon la Cour de cassation qui, après avoir recentré la question sur les articles 3 (N° Lexbase : L9886IQ9) et 427 du Code de procédure pénale, précise que "la distinction du régime de la preuve en matière civile et en matière pénale et la différence de traitement qui pourrait en résulter entre le prévenu définitivement relaxé et dont la faute civile est envisagée par le juge pénal saisi en appel par la seule partie civile et celui dont la responsabilité est envisagée devant le juge civil, est justifiée au regard de la spécificité de l'action civile engagée par une victime devant le juge répressif, dont le bien-fondé ne peut être apprécié qu'au regard de l'objet et dans la limite de la poursuite".

Autrement dit, même à fin civile, l'action exercée devant le juge pénal conserverait sa particularité car elle évolue dans un cadre répressif. Si on peut ne pas être convaincu par ces motifs, au demeurant pas très précis -que signifie exactement "au regard de l'objet et dans la limite de la poursuite" ?-, l'enjeu n'est peut -être pas aussi important qu'on pourrait le croire : la preuve dont il est question concernant un fait juridique, elle est libre. Seule la considération des preuves illégales et déloyales différencie alors le droit civil, qui les rejette, du droit pénal, qui les admet quand elles émanent de parties privées.

  • L'associé d'une société anonyme victime de différentes infractions ne peut pas se constituer partie civile en son nom propre, quand bien même il est la caution de cette société (Cass. crim., 23 mars 2016, n° 15-81.448, F-P+B N° Lexbase : A3742RAT ; cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E1923EUR)

Le fait qu'une personne morale soit la victime d'une infraction rend difficile, notamment du point de vue de l'action civile, la détermination du statut juridique des personnes physiques qui l'incarnent. La chose s'avère d'autant plus ardue qu'est en cause le patrimoine d'une société, celui-ci étant susceptible d'intéresser, au-delà des personnes physiques constitutives de la personne morale, bien d'autres personnes encore.

Nul ne s'étonnera alors que la Chambre criminelle de la Cour de cassation ait, en matière d'abus de biens sociaux, d'abord considéré que cette incrimination avait "pour but de protéger non seulement les intérêts des associés, mais aussi le patrimoine de la société et les intérêts des tiers qui contractent avec elle" (7). Toutefois, par une application plus rigoureuse de l'article 2 du Code de procédure pénale, la Cour de cassation a ensuite fermé l'action civile à tous les propriétaires d'un droit personnel envers la société, c'est-à-dire aux créanciers quelconques (8), aux salariés et syndicats (9), ainsi qu'aux actionnaires et associés (10). Dans la même idée, la Chambre criminelle a précisé que l'éventuel fidéjusseur de la personne morale, la plupart du temps l'un de ses dirigeants, parce qu'il n'était obligé qu'en vertu d'une sûreté personnelle, ne pouvait mettre en avant cette qualité pour exercer l'action civile (11). Seuls les représentants légitimes de la société, quel que soit leur statut, et à condition qu'ils agissent valablement au nom de cette dernière, ont finalement la qualité de mettre en oeuvre cette action. Ainsi, les actionnaires d'une société gardent la possibilité d'exercer l'action civile ut singuli, au même titre que ce droit appartient légalement, en vertu du code de commerce, à des personnes déterminées (12).

En l'espèce, était en cause l'associé principal d'une société anonyme victime, de la part d'un autre associé qui était aussi son directeur général, de vols, faux et usage, abus de biens sociaux et escroquerie. Sa constitution de partie civile personnelle était rejetée, en première instance comme en appel, les juges du fond relevant que, "d'une part, le préjudice causé par les condamnations prononcées à l'encontre de ce dernier en sa qualité de caution ne résult[ait] pas directement des infractions, d'autre part, le second préjudice dont il se préva[lait] ne se rattach[ait] à aucune des infractions dont [le prévenu] a été reconnu coupable". L'associé principal se prétendait effectivement victime de deux préjudices : l'un lié aux condamnations consécutives à son rôle de caution ; l'autre découlant des incidences des infractions sur la présentation conséquemment fausse des comptes de la société.

Restant fidèle à sa position traditionnelle, la Chambre criminelle de la Cour de cassation rejette le pourvoi, précisant à cette fin que "l'exécution de l'obligation mise à la charge de la caution ne résulte directement que de son seul engagement contractuel", et donc pas des infractions.

Cette solution a sans aucun doute pour vertu d'éviter la prolifération des actions civiles exercées par tous les créanciers d'une société victime d'une infraction. Pour autant, l'associé principal invoquait pertinemment l'article 1er du 1er protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L1625AZ9), dont une application extensive pourrait bien sonner le glas d'une telle jurisprudence. Sauf à considérer que, précisément en raison de cette jurisprudence, l'associé n'avait aucune "espérance légitime" d'obtenir une indemnisation à la suite d'infractions subies par... quelqu'un l'autre !

Guillaume Beaussonie

IV - L'instruction

  • L'enquêteur désigné par le juge d'instruction pour faire un rapport sur la personnalité et la situation matérielle, familiale ou sociale du mis en examen peut s'entretenir avec celui-ci hors la présence de son avocat. Il ne peut recueillir aucune déclaration de l'intéressé sur les faits reprochés (Cass. crim., 12 avril 2016, n° 15-86.298, F-P+B N° Lexbase : A6838RI4 ; cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E4445EU8)

On n'insistera jamais assez sur l'importance de la mise en examen, qui confère au suspect un ensemble de droits destinés à garantir le procès équitable et la présomption d'innocence. Dès lors que le suspect est mis en examen, il ne peut être interrogé que par le juge d'instruction. L'article 164 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L5584DYH) permet aux experts de recevoir, à titre de renseignement et pour le seul accomplissement de leur mission, les déclarations de toute personne autre que la personne mise en examen, le témoin assisté ou la partie civile. S'ils y ont été autorisés par le juge d'instruction, ils peuvent, avec son accord, recueillir les déclarations du mis en examen, recueillies en présence de leur avocat. En dehors de cette hypothèse, la Cour de cassation a déjà eu l'occasion d'insister sur la rigueur du monopole de l'interrogatoire du mis en examen par le juge d'instruction, en précisant "qu'est contraire au droit à un procès équitable et aux droits de la défense, le fait, pour des officiers de police judiciaire d'entendre, dans le cadre d'une même information, sous quelque forme que ce soit, une personne qui, ayant été mise en examen, ne peut plus, dès lors, être interrogée que par le juge d'instruction, son avocat étant présent ou ayant été dûment convoqué" (13). L'article 164, alinéa 3, du Code de procédure pénale, précise enfin que les médecins ou psychologues experts chargés d'examiner la personne mise en examen, peuvent dans tous les cas leur poser des questions pour l'accomplissement de leur mission hors la présence du juge et des avocats. Cette disposition avait fait l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité, cette absence d'assistance par un avocat au cours de l'expertise pouvant apparaître problématique au regard des droits de la défense. Elle n'avait pas été transmise au Conseil constitutionnel par la Cour de cassation (14).

Si l'on met de côté l'hypothèse de l'article 164, alinéa 3, du Code de procédure pénale, les déclarations du mis en examen sur les faits ne peuvent être recueillies que par le juge d'instruction. La question n'est pas tranchée si nettement pas la Cour de cassation dans cet arrêt du 12 avril 2016.

Une personne est mise en examen. Le juge d'instruction ordonne une enquête de personnalité. Le rapport de l'enquêteur fait référence au positionnement du suspect sur les faits. Ce dernier soulève alors la nullité de l'enquête. La chambre de l'instruction refuse de prononcer cette nullité, faute d'atteinte aux intérêts du mis en examen n'est pas rapportée. Elle ajoute que si une éventuelle déclaration de culpabilité intervenait, fondée sur les mentions litigieuses du rapport, l'intéressé pourrait alors former un recours contre cette décision. La solution était pragmatique : les déclarations en question n'étaient que des réitérations de dénégations. A en croire la chambre de l'instruction, les propos tenus par le mis en examen et repris par l'enquêteur de personnalité n'apportant rien de nouveau, il était inutile de constater une quelconque atteinte aux intérêts de la défense.

Saisie du pourvoi formé par le mis en examen, la Cour de cassation n'est pas rentrée dans l'appréciation de l'existence d'un grief. Elle a cassé et annulé l'arrêt attaqué et renvoyé la cause et les parties devant une autre chambre de l'instruction. Au visa des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L7558AIR), 81, alinéa 6 (N° Lexbase : L6395ISN), D. 16 ([LXB=L4683HZH ]) et 114 (N° Lexbase : L2767KGL) du Code de procédure pénale, la Cour de cassation précise que "si l'enquêteur désigné par le juge d'instruction pour faire rapport sur la personnalité et la situation matérielle, familiale ou sociale de la personne mise en examen peut, à cette fin, s'entretenir avec celle-ci, hors la présence de son avocat et sans que ce dernier ait été appelé, il ne peut lors de cet entretien recueillir aucune déclaration de l'intéressé sur les faits qui lui sont reprochés".

La solution doit, sur ce point, être approuvée et la pratique qui consiste pour les enquêteurs de personnalité à entendre le mis en examen sur les faits, rejetée. Mais la décision apparaît en réalité plus subtile. D'abord, parce que la Cour de cassation reconnaît que l'enquête de personnalité, qui "ne saurait avoir pour but la recherche des preuves de la culpabilité" (15), peut consister en un interrogatoire du mis en examen, par une autre personne que le juge d'instruction, dès lors qu'aucune déclaration sur les faits n'est recueillie. Ensuite, parce que la référence à la présence de l'avocat est étonnante. L'arrêt pourrait être interprété a contrario : si l'enquêteur désigné par le juge d'instruction pour faire l'enquête de personnalité s'entretient avec le mis en examen en présence de son avocat, il pourrait lors de cet entretien recueillir des déclarations sur les faits de l'intéressé sur les faits qui lui sont reprochés. Autrement dit, les déclarations sans lien avec les faits pourraient être recueillies au cours de l'enquête de personnalité hors assistance de l'avocat, quand les déclarations en lien avec les faits ne pourraient l'être qu'en présence de l'avocat. Une telle distinction apparaît inutilement subtile et l'interprétation a contrario doit être rejetée. En réalité, la Cour de cassation a tout simplement entériné la pratique existante de l'interrogatoire du mis en examen par l'enquêteur de personnalité. Il aurait été préférable de considérer que l'avocat doit être présent lors de cette enquête de personnalité, d'une part, et qu'aucune déclaration sur les faits ne peut être recueillie à cette occasion, d'autre part. L'article 164 du Code de procédure pénale est, en effet, la seule disposition qui permet à un expert médecin ou psychologue de recueillir de telles déclarations hors assistance de l'avocat. L'arrêt de la Cour de cassation n'apparaît donc pas si protecteur des droits de la défense qu'au premier abord.

Jean-Baptiste Thierry


(1) Cons. const., décision n° 2011-191/194/195/196/197 QPC, du 18 novembre 2011 (N° Lexbase : A9214HZB), D., 2011, p. 3034, note H. Matsopoulou ; AJ Pénal, 2012, p. 102, obs. J.-B. Perrier.
(2) "Le droit au silence et celui de ne pas contribuer à sa propre incrimination ne s'étendent pas au recueil de données qu'il convient d'obtenir indépendamment de la volonté de la personne concernée" : Cass. crim., 6 janvier 2015, n° 13-87.652, F-P+B (N° Lexbase : A0705M9Y).
(3) V. M. Sanchez, Contribution à l'étude de la preuve pénale, thèse Toulouse 1-Capitole, 2010, n° 85.
(4) Obstacle à l'action publique, JCP éd. G, 2016, 463.
(5) V. par ex. Cass. crim., 5 mars 1990, n° 89-80.536 (N° Lexbase : A1651CGA), Bull. crim., n° 103 : cassation de l'arrêt qui a déclaré irrecevable une constitution de partie civile, "alors que les parties civiles, détenteurs précaires de la chose volée, étaient tenues à défaut de restitution, d'indemniser le propriétaire et justifiaient à ce titre d'un éventuel préjudice" ; Cass. crim., 12 janvier 1994, n° 93-81.065 (N° Lexbase : A1170CHS), Bull. crim., n° 16 : la constitution de partie civile des parents d'un enfant mort en clinique, pour vol du tracé cardiotocographique de ce dernier, produit et approprié par la clinique, est recevable, car les parents "étaient en droit à tout moment de réclamer en original ou en copie pour leur dossier médical et pour rechercher les causes véritables de la mort de leur enfant et de la stérilité" de la mère ; la Cour de cassation précise "qu'en effet la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui n'est pas nécessairement préjudiciable au seul propriétaire de celle-ci".
(6) En ce sens, v. notre thèse : La prise en compte de la dématérialisation des biens par le droit pénal, LGDJ, 2012, nos 769 et s..
(7) Cass. crim., 19 octobre 1971, n° 70-90.661 (N° Lexbase : A1689CIE), Bull. crim., n° 272. V. aussi, par ex., Cass. crim., 8 mars 1967, n° 65-93.757 (N° Lexbase : A5750CG3), Bull. crim., n° 94 ; Cass. crim., 26 mai 1994, n° 93-84.615 (N° Lexbase : A8414ABA), Bull. crim., n° 206.
(8) Cass. crim., 16 octobre 1957, Bull. crim., n° 645 ; Cass. crim., 16 janvier 1964, n° 63-90.263 (N° Lexbase : A6450CHD), Bull. crim., n° 27 ; Cass. crim., 24 avril 1971, n° 69-93.249 (N° Lexbase : A3030AUR), Bull. crim., n° 117 ; Cass. crim., 9 novembre 1992, n° 92-81.432 (N° Lexbase : A0804ABE), Bull. crim., n° 361 ; Cass. crim., 27 juin 1995 (N° Lexbase : A8934ABI), Bull. crim., n° 236 ; Cass. crim., 9 janvier 1996, n° 95-81.596 (N° Lexbase : A0741CQI).
(9) Cass. crim., 11 mai 1999, n° 97-83.264 (N° Lexbase : A4511CRI) et Cass. crim., 11 mai 1999, n° 97-84.232 (N° Lexbase : A4514CRM) ; Cass. crim., 27 octobre 1999, n° 98-85.213 (N° Lexbase : A5607AWL), Bull. crim., n° 236 ; Cass. crim., 29 novembre 2000, n° 99-80.324 (N° Lexbase : A5119CKS), Bull. crim., n° 359 ; Cass. crim., 23 février 2005, n° 04-83.792 (N° Lexbase : A9095DIP) ; Cass. crim., 23 mars 2005, n° 04-84.756, F-D (N° Lexbase : A6863RNI).
(10) Cass. crim., 13 décembre 2000, n° 97-80.664 (N° Lexbase : A8617CSX), Bull. crim., nos 373-378 ; Cass. crim., 12 septembre 2001, n° 01-80.895 (N° Lexbase : A1155CSL) ; Cass. crim., 5 décembre 2001, n° 01-80.065 (N° Lexbase : A0580AY7) : "attendu que le délit d'abus de biens sociaux n'occasionne un dommage personnel et direct qu'à la société elle-même et non à chaque associé" ; Cass. crim., 18 septembre 2002, n° 02-81.892 (N° Lexbase : A9977A4B) ; Cass. crim., 9 mars 2005, n° 04-85.825, F-D (N° Lexbase : A6864RNK).
(11) Cass. crim., 25 novembre 1975, n° 74-93.426 (N° Lexbase : A7466AY8), Bull. crim., n° 257.
(12) Cass. crim., 12 décembre 2000, n° 00-83.654 (N° Lexbase : A2913CSP), Bull. crim., n° 372 ; Cass. crim., 4 avril 2001, n° 00-80.406 (N° Lexbase : A3631CMG) ;Cass. crim., 8 octobre 2003, n° 02-81.471, FS-P+F (N° Lexbase : A8173C9L), Bull. crim., n° 184 ; Cass. crim., 28 janvier 2004, n° 02-87.585, FS-P+F (N° Lexbase : A3306DB3), Bull. crim., n° 18. En ce qui concerne les représentants légaux, v., classiquement, C. com., art. L. 223-18 (N° Lexbase : L2030KGB) (SARL : gérant), L. 225-51-1 (N° Lexbase : L2183ATZ) et L. 225-56 (N° Lexbase : L5927AID) (SA : PDG ou DG), L. 225-66 (N° Lexbase : L5937AIQ) (SA à directoire : DG), L. 227-6 (N° Lexbase : L6161AIZ) et L. 227-7 (N° Lexbase : L6162AI3) (SAS : président).
(13) Cass. crim., 5 mars 2013, n° 12-87.087, FS-P+B (N° Lexbase : A3135I9Y).
(14) Cass. crim., 9 mai 2012, n° 12-90.011, arrêt non publié.
(15) C. pr. pén., art. D. 16 (N° Lexbase : L4683HZH).

newsid:452670

Rel. collectives de travail

[Brèves] Conditions d'adhésion à un syndicat pour les salariés intérimaires

Réf. : Cass. soc., 11 mai 2016, n° 15-17.200, FS-P+B (N° Lexbase : A0739RP3)

Lecture: 1 min

N2774BWN

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/31680714-edition-n-655-du-19052016#article-452774
Copier

Le 21 Mai 2016

Dans les entreprises de travail temporaire, sont adhérents à un syndicat les salariés intérimaires qui remplissent les conditions visées à l'article L. 1251-54, 2° du Code du travail (N° Lexbase : L1622H9X), peu important qu'ils ne soient pas titulaires d'un contrat de mission lors de la désignation du représentant de la section syndicale, dès lors qu'ils n'ont pas fait connaître à l'entrepreneur de travail temporaire qu'ils n'entendent plus bénéficier d'un nouveau contrat et que ce dernier ne leur a pas notifié sa décision de ne plus faire appel à eux pour de nouveaux contrats. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 11 mai 2016 (Cass. soc., 11 mai 2016, n° 15-17.200, FS-P+B N° Lexbase : A0739RP3 ; voir sur ce thème également Cass. soc., 4 novembre 2009, n° 09-60.075, FS-P+B+R N° Lexbase : A8197EMK).
En l'espèce, la société X a demandé l'annulation de la désignation, le 19 février 2015, de M. Y en qualité de représentant de la section syndicale par l'union des syndicats anti-précarité.
Le tribunal d'instance ayant rejeté la demande d'annulation de la société, cette dernière s'est pourvue en cassation.
Cependant, en énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction rejette le pourvoi. Elle précise qu'ayant constaté que les salariés concernés remplissaient la condition d'ancienneté prévue à l'article L. 1251-54 du Code du travail (N° Lexbase : L1622H9X), le tribunal d'instance, devant lequel l'employeur s'était borné à invoquer l'absence de contrats de mission le jour de la désignation du représentant de la section, syndicale, a légalement justifié sa décision (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E1824ETQ).

newsid:452774

Sociétés

[Brèves] SA : ratification "avec ajustements" de l'ordonnance du 10 septembre 2015 ayant abaissé le nombre minimum d'actionnaires à deux dans les SA non cotées

Réf. : Loi n° 2016-563 du 10 mai 2016, ratifiant l'ordonnance n° 2015-1127 du 10 septembre 2015 portant réduction du nombre minimal d'actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées (N° Lexbase : L0621K8I)

Lecture: 2 min

N2688BWH

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/31680714-edition-n-655-du-19052016#article-452688
Copier

Le 19 Mai 2016

L'ordonnance n° 2015-1127 du 10 septembre 2015 (N° Lexbase : L3146KHY ; lire N° Lexbase : N9180BUK) a abaissé à deux le nombre minimum d'actionnaires dans les SA non cotées (C. com., art. L. 225-1 N° Lexbase : L3177KH7). Toutefois, elle a maintenu un nombre minimum de sept actionnaires dans les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé. Une loi, publiée au Journal officiel du 11 mai 2016 (loi n° 2016-563 du 10 mai 2016 N° Lexbase : L0621K8I), ratifie cette ordonnance en apportant un ajustement. Tout d'abord, désormais, les sociétés exclues de l'abaissement du nombre minimal d'actionnaires sont celles dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation. Cette modification permet donc, tout d'abord, à des sociétés (rares) dont seuls des titres de créance sont cotés et non des actions d'avoir un nombre minimal de deux actionnaires. Par ailleurs, elle permet d'englober au-delà des sociétés dont les actions ne sont pas cotées sur un marché réglementé classique, mais sur d'autres systèmes de négociations de titres. La loi du 10 mai 2016 abroge, par ailleurs, l'article 4 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 (N° Lexbase : L3046AIN) qui prévoyait que le nombre minimal d'associés pour les sociétés d'exercice libéral (SEL) à forme anonyme (SELAFA) devait être de trois, alors qu'il est désormais de deux pour le régime de droit commun des SA. Enfin, la loi prévoit que l'article 32 de l'ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014, relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique (N° Lexbase : L0763I4Z) est ainsi rédigé, à compter du 12 septembre 2015 : "le second alinéa de l'article L. 225-1 du Code de commerce n'est pas applicable aux sociétés dont l'Etat détient la majorité ou la totalité du capital". En effet, avant l'ordonnance du 10 septembre 2015, cet article prévoyait qu'aucun nombre minimal d'actionnaires n'était applicable aux sociétés dont l'Etat détient la majorité ou la totalité du capital. L'ordonnance de 2015 ayant abrogé, par coordination, cette disposition de l'ordonnance de 2014, elle a eu pour effet en réalité d'imposer le minimum de deux actionnaires à ces sociétés, alors qu'il existe aujourd'hui des sociétés dont l'Etat est l'actionnaire unique, cette situation n'ayant pas vocation à être remise en cause. Cette erreur est donc réparée (cf. l’Ouvrage "Droit des sociétés" N° Lexbase : E6628AUZ).

newsid:452688

Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

[Questions à...] L'actualité de la TVA - Questions à Maître Odile Courjon, Avocat associée chez Taj - Société d'avocats, Member of Deloitte Touche Tohmatsu Limited

Lecture: 5 min

N2755BWX

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/31680714-edition-n-655-du-19052016#article-452755
Copier

par Jules Bellaiche, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition fiscale

Le 20 Mai 2016

Plusieurs évolutions récentes sont apparues concernant la TVA. En effet, tout d'abord, la Commission européenne a présenté son plan d'action sur la TVA. Celui-ci trace la voie pour la création d'un espace TVA unique dans l'Union européenne. On entend par là un espace TVA capable de favoriser un marché unique plus approfondi et plus équitable et de contribuer à stimuler l'emploi, la croissance, les investissements et la concurrence. La problématique liée à la montée de l'économie numérique sera évoquée. Enfin, il s'agira de s'intéresser l'autoliquidation de la TVA d'importation. Pour en savoir plus sur ces sujets, Lexbase Hebdo - édition fiscale a interrogé Maître Odile Courjon, Avocat associée chez Taj - Société d'avocats, Member of Deloitte Touche Tohmatsu Limited.

Lexbase : Que pensez-vous du "plan d'action" mis en place par la Commission européenne et présenté le 7 avril 2016 ? L'espace TVA unique est-il concrètement réalisable ?

Odile Courjon : Le plan d'action présenté par la Commission européenne est ambitieux. Rappelons qu'il est l'aboutissement des travaux démarrés en 2010 et des consultations de tous les Etats membres et des experts, praticiens (VAT Expert Group). L'espace TVA unique ne pourra émerger que si l'écart TVA (le VAT Gap qui est l'écart entre les recettes de TVA attendues et celles réellement perçues) est résorbé. Chiffré aujourd'hui à près de 170 milliards d'euros dans l'UE, cet écart de TVA résulte notamment du manque de coopération entre Etats membres et entre administrations (fiscales et douanières) dans chaque Etat membre.

Le plan d'action présenté est donc à la fois un vaste plan de lutte contre la fraude au régime intra-communautaire et la construction d'un régime définitif de TVA pour les échanges transfrontaliers (intra-UE).

Le régime définitif sera fondé sur le principe de la taxation des biens dans leur pays de destination. Le mécanisme du guichet unique de TVA utilisant les technologies informatiques les plus avancées, permettra d'éradiquer la fraude en traitant de la même manière les livraisons de biens nationales, et également transfrontalières. La TVA serait ainsi perçue par l'Etat membre du départ des biens et reversée à l'Etat membre d'arrivée des biens.

L'extension de l'actuel guichet unique (réservé aux services électroniques) évitera la lourdeur d'une chambre de compensation communautaire. Depuis plus de vingt ans, les entreprises se sont habituées au régime intra-communautaire, à ne pas décaisser la TVA sur les biens achetés, auprès d'entreprises établies dans d'autres Etats membres. Ainsi, l'instauration d'un décaissement de TVA risque de perturber le marché intra et de créer une tension sur les systèmes de remboursement de TVA. Aussi, pour pallier à ces inconvénients, la Commission a proposé que les opérateurs fiables, certifiés par leurs administrations fiscales, y compris les PME, puissent continuer à acheter des biens en exonération de TVA dans un autre Etat membre et à autoliquider la TVA dans l'Etat d'arrivée des marchandises.

La Commission présentera en 2017 une proposition législative qui en détaillera les modalités plus concrètes. Au demeurant, l'extension du guichet unique de TVA, fonctionnant uniquement en collecte, au niveau de l'UE (donc sans opérer de déduction de TVA), est une voie d'avenir.

Lexbase : Quelles sont les problématiques liées à la TVA face à l'essor de l'économie numérique ?

Odile Courjon : La dernière réforme TVA pour l'économie numérique remonte au "Paquet TVA" (adopté en 2008, mis en oeuvre en 2010). Adoptant les principes de l'OCDE, les mesures avaient modifié le lieu de taxation des prestations de services électroniques, de radiotélévision et de télécommunications dans un contexte B to C (de business à consommateur). A la demande du Luxembourg, le lieu de taxation de ces prestations n'a changé qu'au 1er janvier 2015 (le Luxembourg ayant négocié un report de mise en oeuvre pour conserver la taxation au lieu d'établissement des prestataires établis sur son territoire de 2010 à fin 2014).

Aujourd'hui, la taxation sur ces prestations intervient dans le pays de consommation (lieu de résidence du consommateur) quel que soit le pays du prestataire. Le Mini One Stop Shop (MOSS) est le guichet électronique qui permet la collecte par le prestataire au taux du bien dans le pays de résidence du consommateur. Le MOSS a été le premier guichet de TVA permettant la collecte sur ces trois prestations numériques et fonctionne bien puisque les recettes des Etats membres ont beaucoup augmenté.

Le plan actuel proposé par la Commission consiste à élargir le MOSS à la vente en ligne de biens matériels commandés par internet (actuellement soumis au régime lourd des ventes à distance).

A nouveau, l'extension du guichet unique va faciliter et simplifier la collecte de TVA car le vendeur des biens évitera de devoir s'immatriculer à la TVA dans d'autres Etats membres. Les seuils nationaux actuels (35 000 euros de vente en France depuis le 1er janvier 2016) devraient évoluer probablement vers un seuil global européen, déclencheur du recours obligatoire au MOSS élargi.

Egalement, à l'importation, lorsque le vendeur des biens est situé hors UE, les exonérations de TVA pour les biens de faible valeur (22 euros actuellement) devraient disparaître. La Commission souhaitera également pouvoir procéder à des contrôles dans le pays d'origine du vendeur non-EU, afin de protéger les opérateurs établis dans l'UE de toute concurrence déloyale venant des opérateurs frauduleux ne collectant pas la taxe de consommation auprès de leurs clients résidents dans l'UE.

Lexbase : La fraude à la TVA a pris une ampleur importante ces dernières années car elle est difficilement prouvable pour l'administration. Pensez-vous, comme la cour administrative d'appel de Lyon (CAA Lyon, 2ème ch., 2 juin 2015, n° 14LY00096, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A0161NMW), qu'il faudrait assouplir les règles de preuve afin de faciliter la tâche de l'administration ? Quelles sont les autres solutions pour endiguer ce phénomène ?

Odile Courjon : La jurisprudence française a toujours été très dure vis-à-vis des entreprises en exigeant d'elles des diligences lourdes et des preuves rétroactives, au motif qu'elles savaient ou ne pouvaient ignorer l'existence d'une fraude par leurs clients ou leurs fournisseurs selon le cas. Si la lutte contre la fraude est absolument nécessaire, la solution passe aussi par un régime de TVA reposant sur des outils fiables qui sécurisent les opérateurs de bonne foi. Les solutions pour endiguer le problème sont celles que propose la Commission européenne à savoir, une coopération entre les Etats membres et entre les administrations elles-mêmes qui ont souvent déjà toutes les informations concernant l'opérateur et les transactions. C'est bien l'inadéquation entre la solvabilité d'un opérateur et le volume des transactions qu'il réalise qui est un symptôme de fraude.

Lexbase : Selon vous, quelles seraient les mesures les plus urgentes à adopter afin d'améliorer le système de la TVA en France ?

Odile Courjon : Le système de TVA est complexe et lourd en France car il est ancien. Elaboré dans les années 1960, il doit constamment s'adapter au monde économique actuel. Toutefois, le régime français a considérablement évolué ces dernières années. Récemment, c'est l'autoliquidation de la TVA d'importation qui a beaucoup retenu l'attention des entreprises. La DGFiP y a toujours été favorable. Déjà mise en oeuvre en 2015, sous conditions d'obtention d'une procédure de domiciliation unique (PDU) par la douane, ce régime vient à nouveau d'être voté en supprimant la condition préalable de PDU pour les opérateurs établis dans l'Union européenne. Pour ces opérateurs, l'autoliquidation deviendra possible sur simple option fiscale ou douanière, et évitera le décaissement de trésorerie aux importateurs dès que la proposition de loi sur l'économie bleue sera définitivement adoptée.

newsid:452755

Urbanisme

[Jurisprudence] La nature de l'"aménagement léger" autorisé dans les espaces protégés en bordure de littoral - Conclusions du Rapporteur public

Réf. : CE 9° et 10° s-s-r., 4 mai 2016, n° 376049, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4599RNN)

Lecture: 14 min

N2769BWH

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/31680714-edition-n-655-du-19052016#article-452769
Copier

par Aurélie Bretonneau, Rapporteur public au Conseil d'Etat

Le 19 Mai 2016

Dans un arrêt rendu le 4 mai 2016, la Haute juridiction a dit pour droit que la réfection de clôture dans les espaces protégés en bordure de littoral n'est pas interdite. Etait ici posée la question de savoir ce qu'est un "aménagement léger" au sens de l'article L. 121-24 (N° Lexbase : E4403E79), anciennement L. 146-6 (N° Lexbase : L3326KGB), du Code de l'urbanisme, relatif à la préservation des espaces remarquables caractéristiques et des milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques. Etait en cause l'édification d'une clôture, sous deux angles : la liste des aménagements légers que le législateur a habilité le pouvoir réglementaire à poser à l'article R. 146-2 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L3325HC7) est-elle limitative ? Existe-t-il des aménagements qui, du fait de leur faible importance, ne constituent même pas des aménagements légers au sens de cette disposition et sont donc non seulement autorisés, mais qui plus est sans exigence procédurale spécifique ? Lexbase Hebdo - édition publique vous propose de retrouver les conclusions anonymisées du Rapporteur public, Aurélie Bretonneau, sur cet arrêt. La loi "littoral" (loi n° 86-2 du 3 janvier 1986, relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral N° Lexbase : L7941AG9), désormais codifiée, depuis l'ordonnance n° 2015-1174 du 23 septembre 2015, relative à la partie législative du livre Ier du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L2163KIX), aux articles L. 121-1 (N° Lexbase : L2318KIP) à L. 121-51 du Code de l'urbanisme, instaure une protection des espaces graduée en fonction de leur degré de préservation et de leur proximité du rivage : extension de l'urbanisation encadrée pour les espaces déjà urbanisés, a fortiori lorsqu'ils sont proches du rivage ; construction cantonnée à certains aménagements légers, sous réserve d'exigences procédurales, dans les espaces remarquables, caractéristiques du patrimoine ou nécessaires au maintien des équilibres biologiques ; interdiction pure et simple de toute construction dans les zones non urbanisées de la bande littorale sauf à ce que la proximité de l'eau soit requise.

Les faits de l'espèce se déroulent dans le Var, sur le site de la batterie de Capon, entre la plage de Pampelonne et la plage des Salins, sur la commune de Saint-Tropez. La société X, propriétaire d'une parcelle sur ce site, s'est trouvée gênée par le comportement de promeneurs peu scrupuleux, qui s'y seraient installés pour pique-niquer et camper. Aussi la société a-t-elle déposé, le 18 décembre 2012, une déclaration préalable de travaux pour l'édification, sur toute la longueur de sa parcelle (60 mètres), d'une clôture d'1,80 mètre de hauteur, posée sur un muret à édifier affleurant à 20 cm du sol environ. Il est en effet des secteurs, soit classés soit délimités comme tels par la commune, où l'édification d'une clôture est soumise à déclaration de travaux (C. urb., art. R. 421-2 N° Lexbase : L7450HZX). Le maire de Saint-Tropez a émis une décision expresse de non-opposition le 6 mars 2013. Le préfet du Var, auquel cette décision a été transmise le 12 mars suivant, l'a déférée au tribunal administratif de Toulon qui a fait droit à ses conclusions en estimant que l'édification d'une clôture n'était pas au nombre des aménagements légers autorisés par la loi littoral dans les espaces remarquables et tombait donc sous le coup de l'inconstructibilité de principe. Il a également estimé méconnues les dispositions de l'article L. 130-1 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L1581IWH) relatif à la protection des espaces boisés. A l'époque où les premiers juges ont statué, l'article R. 811-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L0564I8E) vous rendait compétents pour connaître en cassation directe des conclusions dirigées contre une décision de non-opposition à déclaration préalable.

Vous évacuerez rapidement certains moyens du pourvoi : le jugement est suffisamment motivé s'agissant de la qualification d'espace remarquable, qui n'est pas erronée. S'agissant de ce degré de contrôle, nous pensons en effet que la décision CE, 3 septembre 2009 "Commune de Canet-en-Roussillon et Seran" (1), qui a entendu trancher les hésitations de la jurisprudence en faveur d'un contrôle de la qualification juridique en cassation (2), a entendu le faire de façon globale pour la qualification d'espace relevant du champ de l'article L. 146-6 du Code de l'urbanisme, même elle portait en l'espèce sur un milieu nécessaire au maintien des équilibres biologiques plus que sur un espace remarquable ou caractéristique du patrimoine naturel ou culturel du littoral. C'est d'ailleurs l'orientation que semble avoir retenu votre jurisprudence ultérieure, tout en laissant aux juges du fond le soin d'apprécier souverainement les constatations de fait à partir desquelles la qualification s'opère, comme la localisation de la parcelle dans une zone naturelle ou encore l'existence d'altérations liés à l'activité humaine (3). En l'espèce, les juges du fond, qui n'ont rien dénaturé en relevant que le terrain d'assiette est situé à proximité immédiate du rivage, dans la partie naturelle d'un site inscrit, éloignée de toute construction, et qu'il est densément boisé, ont pu en déduire sans erreur de qualification qu'il formait un espace boisé remarquable protégé au titre des articles L. 146-6 et R. 146-1 du Code de l'urbanisme, dans sa numérotation alors applicable (N° Lexbase : L8640IUK).

Par ailleurs, le tribunal administratif n'a pas pu se tromper dans le maniement des règles de dévolution de la preuve puisque, sauf cas très particulier qui n'existe pas en l'espèce, de telles règles n'existent pas en excès de pouvoir (4).

En revanche, nous pensons qu'il a incorrectement manié l'article L. 130-1, aux termes duquel le classement d'un espace boisé interdit tout mode d'occupation du sol de nature à compromettre l'espace. Il s'est en effet borné à relever qu'il n'était pas établi qu'il n'y aurait ni coupe ni abattage, alors qu'il lui appartenait de porter une appréciation précise sur l'ampleur des travaux projetés et leurs conséquences sur la conservation des espaces. Vous pourrez le censurer sur ce terrain.

Mais nous sommes en urbanisme et vous devez donc également vous prononcer sur le bien-fondé du second terrain d'annulation retenu par le tribunal administratif. Ce qui nous mène au point intéressant du pourvoi, à savoir l'erreur que les juges du fond auraient commise en refusant de compter la clôture litigieuse au nombre des aménagements légalement réalisables au sein des espaces remarquables protégés par l'article L. 146-6. Les requérants soulèvent une erreur de droit à avoir affirmé que la liste des aménagements légers que le pouvoir réglementaire, habilité à ce faire par décret en Conseil d'Etat par l'article L. 146-6, a dressé à l'article R. 146-2, serait limitative. Ils voient également une erreur de qualification juridique à ne pas avoir fait relever la clôture de cette catégorie, mais sur ce point, le moyen doit être requalifié en dénaturation, car la qualification d'aménagement léger relève de l'appréciation souveraine (5). Enfin, vous avez-vous-mêmes montré une méconnaissance par les juges du fond du champ d'application de la loi, avec dans l'idée que la clôture pourrait ne même pas relever des dispositions des articles L. 146-6 et R. 146-2, non pas parce que le terrain d'assiette ne serait pas remarquable, mais parce que l'aménagement serait trop léger pour tomber sous le coup d'une quelconque inconstructibilité.

Il est temps de nous attarder un peu sur les textes.

Le premier alinéa de l'article L. 146-6 pose une obligation de préservation des espaces qu'il vise. Cette obligation est assignée, selon ses termes, aux "documents et décisions relatifs à la vocation des zones ou à l'occupation et à l'utilisation des sols".

Le deuxième alinéa précise que, "toutefois, des aménagements légers peuvent y être implantés lorsqu'ils sont nécessaires à leur gestion, à leur mise en valeur économique ou, le cas échéant, à leur ouverture au public", et renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de définir la nature et les modalités de réalisation de ces aménagements légers. Il précise que les projets d'aménagements légers sont soumis à autorisation après soit enquête publique, soit mise à disposition du public d'au moins quinze jours dont l'autorité administrative doit, avant de prendre sa décision, dresser le bilan. L'article R. 421-22 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L7470HZP) soumet également ces travaux à permis d'aménager.

Les alinéas suivants posent d'autres exceptions au principe de préservation, pour les canalisations et les travaux ayant pour objet la conservation ou la protection des espaces.

L'article R. 146-2, enfin, inscrit au nombre des aménagements légers pouvant être implantés : les chemins piétonniers, équestres ou cyclables non cimentés ni bitumés, ainsi que les objets mobiliers destinés à l'accueil ou l'information du public (a), les aires de stationnement (b), la réfection des bâtiments existants et leur extension limitée nécessaire à l'activité économique (c), les constructions nécessaires à l'activité agricole ou de pêche (d) et les aménagements nécessaires à la préservation des monuments classés (e).

L'idée qui fonde l'argumentation des requérants est que l'impossibilité d'édifier une simple clôture heurte le bon sens. Plus juridiquement, elle porte atteinte au droit de propriété, dont le droit de clore est un corolaire consacré par l'article 647 du Code civil (N° Lexbase : L3248ABW). Ce droit n'est certes pas d'ordre public et il peut y être dérogé soit par voie conventionnelle soit pour assurer la protection de l'intérêt général. Mais si vous estimiez que l'atteinte résultant d'une interdiction de clore dans les espaces remarquables était disproportionnée à l'objectif poursuivi, vous pourriez être tentés de faire des textes une interprétation constructive, conforme à ce qui vous semble nécessaire au respect du droit de propriété.

Au vu de l'économie des textes que nous venons de rappeler, plusieurs façons existent de contourner pour les clôtures l'interdiction de construire, dont aucune ne nous semble praticable au regard de l'esprit des textes et de votre jurisprudence. Nous vous les exposons néanmoins.

La première possibilité serait d'estimer que les dispositions de l'article L. 146-6 du Code de l'urbanisme ne sont pas opposables aux décisions de non-opposition à déclaration de travaux. Vous avez jugé que les dispositions de la loi "littoral" en général et de l'article L. 146-6 en particulier sont opposables (soit directement soit par le prisme d'une directive territoriale compatible avec la loi) aux autorisations individuelles d'urbanisme telles que les permis de construire (6), mais la question de savoir si une décision de non-opposition est un document relatif à l'occupation et à l'utilisation des sols au sens de cet article n'est pas expressément tranchée en jurisprudence. Le code nous semble toutefois régler la question dans un sens défavorable aux requérants : la combinaison des articles R. 431-36 (N° Lexbase : L7646HZ9) et R. 431-16 (N° Lexbase : L0963KWL) du Code de l'urbanisme applicables au litige prévoyait en effet qu'un dossier de déclaration de travaux portant sur certaines constructions visées à l'article R. 146-2 devait comporter une notice justifiant les travaux au regard de ces dispositions, ce qui n'a bien entendu de sens que si les auteurs du code ont entendu soumettre les déclarations de travaux aux dispositions correspondantes de la loi "littoral". Vous avez de toute façon une conception extensive du champ des décisions relatives à l'utilisation ou à l'occupation du sol auxquelles ces dispositions issues de la loi littoral sont opposables, puisque vous y rangez les autorisations de défricher, alors même que celles-ci sont prises sur le fondement du Code forestier (7) ou encore les autorisations de coupe et d'abattage d'arbres, qui ne peuvent être accordées que si l'aménagement en vue duquel elles sont formées est autorisé par l'article R. 146-2 (8).

La deuxième possibilité consisterait à estimer que même soumis à déclaration de travaux, certains aménagements, en l'occurrence les clôtures, seraient si légers qu'ils échapperaient par le bas au couperet de l'article R. 146-2. En d'autres termes, ils ne constitueraient même pas des aménagements légers au sens de cet article.

Au vrai, cette thèse ne nous emballe pas non plus. D'abord, parce que vous avez très expressément jugé que la protection instituée par l'article L. 146-6 du Code de l'urbanisme implique par elle-même l'inconstructibilité de principe des espaces caractéristiques du littoral, sous la seule réserve de l'implantation d'aménagements légers prévus au deuxième alinéa du même article (9). Vous vous êtes donc fermement engagés dans une logique du "tout ou rien" excluant de créer une catégorie d'aménagement autre que celles régies par le décret. Ensuite, parce que le nouvel article L. 121-3 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L2320KIR) (C. urb., art. L. 146-1 N° Lexbase : L7341ACU à l'époque des faits), précise que les dispositions de la loi "littoral" "sont applicables [...] pour l'exécution de tous travaux, constructions, défrichements, plantations, aménagements, installations et travaux divers, la création de lotissements, l'ouverture de terrains de camping ou de stationnement de caravanes, l'établissement de clôtures, l'ouverture de carrières, la recherche et l'exploitation de minerais et les installations classées pour la protection de l'environnement". Cet inventaire à la Prévert a beau n'être pas très charpenté, et n'avoir qu'un intérêt tout relatif puisque chaque article du chapitre a ensuite, en fonction des espaces, son champ d'application propre, il semble bien signifier que le législateur n'a pas entendu traiter la question des clôture par prétérition et que s'il est dit que toute construction est interdite dans les espaces remarquables, alors les constructions de clôtures sont notamment visées. Enfin, parce que nous adhérons spontanément mal à l'idée qu'une clôture, qui en l'espèce est constitué de grillage planté sur un muret en dur mais qui, légalement, pourrait tout aussi bien prendre la forme d'un mur, est un aménagement plus léger que ne l'est un simple chemin de terre. C'est d'autant moins vrai à nos yeux au regard de l'objet de la protection des espaces remarquables, qui est de sauvegarder la possibilité que la nature puisse un jour reprendre ses droits : si l'herbe repousse spontanément sur un chemin de terre, il est peu probable qu'elle parvienne à déloger une clôture sans une intervention humaine. Or, les chemins de terre figurent au nombre des aménagements légers de l'article R. 146-6. Dans ces conditions, faire des clôtures des aménagements infra-légers, qui ne seraient pas soumises aux exigences procédurales posées par cet article alors que les chemins de terre le sont, nous semble très difficilement atteignable. Sans compter qu'il faudrait de façon prétorienne dégager quand même des conditions de fond -celles, posées par l'article R. 146-2, tenant à ce que la localisation et l'aspect ne dénaturent pas le caractère du site, ne compromette pas sa qualité architecturale ou paysagère et ne portent pas atteinte à la préservation des milieux, nous semblant incontournables-.

Cette solution nous semblerait beaucoup plus acceptable si elle était limitée à réfection de clôture existante. Mais traitons ici des cas où une déclaration de travaux est exigée. Or les dispositions de l'article R. 421-12 du Code de l'urbanisme prescrivant une telle déclaration pour les clôtures ne vise que l'édification, ce à quoi la jurisprudence n'a rattaché, à notre connaissance, que les cas de réfection substantielle, notamment en cas de surélévation importante résultant de la réfection (10). Dès lors, il nous semble difficile de partir du principe qu'une réfection soumise à déclaration est par principe inoffensive.

La troisième possibilité, qui est celle pour laquelle plaident à titre principal les requérants, consisterait à dire que la liste de l'article R. 146-2 n'est pas limitative, et qu'elle doit être comprise comme visant également, au nombre des aménagements légers autorisés sous réserve du respect des conditions que cet article pose, l'édification de clôtures.

Cette solution a pour elle, par rapport à la précédente, ce que nous voyons comme un avantage, mais que vous pourriez percevoir comme un inconvénient, de soumettre les clôtures non seulement aux conditions de fond de l'article R. 146-2, sans que vous ayez à les reprendre par voie prétorienne à votre compte, mais aussi aux exigences procédurales qu'il pose, évitant de créer le hiatus qui nous semblait peu soutenable avec les formalités à suivre pour aménager un chemin de terre. Nous admettons volontiers qu'il peut paraître lourd d'en passer par un permis d'aménager et une mise à disposition du public de quinze jours pour édifier une clôture, mais cette lourdeur est tout aussi frappante pour les chemins, et permettrait peut-être d'éviter qu'on autorise d'immenses clôtures en dur défigurant le site ou entravant la circulation de la faune, même si de telles autorisations ne tiendraient pas longtemps devant un juge.

Cette solution a aussi contre elle de solides arguments.

D'abord, s'agissant d'une liste dérogeant à une inconstructibilité de principe posée par le législateur, elle est d'interprétation stricte. Votre jurisprudence l'a illustré à plusieurs reprises : à propos d'une aire de jeu et de sport (11) ; à propos d'une aire de stationnement (à l'époque où elles ne figuraient pas dans la liste) (12) ; à propos d'une cale d'accès à la mer (13).

Ensuite, la compléter implique que vous endossiez le rôle du pouvoir réglementaire -et, accessoirement, de la section des travaux publics du Conseil d'Etat-. Si nous ne sommes pas par principe hostile à ce que le juge administratif, aux côtés de la gomme, use parfois le crayon, nous estimons plus difficile de le faire dans certaines configurations que dans d'autres, en particulier dans des domaines où les textes sont nombreux, les interventions du pouvoir réglementaire et même du législateur fréquentes, les règles touffues et pesées au trébuchet -surtout s'il s'agit pour le juge non pas d'apporter au texte une légère retouche, mais d'y ajouter un nouvel alinéa-.

Un tel effort ne nous semblerait surmontable que si nous avions la conviction d'y être à coup sûr obligée. Vous y avez d'ailleurs consenti dans un tel cas en jugeant, par une décision du 6 février 2013 (14), que le pouvoir réglementaire n'avait pu, en ne les mentionnant pas dans sa liste, exclure la possibilité de réaliser les aménagements légers nécessaires à la lutte contre l'incendie.

Mais en l'espèce, nous n'avons pas la certitude que la suppression du droit de clore au nom de la protection des espaces remarquables soit une atteinte disproportionnée au droit de propriété. Il existe de nombreuses configurations dans lesquelles clore n'est pas possible, en particulier en cas d'entrave à la libre circulation dans certains espaces. Ainsi, l'article L. 441-3 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L3472HZM) a longtemps permis à l'autorité compétente de s'opposer définitivement à l'édification d'une clôture si les travaux faisaient obstacles à la libre circulation des piétons admise par les usages locaux ; sur la bande littorale ou en bordure de lac, le droit de clore est limité par l'existence de servitudes de passage ; il peut aussi buter sur des contraintes de sécurité. Nous n'avons pas grand doute pour admettre que l'objectif de protection des sites posé par le législateur est d'intérêt général et nous notons d'ailleurs qu'il justifie de nombreuses atteintes au droit de propriété, pouvant aller jusqu'à la privation du droit de construire. La privation du droit de clore, dans ces conditions, ne nous émeut pas au point que nous nous sentions tenus de vous inciter à rectifier de vous-même une erreur du pouvoir réglementaire.

Ce d'autant que si vous nous suivez, la privation du droit de clore découlant de l'application de l'article R. 146-2 ne concernera que ceux des propriétaires qui, soient vivaient très bien sans clôture au moment de l'édiction de la loi "littoral", soit ont acquis leur terrain non clos depuis et en toute connaissance de cause. Car nous vous invitons à faire droit au moyen d'erreur de droit subsidiaire que soulèvent les requérants, tirés de ce que c'est à tort que la cour a refusé d'assimiler la réfection d'une clôture existante à la réfection d'un bâtiment existant, expressément autorisée par le c de l'article R. 146-2. Il nous semble en effet que puisque que l'objet de la législation est de figer autant que possible les espaces remarquables dans leur état d'occupation existant, il serait paradoxal de permettre la réfection de bâtiments déjà implantés et non celle des clôtures les entourant. La situation un brin absurde que décrivent les requérants, conduisant à ne pouvoir réparer une clôture devenue laide et dangereuse par son état de délabrement, sera donc, moyennant le respect des conditions réglementaires, être résorbée par cette voie.

Nous vous invitons donc à annuler l'arrêt de la cour pour erreur de droit à avoir jugé que l'article R. 146-2 du Code de l'urbanisme ne permettait pas la réfection de clôture. Vous renverrez ensuite l'affaire à la cour, à qui il appartiendra de déterminer s'il s'agit bien, pour le tout, d'une réfection en l'espèce, et de vérifier que les conditions par ailleurs posées par l'article R. 146-2 du Code de l'urbanisme sont respectées. Et vous mettrez à la charge de l'Etat les 2 500 euros que la société demande au titre des frais irrépétibles.

Tel est le sens de nos conclusions.


(1) CE 4° et 5° s-s-r., 3 septembre 2009, n° 306298, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7466EKQ).
(2) V., antérieurement, dans le sens de l'appréciation souveraine, CE, 27 septembre 2006, n° 275923 (N° Lexbase : A3346DRD) ; CE, 6 novembre 2006, n° 282539 (N° Lexbase : A2895DSZ) ; CE, 13 novembre 2002, n° 219034, 219384 (N° Lexbase : A0757A4S). Voir, en revanche, sur le contrôle normal exercé au fond depuis l'origine : CE, 20 novembre 1995, n° 144817 (N° Lexbase : A6588ANC).
(3) CE, 20 mai 2011, n°s 325552, 325553, 335931 (N° Lexbase : A0315HSH).
(4) CE, 26 novembre 2012, n° 354108 (N° Lexbase : A6325IXK).
(5) CE, 20 mai 2011, n°s 325552, 325553, 335931, préc., très explicitement fichée sur ce point.
(6) CE, 29 juillet 1994, n° 85532 (N° Lexbase : A9890B8S), p. 409 ; pour la question spécifique de l'article L. 146-6, voir CE, 29 juin 1998, n° 160256 (N° Lexbase : A7207ASQ), T., p. 1213 ; CE, 13 novembre 2002, n° 219034, 219384, préc..
(7) CE, 14 novembre 2011, n°s 333675, 333676 (N° Lexbase : A9253HZQ).
(8) CE, 6 février 2013, n° 348278, 348279 (N° Lexbase : A4646I79).
(9) CE, 27 septembre 2006, n° 275922 (N° Lexbase : A3345DRC).
(10) CE, 20 décembre 2000, n° 209589 (N° Lexbase : A2051AIS), BJDU 1/2001, p. 13, concl. L. Touvet ; CE, 23 juin 1995, n° 120147 (N° Lexbase : A4411ANP).
(11) CE, 20 octobre 1995, n° 151282 (N° Lexbase : A6212ANE), aux Tables, p. 1072.
(12) CE, 27 juin 2005, n° 256668 (N° Lexbase : A8691DIQ) ; CE, 18 octobre 2006, n°s 264292, 265147 (N° Lexbase : A9519DRY).
(13) CE, 13 février 2009, n° 295885 (N° Lexbase : A1148EDU).
(14) CE, 6 février 2013, n° 348278,348279 (N° Lexbase : A4646I79).

newsid:452769

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.