La lettre juridique n°569 du 8 mai 2014

La lettre juridique - Édition n°569

Éditorial

Y-a-t'il un twittee dans la salle... d'audience ? Du narcissisme groupal dévastateur

Lecture: 3 min

N2104BUH

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 08 Mai 2014


"A l'avenir, chacun aura droit à 15 minutes de célébrité mondiale". La formule empruntée à Andy Warhol, inscrite au catalogue d'une exposition au Moderna museet de Stockholm en 1968, est bien évidemment pertinente avec le développement du tout média, l'avènement d'internet et l'essor de la télé-réalité. Pour autant, la citation "tarte à la crème" s'applique malheureusement dans des cadres parfois plus feutrés, en apparence, que des maisons avec piscine et jacuzzi greffés à des adulescents attardés. Les prétoires connaissent, eux aussi, leurs lots de fantasmes de reconnaissance sociale à assouvir, mais pas de la manière la plus déontologique qui soit.

A vrai dire, qu'un procureur général et un assesseur twittent durant un procès relève plus du narcissisme de groupe propre au web social que d'une recherche de la célébrité. Mais, l'effet aura été tout autre : la mise au ban du groupe social auquel ils appartiennent -le Conseil national de la magistrature prenant au sérieux l'infraction déontologique, le manquement aux devoirs de dignité, de discrétion, de réserve et de prudence-, et la célébrité sur le web dans la rubrique faits divers, société et justice...

Sans ambages, l'avis du CSM qui sera délivré au Garde des Sceaux précise que "l'invocation d'une pratique d'humour sur les réseaux sociaux pour justifier ces messages est particulièrement inappropriée s'agissant d'une audience, en l'espèce de la cour d'assises". Le Conseil relève, en outre, que le contenu des messages était "outrageant" et que certains messages dénotaient "un cynisme singulier particulièrement indigne d'un magistrat". Il demande, dès lors, le déplacement d'office du magistrat. Le sort de l'assesseur est en suspens à l'heure de ces quelques lignes.

On sait que rien n'interdit de twitter ou d'envoyer des messages durant un procès se tenant, d'autant plus, en audience publique. Seules les prises d'image et de son sont prohibées. Le problème réside naturellement dans le fait, d'une part, que les personnes en cause exerçaient leur mission de service public de la justice au moment des faits et, d'autre part, du caractère outrageant des propos partagés sur le réseau social.

Et, c'est avec raison que le CSM prend l'affaire au sérieux et entend faire montre de sévérité. Outre le fait que l'image de la magistrature pourrait en être à nouveau ternie, après l'affaire du "mur des cons" notamment, c'est le cynisme professionnel de la justice comme porte-drapeau de l'appartenance à un groupe social professionnel qui est ici condamné.

Les sociologues démontrent parfaitement que la volonté de partage de l'information sur les réseaux sociaux, et le web social en général, relève moins de l'égotisme que du narcissisme et en particulier du narcissisme groupal, c'est-à-dire qu'il s'agit de partager pour montrer son appartenance à un groupe de personnes, une communauté constituée de codes et de valeurs propres. Aussi, que penser du groupe auquel appartiennent les deux protagonistes en cause et qu'ils animent bien volontairement durant les procès auxquels ils participent ? Rien de bien reluisant à dire vrai. Plus qu'une mauvaise image de la justice que ces professionnels peuvent donner à travers les médias, le partage de ces messages sous-tend une complicité du groupe en question, voire des professionnels de la justice eux-mêmes, à tout le moins une certaine complaisance envers cet exaction, puisque les deux twittees se sont crus autorisés à tenir des propos outrageants en public, au sein de leur communauté sociale. C'est cette assimilation là que le CSM veut enrayer, d'ores et déjà, en ne limitant pas le fait à une simple blague potache entre collègues.

On ne le répétera jamais assez, le web social est un espace public, une caisse de résonance sans commune mesure dont le timbre, l'intensité et la durée demeurent difficiles à maîtriser... et certainement pas le lieu d'une conversation sur le palier... pour cela il y a la machine à café... et encore...

newsid:442104

Avocats/Honoraires

[Brèves] Contentieux de l'honoraire : recevabilité de la déclaration d'appel déposée au greffe

Réf. : Cass. civ. 2, 30 avril 2014, n° 13-19.687, F-D (N° Lexbase : A7033MKP)

Lecture: 1 min

N2079BUK

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Le 10 Mai 2014

Est recevable la déclaration d'appel d'une sentence arbitrale du Bâtonnier, en matière de contestation d'honoraire de l'avocat, adressée au premier président et déposée au greffe. Telle est la précision apportée par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 30 avril 2014 (Cass. civ. 2, 30 avril 2014, n° 13-19.687, F-D N° Lexbase : A7033MKP ; cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E0073EUA). Dans cette affaire, une association avait saisi un avocat, aux fins de le représenter dans le cadre d'une demande d'annulation de l'inscription de la corrida au patrimoine culturel immatériel de la France. L'association, après avoir réglé certaines sommes au titre d'honoraires de diligences, a déchargé l'avocat de sa mission et avait saisi le Bâtonnier de l'Ordre des avocats lequel a fixé à une certaine somme le montant des honoraires. L'avocat avait formé un recours par lettre déposée au greffe de la cour d'appel. Pour déclarer le recours irrecevable l'ordonnance attaquée énonçait que ce recours était irrecevable comme ayant été effectué par lettre simple au lieu de l'être par lettre recommandée avec accusé de réception. A tort juge la Haute juridiction qui rappelle le principe énoncé. En effet, la formalité de la lettre recommandée n'est destinée qu'à régler toute contestation sur la date du recours (cf. Cass. civ. 2, 19 mars 2009, n° 08-15.838, FS-P+B N° Lexbase : A0929EE7 et Cass. civ. 2, 13 janvier 2011, n° 09-15.620, F-D N° Lexbase : A9650GP4). Et, s'il s'agit d'une condition de preuve et non d'une formalité substantielle et que l'appel est irrecevable lorsque la déclaration est adressée au greffe et non au premier président (CA Bourges, 17 avril 2012, n° 12/00331 N° Lexbase : A7248IIB), la Cour de cassation précise qu'il n'en va pas de même d'une lettre déposée au greffe mais bien adressée au premier président (précision apportée par les motifs de l'arrêt).

newsid:442079

Avocats/Statut social et fiscal

[Brèves] Protection du collaborateur en situation de parentalité : modification de l'article 14 du RIN, relatif au statut de l'avocat collaborateur

Réf. : Décision à caractère normatif portant modification de l'article 14 du RIN (N° Lexbase : L4063IP8)

Lecture: 2 min

N2036BUX

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Le 08 Mai 2014

Afin de permettre au collaborateur libéral de mieux concilier sa vie personnelle et son activité professionnelle, l'assemblée générale du Conseil national des barreaux, réunie les 11 et 12 avril 2014, a adopté une décision à caractère normatif portant modification de l'article 14 du règlement intérieur national (RIN) (N° Lexbase : L4063IP8) de la profession relatif au statut de l'avocat collaborateur libéral ou salarié.
Un nouvel article 14.5 du RIN dédié à la parentalité est introduit. Il réunit les dispositions applicables aux situations de grossesse, de maternité, de paternité et d'adoption.
L'article 14.5.1 détermine les périodes de suspension de l'exécution du contrat de collaboration libérale, en ce qui concerne la maternité, la paternité et l'adoption. Les délais introduits correspondent aux périodes prises en charge par le RSI.
L'article 14.5.2 traite de l'indemnisation, de la rémunération et du droit à congés rémunérés du collaborateur indisponible pour cause de parentalité.
L'article 14.5.3 règlemente la rupture du contrat de collaboration libérale en cas de parentalité. Le dispositif prévoyant l'interdiction de rompre le contrat à compter de la déclaration par la collaboratrice libérale de son état de grossesse jusqu'à l'expiration de la période de suspension de l'exécution du contrat à l'occasion de la maternité, est étendu à la paternité et à l'adoption. Par ailleurs et à l'instar du projet de loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes, ce nouvel article 14.5.3 introduit une nouvelle période de protection. Il s'agit d'interdire la rupture du contrat pendant une durée de huit semaines à compter du retour de la collaboratrice ou du collaborateur de son congé maternité, de son congé parentalité ou de son congé d'adoption.
Enfin, le RIN vient préciser les modalités d'acheminement des correspondances et d'informations relatives aux nouvelles coordonnées du collaborateur en cas de cessation de la relation contractuelle, afin de prendre en compte les communications et coordonnées électroniques.
En application des dispositions de l'article 38-1 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 (N° Lexbase : L8168AID), cette décision à caractère normatif a été notifiée au Garde des Sceaux et au conseil de l'Ordre de chacun des barreaux. Elle sera prochainement publiée au Journal officiel de la République française.

newsid:442036

Congés

[Brèves] Précision quant au point de départ de la "protection relative" à la suite d'un congé maternité et rappel des exceptions à cette protection

Réf. : Cass. soc., 30 avril 2014, n° 13-12.321, FS-P+B (N° Lexbase : A6898MKP)

Lecture: 2 min

N2043BU9

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Le 08 Mai 2014

La période de protection de quatre semaines suivant le congé de maternité étant suspendue par la prise des congés payés, son point de départ est reporté à la date de la reprise du travail par la salariée. Telle est la portée de l'arrêt rendu le 30 avril 2014 par la Chambre sociale de la Cour de cassation (Cass. soc., 30 avril 2014, n° 13-12.321, FS-P+B N° Lexbase : A6898MKP).
En l'espèce, une salariée avait, à la suite d'un congé maternité qui s'était achevé le 7 septembre 2004, pris des congés payés du 8 septembre au 20 octobre 2004. Convoquée par une lettre remise en main propre le 21 octobre 2004 à un entretien préalable, elle avait été licenciée le 16 novembre pour motif personnel. Elle avait alors saisi la juridiction prud'homale.
La cour d'appel ayant retenu que le licenciement de la salariée était nul pour avoir été prononcé pendant la période de protection relative de l'article L. 1225-4 du Code du travail, l'employeur s'était pourvu devant la Cour de cassation.
Au soutien de son pourvoi, il alléguait que cette période de quatre semaines, concernant la rupture du contrat de travail d'une salariée en état de grossesse, courait à compter de l'expiration des périodes de suspension du contrat de travail au titre du congé de maternité, et non à compter de la reprise effective du travail par la salariée, en sorte que la prise de congés payés accolée au congé de maternité n'avait, selon lui, pas pour effet de suspendre, ni de reporter le point de départ du cycle de protection relative de quatre semaines.
La Haute juridiction rejette ce pourvoi en précisant que la cour d'appel a exactement décidé que la période de protection de quatre semaines suivant le congé de maternité étant suspendue par la prise des congés payés, son point de départ devait être reporté à la date de la reprise du travail par la salariée. Cependant elle juge également, au visa des articles L. 1225-4, L. 1225-17 (N° Lexbase : L5727IAD) et L. 1225-71 (N° Lexbase : L0999H9U) du Code du travail, que la cour d'appel s'étant prononcé sans rechercher, comme il lui était demandé, si le licenciement n'était pas justifié par une faute grave, non liée à l'état de grossesse ou par l'impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement, n'a pas donné de base légale à sa décision, de sorte que l'arrêt d'appel doit être cassé (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E3332ETL, N° Lexbase : E3341ETW et N° Lexbase : E3340ETU).

newsid:442043

Contrat de travail

[Jurisprudence] Les déplacements du salarié résultant de ses obligations contractuelles

Réf. : Cass. soc., 2 avril 2014, n° 12-19.573, FS-P+B (N° Lexbase : A6296MIZ)

Lecture: 8 min

N2097BU9

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par Sébastien Tournaux, Professeur à l'Université des Antilles et de la Guyane

Le 08 Mai 2014

Il est des métiers qui, par nature, exigent du salarié qu'il se déplace, qu'il soit mobile. Comment imaginer un pilote de ligne, un chauffeur routier ou du personnel de chantier qui refuserait de suivre l'avion, la route ou les travaux qui sont au coeur de sa mission ? Le doute avait tout de même été instillé, il y a quelques années, par la Chambre sociale de la Cour de cassation qui avait exigé que les missions soient exceptionnelles, guidées par l'intérêt de l'entreprise et donnent lieu à l'information préalable du salarié quant à leur durée prévisible. Ce doute est aujourd'hui levé et l'on devra désormais faire plus clairement la distinction entre les salariés dont les fonctions n'impliquent pas de déplacement (I) et ceux pour lesquels au contraire, comme le précise un arrêt rendu le 2 avril 2014, les déplacements relèvent de leurs obligations contractuelles (II).
Résumé

Manque à ses obligations contractuelles le salarié qui refuse un déplacement s'inscrivant dans le cadre habituel de son activité d'assistant chef de chantier.

Commentaire

I - Les différents types de déplacement des salariés

Les modifications du lieu de travail. Le lieu de travail du salarié ou, tout du moins, le secteur géographique dans lequel se situe ce lieu de travail constitue un élément du contrat de travail qui ne peut, par conséquent, pas être modifié par l'employeur, sans l'accord du salarié (1). Malgré cette règle de principe, l'employeur dispose parfois à titre exceptionnel du pouvoir de modifier unilatéralement ce secteur géographique

C'est le cas, d'abord, lorsque le contrat de travail stipule une clause de mobilité. Si les conditions de validité de cette clause ont bien été respectées, le lieu de travail peut être modifié dans les limites de la zone géographique précisément déterminée par la stipulation (2).

A côté de cette modification définitive de la zone géographique de travail, il est parfois possible de modifier le lieu de travail de manière temporaire, sans que cette modification soit soumise à l'assentiment du salarié.

Modifications temporaires du lieu de travail. La Chambre sociale de la Cour de cassation a commencé à s'intéresser à ces modifications temporaires du lieu de travail, à ces missions temporaires, à partir du début des années 2000. Il est rapidement apparu que la nature des fonctions pouvait impliquer l'exigence d'une mobilité temporaire du salarié, mobilité à laquelle il ne pouvait s'opposer (3). Plus précisément, une mobilité occasionnelle et temporaire pouvait être imposée, à condition d'être "justifiée par l'intérêt de l'entreprise et que la spécificité des fonctions exercées par le salarié implique de sa part une certaine mobilité géographique" (4).

Le caractère "occasionnel", d'une part, et la "spécificité" des fonctions du salarié, d'autre part, pouvaient paraître contradictoires. Si les spécificités des fonctions du salarié impliquent le besoin de mobilité (chef de chantier, ingénieur ou technicien commercial, chauffeur routier, etc.), ce besoin est récurrent, voire permanent, ce qui s'accorde mal au caractère occasionnel exigé.

Tout en mettant fin à cette contradiction, la Chambre sociale de la Cour de cassation a suscité la perplexité par une décision rendue en 2010 par laquelle elle jugeait que l'affectation occasionnelle du salarié en dehors de son secteur géographique ne constitue pas une modification du contrat de travail lorsqu'elle "est motivée par l'intérêt de l'entreprise, qu'elle est justifiée par des circonstances exceptionnelles et que le salarié est informé préalablement dans un délai raisonnable du caractère temporaire de l'affectation et de sa durée prévisible" (5).

D'un côté, les conditions d'une mobilité temporaire occasionnelle étaient très sérieusement resserrées autour de critères précis, de l'autre, la référence à la spécificité des fonctions disparaissait. Il ne fallut attendre que deux ans, cependant, pour que la référence à la nature des fonctions ressurgisse dans un arrêt par lequel la Chambre sociale précisait que les conditions de validité des clauses de mobilité n'étaient pas applicables aux clauses de mission : peu importait l'existence de cette clause, le salarié ne pouvait refuser un déplacement "qui s'inscrivait dans le cadre habituel de son activité de consultant international" (6).

C'est sur cette mobilité temporaire, en raison de la nature des fonctions du salarié, que revient la Chambre sociale, par sa décision rendue le 2 avril 2014.

L'espèce. Un salarié, chef d'équipe, promu assistant de chef de chantier en 2009, travaillait pour le compte d'une société de construction et terrassement. Il refusa à deux reprises d'être affecté sur des chantiers d'autoroute en Gironde et dans les Pyrénées-Atlantiques. A la suite de ces refus, l'employeur le licencia pour faute grave. Le salarié contesta le licenciement devant le juge prud'homal.

La cour d'appel de Dijon considéra que le licenciement était bien fondé sur une faute : "le refus du salarié de rejoindre le chantier sur lequel il avait été envoyé constituait un acte d'insubordination caractérisant un manquement grave de l'intéressé à ses obligations contractuelles rendant impossible son maintien dans l'entreprise" (7). Le salarié forma pourvoi en cassation reposant sur un moyen unique.

Les premières branches du moyen contestaient que le salarié soit débiteur d'une obligation contractuelle d'accepter la mobilité temporaire. Le salarié reprenait l'argumentation de l'arrêt rendu en 2010 : la modification du lieu de travail ne peut être imposée au salarié que lorsque l'"affectation est motivée par l'intérêt de l'entreprise, qu'elle est justifiée par des circonstances exceptionnelles, et que le salarié est informé dans un délai raisonnable du caractère temporaire de l'affectation et de sa durée prévisible". Le salarié ne s'étant vu notifier aucune durée prévisible, et des circonstances exceptionnelles ne pouvant être identifiées, la mobilité ne pouvait à ses yeux lui être imposée.

Sur ce point, la Chambre sociale rejette le pourvoi. Reprenant le raisonnement des juges d'appel, elle relève que "le déplacement refusé par le salarié s'inscrivait dans le cadre habituel de son activité d'assistant chef de chantier", si bien que "le salarié avait manqué à ses obligations contractuelles".

La dernière branche du moyen contestait la qualification de faute grave. Sur ce point, la Chambre sociale casse la décision d'appel au visa des articles L. 1234-1 (N° Lexbase : L1300H9Z) et L. 1234-9 (N° Lexbase : L8135IAK) du Code du travail. Il s'agit d'une cassation pour manque de bases légales et non pour violation de la loi, si bien qu'il ne peut être déduit de cette cassation que la qualification de faute grave sera écartée sur renvoi. La Chambre sociale reproche aux juges d'appel de ne pas s'être expliqués sur certains faits invoqués par le salarié : aucune durée prévisible ne lui avait été communiquée, ses précédentes affectations avaient toutes eu lieu dans l'Est de la France et le salarié n'avait aucune "volonté délibérée" de manquer à ses obligations.

Systématisation : les deux types de mobilités temporaires. Cette décision prolonge les deux décisions évoquées rendues en 2010 et en 2012. Il semble qu'il existe en réalité deux cas de figure alternatifs dont découlent des régimes juridiques distincts.

Soit le salarié exerce des fonctions qui impliquent des déplacements professionnels, des mobilités temporaires, des affectations de courte durée dans des secteurs géographiques différents de son secteur de travail habituel. Dans ce cas de figure, l'employeur peut imposer au salarié ces mobilités temporaires, elles ne constituent pas une modification du contrat de travail mais relèvent au contraire des obligations contractuelles à la charge du salarié. Le refus du salarié constitue alors une insubordination, un comportement fautif.

Soit le salarié exerce des fonctions sédentaires, qui n'impliquent a priori aucun besoin de mobilité particulière, auquel cas, le déplacement, même temporaire, au-delà du secteur géographique de travail habituel du salarié, constitue une modification du contrat de travail. L'employeur ne pourra contraindre le salarié à une mobilité temporaire que selon les conditions posées en 2010 (8), c'est-à-dire lorsque la mobilité est guidée par des circonstances exceptionnelles, dans l'intérêt de l'entreprise, que le salarié est informé dans un délai raisonnable et que la durée prévisible de la mobilité lui a été précisée.

II - L'hypothèse de contractualisation des déplacements

La mobilité comme obligation contractuelle. Il demeure troublant de constater, dans cette décision, qu'aucune autre condition n'est imposée à l'employeur. Il suffit que le déplacement s'inscrive dans le cadre habituel des activités du salarié.

On ne peut tirer de limites très précises de cette affirmation, cela d'autant que l'appréciation du caractère habituel comporte une part certaine de subjectivité. On sait, toutefois, que seules les missions qui s'inscrivent dans le cadre de cette activité peuvent être imposées au salarié. Pour reprendre le cas d'espèce, le salarié peut donc être envoyé sur un chantier hors de sa zone habituelle de travail, mais il ne pourrait être contraint à partir en mission ou déplacement pour assumer d'autres tâches que ses fonctions et activités habituelles.

Le raisonnement de la Chambre sociale paraît toutefois acceptable. Il est vrai que cette mobilité temporaire peut être perçue comme une brèche dans la théorie de la modification du contrat de travail puisque la zone géographique de travail ne peut, en principe, être modifiée sans l'accord du salarié (9). Il n'en reste pas moins que cette modification est temporaire et que, surtout, certaines fonctions dans les entreprises ne peuvent être convenablement exécutées qu'à la condition que le salarié qui en a la charge se déplace. D'une certaine manière, la Chambre sociale lie le lieu de travail à la prestation de travail qui ne peut être exécutée convenablement sans déplacement. Refuser les déplacements constitue alors un cas d'exécution défectueuse de la prestation de travail, un manquement du salarié à ses obligations contractuelles.

Un besoin d'information inassouvi. Une réserve pourrait tenir à la conscience qu'a le salarié de s'engager à de tels déplacements lorsqu'il accepte telle ou telle fonction. A nouveau, le cas d'espèce l'illustre parfaitement : pendant treize ans, le salarié n'avait jamais été affecté à d'autres chantiers que ceux de l'Est de la France. Promu en 2009, il acceptait un poste qui impliquait des déplacements, mais peut-être pensait-il ou espérait-il que les conditions antérieures seraient préservées et qu'il ne serait pas envoyé en mission en dehors de sa zone habituelle de travail.

C'est ici que les clauses de mission peuvent être précieuses (10). Certes, elles ne sont pas d'un grand apport s'agissant de l'encadrement des mobilités temporaires puisque, comme l'a déjà précisé la Chambre sociale en 2012, c'est davantage la nature des fonctions que l'existence de la clause qui influe sur le régime applicable au déplacement. La clause a cependant d'autres vertus, en particulier celle de faire, à coup sûr, prendre conscience au salarié qui l'accepte que ses nouvelles fonctions impliqueront des mobilités temporaires.

De la sanction du refus de la mobilité temporaire. Quant à la sanction du refus par le salarié, elle ne surprend guère : le salarié qui manque à ses obligations contractuelles commet une faute et s'expose à une sanction disciplinaire. L'employeur, comme la cour d'appel de Dijon, avait considéré qu'il s'agissait d'une faute grave, ce qui ne convainc pas totalement la Chambre sociale de la Cour de cassation qui, comme à son habitude, exerce ici un contrôle étroit de la qualification de faute grave (11).

Il est vrai que l'appréciation de la faute grave est assez empirique et peut impliquer la prise en considération de nombreux indices : antécédents et ancienneté du salarié, niveau de responsabilité, circonstances particulières entourant la commission de la faute, etc.. La Chambre sociale ne reproche pas aux juges d'appel d'avoir accepté la qualification de faute grave mais seulement de ne pas avoir suffisamment "expliqué" pourquoi la faute était grave malgré les différents arguments avancés par le salarié.

Parmi ces différents arguments, l'un d'eux surprend. Si l'on est habitué à ce que le juge prud'homal prenne en considération les circonstances ayant entouré la faute, comme ici la cour d'appel aurait dû s'expliquer sur l'absence d'information du salarié sur la durée prévisible du déplacement, il est, en revanche, peu courant que le juge ait à prendre en compte la "volonté délibérée" du salarié de se soustraire à ses obligations. A suivre ce raisonnement, le caractère intentionnel ou non du comportement du salarié pourrait désormais servir d'indice à la qualification de faute grave. Or, si le caractère intentionnel a généralement une grande importance dans la qualification des fautes pénales, il est, le plus souvent, indifférent en matière civile et, plus particulièrement encore, en matière de responsabilité contractuelle dont il s'agit ici en définitive.

Il ne faut peut-être pas donner plus d'importance à la formule employée qu'elle n'en a réellement. Le salarié avait avancé devant les juges d'appel l'argument selon lequel il n'avait pas conscience d'être tenu d'accepter la mobilité, argument auquel il leur est reproché de ne pas avoir répondu plus que de ne pas en avoir tenu compte. Si, toutefois, la Chambre sociale devait à l'avenir accorder davantage d'importance à la volonté de l'auteur de la faute, c'est un nouvel indice permettant de qualifier la faute grave qui ferait alors son apparition.


(1) G. Auzero, E. Dockès, Droit du travail, Dalloz 2014, 28ème éd., p. 649 ; M. Del Sol, Variations jurisprudentielles sur le lieu de travail, JCP éd. S, 2009, n° 36, p. 7.
(2) Cass. soc., 7 juin 2006, n° 04-45.846, FS-P+B (N° Lexbase : A9457DPX) et les obs. de G. Auzero, La clause de mobilité doit définir de façon précise sa zone géographique d'application, Lexbase Hebdo n° 221 du 28 juin 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N0070AL8) ; Cass. soc., 12 juillet 2006, n° 04-45.396, F-P+B (N° Lexbase : A4407DQB) et nos obs., La précision de la zone géographique de la clause de mobilité : principe et sanction, Lexbase Hebdo n° 227 du 14 septembre 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N2633AL4) ; Cass. soc., 17 juillet 2007, n° 05-45.892, F-D (N° Lexbase : A4582DXY) et les obs. de G. Auzero, Bref retour sur les conditions de validité des clauses de mobilité géographique, Lexbase Hebdo n° 271 du 6 septembre 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N1835BCX).
(3) Cass. soc., 4 janvier 2000, n° 97-41.154 (N° Lexbase : A4790AGI).
(4) Cass. soc., 22 janvier 2003, n° 00-43.826, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A7010A4E) et les obs. de Ch. Figerou, La mobilité avec clause : l'article 1134 du Code civil sur le devant de la scène, Lexbase Hebdo n° 57 du 7 février 2003 - édition sociale (N° Lexbase : N5778AAA) ; Dr. soc., 2003, p. 433, obs. J. Savatier.
(5) Cass. soc., 3 février 2010, n° 08-41.412, FP-P+B+R (N° Lexbase : A6063ERY) et les obs. de Ch. Radé, Le droit d'envoyer le salarié en mission sous étroite surveillance, Lexbase Hebdo n° 383 du 18 février 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N2330BNM) ; SSL, 2010, 1460 et 1461, note A. Gardin ; RDT, 2010, p. 226, obs. J.- Y. Frouin.
(6) Cass. soc., 11 juillet 2012, n° 10-30.219, FS-P+B (N° Lexbase : A7955IQP) et nos obs., La distinction entre clause de mobilité et clause de mission, Lexbase Hebdo n° 495 du 26 juillet 2012 - édition sociale (N° Lexbase : N3206BTW).
(7) CA Dijon, 22 mars 2012, n° 11/00206 (N° Lexbase : A2992IGW).
(8) Cass. soc., 3 février 2010, n° 08-41.412, préc.
(9) Evoquant cet affaiblissement de la théorie de la modification du contrat de travail, v. A. Fabre, Certains changements d'horaires, même temporaires, peuvent constituer une modification du contrat de travail, Dr. soc., 2013, p. 1053.
(10) S. Tournaux, La distinction entre clause de mobilité et clause de mission, préc..
(11) V. par ex. Cass. soc., 30 novembre 2010, n° 08-43.499, FS-P+B (N° Lexbase : A6257GMP) et nos obs., Le contrôle de la qualification de faute grave : refus de la modification du lieu de travail et propos désobligeants du salarié, Lexbase Hebdo n° 422 du 6 janvier 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N0336BRU).

Décision

Cass. soc., 2 avril 2014, n° 12-19.573, FS-P+B (N° Lexbase : A6296MIZ).

Cassation partielle (CA Dijon, 22 mars 2012, n° 11/00206 N° Lexbase : A2992IGW).

Textes visés : C. trav., art. L. 1234-1 (N° Lexbase : L1300H9Z) et art. L. 1234-9 (N° Lexbase : L8135IAK).

Mots-clés : mobilité ; déplacements ; obligations contractuelles ; nature des fonctions ; insubordination ; faute.

Liens base : (N° Lexbase : E4669EX9).

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Domaine public

[Jurisprudence] Permis de stationnement : la compétence du maire de Chambord en sa qualité d'autorité de police

Réf. : CE 3° et 8° s-s-r., 9 avril 2014, n° 366483, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7648MI4)

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N1966BUD

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par Samuel Deliancourt, premier conseiller, cour administrative d'appel de Marseille, chargé d'enseignement à l'Ecole de Formation des Avocats de Centre-Sud (EFACS)

Le 13 Mai 2014

Le domaine de Chambord, bien connu des amateurs des châteaux de la Loire, fut construit sur ordre de François Ier à compter de l'année 1519 à son retour d'Italie. Ce domaine forme actuellement un seul tenant de 5 433 hectares (1), soit l'équivalent de Paris intra-muros, et est ceint par un mur continu de 32 kms haut de 2,5 mètres. Cet ensemble fut acquis par l'Etat le 13 avril 1930 auprès du duc de Parme, après un partage successoral contesté (2). Le domaine de Chambord comprend la commune de Chambord, laquelle existe depuis 1792. Tous les immeubles de cette commune sont la propriété de l'Etat qui les lui loue ou à des particuliers. Impressionnant et majestueux, ce symbole de la Renaissance en France attire chaque année plus de 750 000 visiteurs (780 000 entrées en 2011 et 775 774 en 2012). Le domaine de Chambord, bien connu des amateurs des châteaux de la Loire, fut construit sur ordre de François Ier à compter de l'année 1519 à son retour d'Italie. Ce domaine forme actuellement un seul tenant de 5 433 hectares (1), soit l'équivalent de Paris intra-muros, et est ceint par un mur continu de 32 kms haut de 2,5 mètres. Cet ensemble fut acquis par l'Etat le 13 avril 1930 auprès du duc de Parme, après un partage successoral contesté (2). Le domaine de Chambord comprend la commune de Chambord, laquelle existe depuis 1792. Tous les immeubles de cette commune sont la propriété de l'Etat qui les lui loue ou à des particuliers. Impressionnant et majestueux, ce symbole de la Renaissance en France attire chaque année plus de 750 000 visiteurs (780 000 entrées en 2011 et 775 774 en 2012).

Pour accéder au château en passant par le bourg de cette petite commune de moins de 130 habitants, les visiteurs peuvent emprunter et déambuler sur la place Saint-Louis, sur laquelle divers commerçants et restaurateurs exercent leurs activités. Trois d'entre eux ont sollicité des autorisations pour occuper cette place. M. X avait déposé une demande d'autorisation auprès de l'établissement public "Domaine national de Chambord" qui l'avait autorisé à occuper une surface de 70 m² pour une durée d'un an du 1er janvier au 31 décembre 2010. Cette autorisation n'ayant pas été renouvelée, M. X s'est adressé au maire de Chambord, lequel l'a autorisé à occuper 80 m² par un arrêté du 23 mai 2011. Le préfet du Loir-et-Cher ainsi que l'établissement public "Domaine national de Chambord", estimant que cet arrêté était entaché d'incompétence, l'ont contesté devant le tribunal administratif d'Orléans, qui fit droit à leur demande d'annulation. La cour administrative d'appel de Nantes (3) a annulé ce jugement et confirmé la compétence du maire pour délivrer l'autorisation contestée. Par la décision rapportée, le Conseil d'Etat confirme le raisonnement et l'appréciation de la juridiction d'appel nantaise.

La question juridique posée par ce litige s'inscrit dans ce contexte particulier qu'est le domaine de Chambord qui comprend la commune de Chambord et est géré par un établissement public depuis 2005 (I). Ce dernier n'est toutefois pas compétent pour délivrer en agglomération les autorisations de stationnement qui relèvent de la compétence de l'exécutif local (III), ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat dans sa décision du 9 avril 2014, mettant ainsi fin à la position divergente entre le tribunal et la Cour (II).

I - La gestion déléguée par l'Etat du domaine de Chambord

A - La création d'un établissement public gestionnaire du domaine de Chambord

Un transfert de gestion entre personnes publiques, de l'Etat à un établissement public spécialement constitué, à cet effet participe à un souci de rationalisation et de clarification des compétences et responsabilités (4). Tel est le cas, par exemple, du Musée du Louvre (5), comme le domaine de Chambord depuis le vote de l'article 230 de la loi n° 2005-157 du 23 février 2005, relative au développement des territoires ruraux (N° Lexbase : L0198G8T). Cette disposition a créé un établissement public national à caractère industriel et commercial dénommé "Domaine national de Chambord", placé sous la haute protection du Président de la République (6) et sous la tutelle de l'Etat. Selon l'article 75 du projet de loi, l'objet de ce transfert était d'aboutir à une gestion centralisée de ce domaine laquelle était jusqu'alors divisée entre six services de l'Etat, trois établissements publics (Office national des Forêts, Office national de la chasse et de la faune sauvage et Centre des Monuments Nationaux) et sous la tutelle de cinq ministères (Culture et Communication, Agriculture et Pêche, Ecologie et Développement durable, Economie, Finances, Industrie et Equipement), mettant ainsi en oeuvre l'une des mesures préconisées par le rapport "51 mesures pour le patrimoine monumental" (7). La création de cet établissement met fin aux fonctions de commissaire à l'aménagement du domaine de Chambord institué par le décret n° 70-1145 du 8 décembre 1970. Dans son rapport annuel pour l'année 2010, la Cour des comptes y a consacré une partie, relevant une gestion "désordonnée" de la part de l'Etat jusqu'à l'intervention de cet établissement public (9) et estimant que "le commissariat à l'aménagement et le comité de coordination créés en 1970 n'ont pas permis de faire prévaloir une gestion cohérente du domaine ni de définir une quelconque politique de développement".

B - La remise en dotation des biens composant le domaine de Chambord

Selon le III de l'article 230, "les biens constitutifs du domaine national de Chambord sont remis en dotation à l'établissement public. Les affectations et les attributions à titre de dotation sont effectuées à titre gratuit. Les voies du domaine national de Chambord ouvertes à la circulation publique à la date d'entrée en vigueur du décret prévu au VIII du présent article sont également remises en dotation à l'établissement public à titre gratuit. Le directeur général de l'établissement public exerce les pouvoirs de police afférents à leur gestion, notamment en ce qui concerne la circulation sur ces voies, sous réserve des pouvoirs dévolus au maire de la commune de Chambord sur les voies de communication situées à l'intérieur de l'agglomération en application de l'article L. 2213-1 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L3519IZD) [...]" (10). En application de ces dispositions, la gestion du château, des écuries, des parcs de stationnement de véhicules destinés à l'accueil des visiteurs du domaine et du château, de la mairie, de l'église, de la salle des fêtes appelée la "Grange aux Dîmes", du cimetière, du château d'eau, de la forêt, du mur d'enceinte, ainsi que la quarantaine de maisons d'habitations composant le village, de même que les maisons forestières et immeubles à usage commercial a été transférée à cet établissement public par l'Etat, mais ce dernier reste propriétaire : "la remise en dotation des biens du domaine national de Chambord à l'établissement public n'a eu ni pour objet, ni pour effet, de lui transférer la propriété de celui-ci", ainsi que l'a estimé le Conseil d'Etat dans un avis du 19 juillet 2012 (11). Cette disposition ne méconnaît pas le droit de propriété de la commune de Chambord puisque ce domaine ne lui appartient pas, ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat dans le cadre d'une réponse donnée à une question prioritaire de constitutionnalité (12).

II - Les positions adoptées par les juridictions administratives

A - La QPC non transmise

L'établissement public avait introduit le 21 juin 2011 un référé aux fins de suspension du permis de stationnement délivré par le maire, lequel fut rejeté pour défaut d'urgence par ordonnance du 1er juillet 2011 (13). Cette requête était logiquement assortie d'un recours au fin d'annulation dudit arrêté. La commune de Chambord a, par la suite, saisi le tribunal administratif d'une question quant à la constitutionnalité de l'article 230 de la loi précitée, au motif que cette disposition méconnaissait le droit de propriété énoncé à l'article 17 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 (N° Lexbase : L1364A9E) et était contraire aux principes de libre administration et d'autonomie financière des collectivités territoriales garantis par les articles 72 (N° Lexbase : L0904AHX) et 72-2 (N° Lexbase : L8824HBG) de la Constitution, ainsi qu'au principe d'égalité devant la loi et au principe de continuité du service public. Le tribunal a renvoyé par jugement du 4 octobre 2011 cette QPC devant le Conseil d'Etat, qui a considéré dans un arrêt du 13 décembre 2011 (14), qu'elle ne présentait pas un caractère sérieux, dès lors, notamment, que les biens remis en dotation à l'établissement public n'avaient jamais appartenu à la commune de Chambord et que cette dernière n'était privée ni de ressources, ni de l'exercice de ses attributions effectives (15).

B - Les appréciations divergentes de première instance et d'appel

S'agissant du recours au fond, le tribunal administratif d'Orléans avait annulé le permis de stationnement (16), estimant que "ces dispositions visent à coordonner, sur les voies du domaine national de Chambord ouvertes à la circulation publique, les pouvoirs de police du maire de la commune de Chambord et du directeur général de l'établissement public ; que le maire de la commune est compétent pour exercer la police de la circulation des véhicules sur les voies de communication à l'intérieur de l'agglomération et le directeur général de l'établissement public pour exercer les pouvoirs de police afférents à la gestion des voies du domaine national de Chambord ouvertes à la circulation publique". Puis, il avait jugé que "le permis de stationnement attaqué n'autorise l'installation de mobilier que sur la partie centrale de la place Saint-Louis, plantée d'arbres et réservée aux piétons ; que cet emplacement ne peut être regardé comme 'une voie de communication' au sens de l'article L. 2213-1 du Code général des collectivités territoriales ; que, par suite, le maire de la commune de Chambord n'était pas compétent pour délivrer le permis de stationnement attaqué". Saisie, la cour administrative d'appel de Nantes a sursis à l'exécution de ce jugement (17) avant de l'annuler (18) par un arrêt lu le 28 décembre 2012 (19). S'appuyant sur les travaux préparatoires, la cour administrative d'appel a, au contraire, estimé que, "si l'article 230 de cette loi confère au dirigeant de l'établissement public du Domaine national de Chambord, la compétence précédemment exercée par le président du conseil général du Loir-et-Cher en matière de police de la circulation sur les voies du domaine national de Chambord qui sont remises en dotation à cet établissement public en vue d'assurer, notamment, la gestion de l'activité cynégétique du domaine, le maire de Chambord demeure, en vertu de ce même article, compétent pour exercer la police de la circulation sur les voies de communication du domaine situées à l'intérieur de l'agglomération en application de l'article L. 2213-1 du Code général des collectivités territoriales ; qu'en vertu des dispositions de ce dernier article et de l'article L. 2213-6 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L3269IZ4), le maire de Chambord est, également, compétent, en tant qu'autorité chargée de la police de la circulation, pour délivrer les autorisations de stationnement sur lesdites voies ainsi que sur les autres lieux publics". Dans la décision rapportée, le Conseil d'Etat confirme cet arrêt et rejette le pourvoi en cassation (20).

III - La compétence de l'autorité gestionnaire pour délivrer les permis de stationnement

A - La qualification domaniale de la place Saint-Louis

Etait concernée, en l'espèce, la place Saint-Louis qui est une place piétonne. Le château, ses dépendances et le village constituant le domaine de Chambord, il est nécessaire de les qualifier. La Cour des comptes a estimé que "coexistent à Chambord le domaine public (le château et ses abords), le domaine privé de l'Etat (la forêt, le bourg) et une zone intermédiaire (la zone commerciale et l'hôtel) dont la qualification n'est toujours pas clairement établie. C'est pour cette zone, située aux abords du château et où se trouvent la plupart des commerces et l'hôtel, que les enjeux sont les plus significatifs parce qu'ils contribuent à l'image du site. Il appartient à l'établissement d'utiliser les différentes voies juridiques à sa disposition pour imposer aux locataires les améliorations de la qualité des prestations permettant de préserver la réputation de Chambord" (21). Dans son avis du 19 juillet 2012 (22), le Conseil d'Etat, saisi par le ministre de la Culture, confirmant une approche globale de la domanialité publique, a considéré, notamment, qu'en plus du château, de la mairie, de l'église, des écuries, etc., les routes ouvertes à la circulation générale et la place Saint-Louis relevaient du domaine public de l'Etat en raison de leur affectation à l'usage direct du public (23). Dans son arrêt du 9 avril 2014, le Conseil d'Etat confirme la qualification non contestée donnée par la Cour d'appel de Nantes, selon laquelle la place Saint-Louis, située en agglomération et empruntée par tous les visiteurs pour se rendre au château depuis les parcs de stationnement de véhicules, est ouverte à la circulation du public (24) et répond ainsi à la condition de l'affectation à l'usage du public (25) exigée par l'article L. 2111-1 du Code général de la propriété des personnes publiques (N° Lexbase : L4505IQW).

B - Les autorisations de voirie

Les autorisations d'occupation du domaine public prennent la forme soit d'une permission de voirie si l'occupation donne lieu à emprise (26), soit, dans le cas contraire, d'un permis de stationnement (27). Ce critère de distinction physique, aujourd'hui critiquable (28), est actuellement repris à l'article L. 113-2 du Code de la voirie routière (N° Lexbase : L1316IBD), selon lequel "[...] l'occupation du domaine public routier n'est autorisée que si elle a fait l'objet, soit d'une permission de voirie dans le cas où elle donne lieu à emprise, soit d'un permis de stationnement dans les autres cas. Ces autorisations sont délivrées à titre précaire et révocable". Ce principe est rappelé dans la présente affaire par le Conseil d'Etat : "l'occupation d'une dépendance du domaine public fait l'objet, lorsqu'elle donne lieu à emprise, d'une permission de voirie délivrée par l'autorité responsable de la gestion du domaine et, dans les autres cas, d'un permis de stationnement" (29).

S'agissant de terrasses, un permis de stationnement est nécessaire (30) et la compétence pour délivrer une telle autorisation se rattache à la qualité d'autorité chargée de la police de la circulation et du stationnement prévue aux articles L. 2213-1 à L. 2213-6-1 du Code général des collectivités territoriales (31). Ainsi qu'en dispose l'article L. 2213-6 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L3269IZ4), "le maire peut, moyennant le paiement de droits fixés par un tarif dûment établi, donner des permis de stationnement [...] sur la voie publique et autres lieux publics, sous réserve que cette autorisation n'entraîne aucune gêne pour la circulation et la liberté du commerce". L'exécutif local est ainsi compétent pour délivrer des permis de stationnement le long des voies communales, ainsi que sur les voies départementales et nationales à l'intérieur des agglomérations (32). Le cas échéant, cette compétence relève du président du conseil général (33) ou du préfet.

C - Le cas du domaine de Chambord

S'agissant plus particulièrement du domaine de Chambord, le directeur général de l'établissement public s'est vu déléguer les pouvoirs de gestion des dépendances composant ce domaine, parmi elles, les voies ouvertes à la circulation publique, et la police de la circulation. Mais l'article 230, III, de la loi du 23 février 2005 précise que ces compétences lui sont attribuées sous réserve des pouvoirs dévolus au maire de la commune de Chambord sur les voies de communication situées à l'intérieur de l'agglomération en application des articles L. 2213-1 et L. 2213-6 du Code général des collectivités territoriales. Ainsi que l'ont relevé le tribunal administratif et le Conseil d'Etat, ces dispositions ont pour objet de coordonner, sur les voies du domaine national de Chambord ouvertes à la circulation publique, les pouvoirs de police respectifs du maire de la commune et du directeur général de l'établissement public. Aussi, sur les voies du domaine ouvertes à la circulation, hors agglomération, le président du domaine national de Chambord est compétent pour délivrer toutes les autorisations de voirie. En revanche, le maire de la commune de Chambord n'est pas dépossédé par l'article 230, III, de ses pouvoirs de police qu'il conserve en agglomération et est ainsi compétent pour délivrer les permis de stationnement sur ces voies, ainsi que sur les autres lieux publics qui en sont l'accessoire et qui appartiennent à l'Etat (34), à l'instar de la place. Le raisonnement de la cour administrative d'appel est confirmé par le juge de cassation.

D - Les incidences financières de la position retenue par le Conseil d'Etat

Cette question juridique emporte des conséquences financières non négligeables pour les commerçants comme pour les deux collectivités publiques concernés. Les redevances exigées en contrepartie des autorisations d'occupation délivrées alimenteront les comptes de la commune et non ceux de l'établissement public national. Dans ses actions en référé, ce dernier avait invoqué une certaine urgence financière en précisant que le montant de la redevance mise à la charge de M. X était de 17 630 euros, alors que le montant susceptible d'être exigé à la suite d'une procédure de publicité et de mise en concurrence était de l'ordre de 150 000 euros. Ce litige s'inscrit dans un contexte quelque peu conflictuel déjà dénoncé par la Cour des comptes dans son rapport précité : "bien que la commune n'ait aucun bien et qu'elle n'exerce en propre que les attributions traditionnelles d'état civil, elle interfère constamment avec l'activité de l'établissement. Dans ce contexte, les frictions sont multiples et trouvent un écho au conseil d'administration puisque la commune y est représentée" (35).


(1) Cette surface, initialement de 2 500 hectares, fut portée à 5 433 hectares vers 1645 par Gaston d'Orléans, frère de Louis XIII, lequel a fait achever la construction d'un mur de 32 kilomètres de pourtour. Voir P. Martin, avis n° 265, Projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, 14 avril 2004, p. 11.
(2) Voir Cass. civ., 13 avril 1932, D. 1932, 1, p. 89, concl. Matter, note Basdevant, S. 1932, 1, p. 361, note Audinet.
(3) CAA Nantes, 2ème ch., 28 décembre 2012, n° 12NT00752 (N° Lexbase : A0232I3Y).
(4) Voir N. Bettio, La circulation des biens entre personnes publiques, LGDJ, Bibliothèque de droit public, Tome n° 265, 2011, p. 45 et s.
(5) Voir le décret n° 92-1338 du 22 décembre 1992, portant création de l'Etablissement public du musée du Louvre (N° Lexbase : L0748I34).
(6) A la suite à l'adoption de l'amendement n° 422, 27 avril 2004, Sénat, présenté par M. Charasse. Sur la justification, voir la motivation de cet amendement.
(7) Y. Gaillard, Rapport d'information, Mission de contrôle sur l'action en matière de patrimoine (51 mesures pour le patrimoine monumental), Sénat, n° 378, 2001-2002, p. 12.
(8) JORF, 11 décembre 1970, p. 11373.
(9) Pp. 277 et s.
(10) Voir également le décret n° 2005-703 du 24 juin 2005, relatif à l'établissement public du domaine national de Chambord (N° Lexbase : L5884G9S) et l'arrêté du 29 novembre 2005, pris pour l'application de l'article 28 dudit décret (N° Lexbase : L9902HD4).
(11) CE, avis, 19 juillet 2012, n° 386715, AJDA 2013, p. 1789, comm. F. Melleray.
(12) CE 3° et 8° s-s-r., 13 décembre 2011, n° 353307, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A5004H8T), AJDA 2012, p. 509.
(13) TA Orléans, 1er juillet 2011, n° 1102177.
(14) TA Orléans, 4 octobre 2011, n° 1102176, 1102178 et 1102180 (N° Lexbase : A5033H8W).
(15) CE 3° et 8° s-s-r., 13 décembre 2011, n° 353307, inédit au recueil Lebon, préc..
(16) TA Orléans, 6 mars 2012, n 1102178 et 1103342 (N° Lexbase : A4150I34).
(17) CAA Nantes, 2ème ch.,13 juillet 2012, n° 12NT00753 (N° Lexbase : A6907ISM).
(18) CAA Nantes, 2ème ch., 28 décembre 2012, n° 12NT00752, préc..
(19) Voir les deux autres arrêts du même jour concernant les autorisations de stationnement : CAA Nantes, 2ème ch., 28 décembre 2012, n° 12NT00750 (N° Lexbase : A0231I3X) et n° 12NT00754 (N° Lexbase : A0233I3Z).
(20) Voir également du même jour : CE 3° et 8° s-s-r., 9 avril 2014, deux arrêts, inédits au recueil Lebon, n° 366484 (N° Lexbase : A1096MKS) et n° 366485 (N° Lexbase : A1097MKT).
(21) Op. cit., p. 281.
(22) CE, avis, 19 juillet 2012, n° 386715, préc..
(23) C. gen. prop. pers. pub., art. L. 2111-1.
(24) Voir, cependant, distinguant l'ouverture au public de l'affectation à celui-ci, T. confl., 5 juillet 1999, n° 03149 (N° Lexbase : A5487BQB), Rec. p. 458, Dr. adm., 1999, comm. n° 308.
(25) Ces qualifications ont été à l'origine d'un amendement n° 84 ter présenté par la sénatrice Mme Gourault et adopté au cours des travaux préparatoires à l'adoption de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (N° Lexbase : L8342IZY), destiné à définir ce qui relève du domaine privé de l'Etat et proposant d'y inclure tous les biens lui appartenant situés sur le territoire de la commune de Chambord, à l'exception du château de ses dépendances et de son parc, afin de différencier ce qui relève de la gestion de la commune et de l'EPIC. Cet amendement ne sera pas adopté au motif que le Conseil d'Etat a, dans son avis du 9 juillet 2012, déjà procédé à ce travail de qualification et que cet amendement était sans rapport avec l'objet de la loi (risque de cavalier législatif). Voir Assemblée nationale, Rapport pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, 19 décembre 2013, n° 1670, p. 354.
(26) Par ex. CE 15 juillet 1964, Longuefosse, Rec. p. 423 ; CE 9° et 10° s-s-r., 3 novembre 2006, n° 292880, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A3615DSP), Dr. adm., 2007, comm. n° 24.
(27) Voir nos obs., Les autorisations de voirie, Droit de la voirie et du domaine public, n° 165, octobre/novembre 2012, p. 156.
(28) Voir P. Yolka, La propriété publique - Eléments pour une théorie, LGDJ, Bibliothèque de droit public, Tome n° 191, 1997, p. 221 et s.
(29) Rapp. CE 9° et 10° s-s-r., 3 novembre 2006, n° 292880, publié au recueil Lebon, préc..
(30) CE 5° et 3° s-s-r., 14 juin 1972, n° 83682, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0234B88), Rec. p. 436.
(31) Ibid.
(32) Voir CGCT, art. L. 2213-1.
(33) CGCT, art. L. 3221-4 (N° Lexbase : L2225IY3). Voir, par exemple, CE 4° et 5° s-s-r., 15 novembre 2006, n° 265453; mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3523DSB), JCP éd. A, 2006, Act. 991 ; lire nos obs., Les Annales de la voirie, avril/mai 2007, p. 63.
(34) On relèvera que cet arrêt (considérant n° 4) affirme le principe de la compétence de la qualité d'autorité gestionnaire du domaine pour délivrer les permis de stationnement, sauf dispositions contraires, ce qui est le cas ici, alors qu'en principe, ces autorisations se rattachent directement à la compétence de l'autorité chargée de la police et de la circulation qu'est le maire en agglomération, dans la lignée de l'arrêt n° 83682 du 14 juin 1972 précité.
(35) Op. cit., p. 279.

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[Brèves] Crédit-bail : le défaut de publicité a pour seul effet d'empêcher le crédit-bailleur de se prévaloir envers les créanciers du crédit-preneur de son droit de propriété sur la chose louée, mais n'affecte pas ses droits sur les mensualités perçues antérieurement à l'ouverture de la procédure

Réf. : Cass. com., 29 avril 2014, n° 13-12.528, F-P+B (N° Lexbase : A6855MK4)

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N2067BU4

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Le 10 Mai 2014

Aux termes d'un arrêt rendu le 29 avril 2014, la Chambre commerciale de la Cour de cassation énonce que, en matière de crédit-bail, le défaut de publicité avait pour seul effet d'empêcher le crédit-bailleur de se prévaloir envers les créanciers ou ayants cause à titre onéreux du crédit-preneur de son droit de propriété sur la chose louée, mais n'affectait pas ses droits sur les mensualités perçues antérieurement à l'ouverture de la procédure (Cass. com., 29 avril 2014, n° 13-12.528, F-P+B N° Lexbase : A6855MK4). En l'espèce, un crédit-bailleur a donné divers matériels en crédit-bail à un crédit-preneur. Ce dernier ayant été mis en liquidation judiciaire, le crédit-bailleur a déclaré sa créance. Le liquidateur, agissant en qualité de représentant des créanciers, a, soutenant, au motif que le contrat de crédit-bail n'avait pas été publié, que les paiements intervenus ne lui étaient pas opposables, assigné le crédit-bailleur en paiement d'une somme de 3 255,12 euros correspondant au montant des échéances réglées antérieurement au jugement prononçant la liquidation. Le liquidateur fait grief au jugement d'avoir rejeté cette demande, alors que, selon lui, que le contrat de crédit-bail qui n'a pas été régulièrement publié à la date du jugement d'ouverture est inopposable aux créanciers du crédit-preneur, ainsi qu'au mandataire judiciaire. En vain. Le pourvoi sera rejeté par la Haute juridiction qui approuve les premiers juges d'avoir retenu que l'article R. 313-10 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L5056HCA) dispose que si les formalités de publicité n'ont pas été accomplies dans les conditions fixées aux articles R. 313-4 (N° Lexbase : L5049HCY) à R. 313-6 du même code, l'entreprise de crédit-bail ne peut opposer aux créanciers ou ayants cause à titre onéreux de son client, ses droits sur les biens dont elle a conservé la propriété, sauf si elle établit que les intéressés avaient eu connaissance de l'existence de ces droits. Partant, le tribunal en a exactement déduit que le défaut de publicité avait pour seul effet d'empêcher le crédit-bailleur de se prévaloir envers les créanciers ou ayants cause à titre onéreux du crédit-preneur de son droit de propriété sur la chose louée, mais n'affectait pas ses droits sur les mensualités perçues antérieurement à l'ouverture de la procédure.

newsid:442067

Environnement

[Brèves] Le juge des référés du Conseil d'Etat refuse de suspendre l'arrêté du ministre de l'Agriculture interdisant le maïs MON 810

Réf. : CE référé, 5 mai 2014, n° 376808 (N° Lexbase : A7208MK8)

Lecture: 1 min

N2108BUM

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Le 09 Mai 2014

Dans une ordonnance rendue le 5 mai 2014, le Conseil d'Etat a rejeté les référés suspension formés par une association de producteurs de maïs et deux exploitants agricoles contre l'arrêté du ministre de l'Agriculture du 14 mars 2014 interdisant la commercialisation, l'utilisation et la culture des variétés de semences de maïs issues de la lignée de maïs génétiquement modifié MON 810 (CE référé, 5 mai 2014, n° 376808 N° Lexbase : A7208MK8). Le juge des référés a estimé que les requérants ne justifiaient pas d'une situation d'urgence, l'une des conditions qui doit être impérativement remplie pour que le juge suspende l'exécution d'une décision administrative. Il a, en particulier, estimé que l'arrêté ne portait pas une atteinte grave et immédiate à la situation économique des requérants et de la filière, la culture du maïs MON 810 ne représentant qu'une place très réduite des cultures. Il a aussi relevé que la circonstance que le Conseil d'Etat ait annulé deux précédents arrêtés (CE 3° et 8° s-s-r., 1er août 2013, n° 358103, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1721KKX) ayant pour objet d'interdire la culture du maïs MON 810 ne créait pas non plus une situation d'urgence, le nouvel arrêté portant sur une période différente et étant fondé sur des circonstances présentées comme nouvelles par le ministre.

newsid:442108

Fiscal général

[Brèves] Vote du Pacte de responsabilité et de solidarité : baisse des prélèvements obligatoires

Réf. : Lire le communiqué de presse du Gouvernement du 29 avril 2014

Lecture: 1 min

N2018BUB

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Le 08 Mai 2014

Le 29 avril 2014, l'Assemblée nationale a voté le Pacte de responsabilité et de solidarité présenté par le Premier ministre, Manuel Valls. Adopté à une courte majorité, le Pacte prévoit deux volets fiscaux : le premier concerne les entreprises, le second les ménages. Concernant les entreprises, il est prévu une modernisation et une réduction de la fiscalité, pour favoriser les investissements. Ainsi, la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), payée par environ 300 000 entreprises, sera supprimée d'ici à 2017, avec une première réduction équivalente à un milliard d'euros en 2015 sous la forme d'un abattement. Cela aura pour effet d'exonérer les deux tiers des redevables dès la première année. Cette suppression représente plus de 6 milliards d'euros brut. La contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés sera également supprimée en 2016 et le taux normal d'IS passera de 33,3 % actuellement à 28 % en 2020, avec une première étape dès 2017. En outre, plusieurs dizaines de taxes à faible rendement seront supprimées. La totalité de ces mesures représente une économie de 10 milliards d'euros pour les entreprises en 2017. Le Pacte prévoyant des contreparties, il sera laissé aux parlementaires le soin de vérifier son respect par les contribuables. Concernant les ménages, un effort de 5 milliards d'euros sera consenti par l'Etat d'ici 2017. Manuel Valls annonce que, dès 2014, une première mesure favorable aux ménages modestes sera engagée. Il s'agit de réduire l'imposition des ménages situés en bas du barème de l'impôt sur le revenu. 500 millions d'euros seront ainsi redistribués dès cette année, sur le fondement de la prochaine loi de finances rectificative pour 2014, dont le projet devrait bientôt voir le jour. Une mesure fiscale viendra enfin au soutien du pouvoir d'achat des ménages aux revenus modestes. Le Premier ministre a déclaré vouloir mettre un terme à la logique de la hausse d'impôts, pour entrer dans une phase descendante, pour encourager l'investissement et l'activité économique dans notre pays.

newsid:442018

Fiscalité des particuliers

[Le point sur...] Dons aux oeuvres, c'est le moment de retrouver les justificatifs (à propos de l'impôt sur le revenu)

Lecture: 16 min

N2047BUD

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par Bernard Thévenet, Conservateur des hypothèques honoraire, Avocat au barreau de Lyon

Le 08 Mai 2014

Alors que la campagne de déclaration à l'IR bat son plein, il est utile de revenir sur l'un des dispositifs fiscaux les plus attractifs et les plus utilisés du moment, les dons aux organismes désintéressés. En effet, ces dons donnent droit à une réduction d'impôt intéressante. Ainsi, certains dons à des organismes sans but lucratif peuvent, si les conditions sont réunies, ouvrir droit à une réduction d'impôt sur le revenu et/ou d'ISF. Attention toutefois à bien conserver les justificatifs de ces dons, au risque de perte le bénéfice de l'avantage fiscal. I - Principe

En vertu de l'article 200 du CGI (N° Lexbase : L1606IZI), ouvrent droit à une réduction d'impôt sur le revenu égale à 66 % (ou 75 % dans certains cas) de leur montant les sommes prises dans la limite de 20 % du revenu imposable qui correspondent à des dons et versements, y compris l'abandon exprès de revenus ou produits, effectués par les contribuables domiciliés en France. Les dons éligibles sont ceux effectués au profit des organismes limitativement désignés par la loi.

II - Organismes concernés

Les organismes désignés par l'article 200 du CGI sont les suivants :

  • les fondations ou associations reconnues d'utilité publique ; les fondations universitaires ; les fondations partenariales ; les fondations d'entreprise. La réduction d'impôt est réservée aux seuls salariés des entreprises fondatrices ou des entreprises du groupe auquel appartient l'entreprise fondatrice ;
  • les oeuvres ou les organismes d'intérêt général qui présentent un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou qui concourent :

    - à la mise en valeur du patrimoine artistique, notamment à travers les souscriptions ouvertes pour financer l'achat d'objets ou d'oeuvres d'art destinés à rejoindre les collections d'un musée de France accessibles au public ;
    - à la défense de l'environnement naturel ;
    - à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises ;

  • les établissements d'enseignement supérieur ou d'enseignement artistique publics ou privés à but non lucratif ;
  • les associations cultuelles ou de bienfaisance et les établissements publics des cultes reconnus d'Alsace-Moselle. La condition relative à la reconnaissance d'utilité publique est réputée remplie par les associations régies par la loi locale maintenue en vigueur dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin, du Haut-Rhin, lorsque la mission de ces associations est reconnue d'utilité publique ;
  • les associations de financement électorales et des associations agréées de financement des partis politiques. Les dons et cotisations sont retenus dans la limite de 15 000 euros ;
  • les organismes agréés dans les conditions prévues à l'article 1649 nonies (N° Lexbase : L0668IH9) dont le siège est situé dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales. L'agrément est accordé lorsque l'organisme poursuit des objectifs et présente des caractéristiques similaires aux organismes dont le siège est situé en France ;
  • les organismes publics ou privés dont la gestion est désintéressée et qui ont pour activité principale la présentation au public d'oeuvres dramatiques, lyriques, musicales, chorégraphiques, cinématographiques et de cirque ou l'organisation d'expositions d'art contemporain, à la condition que les versements soient affectés à cette activité. Cette disposition ne s'applique pas aux organismes qui présentent des oeuvres à caractère pornographique ou incitant à la violence.

Ouvrent également droit à la réduction d'impôt, les dons versés :

  • à la Fondation du patrimoine ou à une fondation ou une association qui affecte irrévocablement ces dons à la Fondation du patrimoine , en vue de subventionner la réalisation des travaux prévus par les conventions conclues entre la Fondation du patrimoine et les propriétaires des immeubles, personnes physiques ou sociétés civiles composées uniquement de personnes physiques et qui ont pour objet exclusif la gestion et la location nue des immeubles dont elles sont propriétaires ;
  • à des fonds de dotation répondant aux caractéristiques des oeuvres ou des organismes d'intérêt général, ou dont la gestion est désintéressée et qui reversent les revenus tirés des dons et versements dont ils bénéficient à des organismes eux-mêmes bénéficiaires de dons éligibles aux dispositions de l'article 200 du CGI. Ces organismes délivrent aux fonds de dotation une attestation justifiant le montant et l'affectation des versements effectués à leur profit ;
  • à des organismes agréés dans les conditions prévues à l'article 1649 nonies dont le siège est situé dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans un Etat partie à l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale. L'agrément est accordé lorsque l'organisme poursuit des objectifs et présente des caractéristiques similaires aux organismes dont le siège est situé en France répondant aux conditions susmentionnées. Lorsque les dons et versements ont été effectués au profit d'un organisme non agréé dont le siège est situé dans un Etat membre de l'UE ou dans un Etat partie à l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale, la réduction d'impôt obtenue fait l'objet d'une reprise, sauf lorsque le contribuable a produit dans le délai de dépôt de déclaration les pièces justificatives attestant que cet organisme poursuit des objectifs et présente des caractéristiques similaires aux organismes dont le siège est situé en France.

Concernant certains de ces organismes, il peut être utile de consulter les précisions apportées par l'administration fiscale (BOI-IR-RICI-250-10-20-10-20121001 N° Lexbase : X6992ALK).

III - Conditions à remplir par les organismes désignés à l'article 200 du CGI

A - Exercer l'activité en France

Il n'est pas nécessaire que l'organisme bénéficiaire ait son siège en France. Mais pour que les dons ouvrent droit à la réduction, il faut qu'il exerce en France une activité répondant aux conditions définies à l'article 200 du CGI.
Sont également éligibles à la réduction d'impôt, les dons et versements effectués au profit d'organismes (agréés par l'administration fiscale) dont le siège est situé dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans un Etat partie à l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscales. L'agrément est accordé lorsque l'organisme poursuit des objectifs et présente des caractéristiques similaires aux organismes dont le siège est situé en France répondant aux conditions susmentionnées.

B - Présenter un intérêt général

Les organismes bénéficiaires doivent également présenter un intérêt général, c'est-à-dire :

- avoir une activité non lucrative, étant précisé que l'existence d'activités lucratives ayant fait l'objet d'une sectorisation ne remet pas en cause la qualification d'intérêt général d'une association ou d'une fondation. Pour bénéficier de l'avantage fiscal, les versements doivent cependant être affectés directement et exclusivement au secteur non lucratif de l'organisme bénéficiaire. Cette dernière condition ne peut être considérée comme remplie que si l'association dispose d'une comptabilité distincte pour les secteurs lucratif et non lucratif, y compris si elle souhaite soumettre l'ensemble de ses activités à l'impôt sur les sociétés ;
- avoir une gestion désintéressée ;
- ne pas agir au profit d'un cercle restreint de personnes. Il en serait ainsi des organismes qui auraient pour objet, par exemple, de servir les intérêts d'une ou plusieurs familles, personnes ou entreprises, de faire connaître les oeuvres de quelques artistes ou des travaux de certains chercheurs. C'est ainsi que les associations d'élèves ou d'anciens élèves n'entrent pas dans les prévisions des articles 200 et 238 bis (N° Lexbase : L4617ISS) du CGI, dès lors qu'elles ont principalement pour vocation de créer des liens de solidarité entre leurs membres et d'assurer la défense de leurs intérêts matériels et moraux. Or, ces objets n'entrent dans aucune des catégories mentionnées ci-dessus, qui sont d'interprétation stricte et limitativement énumérées par la loi. Cette doctrine a été validée par le Conseil d'Etat qui a considéré qu'alors même que d'autres dispositions du CGI exonèrent de TVA les services qu'elle rend, eu égard à son absence de but lucratif et aux conditions désintéressées de sa gestion, une association d'élèves ou anciens élèves d'une école, dont l'objet principal est la défense des intérêts matériels et moraux du cercle restreint de ses membres et la création de liens de solidarité entre eux, n'entre pas dans le champ des dispositions des articles 200 et 238 bis du CGI (CE 3° et 8° s-s-r., 7 févr. 2007, n° 287949, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9652DTN). De la même façon, les associations d'anciens combattants ne peuvent être réputées d'intérêt général puisqu'à travers la défense des intérêts de leurs membres, elles leur procurent au moins indirectement une contrepartie tangible et qu'elles fonctionnent, du fait même des objectifs poursuivis, au profit d'un cercle restreint de personnes. La même doctrine s'applique aux "amicales des retraités et veuves de la profession X", dès lors que ces associations ont pour objet de défendre les intérêts moraux et matériels de tous les ressortissants de la profession en question, et de ce fait, fonctionnent, du fait même des objectifs poursuivis, au profit d'un cercle restreint de personnes.

Cette doctrine sur le cercle restreint est généralement confirmée par les juges administratifs. C'est ainsi que le Conseil d'Etat a validé un arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes qui avait considéré "que les actions mises en oeuvre par l'association Union sociale maritime consistent, pour l'essentiel, en un suivi social, effectué par des assistantes sociales salariées, de demandes qui lui sont présentées, pour le compte des différents financeurs, par des salariés, des pensionnés ou des organismes maritimes, en matière d'accès aux droits, de prévention, de problèmes financiers ou d'emploi ; qu'il suit de là que l'association Union sociale maritime, chargée de missions relevant du champ de la protection sociale des gens de mer, s'adresse à un public de bénéficiaires potentiels, composé d'inscrits maritimes actifs, de pensionnés et de leurs familles et exclusivement défini par son rattachement à une profession ; qu'ainsi, l'association Union sociale maritime ne peut être regardée comme une oeuvre ou organisme d'intérêt général au sens des dispositions précitées du b du 1 de l'article 200 et du a du 1 de l'article 238 bis du CGI" (CAA Nantes, 1ère ch., 25 mai 2009, nº 08NT01141, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A2775ELD).
Cela étant, l'administration fiscale a indiqué qu'il n'y avait pas lieu de considérer comme fonctionnant au profit d'un cercle restreint de personnes, une association gestionnaire de classes hors contrat qui, tout en conservant son caractère propre, satisfait notamment aux conditions d'enseignement et d'accueil des élèves mentionnées à l'article L. 442-1 du Code de l'éducation (N° Lexbase : L9566ARQ), c'est-à-dire qui respecte la liberté de conscience des élèves et qui est ouvert à tous les enfants sans distinction d'origine, d'opinion ou de croyances (nonobstant l'absence de contrat conclu avec l'Etat). L'administration précise que le don doit être effectué sans contrepartie directe ou indirecte au profit de son auteur et que, par conséquent, les frais de scolarité ne constituent pas des dons éligibles au régime du mécénat (rescrit 2011/34 du 6 décembre 2011 N° Lexbase : L3578IRX).

C - Conditions relatives à la nature des dons

N'ouvrent droit à réduction d'impôt que les véritables dons, c'est-à-dire les versements effectués sans contrepartie directe ou indirecte pour le donateur.

Sur cette notion de contrepartie, l'administration a précisé que l'existence d'une telle contrepartie s'apprécie en fonction de la nature des avantages éventuellement accordés à l'adhérent ou au donateur (BOI-IR-RICI-250-20-20120912, n° 70 N° Lexbase : X8034AL7). Doivent être distingués les avantages au contenu purement institutionnel ou symbolique (distinguer un membre ou un donateur particulier de l'association en lui conférant un titre honorifique), d'une part, et les contreparties tangibles, sous forme de remise de biens ou de prestations de services, d'autre part.

Dans la première hypothèse, la simple attribution de tels avantages symboliques ne saurait priver les adhérents ni les donateurs du bénéfice de la réduction d'impôt.

Dans la seconde hypothèse, les versements effectués par les bénéficiaires des contreparties sont en principe exclus du champ d'application de la réduction d'impôt ou de la déduction du bénéfice imposable. Par dérogation à ce principe, il est toutefois admis que la remise de menus biens tels qu'insignes, timbres décoratifs, étiquettes personnalisées, affiches, épinglettes, cartes de voeux, etc., ne remette pas en cause l'éligibilité des versements au bénéfice de l'avantage fiscal lorsque les biens remis par l'organisme à chaque adhérent ou donateur au cours d'une même année civile ont une valeur totale faible, et qui présente une disproportion marquée avec le montant de la cotisation ou du don versé. Une telle disproportion sera caractérisée par l'existence d'un rapport de 1 à 4 entre la valeur du bien et le montant du don ou de la cotisation.

Ainsi, pour une cotisation ou un don de 65 euros, la remise d'un bien dont la valeur (la valeur du bien s'apprécie par référence à son prix de revient toutes taxes comprises pour l'organisme) n'excède pas 16 euros n'est pas de nature à remettre en cause l'éligibilité du versement au bénéfice de l'avantage fiscal. En revanche, pour une cotisation ou un don de 300 euros, la valeur des biens remis ne doit pas excéder un montant d'environ 65 euros.

D - Prise en compte des dépenses engagées par les bénévoles

En ce qui concerne la prise en compte des dépenses engagées par les bénévoles pour exercer leur activité associative, l'administration fiscale a indiqué (BOI-IR-RICI-250-20-20120912, n° 170 et s.) que les frais dont il s'agit :

- doivent être engagés

  • dans le cadre d'une activité bénévole, étant précisé que le bénévolat se caractérise par la participation à l'animation et au fonctionnement de l'association sans contrepartie ni aucune rémunération sous quelque forme que ce soit, en espèces ou en nature hormis, éventuellement, le remboursement, pour leur montant réel et justifié, des dépenses engagées par les bénévoles dans le cadre de leur activité associative,
  • en vue strictement de l'objet social d'une oeuvre ou d'un organisme d'intérêt général. Seuls les frais engagés pour participer à des activités entrant strictement dans le cadre de l'objet de l'association sont susceptibles d'ouvrir droit à l'avantage fiscal. Sont admis, à ce titre, les frais engagés par les bénévoles au titre d'une activité effectuée au profit des organismes de spectacles vivants ou cinématographiques ou d'organisation d'expositions d'art contemporain,
  • en l'absence de toute contrepartie pour le bénévole.

- doivent être dûment justifiés, par des billets de train, des factures correspondant à l'achat de biens ou au paiement de prestation de services acquitté par le bénévole pour le compte de l'association, le détail du nombre de kilomètres parcourus avec son véhicule personnel pour exercer son activité de bénévole, des notes d'essence, etc.. Chaque pièce justificative doit mentionner précisément l'objet de la dépense ou du déplacement. A titre de règle pratique, le remboursement des frais de voiture automobile, vélomoteur, scooter ou moto, dont le bénévole est personnellement propriétaire, utilisés pour exercer l'activité de bénévole, peut être calculé en utilisant un barème spécifique publié chaque année par l'administration fiscale, sous réserve que la réalité, le nombre et l'importance de ces déplacements puissent être dûment justifiés. Le barème de l'année 2013 est le suivant : 0,34/km pour les voitures et 0,118 pour les vélomoteurs, scooters, motos.

- font l'objet d'une renonciation expresse à leur remboursement de la part du contribuable. L'abandon du remboursement des frais engagés doit donner lieu à une déclaration expresse de la part du bénévole. Cette renonciation peut prendre la forme d'une mention explicite rédigée par le bénévole sur la note de frais, telle que : "Je soussigné (nom et prénom de l'intéressé) certifie renoncer au remboursement des frais ci-dessus et les laisser à l'association en tant que don".
L'organisme doit conserver à l'appui de ses comptes la déclaration d'abandon ainsi que les pièces justificatives correspondant aux frais engagés par le bénévole.

E - Dons en nature

Il est admis que les dons en nature puissent donner lieu à réduction. Il s'agit par exemple de la remise d'oeuvre d'art ou de tout autre objet de collection présentant un intérêt artistique ou historique, étant précisé que le don suppose un transfert de propriété du donateur ou donataire. Dans ce cas, la valeur du don est déterminée lors de sa remise au donataire qui doit vérifier si l'évaluation du donateur correspond à la valeur réelle de l'objet en cause (BOI-IR-RICI-250-20-20120912, précité).

F - Abandons exprès de revenus ou produits

Les abandons exprès de revenus ou produits ouvrent également droit à réduction, étant précisé que les revenus ou produits auxquels les contribuables décident de renoncer au profit d'organismes d'intérêt général (prêts de locaux à titre gratuit, abandon de droits d'auteur ou de produits de placements) doivent néanmoins être assujettis à l'impôt sur le revenu dans les conditions de droit commun.

IV - Montant des dons ouvrant droit à réduction

A - Cas des particuliers

Les versements effectués par les particuliers au profit des oeuvres ou organismes désignés à l'article 200 du CGI ouvrent droit à une réduction d'impôt sur le revenu égale à 66 % ou 75 % (aide aux personnes en difficulté, maximum pris en compte : 521 euros) de leur montant retenu dans la limite de 20 % du revenu imposable. Il a été précisé que le revenu imposable s'entend de la somme des revenus catégoriels nets imposables, diminuée des déficits des années antérieures, de la CSG déductible et de toutes les charges déductibles du revenu global, avant déduction des abattements réservés aux personnes âgées ou invalides et à celles qui ont des enfants majeurs mariés rattachés et majorée des plus-values, revenus et gains taxés au barème selon le système du quotient avant application de celui-ci.

Afin de favoriser les dons d'un montant élevé, le report des sommes qui, en raison de leur importance, n'ont pas pu bénéficier de la réduction d'impôt au titre de l'année de leur versement est autorisé sur les cinq années suivant celle de la réalisation du don.

Lorsque les dons consentis excèdent, l'année du versement, la limite annuelle de 20 % du revenu imposable du donateur, l'excédent est désormais reportable successivement sur l'année suivante et, le cas échéant, sur celles qui suivent, jusqu'à la cinquième inclusivement, les excédents les plus anciens sont retenus en priorité.

B - Cas des exploitants individuels

L'article 238 bis du CGI prévoit que les dépenses de mécénat réalisées par les entreprises individuelles donnent droit à une réduction d'impôt égale à 60 % des versements pris dans la limite de 5 de leur chiffre d'affaires. Lorsque leur montant excède 5 du chiffre d'affaires, l'excédent est reportable sur cinq ans.

Ces dispositions sont indépendantes de celles applicables aux particuliers. Par suite, un exploitant individuel peut à la fois bénéficier de la réduction d'impôt afférente à ses dons réalisés à titre privé et de la réduction d'impôt relative aux dépenses de mécénat réalisées dans le cadre de son entreprise, dans la limite de 5 de son chiffre d'affaires, pour les versements qu'il fait figurer en comptabilité et qui ne constituent pas une charge déductible du revenu imposable. Bien entendu, le même versement n'ouvre droit qu'à une seule réduction d'impôt (BOI-IR-RICI-250-30-20120912, n° 170 N° Lexbase : X3925ALX).

V - Justifications à fournir

A - Délivrance d'un reçu

Les organismes qui reçoivent des dons doivent délivrer à leurs donateurs un reçu répondant à un modèle fixé par un arrêté attestant le total du montant et la date des versements ainsi que l'identité des bénéficiaires, sauf pour les versements correspondant au paiement d'une cotisation syndicale ainsi que pour les dons au profit d'associations cultuelles et de bienfaisance et des établissements publics des cultes reconnus d'Alsace-Moselle.

Ce reçu devait être joint à la déclaration des revenus afférente à l'année au cours de laquelle le versement était intervenu, sauf si la déclaration de revenus avait été souscrite par internet. A compter de l'imposition des revenus de 2012, déclarés en 2013, le contribuable n'est plus tenu de joindre les pièces justificatives à la déclaration de revenus. Il doit toutefois les conserver afin d'être en mesure de les communiquer à l'administration si celle-ci le demande (BOI-IR- DECLA-20-20130426 N° Lexbase : X6879ALD).

B - Reçu spécial pour les dons pour le financement des campagnes électorales et des partis politiques

Ces reçus sont détachés de carnets à souches numérotées, édités par la commission nationale des comptes de campagne et du financement politique (CCFP) et délivrés par elle aux mandataires des partis politiques et par les préfectures aux mandataires des candidats. Le reçu, qui doit être signé par le donateur, mentionne :

- le montant et la date du versement ;
- l'identité et l'adresse du domicile fiscal ou du lieu d'imposition du donateur ;
- les modalités de paiement (chèque ou espèces) ;
- ainsi que le nom et l'adresse du bénéficiaire du don, lorsque celui-ci, quel qu'en soit le montant, émane d'une personne morale ou, s'il est consenti par une personne physique (particulier, entrepreneur individuel), lorsque ce don est supérieur à 3 000 euros.

Pour garantir la confidentialité du bénéficiaire pour les dons inférieurs ou égaux à 3 000 euros consentis par une personne physique, les reçus délivrés pour ces dons ne mentionnent pas le nom du ou des candidats ou partis politiques bénéficiaires.

C - Remise en cause possible des avantages fiscaux attachés aux dons

Cette remise en cause est possible, dans le cadre d'une procédure contradictoire de rectification, si le contribuable n'a pas mentionné sur sa déclaration de revenus l'identité du bénéficiaire des dons ou des cotisations et le montant versé ou s'il ne justifie pas de la réalité des versements effectués et du respect des conditions particulières propres à la réduction d'impôt.

Par ailleurs, l'article 1378 octies du CGI (N° Lexbase : L0172IKL) prévoit une procédure de suspension du bénéfice des avantages fiscaux pour les dons effectués au profit de certains organismes, lorsque le contrôle de leurs comptes par la Cour des comptes révèle une non-conformité entre les objectifs poursuivis et les dépenses engagées ou en cas de refus de certification des comptes par un commissaire aux comptes (CGI Ann. II, art. 310 G bis N° Lexbase : L3481IQY à 310 G quinquies, instaurés par le décret n° 2011-556 du 20 mai 2011 N° Lexbase : L3434IQA).

La procédure doit être engagée par le ministre du Budget et a pour effet de priver les donateurs des avantages fiscaux qui s'appliquent normalement de plein droit à leurs dons, afin de priver de financement, au moins temporairement, les organismes défaillants. En outre, en cas de condamnation pénale de l'organisme, celui-ci fait l'objet d'une procédure automatique de suspension des avantages fiscaux (BOI-IR-RICI-250-40-20120912, n° 290 N° Lexbase : X6888ALP).

newsid:442047

Fiscalité internationale

[Brèves] Réunion du G5 à Paris : l'optimisation fiscale du secteur du numérique et les paradis fiscaux dans le viseur

Réf. : Lire le communiqué de presse du ministère de l'Economie du 29 avril 2014

Lecture: 2 min

N2019BUC

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Le 08 Mai 2014

Le 28 avril 2014, les ministres des Finances du G5 (regroupement de la France, du Royaume-Uni, de l'Allemagne, de l'Espagne et de l'Italie) se sont réunis à Paris pour appeler leurs administrations à engager les préparatifs en vue de la signature d'accords d'échange automatique d'informations, entre elles et avec les 39 autres juridictions qui se sont engagées à les rejoindre. Ce processus devra s'achever au plus tard pour le Forum mondial sur la transparence et l'échange d'informations qui se tiendra à Berlin les 28 et 29 octobre 2014. Le G5 s'est aussi prononcé sur plusieurs initiatives de l'OCDE sur la planification fiscale agressive et s'est accordé sur diverses mesures (lire la déclaration du G5). En premier lieu, les ministres souhaitent apporter une réponse aux défis spécifiques liés aux nouveaux business models dans le secteur de l'économie numérique. Pour rappel, la France a adressé un redressement fiscal d'un milliard d'euros à Google, et vise aussi Amazon, Facebook et Apple. Le G5 souhaite, en second lieu, adapter les règles en matière de prix de transfert pour que la répartition des bénéfices entre les Etats reflète la création de valeur. En troisième lieu, il faudrait renforcer les moyens des administrations fiscales pour remettre en cause les transactions ou les organisations à travers lesquelles des entreprises multinationales, dans des conditions non justifiées économiquement (notion française d'abus de droit fiscal et de planification fiscale agressive pour l'OCDE), abaissent fortement leur taux d'imposition mondial. De la même façon, il faut s'attaquer aux montages d'évasion fiscale reposant sur des instruments hybrides, et réserver les avantages des conventions fiscales internationales aux entreprises qui exercent une activité économique réelle. En quatrième lieu, les travaux du Forum doivent se poursuivre afin d'assurer que les régimes préférentiels ne sont pas accordés en l'absence d'activité substantielle, et sur la transparence (notamment en ce qui concerne les régimes de rulings). A cet égard, il est utile de rappeler que la Commission européenne a diligenté des enquêtes contre certains pays qui utilisent ces pratiques, comme le Luxembourg, les Pays-Bas, et... le Royaume-Uni. De plus, la France, depuis le 1er janvier 2014, oblige ses sociétés à divulguer le contenu des rulings reçus par des entités qu'elle contrôle ou qui la contrôlent à l'étranger (LPF, art. L. 13 AA N° Lexbase : L1053IZZ). En cinquième lieu, l'OCDE doit s'assurer du reporting par pays afin que toutes les administrations fiscales concernées disposent de l'information nécessaire pour procéder à des travaux d'analyse-risque. Enfin, il convient d'encourager la Commission à procéder à un examen de la législation européenne pour évaluer ses impacts sur les pratiques d'optimisation fiscale agressive et proposer les mesures nécessaires.

newsid:442019

Internet

[Brèves] Possibilité pour les Etats de surveiller si des sociétés, établies dans un autre Etat membre, qui fournissent sur leur territoire des services de communications électroniques respectent les règles sur la protection des consommateurs

Réf. : CJUE, 30 avril 2014, aff. C-475/12 (N° Lexbase : A6008MKQ)

Lecture: 2 min

N2023BUH

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Le 08 Mai 2014

Les Etats membres peuvent surveiller si des sociétés qui, bien qu'établies dans un autre Etat membre, fournissent sur leur territoire des services de communications électroniques respectent les règles sur la protection des consommateurs. En revanche, ils ne peuvent pas forcer de telles sociétés à créer sur leur territoire une succursale ou une filiale. Tel est le sens d'un arrêt rendu le 30 avril 2014 par la CJUE (CJUE, 30 avril 2014, aff. C-475/12 N° Lexbase : A6008MKQ). Dans l'affaire au principal, une société luxembourgeoise fournit, depuis le Luxembourg, à titre onéreux des bouquets de service de radiodiffusion radiophonique et audiovisuelle captables par satellite et soumis à un accès conditionnel. Ces services sont fournis à des abonnés établis dans d'autres Etats membres, dont la Hongrie. A la suite de plaintes introduites par des abonnés de cette société, les autorités hongroises lui ont demandé de leur communiquer des informations relatives à sa relation contractuelle avec l'un de ses clients. La société luxembourgeoise a toutefois refusé de fournir ces informations au motif que, son siège étant situé au Luxembourg, les autorités hongroises n'étaient pas compétentes pour entamer des procédures de surveillance à son encontre. N'ayant pas reçu les informations demandées, les autorités hongroises lui ont infligé une amende. Cette dernière ayant introduit une action en justice pour contester l'amende, le tribunal de Budapest, a saisi la CJUE d'une question préjudicielle, afin de savoir, en substance, si les autorités hongroises sont habilitées par le droit de l'Union à surveiller l'activité de la société luxembourgeoise en Hongrie. Par son arrêt du 30 avril 2014, la Cour de justice relève que le service fourni en l'espèce constitue un "service de communications électroniques". A cet égard, la Cour rappelle que la Directive "autorisation" (Directive 2002/20 du 7 mars 2002 N° Lexbase : L7187AZ9) permet aux Etats membres d'exiger l'enregistrement du commencement de la fourniture d'un tel service sur leur territoire. De même, la Directive autorise un Etat membre sur le territoire duquel résident les destinataires de ce service à subordonner sa prestation à certaines conditions spécifiques au secteur des communications électroniques. Ainsi, les autorités nationales peuvent demander aux entreprises les informations nécessaires pour vérifier le respect des conditions relatives à la protection des consommateurs, lorsqu'elles reçoivent une plainte ou qu'elles mènent une enquête de leur propre initiative. Dans ce contexte, les Etats membres peuvent entamer des procédures de surveillance au sujet de l'activité, sur leur territoire, des fournisseurs de service de communications électroniques établis dans un autre Etat membre de l'Union. En revanche, les Etats membres ne peuvent pas exiger de ces fournisseurs la création d'une succursale ou d'une filiale sur leur territoire, car une telle obligation irait à l'encontre de la libre prestation de services.

newsid:442023

Procédure civile

[Jurisprudence] La rétractation de l'ordonnance sur requête, l'article 145 du Code de procédure civile et l'impact du principe du contradictoire

Réf. : Cass. civ. 2, 20 mars 2014, n° 13-11.135, FS-P+B (N° Lexbase : A7478MHG)

Lecture: 11 min

N2034BUU

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par Emmanuel Raskin, Avocat au barreau de Paris, cabinet SEFJ, Chargé d'enseignement à l'Université Paris V, Président de la Commission nationale "Procédure" de l'ACE

Le 23 Octobre 2014

Deux sociétés ont allégué des actes de concurrence déloyale par détournement de clientèle et débauchage massif de salariés qu'elles ont imputés à une autre société. Les sociétés plaignantes ont obtenu du président d'un tribunal de commerce, statuant sur requête, la désignation d'un huissier de justice aux fins de se rendre dans les locaux de la société incriminée et rechercher tous documents relatifs à leurs anciens salariés et principaux clients. Cette société a demandé, en référé, la rétractation de l'ordonnance sur requête. Débouté en première instance, le demandeur à la rétractation se vit opposer un arrêt de confirmation par la cour d'appel de Paris, le 11 septembre 2012 (CA Paris, 11 septembre 2012, n° 12/01218 N° Lexbase : A4264ISQ) contre lequel il forma un pourvoi en cassation.

Il opposa à l'arrêt attaqué le principe selon lequel le juge est tenu de respecter et de faire respecter la loyauté des débats : l'absence de contradiction imposait au requérant d'exposer les faits avec loyauté et sans mensonge ni dissimulation, la violation de cette obligation, en l'espèce, justifiant, selon lui, la rétractation de l'ordonnance sur requête, au visa notamment des articles 3 (N° Lexbase : L1111H4W), 145 (N° Lexbase : L1497H49), 493 (N° Lexbase : L6608H7U) et 494 (N° Lexbase : L6610H7X) du Code de procédure civile et 10, alinéa 1er, du Code civil (N° Lexbase : L3306AB3).

Le pourvoi fut rejeté, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation prenant soin de poser, dans un premier attendu, le principe selon lequel le juge doit examiner seulement deux conditions, au jour où il statue, lorsqu'il est saisi d'une demande de rétractation d'une ordonnance sur requête rendue sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile : l'existence ou non d'un motif légitime à ordonner la mesure et des circonstances justifiant de ne pas y procéder contradictoirement.

La Cour rappela, dans un deuxième attendu, que les éléments de faits de la cause reposaient sur des pièces nécessitant une interprétation et une appréciation auxquelles il appartenait à la juridiction du fond, elle seule, de procéder, ce qui ne privait pas les sociétés requérantes de l'intérêt légitime dont elles justifiaient à établir l'existence de faits de concurrence déloyale, ces sociétés ayant démontré, par ailleurs, dans leur requête des circonstances suffisantes à caractériser la nécessité de procéder non contradictoirement.

Cette décision rappelle la particularité du fondement de l'article 145 du Code de procédure civile (I). En y adjoignant la condition de droit commun des ordonnances rendues sur requête, à savoir la nécessaire justification de circonstances dispensant le contradictoire que prévoit l'article 493 du Code de procédure civile, cet arrêt ne laisse pas indifférent quant à sa portée car la nécessaire justification de l'exception au contradictoire serait alors générale, ce qui semblait pourtant discuté à la lecture des décisions qui distinguaient les requêtes nommées de celles innommées (II).

I - La particularité du régime de l'article 145 du Code de procédure civile

Ce fondement ne s'imposait pas mais son choix rend plausibles les prétentions du demandeur sur le fond.

A - Le choix

Les demandeurs avaient le choix des armes : se fonder sur les dispositions de l'article 145 du Code de procédure civile alors que le texte de droit commun des ordonnances sur requête est l'article 493 du Code de procédure civile.

L'article 493 définit l'ordonnance sur requête comme : "[...] une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse".

Il était, en effet, tout à fait possible pour les sociétés requérantes de se fonder sur les dispositions de l'article 493 qui n'imposent qu'une seule condition : justifier être fondé à ne pas appeler de partie adverse, c'est-à-dire que la mesure réclamée ne soit pas prise contradictoirement.

S'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance, précise l'article 496 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6613H73).

La procédure de référé est alors la seule ouverte à ceux auxquels l'ordonnance fait grief : il s'agit effectivement de la seule procédure de rétractation ouverte, l'appel étant irrecevable (1).

Il convient donc d'examiner les conditions posées par le texte sur la base duquel l'ordonnance sur requête a été rendue.

Le choix de l'article 145 peut renforcer le fond de l'affaire en ce qu'il rend les prétentions du demandeur plausibles mais ouvre davantage le champ de rétractation de l'ordonnance en ce qu'il ajoute une condition non négligeable : l'existence d'un motif légitime.

B - La mesure "in futurum"

L'article 145 dispose que "s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé".

L'existence de motifs légitimes conditionne le bien-fondé d'une demande fondée sur l'article 145.

Nul besoin de justifier d'urgence (2), une instance de référé ne pouvant, par ailleurs, faire obstacle à l'application de l'article 145 (3).

Il a été jugé par une jurisprudence bien établie que le demandeur à une mesure sollicitée sur ce fondement doit démontrer l'existence d'un litige plausible et crédible sur lequel pourra influer le résultat de la mesure ordonnée (4).

Le juge doit en particulier contrôler les motivations du demandeur à la mesure et au caractère apparemment sérieux des prétentions qu'il envisage de soumettre ultérieurement au juge du fond.

A cet égard, la jurisprudence a précisé que l'article 145 n'exige pas l'absence de contestation sérieuse sur le fond, l'application de ce texte n'impliquant aucun préjugé sur la responsabilité des personnes appelées comme parties à la procédure ni sur les chances de succès du procès susceptible d'être ultérieurement engagé (5).

Cette autonomie et absence de préjugé sur la responsabilité des personnes appelées est néanmoins relative dans la mesure où s'il suffit de constater qu'un tel procès est possible, qu'il a un objet et un fondement suffisamment déterminés, que la solution peut dépendre de la mesure sollicitée et que celle-ci ne porte pas atteinte aux droits et libertés fondamentaux d'autrui (6), il n'en demeure pas moins que lorsque la prétention au fond est manifestement irrecevable ou vouée à l'échec, le motif légitime n'est pas retenu et la demande, fondée sur l'article 145, rejetée (7).

Il existe là un examen souverain du juge des requêtes, donc du juge de la rétractation.

L'arrêt commenté, s'agissant de la seule condition requise par l'article 145, à savoir l'existence d'un motif légitime, approuve les magistrats de la cour d'appel en ce qu'ils ont souverainement, après examen des pièces, considéré qu'il existait un motif légitime dont elles justifiaient à établir l'existence de faits de concurrence déloyale : peu importe l'interprétation et l'appréciation de ces mêmes pièces, ce qui ressort du pouvoir de la seule juridiction du fond, dès lors que ces pièces suffisent à démontrer la plausibilité de l'existence de faits de concurrence déloyale.

Le choix de ce fondement aurait pu laisser penser que cette procédure sur requête "nommée" axerait l'examen du bien-fondé de la demande de rétractation de l'ordonnance sur l'existence d'un motif légitime.

La deuxième chambre civile rappelle cependant l'importance qu'elle attache au principe du contradictoire en précisant clairement la nécessité pour le juge de la rétractation de s'assurer également, au jour où il statue, de ce que les circonstances justifient de ne pas procéder contradictoirement à la mesure ordonnée sur le fondement de l'article 145.

II - L'impact du contradictoire

Alors que l'article 145 du Code de procédure civile prévoit une procédure sur requête autonome, la deuxième chambre civile rattache à ce fondement la condition essentielle posée à l'article 493 : la nécessaire justification de circonstances excluant le respect du contradictoire.

Le principe général du contradictoire a-t-il alors vocation à élargir le champ de rétractation de toutes les ordonnances rendues sur requête ?

L'impact n'est pas négligeable : s'il s'agit d'une solution propre au choix du fondement de l'article 145, ce particularisme tendrait à diminuer l'autonomie qui lui est paradoxalement attachée. Si la solution est générale, il serait alors mis fin au débat tenant à la distinction des requêtes nommées ou innomées pour évincer ou non la justification de circonstances excluant le contradictoire.

A - Un principe général

Il convient à titre liminaire de rappeler que le principe du contradictoire constitue le principe cardinal de notre procédure civile, pénale et administrative.

Il est consacré par le Conseil constitutionnel (8), la Cour de cassation (9) comme un principe général du droit et rattaché à l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L6613H73) par la Cour européenne des droits de l'Homme (10).

Motulsky faisait relever ce principe du droit naturel (11).

Quoi de plus naturel alors que de reprendre ce principe général rappelé dans le régime de droit commun des ordonnances rendues sur requête là où certains pensaient se réfugier dans l'autonomie d'un régime spécifique ?

L'article 145 du Code de procédure civile n'y échappe effectivement pas. Depuis plusieurs années, la Cour de cassation juge que les mesures d'instruction prévues à l'article 145 ne peuvent être ordonnées par voie de requête que lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement (12). L'existence de motifs légitimes ne pouvait interférer.

Il a en effet été jugé par une cour d'appel, qu'en confirmant le refus de rétracter la décision au motif que la requérante justifiait de motifs légitimes, elle n'avait pas donné de base légale à sa décision (13).

Il appartient à la cour d'appel de vérifier, même d'office, si le juge a été régulièrement saisi (14).

Au-delà de l'article 145, le pouvoir d'office rappelé par la Cour de cassation donne clairement le ton de la suprématie qu'elle attache au principe de la contradiction.

La procédure sur requête n'est recevable que s'il est justifié "d'office" une dérogation à la règle du contradictoire (15) : "attendu que pour confirmer l'ordonnance de référé ayant refusé de rétracter la décision, l'arrêt retient que la société A. justifiait au vu des pièces produites d'un motif légitime à voir ordonner la mesure d'expertise ; qu'en se déterminant ainsi, alors qu'elle était tenue de rechercher d'office si la mesure sollicitée exigeait une dérogation au principe de la contradiction, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision".

La seule urgence ne justifie aucunement la dérogation au principe du contradictoire (16) : "attendu que, pour confirmer l'ordonnance de référé ayant refusé de rétracter cette décision, l'arrêt retient que l'urgence liée à la nécessité de procéder dans les meilleurs délais aux constatations, réparations et interrogatoires justifie le recours à la procédure sur requête ; qu'en se déterminant ainsi, sans avoir recherché si la mesure sollicitée exigeait une dérogation à la règle de la contradiction, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision".

L'arrêt du 20 mars 2014 s'assure bien que les sociétés requérantes avaient démontré, dans leur requête, des circonstances "suffisantes à caractériser la nécessité de procéder non contradictoirement", de sorte que la cour d'appel, selon la deuxième chambre civile, n'avait pas à procéder à la recherche inopérante prétendument délaissée des moyens tenant notamment à la loyauté des débats.

La remarque d'un auteur se confirme à nouveau : "le principe de la contradiction serait l'expression d'un principe plus large de loyauté des débats, non énoncé dans le nouveau Code de procédure civile, mais consacré par la Cour de cassation" (17).

L'ajout de cette condition du droit commun de la procédure des ordonnances sur requête (C. pr. civ., art. 493) à une procédure de saisine sur requête spécifiée par la loi (C. pr. civ., art.145), préservant ainsi le respect d'un principe général du droit, semble apporter une certaine clarification à des débats qui laissent malheureusement encore douter les praticiens devant les juridictions de fond.

B - Feu l'exception des requêtes "nommées" ?

Un arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 17 octobre 2013 (18) aurait pu laisser croire, par une lecture rapide, qu'en cassant un arrêt de cour d'appel qui avait rétracté une ordonnance sur requête au motif notamment qu'il n'était pas justifié d'une situation d'urgence et de la nécessité de recourir au contradictoire, le régime des requêtes nommées confirmait l'exception à ce principe général.

Il n'en est rien car cette décision de cassation, pourtant mêlée au régime de la requête "in futurum", se fondait sur les dispositions de l'article 149 du Code de procédure civile, le juge des requêtes ayant en l'espèce, en autorisant la prorogation d'une mesure de séquestre des documents dont il avait ordonné la saisie, qu'exercé les pouvoirs que lui confère l'article précité, qu'il s'était d'ailleurs expressément réservés par une précédente ordonnance sur requête exécutoire : il fallait demander alors la rétractation de l'ordonnance sur requête initiale.

Le juge de l'article 149 pourrait-il alors se dispenser de la contradiction ? Un effet rétroactif de la rétractation d'une ordonnance subséquente à l'ordonnance initiale pour laquelle des circonstances justifiant que le contradictoire n'avait pas à être respecté étaient avérées serait effectivement dangereux.

La décision de la deuxième chambre civile du 20 mars 2014 ne vient donc pas contrecarrer celle qu'elle a rendue le 17 octobre 2013.

En revanche, cette décision permet de revoir sérieusement la position des cours d'appel qui persisteraient à reprendre leur habituelle motivation : "considérant que le principe de l'article 16 du Code de procédure civile, qui exige la saisine d'un juge par une voie contradictoire, ne tolère que deux exceptions, la première par autorisation du juge et la seconde par autorisation de la loi"(19).

Selon cette position des cours d'appel, les requêtes "nommées" ou "spéciales" dispenseraient le requérant de prouver les circonstances justifiant une dérogation au principe de la contradiction.

L'article 145 du Code de procédure civile correspond pourtant à une disposition spéciale prévoyant, selon un régime spécifique, la saisine d'un juge par voie de requête.

La deuxième chambre civile ne s'est pas contentée, le 20 mars 2014, de vérifier l'examen de la seule condition de l'existence d'un motif légitime que prévoit ce texte.

Elle a également examiné le respect par la cour d'appel de celle posée à l'article 493, sans autres précisions ni réserves :

"mais attendu que le juge, saisi d'une demande de rétractation de l'ordonnance sur requête ayant ordonné une mesure sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile et tenu d'apprécier au jour où il statue les mérites de la requête, doit s'assurer seulement de l'existence d'un motif légitime à ordonner la mesure probatoire et des circonstances justifiant de ne pas devoir y procéder contradictoirement".

Il convient de remarquer que le texte de l'article 145 ne contient aucune disposition qui tendrait à déroger au principe du droit commun posé en la matière par l'article 493.

Dès lors, pourquoi distinguer là où la loi ne distingue pas ?

Beaucoup de textes prévoyant un régime spécifique de saisine du juge par voie de requête seraient alors concernés dès lors qu'ils ne dérogent pas expressément au régime commun de l'article 493.

Il en irait notamment ainsi de la procédure spéciale prévue en matière de saisie contrefaçon par l'article R. 716-5 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L9857IAC) prévoyant qu'à la demande de la partie saisie agissant sans délai et justifiant d'un intérêt légitime, le président du tribunal peut prendre toute mesure pour préserver la confidentialité de certains éléments.

Il convient également de songer aux ordonnances principales rendues sur requête, régies par des dispositions spécifiques, aux fins d'abréger les délais de comparution et/ou de placement (procédure de référé d'heure à heure, assignation à bref délai, assignation à jour fixe) étant, dans ce dernier cas, précisé qu'une certaine jurisprudence, bien que contrecarrée par celle de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation (20), a pu considérer que de telles ordonnances, échappant au contrôle de la cour d'appel, sont susceptibles d'un recours en rétractation fondé sur les articles 496, alinéa 2 (N° Lexbase : L6613H73), et 497 (N° Lexbase : L6614H74) du Code de procédure civile (21).

Il est donc permis d'espérer que l'arrêt rendu le 20 mars 2014 avance l'apport d'une harmonie en la matière. Il y a bien eu "des philosophes pour croire que les mouvements célestes composent une harmonie" (22) ?


(1) Cass. civ. 2, 6 avril 1987, n° 85-18.192 (N° Lexbase : A6702AAH), Bull. civ., II, n ° 85 ; 22 janvier 1997, n° 95-11.039 (N° Lexbase : A0290ACQ), Bull. civ. II, n° 19.
(2) Cass. com., 25 octobre 1983, n° 82-13.595 (N° Lexbase : A0606MWD), Bull. civ. IV, n° 275.
(3) Cass. civ. 2, 17 juin 1998, n° 95-10.563 (N° Lexbase : A5066ACM), Bull. civ. II, n° 200.
(4) CA Nancy 22 Juin 2011, n° 1852/11 (N° Lexbase : A0851HWG).
(5) CA Paris, 19 avril 2000, D., 2000, IR, 193.
(6) Voir arrêt note 5 supra.
(7) Cass. civ. 1, 29 avril 1985, n° 84-10.401 (N° Lexbase : A2924AAK), Bull. civ. I, n° 131 ; CA Orléans, 4 mars 1983, n° 1694/81 (N° Lexbase : A3361DE9) : D., 1983 ; 343, note Jeantin ; CA Versailles, 28 février 2001, D., 2001. Somm. 2719, obs. Julien.
(8) Cons. const., 13 novembre 1985, décision n° 85-142 L (N° Lexbase : A8125ACW), JORF du 20 novembre 1985, p. 13457.
(9) Cass. civ., 7 mai 1828, S., 1828, 1, 93.
(10) CEDH, 20 février 1996, Req. 21/1994/468/549 (N° Lexbase : A8394AWS), RTDCiv., 1997, p. 992, obs. R. Perrot.
(11) H. Motulsky, Le droit naturel dans la pratique jurisprudentielle : le respect des droits de la défense en procédure civile, Mélanges en l'honneur de Paul Roubier, Paris, 1961, tome 2, p. 175.
(12) Cass. soc., 13 mai 1987, n° 84-12.773 (N° Lexbase : A7349AAG), Bull. civ. V, n° 112 ; Cass. civ. 2, 11 février 2010, n° 08-21.469, F-P+B (N° Lexbase : A7731ERR), Bull. civ. II., n° 32.
(13) Cass. civ. 2, 30 avril 2009, n° 08-13.468, F-D (N° Lexbase : A6516EGG), Bull. civ. II, n° 105.
(14) Cass. civ. 2, 11 février 2010, préc. supra, note 8.
(15) Cass. civ. 2, 30 avril 2009, préc. supra, note 9 ; Cass. civ. 2, 11 mai 2006, n° 04-17.399 (N° Lexbase : A3714DPA), Bull. civ. II, n° 128 ; Cass. civ. 2, 8 septembre 2011, n° 10-25.403, F-P+B (N° Lexbase : A5445HXX), Bull. civ. II, n° 68.
(16) Cass. civ. 2, 11 mai 2006, n° 04-17.399, précité.
(17) Th. Le Bars, Droit judiciaire privé, 3ème édition, n° 276, p.221.
(18) Cass. civ. 2, 17 octobre 2013, n° 12-25.461, FS-P+B (N° Lexbase : A1030KNH), Gaz. Pal. éd. spéc. 9-11 mars 2014, p. 41.
(19) Cf. notamment : CA Paris, 17 mars 2010, n° 09/20548.
(20) Cass. civ. 2, 25 février 2010, FS-P+B, n° 09-10.403 (N° Lexbase : A4478ESN), D., 2010, AJ 713 ; Cass. civ. 2, 24 juin 2004, n° 02-14.886, FS-P+B (N° Lexbase : A7996DC7), D., 2004, IR, 2086.
(21) Cass. civ. 3, 3 mai 1983, n° 81-14.617 (N° Lexbase : A8716CEK), Bull. civ. III, n° 101 ; CA Aix-en-Provence, 14 février 1985, Gaz. Pal., 1985, 1, 353, note Dureuil ; CA Bordeaux, 29 mars 1995, D., 1996, IR 132, obs. Julien ; CA Lyon, 20 mai 1997, Gaz. Pal., 1998, 1, Somm. 149, obs. Vray.
(22) "L'éthique" - Spinoza.

newsid:442034

Propriété intellectuelle

[Manifestations à venir] L'impression 3D, un nouveau défi pour la propriété intellectuelle

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N2005BUS

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Le 08 Mai 2014

L'Institut de recherche en propriété intellectuelle organise, le 19 juin 2014, en partenariat avec le Master 2 Droit des activités numériques de l'Université Paris Descartes (Paris V), un colloque intitulé "L'impression 3D, un nouveau défi pour la propriété intellectuelle". Cet évènement est labellisé "2014 année de l'innovation avec les CCI".
Permettre de créer des objets en volume à partir de simples fichiers numériques : les promesses sont telles que l'impression 3D est souvent annoncée comme la troisième révolution industrielle. Certes, cette technologie n'est pas nouvelle, puisqu'elle a été inventée au début des années 80. Mais elle suscite un vif intérêt aujourd'hui, étant désormais à la portée du grand public : outre la mise sur le marché d'imprimantes 3D low cost, des sociétés spécialisées proposent la réalisation de prototypes. Les exemples d'impressions 3D relèvent de secteurs d'activité très variés : jouets, petit outillage, construction, aéronautique, mode, automobile, art et même produits alimentaires... Comme à son heure le peer-to-peer a bouleversé l'industrie musicale et audiovisuelle, l'impression 3D, avec la mutation importante qu'elle génère dans les modes de fabrication d'objets, s'accompagne de dangers considérables pesant sur les droits de propriété intellectuelle.
Le colloque du 19 juin 2014 aura pour objectif d'analyser l'adaptabilité du droit d'auteur, des marques, brevets d'invention et modèles aux problématiques d'impression 3D, ainsi que les conséquences pratiques que cet outil innovant est susceptible d'engendrer. Il offrira ainsi l'occasion aux entreprises et à leurs représentants (avocats, conseils en propriété industrielle, juristes, organisations professionnelles...) de mesurer les enjeux et d'anticiper les risques juridiques suscités par ce procédé novateur, sans perdre de vue ses éventuels bienfaits.
  • Date

Jeudi 19 juin 2014
14h00 à 18h00

  • Programme

- Enregistrement des participants à partir de 13h30

- Accueil par Jérôme Frantz, Coprésident de l'IRPI, Membre de la CCI Paris Ile-de-France, Président de la FIM et Caroline Le Goffic, Maître de conférences, Codirectrice du Master 2 "Droit des activités numériques", Université Paris Descartes (Paris V)

- Allocution d'ouverture :
Guillaume Prunier, Chef de bureau à la Direction générale de la Compétitivité, de l'Industrie et des Services

- Technique de l'impression 3D et enjeux

14h10 : Historique et enjeux économiques
Mathilde Berchon, Consultante, blogger et podcaster, MakingSociety

14h20 : Présentation technique de l'impression 3D
Cyril Chapellier, Directeur de la technologie, CKab

14h30 : Point de vue de l'industrie : quelles perspectives ?
Frédéric Vacher, Director, Strategy Marketing, Dassault Systèmes

- Atteintes aux droits de propriété intellectuelle et responsabilité

14h40 : La contrefaçon et ses responsables
Caroline Le Goffic, Maître de conférences, Codirectrice du Master 2 "Droit des activités numériques", Université Paris Descartes (Paris V)

15h00 : Le point de vue d'un intermédiaire
Clément Moreau, Directeur général et Cofondateur, Sculpteo

15h20 : L'impression de pièces détachées
Pierre Breesé, Président, Fidal Innovation

15h40 : Débat

15h55 : Pause

- Usage privé et gestion

16h10 : La copie privée en question
Aude Vivès-Albertini, Avocat, Cabinet Créactive Avocats, chargé de cours dans le Master 2 "Droit des activités numériques", Université Paris Descartes (Paris V)

16h30 : L'usage privé en propriété industrielle
Patrice de Candé, Avocat, Cabinet Candé Blanchard Ducamp

16h50 : Gestion collective et contrats
Thierry Maillard, Directeur juridique, ADAGP

17h10 : Les mesures techniques de protection
Benoît Van Asbroeck, Avocat, Cabinet Bird and Bird

17h30 : Débat

17h45 : Clôture
Jean-Christophe Galloux, Coprésident de l'IRPI, Professeur à l'Université Panthéon-Assas (Paris II)

18h00 : Cocktail

  • Lieu

CCI Paris Ile-de-France - Bourse de commerce (salle Baltard)
2, rue de Viarmes 75001 Paris

  • Prix

595 euros (non assujettis à la TVA)

  • Contact/Inscription

Tél. : 01.49.23.58.80
E-mail : irpi@cci-paris-idf.fr

Heures validées au titre de la formation des avocats.

newsid:442005

Régimes matrimoniaux

[Brèves] Recherche de la responsabilité du notaire quant au choix du régime matrimonial : absence de caractérisation d'un préjudice direct et certain résultant de la perte d'une chance raisonnable d'adopter un autre régime matrimonial

Réf. : Cass. civ. 1, 30 avril 2014, n° 13-16.380, F-P+B+I (N° Lexbase : A6870MKN)

Lecture: 2 min

N2098BUA

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Le 09 Mai 2014

Dans un arrêt rendu le 30 avril 2014, la première chambre civile de la Cour de cassation estime qu'il n'y a pas lieu de retenir la responsabilité du notaire, recherchée par un époux, pour manquement à son obligation de conseil quant au choix du régime matrimonial, dès lors que l'intéressé ne justifiait pas d'un préjudice direct et certain résultant de la perte d'une chance raisonnable d'adopter un autre régime matrimonial (Cass. civ. 1, 30 avril 2014, n° 13-16.380, F-P+B+I N° Lexbase : A6870MKN). En l'espèce, M. X et Mme Z s'étaient mariés sous le régime de la communauté universelle, selon contrat de mariage reçu le 18 mars 1989 par M. Y, notaire ; ils avaient divorcé par consentement mutuel le 21 novembre 2008. Reprochant au notaire d'avoir manqué à son devoir de conseil en omettant de lui indiquer que sans clause de reprise des apports en cas de divorce, les biens de la communauté seraient partagés par moitié, malgré le déséquilibre manifeste des apports de chaque époux, M. X l'avait assigné en indemnisation. Il faisait grief à l'arrêt rendu par la cour d'appel de Caen de rejeter sa demande indemnitaire, faisant valoir que la perte de chance constitue un préjudice réparable, direct et certain et qu'en refusant toute indemnisation à M. X parce qu'il ne démontrait pas que la perte de chance de choisir un autre régime matrimonial aurait engendré pour lui un préjudice direct et certain, la cour d'appel n'avait pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et avait ainsi violé l'article 1147 du Code civil (N° Lexbase : L1248ABT) (CA Caen, 5 février 2013, n° 08-01117 N° Lexbase : A0860I7Y). Il n'obtiendra pas gain de cause devant la Cour suprême approuvant la cour d'appel qui, après avoir retenu une faute à l'encontre du notaire, avait relevé que la perte de chance de choisir un autre régime matrimonial était minime, dès lors que la préoccupation principale des époux lors de la signature du contrat de mariage était d'assurer la protection du conjoint survivant et non d'envisager les conséquences d'une rupture du lien matrimonial, et que les parties avaient tenu compte des modalités de la liquidation du régime matrimonial pour fixer le montant de la prestation compensatoire. Ainsi, en l'état de ces énonciations et appréciations, la cour d'appel avait pu, selon la Cour suprême, estimer que M. X ne justifiait pas d'un préjudice direct et certain résultant de la perte d'une chance raisonnable d'adopter un autre régime matrimonial.

newsid:442098

Responsabilité

[Brèves] Responsabilité civile des parents séparés du fait de leur enfant : absence de responsabilité du parent, même fautif, chez lequel la résidence habituelle de l'enfant n'a pas été fixée

Réf. : Cass. crim., 29 avril 2014, n° 13-84.207, F-P+B+I (N° Lexbase : A6022MKA)

Lecture: 1 min

N2049BUG

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Le 10 Mai 2014

La responsabilité de plein droit prévue par l'article 1384, alinéa 4, du Code civil (N° Lexbase : L1490ABS) incombe au seul parent chez lequel la résidence habituelle de l'enfant a été fixée, quand bien même l'autre parent, bénéficiaire d'un droit de visite et d'hébergement, exercerait conjointement l'autorité parentale, et aurait commis une faute civile personnelle dont l'appréciation ne relève pas du juge pénal. Tel est le principe énoncé par la Chambre criminelle de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 29 avril 2014 (Cass. crim., 29 avril 2014, n° 13-84.207, F-P+B+I N° Lexbase : A6022MKA ; comp. avec Cass. crim., 6 novembre 2012, n° 11-86.857, F-P+B N° Lexbase : A6767IWK, qui avait retenu que la responsabilité du parent chez lequel la résidence habituelle de l'enfant n'a pas été fixée ne peut, sans faute de sa part, être engagée ; cf. l’Ouvrage "Droit de la responsabilité" N° Lexbase : E7767EQQ). En l'espèce, un mineur de 14 ans avait mis le feu à de la paille dans un hangar agricole, causant ainsi la mort d'une personne ; le tribunal pour enfants l'avait définitivement reconnu coupable d'homicide involontaire. Pour confirmer le jugement ayant condamné le mineur, in solidum avec son père et sa mère, cités en qualité de civilement responsables, à des réparations civiles, la cour d'appel, après avoir énoncé que le jugement de divorce avait fixé la résidence de l'enfant au domicile de sa mère, attribué un droit de visite et d'hébergement au père et conservé à chacun des parents l'exercice conjoint de l'autorité parentale, avait retenu le comportement fautif du père qui s'était désintéressé de son enfant et n'avait aucunement exercé son pouvoir de surveillance et de contrôle de l'éducation de celui-ci. A tort, selon la Cour suprême qui estime qu'en se déterminant ainsi, alors que la résidence habituelle de l'enfant mineur était judiciairement fixée au domicile de la mère, la cour d'appel avait méconnu les articles 1384, alinéa 4, du Code civil, 2 (N° Lexbase : L9908IQZ) et 3 (N° Lexbase : L9886IQ9) du Code de procédure pénale et le principe ci-dessus énoncés.

newsid:442049

Protection sociale

[Brèves] Les conditions de résidence pour bénéficier du RSA précisées au regard de la durée des séjours effectués à l'étranger

Réf. : CE, 1° et 6° s-s-r, 30 avril 2014, n° 357900, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7069MKZ)

Lecture: 2 min

N2120BU3

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Le 17 Mars 2015

Pour bénéficier de l'allocation de revenu de solidarité active, une personne doit notamment résider en France de manière stable et effective au regard de divers éléments, dont la durée d'éventuels séjours à l'étranger. Lorsque la durée du séjour de date à date ou la durée totale par année civile n'excède pas trois mois, elle a droit au versement sans interruption de cette allocation. Au-delà, le revenu de solidarité active (RSA) ne lui est versé que pour les mois civils complets de présence en France. Telle est la précision apportée par la décision du Conseil d'Etat en date du 30 avril 2014 (CE, 1° et 6° s-s-r, 30 avril 2014, n° 357900, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7069MKZ).
En l'espèce, la requérante avait contesté devant le tribunal administratif la décision du département de Loir-et-Cher lui refusant le bénéfice du RSA au motif qu'elle ne pouvait pas justifier d'une résidence permanente sur le territoire français. La cour administrative d'appel (CAA Nantes, 3ème ch., 26 janvier 2012, n° 10NT00495 N° Lexbase : A9264IBQ), estimant que la requérante remplissait la condition de résidence stable et effective en France avait annulé l'ordonnance du tribunal administratif, ainsi que la décision lui refusant le bénéfice du revenu de solidarité active. Le département de Loir-et-Cher s'était alors pourvu en cassation.
Le Conseil d'Etat précise que, pour bénéficier de l'allocation de revenu de solidarité active, une personne doit notamment résider en France de manière stable et effective. Pour apprécier si cette condition est remplie, il y a lieu de tenir compte de son logement, de ses activités, ainsi que de toutes les circonstances particulières relatives à sa situation, parmi lesquelles le nombre, les motifs et la durée d'éventuels séjours à l'étranger et ses liens personnels et familiaux. La personne qui remplit les conditions pour bénéficier de l'allocation de revenu de solidarité active a droit, lorsqu'elle accomplit hors de France un ou plusieurs séjours dont la durée de date à date ou la durée totale par année civile n'excède pas trois mois, au versement sans interruption de cette allocation. Au-delà, le revenu de solidarité active ne lui est versé que pour les mois civils complets de présence en France.
Dans la mesure où la requérante habitait, lors de ses périodes de présence en France dans un logement qu'elle prenait en location à l'année, il en résulte qu'en jugeant qu'elle remplissait la condition de résidence stable et effective en France en se fondant sur cette seule circonstance, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit. Par conséquent, le département de Loir-et-Cher est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué.

newsid:442120

Sociétés

[Jurisprudence] La révocation pour cause légitime du gérant d'une SCI est exclusive d'une faute séparable de ses fonctions

Réf. : Cass. civ. 3, 12 mars 2014, n° 13-14.374, FS-P+B (N° Lexbase : A9449MG3)

Lecture: 13 min

N2006BUT

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par Deen Gibirila, Professeur à la Faculté de droit et science politique (Université Toulouse I Capitole), Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition affaires

Le 08 Mai 2014

En dépit de leur position privilégiée au sein d'une société, les dirigeants sont toujours librement révocables, si bien que nulle stipulation statutaire ne pourrait les soustraire à la volonté des associés de les évincer de leur mandat social.
Néanmoins, si le Code de commerce, reprenant les dispositions de la loi du 24 juillet 1966 (N° Lexbase : L6202AGS), consacre le principe absolu de la libre révocabilité des dirigeants, il établit une distinction fondamentale dans la mise en oeuvre de ce principe en instituant deux régimes différents : la révocation discrétionnaire dite ad nutum et la révocation contrôlée pour juste motif. Du reste, cette dualité de régimes de révocation ne semble guère se justifier au regard des diverses catégories de dirigeants. Au-delà de cette différenciation, il convient de relever une révocation pour cause légitime prévue par les codes civil et de commerce qui offre une double particularité : d'une part, elle intervient impérativement en justice, à la demande de tout associé ; d'autre part, elle n'est applicable, sous certaines conditions, qu'aux dirigeants destituables pour juste motif, encore faut-il qu'il s'agisse d'un gérant car les membres du directoire, révocables également pour juste motif, échappent à une éviction prononcée par le juge. Le caractère d'organe collectif du directoire explique probablement l'impossibilité pour le juge d'en révoquer les membres. En définitive, le législateur n'a pas jugé utile d'octroyer cette possibilité aux actionnaires d'une société anonyme qui ne peuvent donc pas s'adresser aux tribunaux, afin d'obtenir la révocation d'un de leurs dirigeants. Il a été ainsi décidé que les administrateurs nommés par l'assemblée générale des actionnaires ne sont révocables que par elle (1). L'arrêt rendu le 12 mars 2014 par la troisième chambre civile de la Cour de cassation porte sur la révocation pour cause légitime du gérant d'une société civile immobilière à caractère familial. Sans recevoir la diffusion la plus étendue, cette décision de justice revêt une importance non négligeable qui la destine à la publication au Bulletin de la Cour de cassation.

I - Le cadre juridique du litige

Le différend a pour cadre une société civile immobilière familiale constituée initialement par une dame assurant la fonction de gérante, et ses trois enfants, chacun d'eux détenant le quart du capital social, soit 25 parts, dont le montant s'élevait à 1 500 euros (10 000 francs) divisé en 100 parts. En sa qualité d'associée, l'une de ses filles a fait assigner en révocation judiciaire la gérante (sa mère), sa soeur, son frère, la SCI et la société commerciale exploitant la galerie d'art au sein de laquelle la gérante exerçait son activité professionnelle. Elle a également sollicité en justice la nomination d'un administrateur provisoire et l'annulation de différents baux consentis l'un, à la galerie d'art, les autres à la gérante et à son époux. L'associée demanderesse a tenté, de surcroît, d'obtenir la condamnation de la gérante à verser une indemnité à la SCI.

Déboutée semble-t-il en première instance, l'intéressée n'a pas connu un meilleur sort quant à ses diverses demandes auprès de la cour d'appel de Paris statuant le 9 octobre 2012. A l'appui de son dispositif de confirmation de la décision initiale, cette juridiction a estimé, contre toute attente, que l'associée n'a pas établi que la gérante s'est rendue coupable de "fautes intentionnelles de particulière gravité, incompatibles avec l'exercice normal des fonctions sociales ou contraires à l'intérêt social", caractéristique d'une faute détachable ou séparable de son mandat social. Seules pareilles fautes sont susceptibles de justifier la révocation judiciaire de la dirigeante ; d'où le rejet de la demande de l'associée.

Saisie à son tour d'un pourvoi formé par l'associée insatisfaite, la Cour de cassation censure la décision d'appel pour atteinte aux dispositions de l'article 1851, alinéa 2, du Code civil (N° Lexbase : L2048ABH). Sans une quelconque explication, la juridiction du droit se fonde sur ce texte aux termes duquel "le gérant est également révocable par les tribunaux pour cause légitime, à la demande de tout associé".

II - L'inapplication de la faute séparable des fonctions

La troisième chambre civile semble dissocier la révocation judiciaire d'un dirigeant, en l'occurrence, le gérant d'une société civile, de toute faute détachable ou séparable de ses attributions (2), quand bien même aurait-il par son comportement porté atteinte à l'intérêt social.

Il n'est effectivement nul besoin de se référer à une telle faute pour révoquer un dirigeant ou un associé (3), mais, le cas échéant, pour engager sa responsabilité à l'égard des tiers, étant entendu que la révocation est le fruit d'une action des associés et non de tiers. Rien n'empêche, toutefois, les associés de se prévaloir d'une faute personnelle d'un dirigeant pour le priver de son mandat social, mais il n'est absolument pas nécessaire que cette faute soit séparable de ses fonctions, sauf à considérer qu'elle constitue une cause légitime de révocation.

En effet, il n'est pas exclu que cette cause résulte d'une faute particulièrement grave susceptible de justifier la révocation judiciaire d'un gérant, mais les textes ne l'exigent pas. Il convient donc, en principe, d'admettre que les notions de "faute séparable", constitutive d'une faute intentionnelle particulière grave et de "cause légitime", justificative d'une révocation judiciaire, bien que toutes deux susceptibles de nuire à l'intérêt social, ne se recoupent pas nécessairement. Effectivement, il n'existe pas a priori de corrélation entre la "gravité particulière" de la faute et la "légitimité " de la cause.

A cet égard, la jurisprudence signale un cas précédent, celui d'un gérant de SCI qui, étant âgé de 90 ans, s'est trouvé en situation de vulnérabilité, et s'est montré capable de prodigalité et de ne pas appréhender parfaitement les lourdes implications de la gestion de son patrimoine (4). Il a été légitimement révoqué, bien que n'étant pas interdit d'exercer un mandat social. C'est son inaptitude intellectuelle qui a été prise en considération et non sa mise en curatelle, car cette mesure de protection, contrairement à la tutelle (5), n'empêche pas l'exercice des fonctions de gérant, ni d'une activité commerciale, l'intéressé étant assisté par un curateur pour les actes de disposition les plus importants (6).

Toujours est-il que la présente décision de la Cour de cassation suscite une approbation sans réserve. En effet, la jurisprudence recourt traditionnellement à la notion de "faute intentionnelle d'une particulière gravité [...]" caractérisant une faute séparable des fonctions, non point en matière de révocation, mais de responsabilité civile ; pas n'importe laquelle, mais celle d'un dirigeant ou d'un associé à l'égard des tiers et non des associés. Or, la révocation d'un dirigeant, bien qu'impliquant généralement une faute à l'instar d'une action en responsabilité, relève de l'initiative des associés et non de tiers. Dès lors, il est particulièrement surprenant qu'en l'espèce les juges du fond, de première et de seconde instance, se soient fourvoyés de la sorte.

III - La mise en oeuvre de la révocation judiciaire

A - Le domaine de la mise en oeuvre de la révocation judiciaire

Le législateur prévoit une révocation judiciaire, non seulement pour le gérant d'une société civile quelle qu'elle soit, y compris une SCI comme en l'espèce, mais encore pour les gérants de SARL (7) et de société en commandite par actions (8). En revanche, si cette forme de révocation n'existe plus textuellement dans la société en nom collectif, la jurisprudence continue à lui appliquer les dispositions de l'ancien article 1856 du Code civil aujourd'hui abrogé. La Cour de cassation l'a implicitement reconnu à propos du gérant de société en commandite simple, dont le statut est identique à celui du gérant de SNC, au motif que les fautes d'un tel gérant constituent une cause légitime de sa révocation judiciaire (9).

L'avantage de la révocation en justice est d'éviter l'inamovibilité du gérant associé que les circonstances ne permettent pas de priver de son mandat social. En effet, en dépit de la liberté dont disposent les associés dans l'organisation de la gérance de la société civile, ils peuvent être confrontés à des situations dans lesquelles ils se trouvent dans l'impossibilité d'évincer le gérant de ses fonctions. Il en va ainsi quand ce dernier possède à lui seul plus de la moitié des parts sociales, lorsque les statuts exigent l'unanimité pour la révocation du gérant, qui plus est associé, ou lorsque ces statuts prévoient une majorité qualifiée (deux-tiers, trois-quarts...) et que l'intéressé dispose de la minorité de blocage.

Le gérant n'est donc pas indestituable puisque l'article 1851, alinéa 2, du Code civil édicte une révocabilité pour cause légitime du gérant par les tribunaux, à la demande de tout associé auquel il appartient de prouver cette cause (10). La recevabilité d'une telle demande n'est pas subordonnée à la condition que tous les associés ont été mis en cause (11). En l'espèce, l'associée demanderesse, s'inspirant peut-être d'une décision de justice, a pris la précaution de mettre en cause les autres associés et la SCI (12). En cas d'urgence, la destitution peut être décidée par le président du tribunal de grande instance statuant en référé (13).

Toujours est-il que cette disposition permet, dans une certaine mesure, aux associés d'assurer le contrôle de la gestion sociale, même s'ils ne détiennent qu'une fraction minoritaire du capital.

B - La cause légitime, condition de mise en oeuvre de la révocation judiciaire

La révocation judiciaire, ouverte quelle que soit la part de capital social détenue par le demandeur, doit pour être recevable, reposer sur une cause légitime dont l'existence doit être prouvée (14). Reste à déterminer en quoi consiste pareille cause.

En l'absence de définition légale, les tribunaux se sont attachés à appréhender la notion de cause légitime. La jurisprudence révèle que celle-ci consiste en une faute commise par le dirigeant dans l'exercice de ses fonctions, laquelle doit être de nature à causer un dommage à la société, à en compromettre le fonctionnement ou à conduire à sa disparition. Il en est ainsi des manoeuvres du gérant associé majoritaire destinées à priver ses co-associés de la possibilité de souscrire à une augmentation de capital, afin d'accroître sa participation (15). En revanche, l'opération qui n'est contraire ni à l'objet, ni à l'intérêt social, notamment un prêt consenti par la société à son gérant pour solder un passif fiscal personnel permettant d'éviter la saisie de ses parts sociales, ne constitue pas une cause légitime de révocation (16).

La doctrine assimile souvent la cause légitime de révocation au juste motif (17), certains auteurs considérant qu'il n'y a pas lieu de différencier ces deux notions (18). Cette position se justifie en ce qui concerne leur teneur, tant en ce qui concerne le juste motif avec ou sans faute que la cause légitime avec ou sans faute, l'absence de faute étant appréciée au regard de l'atteinte à l'intérêt social (19). La demande de révocation judiciaire peut donc être acceptée pour des raisons identiques à celles qui constituent un juste motif de révocation par les associés réunis en assemblée générale, sans dommages et intérêts pour le gérant (20). En effet, l'attitude même non fautive du gérant fonde un juste motif quand elle est de nature à compromettre l'intérêt social ou le fonctionnement de la société (21).

En revanche, l'assimilation ne vaut pas pour les conséquences de l'absence de juste motif ou de cause légitime. Autant la révocation prononcée sans juste motif produit effet par l'allocation au dirigeant injustement évincé de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1851, alinéa 1er du Code civil, autant le juge qui ne constate pas de cause légitime, va refuser de prononcer la destitution du dirigeant. Certes, le juge doit apprécier le juste motif allégué à l'appui de l'éviction, mais il n'a pas la possibilité d'annuler une révocation régulière en la forme, même décidée sans ce motif par les associés. La plaidoirie ne peut porter que sur le droit à des dommages et intérêts.

En toute hypothèse, la cause légitime s'apprécie en considération de l'intérêt de l'entreprise en tant qu'entité juridique et économique, lequel ne correspond pas nécessairement à l'intérêt exclusif des associés (22). Bien qu'intervenant assez rarement, la révocation judiciaire a tout de même été prononcée plusieurs fois par les tribunaux, certaines décisions méritant d'être signalées. Une semblable révocation a été prononcée à l'encontre :
- d'un gérant qui a abandonné ses fonctions et emporté un carnet de chèques de la société dont il s'est servi à des fins personnelles (23) ;
- d'un gérant qui, par une manoeuvre déloyale ne visant que ses propres intérêts, a souscrit seul à une augmentation de capital en ayant fait en sorte que les autres associés soient privés de toute information et ne puissent participer à l'assemblée ayant décidé de l'augmentation (24) ;
- d'un gérant qui n'a tenu aucune comptabilité, alors que les statuts prévoyaient l'établissement d'un inventaire annuel de l'actif et du passif social (25) ;
- d'un gérant qui n'a pas respecté les règles statutaires relatives à la tenue des comptes d'une société civile immobilière (26) ;
- d'un gérant devenu une personne vulnérable, susceptible de prodigalité et n'appréhendant pas parfaitement les implications de la gestion de son patrimoine, ce qui a entraîné sa mise sous curatelle (27) ;
- d'un gérant qui a refusé d'exécuter les décisions de justice ayant prononcé l'expulsion de la société des locaux loués et la condamnation de celle-ci au paiement de sommes dues au titre de marchandises livrées, ce refus étant contraire à l'intérêt social en ce qu'il a aggravé le passif social (28).

En revanche, ne suffit pas à caractériser une cause légitime de révocation judiciaire, la simple mésentente entre associés liée à un différend successoral notamment au sujet de la répartition des parts sociales, même s'il est à l'origine d'une contestation des conditions dans lesquelles le gérant a été désigné (29).


(1) CA Paris, 3ème ch., 29 novembre 1961, décision rendue sous l'empire de la loi du 24 juillet 1867, mais transposable.
(2) Sur la notion de faute détachable, Cass. com., 20 mai 2003, n° 99-17.092, FS-P+B+I (N° Lexbase : A1619B9T), RJDA, 8-9/2003, n° 842 et p. 717, avis R. Viricelle ; D., 2003, act. jur. p. 1502, obs. A. Lienhard, p. 1623, note B. Dondero ; JCP éd. G, 2003, II, 10178, note S. Reifegerste ; JCP éd. E, 2003, n° 40, 1398, note S. Hadji-Artinian ; Bull. Joly Sociétés, 2003, p. 786, note H. Le Nabasque ; Defrénois, 2003, p. 1067, note M.-H. Maleville-Costedoat ; LPA, 7 novembre 2003, p. 13, note S. Messaï-Bahri, cession par le gérant au fournisseur de la société, en règlement de livraisons de matériaux, de deux créances qu'il avait déjà cédées à une banque. Sur cet arrêt, I. Grossi, Enfin une définition jurisprudentielle de la faute séparable des fonctions, Lamy sociétés commerciales, Bull. act. septembre 2003, p. 1.
(3) V. récemment à propos de l'associé majoritaire d'une SAS dont la responsabilité a été mise en cause en raison d'une faute intentionnelle d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal des prérogatives attachées à sa qualité d'associé, Cass. com., 18 février 2014, n° 12-29.752, BRDA, 5/2014, n° 2 ; Ch. Lebel, Responsabilité de l'associé à l'égard d'un cocontractant de la société, Lexbase Hebdo n° 375, 27 mars 2014 - édition affaires (N° Lexbase : N1541BUM) ; JCP éd. E, 2014, n° 13, 1160, note B. Dondero. Sur cet arrêt (en cours de publication), nos obs., La faute détachable et la responsabilité à l'égard des tiers du gérant d'une SEP et d'un associé de SAS, RLDA, mai 2014, n° 5082.
(4) CA Paris, 15ème ch., sect. B, 4 avril 1997,, n° 95/15204 (N° Lexbase : A5875DEC), Dr. sociétés, décembre 1997, comm. 177, obs. Th. Bonneau.
(5) C. civ., art. 509 (N° Lexbase : L2246IBS).
(6) C. civ., art. 467 (N° Lexbase : L8453HWY).
(7) C. com., art. L. 223-25, al. 2 (N° Lexbase : L3180DYG).
(8) C. com., art. L. 226-2, al. 4 (N° Lexbase : L6143AID).
(9) Cass. com., 8 février 2005, n° 01-14.292, F-D (N° Lexbase : A7320DG9), RJDA, 5/2005, n° 582 ; Bull. Joly Sociétés, 2005, p. 781 ; Dr. sociétés, 2005, comm. 139, note J. Monnet. V. aussi, CA Paris, 3ème ch., sect. A, 12 septembre 1995, n° 95-012382 (N° Lexbase : A9472A7X), Bull. Joly Sociétés, 1995, p. 1076, note P. Le Cannu ; Rev. sociétés, 1995, p. 771, obs. Y. Guyon.
(10) Pour des exemples de révocation judiciaire, Cass. mixte, 16 décembre 2005, n° 04-10.986, FS-P (N° Lexbase : A0530DML), Dr. sociétés, 2006, comm. 36, obs. F.-X. Lucas, Rev. sociétés, 2006, p. 327, note B. Saintourens, RTDCiv., 2006, p. 372, obs. R. Perrot ; Cass civ. 3, 29 janvier 2014, n° 12-29.972, FS-D (N° Lexbase : A4261MD8), défaut de communication de documents et manquements aux obligations légales relatives à la tenue des assemblées générales, procédures engagées à titre personnel contre la société, faveur octroyée à une autre société.
(11) Cass. com., 15 janvier 2013, n° 11.28-510, F-P+B (N° Lexbase : A4950I3Q), BRDA, 3/2013, n° 4 ; RJDA, 5/2013, n° 416 ; Sociétés civiles : précisions sur les modalités procédurales applicables à la révocation du gérant pour cause légitime, Lexbase hebdo n° 324 du 24 janvier 2013 - édition affaires (N° Lexbase : N5406BTE) ; Dr. Sociétés, 2013, comm. 43, obs. H. Hovasse. En ce sens, à propos du gérant de SARL, mais extensible, CA Paris, 15ème ch., sect. B, 8 novembre 1996, n° 94/27380 (N° Lexbase : A4348A3G), RJDA, 2/1997, n° 219 ; Bull. Joly Sociétés, 1997, p. 213, note G. Lesguillier, selon lequel le demandeur n'est pas obligé de consulter préalablement l'intéressé ou les autres intéressés et, a fortiori, d'obtenir leur accord pour agir en révocation. Contra, CA Paris, 3ème ch., sect. B, 26 mai 2000, n° 99.23636 (N° Lexbase : A0298A3G), JCP éd. E, 2000, n° 36, p. 1359 ; RJDA, 2/2001, n° 174, selon lequel le demandeur doit mettre en cause tous les autres associés, car l'action en révocation n'est pas une action sociale.
(12) CA Paris, 26 mai 2000, préc., note 11.
(13) C. proc. civ., art. 808 (N° Lexbase : L0695H4I) ; CA Pau, 2ème ch., 1ère sect., 6 mars 2003, n° 02/1557 (N° Lexbase : A3363C9G), RJDA, 12/2003, n° 1191.
(14) C. civ., art. 1851, al. 2 (N° Lexbase : L2048ABH).
(15) Cass. com., 7 juin 2011, n° 10-17.792, F-D (N° Lexbase : A4928HTP).
(16) Cass. com., 23 octobre 2012, n° 11-23.867, F-D (N° Lexbase : A0751IWQ).
(17) Sur cette notion, nos obs., Le juste motif de révocation des dirigeants de sociétés, Journ. Sociétés, avril 2012, p. 58.
(18) Y. Chartier, Les groupements civils, Dalloz, 1997, p. 54 ; M.-H. de Laender, La révocation des dirigeants sociaux, Dr. sociétés, mai 2000, p. 4 ; M. Cozian, A. Viandier et F. Deboissy, Droit des sociétés, LexisNexis, 2013, 26e éd., n° 1084. V., auparavant, Rapport Ass. Nat. n° 1368, p. 686, art. 48 relatif à la loi n° 66-537, 24 juillet 1966.
(19) CA Paris, 4 avril 1997, préc., note 4, au sujet d'un gérant sous curatelle qui a été révoqué pour cause légitime (vulnérabilité, incapacité à bien appréhender les implications de la gestion de son patrimoine), sans aucune faute de sa part.
(20) C. civ., art. 1851, al. 1er (société civile) et L. 223-25, al. 1er (SARL).
(21) A propos d'un gérant de SARL, mais extensible, Cass. com., 6 novembre 2012, n° 11-20.582, F-P+B (N° Lexbase : A6829IWT), BRDA 23/2012, n° 2 ; RJDA, 2/2013, n° 135 ; Ch. Lebel, Révocation d'un gérant de SARL : nullité d'une clause indemnitaire et procédure de révocation ? Lexbase Hebdo n° 318 du 29 novembre 2012 - édition affaires (N° Lexbase : N4715BTS) ; Dr. sociétés février 2013, comm. 26, obs. D. Gallois-Cochet ; nos obs. Gibirila, Les enjeux de la révocation d'un gérant non associé de SARL, RJDA, 2/2013, p. 91 ; Th. Favario, Gérant de SARL : la validité conditionnelle de l'indemnité de révocation, RLDA, février 2013, n° 4429.
(22) CA Caen, 2 juin 2006, n° 05-1938, RJDA, 7/2007, n° 741.
(23) T. com. Paris, 18 juin 1974, Bull. Joly Sociétés, 1974, p. 596.
(24) Cass. com., 7 juin 2011, n° 10-17.778, F-D (N° Lexbase : A5316HPL), Dr. sociétés, 2011, comm. 150, obs. H. Hovasse. En ce sens, Cass. com., 7 juin 2011, n° 10-17.792, à propos d'un ensemble de manoeuvres visant pour le gérant à souscrire seul une augmentation de capital, préc., n° 15.
(25) CA Versailles, 25 janvier 2002, n° 00/04715 (N° Lexbase : A4366DEG), RJDA 11/2002, n° 1158.
(26) Cass. civ. 3, 24 septembre 2003, n° 02-13.039, FS-D (N° Lexbase : A6344C9T), JCP éd. E, 2004, 29, n° 8, obs. J.-.J. Caussain, F. Deboissy et G. Wicker.
(27) CA Paris, 4 avril 1997, préc., note 4.
(28) Cass. com., 8 février 2005, n° 01-14.292, F-D (N° Lexbase : A7320DG9), RJDA 5/2005, n° 582, à propos d'une SCS, mais extensible.
(29) CA Versailles, 18 septembre 2007, n° 06/05248, Bull. Joly Sociétés, 2008, p. 105, note B. Saintourens.


Décision

Cass. civ. 3, 12 mars 2014, n° 13-14.374, FS-P+B (N° Lexbase : A9449MG3).

Cassation (CA Paris, Pôle 5, 8ème ch., 12 octobre 2012).

Lien base : (N° Lexbase : E8394A8E).

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Urbanisme

[Brèves] Espaces naturels sensibles : précisions relatives au contenu de l'obligation de motivation de la décision de préemption

Réf. : CE 1° et 6° s-s-r., 30 avril 2014, n° 360794, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7077MKC)

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Le 10 Mai 2014

Les décisions de préemption prises sur le fondement de l'article L. 142-3 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L1887IYK) dans les zones de préemption créées au titre des espaces naturels sensibles doivent, en application de l'article 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public (N° Lexbase : L8803AG7), comporter l'énoncé des motifs de droit et de fait ayant conduit l'autorité administrative à préempter. Cette obligation de motivation implique que la décision comporte une référence à l'acte portant création de la zone de préemption et indique les raisons pour lesquelles la préservation et la protection des parcelles en cause justifiaient la préemption. Elle n'impose, en revanche, pas à l'auteur de la décision de préciser la sensibilité du milieu naturel ou la qualité du site, dès lors que l'inclusion de parcelles dans une zone de préemption est nécessairement subordonnée à leur intérêt écologique, ou les modalités futures de protection et de mise en valeur des parcelles qu'elle envisage de préempter, estime le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 30 avril 2014 (CE 1° et 6° s-s-r., 30 avril 2014, n° 360794, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7077MKC). Pour juger que la décision par laquelle le maire de la commune a exercé, par substitution, le droit de préemption du département des Bouches-du-Rhône sur plusieurs parcelles non bâties situées au lieu-dit Baisse de Leveillat était insuffisamment motivée, la cour administrative d'appel (CAA Marseille, 1ère ch., 7 mai 2012, n° 10MA02604 N° Lexbase : A7543IMC) a d'abord jugé qu'elle aurait dû préciser la sensibilité du milieu naturel ou la qualité du site. Toutefois, une telle précision ne saurait être regardée comme nécessaire, dès lors que l'inclusion de parcelles dans une zone de préemption est nécessairement subordonnée à leur intérêt écologique. La cour a, également, estimé que la décision de préemption aurait dû indiquer soit que les terrains préemptés seraient ouverts au public, soit les raisons de l'absence d'un tel aménagement. Toutefois, l'autorité administrative n'étant pas tenue de préciser les modalités futures de protection et de mise en valeur des parcelles qu'elle envisage de préempter, en jugeant que, faute de comporter les deux éléments de motivation précités, la décision litigieuse était insuffisamment motivée, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit. Son arrêt doit, dès lors, être annulé pour ce motif.

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