Jurisprudence : CA Versailles, 25-10-2023, n° 21/02398, Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs en accordant des délais d'exécution au défendeur

CA Versailles, 25-10-2023, n° 21/02398, Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs en accordant des délais d'exécution au défendeur

A05031R3

Référence

CA Versailles, 25-10-2023, n° 21/02398, Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs en accordant des délais d'exécution au défendeur. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/101035565-ca-versailles-25102023-n-2102398-fait-droit-a-une-partie-des-demandes-du-ou-des-demandeurs-en-accord
Copier

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES


Code nac : 80A


21e chambre


ARRET N°


CONTRADICTOIRE


DU 25 OCTOBRE 2023


N° RG 21/02398 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UVC3


AFFAaIRE :


[Y] [Z]


C/


S.A. HELI UNION


Décision déférée à la cour : Jugement rendu

le 23 Juin 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : 18/00576


Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :


Me Frédéric CALINAUD de la AARPI WIRE


Me Martine MONTAGNON de la SELEURLMONTAGNON Martine


le :


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


LE VINGT CINQ OCTOBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant initialement prévu le 26 OCTOBRE 2023 avancé au 25 OCTOBRE 2023 dans l'affaire entre :


Monsieur [Aa] [Z]

né le … … … à [Localité 2]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]


Représentant : Me Frédéric CALINAUD de L'AARPI WIRE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0888



APPELANT


****************


S.A. HELI UNION


N° SIRET : 378 33 1 1 44

[Adresse 3]

[Adresse 3]


Représentant : Me Martine MONTAGNON de la SELEURL MONTAGNON Martine Selarl, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R153 -et par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - substitué par Me Emilie SOLLOGOUB avocat au barreau de PARIS.


INTIMEE


****************



Composition de la cour :


En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile🏛, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 05 Septembre 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique PITE, Conseiller chargé du rapport.


Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :


Madame Nathalie COURTOIS, Président,

Madame Véronique PITE, Conseiller,

Madame Odile CRIQ, Conseiller,


Greffier lors des débats : Madame Isabelle FIORE,



FAITS ET PROCÉDURE


M. [Y] [Aa] a été engagé par contrat à durée indéterminée, à compter du 1er février 2014, en qualité d'adjoint de l'officier de sécurité des vols / responsable documentation, statut cadre, par la société anonyme Héli Union, qui a pour activité l'exploitation et l'utilisation d'hélicoptères et autres matériels aériens pour le transport de personnes et de marchandises, emploie plus de dix salariés et relève de la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises de transport aérien.

A compter du 25 septembre 2015, M. [Aa] a été placé en arrêt maladie de manière continue.

A l'issue d'une visite de pré-reprise, en date du 25 juillet 2017, et d'une visite de reprise, en date du 1er août 2017, le médecin du travail a déclaré M. [Aa] « inapte (R. 4624-42) en un seul examen. A la suite de l'étude de poste et des conditions de travail réalisée le 25/07/2017, des examens complémentaires et/ou avis spécialisés, et de l'échange avec l'employeur le 25/07/2015, M. [Aa] est inapte au poste d'adjoint de l'officier de sécurité des vols. Inapte à tout emploi de l'entreprise. »

Par courrier du 4 août 2017, la société a informé M. [Aa] que le médecin du travail a retenu que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans l'entreprise.

Convoqué le 7 août 2017 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 4 septembre suivant, M. [Aa] a été licencié par courrier daté du 28 septembre 2017 énonçant une inaptitude sans reclassement possible.

M. [Aa] a saisi, le 21 septembre 2018, le conseil de prud'hommes de Versailles aux fins de solliciter la condamnation de la société à des dommages et intérêts en raison d'un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, des dommages et intérêts pour préjudice moral et de carrière, le paiement du reliquat de l'indemnité de licenciement ainsi que le paiement d'heures supplémentaires effectuées et de congés payés; ce à quoi l'employeur s'opposait, soulevant la prescription de l'action en paiement de rappel de salaires antérieurs au 21 septembre 2015, acceptant le paiement du reliquat de l'indemnité de licenciement à hauteur de 1.112,63 euros bruts et sollicitant le paiement du reliquat des périodes de réduction du temps de travail (RTT) indues.

Par jugement rendu le 23 juin 2021, notifié le 25 juin 2021, le conseil a statué comme suit :

Dit et juge que le licenciement de M. [Aa] est bien fondé et repose sur une cause réelle et sérieuse ;

Déboute M. [Aa] de ses demandes ;

Déboute la société Héli Union de ses demandes reconventionnelles ;

Ordonne la compensation des sommes que la société Héli Union doit à M. [Aa] au titre d'un reliquat d'indemnité de licenciement et que M. [Aa] doit à la société Héli Union au titre de reliquat de RTT indu.

Condamne M. [Aa] aux éventuels dépens.


Le 22 juillet 2021, M. [Aa] a relevé appel de cette décision par voie électronique.

Selon ses dernières conclusions remises au greffe le 21 octobre 2021, M. [Aa] demande à la cour de :

Infirmer le jugement en ce qu'il a dit et jugé que son licenciement était bien fondé, l'a débouté de ses demandes, et a ordonné la compensation des sommes entre le reliquat d'indemnité de licenciement et le reliquat de RTT indu,

Et statuant à nouveau,

In limine litis :

Juger recevable la demande de rappels de salaire exigibles à compter du 28 septembre 2014, l'action n'étant pas prescrite,


Par ailleurs :

Juger que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse,

Constater l'inopposabilité du forfait jours,

En conséquence :

Condamner la société Héli Union à lui verser la somme de 17.320 euros bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamner la société Héli Union à lui verser la somme de 1 euro à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et de carrière,

Condamner la société Héli Union à lui verser la somme de 12.990 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 1.299 euros bruts au titre des congés payés afférents,

Condamner la société Héli Union à lui verser la somme de 1.262,90 euros nets à titre de reliquat d'indemnité de licenciement,

Condamner la société Héli Union à lui verser la somme de 9.660,07 euros bruts au titre des heures supplémentaires et 966,07 euros bruts au titre des congés payés afférents,

Condamner la société Héli Union à lui verser la somme de 7.383,60 euros bruts à titre de reliquat de congés payés et 738,36 euros bruts au titre des congés payés afférents,

Condamner la société Héli Union à lui remettre les documents de fin de contrat rectifiés (certificat de travail, attestation Pôle Emploi, solde de tout compte) dans le délai d'un mois suivant la date du jugement rendu, sous peine d'astreinte de 50 euros par jour de retard et par document.

En tout état de cause :

Condamner la société Héli Union à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile🏛,

Condamner la société Héli Union aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 18 janvier 2022, la société Héli Union demande à la cour de :

Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Versailles en ce qu'il a jugé que le licenciement de M. [Aa] est bien fondé et repose sur une cause réelle et sérieuse et a débouté M. [Aa] de l'ensemble de ses demandes.

En conséquence,

Débouter M. [Aa] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Débouter M. [Aa] de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral et de carrière,

Y ajoutant, s'agissant de l'omission de statuer du conseil de prud'hommes sur la fin de non-recevoir soulevée par conclusions de la société Héli Union, tirée de la prescription de l'action de M. [Aa] en paiement de rappel de salaires antérieurs au 21 septembre 2015

Vu l'article L.3245-1 du code du travail🏛,

Déclarer irrecevable par prescription l'action de M. [Aa] en paiement de rappel de salaires antérieurs au 21 septembre 2015.

Débouter M. [Aa] de sa demande d'heures supplémentaires et congés payés afférents pour les 21, 22, 23 et 24 septembre « 2021 ».

Juger que M. [Aa] a donné son accord sur la convention de forfait de 211 jours annuels

En conséquence,

Le débouter de ses demandes au titre de rappel d'heures supplémentaires et de congés payés afférents pour la période de septembre 2014 à septembre 2015,

Subsidiairement, si la Cour venait à considérer que la convention de forfait jours devait être écartée, condamner M. [Aa] à payer à la société Héli Union la somme de 3.686,77 euros bruts à titre de remboursement de RTT indues.

Juger que la société a réglé à M. [Aa] la somme de 1.112,63 euros au titre du reliquat d'indemnité de licenciement

Débouter M. [Aa] de sa demande de congés payés

En tout état de cause,

Débouter M. [Aa] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.


Par ordonnance rendue le 24 mai 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 5 septembre 2023.



MOTIFS


Sur l'exécution du contrat de travail

Sur les heures supplémentaires

M. [Aa] se prévaut de « l'inopposabilité du forfait en jours » auquel font référence ses bulletins de paie, faute de convention individuelle le prévoyant ou de convention collective l'envisageant, et il relève l'insuffisance du document daté de 1999 qui ne prévoit aucune garantie sur la protection et la sécurité des travailleurs. Il en conclut être soumis au régime de droit commun dont parle la lettre d'embauche du 30 janvier 2014, et forme, sur la base de 35 heures par semaine, une demande d'heures supplémentaires couvrant la période allant de septembre 2014 à septembre 2015.

La société Héli union soulève la prescription de l'action en paiement de rappels de salaire, sur le fondement de l'article L.3245-1 du code du travail, en faisant valoir l'antériorité de plus de 3 ans de l'exigibilité des salaires à la saisine du conseil de prud'hommes.

L'article L.3245-1 du code du travail dispose que « L'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat. »

Cela étant, comme l'observe justement M. [Aa], le délai de 3 ans se décompte, en cas de rupture du contrat, dès le licenciement, qui est intervenu le 28 septembre 2017 en sorte qu'il est habile à réclamer paiement des salaires exigibles dans la période allant du 28 septembre 2014 au 28 septembre 2017. La fin de non-recevoir sera rejetée.

Sur le fond, la société Héli union estime la convention, acceptée par le salarié et prévue par l'accord du 29 décembre 1999 sur l'aménagement et la réduction du temps de travail, valable.

Il résulte des dispositions des articles L.3121-39 et L.3121-40 du code du travail🏛🏛, dans leur rédaction antérieure à la loi du 8 août 2016🏛, que la conclusion de la convention individuelle de forfait en jours sur l'année est prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement, ou à défaut, par une convention et un accord de branche, et que la convention individuelle, qui requiert l'accord du salarié, est établie par écrit.

En l'occurrence, la lettre d'embauche du 30 janvier 2014 fait référence à « l'horaire actuellement en vigueur dans [la] société ».

Il n'est nulle part stipulé de forfait, à raison de 211 jours par an, comme l'indique l'employeur.


S'il n'est pas contesté que les mentions « appointement forfaitaire » et « forf jours » apparaissent sur les bulletins de paie de M. [Aa], cette circonstance ne satisfait pas à l'exigence légale d'un écrit entre les parties prévoyant la dérogation ainsi instituée au temps de travail.

Il s'en déduit nécessairement qu'aucune convention de forfait en jours n'est applicable à l'intéressé, et qu'il reste soumis à la durée légale du travail résultant de l'article L.3121-10, devenu l'article L.3121-27 du code du travail🏛, de 35 heures par semaine.

La société Héli union querelle, pour le surplus, la carence probatoire de son contradicteur, tant sur la réalisation que sur la nécessité des heures alléguées.

L'article L.3171-4 du code du travail🏛 exprime qu'« en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. »

Il résulte de ces dispositions qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Ici, M. [Aa] expose précisément, du 1er septembre 2014 au 25 septembre 2015, avoir travaillé, sous déduction chaque jour d'une pause méridienne d'une heure, le plus souvent le lundi de 10 à 19 heures, les mardi au jeudi de 9 heures 30 à 19 heures 30 et le vendredi de 9 heures à 16 heures et produit un tableau détaillé chaque jour travaillé de ses heures d'embauche et de débauche, que la société Héli union ne dispute pas utilement sans communiquer aucun élément probant de nature à établir les horaires effectivement accomplis par l'intéressé quand il lui appartient d'assurer le contrôle des heures de travail effectuées en produisant ses propres éléments sur les horaires effectivement accomplis par le salarié, ou en prétendant cette amplitude sans nécessité, alors que son accord implicite suffit, et qu'elle ne s'est jamais enquise du temps de travail de son salarié.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences légales et réglementaires. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Compte tenu des éléments apportés par l'une et l'autre partie, il convient d'allouer à M. [Aa] 8.000 euros bruts de rappel de salaires, augmentés des congés payés afférents, et le jugement sera infirmé dans son expression contraire.

Faute de validité de la convention de forfait en jours, la société Héli union réclame le remboursement de l'équivalent des jours de réduction du temps de travail réglés pour solde de tout compte : 3.686,77 euros, dont le salarié n'avait eu le bénéfice compte tenu de la suspension de son contrat de travail, qu'il ne saurait conserver, selon elle, sauf à s'enrichir sans cause.

Cela étant, le calcul étant fait sur la base d'une semaine de 35 heures en application de l'article L.3121-10 du code du travail🏛, il s'induit de la privation d'effet des jours de réduction du temps de travail que le salarié en doit la restitution à l'employeur, peu important le motif ayant conduit à ne pas admettre la validité de la convention de forfait en jours que dénonce le salarié comme étant une violation manifeste des obligations de son cocontractant sur le temps de travail.

M. [Aa] sera condamné à cette restitution, dont le montant, non disputé, figure à son bulletin de paie d'octobre 2017, la créance étant certaine contrairement à ce qu'il soutient, et le jugement sera infirmé à cet égard.


Sur les congés payés

Sur le fondement de l'article 7 de la directive européenne 2003/08/CE du 4 novembre 2003, Aa. [Z] réclame paiement des congés payés auxquels il avait droit, selon lui, durant son absence du 25 septembre 2015 jusqu'au 28 septembre 2017, qui ne lui furent pas comptés.

La société Héli union réfute que la suspension du contrat de travail pour maladie s'appréhende comme du travail effectif au regard des dispositions de l'article L.3141-5 du code du travail🏛, en contestant l'applicabilité directe en droit français de la directive invoquée.

L'article L.3141-5 susdit, dans ses versions en vigueur avant et après la loi du 8 août 2016 évince des périodes de travail effectif, pour la détermination de la durée du congé, le congé ordinaire pour maladie.

L'article L.3141-26 du code du travail🏛 dans sa version en vigueur avant la loi du 8 août 2016, devenu l'article L.3141-28, dit que lorsque le contrat de travail est rompu avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit, il reçoit pour la fraction de congé dont il n'a pas bénéficié, une indemnité compensatrice de congé.

Ces dispositions doivent être interprétées au regard de la finalité qu'assigne aux congés payés annuels la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects du temps de travail, et lorsque le salarié s'est trouvé dans l'impossibilité de prendre ses congés annuels au cours de l'année prévue par le code du travail🏛
, en raison d'absences liées à la maladie, les congés acquis doivent, en cas de rupture, être indemnisés dans les conditions instituées par l'article L.3141-26 devenu L.3141-28.

C'est donc à tort que le conseil de prud'hommes a considéré ces dispositions inapplicables en la cause au regard du droit national contraire.

Sans contestation du quantum réclamé, il sera fait droit à la demande de M. [Aa], et le jugement sera infirmé dans son expression contraire.


Sur le licenciement

Sur la cause

M. [Aa] conteste que la mention expresse du médecin du travail le disant inapte à tout emploi dans l'entreprise et non à occuper, en général, tout emploi, dispense l'employeur de son obligation de reclassement, a fortiori dans le périmètre de son groupe au besoin par adaptation des postes, et ainsi de consulter les délégués du personnel. Il dénie au reste que son aptitude résiduelle à occuper le poste de responsable documentation ait été recherchée par quiconque, et soutient que l'employeur aurait dû orienter en ce sens ses propositions de reclassement. Il voit dans la brièveté du délai entre l'avis et le courrier l'informant de l'impossibilité de reclassement et de la procédure de licenciement, la manifestation du défaut de toute recherche.

Ce à quoi la société Héli union lui oppose l'irrecevabilité de sa critique de l'avis d'inaptitude, qui emprunte des voies spéciales. Elle considère que l'avis, in concreto, ne peut porter que sur l'emploi dans l'entreprise. Elle en déduit avoir été dispensée de toute recherche de reclassement.

Comme l'observe à juste titre l'employeur, M. [Aa] est irrecevable en raison des dispositions de l'article R.4624-45 du code du travail🏛, dans sa version applicable au litige, à critiquer le contenu de l'avis du médecin du travail, sur ses capacités résiduelles au regard de ses fonctions de responsable de la documentation.

Sollicité par la société Héli union, le médecin le précisait en ces termes, le 14 septembre 2017 : « il m'est impossible, d'un point de vue médical, de mentionner que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. Cette formulation prévue à l'article R.4324-42 du code du travail🏛, ne visant pas expressément le cadre de l'entreprise n'est pas adaptée à la situation de monsieur [Aa], qui pourrait éventuellement occuper un autre emploi dans une autre entreprise. »

Il ressort sans ambiguïté de l'avis et des conclusions écrites du médecin prises en application de l'article L.4624-4 du code du travail🏛, que le salarié était seulement considéré inapte à tout emploi dans l'entreprise, mais non que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que son état de santé ferait obstacle à tout reclassement dans un emploi, ainsi qu'en dispose l'article R.4624-12 in fine, peu important que cet article soit visé dans l'avis, comme le relève la société Héli union, puisqu'il régit dans l'ensemble de ses autres alinéas, sans qu'aucun ne soit visé, le constat par le médecin de l'inaptitude.


Cela étant, la société Héli union objecte que l'article L.1226-2-1 du code du travail🏛, dans sa rédaction applicable au jour de l'entretien préalable au licenciement, n'obligeait à aucune recherche de reclassement dans le périmètre du groupe.

L'article L.1226-2 du code du travail🏛, dans sa rédaction issue de la loi du 8 août 2016, dispose que :

« Lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L.4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel lorsqu'ils existent, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail. »

L'article L.1226-2-1, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que :

« Lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement.

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L.1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. »

S'il est vrai que la précision que l'employeur doit proposer au salarié déclaré inapte à son poste un autre emploi approprié à ses capacités « au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant » a été apportée par l'ordonnance du 22 septembre 2017, il n'en demeure pas moins que ses recherches de reclassement, tenues d'être sérieuses et loyales, doivent, à défaut de prospérer dans tous les établissements de l'entreprise, être étendues à toutes les entités du groupe, et qu'il est de principe que cette obligation s'imposait déjà à elle au temps du litige, contrairement à ce qu'ont à tort affirmé les premiers juges.

Or, la lettre de licenciement étant ainsi libellée : « La société a retenu l'avis du médecin du travail comme faisant obstacle dans l'entreprise à tout reclassement dans un emploi. La société a recherché au sein du groupe des postes susceptibles de vous être proposés à titre de reclassement, sans succès. », c'est en vain que la société Héli union prétend, subsidiairement, que l'appelant, qui ne supporte d'ailleurs pas la charge de cette preuve, ne vise aucune autre entité et n'établit pas la possibilité de mutations de partie du personnel.

Défaillant dans la preuve d'aucune démarche auprès des autres entités du groupe évoqué dont elle n'esquisse pas même le contour faute de produire aucune pièce en ce sens, l'intimée, qui ne démontre pas l'impossibilité de reclassement fondant, selon elle, le licenciement, au reste marqué par la précipitation compte tenu des dates successives de l'avis du médecin du travail, de son information au salarié et de sa convocation en vue de son licenciement, les 1er, 4 et 7 août 2017, l'a privé de cause au sens de l'article L.1232-1 du code du travail🏛, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le surplus des moyens en débat.

Le jugement sera infirmé en son expression contraire sur le principe et ses conséquences.


Sur les conséquences

L'indemnité de préavis

M. [Aa] estime que l'indemnité lui est due dans la mesure où le licenciement pour inaptitude n'est pas fondé.


Il résulte des dispositions des articles L.1234-5 et L. 1226-2 du code du travail🏛 que le salarié inapte dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison d'un manquement de l'employeur à l'obligation de reclassement a droit à l'indemnité compensatrice de préavis prévue par l'article L. 1234-5 du code du travail.

Il sera alloué à l'intéressé la somme, non disputée en son quantum, de 12.990 euros ainsi que les congés payés afférents.


L'indemnisation de la perte d'emploi

M. [Aa] fait valoir son ancienneté de 3 ans et 11 mois préavis compris, et l'évolution de sa situation professionnelle marquée par la précarité et les limitations induites par son état de santé ayant emporté la reconnaissance d'une invalidité de catégorie 1 le 1er août 2017, alors qu'il est âgé de 52 ans.

Ce à quoi l'employeur lui objecte le dépassement du plafond légal et dément devoir l'indemnisation de son classement en invalidité et de ses effets auprès d'autres employeurs lui ayant succédé, et amoindrissant, de toute façon, sa capacité de travail.

En application de l'article L.1235-3 du code du travail🏛 et compte tenu de son ancienneté de 3 ans, il sera alloué au salarié, en réparation de son dommage né de la perte injustifiée de son emploi, une indemnité comprise entre 3 et 4 mois de salaire brut, de 16.000 euros.


L'indemnisation du préjudice moral et de carrière

M. [Aa] estime avoir été l'objet d'un licenciement expéditif et sans alternative, ce que l'employeur dément.

Cela étant, sous ce biais, l'appelant critique non ses conditions mais la licéité du licenciement qui le priva, selon lui, d'occuper un poste dans l'aéronautique au regard de ses qualifications, dont les conséquences ont déjà été indemnisées. Sa demande doit être rejetée par confirmation du jugement sous cet aspect.


L'indemnité de licenciement

En tout état de cause, M. [Aa], qui admet avoir reçu après le jugement la somme de 1.112,63 euros de ce chef, fait valoir une ancienneté de 3 ans et 11 mois et un salaire moyen de 4.330 euros, pour parvenir à une indemnité globale de 1.262,90 euros.

L'article R.1234-2 du code du travail🏛, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 22 septembre 2017, dit que l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans.

Le calcul de l'employeur décomptant le préavis pour parvenir à une ancienneté de 3 ans et 11 mois dont M. [Aa] se réclame, mais se fondant sur un salaire moyen sur 12 mois de 4.176,54 euros, il convient compte tenu des heures supplémentaires retenues majorant le salaire, de faire droit à la réclamation complémentaire du salarié.

Il sera ajouté au jugement à cet égard.


PAR CES MOTIFS


La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les prétentions de M. [Y] [Aa] en indemnisation de son préjudice moral et de carrière et qu'il a rappelé la compensation entre les créances réciproques des parties ;

L'infirme pour le surplus ;

Statuant de nouveau sur les chefs infirmés ;

Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la société anonyme Héli union ;

Dit le licenciement sans cause ;

Condamne la société anonyme Héli union à payer à M. AaY] [Z] :


8.000 euros bruts de rappel d'heures supplémentaires réalisées entre le 1er septembre 2014 et le 25 septembre 2015, ainsi que 800 euros bruts de congés payés afférents ;

7.383,60 euros bruts de reliquat de congés payés ainsi que 738,36 euros bruts de congés payés afférents ;

16.000 euros de dommages-intérêts en réparation de la perte d'emploi ;

12.990 euros bruts d'indemnité compensatrice de préavis ainsi que 1.299 euros bruts de congés payés afférents ;

1.262,90 euros de complément d'indemnité légale de licenciement ;


Ordonne la remise des documents de fin de contrat (attestation Pôle-emploi, solde de tout compte et certificat de travail) conformes à la présente décision dans le délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt ;

Rejette la demande d'astreinte ;

Condamne M. [Y] [Aa] à payer à la société anonyme Héli union la somme de 3.686,77 euros bruts en restitution des jours de réduction du temps de travail résultant de la convention de forfait en jours privée d'effet ;

Y ajoutant ;

Condamne la société anonyme Héli union à payer à M. [Y] [Aa] 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

La condamne aux entiers dépens.


- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile🏛.


- signé par Madame Nathalie COURTOIS, Président et par Madame Isabelle FIORE Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Le greffier, Le président,

Agir sur cette sélection :

Revues liées à ce document

Ouvrages liés à ce document

Chaîne du contentieux

Décisions similaires

Domaine juridique - CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE

  • Tout désélectionner
Lancer la recherche par thème
La Guadeloupe
La Martinique
La Guyane
La Réunion
Mayotte
Tahiti

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.