Lexbase Affaires n°159 du 17 mars 2005 : Contrats et obligations

[Jurisprudence] Une gêne esthétique peut constituer un trouble anormal de voisinage engageant la responsabilité de son auteur

Réf. : Cass. civ. 2, 24 février 2005, n° 04-10.362, Mme Carine Brami, épouse Bertin c/ M. Patrice Duchon, F-P+B (N° Lexbase : A8801DG3)

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par David Bakouche, Professeur agrégé des Facultés de droit

le 01 Octobre 2012

Il n'est assurément pas question, ici, de revenir dans le détail sur la responsabilité pour troubles anormaux de voisinage : nul n'ignore plus que la jurisprudence a, depuis quelques années déjà, nettement affirmé l'autonomie de cette responsabilité, en la détachant de la théorie de l'abus de droit et, par suite, de la faute, la seule constatation du caractère anormal d'un trouble de voisinage suffisant à engager la responsabilité de son auteur (voir notamment, sur l'autonomie de la responsabilité pour troubles anormaux de voisinage, Cass. civ. 3, 4 février 1971, 2 arrêts, n° 69-13.889, Geoffroy c/ Mille N° Lexbase : A0426C9N et n° 69-12.528, Epoux Vuillon c/ Société Vernet N° Lexbase : A9758CE7, Les grands arrêts de la jurisprudence civile, 11ème éd. par F. Terré et Y. Lequette, Dalloz, 2000, n° 75, et les références citées). Reste alors, dans ces conditions, à apprécier l'anormalité du trouble, autrement dit le seuil au-delà duquel tel ou tel trouble mérite d'être considéré comme excessif. S'agissant d'une question de fait, une telle appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond, encore que la Cour de cassation entende bien ici exercer un contrôle de motivation (plus généralement, sur le pouvoir des juges du fond dans l'appréciation du caractère excessif et sur le contrôle de la Cour de cassation, voir notre thèse, L'excès en droit civil, préf. M. Gobert, LGDJ, 2005, n° 50 et s.). A vrai dire, avant même d'avoir à se demander si le seuil au-delà duquel le trouble n'est plus tolérable est ou non atteint, il faut tout de même savoir quels sont les types de troubles susceptibles d'être pris en compte. Or, la jurisprudence atteste de l'importance du domaine d'application de la responsabilité pour troubles anormaux de voisinage. Les exemples de troubles anormaux de voisinage sont en effet particulièrement nombreux -bruits, odeurs, désordres en tout genre...- et, surtout, il n'est pas nécessaire que les dits troubles soient supportés par une personne : la Cour de cassation, en décidant "qu'un propriétaire, même s'il ne réside pas sur son fonds, est recevable à demander qu'il soit mis fin aux troubles anormaux du voisinage provenant du fonds voisin" (Cass. civ. 2, 28 juin 1995, n° 93-12.681, Consorts Ficarelli c/ Société Laiterie Harrand N° Lexbase : A7634ABD, Bull. civ. II, n° 222), a, en effet, explicitement confirmé une conception résolument objective de la responsabilité pour troubles anormaux de voisinage, l'atteinte au droit, et pas seulement à la personne, justifiant réparation. Parce que le trouble anormal déprécie la valeur du fonds -donc celle du droit exercé sur le fonds-, il peut engager la responsabilité de son auteur.

Un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation à paraître au Bulletin en date du 24 février dernier mérite, ici, d'être signalé en ce qu'il participe d'une compréhension extensive de la responsabilité pour troubles anormaux de voisinage. En l'espèce, des époux se plaignaient de ce que leur voisin avait entreposé, à la limite de leur propriété, des machines usagées, caravane, camion et autres matériels divers. La Cour de cassation approuve les juges du fond d'avoir considéré "que l'importance de ces dépôts ou stationnements prolongés de matériels hors d'usage ou usagés, à proximité immédiate du fonds voisin, était source d'une gêne esthétique anormale pour [les demandeurs]" et, partant, "[ayant] apprécié souverainement les éléments de preuve qui [leur] étaient soumis, [d'avoir] caractérisé le trouble anormal de voisinage". Autrement dit, un trouble anormal de voisinage peut être un trouble d'ordre esthétique, ce qui se comprend non seulement par le fait qu'un tel trouble peut causer un préjudice à la personne du propriétaire voisin, mais aussi constituer une atteinte au droit du propriétaire.

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