Lexbase Droit privé n°834 du 3 septembre 2020 : Copropriété

[Textes] Les travaux et les charges de copropriété après le décret du 2 juillet 2020

Réf. : Décret n° 2020-834 du 2 juillet 2020 pris pour l'application de l'ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 portant réforme du droit de la copropriété des immeubles bâtis et relatif à diverses mesures concernant le fonctionnement de la copropriété (N° Lexbase : L5804LXA)

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par Julien Prigent, Mutelet-Prigent & Associés, Avocats à la cour d’appel de Paris

le 02 Septembre 2020

 


Mots clés : copropriété • réforme • travaux • état de répartition des charges

Le présent article est extrait d’un dossier spécial consacré au volet réglementaire de la réforme du droit de la copropriété, paru dans la revue Lexbase, Droit privé, n° 834 du 3 septembre 2020 (N° Lexbase : N4392BYC).


 

L’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019, portant réforme du droit de la copropriété des immeubles bâtis (N° Lexbase : Z955378U), a apporté des modifications aux dispositions de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 (la « loi ») relatives aux travaux et aux charges. Le décret n° 2020-834 du 2 juillet 2020 pris pour l'application de cette ordonnance, complète et modifie à la suite de cette ordonnance les dispositions du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 (le « décret »). Concernant les travaux et charges, la véritable nouveauté se situe dans la création de règles spécifiques aux travaux d’accessibilité aux personnes handicapées ou à mobilité réduite. Le décret du 2 juillet 2020 complète aussi le décret pour prendre en compte la modification des règles relatives aux travaux d’intérêts collectifs sur des parties privatives. Enfin, le décret du 2 juillet 2020 complète les dispositions du décret relatives aux informations que doit contenir le règlement de copropriété concernant la répartition des charges.

I. Les travaux

A. Les travaux d’intérêt collectif portant sur des parties privatives

L’ordonnance avait modifié les dispositions de l’article 9 de la loi (N° Lexbase : L4861AHI) relatives aux travaux portant sur les parties communes et nécessitant un accès aux parties privatives auxquels un copropriétaire ne pouvait faire obstacle, dans l’objectif de les faciliter.

Avant leur modification, les dispositions visaient les « travaux régulièrement et expressément décidés par l'assemblée générale en vertu des a et b du II de l'article 24, des f, g et o de l'article 25 et de l'article 30 » [1].

En vertu des nouvelles dispositions de l’ordonnance, les travaux concernés ne sont plus, désormais, ceux limitativement énumérés aux articles précités, mais tous « travaux d’intérêt collectif ».

L’ordonnance n’avait pas précisé la notion de « travaux d’intérêt collectif ». Le décret n’apporte pas non plus de précision sur ce point.

L’impossibilité pour un copropriétaire de faire obstacle à l’exécution sur ses parties privatives de travaux d’intérêt collectif a été, par ailleurs, exclue par l’ordonnance dans l’hypothèse où « il existe une autre solution n'affectant pas cette partie […] sauf si les circonstances le justifient ».

L’article 11 du décret (N° Lexbase : Z78649SS) a été modifié par le décret du 2 juillet 2020. Les dispositions de ce texte portent sur les documents à notifier en cas de convocation d’une assemblée générale.

Au titre des documents à notifier « pour la validité de la décision », a été ajouté un point « 14° Lorsque l'assemblée générale est appelée à se prononcer sur des travaux d'intérêt collectif réalisés sur parties privatives, en application du II de l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965, une analyse des solutions éventuelles n'affectant pas ces parties ».

Cette obligation formelle implique la nécessité pour le syndicat des copropriétaires et son syndic de rechercher, en amont, de telles solutions et d’en justifier.

B. Les travaux d’accessibilité aux personnes handicapées ou à mobilité réduite

L’ordonnance a créé un nouvel article 25-2 de la loi (N° Lexbase : L4211LXA) dont les dispositions visent à faciliter les travaux d'accessibilité aux personnes handicapées ou à mobilité réduite qui affectent les parties communes ou l'aspect extérieur de l’immeuble.

En vertu de ces nouvelles dispositions, il n’est plus nécessaire pour un copropriétaire d’obtenir une autorisation de l’assemblée générale pour effectuer ces travaux, comme cela était auparavant le cas, « sous réserve d’avoir demandé au syndic l’inscription d'un point d'information à l'ordre du jour de la prochaine assemblée générale, accompagnée d'un descriptif détaillé des travaux envisagés ».

L’assemblée générale peut s’opposer aux travaux d’accessibilité qu’un copropriétaire souhaite faire réaliser à ses frais, à la majorité des voix des copropriétaires, en cas d’atteinte portée par les travaux à la structure de l'immeuble ou à ses éléments d'équipements essentiels, ou s’ils ne sont pas conformes à la destination de l'immeuble.

Le décret du 2 juillet 2020 prend en compte ces modifications en créant trois nouveaux articles (10-1, 10-2 et 10-3) du décret.

L’article 10-1 (N° Lexbase : Z77743SS) apporte des précisions sur le contenu du descriptif détaillé qui doit être préalablement adressé au syndic et il prévoit la sanction en cas de défaut de notification de ce descriptif qui résidera dans l’absence d’obligation du syndic d’inscrire le point d’information à l’ordre du jour.

L’article 11 du décret (N° Lexbase : Z78649SS), relatif aux documents devant être notifiés en cas de convocation d’une assemblée générale pour l’information des copropriétaires, a été complété pour viser ce descriptif détaillé des travaux.

L’article 10-2 (N° Lexbase : Z77745SS) prévoit que le syndic doit inscrire à l’ordre du jour de la même assemblée générale, le point d’information relatif aux travaux d’accessibilité et la question de l’opposition éventuelle des copropriétaires.

Les syndics devront en conséquence être vigilants sur ce point et prévoir une résolution sur cette opposition.

Enfin, l’article 10-3 (N° Lexbase : Z77747SS) prévoit le délai dans lequel le copropriétaire peut exercer les travaux d’accessibilité : en l’absence d’opposition motivée de l’assemblée générale, il devra quand même attendre l’expiration du délai de recours de deux mois. La loi était silencieuse sur ce point spécifique et il aurait pu être soutenu qu’à défaut de texte contraire, les travaux auraient pu être immédiatement exécutés (voir l’article 42, alinéa 2, de la loi N° Lexbase : L4849AH3 qui prévoit une suspension pendant le délai de recours des travaux votés en application, seulement, des articles 25 N° Lexbase : L4825AH8 et 26 N° Lexbase : L4826AH9).

Il doit être noté que la suspension ne semble s’appliquer que pendant le délai de recours et qu’une fois le délai écoulé, même si une action en annulation est introduite, la suspension cesse.

La question se pose, par ailleurs, des effets d’une action en annulation de la résolution par laquelle l’assemblée générale déciderait de ne pas s’opposer aux travaux : il semble difficile d’envisager que l’annulation de la résolution de non-opposition puisse équivaloir à une opposition. Toutefois, dans le cadre de cette action, le (ou les) copropriétaires récalcitrants, même s’ils devront solliciter dans le délai de deux mois la nullité de la résolution, s’opposeront sur le fond aux travaux en raison du non-respect des conditions prévues à l’article 25-2 de la loi (atteinte à la structure de l'immeuble ou à ses éléments d'équipements essentiels ou non-conformité des travaux à la destination de l'immeuble). Le copropriétaire qui exécutera les travaux dans ce cas prendra un risque d’être condamné à une remise en état.

Le cas d’une décision d’opposition n’est pas prévu. Si le copropriétaire se heurte à une opposition, une action en annulation de cette décision ne semble pas pouvoir valoir décision de non-opposition. Une autorisation judiciaire n’est pas non plus expressément prévue.

C. Le financement des travaux

L’ordonnance a créé un nouvel article 25-3 de la loi (N° Lexbase : L4212LXB) qui prévoit que, lorsque l'assemblée générale des copropriétaires est appelée à se prononcer sur les travaux mentionnés à l'article 26-4 (N° Lexbase : L9740ISK) (travaux concernant les parties communes ou travaux d'intérêt collectif sur parties privatives), la question de la souscription d'un emprunt collectif destiné à financer ces travaux est inscrite à l'ordre du jour de la même assemblée générale.

L’inscription à l’ordre du jour de la question du recours éventuel à un emprunt collectif destiné à financer ces travaux est devenue, a priori, obligatoire lorsque l’assemblée générale est appelée à statuer sur ces derniers.

Le décret du 2 juillet 2020 modifie l’article 11 du décret (N° Lexbase : Z78649SS) pour ajouter, au titre des documents qui doivent être notifiés en cas de convocation d’une assemblée générale, mais seulement « pour l’information des copropriétaires », « 9° Une présentation générale des principales caractéristiques du recours à l'emprunt collectif, lorsque la question de la souscription d'un tel emprunt est inscrite à l'ordre du jour de l'assemblée générale ».

Cette obligation excède le seul cas visé à l’article 25-3 de la loi.

II. L’état de répartition des charges

Le dernier alinéa de l’article 10 de la loi (N° Lexbase : L4803AHD), qui disposait que « tout règlement de copropriété publié à compter du 31 décembre 2002 indique les éléments pris en considération et la méthode de calcul permettant de fixer les quotes-parts de parties communes et la répartition des charges » a été supprimé par l’ordonnance.

L’obligation d’indiquer au règlement de copropriété les éléments pris en considération et la méthode de calcul permettant de fixer les quotes-parts de parties communes et la répartition des charges a été reprise au troisième alinéa, cette obligation concernant, désormais, tous les règlements de copropriété et non plus seulement ceux publiés à compter du 31 décembre 2002.

L’article 1er du décret (N° Lexbase : Z78577SS) formalise cette exigence de la loi en imposant la stipulation au règlement de copropriété d’un « état de répartition des charges ».

Le décret du 2 juillet 2020 n’a pas modifié la nécessité de faire figurer au règlement de copropriété un état de répartition des charges, (1) définissant les différentes catégories de charges, (2) distinguant, d’une part, celles afférentes à la conservation, à l’entretien et à l’administration de l’immeuble et, d’autre part, celles relatives au fonctionnement et à l’entretien des éléments d’équipement commun et entraînées par le services collectifs et, enfin, (3) fixant la quote-part de chaque lot dans chacune des catégories de charges.

La dernière phrase de l’article 1er du décret, qui prévoyait qu’à défaut de fixation de cette quote-part, l’état de répartition pouvait « indiquer les bases selon lesquelles la répartition est faite pour une ou plusieurs catégories de charges », a été supprimée par le décret du 2 juillet 2020.

L’état de répartition contenu au règlement de copropriété doit donc, désormais, obligatoirement prévoir la quote-part de chaque lot dans chacune des catégories de charges.

En outre, le renvoi de l’article 1er du décret à l’article 24 de la loi (N° Lexbase : L4824AH7) a été supprimé et remplacé par le renvoi à l’article 10, dernier alinéa (N° Lexbase : L4803AHD).

Il s’agit des dispositions relatives aux modalités de vote des dépenses mises à la charge de certains copropriétaires seulement, l’ordonnance ayant, d’une part, modifié ces dispositions initialement contenues à l’article 24, III, de la loi, pour n’envisager que le cas dépenses d'entretien et de fonctionnement entraînées par certains services collectifs ou éléments d'équipements, et les ayant, d’autre part, déplacées au dernier alinéa de l’article 10.

Il doit être rappelé que les dépenses relatives aux parties communes spéciales peuvent être mises à la charge de certains copropriétaires seulement et à ce titre impliquer la détermination d’une répartition entre eux de ces charges (loi, art. 6-2 N° Lexbase : L6784LNL : « la création de parties communes spéciales est indissociable de l'établissement de charges spéciales à chacune d'entre elles »).

A ce stade, il peut être noté également que l’article 14 du décret (N° Lexbase : Z78670SS), relatif à l’indication sur la feuille de présence du nombre de voix de chaque copropriétaire, a aussi été modifié pour prendre en compte le passage de dispositions de l’article 24, III, au dernier alinéa de l’article 10.

L’article 1er du décret a aussi été complété s’agissant du contenu de l’état de répartition des charges qui doit préciser « les éléments pris en considération et la méthode de calcul ayant permis de fixer la quote-part de charges afférente à chaque lot :

« 1° Proportionnellement aux valeurs relatives des parties privatives comprises dans chaque lot, telles que ces valeurs résultent des critères posés à l'article 5 de la loi du 10 juillet 1965, s'agissant des charges relatives à la conservation, à l'entretien et à l'administration des parties communes ;

2° En fonction de l'utilité objective que les services et éléments d'équipement commun présentent à l'égard de chaque lot, en précisant les bases selon lesquelles la répartition a été effectuée, s'agissant des charges entraînées par lesdits services et éléments, dès lors que ces charges ne sont pas individualisées ».

L’article 10 de la loi prévoit déjà que le règlement de copropriété doit indiquer les éléments pris en considération ainsi que la méthode de calcul ayant permis de fixer les quotes-parts de parties communes et la répartition des charges. L’article 10 de la loi fixe aussi déjà les critères à prendre en compte.

III. Entrée en vigueur

Les nouvelles dispositions issues du décret du 3 juillet 2020 entrent en vigueur en principe au lendemain de sa publication, soit à compter du 4 juillet 2020 (décret du 3 juillet 2020, art. 53, VI), mais certaines de ses dispositions ont des dates d’entrée en vigueur différentes.

S’agissant des modifications abordées ici, elles sont entrées en vigueur le 4 juillet 2020, sauf les dispositions relatives aux travaux d'accessibilité aux personnes handicapées ou à mobilité réduite qui affectent les parties communes ou l'aspect extérieur de l’immeuble, applicables seulement aux assemblées générales tenues à compter du 31 décembre 2020 (décret du 3 juillet 2020, art. 53, V).

 

[1] - Article 24, II, a : « les travaux nécessaires à la conservation de l'immeuble ainsi qu'à la préservation de la santé et de la sécurité physique des occupants […] » ;

- Article 24, II, b : « les modalités de réalisation et d'exécution des travaux rendus obligatoires en vertu de dispositions législatives ou réglementaires ou d'un arrêté de police administrative relatif à la sécurité ou à la salubrité publique […] » ;

- Article 25, f : « les travaux d'économies d'énergie ou de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ces travaux peuvent comprendre des travaux d'intérêt collectif réalisés sur les parties privatives et aux frais du copropriétaire du lot concerné, sauf dans le cas où ce dernier est en mesure de produire la preuve de la réalisation de travaux équivalents dans les dix années précédentes » ;

- Article 25, g : « la suppression des vide-ordures pour des impératifs d'hygiène » ;

- Article 25, o : « la demande d'individualisation des contrats de fourniture d'eau et la réalisation des études et travaux nécessaires à cette individualisation » ;

- Article 30 : « toute amélioration, telle que la transformation d'un ou de plusieurs éléments d'équipement existants, l'adjonction d'éléments nouveaux, l'aménagement de locaux affectés à l'usage commun ou la création de tels locaux ».

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