La lettre juridique n°805 du 5 décembre 2019 : Bancaire

[Brèves] Limitation notable à la jurisprudence liée au recours prohibé à l’«année lombarde»

Réf. : Cass. civ. 1, 27 novembre 2019, n° 18-19.097, F-P+B+I (N° Lexbase : A3629Z48)

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[Brèves] Limitation notable à la jurisprudence liée au recours prohibé à l’«année lombarde». Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/55165184-breves-limitation-notable-a-la-jurisprudence-liee-au-recours-prohibe-a-lannee-lombarde
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par Jérôme Lasserre Capdeville

le 03 Décembre 2019

► Un emprunteur ne saurait obtenir la nullité de la clause prévoyant le taux conventionnel et sa substitution par le taux légal, en raison du recours par le banquier prêteur à une année de 360 jours pour calculer le taux conventionnel, sans avoir démontré que les intérêts en question avaient bien été calculés sur la base d’une telle année «lombarde» et que ce calcul avait généré à son détriment un surcoût d’un montant supérieur à la décimale prévue à l’article R. 313-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L3654IPZ).

Tels sont les enseignements d’un arrêt de la Cour de cassation du 27 novembre 2019 (Cass. civ. 1, 27 novembre 2019, n° 18-19.097, F-P+B+I N° Lexbase : A3629Z48).

Problématique. Malgré l’existence, aujourd’hui, de moyens performants pour calculer le taux d’intérêt lié à un prêt, certains établissements de crédit continuent de déterminer le taux conventionnel de crédits en se fondant sur une année de 360 jours. On parle alors d’«année lombarde» ou de «diviseur 360».

Mais le recours à cet usage est-il admissible en pratique ? Pas dans n’importe quelles circonstances (Cass. civ. 1, 19 juin 2013, n° 12-16.651, FS-P+B+I N° Lexbase : A2042KH4 ; lire N° Lexbase : N7951BTN). La Haute juridiction a ainsi eu l’occasion d’affirmer, par un arrêt de principe du 19 juin 2013, qu’une telle base de calcul était interdite à l’égard des emprunteurs consommateurs. Or, l’arrêt étudié vient nettement limiter la portée de cette dernière jurisprudence.

L’affaire. En novembre 2010, la banque A avait consenti à M. X deux prêts immobiliers, dont l’un avait fait l’objet, le 12 mai 2015, d’un avenant portant sur la renégociation du taux d’intérêt conventionnel. Cependant, reprochant à la banque d’avoir calculé les intérêts du prêt sur une année bancaire de 360 jours, l’emprunteur l’avait assignée en annulation de la clause stipulant l’intérêt conventionnel et en restitution de sommes.

L’arrêt d’appel. Pour accueillir de telles demandes, la cour d’appel de Riom (CA Riom, 4 avril 2018, n° 17/00048 N° Lexbase : A0059XKE) avait estimé que l’emprunteur n’avait aucune démonstration mathématique à produire, «dès lors que la seule stipulation d’une clause prévoyant le calcul des intérêts sur la base d’une année de trois-cent-soixante jours est sanctionnée par la nullité de la stipulation de l’intérêt nominal et sa substitution par le taux légal», de sorte que l’emprunteur n’avait pas à rapporter la preuve d’un quelconque préjudice.

La décision. La banque avait décidé de former un pourvoi en cassation. Celui-ci se révèle utile puisque la Haute juridiction casse la décision de la cour d’appel estimant que cette dernière a violé l’article 1907 du Code civil (N° Lexbase : L2132ABL) et les articles L. 313-1 (N° Lexbase : L6649IM9), L. 313-2 (N° Lexbase : L7963IZX) et R. 313-1 du Code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 (N° Lexbase : L0300K7A). Elle déclare ainsi, à cette occasion, que l’emprunteur «doit, pour obtenir l’annulation de la stipulation d’intérêts, démontrer que ceux-ci ont été calculés sur la base d’une année de trois-cent-soixante jours et que ce calcul a généré à son détriment un surcoût d’un montant supérieur à la décimale prévue à l’article R. 313-1 du Code de la consommation».

Observations. Cette décision attire immanquablement l’attention. D’une part, c’est la première fois, en matière de recours à l’«année lombarde», que la Haute juridiction déclare qu’il appartient au demandeur de prouver mathématiquement le recours à cette méthode de calcul (dans le même sens concernant le TEG, Cass. com., 4 juillet 2018, n° 17-10.349, F-P+B N° Lexbase : A5547XXQ ; lire N° Lexbase : N4997BXD), la référence expresse à une année de 360 jours dans la convention n’étant plus suffisante. Un grand nombre de juridictions du fond se prononçaient néanmoins déjà de la sorte depuis plusieurs mois. Ainsi, le chiffre tend à prévaloir sur la lettre.

D’autre part, et surtout, la Cour de cassation vient appliquer à la jurisprudence liée à l’«année lombarde», l’exigence que l’erreur de calcul concernant le taux conventionnel ait eu pour incidence un surcoût pour l’emprunteur d’un montant supérieur à la décimale envisagée par l’article R. 313-1 du Code de la consommation. Cette dernière solution suscite néanmoins, en l’état, un doute : l’impact supérieur à une décimale doit-il concerner le taux conventionnel lui-même ou le taux effectif global ? La référence à l’article R. 313-1, qui ne concerne que le calcul du TEG, laisse penser qu’il s’agit de cette seconde hypothèse.

Au-delà de cette incertitude, on peut annoncer, avec la décision qui nous occupe, la fin du contentieux lié à l’«année lombarde». En effet, le recours à cette dernière, au lieu de l’année civile, en présence d’un prêt remboursable mensuellement, n’a souvent de réel impact qu’à l’égard de la première échéance (supérieure à un mois) faisant appel au taux journalier. Or cette différence sera la plupart du temps insuffisante pour faire varier le TEG au-delà d’une décimale.

Cela faisait quelques mois que la Cour de cassation semblait vouloir faire évoluer sa jurisprudence liée à l’«année lombarde». Jusqu’ici, les modifications étaient assez légères (Cass. civ. 1, 4 juillet 2019, n° 17-27.621, FS-P+B N° Lexbase : A2891ZIW ; lire N° Lexbase : N9884BXD et Cass. civ. 1, 10 octobre 2019, n° 18-19.151, F-D N° Lexbase : A0000ZRG) ou insuffisamment explicites (Cass. civ. 1, 24 octobre 2019, n° 18-12.255, F-P+B+I N° Lexbase : A4710ZSA ; lire N° Lexbase : N1038BY4). Il en va désormais différemment !

 

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