La lettre juridique n°384 du 25 février 2010 : Marchés publics

[Jurisprudence] Marchés publics : l'annulation par le Conseil d'Etat du seuil des 20 000 euros

Réf. : CE 2° et 7° s-s-r., 10 février 2010, n° 329100, M. Franck Perez ([LXB=A7061ERX ])

Lecture: 15 min

N2516BNI

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Jurisprudence] Marchés publics : l'annulation par le Conseil d'Etat du seuil des 20 000 euros. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3212474-jurisprudence-marches-publics-lannulation-par-le-conseil-detat-du-seuil-des-20-000-euros
Copier

par Vincent Corneloup, Avocat associé, spécialiste en droit public, docteur en droit public, SCP Dufay-Suissa-Corneloup

le 07 Octobre 2010

Par un arrêt rendu le 10 février 2010, le Conseil d'Etat a annulé les dispositions du décret n° 2008-1356 du 19 décembre 2008, relatif au relèvement de certains seuils du Code des marchés publics (N° Lexbase : L3156ICU), relevant de 4 000 à 20 000 euros le seuil en deçà duquel un marché peut être conclu sans publicité, ni mise en concurrence préalable. Cette annulation prendra effet seulement à compter du 1er mai 2010. Ce faisant, le Conseil d'Etat a prononcé un arrêt riche en enseignements. A la fin de l'année 2008, le pouvoir réglementaire avait souhaité prendre un certain nombre de mesures afin de relancer l'économie dans le contexte de la crise qui se développait (1). Faciliter la passation des marchés publics par les pouvoirs adjudicateurs était l'un des axes de ces mesures. Plus particulièrement, le décret n° 2008-1355 du 19 décembre 2008, de mise en oeuvre du plan de relance économique dans les marchés publics (N° Lexbase : L3155ICT), avait procédé au relèvement du seuil en-dessous duquel les marchés peuvent être passés sans publicité, ni mise en concurrence préalable, ce seuil passant alors de 4 000 à 20 000 euros HT (2).

Monsieur P., avocat, a demandé au Premier Ministre de revenir sur cette mesure et, en l'absence de réponse de ce dernier, a saisi le Conseil d'Etat afin qu'il annule cette décision de rejet et le décret n° 2008-1355 du 19 décembre 2008 uniquement en tant qu'il relève le seuil ci-dessus présenté. Le Conseil d'Etat a, tout d'abord, constaté que Monsieur P. avait intérêt à agir en sa qualité d'avocat, puisqu'il a vocation à conclure des marchés de prestations de service juridique avec des collectivités territoriales. Sur le fond, il a annulé le décret attaqué en tant qu'il relève à 20 000 euros HT le seuil en deçà duquel il est possible de conclure un marché public sans publicité, ni mise en concurrence préalable. Sur ce point, il est essentiel de citer les termes exacts de la décision rendue :

"Les marchés passés en application du Code des marchés publics sont soumis aux principes qui découlent de l'exigence d'égal accès à la commande publique et qui sont rappelés par le II de l'article 1er du Code des marchés publics (N° Lexbase : L2661HPA) dans sa rédaction issue du décret du 1er août 2006 (décret n° 2006-975, portant Code des marchés publics N° Lexbase : L4612HKZ) selon lequel : 'les marchés publics et les accords cadres [...] respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures [...]' ces principes ne font pas obstacle à ce que le pouvoir réglementaire puisse permettre au pouvoir adjudicateur de décider que le marché sera passé sans publicité, voire sans mise en concurrence, dans les seuls cas où il apparaît que de telles formalités sont impossibles ou manifestement inutiles, notamment en raison de l'objet du marché, de son montant ou du degré de concurrence dans le secteur considéré [...] par suite, en relevant de 4 000 euros à 20 000 euros, de manière générale, le montant en deçà duquel tous les marchés entrant dans le champ de l'article 28 du Code des marchés publics (N° Lexbase : L3183ICU) sont dispensés de toute publicité ou mise en concurrence, le pouvoir réglementaire a méconnu les principes d'égalité d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures".

Le Conseil d'Etat a, toutefois, restreint la portée de son arrêt, en précisant qu'il n'a aucune portée rétroactive, et que l'annulation ne prendra effet qu'à compter du 1er mai 2010, sous réserve, encore, "des actions engagées à la date de la présente décision contre les actes pris sur leur fondement". L'on sait, en effet, que le juge administratif peut déroger à l'effet rétroactif de l'annulation d'un acte administratif lorsqu'il apparaît que cela serait de nature "à emporter des conséquences manifestement excessives" (3). En l'espèce, le Conseil d'Etat juge que l'annulation rétroactive de l'article 1er du décret n° 2008-1355 du 19 décembre 2008, qui relevait le seuil de la procédure adaptée à 20 000 euros, entraînerait "une atteinte manifestement excessive à la sécurité juridique", compte tenu du "grand nombre de contrats en cause et à leur nature". Il est donc pour le moins raisonnable qu'il ait modulé l'effet de son annulation en retenant que celle-ci ne verrait le jour que le 1er mai 2010.

La portée pratique de l'arrêt commenté est évidente puisque, désormais, il sera nécessaire pour les pouvoirs adjudicateurs de prévoir une publicité et une mise en concurrence préalable, même en dessous d'un montant estimé du marché inférieur à 20 000 euros HT. En toute logique, l'on revient au seuil de 4 000 euros qui préexistait à la disposition annulée du décret n° 2008-1355 du 19 décembre 2008. Mais, au-delà de cette conséquence évidente, le Conseil d'Etat a formulé dans cet arrêt un appel à la nuance dans l'objectif d'allègement du formalisme (I), et un rappel des principes fondamentaux du Code des marchés publics (II), dont il convient de mesurer toute la portée.

I - Un appel à la nuance

Le Conseil d'Etat a jugé qu'il est parfois possible de conclure un marché public "sans publicité, voire sans mise en concurrence" (A), mais qu'il est impossible de fixer, "de manière générale" un seuil de 20 000 euros (B) en deçà duquel tous les marchés peuvent être conclus librement.

A - La possibilité de conclure un marché "sans publicité, voire sans mise en concurrence"

En rappelant qu'un marché public peut éventuellement être conclu "sans publicité, voire sans mise en concurrence", le Conseil d'Etat met en avant que la publicité n'est évidemment pas une fin en soi, puisqu'elle n'est qu'un moyen de mise en concurrence. Ce qui importe véritablement, c'est cette dernière, afin que le rapport qualité/coût de l'achat public soit le meilleur possible, et que le plus grand nombre d'opérateurs économiques puisse accéder à la commande publique.

Parfois, la publicité n'est pas nécessaire dans la mesure où cette mise en concurrence peut être effectuée, par exemple, par la demande de devis à plusieurs entreprises, uniquement lorsque le montant estimé du marché est faible. Ce sera, ainsi, le cas en matière de travaux publics peu onéreux (l'appréciation est évidemment subjective mais des travaux de peinture pour un montant de 3000 euros ne nécessitent objectivement pas la parution d'un avis d'appel public à la concurrence). Le Conseil d'Etat indique qu'il est donc parfois possible de se passer d'une publicité. En revanche, il précise clairement qu'il est plus rare de pouvoir se passer d'une mise en concurrence "sans publicité, voire sans mise en concurrence". L'on comprend que l'absence de mise en concurrence doit véritablement être exceptionnelle.

Il est, toutefois, possible de décider qu'un marché public sera passé sans publicité, voire sans mise en concurrence, dans un certain nombre de cas, limitativement énumérés (4) par la Haute juridiction administrative. Ces cas sont au nombre de deux : lorsque les formalités de publicité et/ou de mise en concurrence sont impossibles, ou lorsqu'elles sont manifestement inutiles.

Il faut bien admettre qu'il est très rare que la réalisation de ces formalités soit impossible. Bien évidemment, l'on songe à l'urgence ou à la survenance de faits particulièrement graves, comme des catastrophes naturelles, qui empêcheraient la passation d'une publicité, ou la mise en concurrence des opérateurs économiques. L'on comprend aisément qu'en principe, un pouvoir adjudicateur ne pourra pas se réfugier derrière de telles circonstances.

Il peut, également, arriver, de manière plus fréquente, que les formalités de publicité ou de mise en concurrence soient "manifestement inutiles". Là encore, le Conseil d'Etat est exigeant en ne visant pas simplement les formalités inutiles mais des formalités "manifestement inutiles". Il faut donc que l'inutilité soit flagrante et incontestable. La Haute juridiction administrative donne trois exemples d'hypothèses dans lesquelles les formalités sont manifestement inutiles : ce peut être en raison de l'objet du marché, de son montant, ou du degré de concurrence dans le secteur considéré. Il est évident que, lorsqu'il n'y a aucune concurrence sur le marché concerné, une publicité et une mise en concurrence n'auraient pas beaucoup d'utilité (5). C'est, également, le cas lorsque l'achat public est d'un montant dérisoire, par exemple s'il s'agit d'un achat inhabituel d'un montant d'une dizaine d'euros. Toutefois, en ce qui concerne le montant du marché, se pose évidemment la question de savoir à partir de quel seuil la mise en concurrence ou la publicité ne seront plus manifestement inutiles. Il est, encore, beaucoup plus difficile de déterminer les hypothèses dans lesquelles l'objet même du marché conduirait à conclure que les formalités de publicité ou de mise en concurrence seraient manifestement inutiles. Selon le Conseil d'Etat, c'est donc de manière rare, voire même exceptionnelle, qu'un pouvoir adjudicateur peut conclure un marché sans publicité, ni mise en concurrence préalable.

En toute logique, ce raisonnement le conduit à annuler le seuil de 20 000 euros en deçà duquel les marchés publics peuvent être conclus sans publicité, ni mise en concurrence, dans la mesure où les marchés d'un montant inférieur à cette somme n'ont, en aucun cas, un caractère rare, et encore moins exceptionnel.

B - L'impossibilité de fixer, de manière générale, un seuil à 20 000 euros

La fixation de ce seuil de 20 000 euros, même si elle a globalement fait le bonheur des acheteurs publics, avait été vivement critiquée par des commentateurs (6). En effet, d'un point de vue économique, il paraissait peu convaincant que le simple relèvement du seuil en deçà duquel il était possible de conclure des marchés publics sans publicité ni mise en concurrence pouvait conduire les pouvoirs adjudicateurs à conclure un plus grand nombre de marchés. Par ailleurs, la volonté de promouvoir l'accès des petites et moyennes entreprises à la commande publique, qui était l'un des objectifs du pouvoir réglementaire lors de l'entrée en vigueur du Code des marchés publics le 1er septembre 2006, semblait être soudainement méconnue, puisqu'il y avait un risque que ces PME soient aisément écartées des marchés d'un montant inférieur à 20 000 euros, qui pourtant, pour nombre d'entre elles, constituent leur coeur de cible.

Ensuite, si le seuil de 20 000 euros pouvait paraître relativement bas pour certains marchés comme ceux de travaux, en revanche il était incontestablement élevé en matière de fournitures, et surtout en matière de services. En effet, même pour des collectivités territoriales de taille respectable, de nombreux marchés publics de prestations de services sont conclus pour des montants inférieurs à cette somme (7). De plus, pour de très nombreuses petites communes, le seuil de 20 000 euros était bien trop élevé puisque la plupart des montants de leurs marchés publics, hormis évidemment les marchés de travaux les plus importants, sont situés en dessous de ce seuil. Une mise en concurrence n'était, ainsi, que rarement réalisée pour les achats de ces petites collectivités territoriales, pourtant si nombreuses en France (8).

Ce sont assurément ces critiques que le Conseil d'Etat a fait siennes, puisqu'il indique que le relèvement du seuil à 20 000 euros "de manière générale" méconnaît les principes exposés à l'article 1er du Code des marchés publics. C'est donc l'application de ce seuil à tous les types de marchés publics de tous les pouvoirs adjudicateurs qui a posé difficulté. Il paraît évident que si ce seuil n'avait existé que pour les travaux, le Conseil d'Etat l'aurait jugé légal.

En défense, le ministère de l'Economie faisait valoir que, dans d'autres pays de l'Union européenne, le seuil en deçà duquel la conclusion des marchés publics peut être effectuée sans publicité ni mise en concurrence est plus élevé que le seuil initial de 4 000 euros, puisqu'il est, par exemple, de 5 à 50 000 euros en Allemagne selon les Länders et selon la nature du marché, de 15 000 euros en Grèce, de 29 000 euros en Italie, ou encore de 40 000 euros en Autriche. Mais comparaison n'est pas raison. Comme l'a parfaitement relevé Nicolas Boulouis, Rapporteur public dans cette affaire, une telle comparaison "est une erreur manifeste car les montants cachent des disparités importantes. Les éléments quantitatifs des autres Etats membres sont à manier avec circonspection. Ainsi, si l'Allemagne ne fait pas de publicité sous certains seuils, une trace du dépôt des offres est demandée. Les principes de la commande publique ne sont pas négligés par ces Etats" (9).

Il est aussi impératif de garder à l'esprit que la France compte beaucoup plus de collectivités territoriales que les autres Etats membres de l'Union européenne (10), et qu'il est donc normal que le seuil soit moins élevé en France que dans d'autres Etats. Enfin, comme cela vient d'être indiqué, dans plusieurs pays, les seuils sont différents selon qu'il s'agit de travaux, de fournitures ou de services, ce qui n'est pas le cas en France.

Il est évidemment loisible de s'interroger sur la position de l'Union européenne quant à ce débat français sur le seuil au-delà duquel les pouvoirs adjudicateurs doivent mettre en place au moins une procédure adaptée, mais aucune réponse satisfaisante ne peut en être attendue. En effet, les principes du Traité instituant la Communauté européenne, dont, évidemment, la libre concurrence, ne sont applicables que pour les marchés présentant un "intérêt transfrontalier" (11). Or, les marchés d'un montant très faible ne présentent pas, en principe, un tel intérêt, encore que ce ne soit nullement évident en ce qui concerne les pouvoirs adjudicateurs situés à proximité d'une frontière. Ainsi, en Alsace, de nombreux artisans allemands peuvent être intéressés pour la réalisation de travaux courants dans des communes françaises. Surtout, un seuil unique ne permet pas de distinguer les marchés qui auraient un intérêt transfrontalier de ceux qui n'en n'auraient pas. Pour reprendre un exemple célèbre (12), la programmation de l'implantation d'un musée peut constituer un marché d'un montant assez faible mais, vu le peu d'acteurs sur le marché concerné, l'on ne voit pas pourquoi des opérateurs économiques d'autres pays membres de l'Union européenne ne seraient pas intéressés. Surtout, quelle que soit la position de l'Union européenne et de la Cour de justice de l'Union européenne sur ce point, ce sont bien les principes fondamentaux posés par le Code des marchés publics qui doivent être impérativement respectés par tout pouvoir adjudicateur, d'où le rappel effectué par le Conseil d'Etat de ces principes fondamentaux du droit des marchés publics.

II - Un rappel des principes fondamentaux

Le Conseil d'Etat rappelle, dans l'arrêt commenté, que les principes posés par le II de l'article 1er du Code des marchés publics doivent toujours être respectés (A). Les pouvoirs adjudicateurs doivent donc être des plus prudents à ce propos. Il est, ainsi, nécessaire de s'interroger sur les moyens à mettre en oeuvre pour respecter, à chaque achat, ces principes (B).

A - Des principes devant toujours être respectés

Hormis les hypothèses mises en avant par le Conseil d'Etat et ci-dessus rappelées, dans lesquelles il est possible de conclure un marché public "sans publicité, voire sans mise en concurrence", il est acquis que les principes de liberté d'accès à la commande, d'égalité de traitement des candidats, et de transparence des procédures doivent être respectés dès le premier euro dépensé par un pouvoir adjudicateur.

Bien évidemment, l'annulation du seuil des 20 000 euros par le Conseil d'Etat fait "revivre" celui de 4 000 euros auquel il succédait. Mais cela ne signifie nullement que ce seuil de 4000 euros soit conforme aux principes énoncés par l'article 1er du Code des marchés publics et constitue un pare-feu imparable pour les pouvoirs adjudicateurs qui décideraient de ne jamais procéder à une publicité, ou même à une mise en concurrence en deçà de ce seuil. Le Conseil d'Etat n'était pas saisi de cette question et ne s'est donc pas prononcé sur ce point. Mais il serait parfaitement possible, pour un requérant, de contester la décision d'un pouvoir adjudicateur de ne pas procéder à une publicité et surtout à une mise en concurrence pour un marché d'un montant inférieur à 4 000 euros, en soulevant l'exception d'illégalité de l'article 28 du Code des marchés publics qui prévoit de nouveau ce seuil.

Le seuil de 4 000 euros pose, certes, beaucoup moins de difficultés que celui de 20 000 euros qui avait été fixé de manière volontariste dans l'objectif de lutter contre la crise (13). Ainsi, en matière de travaux, le seuil de 4 000 euros paraît raisonnable, au moins en ce qu'il permet de conclure des marchés d'un montant inférieur sans publicité. L'on peut, toutefois, être moins convaincu à propos de l'absence d'une mise en concurrence lorsqu'il s'agit de très petites collectivités territoriales pour lesquelles une dépense d'un peu moins de 4 000 euros n'est pas tout à fait négligeable (14).

En revanche, pour certaines fournitures et surtout certains services, le seuil de 4 000 euros peut encore sembler trop important, une fois de plus si l'on raisonne à l'échelle des petites collectivités territoriales. Il faut bien garder à l'esprit que ce montant permet à un pouvoir adjudicateur de passer un marché sans aucune publicité ni mise en concurrence, pour la réalisation, par exemple, d'une ou de plusieurs études, qui n'auront peut être pas beaucoup d'intérêt pour la collectivité concernée, mais qui seront systématiquement demandées au même opérateur économique chaque année. A moyen terme, la dépense publique concernée ne sera pas anecdotique, pas plus que ne le sera le chiffre d'affaires de l'heureux opérateur économique concerné. Il y a là, notamment du point de vue du principe de transparence, la possibilité de pratiques que l'on peut légitimement souhaiter ne plus rencontrer.

Ce qui signifie que les pouvoirs adjudicateurs doivent être prudents, même lorsqu'il s'agit de conclure des marchés publics d'un montant de moins de 4 000 euros. Il est donc impératif qu'ils prennent en considération les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, dès le premier euro dépensé, et qu'ils en gardent la trace.

B - Les moyens à mettre en oeuvre pour respecter ces principes

Lorsque le montant estimé du marché est inférieur à 4 000 euros, une publicité sous la forme d'un avis publié en mairie, sur un site internet ou même dans un journal est évidemment possible. La publicité faite sur le site internet du pouvoir adjudicateur est, ainsi, à encourager vivement. Mais la publicité prendra souvent la forme d'une demande de devis à des opérateurs économiques, le nombre de devis devant varier selon l'objet et le montant du marché. S'il s'agit d'un marché pour lequel un montant important est rapidement atteint, par exemple en matière de travaux, trois devis paraissent suffisants. En revanche, pour des prestations moins onéreuses, il peut être raisonnable d'aller jusqu'à 5, voire 7 devis.

Pour les prestations d'un montant véritablement faible, par exemple pour l'achat de fournitures de bureau par une petite collectivité territoriale, il paraît suffisant de demander chaque année à quelques fournisseurs leurs catalogues afin de pouvoir, à chaque commande, comparer les prix. De manière générale, il peut être intéressant de publier chaque année la liste des "petits achats" qui sont habituellement effectués afin que tout opérateur économique intéressé puisse se faire connaître. Lorsque des devis ou des catalogues sont à demander, il convient, évidemment, de ne pas limiter la demande à des opérateurs économiques situés sur territoire de la collectivité concernée, mais d'interroger, également, des opérateurs situés à l'extérieur de celle-ci, dans des limites géographiques acceptables.

L'essentiel est de garder les traces de ces démarches afin de pouvoir en apporter la preuve en cas de contestation par un opérateur économique. Il ne faut donc pas que les pouvoirs adjudicateurs hésitent à écrire leurs procédures internes d'achat, même pour les marchés d'un montant inférieur à 4 000 euros, et gardent, évidemment, une copie de toutes les notes et correspondances, même effectuées par voie électronique, qui ont été rédigées dans l'optique de respecter les principes fondamentaux de la commande publique.

De cette manière, l'esprit de l'arrêt commenté pourra être jugé comme respecté. Certains trouveront que c'est aller trop loin dans la mise en concurrence des opérateurs économiques et compliquer inutilement le travail des acheteurs publics. Mais l'on pourrait leur rétorquer que les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures s'accordent mal avec l'idée même de seuils, et que la bonne gestion des deniers publics justifie bien un tel effort. C'est pourquoi, il nous semble que l'arrêt rendu en l'espèce par le Conseil d'Etat doit être approuvé sans la moindre réserve.


(1) Il s'agissait de mettre en pratique la volonté du Président de la République, exprimé lors de son discours de Douai le 4 décembre 2008.
(2) C. marchés publ., art. 28 (N° Lexbase : L3183ICU), modifié en ce sens.
(3) CE 1° s-s., 11 mai 2004, n° 255886, Association AC ! et autres (N° Lexbase : A1829DCQ), p. 197, Conclusions Devys, GAJA n° 116.
(4) Voir l'expression "dans les seuls cas" utilisée par le Conseil d'Etat.
(5) Mais le pouvoir adjudicateur doit avoir la certitude de cette absence de concurrence, ce qui n'est pas aisé. La plus grande prudence est donc de mise à ce propos.
(6) Voir, par exemple, notre article, Une réforme (trop) circonstancielle du Code des marchés publics, Lexbase Hebdo - édition publique n° 97 du 4 février 2009 (N° Lexbase : N4850BIH).
(7) Notamment les marchés de prestations de service juridique.
(8) Il faut bien se rappeler que 31 927 communes (sur un total de 36 569 en 2008) ont moins de 2 000 habitants, et que plus de 10 000 communes ont moins de 200 habitants.
(9) Cité par C. Emery, Marchés publics : le seuil de 20 000 euros sur la sellette, site internet du Moniteur, 14 janvier 2010.
(10) Lorsque l'Union européenne comptait 15 membres, la France avait autant de communes que les 14 autres Etats réunis.
(11) Voir CJCE, 13 novembre 2007, aff. C-507/03, Commission des Communautés européennes c/ Irlande (N° Lexbase : A5367DZS).
(12) Voir CE 2° et 7° s-s-r., 7 octobre 2005, n° 278732, Région Nord-Pas-de-Calais (N° Lexbase : A6994DKA), et, notamment, notre commentaire De la publicité des marchés publics à procédure adaptée, RLCT, 2006/1, n° 228.
(13) Voir, sur ce point, un article paru dans les Echos le 11 février 2010, selon lequel "tout n'est pas permis au nom de la lutte contre la crise".
(14) L'on songe, évidemment, aux plus de 10 000 communes qui comptent moins de 200 habitants.

newsid:382516

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.