La lettre juridique n°315 du 31 juillet 2008 : Immobilier et urbanisme

[Chronique] Chronique en droit immobilier - juillet 2008 (seconde partie)

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N7049BG8

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par Marine Parmentier, Avocat à la cour d'appel de Paris

le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition privée générale vous propose de retrouver, cette semaine, la chronique en droit immobilier de Marine Parmentier, Avocat à la cour d'appel de Paris (1). Au premier plan de cette chronique se trouve un arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation, le 17 juin dernier, et qui retient que l'exercice d'un droit de préemption, fût-il abusif, ne saurait constituer le refus du bénéfice d'un droit accordé par la loi. Egalement à l'honneur cette semaine, un arrêt du 2 juillet 2008 aux termes duquel la troisième chambre civile rappelle que, lors de l'acquisition d'un bien immobilier par une personne interposée, il appartient aux juges du fond de rechercher si le mandataire n'est pas le réel acquéreur.
  • L'exercice d'un droit de préemption, fût-il abusif, ne saurait constituer le refus du bénéfice d'un droit accordé par la loi et, partant une discrimination commise par une personne dépositaire de l'autorité publique au sens de l'article 432-7 du Code pénal (Cass. crim., 17 juin 2008, n° 07-81.666, FS-P+F+I N° Lexbase : A6443D9I) :

Au visa des articles 111-4 (N° Lexbase : L2255AMH) et 432-7 (N° Lexbase : L0476DZN) du Code pénal, la Chambre criminelle de la Cour de cassation précise que l'exercice d'un droit de préemption, fût-il abusif, ne saurait constituer le refus du bénéfice d'un droit accordé par la loi et ne peut donc constituer le délit de discrimination commis par une personne dépositaire de l'autorité publique.

En l'espèce, les époux G., qui avaient conclu un compromis de vente en vue de l'acquisition d'un bien immobilier, avaient porté plainte et s'étaient constitués parties civiles contre le maire de la commune, au motif que celui-ci avait fait obstacle à la réalisation de la vente en exerçant de façon abusive le droit de préemption lui ayant été délégué en application des dispositions de l'article L. 2122-22 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L7984HWM). Le maire, renvoyé devant le tribunal correctionnel sur le fondement du délit prévu par l'article 432-7 du Code pénal, a été déclaré coupable de cette infraction par les premiers juges et condamné à des réparations civiles. La cour d'appel confirmait le jugement et précisait qu'en raison de la consonance du nom des acheteurs laissant supposer leur origine étrangère, le prévenu avait commis une discrimination en refusant aux parties civiles le droit d'acquérir la propriété d'un immeuble et de fixer librement le lieu de leur résidence.

Le maire de la commune s'est alors pourvu en cassation. Il faisait, notamment, valoir à l'appui de son pourvoi que le refus du bénéfice d'un droit résulte d'une décision entraînant une impossibilité de bénéficier d'un droit et non de la seule entrave à l'exercice de ce droit. Il rappelait qu'en l'espèce, il avait renoncé à la préemption exercée sur le bien avant l'expiration du compromis de vente : en renonçant au bénéfice du droit de préemption avant l'expiration du compromis de vente, l'acte du maire n'aurait pas empêché les parties civiles d'acquérir le bien, mais aurait seulement retardé la réalisation de la vente, ce qui ne constituait pas le refus du bénéfice d'un droit.

Il sera rappelé qu'il résulte de l'article 432-7 du Code pénal que la discrimination commise à l'égard d'une personne physique ou morale par une personne dépositaire de l'autorité publique, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission, est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende lorsqu'elle consiste à refuser le bénéfice d'un droit accordé par la loi ou à entraver l'exercice normal d'une activité économique quelconque.

C'est, en l'espèce, sur le premier cas visé par ce texte que la Cour de cassation fonde sa décision. Elle estime, visant également le principe d'interprétation stricte de la loi pénale (C. pén., art. 111-4), que l'exercice d'un droit de préemption, fût-il abusif, ne saurait constituer le refus du bénéfice d'un droit accordé par la loi.

La Cour de cassation avait déjà eu l'occasion de préciser que la vente d'un bien immobilier par un particulier à un autre ne caractérise pas l'exercice d'une activité économique au sens de l'article 432-7, 2°, du Code pénal : dès lors, il n'y a pas lieu de condamner sur ce fondement le maire d'une commune qui aurait exercé des pressions sur le vendeur d'un terrain en raison de l'appartenance de l'acquéreur à la communauté des gens du voyage (Cass. crim., 24 mai 2005, n° 04-87.490, FS-P+F N° Lexbase : A5659DIG).

  • Acquisition d'un bien immobilier par personne interposée : il appartient aux juges du fond de rechercher si le mandataire n'est pas le réel acquéreur (Cass. civ. 3, 2 juillet 2008, n° 07-15.509, FS-P+B N° Lexbase : A4899D9C) :

En l'espèce, le 9 avril 2004, le propriétaire d'un bien immobilier avait donné à la société L., agent immobilier, mandat non exclusif de vendre un immeuble au prix de 390 000 euros, comprenant le montant de la commission, fixé à 15 000 euros.

Le 2 septembre 2004, il avait donné à la société D., agent immobilier, mandat non exclusif de vendre le même bien au prix de 401 000 euros, dont 19 000 euros de commission. Le 7 octobre 2004, le second agent immobilier a fait parvenir à son mandant un compromis de vente au prix de 401 000 euros, signé par le gérant de la société civile immobilière A., qui était également le gérant de la société D.. Néanmoins, le 22 octobre 2004, le propriétaire devait informer la société D. qu'ayant retenu une autre offre négociée par la société L., premier agent immobilier mandaté, elle ne donnait pas suite à l'offre de la SCI A. et résiliait le mandat.

La société D., second agent immobilier, assignait alors le propriétaire mandant en paiement de dommages-intérêts correspondant au montant de la commission.

Il lui appartenait de démontrer que le compromis présenté au vendeur était valable. Pour faire droit à cette demande, les premiers juges avaient estimé que le mandataire, agent immobilier, n'était pas l'acquéreur du bien mais que cet acquéreur était la SCI A., personne morale différente de la première même si elles ont toutes les deux le même dirigeant.

Rappelons en effet que, en vertu de l'article 1596 du Code civil (N° Lexbase : L6506HWU), les mandataires ne peuvent se rendre adjudicataires, sous peine de nullité, ni par eux-mêmes, ni par personnes interposées, des biens qu'ils sont chargés de vendre.

La Cour de cassation estime, au visa de ce texte qu'il appartenait à la cour d'appel de rechercher si la société D., mandataire, dont elle relevait qu'elle avait le même gérant et le même siège social que la SCI A., ne s'était pas portée acquéreur, par personne morale interposée, du bien qu'elle était chargée de vendre.

Les premiers juges avaient, également, estimé qu'à supposer qu'une nullité puisse être encourue, cette nullité de l'acte aurait été couverte par l'acquiescement du propriétaire, dans la mesure où ce dernier n'aurait pu ignorer l'identité de dirigeants puisque le mandat qu'elle avait reçu était signé par le dirigeant de la SCI A., qui s'était donc portée acquéreur, qui était aussi le gérant de la société D., agent immobilier.

Il n'aurait pu prétendre, selon les premiers juges, ne pas avoir fait le rapprochement entre le nom de l'agence à laquelle elle avait donné un mandat de vente et le nom du représentant de son acquéreur, ces deux sociétés ayant au surplus leur siège à la même adresse.

Au visa de l'article 1338 du Code civil (N° Lexbase : L1448ABA), la Cour de cassation censure l'arrêt d'appel et précise que la confirmation d'un acte nul exige à la fois la connaissance du vice l'affectant et l'intention de le réparer. La réalisation de ces conditions ne pouvait résulter de la connaissance, avant la conclusion de l'acte, de l'identité de dirigeants de la société mandataire et de la société acquéreur.


(1) Voir, Chronique en droit immobilier - juillet 2008 (première partie), Lexbase Hebdo n° 313 du 17 juillet 2008 - édition privée générale (N° Lexbase : N6523BGP).

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