La lettre juridique n°315 du 31 juillet 2008

La lettre juridique - Édition n°315

Éditorial

Permis de conduire : en attendant le permis européen

Lecture: 3 min

N7019BG3

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3210456-edition-n-315-du-31072008#article-327019
Copier

par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 27 Mars 2014


D'ores et déjà, la Présidence française de l'Union européenne est marquée sous le sceaux des institutions, des normes environnementales et du contrôle de l'immigration. Pour autant, réussira-t-elle le pari plus important des mois à venir : celui de la lutte contre de la désaffection des citoyens vis-à-vis de l'Europe ? Tous s'accordent à le dire : il ne sert rien de multiplier les projets communautaires, si l'adhésion générale à l'efficacité et, surtout, l'effectivité de l'Union dans le quotidien de ces mêmes citoyens, n'y est pas. Pour l'heure, il est un sujet qui concourrait assurément au retissage de ce lien : le permis de conduire.

Par trois Directives de 1980, 1991 et 2006, l'Union européenne a imposé un important arsenal normatif visant essentiellement à la reconnaissance mutuelle du permis de conduire par tous les Etats membres. Concrètement, la transposition de ces Directives est à l'origine du fait que nous puissions partir en congés estivaux dans un autre pays de l'Union, tout en arborant notre acte administratif unilatéral national nous autorisant à conduire, en principe, sur le seul territoire de l'Etat de notre résidence normale ! Bien entendu, les enjeux d'une telle reconnaissance mutuelle s'avèrent plus importants, lorsqu'il s'agit de travailleurs transfrontaliers, ou de favoriser, plus largement, la mobilité professionnelle au sein de l'Union.

Mais une fois ce principe édicté, deux questions ne pouvaient manquer de se poser : la première est celle de la reconnaissance des déchéances du droit de conduire par un Etat membre ; la seconde, celle de la caractérisation de la résidence normale du conducteur. C'est précisément sur ces deux questions que la Cour de justice des Communautés européennes s'est prononcée le 26 juin dernier. Et son dispositif, sans être surprenant, emporte des applications pratiques non négligeables à la faveur des citoyens conducteurs.

D'une part, un Etat membre ne peut pas refuser de reconnaître l'attribution d'un permis de conduire par un autre Etat membre, lorsque cette attribution a été faite selon les normes de l'Etat de délivrance, quand bien même ces normes ne correspondraient pas à celles de l'Etat où souhaite conduire le titulaire du permis, et quand bien même ce titulaire aurait fait l'objet d'un retrait de permis antérieur dans ce même Etat membre. Mais, d'autre part, pour que cette reconnaissance soit parfaitement opérationnelle, encore faut-il que le titulaire du permis de conduire ait bien eu sa résidence normale dans l'Etat de délivrance ; aussi, un Etat membre peut s'opposer à la validité de ce permis de conduire, lorsque cet acte ne mentionne pas l'Etat de délivrance comme Etat de résidence du conducteur.

L'ensemble de ce dispositif s'avère donc parfaitement cohérent et conforme à son objectif principal de faciliter la libre circulation, sans heurter les lois de police nationales et la sécurité routière. "Il n'y a guère au monde un plus bel excès que celui de la reconnaissance" écrivait La Bruyère. Mais en aucun cas, la reconnaissance mutuelle ne doit conduire à un "tourisme du permis de conduire". Pour autant, comme le souligne Olivier Dubos, Professeur de droit public à l'Université de Montesquieu-Bordeaux IV, cette semaine, dans nos colonnes, il n'est toujours pas admis qu'un Etat membre caractérise directement la résidence du citoyen conducteur dans un autre Etat membre et, notamment, l'Etat de délivrance du permis. On toucherait ainsi au contrôle du centre des intérêts personnels et professionnels du citoyen, fondamentaux de la territorialité juridique chère à chaque Etat.

Il reste que le permis de conduire européen, prévu à l'horizon 2012, sera le bienvenu et permettra de renforcer l'harmonisation européenne sur ce sujet délicat, qui rappelons le touche, en principe, à un fonction régalienne : autoriser ou non un citoyen à circuler librement et, notamment, en voiture, sur son territoire ; acte administratif unilatéral et loi de police obligent donc à la prudence normative. Ainsi, les conditions de délivrance et de validité seront communes à l'ensemble des Etat : feu la reconnaissance mutuelle du permis de conduire.

Plus d'un siècle (1889) après le premier examen de conduite automobile sur tricycle à vapeur, l'obtention du permis de conduire sera-t-elle le fruit d'un examen communautaire ? Un examen transnational : une première du genre.

newsid:327019

Droit social européen

[Textes] Les dispositions à caractère social de la loi du 3 juillet 2008, portant diverses dispositions d'adaptation du droit des sociétés au droit communautaire

Réf. : Loi n° 2008-649 du 3 juillet 2008, portant diverses dispositions d'adaptation du droit des sociétés au droit communautaire (N° Lexbase : L7047H77)

Lecture: 15 min

N7055BGE

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3210456-edition-n-315-du-31072008#article-327055
Copier

par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

Ainsi que son intitulé l'indique, la loi n° 2008-649 du 3 juillet 2008, portant diverses dispositions d'adaptation du droit des sociétés au droit communautaire (N° Lexbase : L7047H77), vise à conformer notre droit interne des sociétés à plusieurs prescriptions du droit communautaire. A ce titre, le texte en cause transpose deux Directives (1), apporte les aménagements nécessaires à la pleine effectivité du Règlement relatif au statut de la société coopérative européenne (2) et comporte des dispositions relatives à la société européenne. Pour intéresser, au premier chef, le droit des sociétés (3), la loi du 3 juillet 2008 n'en comporte pas moins un important volet social qui, seul, nous retiendra ici. Transposant les dispositions de la Directive (CE) 2005/56 du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005, sur les fusions transfrontalières des sociétés de capitaux, la loi comporte, de ce point de vue, deux aspects : le premier a trait à l'information et à la consultation des représentants du personnel ou des salariés eux-mêmes sur les projets de fusions transfrontalières, tandis que le second intéresse la participation des salariés dans les sociétés issues de ces mêmes fusions. I - Information et consultation des représentants du personnel et des salariés sur les projets de fusions transfrontalières
  • Renforcement des prérogatives des représentants du personnel

Il convient, tout d'abord, de relever qu'il n'était nullement nécessaire que le législateur intervienne afin de prévoir l'information et la consultation du comité d'entreprise préalablement à une fusion transfrontalière. Une telle obligation pèse déjà, en effet, sur le chef d'entreprise, en application des dispositions générales de l'article L. 2323-19 du Code du travail . Rappelons que, en son alinéa 1er, cette disposition précise que "le comité d'entreprise est informé et consulté sur les modifications de l'organisation économique ou juridique de l'entreprise, notamment, en cas de fusion, de cession, de modification important des structures de production de l'entreprise, ainsi que lors de l'acquisition ou de la cession de filiales au sens de l'article L. 233-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L6304AIC)".

Toutefois, et ainsi que n'a pas manqué de le relever l'un des rapporteurs du projet de loi, "la règle posée par notre droit du travail comporte, néanmoins, une limite non négligeable, puisqu'elle ne s'applique qu'aux sociétés disposant d'un comité d'entreprise ; or, seules celles employant plus de cinquante salariés sont tenues à la mise en place d'une telle instance" (4).

Afin de combler cette lacune, dont on doit, d'ailleurs, relever qu'elle n'est pas propre aux fusions transfrontalières, la loi prévoit, en des termes quelque peu sibyllins, l'information et la consultation des délégués du personnel. Il résulte, en effet, du dernier alinéa de l'article L. 236-27 du Code de commerce que, "sans préjudice du dernier alinéa de l'article L. 225-105 (N° Lexbase : L5976AI8), l'avis du comité d'entreprise, consulté en application de l'article L. 2323-19 du Code du travail ou, à défaut, l'avis des délégués du personnel est, s'il transmis dans des délais prévus par décret en Conseil d'Etat, annexé au rapport mentionné au premier alinéa du présent article". Il aurait, sans doute, été souhaitable que le législateur dise plus clairement que, dans les entreprises de moins de cinquante salariés (5), les délégués du personnel sont informés et consultés sur le projet de fusion.

Après avoir indiqué que l'organe de gestion, d'administration ou de direction de chacune des sociétés participant à l'opération de fusion établit un rapport écrit qui est mis à la disposition des associés, l'article L. 236-27 du Code de commerce précise que, "en complément du respect des obligations prévues à l'article L. 2323-19 du Code du travail, le rapport [...] est mis à la disposition des délégués du personnel ou, à défaut, des salariés eux-mêmes, dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat". Bien que le texte ne l'affirme pas de manière expresse, il paraît légitime de considérer que le comité d'entreprise doit, lorsqu'il existe, être destinataire du rapport en cause.

Le décret aura, sans doute, à préciser le contenu de ce rapport (6) et les délais dans lesquels il doit être remis. En outre, ce même décret devrait entourer "de quelques précautions cet accès à des informations économiques essentielles, voire sensibles, sur l'activité et la situation des sociétés concernées, à un stade où le processus de fusion demeure encore à l'état de projet soumis aux actionnaires" (7). Relevons, enfin, que le rapport ne sera mis à la disposition des salariés eux-mêmes qu'en l'absence de représentants du personnel.

Pour le reste, la loi ne comporte aucune autre précision sur la consultation des représentants du personnel lors d'une opération de fusion transfrontalière. Sans doute, faudra-t-il se référer aux règles du droit commun pour combler ces lacunes. Certains problèmes, que la loi n'envisage pas, ne manqueront, cependant, pas de se poser. On pense, notamment, à l'articulation des consultations des institutions représentatives nationales et du comité d'entreprise européen existant éventuellement dans l'entreprise.

  • La participation des salariés comme condition à la fusion

L'article L. 236-28 du Code du commerce dispose, en son alinéa 1er, que "les associés qui décident la fusion peuvent subordonner la réalisation de celle-ci à leur approbation des modalités décidées pour la participation des salariés, au sens de l'article L. 2371-1 du Code du travail (N° Lexbase : L1198HI9), dans la société issue de la fusion transfrontalière".

Selon Madame Grosskost (rapport précité), cette disposition "permet aux associés français, non familiarisés au concept de participation des personnels à la gestion des sociétés, de subordonner le sort d'une fusion transfrontalière avec une société étrangère où une telle participation a cours, à leur approbation, dans le détail, des modalités de cette participation dans la société issue de la fusion. Ce faisant, les associés d'une société française fusionnant, par exemple, avec une société de droit allemand, seront fondés à assujettir leur accord définitif sur le rapprochement à leur acceptation du champ et de la nature de l'implication des salariés dans le fonctionnement de la nouvelle entité. Il s'agit là d'une précaution de bon sens, mais qui aura nécessairement des effets sur les délais de réalisation de la fusion".

Au-delà, le texte cité précédemment laisse, également, entendre qu'en l'absence de toute manifestation de volonté des associés, la fusion n'est pas subordonnée à l'adoption du dispositif relatif à la participation des salariés. Une telle assertion doit, cependant, être écartée, ne serait-ce que parce que le notaire ou le greffier du tribunal dans le ressort duquel la société issue de la formation sera immatriculée contrôle, notamment, que les modalités relatives à la participation des salariés ont été fixées conformément aux exigences légales (C. com., art. L. 236-30) (8).

Notons, enfin, qu'en vertu de l'article L. 236-32 du Code de commerce, "lorsque l'une des sociétés participant à l'opération mentionnée à l'article L. 236-25 est soumise à un régime de participation des salariés, et que tel est également le cas de la société issue de la fusion, cette dernière adopte une forme juridique permettant l'exercice de cette participation". Ainsi, et à titre d'exemple, toute SARL fusionnant avec une société de droit étranger associant les salariés à sa gestion et devant maintenir un tel mécanisme devra, lors de la définition des statuts de la nouvelle entité issue de la fusion, opter pour une forme sociale différente.

II - Participation des salariés dans la société issue d'une fusion transfrontalière

  • Dispositions générales

Tandis que les dispositions nouvelles relatives à l'information et à la consultation des représentants du personnel sur le projet de fusion transfrontalière figurent dans le Code de commerce (9), celles qui ont trait à l'organisation de la participation des salariés dans la société issue d'une telle fusion prennent place, classiquement, dans le Code du travail. A cette fin, le titre VII du livre III de la deuxième partie devient le titre VIII du même livre et les articles L. 2371-1 et L. 2371-2 deviennent respectivement les articles L. 2381-1 et L. 2381-2. La loi du 3 juillet 2008 rétablit, ensuite, le titre VII qui est, désormais, intitulé "Participation des salariés dans les sociétés issues de fusions transfrontalières" (10).

Le titre en cause s'applique :

- aux sociétés ayant leur siège en France issues d'une fusion transfrontalière mentionnée à l'article L. 236-25 du Code de commerce ;

- aux sociétés participant à une fusion transfrontalière et ayant leur siège en France ;

- aux filiales et établissements situés en France d'une société issue d'une fusion transfrontalière situe dans un autre Etat membre de la Communauté européenne (C. trav., art. L. 2371-1).

Le nouvel article L. 2371-2 du Code du travail dispose que la société issue d'une fusion transfrontalière n'est pas tenue d'instituer des règles relatives à la participation des salariés si, à la date de son immatriculation, aucune société participant à la fusion n'est régie par ces règles. On retrouve, ici, en quelque sorte, le fameux principe "avant-après", qui régit le dispositif d'implication des salariés dans la société européenne. De même, la participation dont il est, ici, question doit être entendue "au sens de l'article L. 2351-6 ", qui concerne, lui-même, la société européenne (C. trav., art. L. 2371-3, nouv.). Aux termes de cette disposition, "on entend par participation l'influence exercée par l'organe représentant les salariés ou par les représentants des salariés sur les affaires d'une société sous les formes suivantes :

- soit en exerçant leur droit d'élire ou de désigner certains membres de l'organe de surveillance ou d'administration de la société ;

- soit en exerçant leur droit de recommander la désignation d'une partie ou de l'ensemble des membres de l'organe de surveillance ou d'administration de la société ou de s'y opposer" (11).

La loi n'envisage que la participation des salariés au sens qui vient d'être décrit. Nulle référence n'est donc faite à l'information et à la consultation, telles qu'elles sont définies, à propos de la société européenne, par les articles L. 2351-4 et L. 2351-5 du Code du travail (12). En revanche, et s'agissant de la détermination des modalités concrètes de cette participation, on retrouve un schéma classique. Renvoi est, d'abord, fait à un accord conclu entre les dirigeants de sociétés participant à la fusion transfrontalière et les représentants des salariés. A défaut d'accord, des dispositions supplétives sont prévues par la loi (C. trav., art. L. 2371-3, nouv.). Une particularité importante doit, cependant, être relevée. En effet, en application du dernier alinéa de cette même disposition, les dirigeants participant à la fusion transfrontalière peuvent choisir de mettre en place, sans négociation préalable, les modalités de participation des salariés conformément aux dispositions supplétives de la loi. Une telle décision n'est donc nullement dépendante de l'échec des négociations, mais peut intervenir dès le début du processus de fusion. Il ne s'agit là que d'une reprise des dispositions de la Directive de 2005 (13).

Relevons, enfin, pour en terminer avec les dispositions générales, que le décompte des effectifs des sociétés participantes, filiales ou établissements concernés situés en France est effectué conformément à l'article L. 1111-2 du Code du travail (14).

  • Mise en place du groupe spécial de négociation

La mise en place d'un groupe spécial de négociation (GSN) n'est pas inéluctable. Tout d'abord, et nous l'avons vu, la participation des salariés peut être directement décidée par les représentants des sociétés parties à la fusion. Ensuite, il résulte de la loi que l'installation d'un GSN dépend de conditions précises. Partant, la participation des salariés dans la société issue de la fusion est, à titre de principe, mise en oeuvre "conformément aux dispositions des articles L. 225-28 à L. 225-56 (N° Lexbase : L5899AIC) et L. 225-79 à L. 225-93 (N° Lexbase : L5950AI9) du Code de commerce" (C. trav., art. L. 2372-1, al. 1er, nouv.), c'est-à-dire conformément au droit commun de la société anonyme, qui autorise les statuts à prévoir des membres du conseil d'administration ou du conseil de surveillance élus soit par le personnel de la société, soit par le personnel de la société et celui de ses filiales directes ou indirectes ayant leur siège en France.

La constitution d'un GSN, doté de la personnalité juridique, doit, en revanche, intervenir lorsque l'une des conditions suivantes est satisfaite :

- au moins une des sociétés participant à la fusion transfrontalière applique des règles relatives à la participation et emploie, pendant la période de six mois qui précède la publication du projet de fusion, au moins cinq cents salariés ;

- en application des articles L. 225-27 (N° Lexbase : L5898AIB) et L. 225-79 (N° Lexbase : L5950AI9) du Code de commerce, la société issue de la fusion transfrontalière ne garantit pas au moins le même niveau de participation des salariés, apprécié en fonction de la proportion de représentants parmi les membres du conseil d'administration, du conseil de surveillance ou du comité mentionné à l'article L. 2373-1 du présent code (N° Lexbase : L1200HIB), que le niveau de participation des salariés qui s'applique aux sociétés participant à la fusion transfrontalière (C. trav., art. L. 2372-1, nouv.) (15).

En tout état de cause, le GSN devra être institué "dès que possible" après la publication du projet de fusion. On peut regretter le caractère imprécis de cette disposition. On retrouve, cependant, la même exigence à propos du GSN de la société européenne .

La mission du GSN est définie par l'article L. 2372-2, nouveau. Celui-ci "détermine avec les dirigeants des sociétés participant à la fusion transfrontalière ou leur représentants, par un accord écrit, les modalités de la participation des salariés au sein de la société issue de la fusion".

  • Désignation, élection, statuts des membres et fonctionnement du GSN

La loi n'envisage pas de manière précise la désignation, l'élection et le statut des membres du GSN. Elle se contente de renvoyer sur ce point aux dispositions intéressant la société européenne (C. trav., art. L. 2372-3, nouv.).

S'agissant du fonctionnement du GSN, l'article L. 2372-4, nouveau, définit les conditions de majorité dans lesquelles doivent être prises les décisions au sein du GSN. Il prévoit que ce dernier prend ses décisions à la majorité absolue de ses membres, laquelle doit représenter, également, la majorité absolue des salariés des sociétés participantes, des filiales et établissements concernés (16).

Dans deux situations dérogatoires, les décisions du groupe spécial de négociation doivent, cependant, être prises à une majorité renforcée. Est, ainsi, requise la majorité des deux tiers des membres du groupe spécial de négociation, issus d'au moins deux Etats membres, représentant au moins les deux tiers des salariés des sociétés participantes, des filiales et établissements concernés :

- pour décider de ne pas engager les négociations ou de clore les négociations déjà engagées et de se fonder sur la réglementation relative à la participation en vigueur dans l'Etat membre où la société issue de la fusion transfrontalière aura son siège. Une telle décision aura, alors, pour effet de rendre inapplicables à la société issue de la fusion les dispositions du chapitre III du présent titre VII ;

- pour décider, lorsque la participation concerne au moins 25 % du nombre total de salariés des sociétés participantes, de fixer un nombre ou une proportion des membres de l'organe de surveillance ou d'administration par lequel les salariés exercent leurs droits à participation à un niveau inférieur à celui qui était le plus élevé au sein de l'une des sociétés participantes.

Ces dispositions ne sont pas sans rappeler celles qui régissent le fonctionnement du GSN de la société européenne. D'ailleurs, l'article L. 2372-5, alinéa 2, nouveau, renvoie, pour les autres modalités de fonctionnement du GSN, aux articles L. 2352-9 à L. 2352-12 et L. 2352-15 du Code du travail. Relevons, enfin, que l'alinéa 1er de l'article L. 2372-5 dispose qu'aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié en raison de sa participation à la prise d'une décision en application de l'article L. 2372-4 et que toute décision ou tout acte contraire à cette interdiction est nul de plein droit. On peut se demander si cette disposition était vraiment nécessaire dans la mesure où, ainsi que nous le verrons plus avant, les membres du GSN ont le statut de salarié protégé.

  • Contenu de l'accord

L'article L. 2372-6 définit le contenu minimum de l'accord conclu entre les dirigeants des sociétés participant à la fusion et le GSN. Celui-ci doit envisager :

- les sociétés participantes, les établissements et les filiales concernés par l'accord ;

- les modalités de participation ;

- la date d'entrée en vigueur de l'accord et sa durée ;

- les cas dans lesquels l'accord est renégocié et la procédure suivie pour sa renégociation.

Il est important de souligner qu'en application de l'article L. 2372-7, nouveau, du Code du travail, lorsqu'il existe plusieurs formes de participation au sein des sociétés participant à la fusion, seul le groupe spécial de négociation a compétence pour déterminer la forme de la participation qui s'appliquera dans la société issue de la fusion, les établissements et les filiales concernées. Il faut donc comprendre que la négociation entre les membres du GSN et les dirigeants des sociétés participant à la fusion ne portera que sur les modalités pratiques de mise en oeuvre de cette forme de participation (17).

  • Comité de la société issue de la fusion transfrontalière et participation des salariés en l'absence d'accord

Il convient, tout d'abord, de relever que, en vertu de l'article L. 2372-8, nouveau, du Code du travail, les dirigeants des sociétés participantes et le groupe spécial de négociation peuvent, d'un commun accord, décider d'appliquer les dispositions de référence prévues par la loi. Ces dispositions supplétives sont, également, applicables :

- lorsque, en application du second alinéa de l'article L. 2371-2, les dirigeants des sociétés qui fusionnent auront décidé de l'application de celle-ci, sans ouvrir les négociations ;

- lorsque, à l'issue de la période de négociation prévue à l'article L. 2352-9, aucun accord n'a été conclu et que le GSN n'a pas pris la décision prévue au deuxième alinéa de l'article L. 2372-4.

L'article L. 2373-2 du Code du travail conditionne l'immatriculation de la société issue de la fusion dans laquelle est institué le comité prévu par l'article L. 2373-1, à deux conditions alternatives :

- les parties ont décidé de rendre applicables à la société les dispositions du présent chapitre III, ainsi que du chapitre IV ;

- ou les dirigeants des sociétés participantes s'engagent à en faire application.

Ainsi que nous l'avons relevé précédemment, cette disposition répond au souci exprimé par les auteurs de la Directive 2005/56/CE, que la société issue d'une fusion transfrontalière ne puisse être définitivement instituée sans que les mécanismes de participation des salariés aient été effectivement déterminés.

L'article L. 2373-3, nouveau, du Code du travail définit les attributions, la composition et le fonctionnement du comité créé au sein de la société issue de la fusion transfrontalière, par renvoi aux dispositions relatives au comité de la société européenne, pour ce qui concerne "la mise en oeuvre des modalités de la participation des salariés telle que définie à l'article L. 2351-6".

  • Participation des salariés au conseil d'administration et de surveillance

Le régime "légal" de la participation des salariés au conseil d'administration et de surveillance est déterminé par les articles L. 2373-4 et suivants du Code du travail. Ce dernier texte rend obligatoire un examen comparatif des différents systèmes nationaux de participation des salariés appliqués dans les différentes sociétés qui fusionnent.

Cette exigence devra être suivie dans deux hypothèses. Tout d'abord, lorsque la participation des salariés au sein des sociétés participant à la constitution de la société issue d'une fusion transfrontalière concerne une proportion du nombre total des salariés employés par les sociétés participantes au moins égale à un tiers d'entre eux. Ensuite, lorsque ce seuil n'est pas atteint et que le groupe spécial de négociation en a, ainsi, décidé.

Si une seule forme de participation des salariés existe au sein des sociétés participantes, ce système sera appliqué à la société issue de la fusion transfrontalière en retenant, pour sa mise en place, la proportion ou, selon le cas, le nombre le plus élevé de membres concernés par les droits à participation au sein de l'organe d'administration ou de surveillance. Si plusieurs formes de participation des salariés existent au sein des sociétés participantes, le GSN détermine laquelle de ces formes est instaurée dans la société issue de la fusion transfrontalière (C. trav., art. L. 2373-5). Si le GSN ne parvient pas à se décider, il appartient aux seuls dirigeants des sociétés participant à la fusion transfrontalière de déterminer la forme de participation applicable (18). En tout état de cause, il est toujours retenu, pour la mise en place du système applicable, la proportion ou le nombre le plus élevé de membres de l'organe d'administration ou de surveillance concernés par les droits à participation des salariés (C. trav., art. L. 2373-6, al. 2, nouv.)

L'article L. 2373-7, nouveau, du Code du travail détermine les modalités selon lesquelles sera mise en oeuvre la forme de participation des salariés retenue dans le cadre de la société issue de la fusion transfrontalière. Celles-ci varient selon la forme choisie.

  • Dispositions applicables postérieurement à l'immatriculation de la société issue de la fusion transfrontalière

Compte tenu de la création de nouvelles instances de représentation du personnel dans la société issue d'une fusion transfrontalière et afin d'éviter une superposition des institutions, l'article L. 2374-1, nouveau, du Code du travail prévoit que postérieurement à l'immatriculation de la société, il pourra être revenu sur les institutions représentatives existant antérieurement à l'immatriculation soit par accord collectif, soit par accord avec le GSN.

Il convient, par ailleurs, de faire mention des articles L. 2374-3, obligeant les salariés siégeant au sein de l'organe de gestion de la société issue de la fusion au secret professionnel et à l'obligation de discrétion et L. 2374-4, étendant, à ces mêmes salariés, le bénéfice de la protection instituée par l'article L. 225-33 du Code de commerce (N° Lexbase : L5904AII) (19).

  • Dispositions finales

Afin d'assurer le respect des dispositions contraignantes de la loi, le législateur a classiquement recours au délit d'entrave. Plus précisément, l'article L. 2375-1 dispose que "le fait d'apporter une entrave soit à la consultation d'un groupe spécial de négociation ou d'un comité de la société issue de la fusion transfrontalière mis en place ou non par accord, soit à la libre désignation de leurs membres, soit à leur fonctionnement régulier est puni d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 3 750 euros".

De même, et sans entrer dans le détail, les articles 4, 5 et 6 de la loi apporte, de manière très classique, des modifications à plusieurs articles du Code du travail, afin d'assurer une protection effective des salariés membres du groupe spécial de négociation ou du comité de la société issue d'une fusion transfrontalière ou de la société coopérative européenne.

Il convient, enfin, de relever que, en application de l'article 7 de la loi sous examen, les dispositions qui viennent d'être décrites sont applicables aux opérations de fusion dont le traité est signé après la publication de la loi.


(1) Il s'agit de la Directive (CE) 2005/56 du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005, sur les fusions transfrontalières des sociétés de capitaux (N° Lexbase : L3532HD8) et de la Directive (CE) 2006/46 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2006, modifiant les Directives du Conseil 78/660/CEE, concernant les comptes annuels de certaines formes de sociétés, 83/349/CEE concernant les comptes consolidés, et 86/635/CEE, concernant les comptes annuels et les comptes consolidés des banques (N° Lexbase : L5114HKM).
(2) Le volet social du dispositif a fait l'objet de la loi n° 2008-89 du 30 janvier 2008, relative à la mise en oeuvre des dispositions communautaires concernant le statut de la société coopérative européenne et la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur (N° Lexbase : L7902H33). V. nos obs., Précisions sur le statut de la société coopérative européenne et la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur, Lexbase Hebdo n° 291 du 7 février 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N8741BD4). On reste dubitatif quant à la dissociation de ces deux textes.
(3) Voir les obs. de V. Téchené, Présentation de la loi portant diverses dispositions d'adaptation du droit des sociétés au droit communautaire, Lexbase Hebdo n° 312 du 9 juillet 2008 - édition privée (N° Lexbase : N5221BGH).
(4) A. Grosskost, Rapport fait au nom de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'Administration générale de la République.
(5) Rappelons que, dans les entreprises de plus de cinquante salariés dépourvues de comité d'entreprise, ses prérogatives économique sont de droit exercées par les délégués du personnel . L'article L. 236-27 du Code de commerce pourrait être interprété comme renvoyant à cette disposition, ce qui, il est vrai, serait redondant.
(6) L'article 7 de la Directive prévoit que le rapport établi par les organes de direction et d'administration de chacune des parties explique et justifie les aspects juridiques et économiques de la fusion et en expose les conséquences pour les salariés.
(7) A. Grosskost, rapp. préc..
(8) On retrouve, ici, un mécanisme en vigueur dans la société européenne, qui ne peut être immatriculé que si un dispositif de participation des salariés a été arrêté. V. aussi, infra.
(9) Ce qui peut apparaître quelque peu surprenant.
(10) Article 3 de la loi du 3 juillet 2008. Cet article vise à transposer les prescriptions de l'article 16 de la Directive du 26 octobre 2005, relatives à la participation des salariés de la société absorbante ou issue de la fusion transfrontalière aux travaux des organes sociaux de celle-ci. La Directive 2005/56/CE prévoit que les salariés bénéficiant d'un régime de participation avant la fusion transfrontalière doivent pouvoir continuer à en jouir après l'achèvement de l'opération, au moins lorsque leur nombre dépasse 500 pendant les six mois précédant l'élaboration du projet de fusion. Elle prescrit, notamment, que le niveau de participation ne saurait être inférieur dans la société absorbante ou issue de la fusion à ce qu'il était dans l'une des parties à la fusion ; de même, cette participation doit être élargie aux travailleurs des établissements situés dans d'autres Etats membres que celui du siège statutaire.
(11) Se voulant, sans doute, rassurante à l'égard de certains, Madame Grosskost relève qu'"une telle définition ne remet nullement en cause le principe selon lequel, en droit français, les décisions économiques concernant les sociétés sont prises par leur direction. On se trouve donc loin de l'introduction subreptice d'une cogestion à l'allemande, même si une attention particulière est apportée au respect du rôle et de l'avis des représentants des salariés".
(12) Cela est, à dire vrai, logique dans la mesure où l'information et la consultation des représentants du personnel résulteront de l'application des dispositions nationales.
(13) L'article 16 de la Directive 2005/56/CE, lequel prévoit que, "lorsqu'ils réglementent les principes et les procédures visés au paragraphe 3, les Etats membres [...] accordent aux organes compétents des sociétés participant à la fusion le droit de choisir, sans négociation préalable, d'être directement soumis aux dispositions de référence relatives à la participation [...], telles que fixées par la législation de l'Etat membre dans lequel le siège statutaire de la société issue de la fusion transfrontalière sera établi, et de respecter ces dispositions à compter de la date d'immatriculation".
(14) L'article L. 2371-5 précise que "les dispositions d'application du présent titre relatives à la procédure applicable aux litiges et aux informations transmises à l'inspection du travail en cas de constitution de la société issue de la fusion transfrontalière sont déterminées par décret en Conseil d'Etat".
(15) Cette disposition est, évidemment, très importante en ce qu'elle garantit que l'absence de négociation ne doit pas nuire aux droits "acquis" des salariés en matière de participation antérieurement à la fusion.
(16) Cette exigence tend à assurer que la majorité des salariés aura accepté les modalités de participation devant s'appliquer dans la société issue de la fusion, ainsi que dans ses filiales et établissements. Chaque membre dispose d'une voix.
(17) V., dans le même sens, à propos de la société européenne, l'article L. 2352-19 du Code du travail .
(18) C. trav., art. L. 2373-6, al. 1er, nouv. Cet alinéa vise "l'accord" du GSN, ce qui est trompeur, dans la mesure où, rappelons-le, la décision appartient au seul GSN, à l'exclusion de toute négociation avec les représentants des sociétés employeurs.
(19) Notons, encore, que l'article L. 2374-2 établit une règle destinée à protéger, pendant trois ans, le régime de participation institué dans le cadre de la fusion transfrontalière.

newsid:327055

Immobilier et urbanisme

[Chronique] Chronique en droit immobilier - juillet 2008 (seconde partie)

Lecture: 5 min

N7049BG8

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3210456-edition-n-315-du-31072008#article-327049
Copier

par Marine Parmentier, Avocat à la cour d'appel de Paris

Le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition privée générale vous propose de retrouver, cette semaine, la chronique en droit immobilier de Marine Parmentier, Avocat à la cour d'appel de Paris (1). Au premier plan de cette chronique se trouve un arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation, le 17 juin dernier, et qui retient que l'exercice d'un droit de préemption, fût-il abusif, ne saurait constituer le refus du bénéfice d'un droit accordé par la loi. Egalement à l'honneur cette semaine, un arrêt du 2 juillet 2008 aux termes duquel la troisième chambre civile rappelle que, lors de l'acquisition d'un bien immobilier par une personne interposée, il appartient aux juges du fond de rechercher si le mandataire n'est pas le réel acquéreur.
  • L'exercice d'un droit de préemption, fût-il abusif, ne saurait constituer le refus du bénéfice d'un droit accordé par la loi et, partant une discrimination commise par une personne dépositaire de l'autorité publique au sens de l'article 432-7 du Code pénal (Cass. crim., 17 juin 2008, n° 07-81.666, FS-P+F+I N° Lexbase : A6443D9I) :

Au visa des articles 111-4 (N° Lexbase : L2255AMH) et 432-7 (N° Lexbase : L0476DZN) du Code pénal, la Chambre criminelle de la Cour de cassation précise que l'exercice d'un droit de préemption, fût-il abusif, ne saurait constituer le refus du bénéfice d'un droit accordé par la loi et ne peut donc constituer le délit de discrimination commis par une personne dépositaire de l'autorité publique.

En l'espèce, les époux G., qui avaient conclu un compromis de vente en vue de l'acquisition d'un bien immobilier, avaient porté plainte et s'étaient constitués parties civiles contre le maire de la commune, au motif que celui-ci avait fait obstacle à la réalisation de la vente en exerçant de façon abusive le droit de préemption lui ayant été délégué en application des dispositions de l'article L. 2122-22 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L7984HWM). Le maire, renvoyé devant le tribunal correctionnel sur le fondement du délit prévu par l'article 432-7 du Code pénal, a été déclaré coupable de cette infraction par les premiers juges et condamné à des réparations civiles. La cour d'appel confirmait le jugement et précisait qu'en raison de la consonance du nom des acheteurs laissant supposer leur origine étrangère, le prévenu avait commis une discrimination en refusant aux parties civiles le droit d'acquérir la propriété d'un immeuble et de fixer librement le lieu de leur résidence.

Le maire de la commune s'est alors pourvu en cassation. Il faisait, notamment, valoir à l'appui de son pourvoi que le refus du bénéfice d'un droit résulte d'une décision entraînant une impossibilité de bénéficier d'un droit et non de la seule entrave à l'exercice de ce droit. Il rappelait qu'en l'espèce, il avait renoncé à la préemption exercée sur le bien avant l'expiration du compromis de vente : en renonçant au bénéfice du droit de préemption avant l'expiration du compromis de vente, l'acte du maire n'aurait pas empêché les parties civiles d'acquérir le bien, mais aurait seulement retardé la réalisation de la vente, ce qui ne constituait pas le refus du bénéfice d'un droit.

Il sera rappelé qu'il résulte de l'article 432-7 du Code pénal que la discrimination commise à l'égard d'une personne physique ou morale par une personne dépositaire de l'autorité publique, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission, est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende lorsqu'elle consiste à refuser le bénéfice d'un droit accordé par la loi ou à entraver l'exercice normal d'une activité économique quelconque.

C'est, en l'espèce, sur le premier cas visé par ce texte que la Cour de cassation fonde sa décision. Elle estime, visant également le principe d'interprétation stricte de la loi pénale (C. pén., art. 111-4), que l'exercice d'un droit de préemption, fût-il abusif, ne saurait constituer le refus du bénéfice d'un droit accordé par la loi.

La Cour de cassation avait déjà eu l'occasion de préciser que la vente d'un bien immobilier par un particulier à un autre ne caractérise pas l'exercice d'une activité économique au sens de l'article 432-7, 2°, du Code pénal : dès lors, il n'y a pas lieu de condamner sur ce fondement le maire d'une commune qui aurait exercé des pressions sur le vendeur d'un terrain en raison de l'appartenance de l'acquéreur à la communauté des gens du voyage (Cass. crim., 24 mai 2005, n° 04-87.490, FS-P+F N° Lexbase : A5659DIG).

  • Acquisition d'un bien immobilier par personne interposée : il appartient aux juges du fond de rechercher si le mandataire n'est pas le réel acquéreur (Cass. civ. 3, 2 juillet 2008, n° 07-15.509, FS-P+B N° Lexbase : A4899D9C) :

En l'espèce, le 9 avril 2004, le propriétaire d'un bien immobilier avait donné à la société L., agent immobilier, mandat non exclusif de vendre un immeuble au prix de 390 000 euros, comprenant le montant de la commission, fixé à 15 000 euros.

Le 2 septembre 2004, il avait donné à la société D., agent immobilier, mandat non exclusif de vendre le même bien au prix de 401 000 euros, dont 19 000 euros de commission. Le 7 octobre 2004, le second agent immobilier a fait parvenir à son mandant un compromis de vente au prix de 401 000 euros, signé par le gérant de la société civile immobilière A., qui était également le gérant de la société D.. Néanmoins, le 22 octobre 2004, le propriétaire devait informer la société D. qu'ayant retenu une autre offre négociée par la société L., premier agent immobilier mandaté, elle ne donnait pas suite à l'offre de la SCI A. et résiliait le mandat.

La société D., second agent immobilier, assignait alors le propriétaire mandant en paiement de dommages-intérêts correspondant au montant de la commission.

Il lui appartenait de démontrer que le compromis présenté au vendeur était valable. Pour faire droit à cette demande, les premiers juges avaient estimé que le mandataire, agent immobilier, n'était pas l'acquéreur du bien mais que cet acquéreur était la SCI A., personne morale différente de la première même si elles ont toutes les deux le même dirigeant.

Rappelons en effet que, en vertu de l'article 1596 du Code civil (N° Lexbase : L6506HWU), les mandataires ne peuvent se rendre adjudicataires, sous peine de nullité, ni par eux-mêmes, ni par personnes interposées, des biens qu'ils sont chargés de vendre.

La Cour de cassation estime, au visa de ce texte qu'il appartenait à la cour d'appel de rechercher si la société D., mandataire, dont elle relevait qu'elle avait le même gérant et le même siège social que la SCI A., ne s'était pas portée acquéreur, par personne morale interposée, du bien qu'elle était chargée de vendre.

Les premiers juges avaient, également, estimé qu'à supposer qu'une nullité puisse être encourue, cette nullité de l'acte aurait été couverte par l'acquiescement du propriétaire, dans la mesure où ce dernier n'aurait pu ignorer l'identité de dirigeants puisque le mandat qu'elle avait reçu était signé par le dirigeant de la SCI A., qui s'était donc portée acquéreur, qui était aussi le gérant de la société D., agent immobilier.

Il n'aurait pu prétendre, selon les premiers juges, ne pas avoir fait le rapprochement entre le nom de l'agence à laquelle elle avait donné un mandat de vente et le nom du représentant de son acquéreur, ces deux sociétés ayant au surplus leur siège à la même adresse.

Au visa de l'article 1338 du Code civil (N° Lexbase : L1448ABA), la Cour de cassation censure l'arrêt d'appel et précise que la confirmation d'un acte nul exige à la fois la connaissance du vice l'affectant et l'intention de le réparer. La réalisation de ces conditions ne pouvait résulter de la connaissance, avant la conclusion de l'acte, de l'identité de dirigeants de la société mandataire et de la société acquéreur.


(1) Voir, Chronique en droit immobilier - juillet 2008 (première partie), Lexbase Hebdo n° 313 du 17 juillet 2008 - édition privée générale (N° Lexbase : N6523BGP).

newsid:327049

Fiscalité des entreprises

[Jurisprudence] L'aide apportée par une mère aux associés majoritaires d'une filiale contraints de cautionner les engagements de celle-ci à l'épreuve de l'acte anormal de gestion

Réf. : CE 3° et 8° s-s-r., 30 juin 2008, n° 291710, Société civile du groupe Comte (N° Lexbase : A4491D99)

Lecture: 11 min

N7102BG7

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3210456-edition-n-315-du-31072008#article-327102
Copier

par Guy Quillévéré, Commissaire du Gouvernement près le tribunal administratif de Nantes

Le 07 Octobre 2010

Par une décision du 30 juin 2008, le Conseil d'Etat a jugé que ne constitue pas un acte anormal de gestion, la prise en compte par une société dénommée Gestion du Groupe Serre (GGS), filiale de la société tête de groupe, la société civile du groupe Comte, des dettes des associés majoritaires de sa propre filiale à 91,4 %, la société Serres et Pilaire, nées d'un engagement de caution contracté à son profit par les associés majoritaires.

Les faits sommairement résumés de l'espèce étaient les suivants : la société Serres et Pilaire, dont l'objet social était le transport de marchandise et le transit douanier, devait, en application de la législation douanière se porter garante en paiement des droits de douane dus par les importateurs et fournir à ce titre une caution bancaire. En contrepartie de celle-ci et des autres concours financiers accordés à la société, les banques ont exigé la caution personnelle des associés, M. et Mme Pierre-Yves C. et Mme Hélène S.. La société Serres et Pilaire est devenue en 1983, une filiale à 91,4 % de la société de Gestion du Groupe Serres (la société GGS), mais la Société générale a continué à exiger le cautionnement personnel et solidaire de M. et Mme C. et Mme S. pour garantir la bonne fin des engagements de la société Serres et Pilaire. Par une délibération de son assemblée générale du 4 août 1983, la société GGS s'est alors engagée à rembourser à chacun des associés s'étant porté caution le montant des dettes qu'il serait obligé de payer à raison de cet engagement de caution et dans la mesure de ses disponibilités à en supporter le règlement. Consécutivement à une défaillance de la société Serres et Pilaire, la Société générale a pris des mesures conservatoires à l'encontre des cautions solidaires avant que n'intervienne, le 29 juillet 1993, un accord transactionnel ramenant la créance de la banque de 5 024 766 francs (766 020 euros), hors intérêts, à 3 500 000 francs (533 571 euros) pour solde de tout compte. La société GGS a payé cette somme en ayant partiellement recours à l'emprunt. A l'occasion d'une vérification de comptabilité de la société GGS, l'administration fiscale a estimé que ce paiement et les charges en résultant ne relevaient pas d'une gestion commerciale normale et a notifié les redressements à ce titre à la société civile du groupe Comte, société mère de la société GGS en sa qualité de redevable de l'IS dû par le groupe.

L'intérêt de l'arrêt est de dire que l'engagement d'une société à prendre en charge le montant des dettes que chacun des associés de sa fille sera tenu de payer à raison de son engagement de caution, que cet associé soit ou non en mesure d'honorer cet engagement, n'a pas pour objet de mettre la caution à l'abri d'une action des banques, l'entreprise qui prend en charge les dettes, agissant alors dans son intérêt propre, dès lors que l'engagement de caution est une condition de la poursuite de l'exercice de l'activité de sa fille. Le Conseil d'Etat tient compte, dans son arrêt du 30 juin 2008, de la situation dans laquelle un dirigeant a été obligé d'accepter de souscrire un engagement personnel au profit d'une société, la banque subordonnant l'octroi de crédit à cette seule situation. En ne retenant pas l'acte anormal de gestion, le Conseil d'Etat revient sur sa jurisprudence en date du 22 avril 1985 (CE, 22 avril 1985, n° 45813, Ministre du budget c/ SA "Héli-Union" N° Lexbase : A2961AMM) dans laquelle il avait jugé que la prise en charge par une société mère des dettes de sa filiale constituait, en l'espèce, un avantage anormal consenti à un actionnaire qui s'était porté personnellement caution de ces dettes alors qu'elle ne lui avait pas demandé d'exécuter son engagement de caution et que l'avantage ne comportait pas de contrepartie appréciable pour elle.

Ainsi, l'arrêt du Conseil d'Etat du 30 juin 2008 atténue-t-il les conséquences, pour l'associé, de l'exécution d'un engagement de caution consenti pour qu'une société fille puisse conduire une activité (1) tout en reconnaissant la déductibilité des charges nées de la subrogation de la société mère aux actionnaires majoritaires de sa fille dans la gestion des conséquences de l'exécution de l'engagement de caution (2).

1. Un régime restrictif de déduction des sommes versées par un associé dans le cadre de l'exécution d'un engagement de caution

Les sommes versées en exécution d'un engagement de caution ne sont pas déductibles de son revenu global par l'associé lorsque ce sont des dettes en capital (1.1) ; la prise en charge de celles-ci par une société mère atténue le poids de la fiscalité pesant sur l'associé (1.2).

1.1. Les sommes versées par les administrateurs et les associés (ou actionnaires) non salariés en exécution de leur engagement de caution sont des pertes en capital

La société Serres et Pilaire a pour objet social le transport de marchandises et le transit douanier. Elle devait, en application de la législation douanière, se porter garante du paiement des droits de douane dus par les importateurs et fournir à ce titre une caution bancaire. En contrepartie de celle-ci et des autres concours financiers accordés à la société, les banques exigeaient la caution personnelle de ses associés, M. et Mme Pierre-Yves C. et Mme Hélène S.. Si les associés qui peuvent prétendre rester étrangers aux concours bancaires sollicités par la société dont ils détiennent une part du capital, en l'espèce, cette obligation était imposée par la loi aux associés. Seule la bonne marche de l'affaire permettait donc aux associés de préserver une part de leur capital. La caution jouait simplement le rôle de sûreté personnelle. Le régime fiscal de la déduction des dettes contractées lors de l'exécution d'un engagement de caution est nuancé. Lors de l'exécution d'un engagement de caution, les sommes versées peuvent, sous conditions, être déduites du revenu global de l'associé salarié. Dans un arrêt rendu le 14 juin 2007, la cour administrative d'appel de Lyon a ainsi admis la déductibilité des sommes versées par un dirigeant en vertu d'un engagement de caution dans le cas où le dirigeant est indirectement, et non directement, rémunéré par la société bénéficiaire de cet engagement (CAA Lyon, 5ème ch., 14 juin 2007, n° 04LY00903, M. Henry Valdebouse N° Lexbase : A3587DYI).

Le juge reconnaît la déductibilité des sommes versées par un dirigeant salarié sous certaines conditions (CE 9° et 10° s-s-r., 4 août 2006, n° 268127, M. Estager N° Lexbase : A7940DQ7 ; CE, 19 octobre 1992, n° 85227, M. Degraeve N° Lexbase : A7809ARN et CE, 19 octobre 1992, n° 95580, M. Villenave N° Lexbase : A7810ARP : RJF, 12/92, n° 1606). Ainsi, si les dispositions des articles 13 (N° Lexbase : L1050HLH) et 83-3° (N° Lexbase : L2480HZU) du CGI permettent au dirigeant salarié d'une société de déduire de son revenu imposable de l'année au cours de laquelle il en a effectué le versement des sommes payées en exécution d'un engagement de caution souscrit en faveur d'un tiers tel une société filiale de celle qu'il dirige, c'est à la condition, non seulement que l'apport de cette caution se rattache directement à sa qualité de dirigeant, ait été consenti en vue de servir les intérêts de la société qu'il dirige et n'ait pas été hors de proportion avec les rémunérations perçues de celle-ci, mais, en outre, que l'intéressé justifie que ladite société n'était pas en mesure de se porter, elle-même, caution, et que ses activités pouvaient être mises en péril par une éventuelle défaillance de la débitrice principale, de sorte que, s'il s'est personnellement porté caution, c'est afin de préserver ses propres rémunérations. Toutefois, en présence d'un dirigeant ou d'un associé non salarié d'une société, les sommes versées en exécution d'un engagement de caution souscrit n'ouvre pas droit à déduction, ces frais n'étant pas regardés comme des dépenses engagées pour la conservation de revenus de capitaux mobiliers mais comme des pertes en capital. De même, la situation de la caution est plus favorable fiscalement que celle du salarié qui règle spontanément des dettes sociales qui ne sont pas alors regardées comme une dépense en vue de l'acquisition ou de la conservation du revenu salarial au sens de l'article 13 du CGI, ni comme l'engagement de frais inhérents à la fonction au sens de l'article 83 du même code.

1.2. Un engagement de la société mère allégeant, pour les associés de la fille, les conséquences fiscales nées de l'engagement de caution

La société Serre et Pilaire est devenue en 1983 filiale à 91,4 % de la société de gestion du groupe Serres (la société GGS). Toutefois, la Société générale a continué d'exiger le cautionnement personnel et solidaire de M. et Mme C. et de Mme S., actionnaires majoritaires de la société GGS, pour garantir la bonne fin des engagements de la société "Serres et Pilaire". Ainsi, nonobstant la consolidation des capitaux propres née de la filialisation, la banque a maintenu les sûretés demandées. Par une délibération de son assemblée générale du 4 août 1983, la société GGS s'est alors engagée à rembourser à chacun des associés s'étant porté caution le montant de dettes qu'il serait obligé de payer à raison de cet engagement de caution et dans la mesure de ses disponibilités à en supporter le règlement.

Cet engagement a été pris en raison de l'intérêt que la société GGS avait au maintien de l'activité de sa fille. L'engagement de caution a pour seul but de prémunir le créancier contre le risque d'insolvabilité du débiteur principal et ne produit aucun effet vis-à-vis des tiers, seule la banque pouvant mettre l'associé en demeure de payer, ce qu'elle a d'ailleurs fait. On peut alors comprendre que la société ait intérêt à permettre aux associés de faire face à cette obligation. La société mère est, d'une certaine manière, d'autant plus fondée à le faire que le cautionnement naît de l'application de la législation douanière et que le respect de cette obligation détermine et conditionne l'activité de la fille.

Toutefois, en prenant en charge les dettes de ses associés, la société GGS s'exposait à se voir redresser sur le terrain de l'acte anormal de gestion dès lors qu'elle décidait de déduire les intérêts d'emprunt du prêt contracté pour faire face aux dettes nées de cet engagement de caution (CE 7° et 9° s-s-r., 5 juin 1985, n° 34792).

2. La déductibilité d'une charge née de l'exécution d'un engagement pris à l'égard des associés n'est pas nécessairement constitutive d'un acte anormal de gestion

Ce n'est que dans le cas ou l'acte aurait eu pour unique objet de procurer un avantage à l'associé qu'il serait anormal (2.1), mais en l'espèce, la substitution de la mère aux associés dans le paiement de leur dette a pour contrepartie la poursuite de l'activité de la filiale (2.2).

2.1. Une substitution possible aux associés dans la charge de leurs dettes en application d'une délibération de l'assemblée générale

Postérieurement à la défaillance de la société Serres et Pilaire, la Société générale a pris des mesures conservatoires à l'encontre des cautions solidaires avant que n'intervienne un accord transactionnel ramenant la créance de la banque de 5 024 766 francs (766 020 euros euros) hors intérêts à la somme de 3 500 000 francs (533 571 euros) pour solde de tout compte. La société GGS a alors payé cette somme pour partie en ayant recours à l'emprunt. Le service a estimé que ce paiement ne relevait pas d'une gestion commerciale normale et a notifié des redressements à ce titre à la société civile du groupe Comte, société mère de la société GGS, en sa qualité de redevable de l'IS dû par le groupe.

Il est de jurisprudence constante que l'engagement de caution souscrit en faveur de sa mère par une filiale constitue un acte anormal de gestion s'il n'a pas été souscrit dans l'intérêt de la filiale "consentante" (CE, 27 avril 1988, n° 57048, SA "Entreprise du Centre" N° Lexbase : A6689APG : RJF, 6/88, n° 707). De même, les intérêts de l'emprunt qu'une filiale a dû contracter pour exécuter l'engagement de caution qu'elle a souscrit en faveur de la mère, ainsi que la provision qu'elle a constituée à raison des difficultés réelles du recouvrement de la créance qu'elle détient sur la mère par voie de subrogation, ne sont pas déductibles dès lors que l'engagement de caution qui en est la cause, constitue un acte anormal de gestion (CE 7° et 9° s-s-r., 27 avril 1988, n° 57048 ; CE, 14 novembre 1970, n° 77214 N° Lexbase : A0332B8S : Dupont, 1971, p. 73 ; CE plénière, 24 mars 1978, n° 2628 N° Lexbase : A5160AIX : RJF, 5/78, n° 224).

La substitution des engagements pris en application de la délibération en date du 4 août 1983 s'effectue, en l'espèce, sans rechercher au préalable une exécution des associés de leur engagement de caution, ni s'assurer de leur incapacité à respecter une exécution de leur engagement. Ce qui est apprécié c'est seulement l'intérêt propre de la mère.

2.2. L'intérêt de la société GGS : le maintien des cautions personnelles des associés pour faciliter l'activité de la filiale

Si l'intérêt pour la société GGS ne peut se trouver du côté de l'existence d'un intérêt de groupe, il peut sans doute être replacé sur le terrain du risque pris pour permettre la poursuite de l'activité de la filiale. L'engagement de caution souscrit par les associés de la filiale l'était sans doute dans l'intérêt du groupe, mais le Conseil d'Etat n'apprécie l'existence de l'intérêt que par rapport à celui de la filiale. La notion de groupe demeure encore une notion aux contours imprécis en droit fiscal.

Il en va autrement sur le terrain du risque. Le Haut conseil avait, ainsi, déjà jugé, en 1983, que le fait, pour un agent immobilier spécialisé dans les transactions sur fonds de commerce qui se charge en qualité d'intermédiaire financier, pour favoriser le développement des transactions, de mettre en relation des prêteurs de capitaux avec des acquéreurs de fonds de commerce qui désirent emprunter, de se substituer aux emprunteurs défaillants ne constitue pas un acte anormal de gestion dès lors que cette pratique a pour intérêt le développement de son entreprise et ne lui fait pas courir un risque manifestement exagéré (CE, 28 septembre 1983, n° 34626 N° Lexbase : A1280AMD).

Par ailleurs, dans son arrêt du 22 avril 1985, le Conseil d'Etat avait regardé le fait que l'actionnaire majoritaire se soit porté caution de certains engagements comme suffisant à transformer en acte anormal une intervention en elle-même légitime (une mère venant en aide à une filiale en difficulté). La Haute juridiction semble abandonner cette position en considérant que la prise en charge des dettes contractées dans le cadre de l'engagement de caution n'a pas eu pour but uniquement de procurer un avantage aux associés. Ajoutons que la circonstance que l'associé ait été contraint de souscrire des engagements personnels au profit d'une société alors que la Société générale subordonnait l'octroi de crédit au respect de cette condition a sans doute son importance dans la solution adoptée.

newsid:327102

Libertés publiques

[Jurisprudence] Quelle libre circulation pour les conducteurs ?

Réf. : CJCE, 26 juin 2008, aff. C-334/06, Matthias Zerche c/ Landkreis Mittweida (N° Lexbase : A3213D9U), et aff. C-329/06, Arthur Wiedemann c/ Land Baden-Württemberg (N° Lexbase : A3212D9T)

Lecture: 14 min

N7033BGL

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3210456-edition-n-315-du-31072008#article-327033
Copier

par Olivier Dubos, Professeur de droit public à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

Les implications de la réalisation du marché intérieur sont évidemment multiples et ne revêtent pas seulement un caractère économique, puisque les travailleurs salariés et indépendants sont d'abord des personnes. Le droit communautaire s'intéresse donc à tous les obstacles susceptibles d'entraver la libre circulation des citoyens sur le territoire de l'Union européenne. Le cas du permis de conduire apparaît tout à fait topique. Avant que ne soit adoptée une législation européenne en ce domaine, la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) avait estimé que n'était pas incompatible avec le droit communautaire le fait qu'un Etat membre exige des ressortissants des autres Etats membres résidants sur son territoire, pour la conduite des automobiles, l'obtention d'un permis de conduire national, même si ces derniers sont d'ores et déjà titulaires d'un permis de leur Etat d'origine (CJCE, 28 novembre 1978, aff. C-16/78, Procédure pénale c/ Michel Choquet N° Lexbase : A5704AUS, Rec., p. 2293). Pour justifier une telle solution, la Cour de justice avait souligné que ce domaine relevait de la sécurité publique et qu'il existait une grande disparité des législations. Dans un premier temps, un dispositif normatif d'harmonisation et de reconnaissance mutuelle a été élaboré dans le cadre de la politique des transports . A, ainsi, été adoptée une première Directive (Directive 80/1263/CE du Conseil, du 4 décembre 1980, relative à l'instauration d'un permis de conduire communautaire N° Lexbase : L7328IAN, JO, n° L 375 du 31 décembre 1980, p. 1) qui procédait à une harmonisation des systèmes nationaux de délivrance des permis de conduire et des conditions de leur validité, mais aussi des catégories de véhicules. Cette Directive avait, également, établi un modèle communautaire de permis et institué un système de reconnaissance mutuelle par les Etats membres des permis de conduire et d'échange de ces derniers, lorsque les titulaires transféraient leur résidence ou leur lieu de travail d'un Etat membre à un autre.

Dans le cadre de cette législation, la Cour de justice avait estimé qu'il était possible pour un Etat membre d'exiger que le titulaire d'un permis de conduire délivré par un autre Etat membre échange ce permis contre un permis de l'Etat d'accueil, dans un délai d'un an à compter de l'établissement de sa résidence habituelle sur le territoire de cet Etat (CJCE, 29 février 1996, aff. C-193/94, Procédures pénales c/ Sofia Skanavi et Konstantin Chryssanthakopoulos N° Lexbase : A0073AWM, Rec., p. I-929).

Dans un deuxième temps, a été élaborée la Directive 91/439/CE du Conseil, du 29 juillet 1991, relative au permis de conduire (N° Lexbase : L7606AUA) (JO n° L 237 du 24 août 1991) qui a perfectionné l'harmonisation des législations nationales, afin que puisse être pleinement reconnu le principe de la reconnaissance mutuelle. Les acquis des Directives 80/1263/CE et 91/439/CE ont d'ores et déjà fait l'objet d'une transposition en droit français aux articles R. 222-1 (N° Lexbase : L5391AWL) et suivants du Code de la route, qui distinguent différentes catégories de véhicules auxquelles correspondent des permis différents.

Dans un troisième temps, le dispositif communautaire a fait l'objet d'une refonte relativement récente qui a essentiellement consisté à réviser le dispositif relatif à la délivrance des permis (Directive 2006/126/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006, relative au permis de conduire N° Lexbase : L0183HUC, JO n° L 403 du 30 décembre 2006, p. 18). Les Etats membres ont jusqu'au 11 janvier 2011 pour transposer cette Directive et appliqueront ces dispositions à compter du 19 janvier 2013. La Directive 2006/126/CE a ajouté deux nouvelles sous-catégories pour les cyclomoteurs (article 4, paragraphes 2 et 3), et les différents types d'automobiles (article 4, paragraphe 4, b) à k)). Elle perfectionne, également, le système de progressivité et d'équivalences entre catégories (article 6). Sa principale innovation est de fixer une durée de validité des permis de conduire. Cette durée est de dix ans minimum, et peut aller jusqu'à quinze ans pour les véhicules courants comme les voitures de tourisme. Signalons que pour les véhicules plus lourds, cette durée est fixée à cinq ans.

L'intérêt pratique de cette législation communautaire et de toutes les difficultés qu'elle peut susciter est évident. Il s'agit d'un cas tout à fait topique de réalisation du marché intérieur. Le principe de la reconnaissance mutuelle ne peut être effectif que s'il a pour préalable une harmonisation des législations nationales. On est donc fort loin de la mythologie du principe du pays d'origine tel qu'il avait été mis en avant dans la première proposition de Directive relative à la réalisation du marché des services (COM [2004] 2, 13 janvier 2004). Ce principe de reconnaissance mutuelle est, par ailleurs, une petite révolution puisqu'il permet de faire produire des effets extra-territoriaux à un acte administratif unilatéral (le permis de conduire). La reconnaissance mutuelle des permis de conduire pose, également, la question des effets des sanctions qui peuvent être infligées à leur titulaire, sauf à imaginer que le dispositif communautaire conduise surtout à assurer la libre circulation des chauffards.

C'est la raison pour laquelle, dans le cadre de la coopération policière et judiciaire en matière pénale, les Etats ont adopté le 17 juin 1998 une convention relative aux décisions de déchéance du droit de conduire (JO n° C 216 du 10 juillet 1998, p. 2 ; voir dans le cadre du Conseil de l'Europe, la Convention européenne sur les effets internationaux de la déchéance du droit de conduire un véhicule à moteur du 3 juin 1976, qui n'a pas été ratifiée par la France) qui n'est, toutefois, toujours pas entrée en vigueur. Dès lors, ces deux dimensions de la reconnaissance mutuelle mettent à mal le principe de territorialité qui caractérise le droit administratif et le droit pénal.

Pour assurer en toute sécurité la libre circulation des conducteurs dans l'Union européenne, il convient d'assurer la reconnaissance mutuelle des permis de conduire (I), et la reconnaissance mutuelle des déchéances du droit de conduire (II).

I - La reconnaissance mutuelle des permis de conduire

Selon l'article 2, paragraphe 1 de la Directive 2006/126/CE, "les permis de conduire délivrés par les Etats membres sont mutuellement reconnus". Ce principe avait, d'ores et déjà, été posé par la Directive 91/439/CE. La Cour de justice a donc eu l'occasion d'en préciser les implications et, notamment, son caractère inconditionnel (A). Il existe, toutefois, certaines limites (B).

A - Un principe inconditionnel

La Cour de justice a, ainsi, estimé que cette reconnaissance doit être assurée sans aucune formalité. Les Etats membres ne disposent d'aucune marge d'appréciation quant aux modalités à adopter pour s'y conformer. S'ils imposent l'enregistrement d'un permis de conduire délivré par un autre Etat membre et sanctionnent la violation d'une telle obligation, ils méconnaissent alors le principe de reconnaissance mutuelle tel qu'il résulte de la Directive (CJCE, 10 juillet 2003, aff. C-246/00, Commission des Communautés européennes c/ Royaume des Pays-Bas N° Lexbase : A0662C9E, Rec., p. I-7485 ; CJCE, 9 septembre 2004, aff. C-195/02, Commission des Communautés européennes c/ Royaume d'Espagne N° Lexbase : A3355DDM, Rec., p. I-7857).

Par ailleurs, les autorités d'un Etat membre ne peuvent pas s'opposer à la reconnaissance de la validité d'un permis délivré par les autorités d'un Etat membre au motif qu'à la date de la délivrance du permis le demandeur ne remplissait pas les conditions prévues par la Directive. Le dispositif de la Directive donne entière compétence aux autorités de l'Etat membre de délivrance pour s'assurer que le demandeur remplit bien les conditions posées par la Directive. En cas de fraude, la Cour de justice a estimé que le seul moyen pour l'Etat était d'utiliser le mécanisme d'assistance mutuelle et d'échange d'informations prévu par la Directive. Eventuellement, si l'Etat en cause ne prenait pas les mesures appropriées, il est toujours possible d'introduire un recours en constatation en manquement (CJCE, 26 juin 2008, aff. C-334/06, Matthias Zerche c/ Landkreis Mittweida N° Lexbase : A3213D9U). Lorsque l'on connaît le peu d'empressement des Etats pour intenter des actions en manquement les uns contre les autres, ce moyen de lutte contre les fraudes paraît plutôt virtuel. Dès lors, il ne peut y avoir reconnaissance mutuelle que s'il y a confiance mutuelle.

Telle est bien la philosophie de la reconnaissance mutuelle : la confiance entre les Etats membres. Lorsque le droit communautaire entend encadrer les mécanismes de reconnaissance mutuelle, il donne, alors, explicitement compétence aux Etats pour vérifier, non pas si l'acte émis par l'autre Etat est juridiquement valide, mais pour procéder lui-même, en quelque sorte, à une contre-expertise. Les règles relatives à la reconnaissance mutuelle des diplômes à des fins professionnelles sont de ce point de vue tout à fait significatives (v. L. Dubouis et C. Blumann, Droit matériel de l'Union européenne, Paris, Montchrestien, 4ème éd. 2006, p. 99 et s.). Or, en matière de reconnaissance de permis de conduire, de telles mesures ne sont pas prévues par les Directives 91/439/CEE et 2006/126/CE.

Outre l'atteinte à l'esprit même de la construction communautaire et à son intégration horizontale, on ne saurait ignorer que le contrôle de la validité juridique par les autorités d'un Etat des actes émis par un autre Etat membre ne va pas sans difficultés théoriques et pratiques. Sur le plan théorique, c'est une remise en cause du principe de la territorialité du droit public. Certes, la reconnaissance mutuelle constitue elle-même une remise en cause de la territorialité du droit public puisqu'elle implique qu'un acte administratif produise des effets de droit hors de l'ordre juridique dont relève son auteur. Mais là, un nouveau pas serait franchi puisqu'il s'agirait, pour les organes d'un ordre juridique donné, de contrôler la validité des actes émanant d'un autre ordre juridique. On pourrait objecter que le droit international privé, à travers les conflits de lois et les conflits de juridictions, a toujours connu un tel contrôle au travers de la réserve de l'ordre public. Reste qu'il s'agit de conflits de droit privé et que l'examen de la compatibilité de la loi étrangère ou d'une décision étrangère au regard de l'ordre public ne remet pas en cause la validité juridique de l'acte, mais son applicabilité dans un ordre juridique autre que celui dont il émane.

On se souviendra, en revanche, que dans le cadre du contentieux "Schengen", le Conseil d'Etat a jugé de manière tout à fait révolutionnaire "qu'il appartient au juge administratif, saisi de conclusions dirigées contre une décision administrative fondée sur le signalement d'une personne aux fins de non-admission, de se prononcer sur le bien-fondé du moyen tiré du caractère injustifié de ce signalement, alors même qu'il a été prononcé par une autorité administrative étrangère" (CE, 9 juin 1999, n° 190384, M. et Mme Forabosco N° Lexbase : A3343AX4, Rec. p. 170).

B - Les limites de la reconnaissance mutuelle

Parmi les conditions que doit vérifier l'Etat membre de délivrance, il y a la condition de résidence. Normalement, cette condition ne devrait pas faire l'objet d'un traitement particulier puisque rien dans la Directive ne la distingue des autres. La Cour a estimé qu'un Etat membre ne pouvait instaurer une procédure visant à contrôler que l'intéressé remplissait effectivement la condition de résidence dans l'Etat de délivrance (CJCE, 10 juillet 2003, Commission des Communautés européennes c/ Royaume des Pays-Bas, précité).

Dans l'hypothèse où une personne a fait l'objet d'une décision de retrait de permis et, postérieurement à la période d'interdiction de passer le permis, s'est rendue dans un autre Etat membre que son Etat de résidence afin de passer de nouveau le permis, la Cour de justice a, dans un premier temps, estimé que l'Etat de résidence ne pouvait vérifier si la condition de résidence était satisfaite dans l'Etat de délivrance (CJCE, 29 avril 2004, aff. C-476/01, Procédures pénale c/ Félix Kapper N° Lexbase : A0424DCP, Rec., p. I-5205). La Cour a abandonné cette solution afin d'éviter "le tourisme du permis de conduire" et au nom de la sécurité routière. Le contrôle par l'Etat membre de la condition de résidence dans l'Etat de délivrance du permis ne peut, toutefois, se faire qu'à partir des mentions figurant sur le permis de conduire lui-même (CJCE, 26 juin 2008, aff. C-334/06, Matthias Zerche c/ Landkreis Mittweida, précité). On est donc assez loin du contrôle de la validité de l'acte administratif émanant d'un Etat par un autre Etat.

Ensuite, selon l'article 8, paragraphe 4, premier alinéa, de la Directive 91/439, "sous réserve du respect du principe de territorialité des lois pénales et de police, l'Etat membre de résidence normale peut appliquer au titulaire d'un permis de conduire délivré par un autre Etat membre ses dispositions nationales concernant la restriction, la suspension, le retrait ou l'annulation du droit de conduire et, si nécessaire, procéder à ces fins à l'échange de ce permis". Cette disposition est évidemment tout à fait logique, et il ne s'agit pas d'une véritable exception au principe de reconnaissance mutuelle.

Elle ne peut, en effet, être opposée à une personne qui a fait l'objet d'une décision de retrait de permis et, postérieurement à la période d'interdiction de passer le permis, s'est rendue dans un autre Etat membre afin de passer de nouveau le permis (CJCE, 29 avril 2004, aff. C-476/01, Procédures pénale c/ Félix Kapper, précité ; CJCE, 26 juin 2008, aff. C-334/06, Matthias Zerche c/ Landkreis Mittweida, précité). La même solution s'applique si une personne a fait l'objet d'un retrait de permis, mais n'a pas fait l'objet d'une interdiction de repasser le permis (CJCE, 26 juin 2008, aff. C-329/06, Arthur Wiedemann c/ Land Baden-Württemberg N° Lexbase : A3212D9T). Toute autre interprétation conduirait, alors, à considérer que cette disposition permette aux autorités d'un Etat membre de refuser, sans aucune limitation de durée, de reconnaître la validité du permis de conduire d'une personne qui aurait auparavant fait l'objet d'une des mesures visées à l'article 8, paragraphe 4, premier alinéa de la Directive 91/439. Cette interprétation s'applique également si l'Etat qui avait prononcé l'interdiction subordonne l'octroi d'un nouveau permis à des conditions plus strictes (CJCE, 26 juin 2008, aff. C-329/06, Arthur Wiedemann c/ Land Baden-Württemberg, précité).

Un Etat ne pourrait refuser de reconnaître un permis que si celui-ci avait été délivré par un autre Etat membre pendant une période pendant laquelle l'intéressé était frappé d'une interdiction de passer le permis. Toutes ces difficultés témoignent de l'importance d'un dispositif relatif à la reconnaissance mutuelle des déchéances du droit de conduire.

II - La reconnaissance mutuelle des déchéances du droit de conduire

La convention sur la déchéance du droit de conduire a un champ d'application relativement précis (A), mais prévoit des mécanismes originaux permettant d'assurer l'efficacité des sanctions prononcées contre les conducteurs (B), tout en assurant le respect de leurs droits de la défense (C).

A - Le champ d'application de la convention sur la déchéance du droit de conduire

La convention s'applique à la fois aux sanctions prononcées par une autorité administrative et à celles prononcées par une autorité judiciaire, qui présentent un caractère définitif. Son champ d'application est, toutefois, strictement limité puisqu'il ne s'applique qu'aux déchéances prononcées à l'encontre d'un conducteur dans un Etat membre autre que son Etat de résidence. Les décisions prises dans cet Etat ne bénéficient donc pas du dispositif conventionnel. L'article 12 de la convention prévoit simplement que "chaque Etat membre adopte les mesures nécessaires l'habilitant à sanctionner la conduite d'un véhicule à moteur sur son territoire lorsque le conducteur est déchu par l'Etat de résidence du droit de conduire, en application de la présente convention". Il n'est toutefois pas précisé si une personne, qui aurait été privée de son droit de conduire dans son Etat de résidence, pourrait utiliser un véhicule à moteur dans un autre Etat membre.

La convention prévoit que l'Etat de l'infraction doit notifier "sans tarder à l'Etat de résidence toute décision de déchéance du droit de conduire prononcée pour une infraction commise dans les circonstances décrites en annexe" (1. Conduite imprudente ou dangereuse [entraînant ou non la mort ou des blessures ou créant des risques graves]. 2. Violation des obligations incombant aux conducteurs à la suite d'un accident de la circulation [délit de fuite]. 3. Conduite d'un véhicule sous l'influence de l'alcool ou d'autres substances susceptibles d'altérer ou de diminuer les facultés psychiques et physiques du conducteur. Refus de se soumettre aux tests d'alcoolémie ou de détection de produits stupéfiants. 4. Conduite d'un véhicule à une vitesse supérieure à la vitesse autorisée. 5. Conduite d'un véhicule par une personne déchue du droit de conduire. 6. Toute autre circonstance constituant une infraction ayant donné lieu à une décision de déchéance du droit de conduire prononcée par l'Etat de l'infraction : - d'une durée égale ou supérieure à six mois, - d'une durée inférieure à six mois dans la mesure où cela a été convenu bilatéralement entre les Etats membres concernés).

B - Les mécanismes de la convention sur la déchéance du droit de conduire

Après la notification opérée par l'Etat d'infraction, l'Etat de résidence peut alors directement exécuter la décision de la juridiction de l'Etat requérant. La convention laisse, néanmoins, aux Etats la possibilité d'exécuter cette décision par l'intermédiaire d'une nouvelle décision administrative ou judiciaire qui, soit ne vise qu'à "recevoir" la décision d'origine, soit peut opérer une véritable "transformation". Il appartient à chaque Etat membre d'indiquer, dans une déclaration, quelle procédure, en tant qu'Etat de résidence, il compte alors adopter.

Ces trois modalités d'exécution sont de nature différente. La première modalité constitue une exécution automatique, alors que la deuxième s'apparente, d'une certaine manière, à une procédure d'exequatur. L'Etat de résidence a, en effet, la possibilité de réduire "la durée de la déchéance, mais seulement pour la ramener à la durée maximale que son droit national prévoit pour des faits de même nature" (article 4, paragraphe 2, b)). La troisième modalité ne confère, en revanche, qu'une efficacité indirecte au jugement étranger.

Les autorités de l'Etat de résidence disposent, en effet, d'un certain pouvoir de révision. L'Etat requis est lié par les constatations de faits opérées dans la décision de l'Etat d'origine. Il peut, en revanche, "réduire la durée de la déchéance pour la ramener à la durée qui aurait été fixée pour le cas en question en application de son droit national" (article 4, paragraphe 3 c)). Les autorités de l'Etat requis ont, ainsi, un pouvoir de révision sur le quantum de la peine. Cette modalité demeure, toutefois, en pratique finalement très proche de la deuxième hypothèse. Il convient, par ailleurs, de noter que dans les trois procédures, l'Etat de résidence doit tenir compte de la partie de la période de déchéance déjà accomplie dans l'Etat d'infraction.

C - Les droits de la défense de la convention sur la déchéance du droit de conduire

Pour la mise en oeuvre de cette convention, chaque Etat membre doit désigner les autorités qui seront chargées de notifier les demandes d'exécution et les autorités qui devront traiter les demandes. Il est possible de regretter que la convention ne précise nullement quelles sont les voies de recours dont disposent les auteurs d'une infraction à l'encontre, tant, dans l'Etat requérant, des demandes d'exécution que, dans l'Etat de résidence, des décisions d'exécution. L'Etat de l'infraction n'est, par ailleurs, même pas tenu de notifier à l'intéressé qu'il a procédé à une demande d'exécution dans son Etat d'origine. Les droits de la défense ne sont pas pour autant totalement ignorés.

La notification opérée par l'Etat requérant doit, en effet, être accompagnée de différentes pièces et il doit, notamment, pouvoir être prouvé, en cas de défaut de comparution de l'auteur de l'infraction, que la procédure ouverte à son encontre lui a été "dûment notifiée conformément à la loi de l'Etat de l'infraction" (article 8, paragraphe 2). On trouve ici un souci de protection des droits du défendeur défaillant. L'Etat de résidence doit refuser l'exécution s'il estime que "la personne concernée n'a pas eu des possibilités suffisantes pour mener sa défense" (article 6, paragraphe 1, e)). La convention garantit par ailleurs pleinement le principe ne bis in idem.

Il est, certes, possible de déplorer que cette convention mette en place un dispositif à géométrie variable. Elle permet, toutefois, d'assurer que les décisions de déchéance du droit de conduire rendues par les juridictions d'un Etat, à l'encontre d'une personne qui ne résiderait pas dans cet Etat, puissent être exécutées dans l'Etat de résidence de l'intéressé. La libre circulation des conducteurs ne peut, en effet, devenir la libre circulation des chauffards.

newsid:327033

Sociétés

[Jurisprudence] La transmission de contrats de franchise dans le cadre d'une fusion-absorption et d'opérations assimilées : le problème de l'intuitu personae

Réf. : Cass. com., 3 juin 2008, deux arrêts, n° 06-13.761, Société Diapar, FS-P+B (N° Lexbase : A9213D8Q) et n° 06-18.007, Mme Ludivine Lesage, FS-P+B (N° Lexbase : A9219D8X)

Lecture: 12 min

N7030BGH

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3210456-edition-n-315-du-31072008#article-327030
Copier

par Guy de Foresta, Avocat au Barreau de Lyon, Of Counsel, Bignon, Lebray & & Associés

Le 07 Octobre 2010

Par deux arrêts de sa Chambre commerciale en date du 3 juin 2008, la Cour de cassation vient d'étoffer l'abondante jurisprudence rendue en matière de transmission de contrats conclus intuitu personae à l'occasion de fusion-absorption ou d'opération assimilées, et cette fois dans le cas particulier de contrats de franchise. En jugeant que le contrat de franchise, conclu en considération de la personne du franchiseur, ne peut être transmis sans l'accord du franchisé, la Cour suprême fait application des principes légaux et jurisprudentiels qui prévalent dans ce domaine, tout en apportant une analyse inédite sur le caractère intuitu personae par nature du contrat de franchise et l'insuffisance du seul silence gardé par le franchisé pour caractériser son consentement à la substitution du franchiseur. I - Faits et procédure

Dans les deux espèces, il s'agissait de l'exécution d'un contrat de franchise conclu entre une chaîne de distribution alimentaire et un détaillant gérant un fonds de commerce à l'enseigne de cette chaîne.

Dans la première, les faits étaient les suivants : un contrat de franchise pour l'exploitation d'un fonds de commerce situé dans l'arrière du pays niçois à l'enseigne "SPAR" avait été conclu le 6 avril 2000. Ce contrat stipulait une clause attributive de compétence territoriale au profit du tribunal de commerce de Saint-Etienne. Fin 2002, le franchiseur, la société Medis, avait été absorbé par une société du même groupe, détentrice de la marque SPAR support de la franchise, la société Distribution Casino France dans le cadre d'une opération classique de fusion-absorption.

Après avoir fait constater courant 2004 que le franchisé distribuait des produits d'une marque concurrente et laissait subsister un encours significatif, la société absorbante avait assigné le franchisé devant le juge commercial de Saint-Etienne.

Devant ce tribunal, puis la cour d'appel de Lyon, le franchisé avait invoqué, sans succès, l'inopposabilité de la clause attributive de juridiction, faute de transmission du contrat à l'absorbante à raison du caractère intuitu personae du contrat de franchise.

Dans la seconde espèce, la transmission d'un contrat de franchise devait s'effectuer, non pas dans le cadre d'une opération de fusion-absorption, mais dans celui d'une opération d'apport partiel d'actifs soumise au régime des scissions effectuée par le franchiseur.

Les faits très proches de la précédente espèce -résiliation par le franchisé du contrat de franchise lors des opérations d'apport partiel d'actif du franchiseur- avaient donné lieu à une procédure plus complexe, dans la mesure où les deux sociétés bénéficiaires des deux branches d'activité distinctes du franchiseur avaient poursuivi le franchisé en maintien des relations contractuelles et indemnisation, mais également les nouveaux fournisseurs de ce dernier en leur reprochant une concurrence déloyale : ils avaient, en effet, continué à approvisionner le franchisé sans égard pour la signification qui leur avait été faite d'un arrêt de cour d'appel ayant ordonné la poursuite sous astreinte du contrat de franchise résilié à l'initiative du franchisé et qui l'obligeait à un approvisionnement prioritaire auprès de certains fournisseurs agréés par le franchiseur. Ayant plaidé, en vain, devant la cour d'appel de Reims que, à défaut de l'accord du franchisé sur la cession du contrat, les bénéficiaires n'étaient pas recevables à agir, les nouveaux fournisseurs avaient déféré l'arrêt d'appel les ayant condamnés pour concurrence déloyale à la censure de la Cour de cassation.

II - Les solutions de la Cour de cassation

Au visa de l'article 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC), pierre angulaire du consensualisme, la Cour casse les deux arrêts au motif lapidaire que : "le contrat de franchise, conclu en considération de la personne du franchiseur ne peut, sauf accord du franchisé, être transmis par fusion-absorption à une société tierce" (1ère espèce), ni "par l'effet d'un apport partiel d'actif placé sous le régime des scissions" (2nde espèce).

La Cour suprême s'attache à relever l'absence d'accord du franchisé sur le transfert, en considérant, dans la seconde espèce, qu'en continuant à s'approvisionner auprès de fournisseurs non agréés, postérieurement aux apports partiels d'actif, le franchisé n'avait pas consenti à la transmission et, dans la première, que la poursuite de l'exécution du contrat par la société absorbante (émission de factures, mise en demeure de payer, procès-verbaux de constat), alors que l'autre partie ne contestait pas être son franchisé, ne caractérisait pas à elle-seule l'accord du franchisé sur la transmission de son contrat.

Dans un attendu de principe, la Cour juge au visa de l'article 1315 du Code civil (N° Lexbase : L1426ABG) que "le silence opposé à l'affirmation d'un fait ne vaut pas à lui seul reconnaissance de ce fait".

Ce faisant, la Cour de cassation fait une application, assez stricte, dans la seconde espèce plus particulièrement, des principes qui prévalent actuellement en la matière.

III - L'intuitu personae contractuel comme obstacle à la transmission universelle de patrimoine : un principe clair d'application délicate

La solution, pourtant claire, dégagée par la loi et les tribunaux selon laquelle les clauses contractuelles d'intuitu personae font, à l'occasion d'opération de transmission universelle du patrimoine, obstacle à la transmission des contrats sauf accord du cocontractant, se heurte en pratique à de nombreuses difficultés.

A - L'application de plein droit du principe légal de transmission universelle du patrimoine

L'article L. 236-3 du Code de commerce (N° Lexbase : L6353AI7) dispose que "la fusion ou la scission entraîne [...] la transmission universelle du patrimoine des sociétés apporteuses aux sociétés bénéficiaires dans l'état où il se trouve à la date de réalisation définitive de l'opération".

En d'autres termes, la société absorbante vient activement et passivement au lieu et place de la société absorbée.

"La loi considère que la transmission est universelle' même en cas de scission, bien qu'il y ait plusieurs sociétés bénéficiaires. Elle affirme ainsi l'originalité fondamentale de l'opération de fusion ou de scission qui permet de transférer, par une démarche globale et unique, l'ensemble des éléments actifs et passifs de l'entreprise" (cf. Lamy, Sociétés commerciales, éd. 2007, n° 1785).

La fusion porte sur l'universalité des biens et droits de la société apporteuse.

Ce principe légal s'applique aussi bien aux opérations de scission et à celles d'apport partiel d'actif (cf. C. com., art. L. 236-22 N° Lexbase : L6372AIT) qu'aux opérations de dissolution, confusion, communément appelées "TUP" (transmissions universelles de patrimoine), prévues par les dispositions de l'article 1844-5, alinéa 2, du Code civil (N° Lexbase : L2025ABM).

Elle porte même sur les biens de la société absorbée qui, par suite d'une erreur, d'un oubli ou pour toute autre cause, ne figureraient pas dans le traité de fusion.

Dans le cas d'apport partiel d'actif soumis au régime des scissions, la transmission porte sur l'intégralité des éléments tant actifs que passifs afférents à la branche d'activité apportée, sauf les biens et dettes particuliers que le contrat d'apports écarte expressément, sans pour autant vider de sa substance la branche d'activité.

Dans la seconde espèce ici rapportée, au-delà du contrat de franchise litigieux, c'est d'ailleurs une décision de justice que les sociétés bénéficiaires des apports entendaient faire exécuter pour leur propre compte puisque figurant parmi les biens et obligations afférents à la branche d'activité apportée.

La jurisprudence a fait maintes fois application de ce principe légal, en matière par exemple de cautionnement (1), de transmission de parts sociales (2) ou de garantie de passif, un arrêt récent affirmant, en matière de fusion, que la substitution du garant absorbée par la société absorbante s'opère de plein droit "même en l'absence de mention de la clause de garantie dans le traité de fusion" (3).

B - L'intuitu personae comme exception au principe de transmission universelle

En l'absence d'un texte légal, la doctrine et la jurisprudence se sont, néanmoins, accordées à considérer que les contrats conclus intuitu personae n'étaient transmissibles dans le cadre et opérations de fusion-absorption, de scission et/ou d'apport partiel d'actif que pour autant que le cocontractant ait donné son accord à la transmission.

La force obligatoire des conventions, fondée sur les dispositions de l'article 1134 du Code civil, doit prévaloir sur la règle légale de transmission universelle du patrimoine (4).

Le principe peut se révéler simple à appliquer lorsque les parties ont pris le soin de qualifier le contrat d'intuitu personae ou, à tout le moins, ont rédigé une clause soumettant la circulation du contrat à l'accord d'un ou des cocontractant(s).

La Chambre commerciale de la Cour de cassation a ainsi jugé, à propos du contrat d'agent revendeur d'un concessionnaire automobile expressément qualifié d'intuitu personae, que : "les stipulations du contrat faisaient obstacle à la transmission [dans le cadre d'une fusion absorption du revendeur] sans l'accord du concessionnaire" (5).

En revanche, dans le silence du contrat sur ce point, la question est plus délicate.

L'absence de stipulation expresse du contrat soumettant sa transmission à l'accord du cocontractant empêche-t-elle de tenir en échec le principe de transmission universelle du patrimoine ?

C'est ce qu'avait jugé récemment la Chambre commerciale de la Cour suprême à propos d'une convention de garantie de passif et c'est, également, la position déjà ancienne de certains (7).

Néanmoins, une jurisprudence abondante va en sens contraire et considère que même en l'absence de qualification contractuelle d'intuitu personae, comme de clauses explicites en limitant la circulation, le contrat conclu en considération de la personne ne peut être transmis sans l'accord du cocontractant.

Cela a été jugé à propos d'un contrat d'agence commerciale (8) et d'un mandat de syndic de copropriété (9).

Si bien que certains auteurs ont pu parler de contrats présentant "par nature un caractère intuitu personae" car ne pouvant être exécutés que par une personne déterminée (10) et citer à ce titre le contrat de mandat (11), les contrats de distribution (12) et des contrats financiers tels que les concours bancaires (13) ou le cautionnement (14).

Il s'agit alors d'examiner au cas par cas et selon des circonstances de l'espèce "si, du fait de la substitution du contractant [...] l'équilibre contractuel a été bouleversé" (15).

L'incertitude réside, souvent, dans la rédaction de ces clauses de circulation et l'effet exact que les parties ont voulu leur assigner : la "cession" du contrat, ou bien son "transfert", expressions qui reviennent souvent sous la plume des rédacteurs d'actes, s'étendent-ils aux opérations d'apports simples, de fusion-absorption et, plus généralement, à toutes opérations portant transmission universelle de patrimoine ? C'est la question fréquente que les tribunaux ont à trancher (16).

C - L'accord du cocontractant sur la transmission du contrat

Que l'accord du cocontractant à la transmission de son contrat ait été prévu par la qualification expresse de contrat conclu "intuitu personae" ou bien par une simple clause suffisamment précise relative à sa circulation ou bien encore, à défaut de mention contractuelle expresse, par son caractère intuitu personae "par nature", encore convient-il de déterminer si, lors de l'opération de transmission universelle de patrimoine considérée, il a ou non acquiescé à la substitution d'un nouveau contractant, société absorbante ou bénéficiaire d'un apport partiel d'actif.

A défaut d'une manifestation expresse de volonté qui puisse alors trancher sans conteste la question, il avait souvent été considéré qu'une poursuite de l'exécution de contrat transmis pouvait valoir accord du cocontractant.

Pour les juges du fond, sachant que la question est éminemment factuelle, il s'agissait de savoir si un accord tacite du cocontractant avait pu se dégager des circonstances de l'espèce, ce qui impliquait des solutions au cas par cas.

La mise en oeuvre de ce principe clair révèle finalement deux principales difficultés puisqu'il s'agit, pour les juges, de déterminer, d'abord, si la convention en cause revêt, ou non, un caractère intuitu personae, puis, si tel est bien le cas, d'établir si un accord du cocontractant a, ou non, été donné à sa transmission.

Les deux arrêts rapportés du 3 juin 2008 de la Chambre commerciale de la Cour de cassation apportent à propos du contrat de franchise une réponse à ces deux questions.

IV - Le contrat de franchise, intuitu personae par nature

En considérant le contrat de franchise comme "conclu en considération de la personne du franchiseur", alors qu'il ne semble pas, sous la réserve ci-dessous, que les contrats litigieux aient stipulé en ce sens ni des clauses expresses, ni même de simples clauses de circulation, la Cour de cassation fait du contrat de franchise un contrat intuitu personae par nature, contrat qui rejoint ainsi la liste précitée, dans la catégorie des contrats de distribution sélective.

Elle souligne, toutefois, que le caractère intuitu personae est attaché à la personne du franchiseur. Ce qui conduit à penser que tel ne serait pas le cas pour la personne du franchisé.

Solution alors discutable, car si l'on voit bien en quoi le franchiseur est choisi par le franchisé en considération de sa personne, de ses marques et enseignes, de son savoir-faire, de sa notoriété, l'inverse n'est pas moins vrai : lors du lancement d'un réseau de franchise et tout autant lors de son développement pour maintenir le niveau déjà atteint, le franchiseur s'attache à sélectionner son partenaire selon un cahier des charges précis où la situation personnelle du candidat à la franchise joue un rôle important (capacité à gérer un centre de profit, expériences professionnelles dans le domaine d'activité, aptitude à utiliser le savoir-faire concédé, etc.).

Dans la première espèce du reste, beaucoup des éléments personnels, fondement de l'intuitu personae attachés au franchiseur initial, se retrouvaient à l'identique dans la personne de la société absorbante : même siège social, appartenance au même groupe "Casino" mentionné dans le préambule du contrat, même enseigne "SPAR" support de la franchise...

Le franchisé se voyait substituer une personne morale, disposant certes d'un numéro de RCS différent, mais dont on ne voit pas bien en quoi la qualité de nouveau cocontractant pouvait véritablement bouleverser l'équilibre économique du contrat de franchise.

C'est d'ailleurs sans doute pour cette raison qu'il s'était poursuivi tacitement.

La solution retenue par la Cour suprême signifierait alors que le contrat de franchise est intuitu personae par nature, parce que toujours conclu par le franchisé en considération de la personne du franchiseur, mais qu'il ne saurait être considéré par le franchiseur comme conclu en considération de la personne du franchisé qu'en cas de stipulation expresse.

Il faut d'ailleurs souligner que la cour d'appel avait relevé l'existence de clause contractuelle expresse d'intuitu personae, mais concernant la personne du franchisé...!

Dans le cadre d'une transmission universelle de patrimoine, la transmission du contrat de franchise n'est ainsi opposable au franchisé qu'avec son accord, mais elle est opposable au franchiseur de plein droit sauf stipulation expresse contraire.

V - Le silence du franchisé : qui ne dit mot ne consent pas nécessairement

En présence d'un contrat intuitu personae, quelle qu'en soit la raison, la transmission du contrat ne peut s'opérer sans l'accord du cocontractant.

Dans la seconde espèce, les juges du fond avaient relevé qu'en continuant à s'approvisionner auprès de fournisseurs non-agréés par le franchiseur, le franchisé n'avait pas consenti à la transmission du contrat aux bénéficiaires de l'apport partiel d'actif.

Sur la base d'un tel refus de substitution du cocontractant la Cour suprême ne pouvait qu'en déduire, dès lors qu'elle considérait le contrat comme intuitu personae par nature, que la transmission du contrat n'était opposable ni au franchisé, ni aux tiers.

Dans la première espèce, la cour d'appel avait, au contraire, considéré qu'il résultait du comportement du franchisé un accord suffisant sur la substitution du contractant.

Selon elle, dès lors que la société absorbante avait elle-même adressé des factures au franchisé sur son papier à en tête, demandé l'établissement de procès-verbaux de constat et mis en demeure le franchisé de régler l'en-cours, il en résultait que le franchisé, qui avait réglé à l'absorbante la facture correspondant aux redevances contractuelles et qui ne pouvait prétendre ignorer la cession régulièrement publié, n'avait pas contesté alors être franchisé de la société absorbante.

Certes ce dernier arguait que seule "une relation informelle et ponctuelle en commande de marchandises" s'était créée.

Pour les juges du fond, il y avait eu finalement un accord tacite du franchisé sur la transmission d'un contrat qu'il avait continué d'exécuter.

C'est précisément ce principe d'accord tacite que sanctionne de manière catégorique la Cour suprême en jugeant, au visa de l'article 1315 du Code civil, qui dispose que "celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver" et que "le silence opposé à l'affirmation d'un fait ne vaut pas à lui seul reconnaissance de ce fait".

Pour la Cour régulatrice, le seul fait que le franchisé n'ait pu contester être franchisé de la société absorbante, alors qu'il recevait les factures, les procès-verbaux et la mise en demeure de cette dernière, n'est donc pas une preuve de son consentement à une obligation contractuelle qui ne saurait exister à défaut de ce consentement.

On peut acquiescer à cette application particulière de la règle, qui préside à la formation des contrats, selon laquelle le silence ne vaut pas acceptation, règle maintes fois rappelée par la jurisprudence des chambres civiles de la Cour de cassation.

Elle protège le contractant là où une société absorbante, de manière parfaitement unilatérale pourrait en son absence véritablement "forcer" son accord.

Mais, en l'espèce, les juges du fond, dans leur appréciation souveraine des circonstances des faits et de l'intention des parties, avaient également retenu l'accord du franchisé en raison du fait qu'il avait payé la facture de redevance contractuelle émise par la société absorbante.

Pour eux, au-delà du seul silence gardé par le franchisé sur les initiatives du franchiseur, il y avait en plus une manifestation expresse de volonté de sa part.

Mais la Cour suprême s'en est tenue au seul aspect du silence du franchisé

A la lumière de ces décisions, le rédacteur de contrat, s'il considère qu'un véritable intuitu personae préside à sa conclusion, devra plus particulièrement veiller aux points suivants en ce qui concerne la clause de circulation :

- se demander si le contrat peut revêtir un caractère intuitu personae par nature et, dans l'affirmative, vérifier quelle est la partie qui peut s'en prévaloir et y suppléer si nécessaire ;

- prendre soin d'étendre le périmètre des cas de transmission du contrat aux apports, fusion-absorption et opération assimilés sans se tenir au seul terme plurivoque de "cession" ;

- stipuler que l'accord d'une partie à la substitution du contractant doit être manifesté par écrit.


(1) Ass. Plén. 6 décembre 2004, n° 03-10.713, Société WHBL 7, anciennement dénommée Union industrielle de crédit, venant aux droits de la société Sofal c/ Société Groupe industriel Marcel Dassault, publié (N° Lexbase : A3249DE3), BRDA, 1/05, inf. 11 ; Cass. com., 8 novembre 2005, n° 01-12.896, Société Selectibail SA, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A4830DLH), BRDA, 22/05, M.-E. Mathieu, Du nouveau sur le sort du cautionnement en cas de fusion-absorption, Lexbase Hebdo n° 192 du 31 novembre 2005 - édition affaires (N° Lexbase : N1477AKW).
(2) Cass. com., 19 avril 1972, n° 69-14.054, Société Nouvelle cargo maritime SA c/ Société Michaelides et Cie SARL (N° Lexbase : A6670AG7) et, pour une solution analogue à propos du champ d'application d'un droit de préemption figurant dans un pacte d'actionnaires, voir CA Paris, 25ème ch., sect. B, 18 février 2000, n° 1999/16771, SA Finatral c/ SA Banque de Vizille (N° Lexbase : A0599DC8), RJDA, 6/00, n° 662, et, sur pourvoi, Cass. com., 28 avril 2004, n° 00-15.003, Société Finatral c/ Banque de Vizille, F-D (N° Lexbase : A0430DCW).
(3) Cf. Cass. com., 10 juillet 2007, n° 05-14-358, M. Christian Gonzalez, FS-P+B (N° Lexbase : A2932DXU) etnos obs., Transmission d'une clause de garantie de passif par l'effet d'une fusion-absorption, Lexbase Hebdo n° 277 du 18 octobre 2007 - édition privée générale (N° Lexbase : N8821BCP).
(4) Pour l'application d'une clause d'agrément à la transmission d'actions d'une société tierce à une société absorbante consécutivement à une fusion, Cass. com., 6 mai 2003, n° 01-12.567, Société Sanofi Synthelabo c/ Société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher, FS-P (N° Lexbase : A7909BSQ) et n° 01-03.172, Société Financière des Laboratoires de cosmétologie Yves Rocher c/ Société Sanofi Synthelabo, FS-D (N° Lexbase : A7903BSI), Bull. Joly, 2003, p. 742, note A. Constantin.
(5) Cf. Cass. com., 13 décembre 2005, n° 03-16.878, Société Garage Loustaunau c/ Société Etablissements Lavillauroy, F-P+B (N° Lexbase : A9814DL3), et note R. Kaddouch, La fusion face aux clauses d'agrément, Lexbase Hebdo n° 209 du 6 avril 2006 - édition affaires (N° Lexbase : N6653AKM).
(6) Cf. Cass. com., 10 juillet 2007, préc. et nos obs., préc..
(7) ANSA, Comité juridique, 9 septembre 1992, n° 213.
(8) Cass. com., 29 octobre 2002, n° 01-03.987, M. Philippe, Henri, Arthur Decaudain c/ Société Sucrerie de Bucy-le-Long, F-D (N° Lexbase : A4127A34), Bull. Joly soc., 2003, p.192, note D. Krajeski, D., 2003, p. 2231, note J.-P. Brill et C. Koering, dans le même sens, v. Cass. com., 3 juin 2003, n° 99-21.257, Société Pallas European Property Fund BV c/ Société Axa corporate solution, F-D (N° Lexbase : A9422C74), Bull. Joly, 2003, p. 1034, note D. Krajeski.
(9) CA Aix en Provence,12 juin 1997, JCP éd. E, 1997, n° 710, obs. A. Viandier et J.-J. Caussin, confirmé par Cass. com., 30 mai 2000, n° 97-18.457, Syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier La Baie des Anges c/Mme Mottier (N° Lexbase : A5254AWI), Bull. Joly, 2000, p. 841, note M.-L. Coquelet, encore que la Cour suprême se soit alors fondée non pas sur la nature même du contrat de mandat de syndic mais sur les dispositions de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis (N° Lexbase : L5536AG7).
(10) Cf. note R. Kaddouch, préc..
(11) Cass. com., 30 mai 2000, préc..
(12) Pour un contrat de distribution sélective, cf. CA Paris, 2 novembre 1982, BRDA, 15 janvier 1983, p. 2.
(13) ANSA, Comité juridique, 9 septembre. 1992, préc..
(14) La jurisprudence la plus récente considère qu'en cas d'absorption de la société créancière, le principe de transmission universelle du patrimoine doit recevoir pleine application, alors qu'en cas d'absorption de la société cautionnée, la caution ne reste tenue que des dettes antérieures à la fusion : Cass. com., 8 novembre 2005, deux arrêts n° 01-12.896, préc. et n° 02-18.449, SCI du 75, Champs-Elysées c/ Société Réaumur participations SA, FS-P+B+I+R (N° Lexbase : A4831DLI), note M.-E. Mathieu, préc..
(15) Cf. R. Kaddouch, préc. et A. Viandier, préc. ; et M.-L. Coquelet, La transmission universelle du patrimoine en droit des sociétés à l'épreuve du principe d'intransmissibilité des contrats intuitu personae, préc..
(16) Pour l'emploi d'une terminologie adaptée, voir P. Le Cannu, RTD com., 2006, p. 429, note sous Cass. com. 13 décembre 2005, préc..

newsid:327030

Contrats et obligations

[Jurisprudence] Mise en oeuvre de la sanction du dol : prescription, nullité et dommages et intérêts

Réf. : Cass. civ. 1, 25 juin 2008, n° 07-18.108, M. Louis-Frédéric Behar, F-P+B (N° Lexbase : A3720D9N)

Lecture: 6 min

N7050BG9

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3210456-edition-n-315-du-31072008#article-327050
Copier

par David Bakouche, Professeur agrégé des Facultés de droit

Le 07 Octobre 2010

La mise en oeuvre de la sanction du dol n'est pas sans soulever quelques difficultés tenant, notamment, au délai de prescription de l'action ainsi, notamment, qu'au point de savoir si, et, à quelles conditions, la nullité de l'acte peut s'accompagner de l'allocation de dommages et intérêts à la victime des manoeuvres dolosives. Bien qu'assez classiques, ces questions n'en demeurent pas moins importantes. Un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 25 juin dernier, à paraitre au Bulletin, permet précisément, au moins rapidement, d'y revenir. En l'espèce, après avoir cédé leurs droits dans la succession de leur grand-père à la veuve de celui-ci, les cédants avaient assignés la cessionnaire et leurs cohéritiers en nullité des actes de cession de droits successifs pour dol et, subsidiairement, en paiement de dommages et intérêts. La cour d'appel de Versailles, rendant un arrêt confirmatif, les ayant débouté de leurs demandes, ils se sont pourvus en cassation.

Le premier moyen, qui contestait le rejet de la demande en faisant valoir que l'action en nullité ne serait pas prescrite, le délai de trente ans de l'article 2262 du Code civil (N° Lexbase : L2548ABY), alors en vigueur, n'étant pas écoulé, est écarté par la Haute juridiction, aux motifs que "la prescription extinctive trentenaire de l'article 2262 du Code civil n'étant pas applicable à l'action en nullité pour dol régie par le seul article 1304 (N° Lexbase : L1415ABZdu même code, c'est à bon droit que la cour d'appel, qui a constaté que la prescription avait commencé à courir le 30 juin 1994, date à laquelle les consorts B. avaient eu connaissance de l'erreur substantielle affectant le montant de leurs droits, en a déduit que l'action introduite par une assignation délivrée en mars 2003, soit plus de cinq ans après, était irrecevable comme prescrite".

Le second moyen reprochait, lui, aux juges du fond d'avoir rejeté la demande de dommages et intérêts. Avec succès d'ailleurs puisque la Cour de cassation affirme "qu'en statuant ainsi, alors que le droit de demander la nullité d'un contrat par application des articles 1116 (N° Lexbase : L1204AB9) et 1117 (N° Lexbase : L1205ABA) du Code civil n'exclut pas l'exercice par la victime des manoeuvres dolosives d'une action en responsabilité délictuelle, non soumise à la prescription quinquennale, pour obtenir de leur auteur réparation du préjudice qu'elle a subi, la cour d'appel a violé [l'article 1382 du Code civil N° Lexbase : L1488ABQ]". Les réponses de la Cour de cassation aux questions soulevées par les deux moyens sont tout à fait cohérentes et, il faut bien l'admettre, sans grande surprise.

D'abord, en effet, rappelons que l'article 2262 du Code civil, dans sa version alors en vigueur, disposait, dans des termes très généraux, que "toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d'en rapporter un titre, ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi". Encore faut-il, pour que le texte soit applicable, qu'une prescription plus courte n'ait pas été prévue par un texte spécial. Et il en va précisément ainsi de l'article 1304 qui ramène la prescription à cinq ans et précise, s'agissant des vices du consentement, que "ce temps ne court dans le cas de violence que du jour où elle a cessé ; dans le cas d'erreur ou de dol du jour où ils ont été découverts" (al. 2). Or, assez logiquement au demeurant, un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 17 novembre 1958 avait décidé que la prescription décennale (quinquennale depuis la loi du 3 janvier 1968) édictée par l'article 1304 du Code civil constitue, dans tous les cas où l'action n'est pas limitée à un moindre temps par une disposition particulière, la règle de droit commun en matière d'action en nullité relative pour vice du consentement (Cass. civ. 1, 17 novembre 1958, n° 57-10.120 N° Lexbase : A9075CHL, D., 1959, p. 18, note Holleaux, JCP, 1959, II, 10949, note Esmein). Et la solution avait, ensuite, été répétée par un arrêt de la même première chambre civile du 11 janvier 2005 à propos non plus d'une action en nullité pour vice du consentement d'un mariage comme en 1958, mais d'une action en nullité de donations entre vifs et de testaments (Cass. civ. 1, 11 janvier 2005, n° 01-13.133, F-P+B+R N° Lexbase : A0099DGR, Bull. civ. I, n° 23, Rép. Defrénois, 2005, p. 1065, obs. Massip). Bien que la question paraisse entendue, une difficulté s'est tout de même posée tenant au point de savoir si, en tout état de cause, le délai de droit commun de trente ans à compter de la conclusion de l'acte ne devait pas être considéré comme un délai butoir au-delà duquel il ne serait plus possible d'agir en nullité pour vice du consentement ? Autrement dit, dans l'hypothèse dans laquelle l'erreur ou le dol auraient été découverts plus de trente ans après la conclusion de la convention, l'action en nullité serait prescrite, et ce quand bien même l'article 1304 permet, littéralement, d'agir dans les cinq ans à compter de la découverte du vice. Une telle limitation, inspirée par des considérations de sécurité juridique, a, cependant, été fermement rejetée par un important arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 24 janvier 2006 (Cass. civ. 1, 24 janvier 2006, n° 03-11.889, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A5472DMM, Bull. civ. I, n° 28, JCP éd. G, 2006, II, 10036, note M. Mekki, RDC, 2006, p. 708, obs. D. Mazeaud). Sous le visa des articles 1304 et 2262 du Code civil, la Cour a, en effet, décidé que "la prescription extinctive trentenaire de l'article 2262 du Code civil n'est pas applicable à l'action en nullité pour dol régie par le seul article 1304 du même code, sauf à priver d'effectivité l'exercice de l'action prévue par ce texte" (lire nos obs., La prescription trentenaire de l'article 2262 du Code civil n'est pas applicable à l'action en nullité pour dol, Lexbase Hebdo n° 201 du 9 février 2006 - édition affaires N° Lexbase : N4086AKK).

Sans doute faut-il relever que, si la loi du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile (loi n° 2008-561 N° Lexbase : L9102H3I) avait été applicable, la question de savoir si le délai de l'action en nullité pour dol et, plus largement, pour vices du consentement était de cinq ou de trente ans -autrement dit de savoir s'il fallait s'en tenir au délai spécial de l'article 1304 ou bien se référer au délai de droit commun- ne se serait même pas posée puisque, précisément, la loi, harmonisant les délais de prescription, a réduit de trente à cinq ans le délai de prescription civile de droit commun. A ce titre, l'article 1304 parait, aujourd'hui, faire doublon avec le nouvel article 2224 qui précise en effet que "les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer" (sur la réforme de la prescription en matière civile, et, notamment, sur les principes de droit transitoire en matière de délai de prescription, lire les obs. de Etienne Vergès, Le temps de l'action en justice : présentation de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile, Lexbase Hebdo n° 314 du 24 juillet 2008 - édition privée générale N° Lexbase : N6679BGH).

Ensuite, l'allocation de dommages et intérêts est une sanction classique du dol, que la nullité soit ou non d'ailleurs prononcée. Il se peut, en effet, que le dol soit seulement invoqué pour conclure à une réduction du prix (Cass. com., 14 mars 1972, n° 70-12.659, Epoux G. c/ Dame C. N° Lexbase : A6747AGY, D., 1972, p. 653, note Ghestin), l'allocation de dommages et intérêts permettant alors, au moins indirectement, cette réduction. Mais il se peut, également, que les dommages et intérêts accompagnent la nullité de l'acte, l'action en responsabilité délictuelle, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, permettant à la victime du dol d'obtenir la réparation de son dommage (voir déjà, en ce sens, et dans les mêmes termes que l'arrêt commenté, Cass. civ. 1, 4 février 1975, n° 72-13.217 N° Lexbase : A6868AGH, Bull. civ. I, n° 43, JCP éd. G, 1975, II, 18100, note Larroumet ; Cass. civ. 1, 4 octobre 1988, n° 85-18.763, Consorts Vallet c/ Société Laboratoires Bio Codex et autres N° Lexbase : A1407AHL, Bull. civ. I, n° 265 ; Cass. com., 4 janvier 2000, n° 97-13.265, Mme Anne-Marie Chauchard, épouse Barnabe c/ M. Pierre Bousquet et autres N° Lexbase : A1887CMT, Contrats, conc., consom., 2000, n° 79, obs. Leveneur ; Cass. com., 15 janvier 2002, n° 99-18.774, FS-P N° Lexbase : A8031AXQ, Bull. civ. IV, n° 11). C'est d'ailleurs là l'un des éléments de la supériorité du dol sur l'erreur de l'article 1110 (N° Lexbase : L1198ABY), et qui tient à l'aspect délictuel du dol (l'intention de tromper).

newsid:327050

Conventions et accords collectifs

[Jurisprudence] La double prévision du renouvellement de la période d'essai

Réf. : Cass. soc., 2 juillet 2008, n° 07-40.132, Société Laboratoires Forte Pharma, F-P+B (N° Lexbase : A4981D9D)

Lecture: 6 min

N7022BG8

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3210456-edition-n-315-du-31072008#article-327022
Copier

par Sébastien Tournaux, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

La question du renouvellement de la période d'essai est loin d'être anodine. Elle permet, assez insidieusement, d'augmenter sensiblement la durée de la période d'essai globale, alors même que la durée initiale pouvait paraître relativement courte. La jurisprudence et, plus récemment, le législateur demeurent très vigilants à son égard, tant elle peut facilement masquer une volonté de fraude au droit du licenciement (1). La présente décision ne fait pas exception à cette règle de prudence. Par un arrêt rendu le 2 juillet 2008, la Chambre sociale de la Cour de cassation estime, en effet, que tombe sous le coup de la nullité la clause du contrat de travail prévoyant l'éventualité d'un renouvellement de la période d'essai, alors même que la convention collective de branche applicable n'envisageait pas une telle possibilité (2). Cette solution semble insidieusement faire une application bien inattendue du principe de faveur mais trouve, en réalité, son fondement dans l'anticipation des nouvelles dispositions législatives relatives à l'essai et issues de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, portant modernisation du marché du travail (N° Lexbase : L4999H7B).
Résumé

L'éventualité du renouvellement de la période d'essai n'étant pas prévue par la convention collective applicable, la clause du contrat de travail qui prévoit un tel renouvellement est nulle.

Commentaire

I - La clarification des conditions d'un renouvellement de la période d'essai

  • Actualité de la question du renouvellement de la période d'essai

Le régime juridique de la période d'essai, qui initie de manière de plus en plus systématique le contrat de travail, a été profondément modifié sous l'effet de l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 et de la loi du 25 juin 2008, portant modernisation du marché du travail (2). Tel est, en particulier, le cas des règles relatives au renouvellement de la période d'essai, sous l'effet des nouveaux articles L. 1221-21 et L. 1221-23 du Code du travail. Le premier de ces textes conditionne la possibilité d'un renouvellement de la période d'essai à l'existence d'une telle prévision par l'accord de branche étendu. Quant au second, il impose que le renouvellement de la période d'essai soit expressément stipulé dans la lettre d'engagement ou le contrat de travail. En bref, il faudra donc, à l'avenir, que le renouvellement éventuel de l'essai soit à la fois prévu par la convention collective et par le contrat de travail (3).

  • Règles antérieures applicables à l'espèce

Les règles gouvernant ce renouvellement n'ont, pourtant, pas toujours été aussi strictes. Longtemps laissées à la discrétion de la liberté contractuelle (4), elles ont, tout de même, été encadrées par la Chambre sociale de la Cour de cassation. Celle-ci décidait, sans ambages, que "le renouvellement ou la prolongation d'une période d'essai doit être expressément prévu par le contrat de travail ou la convention collective" (5). Il ne s'agissait donc manifestement pas de conditions cumulatives, mais bien alternatives.

La jurisprudence pouvait, cependant, paraître, parfois, contradictoire. En effet, la Cour de cassation prononçait, déjà, la nullité de la clause contractuelle de renouvellement de la période d'essai dans l'hypothèse où la convention collective n'envisageait pas une telle possibilité (6). L'argumentation proposée par la jurisprudence reposait sur l'application du principe de faveur au salarié : la convention collective restant silencieuse sur la possibilité de renouveler la période d'essai, elle s'avérait donc plus favorable que le contrat de travail, si bien que la clause contractuelle devait être annulée, en application de l'ancien article L. 135-2 du Code du travail (N° Lexbase : L5715ACN, art. L. 2254-1, recod. N° Lexbase : L0563HX7).

Une clarification méritait donc d'intervenir, même si, du fait des évolutions législatives évoquées, celle-ci n'aura, nécessairement, qu'une portée assez limitée.

  • L'affaire

Dans cette affaire, un salarié avait été engagé en qualité de directeur commercial d'un laboratoire spécialisé en compléments alimentaires, engagement accompagné d'une période d'essai de trois mois, dont le contrat de travail prévoyait qu'elle pourrait être renouvelée. Après que l'essai ait été renouvelé, l'employeur décida de rompre le contrat de travail un mois environ avant l'échéance de la phase d'expérimentation. La cour d'appel de Paris qualifia la rupture de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. L'employeur contesta cette décision en invoquant les dispositions de la Convention collective nationale des détaillants de la confiserie chocolaterie biscuiterie relatives à la durée de la période d'essai (7). En effet, ce texte prévoyait des durées d'essai standard (8) sans, pour autant, fermer la porte à un aménagement contractuel de cette durée. Dès lors, il estimait que la durée de la période d'essai pouvait être allongée par le contrat de travail.

La Chambre sociale de la Cour de cassation ne se place, pourtant, pas directement sur le terrain de la durée de l'essai, mais préfère raisonner en termes de possibilité de renouvellement de la période d'essai. Elle estime, en effet, que, la possibilité d'un renouvellement de l'essai n'étant pas prévue par la convention collective applicable, la clause du contrat prévoyant un tel renouvellement est nulle, si bien que la rupture du contrat de travail était intervenue après l'expiration de la période d'essai et devait naturellement s'analyser comme un licenciement.

II - Une clarification entre faveur au salarié et anticipation des modifications issues de la loi portant modernisation du marché du travail

Cette solution constitue manifestement une anticipation de l'application de la loi portant modernisation du marché du travail, qui impose expressément que l'accord de branche prévoie une telle faculté de renouvellement. Pour autant, au regard du droit applicable à l'espèce, la solution ne manque pas de surprendre, puisqu'elle fait une application assez inattendue du principe de faveur.

  • Caractère défavorable au salarié du renouvellement de l'essai

L'allongement d'une période d'essai est-il une mesure favorable, défavorable ou neutre pour le salarié ? Plusieurs auteurs rapportent que, pendant longtemps, la Cour de cassation a considéré que l'existence d'un renouvellement de la période d'essai constituait une véritable faveur faite au salarié. Elle considérait que, celui-ci n'ayant pas disposé d'un temps suffisant pour faire ses preuves, l'employeur lui permettait, par ce renouvellement, de finalement parvenir à le convaincre de ses qualités professionnelles (9). Or, il nous semble qu'une telle considération soit hautement contestable.

La véritable faveur au salarié consisterait justement à ne pas renouveler la période d'essai et à juger celle-ci comme réussie. L'essai étant caractérisé par la précarité qui l'accompagne, il est bien difficile de voir dans son allongement une faveur faite au salarié, sentiment, d'ailleurs, exacerbé par l'observation des difficultés que peuvent rencontrer les salariés en période d'essai face à un établissement de crédit ou à un bailleur (10).

Pour autant, ce raisonnement retrouve un semblant de vigueur par l'effet de la nouvelle définition de la période d'essai offerte par les partenaires sociaux et la loi portant modernisation du marché du travail. Rappelons, en effet, que l'article L. 1221-20 du Code du travail a confirmé le caractère bilatéral de la période d'essai et son utilité pour l'employeur comme pour le salarié. "La période d'essai permet à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent". Si l'essai est utile au salarié, son allongement ne devrait pas lui être défavorable... Il est vrai que, pour certains salariés très demandés sur le marché de l'emploi, soit qu'ils bénéficient de qualifications professionnelles très recherchées, soit qu'ils travaillent dans un secteur où le marché de l'emploi est très tendu, la période d'essai peut conserver un intérêt relatif (11).

Quoi qu'il en soit, il nous paraît raisonnable de conclure que l'allongement de la période d'essai du contrat de travail est défavorable au salarié, même s'il ne faut probablement pas avoir une approche totalement générale de la question.

  • Un raisonnement hardi fondé sur le principe de faveur

La Cour de cassation reprend donc la solution énoncée en 1995, dans laquelle elle avait jugée nulle une clause contractuelle de renouvellement de l'essai, alors même qu'aucune disposition de la convention collective ne l'envisageait. Il y a donc tout lieu de penser que, malgré une argumentation bien moins détaillée dans l'espèce commentée, c'est, encore, l'application du principe de faveur qui gouverne la solution.

Ce raisonnement, en termes de principe de faveur, insidieusement opéré par la Cour de cassation, est, pour le moins, hardi. Rappelons que le principe de faveur constitue une règle de conflit en droit du travail. Il permet, en cas de pluralité de normes applicables à une situation, d'appliquer celle qui s'avère la plus favorable au salarié (12).

Or, la Haute juridiction juge habituellement qu'une norme demeurée silencieuse, s'agissant de tel avantage ou de telle sujétion, ne peut constituer l'un des termes du conflit. Ainsi, particulièrement, le silence du contrat de travail ne permet pas au salarié de se prévaloir du principe de faveur pour écarter une obligation lui étant faite par la convention collective (13). Pourquoi serait, alors, justifiée la solution inverse, permettant d'écarter une prescription du contrat de travail en raison du silence de la convention collective ?

  • L'anticipation législative

Répétons-le, la réponse à cette question figure très probablement dans l'évolution de la législation. La Cour de cassation prend les devants et interprète la législation applicable à l'affaire à la lumière des modifications destinées à être appliquées à l'avenir. L'exigence d'une double prévision, par le contrat et l'accord collectif, de la possibilité de renouveler la période d'essai règle le problème, sans sembler se référer au principe de faveur.

Pour autant, le silence de l'un des deux textes permettra d'exclure toute hypothèse de renouvellement. De fait, l'existence de la condition cumulative prévue par la loi de modernisation du marché du travail permet de faire une sorte d'application du principe de faveur en cas de silence de l'un des deux textes, y compris, d'ailleurs, si c'est le contrat qui est demeuré silencieux. On disait le principe de faveur moribond, il réapparaît, pourtant, parfois, là où on ne l'attendait guère.


(1) G. Lyon-Caen, La fraude à la loi en matière de licenciement, Dr. soc., 1978, n° spéc. avr., p. 69.
(2) Sur ces textes, v. les obs. de G. Auzero, Article 2 de la loi portant modernisation du marché du travail : les nouvelles périodes d'essai, Lexbase Hebdo n° 312 du 10 juillet 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N5224BGL) ; et nos obs., Commentaire des articles 4, 5 et 6 de l'accord sur la modernisation du marché du travail : période d'essai, accès à certains droits et développement des compétences des salariés, Lexbase Hebdo n° 289 du 24 janvier 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N8239BDI) ; J. Mouly, Sur le caractère impératif de la durée des nouvelles périodes d'essai, SSL, 28 avril 2008, n° 1351, p. 6 ; Une innovation ambiguë : la réglementation de l'essai, Dr. soc., 2008, p. 288 ; A. Mazeaud, Un nouveau droit de la formation du contrat de travail dans la perspective de la modernisation du marché du travail ?, Dr. soc., 2008, p. 626 ; A. Sauret, La période d'essai, JCP éd. S, 2008, 1364.
(3) Une telle exigence de "double autorisation" ne va pas sans rappeler celle qui devrait être mise en place par le droit communautaire en matière de clause d'opt out, permettant aux Etats membres de déroger à la durée maximale hebdomadaire de travail, imposée par l'article 6 de la Directive 2003/88/CE (N° Lexbase : L5806DLM). En effet, une proposition de modification de cette Directive impose, pour que cette durée maximale puisse être dépassée, que cette faculté soit prévue à la fois par un accord collectif et par un accord du salarié. V. COM (2004) 607 final, point n° 25 et COM (2005) 246 final, point n° 9.
(4) V. H. Sinay, Le travail à l'essai, Dr. soc., 1963, p. 153, in fine ; v., également, Cass. soc., 28 avril 1955, JCP éd. S, 1957, II, 9725.
(5) Cass. soc., 10 novembre 1998, n° 96-41.579, Mme Champion c/ M. Zowczak (N° Lexbase : A4570AGD), Bull. civ. V, n° 483 ; RJS, 1998, n° 1442, p. 881 ; Cass. soc., 17 février 1999, n° 97-41.012, Mme Christine Journois c/ Société Les Airelles, société à responsabilité limitée (N° Lexbase : A3071AGT).
(6) Cass. soc., 30 mars 1995, n° 91-44.079, Société Europa discount Rhône-Alpes c/ Mme Pradon (N° Lexbase : A1893AAD), Bull. civ. V, n° 117 ; D., 1995, IR, 112 ; Dr. soc., 1995, p. 502 ; RJS, 1995, n° 863, p. 571.
(7) Ce qui ne manque pas de sel, compte-tenu de l'activité de l'employeur, principalement axée sur les compléments alimentaires destinés à aider ses clients... à mincir !
(8) Article 1er de l'annexe I de l'accord : "la durée normale de la période d'essai est de [...] trois mois".
(9) V. H. Sinay, Le travail à l'essai, préc., p. 153 ; A. Brun, La jurisprudence en droit du travail, Bibl. de droit du travail et de la Sécurité sociale, p. 143 ; J. Mouly, Le renouvellement de la période d' essai dans les contrats de travail : nécessité d'une stipulation expresse, D., 2000, p. 6.
(10) V., Bailleurs et banques se méfient des salariés en période d'essai, Le Monde du 2 août 2005.
(11) Même si, là encore, l'amenuisement de la distinction entre rupture d'essai à l'initiative du salarié et démission pousse à demeurer bien circonspect. Sur ce point, v. nos obs., Commentaire des articles 4, 5 et 6 de l'accord sur la modernisation du marché du travail : période d'essai, accès à certains droits et développement des compétences des salariés, préc..
(12) V. A. Jeammaud, Le principe de faveur. Enquête sur une règle émergente, Dr. soc., 1999, p. 115 ; J. Pélissier, Existe-t-il un principe de faveur en droit du travail, in Mélanges dédiés à M. Despax, 2001, p. 289 ; F. Bocquillon, Que reste-t-il du principe de faveur, Dr. soc., 2001, p. 255.
(13) V. J. Pélissier, A. Supiot, A. Jeammaud, Droit du travail, Dalloz, 23ème éd., p. 136, spéc. note n° 3 ; J. Pélissier, Existe-t-il un principe de faveur en droit du travail, préc. ; X. Carsin, La convention collective source de sujétions pour le salarié, JCP éd. S, 2007, 1015.

Décision

Cass. soc., 2 juillet 2008, n° 07-40.132, Société Laboratoires Forte Pharma, F-P+B (N° Lexbase : A4981D9D)

Rejet, CA Paris, 21ème ch., sect. B, 9 novembre 2006

Textes concernés : Convention collective de la confiserie chocolaterie biscuiterie, art. 1 de l'annexe I 'Cadres'

Mots-clés : période d'essai ; durée de l'essai ; clause de renouvellement ; nullité.

Lien base :

newsid:327022

Contrat de travail

[Jurisprudence] Après le législateur, la Cour de cassation invalide à son tour le CNE

Réf. : Cass. soc., 1er juillet 2008, n° 07-44.124, M. Philippe Samzun, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A4245D94)

Lecture: 12 min

N6964BGZ

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3210456-edition-n-315-du-31072008#article-326964
Copier

par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen

Le 07 Octobre 2010

Une semaine seulement après la promulgation de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, de modernisation du marché du travail (N° Lexbase : L4999H7B), qui abroge, pour le présent et pour l'avenir, le contrat nouvelles embauches (1) (hasard du calendrier ?), la Cour de cassation vient, à son tour, dans un arrêt du 1er juillet 2008, d'invalider le contrat nouvelles embauches, pourtant mis en place il y a seulement trois ans par l'ordonnance "Villepin" sur l'emploi (ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005, relative au contrat de travail "nouvelles embauches" N° Lexbase : L0758HBP). En l'espèce, une salariée a été engagée en qualité de secrétaire par un mandataire judiciaire, par un contrat à durée déterminée de six mois à compter du 1er juillet 2005. Le 6 décembre 2005, il a été mis fin à ce contrat par la signature d'un contrat nouvelles embauches pour le même emploi. Mais, par lettre du 27 janvier 2006, l'employeur a, sans motivation, rompu le contrat nouvelles embauches. L'employeur fait grief à l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris, le 6 juillet 2007, d'avoir dit que ce contrat nouvelles embauches était contraire aux dispositions de la Convention n° 158 de l'OIT et d'avoir requalifié le contrat de la salariée en contrat de travail à durée indéterminée. Son pourvoi est rejeté.

La Cour de cassation reprend, ainsi, à son compte l'analyse de l'ordonnance n° 2005-893, jugée contraire à la Convention n° 158 de l'OIT par la cour d'appel de Paris, dont elle rejette le pourvoi par l'arrêt rapporté (2), le Bureau international du travail (fin 2007) (3), le législateur (loi n° 2008-596 du 25 juin 2008), certaines juridictions du premier (4) et du second degré, une partie de la doctrine (5) et, implicitement, les partenaires sociaux (voir l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008) (6), contre la position défendue par le Conseil d'Etat (7), le pouvoir réglementaire (qui avait, par ordonnance, institué le contrat nouvelles embauches), le Conseil constitutionnel et une partie de la doctrine.

Destiné aux PME (0 à 20 salariés), ce contrat de travail sans limitation de durée dérogeait, pendant une période de deux ans, aux règles de rupture et comportait, en contrepartie, un régime indemnitaire spécifique, garantissant au salarié, pendant cette période, une indemnité en cas de rupture à l'initiative de l'employeur, supérieure à celle résultant de l'application des règles de l'article L. 122-9 du Code du travail (N° Lexbase : L5559ACU) (8).

L'aide juridique accordée à l'employeur au titre du CNE relevait des incitations que le législateur et le pouvoir réglementaire mettent en place, traditionnellement, aux côtés des aides financières (subventions, exonérations de charges sociales, exonérations fiscales,...). Cette aide (non application du droit du licenciement pendant les deux premières années du contrat), contrairement à celles des années antérieures, au titre d'autres contrats aidés (on pense, notamment, aux contrats de qualification, devenus contrats de professionnalisation), a fait l'objet d'un rejet, aussi bien de la population (pour le contrat première embauche) que d'une grande partie de la doctrine, des organisations syndicales et, finalement, de la Cour de cassation elle-même. Car, au-delà du régime du contrat nouvelles embauches lui-même, l'enjeu portait sur le droit de la procédure du licenciement (I) et son champ d'application (II), dont les limitations et restrictions n'ont pas réalisé de consensus.

Résumé

En déclarant non applicables les articles L. 122-4 à L. 122-11 (N° Lexbase : L5554ACP), L. 122-13 à L. 122-14-14 (N° Lexbase : L5564AC3) et L. 321-1 à L. 321-17 (N° Lexbase : L8921G7K) du Code du travail, tels qu'alors en vigueur, au licenciement des salariés engagés par un contrat nouvelles embauches et survenant pendant les deux années suivant la conclusion de ce contrat, l'article 2 de l'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005, devenu l'article L. 1223-4 du Code du travail (N° Lexbase : L0831H9N), abrogé par l'article 9 de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, en ce qu'il écarte les dispositions générales relatives à la procédure préalable de licenciement, à l'exigence d'une cause réelle et sérieuse, à son énonciation et à son contrôle, et prive, ainsi, le salarié du droit de se défendre préalablement à son licenciement et fait exclusivement peser sur lui la charge de prouver le caractère abusif de la rupture, ne satisfait pas aux exigences de la Convention n° 158 de l'OIT.

Commentaire

I - Rejet d'une flexibilité qui porterait atteinte au droit de la procédure de licenciement

A - Régime de la procédure de licenciement du CNE et compatibilité avec la convention de l'OIT : un débat controversé

Il faut rappeler que le régime du licenciement n'est pas applicable au contrat nouvelles embauches pendant les deux premières années. Les articles L. 122-14-8 (N° Lexbase : L5573ACE), L. 122-14-12 (N° Lexbase : L5576ACI), L. 122-14-13 (N° Lexbase : L3219HW7), L. 212-14-14 (N° Lexbase : L5843ACE), L. 321-1-2 (N° Lexbase : L8923G7M) et L. 321-14 (N° Lexbase : L9592GQC) du Code du travail (rédaction antérieure au nouveau Code du travail) ne s'appliquent pas. Hormis les cas de procédure disciplinaire, de pratique discriminatoire ou d'atteinte aux salariés bénéficiaires de protection d'ordre public (exemple, les représentants du personnel), l'employeur ne peut, en principe, être sanctionné qu'en cas de volonté de nuire, de légèreté blâmable ou d'abus dans l'exercice du droit de résiliation (circ. min. n° CIV/06/06 du 8 mars 2006, Contrat nouvelles embauches N° Lexbase : L3915HIT).

Lorsqu'il est à l'initiative de la rupture, sauf faute grave, l'employeur verse au salarié régi par un contrat nouvelles embauches, jusqu'à l'expiration du préavis, outre les sommes restant dues au titre des salaires et de l'indemnité de congés payés, une indemnité égale à 8 % du montant total de la rémunération brute due au salarié depuis la conclusion du contrat (ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005, art. 2-3°).

La cour d'appel de Paris, dans son arrêt rendu le 6 juillet 2007 (préc.), avait estimé que les termes de l'ordonnance n° 2005-893 sont contraires à la Convention n° 158 de l'OIT, qui impose l'existence d'une procédure contradictoire préalable au licenciement, d'un motif valable de licenciement et d'un recours effectif devant les juridictions pour contrôler l'existence de ce motif valable. Devant la Cour de cassation (arrêt rapporté), l'employeur contestait cette analyse juridique.

  • Motivation du licenciement

La Convention n° 158 de l'OIT prévoit, en son article 4, qu'un travailleur ne devra pas être licencié sans qu'il existe un motif valable de licenciement lié à l'aptitude ou à la conduite du travailleur ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l'entreprise. L'ordonnance n° 2005-893 rentre en conflit avec la convention n° 158 de l'OIT, selon la cour d'appel de Paris (arrêt précité du 6 juillet 2007), parce que le "contrat de travail appartient à cette catégorie de contrat dans lequel le salarié se trouve dans une situation de dépendance économique vis-à-vis de son cocontractant [...] le CNE ne contient aucune précision sur les causes permettant la résiliation lorsqu'une des parties doit être protégée". A l'appui de cette argumentation, la cour d'appel arguait d'une décision rendue par le Conseil constitutionnel le 9 novembre 1999 (décision n° 99-419 DC du 9 novembre 1999 N° Lexbase : A8783ACB).

Mais, au contraire, pour le Conseil d'Etat (CE, 19 octobre 2005, n° 283471, préc.), il ne résulte ni du principe de liberté énoncé à l'article 4 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen (N° Lexbase : L1368A9K), ni d'aucun autre principe ou règle de valeur constitutionnelle, que la faculté pour l'employeur de mettre fin au contrat nouvelles embauches devrait être subordonnée à l'obligation d'en énoncer préalablement les motifs et d'en prévoir les modalités de réparation. Pour le Conseil d'Etat, les règles de rupture du contrat nouvelles embauches pendant les deux premières années suivant la date de sa conclusion ne dérogent pas aux stipulations des articles 8-1, 9 et 10 de la Convention n° 158 de l'OIT.

De même, le Conseil constitutionnel avait statué en ce sens (décision n° 2005-521 DC du 22 juillet 2005, Loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi N° Lexbase : A1642DKZ (9)). Les auteurs de la saisine avançaient que la loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi porterait une atteinte disproportionnée à l'économie des accords collectifs en cours, ainsi qu'à la Convention n° 158 de l'OIT, concernant la cessation de la relation de travail à l'initiative de l'employeur. Le grief n'a pas été retenu par le Conseil constitutionnel, selon lequel les dispositions en cause ne sont ni par elles-mêmes, ni par les conséquences qui en découlent, contraires à une règle ou à un principe de valeur constitutionnelle.

  • Preuve

Selon l'article 9 de la Convention n° 158 de l'OIT, les juridictions devront être habilitées à examiner les motifs invoqués pour justifier le licenciement. La charge de prouver l'existence d'un motif valable de licenciement devra incomber à l'employeur. Selon la cour d'appel de Paris (arrêt précité du 6 juillet 2007), la "théorie de la motivation implicite se heurte à la contradiction insurmontable de demande à un juge d'apprécier le bien-fondé d'un licenciement sans qu'il puisse exiger de l'employeur qu'il rapporte la preuve de son motif". La cour d'appel en déduisait que l'ordonnance n° 2005-893 est en contradiction avec la Convention n° 158 de l'OIT. Au final, il faut admettre que, si l'employeur est dispensé de motiver la décision de rupture du CNE, il n'est pas dispensé, devant le juge, d'emporter sa conviction sur la légitimité de la décision de rupture du contrat de travail nouvelles embauches, en application du principe général de l'abus de droit (CE, 19 octobre 2005, n° 283471, préc.). Le Conseil d'Etat, dans le même arrêt, a avancé une position exactement inverse à celle de la cour d'appel de Paris, dans son arrêt du 6 juillet 2007.

B - Régime de la procédure de licenciement du CNE et compatibilité avec la convention OIT : un débat clos

L'employeur estimait, en l'espèce, que le motif valable de licenciement (Convention n° 158 de l'OIT, art. 4) se distingue du motif réel et sérieux de licenciement. En jugeant le contraire, la cour d'appel aurait méconnu l'article 4 de la Convention.

La Cour de cassation décide, au contraire, qu'aux termes de l'article 4 de la Convention n° 158 de l'OIT, qui est d'application directe en droit interne, un travailleur ne peut être licencié sans qu'il existe un motif valable de licenciement lié à son aptitude ou à sa conduite ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l'entreprise, de l'établissement ou du service. De plus, selon l'article 7 de la même convention, le licenciement ne peut intervenir avant qu'on ait offert au travailleur la possibilité de se défendre contre les allégations formulées. Enfin, selon son article 9, le salarié ne doit pas avoir à supporter seul la charge de prouver que le licenciement n'était pas justifié. Aussi, la Cour de cassation valide la décision de la cour d'appel de Paris, qui avait déclaré non applicables les articles L. 122-4 à L. 122-11, L. 122-13 à L. 122-14-14 et L. 321-1 à L. 321-17 du Code du travail, tels qu'alors en vigueur, au licenciement des salariés engagés par un contrat nouvelles embauches et survenant pendant les deux années suivant la conclusion de ce contrat.

L'article 2 de l'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 (devenu l'article L. 1223-4 du Code du travail, abrogé par la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008), en ce qu'il écarte les dispositions générales relatives à la procédure préalable de licenciement, à l'exigence d'une cause réelle et sérieuse, à son énonciation et à son contrôle, et prive, ainsi, le salarié du droit de se défendre préalablement à son licenciement et fait exclusivement peser sur lui la charge de prouver le caractère abusif de la rupture, ne satisfait pas aux exigences de la Convention n° 158 de l'OIT.

II - Rejet d'une flexibilité qui porterait atteinte au champ d'application du droit du licenciement

A - Hésitations judiciaires et controverses doctrinales

L'article 2 de la Convention n° 158 de l'OIT organise un certain nombre de dérogations possibles quant à l'application des prescriptions contenues dans cette convention (10). La question reste donc de savoir si la durée de deux ans, dite de consolidation, prévue par l'ordonnance n° 2005-893, est couverte par cet article 2 de la Convention OIT. La cour d'appel de Paris relevait que la dérogation au droit commun institué par la Convention vise les travailleurs effectuant une période d'essai ou n'ayant pas la période d'ancienneté requise, à condition que la durée de celle-ci soit fixée d'avance et qu'elle soit raisonnable. Or, pour la cour d'appel de Paris, la période dite de consolidation ne répond pas à cette exigence de "période raisonnable", parce qu'"aucune législation de pays européens comparables à la France n'a retenue un délai aussi long durant lequel les salariés sont privés de leurs droits fondamentaux en matière de rupture du contrat de travail" et parce que "dans la lutte contre le chômage, la protection des salariés dans leur emploi semble être un moyen aussi pertinent que les facilités données aux employeurs pour les licencier et qu'il est pour le moins paradoxal d'encourager les embauches en facilitant les licenciements".

En 2007, le Bureau international du travail (BIT) avait pris position clairement, dans le même sens (considérant 71) (11). L'article 2 § 2 b de la Convention n° 158 de l'OIT vise à garantir que l'exclusion de la protection de la convention pour les travailleurs effectuant une période d'essai ou n'ayant pas la période d'ancienneté requise soit d'une durée raisonnable. La référence au caractère "raisonnable" est liée à l'exclusion de la protection, selon le BIT. Celui-ci admet que des considérations de politique économique ou de politique de l'emploi (telles que défendues par le Gouvernement à propos du CNE), ainsi que les mesures prises pour compenser l'exclusion de la protection ou en limiter le champ, puissent justifier la relative longueur de la période d'exclusion.

La principale préoccupation doit, cependant, être de s'assurer que la durée de l'exclusion des avantages de la convention n° 158 de l'OIT se limite à ce qui peut raisonnablement être considéré comme nécessaire à la lumière des objectifs pour lesquels la période d'ancienneté a été fixée, à savoir permettre à l'employeur de mesurer la viabilité économique et les perspectives de développement de son entreprise et permettre aux travailleurs concernés d'acquérir des qualifications ou de l'expérience. Le BIT a relevé que la durée normalement considérée comme raisonnable de la période d'ancienneté requise n'excède pas six mois en France. La période de deux ans prévue par l'ordonnance n° 2005-893, pendant laquelle le salarié est exclu du droit commun du licenciement et, donc, de la protection instituée par la Convention n° 158 de l'OIT, ne répond pas, pour le BIT, à cette exigence de durée raisonnable.

B - Une position ferme de la Cour de cassation

En l'espèce, l'employeur avançait que, selon l'article 2 § 2 b de la Convention n° 158 de l'OIT, un Etat peut exclure de son champ d'application les travailleurs effectuant une période d'essai ou n'ayant pas la période d'ancienneté requise, à condition que la durée de celle-ci soit fixée d'avance et qu'elle soit raisonnable. Le contrôle du caractère raisonnable, ou non, doit s'effectuer au regard des objectifs de la mesure. Dans son pourvoi, l'employeur invoquait la nécessité, pour apprécier le caractère "raisonnable" du délai de deux années institué par l'ordonnance du 2 août 2005, de prendre en considération l'objectif d'amélioration de la situation de l'emploi en vue duquel la dérogation avait été édictée et les caractéristiques du contrat qui offraient, à titre transitoire, suffisamment de souplesse à l'entreprise pour lui permettre la consolidation de l'emploi au fur et à mesure de la structuration de son marché, tout en offrant, en contrepartie, au salarié, des garanties financières supérieures à celles qu'offre le droit commun.

La Cour de cassation n'a pas suivi l'argument invoqué par l'employeur, sans, d'ailleurs, motiver sa décision : l'article 2 de l'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 (C. trav., art. L. 1223-4, abrogé par l'article 9 de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008) ne vise pas une catégorie limitée de salariés pour lesquels se posent des problèmes particuliers revêtant une certaine importance, eu égard à la taille de l'entreprise qui les emploie. L'ordonnance n° 2008-893 ne distingue pas selon les fonctions pour lesquelles ils ont été engagés et ne limite pas, autrement que par un délai d'attente de trois mois, la possibilité de les engager de nouveau par un contrat de nature identique à celui précédemment rompu par le même employeur. Aussi, la non-application du droit commun du licenciement pendant la période de consolidation, telle que prévue par l'ordonnance n° 2005-893, instituant le contrat nouvelles embauches, ne peut être justifié par application des dispositions de la Convention n° 158 de l'OIT.

Deux ans après le contrat première embauche (la loi n° 2006-457 du 21 avril 2006 sur l'accès des jeunes à la vie active en entreprise N° Lexbase : L3735HI8 a modifié l'article 8 de la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances N° Lexbase : L9534HHL, en supprimant le contrat première embauche) (12) et, quinze ans après le contrat d'insertion professionnelle (13), le CNE rejoint donc le cimetière des contrats aidés abandonnés presque in vitro. Les moeurs et sensibilités ont donc profondément changé en quinze ans. Rejet d'un contrat aidé dérogatoire au droit commun de la rémunération (CIP) ; rejet de contrats aidés dérogatoires au droit commun du licenciement (CPE, CNE), il y bien un changement dans la lecture des évènements, dans le mode d'analyse des relations individuelles de travail, puisque la valeur "rémunération" s'est effacée au profit de la valeur "continuité de l'emploi" (protection par le droit commun du licenciement).


(1) Voir nos obs., Article 9 de la loi portant modernisation du marché du travail : abrogation du CNE, Lexbase Hebdo n° 312 du 9 juillet 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N5334BGN).
(2) Voir nos obs., Le contrat nouvelles embauches contraire à la Convention OIT n° 158, Lexbase Hebdo n° 268 du 12 juillet 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N7948BBY). Cette décision n'est, en réalité, qu'un épisode dans un feuilleton judiciaire lancé en 2006 (CPH Longjumeau, sec. Activités diverses, 28 avril 2006, RG n° 06/00316, Mlle De Wee c/ M. Samzun N° Lexbase : A3873DTM) et poursuivi en 2007 (TC, 19 mars 2007, n° 3622 Samzun c/ L. De Wee, N° Lexbase : A7097DUE) : le Tribunal des conflits confirmant la compétence du juge judiciaire, c'est donc bien devant la cour d'appel de Paris que les parties ont pu contester la conventionnalité de l'ordonnance du 2 août 2005.
(3) Bureau international du travail GB.300/20/6, 300ème session Conseil d'administration Genève, novembre 2007, Rapport du Directeur général Sixième rapport supplémentaire ; Rapport du comité chargé d'examiner la réclamation alléguant l'inexécution par la France des conventions OIT n° 87 (sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948), n° 98 (sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949), n° 111 (concernant la discrimination, 1958) et n° 158 (sur le licenciement, 1982), présentée par la Confédération générale du travail-Force ouvrière. Lire nos obs., Contrairement au Conseil d'Etat, l'OIT invalide le contrat nouvelles embauches, Lexbase Hebdo n° 283 du 29 novembre 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N2230BDX).
(4) Lire nos obs., Contrat nouvelles embauches : un nouveau contrat de travail ou une réforme du droit du licenciement ?, Lexbase Hebdo n° 207 du 23 mars 2066 - édition sociale (N° Lexbase : N5993AK8).
(5) T. Aubert-Monpeyssen, Contrat nouvelles embauches et droit du travail : quelques interrogations techniques, JCP éd. E, 2005, 1495 ; P. Bouaziz, Un contrat nommé nouvelles embauches', D., 2005, chr. p. 2907 ; Katel Berthou, Contrat nouvelles embauches et droit communautaire, SSL, 2005, n° 1224, p. 8 ; M. Del Sol et P. Turquet, Déréguler le licenciement pour mieux sécuriser les personnes : les ambiguïtés de la flexicurité - Retour sur le rapport Cahuc-Kramarz relatif à la Sécurité sociale professionnelle, RDSS, 2007, p. 528, spéc. p. 538 ; B. Gomel, Contrat nouvelles embauches : un retour vers quel emploi ?, Dr. soc., 2005, p. 1120 ; T. Grumbach, P. Lanquetin, P. Lyon-caen, C. Michel et C. Zbinden, Contrat nouvelles embauches : un leurre pour les salariés et les employeurs, SSL, 20 février 2006, p. 9 ; B. Junod, C. Lagarenne, C. Minni et L. Berné, Le contrat nouvelles embauches, DARES, 1ères informations, 1ères synthèses, juin 2006, n° 25.4 ; A. Mazeaud, Du contrat nouvelles embauches, de la fléxisécurité, etc., Dr. soc., 2006, p. 591 ; P. Morvan, Le contrat de travail nouvelles embauches, JCP éd. S, 2005, n° 11, 6 septembre 2005, p. 7 ; C. Pierchon, Le contrat de travail nouvelles embauches : quel contentieux prud'homal ?, D., 2005, p. 2982 ; C. Roy-Loustaunau, Le contrat nouvelles embauches : la flexi-sécurité à la française, Dr. soc., 2005, p. 1103 ; F. Saramito, Une régression : le contrat nouvelles embauches, Dr. ouvr., février 2006, p. 65 ; J. Savatier, La rupture pour motif disciplinaire des contrats nouvelles embauches, Dr. soc., 2005, p. 957 ; Y. Viala, Contrat nouvelles embauches et CPE : des projets similaires en Allemagne, JCP éd. S, 2006, n° 1534, 4 juillet 2006, p. 12
(6) Nos obs., Commentaire des articles 15 à 18 de l'accord sur la modernisation du marché du travail : encouragement du retour à l'emploi et réforme du régime d'assurance chômage, Lexbase Hebdo n° 289 du 24 janvier 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N8398BDE).
(7) CE Contentieux, 19 octobre 2005, n° 283471, Confédération générale du travail et autres (N° Lexbase : A9977DKQ), RJS, 12/05, n° 1240 ; JCP éd. E, 2005, n° 1652, note P. Morvan ; JCP éd. S, 2005, n° 1317, p. 37, R. Vatinet ; D., 2005, p. 629, note G. Borenfreund ; C. Devys, conclusions sous CE 19 octobre 2005, n° 283471, préc., JCP éd. S, 2005, n° 1317, p. 27 ; G. Koubi, L'ordonnance de l'incertitude sociale..., Dr. ouv., février 2006, p. 75 ; C. Landais et F. Lenica, AJDA 2005, chron. p. 2162 ; et nos obs., Le Conseil d'Etat valide le contrat nouvelles embauches, Lexbase Hebdo n° 188 du 3 novembre 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N0289AKW).
(8) Voir les obs. de S. Martin-Cuenot, Le contrat nouvelles embauches, mode d'emploi, Lexbase Hebdo n° 179 du 1er septembre 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N7758AI8).
(9) L. Janicot, Techniques contentieuses. Garanties légales d'exigences constitutionnelles, Les petites affiches, 10 mai 2006, p. 5 ; J.-E. Schoettl, La loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi devant le Conseil constitutionnel, Les petites affiches, 29 juillet 2005, pp. 22-27.
(10) Un Etat pourra exclure du champ d'application de l'ensemble ou de certaines des dispositions de la Convention n° 158 les catégories suivantes de travailleurs salariés : les travailleurs engagés aux termes d'un contrat de travail portant sur une période déterminée ou une tâche déterminée ; les travailleurs effectuant une période d'essai ou n'ayant pas la période d'ancienneté requise, à condition que la durée de celle-ci soit fixée d'avance et qu'elle soit raisonnable ; et, enfin, les travailleurs engagés à titre occasionnel pour une courte période. Des garanties adéquates seront prévues contre le recours à des contrats de travail de durée déterminée visant à éluder la protection découlant de la Convention n° 158 de l'OIT. Pour autant qu'il soit nécessaire, des mesures pourront être prises par l'autorité compétente ou par l'organisme approprié dans un pays, après consultation des organisations d'employeurs et de travailleurs intéressées, là où il en existe, afin d'exclure de l'application de la Convention n° 158 ou de certaines de ses dispositions certaines catégories de travailleurs salariés dont les conditions d'emploi sont soumises à un régime spécial qui, dans son ensemble, leur assure une protection au moins équivalente à celle offerte par la Convention.
(11) Rapport du comité chargé d'examiner la réclamation alléguant l'inexécution par la France des conventions OIT n° 87 (sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948), n° 98 (sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949), n° 111 (concernant la discrimination, 1958) et n° 158 (sur le licenciement, 1982), préc..
(12) V. Bonin, Contrats première embauche et nouvelles embauches : quelles flexi-sécurité, LPA, 14 juin 2006, n° 118, p. 8 ; L. Hénart, Rapport Assemblée nationale n° 3016, 11 avril 2006 ; A. Gournac, Rapport n° 311 (2005-2006) Sénat, 12 avril 2006 ; P. Morvan, Le discours anti-CPE' : démagogique, déprimé ou suicidaire ?, JCP éd. S, 2006, n° 1303 ; Le contrat de travail première embauche, JCP éd. S, 2006, 1289 ; Fallait-il inventer le contrat nouvelles embauches (et le CPE) ? Pour le contrat nouvelles embauches et le CPE, au nom de l'inventivité, RDT, 2006, p. 147 ; J. Pélissier, Fallait-il inventer le contrat nouvelles embauches (et le CPE) ? Une invention déplorable, RDT, 2006, p. 144 ; Q. Urban, Le contrat première embauche, un contrat aux règles déraisonnables, D., 2006, p. 937 ; les obs. de C. Radé, Le contrat première embauche, Lexbase Hebdo n° 210 du 13 avril 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N6853AKZ) ; Y. Viala, Contrat nouvelles embauches et CPE : des projets similaires en Allemagne, JCP éd. S, 2006, n° 1534, 4 juillet 2006, p. 12.
(13) Le contrat d'insertion professionnelle (CIP) était un contrat de travail à durée déterminée destiné aux moins de 26 ans rémunéré à 80 % du SMIC, mis en place par le gouvernement Balladur en 1993-1994 et retiré sous la pression populaire (G. Couturier, Le contrat d'insertion professionnelle, Dr. soc., 1994. 204).

Décision

Cass. soc., 1er juillet 2008, n° 07-44.124, M. Philippe Samzun, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A4245D94)

Rejet, CA Paris, 18ème ch., sect. E, 6 juillet 2007, n° 06/06992, Monsieur Le Procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Evry c/ Mademoiselle Linde De Wee (N° Lexbase : A1564DX9)

Textes visés : ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 ; Convention n° 158 de l'OIT

Mots-clefs : contrat nouvelles embauches ; régime de la rupture les deux premières années ; compatibilité (non).

Lien base :

newsid:326964

Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] Inaptitude totale et obligation de reclassement : justification ?

Réf. : Cass. soc., 9 juillet 2008, n° 07-41.318, M. Nota c/ Caisse régionale de crédit agricole Nord Midi Pyrénées, FS-P+B (N° Lexbase : A6390D9K)

Lecture: 8 min

N7051BGA

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3210456-edition-n-315-du-31072008#article-327051
Copier

par Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

Un salarié classé en invalidité deuxième catégorie par la Sécurité sociale et déclaré inapte à son ancien poste et à tout emploi dans l'entreprise peut-il être licencié sans que l'employeur ait recherché à le reclasser ? A cette question la Cour de cassation répond par la négative dans un arrêt du 9 juillet 2008. Elle rappelle que l'employeur est, en toute hypothèse et, singulièrement, quel que soit le degré d'inaptitude reconnu et indépendamment du caractère temporaire ou définitif de l'inaptitude, tenu de chercher à reclasser le salarié. Elle justifie sa décision en expliquant que seul l'employeur connaît les possibilités d'aménagement des postes dans son entreprise. Cette solution n'est pas nouvelle, mais elle a le mérite de permettre d'expliquer la position de la Cour de cassation concernant le reclassement du salarié inapte.
Résumé
L'avis du médecin du travail déclarant un salarié inapte à tout travail s'entend nécessairement d'une inaptitude à tout emploi dans l'entreprise. Un tel avis ne dispense pas l'employeur d'établir qu'il s'est trouvé dans l'impossibilité de reclasser le salarié au sein du groupe auquel elle appartient, au besoin par des mesures telles que mutations, transformations de poste de travail ou aménagement du temps de travail. Le classement d'un salarié en invalidité deuxième catégorie par la Sécurité sociale a une finalité distincte et relève d'un régime juridique différent. Ce classement est sans incidence sur l'obligation de reclassement du salarié inapte qui incombe à l'employeur par application des dispositions du Code du travail.

Commentaire

I - Généralité de l'obligation de reclassement

  • Obligation de reclassement du salarié inapte

Le salarié atteint d'une maladie professionnelle bénéficie d'une protection exorbitante du droit commun. Le législateur interdit, en effet, à l'employeur de licencier le salarié pendant la période de suspension de son contrat. L'employeur est, en outre, tenu, une fois la période de suspension achevée, de se conformer aux prescriptions du médecin du travail s'agissant de l'aptitude du salarié à reprendre son emploi .

Si le salarié est déclaré apte par le médecin du travail, il retrouve son ancien poste. Si le salarié est, au contraire, déclaré inapte par le médecin du travail, l'employeur est tenu, au regard des indications du médecin du travail, de rechercher à reclasser le salarié (C. trav., art. L. 1226-10). En principe, l'inaptitude ne peut être reconnue qu'une fois que deux avis concordants ont été donnés par le médecin du travail à l'issue de deux visites successives espacées de 15 jours (C. trav., art. R. 241-51-1 N° Lexbase : L9929ACQ). L'impérativité absolue de ce double avis se trouve atténuée lorsque le maintien du salarié à son poste entraîne un danger immédiat pour la santé et la sécurité de l'intéressé ou celle des tiers (C. trav., art. R. 241-51-1). Dans ce cas, en effet, une seule visite suffit à déclarer le salarié inapte.

Cette obligation de reclassement du salarié inapte, mise à la charge de l'employeur par le législateur, est particulièrement étendue.

  • Obligation de reclassement quelle que soit l'étendue de l'inaptitude du salarié

Une fois l'inaptitude reconnue, l'employeur n'a, en effet, pas d'autre choix que de chercher à reclasser le salarié compte tenu de l'avis émis par le médecin.

Cette obligation de reclassement s'impose à l'employeur en tout état de cause. L'article L. 1226-11, alinéa 2, du Code du travail dispose que l'obligation de reclassement pèse sur l'employeur également en cas d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise constatée par le médecin du travail. Il appartient donc à l'employeur de rechercher et de proposer au salarié un poste approprié à ses nouvelles capacités (C. trav., art. L. 1226-10, alinéa 1er).

Le législateur précise que l'emploi proposé et donc recherché doit être aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail (C. trav., art. L. 1226-10, alinéa 3).

Cette obligation de reclassement s'applique à toute inaptitude qu'elle soit temporaire ou définitive, partielle ou totale. L'employeur ne peut, ainsi, rompre le contrat de travail du salarié que s'il justifie avoir cherché à reclasser le salarié dans l'entreprise, mais, également et le cas échéant, dans le groupe auquel il appartient (Cass. soc., 29 septembre 2004, n° 02-40.705, M. Vinh Ton That c/ Société Corsair International N° Lexbase : A4721DD9).

Le fait que le salarié soit déclaré inapte à son ancien poste et à toute reprise de travail dans l'entreprise n'exonère donc pas l'employeur de son obligation, comme le rappelle, une nouvelle fois, la Cour de cassation dans la décision commentée.

  • Espèce

Dans cette espèce, un salarié avait été placé en maladie de mai 2000 au 28 février 2003. Le 26 février 2003, informé de son classement en invalidité deuxième catégorie, le salarié avait sollicité l'examen médical du médecin du travail le 26 février. Le médecin avait conclu à l'inaptitude totale du salarié à son ancien poste et à toute reprise du travail dans l'entreprise. Le médecin avait précisé qu'en application de l'article R. 241-51-1 un second examen n'avait pas lieu d'être.

Le 29 avril le salarié avait été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Contestant cette rupture, il avait saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes.

La cour d'appel avait considéré que ce licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et avait condamné la caisse à payer au salarié des sommes au titre de dommages-et-intérêts, indemnité compensatrices de préavis et de congés payés.

La Cour de cassation confirme cette solution. Après avoir rappelé que l'avis du médecin du travail déclarant un salarié inapte à tout travail s'entend, nécessairement, d'une inaptitude à tout emploi dans l'entreprise et qu'un tel avis ne dispense pas l'employeur d'établir qu'il s'est trouvé dans l'impossibilité de reclasser le salarié au sein de l'entreprise et, le cas échéant, au sein du groupe auquel elle appartient, au besoin par des mesures telles que mutations, transformations de poste de travail ou aménagement du temps de travail, elle souligne que le classement d'un salarié en invalidité deuxième catégorie par la Sécurité sociale obéit à une finalité distincte et relève d'un régime différent et que ce classement est sans incidence sur l'obligation de reclassement du salarié inapte qui incombe à l'employeur par application des dispositions du Code du travail.

L'employeur, seul à même de connaître les possibilités d'aménagements de postes de son entreprise n'était donc pas dispensé de rechercher un reclassement pour le salarié.

Cette solution est parfaitement logique et conforme tant à la lettre qu'à l'esprit des règles régissant la matière. La décision commentée permet de donner un sens au maintien de l'obligation de reclassement lorsque le salarié a été déclaré inapte par le médecin du travail.

II - Légitimité de l'obligation de reclassement du salarié inapte

  • Une jurisprudence constante

La jurisprudence qu'elle soit judiciaire ou administrative fait une application générale et constante de l'obligation de reclassement du salarié inapte. Le Conseil d'Etat a érigé l'obligation de reclassement du salarié inapte au rang de principe général du droit (CE contentieux, 2 octobre 2002, n° 227868, Chambre de commerce et d'industrie de Meurtre-et-Moselle N° Lexbase : A9513AZD).

L'obligation de reclassement est une obligation de moyen renforcée. L'employeur doit justifier avoir procéder aux recherches et justifier ne pas pouvoir reclasser le salarié (C. trav., art. L. 1226-12, alinéa 1er). La jurisprudence judiciaire recherche, en effet, dans toutes les hypothèses qui lui sont soumises, si l'employeur a, préalablement à la rupture, fait un réel effort de reclassement en recherchant les emplois disponibles dans l'entreprise, mais, également, dans tous les établissements du groupe auquel elle appartient (Cass. soc., 18 avril 2000, n° 98-40.754, Mme François Cury, épouse Blanchet c/ Société Miko N° Lexbase : A9034AGP), et s'il a justifié avoir cherché à reclasser le salarié par le biais de mutation, transformation ou aménagement du temps de travail (Cass. soc., 7 juillet 2004, n° 02-47.458, FS-P+B N° Lexbase : A0438DDL).

Il n'existe aucun moyen pour l'employeur de s'exonérer de son obligation. L'employeur ne peut pas, par exemple, se cacher derrière l'avis du médecin du travail. Les juges considèrent, en présence d'un avis imprécis qu'il appartient à l'employeur, lorsque le médecin n'a fait aucune suggestion, d'inciter le médecin à faire des propositions et que, s'il ne le fait pas, il n'a pas satisfait à son obligation de reclassement (Cass. soc., 24 avril 2001, n° 97-44.104, Société Etablissement Hild et compagnie c/ M. Nevzat Akyol N° Lexbase : A2863AT9).

Une seule limite a été portée par les juges à cette obligation de reclassement, limite qui a évité que cette obligation passe d'une obligation de moyen renforcé à une obligation de résultat. La jurisprudence n'oblige, en effet, pas l'employeur à créer un nouveau poste dans l'entreprise ou à déplacer un de ses salariés pour donner la place à la personne déclarée inapte (CA Paris, 22ème ch.,sect. C, 3 mai 2007, n° 05/08265, SARL Le Reflet c/ M. Guerandel N° Lexbase : A3326DW4). Cette limite doit être approuvée.

La position retenue par la Cour de cassation ne laisse aucune ambiguïté, l'employeur doit, en tout état de cause, chercher à reclasser.

Nous nous étions interrogés sur le caractère paradoxal d'une telle obligation (Le paradoxe de l'obligation de reclassement impossible, Lexbase Hebdo n° 131 du 29 juillet 2004 - édition sociale N° Lexbase : N2405ABP). La doctrine avait, pour sa part, appelé de ses voeux une suppression de l'obligation de l'employeur en cas d'avis d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise (voir sur ce point B. Gauriau, Droit social n° 11, novembre 2004, observations p. 1040, sous Cass. soc., 7 juillet 2004, n° 02-43.141, FS-P+B N° Lexbase : A0403DDB). L'auteur trouvait, en effet, surprenant que l'employeur soit tenu de cette obligation en cas d'avis d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise, soulignant que, dans cette hypothèse, les préconisations du médecin du travail font défaut.

  • Une solution désormais fondée

C'est sans doute à ces "critiques " qu'a entendu répondre la Cour de cassation dans la décision commentée.

Jusqu'à présent, en effet, cette dernière rappelait simplement au soutien de sa position le contenu de l'article L. 1226-10, alinéa 3.

Dans la série d'arrêts du 7 juillet 2004, qui avaient suscités la controverse, elle se contentait, au visa de l'article L. 122-24-4 du Code du travail (N° Lexbase : L1401G9R), d'affirmer que "l'avis du médecin du travail déclarant un salarié inapte à tout travail s'entend nécessairement d'une inaptitude à tout emploi dans l'entreprise ; qu'un tel avis ne dispense pas l'employeur de rechercher une possibilité de reclassement au sein de l'entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel elle appartient, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste ou aménagement du temps de travail" (Cass. soc., 7 juillet 2007, n° 02-43.700, FS-P+B N° Lexbase : A0414DDP ; n° 02-47.458, FS-P+B N° Lexbase : A0399DD7 ; n° 02-43.141, FS-P+B N° Lexbase : A0435DDH). Jamais à notre connaissance avant cet arrêt elle n'avait donné une quelconque explication au maintien de l'obligation de l'employeur en cas d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise.

C'est l'apport essentiel de cette décision que de donner la justification de cette position.

En affirmant que "l'avis du médecin du travail ne dispensait pas l'employeur qui seul connaît les possibilités d'aménagement des postes de son entreprise, de rechercher à reclasser le salarié", elle vient donner un fondement à l'obligation de reclassement du salarié totalement inapte.

Si l'on s'en tient à cette décision, lorsque le médecin du travail déclare l'inaptitude du salarié à tout poste dans l'entreprise, c'est à la lumière des postes existants, qu'il rend cet avis. Il n'a pas et ne peut pas avoir connaissance des éventuels aménagements auxquels l'employeur peut procéder. En effet, il ne dirige pas l'entreprise, seul l'employeur est à même de déterminer s'il existe une possibilité pour maintenir le salarié dans l'entreprise.

C'est donc le pouvoir de direction de l'employeur qui justifie cette position...le reclassement du salarié inapte n'est donc plus si paradoxal que cela...si l'on passe outre le fait qu'en cas d'inaptitude totale et à tout poste dans l'entreprise les recommandations du médecin du travail font défaut ...

Décision

Cass. soc., 9 juillet 2008, n° 07-41.318, M. Nota c/ Caisse régionale de crédit agricole Nord Midi Pyrénées, FS-P+B (N° Lexbase : A6390D9K)

Cassation partielle de CA Toulouse, 19 janvier 2007

Mots clefs : inaptitude totale ; inaptitude à tout emploi dans l'entreprise ; obligation de reclassement ; portée de l'obligation ; justification du reclassement du salarié inapte à tout emploi dans l'entreprise ; pouvoir de direction de l'employeur

Lien base :

newsid:327051

Droit social européen

[Jurisprudence] Une histoire belge ou comment la CJCE sanctionne un employeur ouvertement raciste ?

Réf. : CJCE, 10 juillet 2008, aff. C-54/07, Centrum voor gelijkheid van kansen en voor racismebestrijding c/ Firma Feryn NV (N° Lexbase : A5470D9H)

Lecture: 10 min

N7122BGU

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3210456-edition-n-315-du-31072008#article-327122
Copier

par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen

Le 07 Octobre 2010

C'est une histoire belge, une histoire à la belge, une drôle d'histoire. Dans les Etats qui ont mis en place une législation prohibant et sanctionnant toute discrimination raciste, qu'il s'agisse du recrutement ou de la gestion du personnel, la difficulté principale relevée réside dans la constatation du comportement discriminatoire de l'employeur, c'est-à-dire, en d'autres termes, le régime de la preuve. C'est, précisément, en raison de cette question d'invisibilité statistique que de nombreux débats ont eu lieu ces dernières années sur l'opportunité de procéder à des statistiques ethniques dans les entreprises (1). Au point, par exemple, qu'en France, des associations de lutte contre le racisme ont mis en place une procédure, le testing (2), que le législateur a consacrée. Or, dans l'affaire soumise à la CJCE, dans un arrêt du 10 juillet 2008, l'hypothèse inverse était en cause : l'employeur lui-même avait affiché et communiqué sur la procédure d'embauche appliquée dans son entreprise, reposant sur des critères ethniques, mélange d'inconscience, d'ignorance du droit et de provocation. Le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme (CGKR), organisme belge ayant pour mission de promouvoir l'égalité de traitement, avait demandé aux juridictions du travail belges de constater que l'entreprise appliquait une politique discriminatoire à l'embauche. Le CGKR se fondait sur les déclarations publiques du directeur de cette entreprise selon lesquelles son entreprise cherchait à recruter des installateurs, mais qu'elle ne pouvait embaucher des "allochtones", en raison des réticences de la clientèle à leur donner accès, le temps des travaux, à leur domicile privé (3). Par ordonnance du 26 juin 2006, le président du tribunal du travail de Bruxelles avait rejeté la requête du CGKR, en relevant, notamment, qu'il n'y avait ni preuve ni présomption de ce qu'une personne se soit portée candidate à un emploi et qu'elle n'ait pas été engagée en raison de son origine ethnique. La demande de décision préjudicielle devant la CJCE porte sur l'interprétation de la Directive 2000/43/CE du Conseil du 29 juin 2000, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique (N° Lexbase : L8030AUX). Cette demande a été présentée dans le cadre d'un litige opposant le CGKR, requérant au principal, à la société, défenderesse au principal.

La juridiction de renvoi sollicite l'interprétation, par la Cour, des dispositions de la Directive 2000/43 aux fins d'apprécier la portée de la notion de discrimination directe au regard de déclarations publiques faites par un employeur dans le cadre d'un processus de recrutement (I), les conditions dans lesquelles peut être appliquée la règle du renversement de la charge de la preuve prévue par cette même Directive (II) et la nature des sanctions qui pourraient être considérées comme appropriées (III).

Résumé

Le fait, pour un employeur, de déclarer publiquement qu'il ne recrutera pas de salariés ayant une certaine origine ethnique ou raciale constitue une discrimination directe à l'embauche au sens de l'article 2, § 2, sous a, de la Directive 2000/43/CE du Conseil, du 29 juin 2000, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique, de telles déclarations étant de nature à dissuader sérieusement certains candidats de déposer leur candidature et, partant, à faire obstacle à leur accès au marché du travail.

Des déclarations publiques par lesquelles un employeur fait savoir que, dans le cadre de sa politique de recrutement, il n'embauchera pas de salariés ayant une certaine origine ethnique ou raciale suffisent à présumer, au sens de l'article 8, § 1, de cette même Directive, l'existence d'une politique d'embauche directement discriminatoire. Il incombe, alors, à cet employeur de prouver qu'il n'y a pas eu de violation du principe de l'égalité de traitement. Il peut le faire en démontrant que la pratique réelle d'embauche de l'entreprise ne correspond pas à ces déclarations. Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier que les faits reprochés sont établis et d'apprécier si les éléments apportés au soutien des affirmations dudit employeur selon lesquelles il n'a pas violé le principe de l'égalité de traitement sont suffisants.

L'article 15 de la Directive 2000/43 exige que, lorsqu'il n'y a pas de victime identifiable, le régime des sanctions applicables aux violations des dispositions nationales adoptées pour transposer cette directive soit effectif, proportionné et dissuasif.


Commentaire

I - Constatation de la discrimination directe

Aux termes de la Directive 2000/43, y a-t-il discrimination directe lorsqu'un employeur déclare publiquement, dans le contexte d'une procédure de recrutement, que les candidatures posées par les personnes d'une origine ethnique déterminée seront écartées ? La juridiction belge saisie de l'affaire en première instance avait considéré que, tant qu'un employeur n'agit pas selon ses propres déclarations discriminatoires, la discrimination est purement hypothétique et ne tombe pas sous le coup de la Directive.

A - Absence de victime d'embauche discriminatoire

De prime abord, la Directive 2000/43 n'était pas sensée permettre, dans le cadre des législations nationales, aux organismes d'intérêt public de former une action de la nature d'une actio popularis. L'article 7 de la Directive 2000/43 précise, à cet effet, qu'il appartient aux Etats membres de veiller à ce que des procédures judiciaires soient accessibles à toutes les personnes qui s'estiment lésées par le non-respect, à leur égard, du principe de l'égalité de traitement et aux organismes d'intérêt public agissant en justice pour le compte ou à l'appui du plaignant.

Ainsi, en droit interne, la loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001, relative à la lutte contre les discriminations (N° Lexbase : L9122AUE), a étendu le droit d'ester en justice, en matière de discrimination, aux organisations syndicales représentatives au niveau national ou dans l'entreprise. Ce droit de substitution permet aux syndicats d'agir en justice à la place de la victime d'une discrimination, sans avoir à justifier d'un mandat de l'intéressé, dès lors que celui-ci a été averti par écrit et qu'il ne s'est pas opposé à l'action par le syndicat dans un délai de 15 jours à compter de la date à laquelle l'organisation syndicale lui a notifié son intention . En outre, les associations de lutte contre les discriminations, si elles sont régulièrement constituées depuis 5 ans au moins et justifient d'un accord écrit de l'intéressé, peuvent, également, ester en justice .

B - L'absence de victime d'embauche discriminatoire n'implique pas absence de discrimination

La CJCE considère qu'il ne saurait être déduit de l'absence de victime d'embauche discriminatoire (c'est-à-dire, de plaignant identifiable), l'absence de toute discrimination directe, au sens de la Directive 2000/43. La CJCE (arrêt rapporté) estime, à juste titre, que la Directive 2000/43 a pour objet (huitième considérant) de promouvoir un marché du travail favorable à l'insertion sociale, donc non discriminatoire. Or, un tel objectif de promotion d'un marché du travail favorable à l'insertion sociale serait difficilement atteint si le champ d'application de la Directive 2000/43 était limité aux seules hypothèses dans lesquelles un candidat malheureux à un emploi, s'estimant victime d'une discrimination directe, aurait engagé des poursuites judiciaires à l'encontre de l'employeur.

En effet, le fait, pour un employeur, de déclarer publiquement qu'il ne recrutera pas de salariés ayant une certaine origine ethnique ou raciale est de nature à dissuader sérieusement certains candidats de déposer leur candidature et, partant, à faire obstacle à leur accès au marché du travail, ce qui constitue une discrimination directe à l'embauche au sens de la Directive 2000/43. L'existence d'une telle discrimination directe ne suppose pas que soit identifiable un plaignant soutenant qu'il aurait été victime d'une telle discrimination (arrêt rapporté, point 25).

Dans ses conclusions, présentées le 12 mars 2008, l'avocat général M. Poiares Maduro relevait, pertinemment, (point 16) qu'il est très difficile, sinon impossible, d'identifier les victimes individuelles : les victimes n'auront, justement, même pas posé leur candidature pour le travail en question. En déclarant publiquement son intention de ne pas embaucher de personnes d'une origine raciale ou ethnique déterminée, l'employeur exclut, en fait, ces personnes du processus de recrutement et de son lieu de travail. Il ne parle pas simplement de discrimination, il discrimine. Annoncer que les personnes d'une origine raciale ou ethnique déterminée ne sont pas les bienvenues, constitue donc, en soi, une forme de discrimination.

L'article 7 de la Directive 2000/43 ne s'oppose nullement, par conséquent, à ce que les Etats membres prévoient, dans leur législation nationale (en l'espèce, la Belgique), le droit pour les associations ayant un intérêt légitime à faire assurer le respect de cette Directive (en l'espèce, le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme) ou pour le ou les organismes désignés conformément à l'article 13 de celle-ci, d'engager des procédures judiciaires ou administratives visant à faire respecter les obligations découlant de la Directive 2000/43, sans agir au nom d'un plaignant déterminé ou en l'absence de plaignant identifiable. Il appartient, toutefois, au seul juge national d'apprécier si sa législation ouvre une telle possibilité (arrêt rapporté, point 27).

Finalement, pour la CJCE, le fait, pour un employeur, de déclarer publiquement qu'il ne recrutera pas de salariés ayant une certaine origine ethnique ou raciale constitue une discrimination directe à l'embauche au sens de l'article 2, § 2, sous a, de la Directive 2000/43, de telles déclarations étant de nature à dissuader certains candidats de déposer leur candidature et, partant, à faire obstacle à leur accès au marché du travail.

L'arrêt rapporté évoque la solution retenue quelques années plus tôt par la CEDH (4) qui, statuant sur une violation de l'article 14 de la CESDH (N° Lexbase : L4747AQU) et sur l'article 1er du protocole additionnel (N° Lexbase : L1625AZ9), avait condamné l'Autriche pour refus d'attribution d'une allocation de chômage en raison de sa nationalité (chômeur turc), réalisant, ainsi, une discrimination raciale. Précision étant faite que le droit à l'allocation d'urgence -dans la mesure où il est prévu par la législation applicable- est un droit patrimonial, au sens de l'article 1 du protocole. En effet, la distinction opérée entre Autrichiens et étrangers, en vertu de la loi sur l'assurance chômage de 1977, pour l'attribution de l'allocation d'urgence ne repose sur aucune justification objective et raisonnable.

II - Renversement de la charge de la preuve

La question est, ici, de savoir comment appliquer la règle du renversement de la charge de la preuve prévue à l'article 8, § 1, de la Directive 2000/43 à une situation dans laquelle l'existence d'une politique d'embauche discriminatoire est alléguée par référence à des propos tenus publiquement par un employeur au sujet de sa politique de recrutement.

Il faut rappeler que l'article 8 de la Directive 2000/43 précise qu'il appartient à la partie défenderesse (l'employeur) de prouver qu'il n'y a pas eu violation du principe de l'égalité de traitement, dès lors que des faits permettent de présumer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. L'obligation d'apporter la preuve contraire, qui pèse, ainsi, sur l'auteur présumé d'une discrimination (l'employeur), n'est subordonnée qu'au seul constat d'une présomption de discrimination, dès lors que celle-ci est fondée sur des faits établis.

Le droit interne retient la même solution : en application de l'article L. 1134-1 du Code du travail, en cas de litige, le salarié concerné ou le candidat à un recrutement, à un stage ou à une période de formation en entreprise, présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Cette disposition a été modifiée par la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations (art. 4) (N° Lexbase : L8986H39) (5), dans la mesure où le législateur a introduit la notion de discrimination "indirecte" dans le droit interne.

Comme l'a relevé la CJCE dans son arrêt rendu le 30 mars 2000 (6), dans une situation de discrimination apparente, il appartient à l'employeur de démontrer qu'il existe des raisons objectives justifiant la différence de rémunération constatée. En effet, les travailleurs seraient privés du moyen de faire respecter le principe de l'égalité des rémunérations devant la juridiction nationale si la présentation d'éléments permettant de révéler une discrimination apparente n'avait pas pour effet d'imposer à l'employeur la charge de prouver que la différence de rémunération n'est pas, en réalité, discriminatoire.

En l'espèce, pour la CJCE (arrêt rapporté, point 31), constituent de tels faits, de nature à faire présumer une politique d'embauche discriminatoire, les déclarations par lesquelles un employeur fait savoir publiquement que, dans le cadre de sa politique de recrutement, il n'embauchera pas de salariés issus d'une certaine origine ethnique ou raciale.

Dans ce cas, en application de l'article 8 de la Directive 2000/43, c'est à l'employeur d'apporter la preuve qu'il n'a pas violé le principe de l'égalité de traitement, ce qu'il peut, notamment, faire en démontrant que la pratique réelle d'embauche de l'entreprise ne correspond pas à ces déclarations.

Aussi, il appartient à la juridiction de renvoi, d'une part, de vérifier que les faits reprochés à l'employeur sont établis et, d'autre part, d'apprécier si les éléments qu'il apporte au soutien de ses affirmations selon lesquelles il n'a pas violé le principe de l'égalité de traitement sont suffisants.

III Sanctions

Enfin, le dernier point porte sur les sanctions qui pourraient être considérées comme adaptées à une discrimination à l'embauche établie sur la base des déclarations publiques de l'employeur. La Directive 2000/43 (art. 15) confie aux Etats membres le soin de déterminer le régime des sanctions applicables aux violations des dispositions nationales adoptées en application de cette Directive. Les sanctions, qui peuvent comprendre le versement d'indemnités à la victime, doivent être effectives, proportionnées et dissuasives.

L'article 15 de la Directive 2000/43 impose, ainsi, aux Etats membres, l'obligation d'introduire dans leur ordre juridique interne des mesures suffisamment efficaces pour atteindre l'objet de cette Directive et de faire en sorte que ces mesures puissent être effectivement invoquées devant les tribunaux nationaux afin que la protection juridictionnelle soit effective et efficace. La jurisprudence élaborée par la CJCE va en ce sens : dans l'arrêt "Von Colson et Kamann" (7), la CJCE a décidé que les juridictions nationales sont tenues de prendre toutes mesures propres à assurer l'exécution de l'obligation d'atteindre le résultat prévu par la Directive. Celle-ci n'impose, toutefois, pas de sanctions déterminées, mais laisse aux Etats membres la liberté de choisir parmi les différentes solutions propres à réaliser l'objectif qu'elle fixe.

En l'espèce, dans la mesure où il n'y a pas de victime directe d'une discrimination, mais où un organisme qui y est habilité par la loi demande qu'une discrimination soit constatée et sanctionnée, les sanctions que l'article 15 de la Directive 2000/43 exige de prévoir dans le droit national doivent aussi être effectives, proportionnées et dissuasives.

Elles peuvent, et si cela paraît adapté à la situation, consister dans le constat de la discrimination par la juridiction ou l'autorité administrative compétente, assorti du degré de publicité adéquat, le coût de celle-ci étant, alors, à la charge de la partie défenderesse. Elles peuvent, également, consister dans l'injonction faite à l'employeur de cesser la pratique discriminatoire constatée, assortie, le cas échéant, d'une astreinte. Elles peuvent, en outre, consister dans l'octroi de dommages et intérêts à l'organisme qui a mené la procédure. Il est vrai que des sanctions purement symboliques ne seront, en général, pas suffisamment dissuasives pour mettre en oeuvre l'interdiction de discrimination.


(1) Ch. Radé, Lutte contre les discriminations : les recommandations de la Cnil pour mesurer la diversité des origines, Lexbase Hebdo n° 180 du 8 septembre 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N8066AIL) ; nos obs., Mesure de la diversité ethnique en entreprise : nouvelles recommandations de la Cnil, Lexbase Hebdo n° 262 du 31 mai 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N2002BBR) ; Ch. Willmann, Lutte contre les discriminations et statistiques ethniques en entreprise, Mélanges J. Foyer, Economica, 2007, p. 1037 et réf. bibliographiques citées ; Colloque Statistiques "ethniques", 19 octobre 2006, in Les statistiques ethniques : éléments de cadrage (n° 3-2006), Rapports et documents, Centre d'analyse stratégique, La documentation française, 2007. V., enfin, Cons. const., décision n° 2007-557 DC, du 15 novembre 2007, Loi relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile (N° Lexbase : A5565DZ7), D. Turpin, La décision n° 557 DC du Conseil constitutionnel sur la loi relative à l'immigration et à l'asile : le moustique et le chameau, D., 2008, p. 1638 ; Ch. Willmann, Statistiques ethniques en entreprise : le Conseil constitutionnel pose de nouvelles conditions, Dr. soc., 2008, p. 166 ; Statistiques ethniques : le Conseil constitutionnel censure la loi "Hortefeux", Lexbase Hebdo n° 282 du 21 novembre 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N1981BDQ) ; M. Verpeaux, Des jurisprudences classiques au service de la prudence du juge. A propos de la décision n° 2007-557 DC du 15 novembre 2007, Loi relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile, JCP éd. G, 2008, p. 20-24 ; F. Mélin-Soucramanien, Le Conseil constitutionnel défenseur de l'égalité républicaine contre les "classifications suspectes", D., 2007, p. 3017 ; G. Carcassonne, Les tests ADN : Trois questions à Guy Carcassonne, D., 2007, p. 2992 ; F. Chaltiel, Les tests ADN et les statistiques ethniques devant le Conseil constitutionnel, Les petites affiches, 26 novembre 2007, p. 4.
(2) Le "testing" consiste à adresser un certain nombre de demandes fictives d'accès à un bien, un service, un emploi, un logement, demandes dont les caractéristiques "objectives" (par exemple, les diplômes pour une demande d'emploi) se ressemblent, mais qui se distinguent par le fait que les demandeurs fictifs appartiennent, ou non, à diverses catégories susceptibles d'être discriminées. Le résultat statistique obtenu quant au sort réservé aux demandes classées selon les critères possibles de discrimination permet, ensuite, d'évaluer objectivement le poids des différents facteurs de celle-ci. Cette méthode a connu récemment un grand développement en matière de discriminations à l'embauche, où elle a permis de comparer les chances d'être convoqués à un entretien de candidats fictifs selon leur sexe, leur handicap, leur adresse, la consonance étrangère de leur nom, leur apparence physique, etc. La méthode du "testing" n'est pas inédite, le législateur l'ayant consacrée (C. pén., art. 225-3-1 N° Lexbase : L3333HIB et article 45 loi n° 2006-396 du 31 mars 2006, pour l'égalité des chances N° Lexbase : L9534HHL). La Cour de cassation a validé le "testing" comme mode de preuve : Cass. crim., 11 juin 2002, n° 01-85.559, Association SOS Racisme, F-P+F (N° Lexbase : A8856AYN), Bull. crim., n° 131, p. 482 ; Cass. crim., 18 novembre 1986, n° 85-93.308, B, S, UFC (N° Lexbase : A6011AAU), Bull. crim., n° 345, p. 901 ; Cass. crim., 11 février 1992, n° 91-86.067, X et autres (N° Lexbase : A0707ABS), Bull. crim., n° 66, p. 166 ; Cass. crim., 15 juin 1993, n° 92-82.509, X (N° Lexbase : A4067ACM), Bull. crim., n° 210, p. 530 ; Cass. crim., 6 avril 1994, n° 93-82.717, Dupuy Bernard (N° Lexbase : A1967AA4), Bull. crim., n° 136, p. 302.
(3) Le 28 avril 2005, le quotidien De Standaard a publié une interview avec P. Feryn, l'un des directeurs de la société, sous l'intitulé "Les clients ne veulent pas de Marocains". M. Feryn aurait déclaré que sa société ne recrutait pas de personnes d'origine marocaine : "A l'exception de ces Marocains, personne d'autre n'a réagi à notre appel [...] mais nous ne cherchons pas de Marocains. Nos clients n'en veulent pas. Ils doivent installer des portes basculantes dans des maisons privées, souvent des villas, et les clients ne veulent pas les voir entrer chez eux".
(4) CEDH, 16 septembre 1996, req. n° 17371/90 ; Ch. Willmann, Minima sociaux et respect des droits fondamentaux sous le contrôle du juge dans Principes de justice, Mélanges en l'honneur de J.-F. Burgelin, à paraître, octobre 2008.
(5) Ch. Radé, La nouvelle approche des discriminations en droit du travail, Lexbase Hebdo n° 309 du 19 juin 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N3609BGR) ; F. Lalanne, Présentation sommaire de la loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, Lexbase Hebdo n° 309 du 19 juin 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N3589BGZ).
(6) CJCE, 30 mars 2000, aff. C-236/98, Jämställdhetsombudsmannen c/ Örebro läns landsting (N° Lexbase : A1827AWL), Rec., p. I-21889, point 53 ; voir, aussi, CJCE, 10 mars 2005, aff. C-196/02, Vasiliki Nikoloudi c/ Organismos Tilepikoinonion Ellados AE (N° Lexbase : A3858DHD), Rec., p. I-1789, point 74 ; L. Idot, Exclusion des travailleurs à temps partiel de la titularisation, Europe, 2005, Comm. n° 163, p.19.
(7) CJCE, 10 avril 1984, aff. C-14/83, Sabine von Colson et Elisabeth Kamann c/ Land Nordrhein-Westfalen (N° Lexbase : A8698AUP), Rec. p. 1891, point 26, Cartou, Louis, Recueil Dalloz Sirey, 1985, Som. p.23 (PM) ; Direction générale de l'emploi, des relations industrielles et des affaires sociales de la Commission européenne ; Recueil sur l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes dans la Communauté européenne 1997, p. 42-43.

Décision

CJCE, 10 juillet 2008, aff. C-54/07, Centrum voor gelijkheid van kansen en voor racismebestrijding c/ Firma Feryn NV (N° Lexbase : A5470D9H)

Textes concernés : Directive 2000/43/CE du Conseil du 29 juin 2000, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique (N° Lexbase : L8030AUX)

Mots-clés : discrimination à l'embauche ; charge de la preuve ; sanctions

Lien base :

newsid:327122

Social général

[Panorama] Panorama des arrêts inédits rendus par la Cour de cassation - Semaine du 7 juillet 2008 au 11 juillet 2008 : troisième sélection*

Lecture: 3 min

N7034BGM

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3210456-edition-n-315-du-31072008#article-327034
Copier

Le 07 Octobre 2010

Retrouvez, chaque semaine, une sélection des arrêts inédits de la Cour de cassation, les plus pertinents, classés par thème.
  • Désignation des délégués syndicaux d'établissement

- Cass. soc., 9 juillet 2008, n° 07-60.441, Société Toupargel, F-D (N° Lexbase : A6434D98) : le syndicat qui a désigné des délégués syndicaux au niveau de l'entreprise ne peut procéder à la désignation de délégués syndicaux dans le cadre d'un établissement distinct qu'après avoir révoqué le mandat, selon l'effectif de l'entreprise, de tout ou partie des délégués syndicaux d'entreprise ou fait de tout ou partie de ces derniers des délégués syndicaux d'établissement. En statuant comme il a fait sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, si, à supposer que l'établissement de Lézignan-Corbières constituât un établissement distinct et employât au moins cinquante salariés, un syndicat CGT n'avait pas déjà désigné des délégués syndicaux d'entreprise dont les mandats n'avaient pas été révoqués ou transformés en mandats de délégué syndical d'établissement, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 412-11, alinéas 1, 2 et 3 (N° Lexbase : L6331ACH), et L. 412-12 (N° Lexbase : L6332ACI) devenus les articles L. 2143-3 (N° Lexbase : L2181H9N), L. 2143-4 (N° Lexbase : L2183H9Q) et L. 2143-5 (N° Lexbase : L2183H9Q) du Code du travail .

  • Faculté d'agir d'un syndicat / Intérêt collectif de la profession

- Cass. soc., 9 juillet 2008, n° 07-60.424, Société Rabot Dutilleul Construction, F-D (N° Lexbase : A6433D97) : un syndicat, eût-il obtenu des élus, conserve la faculté d'agir pour contester les opérations électorales dont la régularité met en jeu l'intérêt collectif de la profession .

  • Contrat initiative-emploi / Poursuite en CDI avec rémunération inférieure

- Cass. soc., 9 juillet 2008, n° 07-40.365, Société Sodia, F-D (N° Lexbase : A6378D94) : pour condamner la société S. à payer à la salariée des dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par le non-renouvellement de son contrat, l'arrêt énonce, à tort, que l'abus préjudiciable causé par la modification substantielle des conditions de rémunération imposée à Mme M. sans réelle justification, comme condition à la poursuite de la relation de travail, doit être réparé. En statuant ainsi, alors que la proposition faite à Mme M., après pourparlers, d'un nouvel engagement à durée indéterminée à des conditions différentes de celles de son contrat initiative-emploi qui avait pris fin, ne caractérisait pas, à lui seul, un abus de droit de l'employeur, la cour d'appel a violé les articles 1382 (N° Lexbase : L1488ABQ) et 1383 (N° Lexbase : L1489ABR) du Code civil .

  • Paiement de l'indemnité compensatrice de l'obligation de non-concurrence

- Cass. soc., 9 juillet 2008, n° 07-41.970, M. Jean-Pierre Portanova, F-D (N° Lexbase : A6409D9A) : pour rejeter la demande du salarié en paiement de l'indemnité compensatrice de l'obligation de non-concurrence, la cour d'appel retenait, à tort, qu'elle était devenue sans objet en l'état de la liquidation judiciaire de l'entreprise qui a cessé toute activité, déliant, ipso facto, le salarié de son obligation. La clause litigieuse prenant effet à compter de la rupture du contrat de travail, la cessation d'activité ultérieure de l'employeur n'a pas pour effet de décharger le salarié de son obligation de non-concurrence. En statuant comme elle a fait, alors que l'intéressé n'avait pas été délié de son obligation par l'employeur, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC) .

  • Modification du contrat de travail / Demande de résiliation judiciaire du contrat

- Cass. soc., 9 juillet 2008, n° 07-41.644, Société Normapro France, F-D (N° Lexbase : A6402D9Y) : la cour d'appel, qui a retenu qu'en retirant au salarié l'usage continu du véhicule de société, avantage contractuel dont il bénéficiait depuis son embauche, au moment même où il lui imposait une mutation à Thiais, l'employeur avait unilatéralement modifié le contrat de travail de sorte que le salarié était fondé en sa demande de résiliation judiciaire du contrat, a légalement justifié sa décision .


* Cf. première sélection (N° Lexbase : N6601BGL) et deuxième sélection (N° Lexbase : N6739BGP).

newsid:327034

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.