La lettre juridique n°310 du 26 juin 2008 : Immobilier et urbanisme

[Chronique] Chronique en droit immobilier

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par Marine Parmentier, Avocat à la cour d'appel de Paris

le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition privée générale vous propose de retrouver, cette semaine, la chronique en droit immobilier de Marine Parmentier, Avocat à la cour d'appel de Paris. Au premier plan de cette chronique, sera présenté le premier jugement rendu, par le tribunal administratif de Paris le 20 mai dernier, en matière de droit au logement opposable. A l'honneur également, un arrêt du 5 juin 2008 par lequel la Cour de cassation énonce que le mandat apparent ne peut tenir en échec les règles impératives de la loi "Hoguet".
  • Référé suspension en matière de droit au logement opposable : la commission de médiation doit revoir sa copie ! (TA Paris, ord. 20 mai 2008, n° 0807829, Mme F. et Association Droit au Logement-Paris et ses environs N° Lexbase : A7414D84) :

Par une ordonnance du 20 mai 2008, le tribunal administratif de Paris, saisi d'un référé suspension exercé dans le cadre de l'instruction d'un dossier "Droit au logement opposable", a suspendu l'avis défavorable de la commission de médiation, laquelle avait estimé que le demandeur de logement devait attendre la fin du contrat de séjour en centre de réinsertion pour pouvoir faire une demande au titre du droit au logement opposable (condition non prévue par la loi). Le tribunal fait, en outre, injonction à la commission de réexaminer le dossier de l'intéressé.

Il s'agit de l'une des premières décisions rendues en matière de droit au logement opposable, droit issu de la loi du 5 mars 2007 (loi n° 2007-290, instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale N° Lexbase : L5929HU7).

Il convient, toutefois, de souligner que cette décision a été prononcée sur le fondement du texte applicable au référé suspension devant la juridiction administrative et non sur un texte institué par la loi susvisée.

En l'espèce, Madame F. était hébergée depuis juin 2006, avec ses deux enfants, dans un centre d'hébergement et de réinsertion sociale. Elle a, le 4 janvier 2008, saisi la commission de médiation de Paris afin de se faire reconnaître par celle-ci, en application des dispositions de l'article L. 441-2-3 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L8321HW4), comme prioritaire pour l'attribution d'urgence d'un logement.

La commission a rendu un avis défavorable à cette demande en motivant exclusivement cette position par l'obligation pour la requérante de mener à son terme, préalablement, son contrat de séjour au centre de réinsertion.

C'est dans ces circonstances que Madame F., ainsi qu'une association, sollicitaient la suspension provisoire de cet avis et la délivrance d'une injonction à la commission de médiation afin que le dossier de celle-ci soit réexaminé.

Le tribunal précise, dans un premier temps, que, dès lors qu'il prive le demandeur des bénéfices attachés à la reconnaissance du caractère prioritaire de l'attribution d'urgence d'un logement, dans le cadre défini par la loi précitée, l'avis émis par la commission de médiation présente le caractère d'une décision faisant grief susceptible de faire l'objet d'un recours en excès de pouvoir et d'une demande de suspension provisoire.

Il analyse, ensuite, la recevabilité de la requête présentée par l'association.

Rappelant les termes de l'article L. 441-2-3-1 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L8322HW7), le tribunal en fait une lecture stricte et indique que l'assistance du demandeur par une association ne peut être recevable que dans la procédure contentieuse spéciale que ce texte institue.

Ainsi, aux termes de cette décision, l'assistance du demandeur par une association dont l'un des objets est l'insertion ou le logement des personnes défavorisées ou par une association de défense des personnes en situation d'exclusion n'est recevable devant le tribunal administratif que dans l'hypothèse où le demandeur a été reconnu prioritaire par la commission de médiation, mais qu'il n'a pas reçu dans les délais fixés, une offre de logement tenant compte de ses besoins et de ses capacités.

Le tribunal analyse, enfin, le bien-fondé de la demande de suspension de l'avis défavorable émis par la commission de médiation, rappelant les deux critères d'application de l'article L. 521-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3057ALS) relatif au référé suspension devant la juridiction administrative : l'urgence et le doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.

Le tribunal retient l'existence du doute sérieux : il indique que la commission aurait dû faire une appréciation concrète de la situation de la requérante (donc apprécier la situation de l'intéressée au regard des autres demandes avec lesquelles elle se trouvait en concurrence, apprécier la durée du séjour de la requérante dans un centre d'hébergement et prendre en compte le terme prévu de ce séjour, s'informer de la possibilité de le prolonger et sur la pertinence de le faire eu égard aux contraintes qu'un tel hébergement impose et qui doivent être justifiées par un processus de réinsertion sociale, etc.).

Au lieu de procéder à une telle appréciation, la commission s'est contentée de subordonner un avis favorable à l'attribution d'urgence d'un logement à l'arrivée à terme du contrat d'hébergement et de réinsertion, condition non prévue par les dispositions légales précitées.

En cela, le doute sérieux sur la légalité de l'avis de la commission apparaît justifié.

Le tribunal estime, ensuite, que l'urgence est caractérisée dans la mesure où le contrat de séjour dont bénéficie la requérante auprès du centre de réinsertion arrive à échéance le 9 juin 2008 et qu'aucun autre hébergement n'a été proposé à l'intéressée, qui n'était, au demeurant, nullement tenue d'en solliciter un.

En conséquence, le tribunal ordonne la suspension provisoire de l'avis défavorable de la commission de médiation au plus tard jusqu'à ce qu'il ait été statué au fond sur la requête présentée par Madame F. ou jusqu'à ce qu'il ait été satisfait à l'injonction faite à la commission de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'ordonnance.

Même prononcée sur le fondement du texte de procédure administrative, cette décision n'en demeure pas moins intéressante puisqu'elle s'inscrit dans le cadre du très récent droit au logement opposable, issu de la loi du 5 mars 2007.

Rappelons que depuis le 1er janvier 2008, ont été mises en place dans chaque département des commissions de médiation chargées de se prononcer sur le caractère prioritaire et urgent des demandes de logement social.

L'introduction d'un recours devant la juridiction administrative tendant à ce que soit ordonné le logement d'une personne dont la demande a été considérée comme prioritaire et urgente par la commission de médiation ne peut, néanmoins, intervenir que si une offre de logement "tenant compte de ses besoins et de ses capacités" n'a pas été faite dans les 6 mois (CCH, art. L. 441-2-3-1).

Ce recours ne sera ouvert qu'à compter du 1er décembre 2008 pour une première catégorie de demandeurs.

La décision du tribunal administratif de Paris du 20 mai 2008 permet ainsi d'exercer des recours de droit commun à l'encontre des avis rendus par la commission de conciliation, le tribunal ayant pris soin de préciser que l'avis de la commission est une décision faisant grief.

  • Le mandat apparent ne peut tenir en échec les règles impératives de la loi "Hoguet" : la Cour de cassation persiste et signe ! (Cass. civ. 1, 5 juin 2008, n° 04-16.368, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A9205D8G) :

Dans son arrêt datant du 5 juin 2008, destiné à une large publication, la Cour de cassation confirme le revirement de jurisprudence amorcé dans un précédent arrêt du 31 janvier 2008 (Cass. civ. 1, 31 janvier 2008, n° 05-15.774, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A5980D4A), et précise que le mandat apparent ne peut tenir en échec les règles impératives issues de la loi "Hoguet" (loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce N° Lexbase : L7536AIX).

En l'espèce, les locataires d'une maison à usage d'habitation avaient reçu d'un administrateur de biens un congé avec offre de vente. Ils ont déclaré accepter cette offre par lettre recommandée du 24 février 2000 tandis que, par correspondance du même jour, l'administrateur de biens leur faisait part du retrait de cette offre. Les locataires ont assigné le propriétaire de l'appartement loué et l'administrateur de biens en demandant qu'il soit constaté que la vente était parfaite. La cour d'appel a fait droit à leurs prétentions à l'encontre du propriétaire et a, par ailleurs, condamné l'administrateur de biens à payer certaines sommes à celui-ci à titre de dommages-intérêts. La Cour de cassation censure l'analyse des premiers juges.

Elle souligne que, pour décider que le propriétaire était engagé par l'offre de vente délivrée à ses locataires et que la vente était parfaite, la cour d'appel s'est fondée sur l'existence d'un mandat apparent en retenant que les locataires pouvaient légitimement croire que l'administrateur de biens avait le pouvoir de gérer le bien et de délivrer un congé pour vente au nom du bailleur.

La Cour de cassation estime que, ce faisant, la cour d'appel a violé les articles 1er et 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et l'article 64 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 (N° Lexbase : L8042AIP), dans leur rédaction applicable en la cause.

Par un attendu de principe, elle énonce que, selon les dispositions des deux premiers de ces textes, qui sont d'ordre public, les conventions conclues avec les personnes physiques ou morales se livrant ou prêtant leur concours, d'une manière habituelle, aux opérations portant sur les biens d'autrui et relatives, notamment, à la vente d'immeubles, doivent être rédigées par écrit. Selon le troisième texte, le titulaire de la carte professionnelle "transactions sur immeubles et fonds de commerce" doit détenir un mandat écrit précisant son objet et qui, lorsqu'il comporte l'autorisation de s'engager pour une opération déterminée, fait expressément mention de celle-ci.

Au visa des principes rappelés par ces textes, la Cour de cassation énonce que le mandat apparent ne peut tenir en échec ces règles impératives. Aux termes de cet arrêt, les tiers ne pourront donc plus invoquer la croyance légitime qu'ils pouvaient avoir de l'engagement du mandant. Il leur appartiendra de s'assurer des pouvoirs formels de représentation du mandataire, pouvoirs étant seuls de nature à engager le mandant. De même, le mandataire devra, préalablement à toute initiative au nom de son mandant, formaliser ses relations avec ce dernier et encadrer son pouvoir de représentation.

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