La lettre juridique n°283 du 29 novembre 2007 : Domaine public

[Doctrine] "Circulez, il n'y a rien à percevoir"... ou comment le Conseil d'Etat laisse au législateur le soin de répartir l'argent des radars

Réf. : CE, 31 octobre 2007, quatre arrêts, n° 306338 (N° Lexbase : A2028DZ7), n° 307797 (N° Lexbase : A2030DZ9), n° 307861 (N° Lexbase : A2031DZA), n° 308716 (N° Lexbase : A2032DZB)

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par Frédéric Dieu, commissaire du Gouvernement près le tribunal administratif de Nice

le 07 Octobre 2010

Par quatre arrêts en date du 31 octobre 2007, le Conseil d'Etat, statuant comme juge des référés (même si les affaires en cause avaient été renvoyées en formations collégiales), a jugé qu'une redevance annuelle forfaitaire d'occupation du domaine départemental pour chaque autorisation d'implantation d'un radar automatique fixe était illégale. Relevant que "les radars automatiques de contrôle de vitesse constituent, compte tenu de leur objet même, des équipements intégrés aux infrastructures routières au sens des dispositions du Code de la voirie routière", le juge a, en effet, considéré que "dès lors, ces équipements, qui concourent à l'exécution du service public de la sécurité routière, ne peuvent être regardés comme occupant ou utilisant le domaine public routier au sens de l'article L. 2125-1 du Code général de la propriété des personnes publiques". La solution retenue par le Conseil confirme celle adoptée par la cour administrative d'appel de Marseille (CAA Marseille, 5ème ch., 9 juillet 2007, n° 07MA00271, Département de l'Aude N° Lexbase : A7033DXR), mais infirme les décisions rendues par les cours administratives de Douai (CAA Douai, 20 avril 2007, n° 07DA004560) et de Versailles (CAA Versailles, 24 mai 2007, n° 07VE00746 N° Lexbase : A9305DZN). La solution adoptée par le Conseil d'Etat est radicale en ce qu'elle exclut toute idée d'occupation du domaine public départemental par les radars automatiques alors que son commissaire du Gouvernement l'invitait à y voir une utilisation de ce domaine public justifiée et rendue obligatoire par la nature et l'objet des radars qui étaient, selon lui, des ouvrages intéressant un service public, le service public de la sécurité routière, bénéficiant gratuitement à tous. Il semble que le Conseil d'Etat ait, plutôt que d'autoriser la perception de redevances par les départements et, donc, de laisser se développer un contentieux administratif relatif à l'évaluation de leurs montants, laissé le champ libre au législateur qui, au moment où il statuait, s'était déjà saisi des litiges opposant les départements à l'Etat. Le projet de loi de finances pour 2008 prévoit le versement aux départements de 30 000 euros par radar implanté sur leur domaine routier sous réserve qu'ils renoncent à demander à l'Etat le paiement d'une redevance d'occupation du domaine public. Nul doute que le Conseil d'Etat a, également, souhaité rappeler la distinction entre les infractions à la police routière qui relèvent de la police administrative générale et que les radars ont pour but d'identifier et de réprimer, et les contraventions de voirie routière qui relèvent de la police administrative spéciale et visent à sanctionner les utilisations abusives du domaine public routier.

La guerre entre les départements et l'Etat n'aura donc pas lieu, du moins pas devant le juge administratif. Le Conseil rappelle, ainsi, que le législateur est l'arbitre naturel des conflits entre les collectivités territoriales et l'Etat. Politiquement opportune, la solution retenue par le Conseil d'Etat dans les quatre arrêts du 31 octobre 2007 n'en a pas moins nécessité une analyse juridique très radicale et très constructive qui, plutôt que de s'appuyer sur la notion de domaine public routier, se fonde essentiellement sur la mission particulière qui est assignée aux radars automatiques dans le cadre de la politique de sécurité routière.

I - Pour éviter d'analyser la nature de l'utilisation par les radars du domaine public départemental, le Conseil d'Etat adopte une lecture dissociée des dispositions du Code de la voirie routière par rapport à celles du Code général de la propriété des personnes publiques

A. Si l'impossibilité de qualifier la présence des radars sur les routes départementales comme une utilisation privative du domaine public des départements n'a jamais fait de doute...

1) Retour sur la notion, en vogue, d'utilisation privative du domaine public

Dans le cadre de la politique de sécurité routière, l'installation de dispositifs automatiques de contrôle et de sanction, dits radars automatisés fixes, permettant de sanctionner les excès de vitesse, a conduit à une réduction très importante du nombre de morts sur les routes, près de 40 % au cours des quatre dernières années. Mais ces radars, qui sont au nombre de 2 000 environ, ont aussi été une source de recettes non négligeable puisque les amendes générées par les contrôles qu'ils ont opérés se sont élevées à 350 millions d'euros en 2006. Or, ces radars ont été installés au bord des routes qui, depuis le transfert des routes nationales aux départements, opéré par la loi n° 2004-809 du 13 août 2004, relative aux libertés et responsabilités locales (N° Lexbase : L0835GT4), appartiennent, à concurrence de 95 %, au domaine public routier des départements. Une quarantaine de départements a décidé de demander à l'Etat le paiement de redevances domaniales pour chaque implantation d'un radar automatisé fixe sur leur domaine public routier. Le montant de ces redevances a été fixé proportionnellement à l'importance de la circulation au lieu d'implantation des radars avec une fourchette variant entre 10 000 et 40 000 euros annuels pour chaque radar. Les départements ont, ainsi, considéré que l'installation de radars sur les routes qu'ils géraient relevait d'une utilisation privative par l'Etat de leur domaine public routier.

Le nouveau Code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP), reprenant l'article L. 28 du Code du domaine de l'Etat (N° Lexbase : L2097AAW), dispose, dans son article L. 2122-1 , que "nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique". A la différence de l'usage collectif du domaine affecté à l'usage du public qui, parce qu'il est conforme à la destination de celui-ci, est libre, l'usage à des fins autres s'analyse normalement comme un usage privatif qui, s'il est possible dès lors qu'il est compatible, est soumis à une autorisation préalable du propriétaire de la dépendance ou si l'usage est superficiel, de l'autorité de police. Cet usage particulier est dit privatif en ce qu'il correspond à un intérêt propre à l'utilisateur et par opposition à l'usage collectif qui, seul, participe de l'affectation de dépendances mises à disposition du public.

Par ailleurs, "lorsque l'administration, propriétaire du domaine public, enlève à la jouissance commune une partie du domaine pour la mettre temporairement à la disposition d'un particulier, elle est tenue d'imposer à cet occupant l'obligation de restituer à la communauté une part des bénéfices que cet avantage lui assure" (J.-F. Dénoyer, L'exploitation du domaine public, LGDJ, 1969, p. 161). En d'autres termes, le domaine public ne peut être gratuitement soustrait de son affectation publique dans l'intérêt d'un seul.

De manière remarquable, la cour administrative d'appel de Marseille a récemment affirmé le principe général de non-gratuité des utilisations privatives (CAA Marseille, 6ème ch., 6 décembre 2004, n° 00MA01740, Commune de Nice N° Lexbase : A1418DGM, AJDA 2005, p. 831, note Deliancourt ; CMP, juin 2005, n° 165, commentaire Eckert ; JCP éd. A, 2005, n° 1192, note Moreau). Ce principe rejoint, ainsi, les principes généraux de la domanialité publique auxquels la jurisprudence du Conseil d'Etat, bien qu'elle n'ait en fait dégagé qu'un seul principe, tiré de l'absence de droit acquis pour les titulaires d'autorisation au renouvellement de leur titre (CE Contentieux, 14 octobre 1991, n° 95857, Helie N° Lexbase : A0521ARQ, au Recueil p. 680). En conséquence, toute utilisation privative doit donner lieu à la perception d'une redevance par l'autorité concédant une dépendance du domaine public : les collectivités publiques ne peuvent user à leur guise de leur domaine. La cour administrative d'appel de Marseille a, également, jugé, dans l'arrêt précité, que le principe général de non-gratuité faisait obstacle à une utilisation privative à titre gratuit, sauf dérogations fondées sur l'intérêt général. Ainsi, une parcelle du domaine public ne peut être mise gratuitement à la disposition d'un particulier ou sans contrepartie, sauf pour la satisfaction d'un intérêt communal. Une circulaire du 13 septembre 1966, relative à la conservation et à la surveillance des voies communales (JORF 25 octobre 1966, p. 9398), adoptait déjà cette position : "toute occupation des voies communales doit en principe donner lieu à la perception d'une redevance au profit de la commune. Outre, en effet, que le domaine public peut être considéré comme un bien productif du meilleur revenu possible, les communes ne sont pas habilitées à consentir des libéralités aux particuliers et à établir des discriminations aboutissant à créer des catégories privilégiées d'usagers. Il y a lieu toutefois, dans la pratique, de faire fléchir la rigueur du principe en fonction de la nature ou de l'objet des autorisations et des avantages retirés de celles-ci par la commune".

Selon l'article L. 2125-3 du CGPPP , qui a repris l'article R. 56 du Code du domaine de l'Etat (N° Lexbase : L2410AAI), la redevance instituée doit tenir compte des avantages de toute nature, c'est-à-dire qu'elle est fonction, non seulement de la valeur locative d'une propriété privée comparable à la dépendance du domaine public en question, mais aussi de l'avantage spécifique que constitue le fait d'être autorisé à jouir d'une façon privative d'une partie du domaine public (CE Contentieux, 10 février 1978, n° 7652, Ministre de l'Economie et des Finances c/ Sieur Scudier N° Lexbase : A3255AIE, au Recueil p. 66). Pourront être retenus comme base de calcul, notamment et pour partie, le chiffre d'affaires réalisé par l'occupant privatif (TA Paris, 27 février 2004, Société VE Airport, n° 020288017), le revenu qu'il en retire (CE, 10 février 1978, précité ; CE 3° et 8° s-s-r., 29 novembre 2002, n° 219244, Commune du Barcarès c/ M. Attal et autres N° Lexbase : A4733A43, JCP éd. A, 2003, n° 1253 ; DA, 2003, n° 36 ; Collectivités - Intercommunalité 2003, n° 76 ; AJDA 2003, p. 1016 ; CE Contentieux, 21 mars 2003, n° 189191, Syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour l'électricité et les réseaux N° Lexbase : A7834C8N, au Recueil, p. 144 ; JCP éd. A, 2003, n° 1484, note J. Moreau ; RFDA 2003, p. 903, note J. Soulié ; AJDA 2003, p. 1935, note P. Subra de Bieusses), la durée consentie (CE 2° et 7° s-s-r., 11 juillet 2007, n° 290714, Syndicat professionnel de l'Union des aéroports français N° Lexbase : A2865DXE, JCP éd. A 2007, act. n° 752).

Soulignons qu'il appartient au juge administratif d'examiner l'adéquation du montant de la redevance avec l'ampleur des avantages conférés au concessionnaire d'une dépendance du domaine public (CAA Nancy, 1ère ch., 13 janvier 2005, n° 03NC00988, Région Lorraine N° Lexbase : A2008DGH, JCP éd. A, 2005, n° 1192, note Moreau : la cour vérifie, en l'espèce, que le montant du loyer n'est pas "très nettement inférieur à celui du marché") : le juge peut, ainsi, être amené à censurer les redevances trop basses (TA Lyon, 10 mars 2005, Lavaurs, AJDA 2005, p. 1474, note Lagarde ; BJCL 2005, p. 310, note Poujade).

2) Une qualification logiquement écartée en ce qui concerne les radars automatisés installés sur les routes gérées par les départements

Le dispositif de contrôle automatique mis en oeuvre par des radars implantés le long des voies publiques départementales a engendré des recettes en proportion à la suite des amendes infligées (il est prévu des recettes de 100 millions d'euros pour l'année 2008 selon le comité des finances locales). Or, en vertu des lois de finances successives, le produit de celles-ci est essentiellement affecté, par dérogation aux dispositions de l'article L. 2334-24 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) (N° Lexbase : L9030AAP), à un compte d'affectation spéciale du budget de l'Etat, alors qu'a été récemment accru le kilométrage des routes départementales par le transfert aux départements de nombreuses routes nationales, en bordure desquelles a été implantée une grande partie des radars fixes. Ces radars étant installés sur le domaine public routier départemental, les conseils généraux ont estimé que l'Etat était en situation d'occupation privative et qu'il devait donc, conformément à l'article L. 2125-3 du Code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP), leur verser une redevance annuelle d'occupation d'un montant non négligeable puisque pouvant atteindre 80 000 euros par radar.

Il s'agissait, donc, pour les départements, que le transfert de biens ne se réduise pas à un simple transfert de charges, les dépenses d'entretien de la voirie départementale représentant une part importante de leurs dépenses obligatoires. Selon ce raisonnement, dès lors que l'Etat souhaite, pour contrôler la vitesse des automobiles, installer en bordure des axes routiers des radars, il doit obtenir l'autorisation des collectivités propriétaires des voies concernées et en particulier des départements. Le bas-côté des routes départementales étant l'accessoire de celles-ci et donc propriété des départements, le président du conseil général est, en effet, compétent pour autoriser cette installation sur leur emprise et délivrer les permissions de voirie afférentes (ces équipements, parce qu'ils sont fixés au sol et d'utilité publique, constituent des ouvrages publics). A supposer, d'ailleurs, que cette installation n'exige pas un ancrage au sol, il serait également compétent pour délivrer les permis de stationnement nécessaires puisqu'il exerce, sur le fondement de l'article L. 3221-4 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L9381AAP), le pouvoir de police sur le domaine départemental (l'on peut même se demander si l'installation de radars, simplement posés au sol ou sur la plage arrière d'une voiture au stationnement un moment dans la journée, ne nécessiterait pas un permis de cette nature). Si, pour le moment, les communes ne se sont pas manifestées, il est clair que, pour les mêmes raisons, le maire serait compétent pour délivrer les permissions de voirie préalables à l'installation de radars au bord de voies communales (la région Corse pourrait, également, être concernée puisqu'elle aussi bénéficie du transfert des routes nationales).

C'est ce raisonnement qui a été adopté par plusieurs juridictions administratives : citons, en particulier, le tribunal administratif de Lille (TA Lille, 4 juillet 2007, n° 0701891, Préfet du Nord c/ Département du Nord, et, même date, n° 0701413, Préfet du Pas-de-Calais c/ Département du Pas-de-Calais, JCP éd. A du 23 juillet 2007, act. n° 727) et les cours administratives d'appel de Douai (CAA Douai, 20 avril 2007, préc.) et de Versailles (CAA Versailles, 24 mai 2007, préc.). Pour toutes ces juridictions, l'intérêt général qui s'attache à la sécurité routière ne suffit pas à faire regarder les radars comme des ouvrages intéressant un service public qui bénéficie gratuitement à tous, au sens des dispositions de l'article L. 2125-1 du CGPPP , qui prévoient, dans ce cas, que l'autorité concédante d'une dépendance du domaine public peut (ce n'est donc qu'une faculté à la discrétion de celle-ci) ne pas réclamer de redevance à son concessionnaire. Ces juridictions ont, ainsi, considéré que le montant de la redevance au titre de l'installation par l'Etat de radars sur le domaine public routier départemental pouvait, donc, donner lieu à l'établissement d'une redevance calculée conformément aux dispositions de l'article L. 2125-3 du CGPPP .

Ce raisonnement a, toutefois, été écarté par le Conseil d'Etat dans les quatre arrêts du 31 octobre 2007 et il a, en cela, suivi les conclusions de son commissaire du Gouvernement. En effet, lorsque l'Etat installe des radars sur le domaine public routier départemental, il n'agit pas dans son intérêt propre, mais il remplit une mission de service public : la fonction des radars est manifestement une fonction d'utilité publique dans la mesure où il résulte de l'article L. 130-9 du Code de la route (N° Lexbase : L4653DYY) qu'ils ont pour objet la constatation d'infractions à celui-ci, par des automobilistes ne respectant pas les limitations de vitesse qu'il a édictées. Les constatations réalisées par ces appareils de contrôle automatiques, dès lors qu'ils sont homologués, font foi jusqu'à preuve du contraire. Ces équipements ont, donc, une affectation publique évidente. Ils sont, par ailleurs, aménagés de façon telle qu'ils soient adaptés à leur mission. Leur homologation le prouve amplement, de sorte qu'ils sont des ouvrages publics et font partie du domaine public.

L'on peut enfin douter de la possibilité pour un département ou une commune de s'opposer avec succès à l'installation d'un radar le long d'une voie communale. S'agissant de la seconde, il faut souligner que l'article L. 2215-5 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L8735AAR) dispose que les permissions de voirie à titre précaire sur les voies publiques qui sont placées dans les attributions des maires et qui ont pour objet, notamment, l'établissement dans le sol de la voie publique des canalisations destinées au passage ou à la conduite de l'eau ou du gaz peuvent, en cas de refus du maire non justifié par l'intérêt général, être accordées par le représentant de l'Etat dans le département. Cette disposition, parce qu'elle n'est pas limitative dans son énoncé, s'applique vraisemblablement aussi aux installations ayant une fonction d'amélioration de la sécurité publique. Un refus du maire sans réelle justification d'intérêt général entraînerait la possibilité d'une substitution du préfet à ce dernier qui deviendrait alors compétent pour l'accorder aux lieu et place de l'autorité municipale.

B. ...la doctrine avait envisagé d'y voir un service public faisant l'objet de dispositions dérogatoires du CGPPP...

1) Une approche plus conforme à la mission assignée aux radars automatisés

Le caractère d'utilité publique des radars ne faisait donc guère de doute. La question se posait, cependant, de savoir quelles conséquences il fallait tirer de ce caractère : en particulier, cela excluait-il, en principe, toute perception de redevance par les propriétaires du domaine public routier sur lequel sont installés les radars ou était-il possible pour ces derniers de réclamer de telles redevances ?

La doctrine (C. Lavialle, L'installation par l'Etat de radars sur le domaine public des collectivités territoriales, JCP éd. A, 2007, n° 2229), comme le commissaire du Gouvernement dans ses conclusions sous les quatre arrêts du 31 octobre 2007, ont estimé que si le Code de la voirie routière fixait les conditions particulières d'utilisation, de conservation et de police du domaine public routier, il ne comportait, cependant, aucune disposition excluant l'application à ce domaine du Code général de la propriété des personnes publiques. Le choix a donc été fait de combiner les dispositions du Code la voirie routière et les dispositions du Code général de la propriété des personnes publiques : selon ce raisonnement, en effet, si l'article L. 117-1 du Code de la voirie routière (N° Lexbase : L8826AEM) fonde le droit de l'Etat d'installer les équipements nécessaires à la constatation des infractions à la réglementation routière sur tout le domaine public routier, il ne fait pas échapper cette installation au régime juridique de l'occupation du domaine public lorsque le domaine public ne lui appartient pas ou a été affecté à un tiers, et, notamment, au caractère en principe payant de cette occupation.

Il faut, à cet égard, souligner que si l'article L. 2125-1 du CGPPP pose le principe selon lequel toute occupation ou utilisation du domaine public donne lieu au paiement d'une redevance, il prévoit, également, des dérogations. L'autorisation peut être délivrée gratuitement, "1° soit lorsque l'occupation ou l'utilisation est la condition naturelle et forcée de l'exécution de travaux ou de la présence d'un ouvrage, intéressant un service public qui bénéficie gratuitement à tous ; 2° soit lorsque l'occupation ou l'utilisation contribue directement à assurer la conservation du domaine public lui-même". Bien évidemment, la mise en place des radars ne relève pas de la police de la conservation du domaine public routier, mais de la police administrative générale de la sécurité de la circulation automobile, même si la limitation de la vitesse a un effet protecteur sur le revêtement des voies publiques. En revanche, l'on peut considérer que l'installation de radars relève du service public puisqu'elle a une finalité manifeste d'intérêt général, d'ordre public et qu'elle est exécutée et gérée par l'Etat. Il bénéficie à tous, puisqu'il a contribué à réduire la mortalité et le nombre d'accidents. Il le fait de manière gratuite puisque cette installation est financée par le budget de l'Etat et non par les usagers. Cette activité relève d'un service public judiciaire, donc, à caractère administratif au sens large de ce terme et non industriel et commercial. Aussi, il semble bien que cette utilisation particulière du domaine public entre dans le champ d'application de la dérogation instituée par l'article L. 2125-1 du CGPPP.

En effet, l'occupation du domaine public est la condition à la fois naturelle et obligatoire de l'installation des radars. Par ailleurs, la sécurité routière semble bien relever d'une véritable mission de service public qui bénéficie gratuitement à tous (CE 3° et 8° s-s-r., 25 mai 2007, n° 289751, Société Zebra auto-moto école N° Lexbase : A4780DWX : le circuit routier et les installations "sont affectés à des activités, tant sportives et récréatives que relatives à la sécurité routière, relevant de missions de service public").

Ceci ne signifie pas pour autant que l'Etat n'a pas à payer une redevance. En effet, la dérogation consiste seulement à ouvrir la possibilité au propriétaire du domaine, dans les cas cités, de ne pas percevoir une redevance. La gratuité est possible mais non imposée. Les collectivités territoriales qui bénéficient, sur le fondement de l'article 72 de la Constitution (N° Lexbase : L1342A9L), du droit de s'administrer librement et qui, notamment, disposent d'une autonomie, reconnue par le Conseil constitutionnel, "en matière de gestion et d'affectation de leur domaine public" (CC, décision n° 96-378 DC, 23 juillet 1996, loi relative à la réglementation des télécommunications N° Lexbase : A8344ACZ) peuvent donc choisir, dans le cas présent, d'assujettir, ou non, à redevance l'Etat lorsqu'il implante des radars sur leur domaine routier. L'on comprend que les départements aient souhaité rendre onéreuse cette implantation lorsque l'on sait que le transfert à ceux-ci de certaines routes nationales a été mal accueilli. Ils ont considéré qu'il s'agissait essentiellement, pour l'Etat, de se décharger du coûteux entretien de ces voies. La décision d'assujettir l'Etat à une redevance s'explique, donc, par la volonté d'utiliser le produit de ces recettes pour entretenir le réseau dont les départements ont, malgré eux, hérité et de le faire contribuer au financement de ce transfert redouté : si l'Etat est considéré comme étant en situation d'occupation privative, il est, en effet, équitable et légal que les collectivités propriétaires du domaine public routier soient fondées à lui demander le versement d'une redevance pour l'occupation qu'il en fait en y installant des radars.

2) Une approche cependant peu opérante en ce qu'elle ne confère aux départements aucune créance sur l'Etat

Le raisonnement consistant à considérer les radars comme des ouvrages installés sur le domaine public routier en vue de contribuer à un service public qui bénéficie gratuitement à tous, s'il est séduisant théoriquement, est, toutefois, sans portée pratique, puisqu'il est bien difficile de déterminer quels sont les avantages que l'Etat tire de l'installation des radars, avantages qui seuls pourraient fonder le montant de la redevance mise à sa charge en application de l'article L. 2125-3 du Code général de la propriété des personnes publiques.

A cet égard, les départements s'étaient fondés, à la fois, sur l'avantage résultant du montant des amendes perçues et sur les avantages tirés d'un exercice plus efficace des missions de police de l'Etat. Si la notion d'avantage a un contenu large, puisque le code mentionne "les avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation", la jurisprudence du Conseil d'Etat ne retient que les avantages économiques résultant de l'occupation du domaine public. L'avantage pris en compte est, soit celui que l'occupant retire comme opérateur économique, soit celui dont est privée la collectivité propriétaire à qui il interdit d'autoriser un concurrent à utiliser le domaine qu'il occupe.

Or, même si le montant des amendes générées par les radars est important, l'installation de ces dispositifs par l'Etat ne poursuit aucun but économique. Sa finalité correspond exclusivement à un objectif et une mission de sécurité routière qui n'ont aucun but lucratif. L'on peut même dire, au contraire, que son objectif est de ne plus percevoir aucune amende, le succès de la politique de sécurité routière dépendant du respect par les automobilistes des limitations de vitesse. Dès lors qu'en installant des radars au bord des routes, l'Etat n'agit pas comme opérateur économique mais au titre de sa mission de service public de sécurité routière, il ne peut être regardé comme tirant un avantage économique du domaine public routier qu'il occupe. L'on pourrait, certes, soutenir que l'espace occupé par les radars prive le propriétaire du domaine du revenu qu'il obtiendrait en autorisant une autre utilisation privative de son domaine. Toutefois, les radars n'occupent qu'un mètre carré environ situé, en outre, sur le bas côté des routes : rares sont, donc, les cas où ils se situent sur un emplacement ayant une certaine valeur économique.

L'amélioration du fonctionnement de l'Etat et de la sécurité publique est, en fait, un avantage qui touche à l'intérêt général dont bénéficient aussi les collectivités territoriales et qui, outre qu'il est difficilement quantifiable, ne peut être monnayé. Nous sommes là dans une hypothèse de coopération immatérielle des personnes publiques à l'intérêt commun qui ne relève pas de relations marchandes. Ensuite, les recettes générées par les amendes ne sont pas des produits résultant de l'exploitation des radars comme les revenus d'un occupant privatif résultent de l'activité économique qu'il développe sur le domaine. Les amendes sont dues de par la loi et en raison de l'infraction faite à celle-ci. Elles ne peuvent, donc, que difficilement être considérées comme "un avantage financier" pour l'Etat. Elles constituent en fait une sanction pour les contrevenants et en faire une analyse seulement économique est un travestissement qui, juridiquement, ne peut produire d'effets et en particulier conduire à faire payer l'Etat pour la mise en place de son dispositif. Il s'agit là de l'exercice d'une prérogative régalienne qui ne saurait être assimilée à une activité économique susceptible, à ce titre, de donner lieu au paiement de redevance pour service rendu ou d'occupation domaniale.

Enfin, une partie du produit des amendes est utilisée pour la voirie puisqu'elle est affectée dans la limite de 100 millions d'euros à l'agence de financement des infrastructures de transport de France, le solde éventuel étant destiné aux collectivités territoriales pour financer des opérations d'amélioration des transports en commun et de la circulation. Ces collectivités bénéficient, donc, d'une fraction de ces amendes qui leur est réservée pour des actions d'entretien de la voirie. Elles ne sont pas totalement écartées, ce qui serait inéquitable dès lors qu'elles prêtent leur concours à ce dispositif et que leur domaine public routier leur coûte cher alors qu'elles ne l'ont pas nécessairement revendiqué, du moins pour sa totalité.

Finalement, le raisonnement consistant à considérer les radars comme des ouvrages installés sur le domaine public routier en vue de participer au service public de la sécurité routière, lequel bénéficie gratuitement à tous, outre qu'il subordonne la perception d'une redevance à la seule initiative du propriétaire du domaine et donc généralement du département (or, imagine-t-on que l'Etat soit amené à payer une redevance dans tel département et en soit dispensé dans tel autre ?), ne permet guère de fonder financièrement cette redevance puisqu'il est bien difficile de voir dans l'utilisation par l'Etat du domaine public routier départemental un avantage économique quantifiable.

C. ...mais cette approche a été écartée par le Conseil d'Etat au profit d'une lecture autonome des dispositions des articles L. 117-1 (N° Lexbase : L8826AEM) et R. 111-1 (N° Lexbase : L0885HHA) du Code de la voirie routière

1) Le refus par le Conseil d'Etat d'effectuer une combinaison entre les dispositions du Code la voirie routière et les dispositions du Code général de la propriété des personnes publiques

Dans les quatre arrêts du 31 octobre 2007, après avoir cité les dispositions de l'article L. 2125-1 du Code général de la propriété des personnes publiques qui subordonnent "toute occupation ou utilisation du domaine public d'une personne publique [...] au paiement d'une redevance", le Conseil d'Etat rappelle les dispositions de l'article L. 117-1 du Code de la voirie routière selon lesquelles "des dispositifs techniques destinés à assurer le respect du Code de la route ou permettant aux fonctionnaires et agents habilités de constater les infractions audit code sont intégrés aux infrastructures et équipements routiers". Or, le rappel de ces deux articles est nettement séparé par un "toutefois" qui indique clairement que les dispositions du Code de la voirie routière ne peuvent être combinées avec les dispositions du Code général de la propriété des personnes publiques, contrairement à ce qu'estimait le commissaire du Gouvernement.

La solution retenue par le Conseil d'Etat est, donc, radicale, puisque selon lui, loin de constituer une dérogation au droit commun de l'utilisation du domaine public (laquelle doit toujours donner lieu au paiement d'une redevance), l'installation de radars sur les routes départementales est tout simplement étrangère à ce droit, qu'il soit commun ou dérogatoire. Ce sont, donc, les seules dispositions du Code de la voirie routière qui sont pertinentes pour analyser la portée juridique de l'installation de ces radars. Pour le dire encore plus brièvement, les quatre arrêts du Conseil d'Etat du 31 octobre 2007 font sortir l'installation des radars du droit de la domanialité publique. La position du Conseil est d'autant plus radicale qu'il a, cependant, dans les mêmes arrêts, reconnu que les radars concouraient bien "à l'exécution du service public de la sécurité routière". Toutefois, plutôt que de s'appuyer, comme son commissaire du Gouvernement l'y invitait, sur cette qualification de service public pour faire application des dispositions dérogatoires de l'article L. 2125-1 du CGPPP, le Conseil d'Etat choisit d'ignorer ce lien entre service public et domaine public.

Il s'agissait donc bien pour le Conseil d'Etat de mettre en échec les dispositions du CGPPP et force est de constater que cette volonté ne s'est pas embarrassée de longues justifications juridiques. Toujours dans le considérant de principe commun aux quatre arrêts du 31 octobre 2007, le Conseil, après avoir indiqué que "les radars automatiques de contrôle de vitesse constituent, compte tenu de leur objet même, des équipements intégrés aux infrastructures routières au sens des dispositions du Code de la voirie routière", estime que "dès lors, ces équipements [...] ne peuvent être regardés comme occupant ou utilisant le domaine public routier au sens de l'article L. 2125-1 du Code général de la propriété des personnes publiques". Ce "dès lors", qui pèse très lourd puisqu'il exclut l'installation des radars du droit de la domanialité publique, est bien énigmatique. En effet, le lien de cause à conséquence entre la nature d'équipements routiers des radars et l'absence d'occupation ou d'utilisation du domaine public routier est pour le moins ambigu. Faut-il considérer que les radars, en tant qu'équipements intégrés aux infrastructures routières, appartiennent à la route elle-même et sont en quelque sorte la route, ce qui expliquerait qu'ils ne peuvent être regardés comme occupant ou utilisant cette route ? Faut-il plutôt estimer qu'en prévoyant l'intégration des dispositifs de contrôle et de constatation des infractions aux infrastructures et équipements routiers, l'article L. 117-1 du Code de la voirie routière donne en tout état de cause à l'Etat le droit d'installer de tels systèmes sur tout le domaine public routier et que ce droit ne nécessite, pour être mis en oeuvre, aucune utilisation ou occupation de ce domaine public ?

La réponse n'est pas évidente mais, finalement, elle importe peu puisque seules comptent les conséquences qui sont attachées à cette exclusion de l'installation et de l'utilisation des radars du droit de la domanialité publique.

2) Les conséquences d'une telle lecture

Les conséquences d'une telle exclusion sont nombreuses et importantes, et il faut bien le dire, bénéfiques pour l'Etat.

En premier lieu, il faut rappeler que, selon le droit commun de la gestion du domaine public, l'utilisation d'une dépendance du domaine public dans des limites excédant le droit d'usage qui appartient à tous est, en application des dispositions de l'article L. 2122-1 du Code général de la propriété des personnes publiques, subordonnée à une autorisation, qui, aux termes de l'article L. 2122-3 du même code, est précaire et révocable. Plus généralement, l'installation d'un ouvrage sur le domaine public nécessite l'octroi d'une permission de voirie par l'exécutif de la collectivité propriétaire du domaine public occupé ou utilisé. La solution rendue par le Conseil d'Etat permet donc clairement et définitivement d'affranchir l'Etat de l'obligation de solliciter une autorisation des collectivités propriétaires du domaine public routier pour toute installation d'un radar.

Par ailleurs, cette solution permet, également, d'affranchir l'Etat de toute menace d'une redevance exigée par les collectivités propriétaires du domaine public routier : nous l'avons vu, en effet, la solution préconisée par la doctrine et le commissaire du Gouvernement aboutissaient au même résultat, mais uniquement sur un fondement financier, à savoir l'absence de tout avantage économique retiré par l'Etat de l'installation et de l'utilisation des radars sur le domaine public routier départemental. En déniant toute pertinence au droit de la domanialité publique, le Conseil d'Etat donne un fondement juridique, et non seulement financier ou résiduel, à l'impossibilité pour les collectivités propriétaires du domaine public routier de lui réclamer le paiement d'une redevance. C'est en principe et en droit que ce paiement est exclu et non en l'espèce et en fait.

En troisième lieu, l'exclusion de l'installation et de l'utilisation des radars du droit de la domanialité publique permet de ne pas contractualiser l'exploitation des radars. L'on peut, en effet, supposer que, si les radars devaient être regardés comme occupant ou utilisant le domaine public routier départemental, il y aurait lieu pour l'Etat et chaque département de conclure une convention d'occupation du domaine public prévoyant éventuellement le paiement d'une redevance par l'Etat. Or, de toute évidence, le Conseil d'Etat n'a pas voulu soumettre une politique nationale telle que la politique de sécurité routière aux exigences et aux attentes divergentes des collectivités territoriales propriétaires du domaine public routier.

II. La solution retenue par le Conseil d'Etat, fragile au regard de l'extension du domaine public routier, est, cependant, justifiée par le souci d'éviter toute confusion entre police de la circulation routière et police de la voirie routière

A. Une solution fragile au regard de la définition et de l'extension du domaine public routier

1) La définition du domaine public routier

Le domaine public est défini à l'article L. 2111-1 du CGPPP : "le domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public". Se trouvent ainsi confirmés deux critères jurisprudentiels classiques (propriété publique, affectation soit à l'usage du public soit à un service public), tandis que se trouve réduit, en cas d'affectation à un service public, le critère de l'aménagement qui, de spécial, devient indispensable.

Le domaine public routier est défini par l'article L. 111-1 du Code de la voirie routière (N° Lexbase : L1635GU4) comme "l'ensemble des biens du domaine public de l'Etat, des départements et des communes affectés aux besoins de la circulation terrestre, à l'exception des voies ferrées". Cette affectation à la circulation générale permet de distinguer la voie publique de la promenade publique et elle est systématiquement exigée par le juge : une bande de terrain située entre deux parcelles privées ne peut être un élément du domaine public routier dès lors "qu'il ne résulte pas de l'instruction [qu'elle] ait jamais été ouverte à la circulation générale" (CE 3° et 8 s-s-r., 10 avril 2002, n° 234777, Commune de Rugny c/ M. Merel N° Lexbase : A5759AYX). La définition permet, également, d'écarter certaines dépendances dont l'affectation est plus limitée ou plus spécialisée : ainsi en est-il des voies créées lors de la réalisation d'un port et aménagées, à titre principal, pour la desserte des installations portuaires et plus généralement pour l'exploitation du port, dans laquelle figure l'activité commerciale, "alors même que lesdites voies sont ouvertes à la circulation et à l'usage du public elles doivent être regardées comme appartenant au domaine public maritime" (CAA Marseille, 16 décembre 2003, n° 02MA00795, X et a. N° Lexbase : A9306DZP).

Toutefois, cette définition du domaine public routier reste peu opérante puisqu'elle ne comprend pas les dépendances des routes, qui s'intègrent pourtant au domaine public routier en tant qu'elles participent de l'affectation à la circulation. Ces dépendances trouvent, pour partie, définition au Code de la voirie routière, au titre de l'article R. 111-1, à travers la notion d'équipements routiers. Cet article R. 111-1, de création récente (décret n° 2002-1251 du 10 octobre 2002, relatif aux équipements routiers et modifiant le Code de la voirie routière N° Lexbase : L3581H3Z, Ann. voirie 71/2002, p. 215, note F.D. ; v., aussi, l'arrêté du 14 février 2003, pris pour application du décret susvisé, Journal Officiel 18 Février 2003 ; Ann. voirie 75/2003, p. 59, note F.D.), indique que les équipements routiers sont des "dispositifs affectés aux besoins de la circulation routière, destinés à la signalisation, à la protection des usagers et à l'exploitation des voies du domaine public routier".

Le code identifiait traditionnellement trois catégories d'équipements : "1° les équipements de signalisation permanents ou temporaires [...], notamment, les produits de marquage de chaussées, les panneaux de signalisation, dont les panneaux à messages variables, ainsi que les balises et les feux de circulation ; 2° les équipements de protection des usagers, notamment ceux qui assurent une fonction de retenue des véhicules ou des piétons sur la chaussée ou ses dépendances, d'atténuation des chocs ou de protection contre l'éblouissement ; 3° les équipements d'exploitation des voies du domaine public routier, notamment ceux qui sont destinés à la régulation du trafic, à l'information ou au secours des usagers, au recueil des données routières et à l'éclairage des voies".

Toutefois, le décret n° 2004-472 du 1er juin 2004, relatif aux équipements de constatation des infractions au Code de la route (N° Lexbase : L2181DYG, JO du 2 juin 2004, p. 9736), a ajouté à ces trois catégories une quatrième comprenant "les équipements de constatation des infractions au Code de la route, qui sont intégrés aux infrastructures routières" et incluant, donc, les radars automatisés.

Les dépendances du domaine public routier sont, donc, essentiellement cernées par la jurisprudence, cette qualification étant "réservé(e) aux éléments autres que le sol de la chaussée" (TA Clermont-Ferrand, 2 décembre 1960, Troupel c/ Maire de Mauriac, AJDA 1961, p. 546, obs. B. Paulin), éléments qui, compte tenu de la définition donnée à l'article L. 111-1 du Code de la voirie routière, participent inégalement mais nécessairement "aux besoins de la circulation terrestre". En la matière, les solutions de jurisprudence sont souvent implicites : le juge détermine habituellement la consistance du domaine public routier par l'application des régimes répressif et de responsabilité. Précisons, enfin, que toute atteinte à une dépendance du domaine public routier est, en effet, logiquement sanctionnée par une contravention de voirie routière, dont la répression est poursuivie devant la juridiction judiciaire sur la base des articles L. 116-1 (N° Lexbase : L1695AEI) et suivants du Code de la voirie routière.

2) Le domaine public routier inclut les dépendances ayant pour objet d'assurer la sécurité de la circulation

Il faut souligner que la plupart des équipements routiers faisant partie des trois catégories initiales visées par l'article R. 111-1 du Code de la voirie routière sont considérés comme des dépendances du domaine public routier.

Les installations édifiées sur l'emprise des voies publiques sont, en effet, nombreuses et variées. Elles n'intègrent pas de ce simple fait le domaine public routier, mais il en ira ainsi dès lors qu'elles contribuent à l'affectation à la circulation terrestre. Al'inverse, ne seront pas des dépendances de la voirie les nombreux ouvrages implantés en vue de la seule réalisation d'autres services publics (tels que les services de télécommunication, de la distribution de l'eau, de l'électricité ou du gaz), ou en vue de la seule satisfaction d'intérêts privés. Parmi les ouvrages construits à même la chaussée, il faut signaler le cas des ralentisseurs, ou "dos d'âne", qui sont destinés à limiter la vitesse des véhicules et donc contribuent à la sécurité des usagers, piétons comme utilisateurs de véhicules motorisés. Ces ouvrages font partie intégrante du domaine public routier, même si la collectivité gestionnaire se doit d'assurer leur visibilité par rapport à la chaussée (CAA Nantes, 2ème ch., 10 mai 2000, n° 98NT01186, M. Jacky Guérinel N° Lexbase : A2074BHB ; CAA Nancy, 1er décembre 2005, n° 02NC00865, Mme Waeckel).

De même, les îlots directionnels, situés sur la voie, participent également à l'affectation de celle-ci et appartiennent à ce titre au domaine public routier. L'article R. 110-2 appréhende ce type d'ouvrages à travers la notion de "carrefour à sens giratoire". L'appartenance des îlots au domaine public routier résulte, également, de la jurisprudence (CE 1° et 2° s-s-r., 19 avril 1967, n° 69047, Popu N° Lexbase : A2971B8K, aux Tables p. 954 ; CE 4° et 1° s-s-r., 9 février 1977, n° 98248, Communauté urbaine de Lyon N° Lexbase : A6307B7Q, Dalloz 1977, inf. rap. p. 143 ; CAA Bordeaux, 2ème ch., 5 juillet 1999, n° 96BX02215, M. Millet Olivier N° Lexbase : A0128BEH). Sur le modèle des îlots directionnels, le terre-plein central séparant deux voies de circulation sur la même chaussée est également une dépendance du domaine public routier (CE Contentieux, 2 juillet 2001, n° 211231, Commune de La Courneuve N° Lexbase : A5039AU8, au Recueil p. 327).

Ne fait pas de doute, non plus, le caractère nécessaire à l'affectation, donc l'appartenance au domaine public routier, des bornes et panneaux de signalisation, qu'ils soient fixes ou mobiles (T. confl., 23 juin 2003, n° 3362, SARL Transports Saint-Germain c/ Directeur départemental de l'équipement et Agent judiciaire du Trésor N° Lexbase : A1562DQW, Petites affiches, 9 janvier 2004, p. 10, conclusions R. Schwartz ; CE, 18 décembre 1959, Epoux Blanc, au Recueil p. 699 ; CE Contentieux, 9 février 2000, n° 157562, Mutuelle assurance des commerçants et industriels de France des cadres et salariés de l'industrie et du commerce (MACIF) N° Lexbase : A0352AUL), que la signalisation soit classique ou automatique (par exemple, des feux tricolores, CE Contentieux, 22 avril 1966, n° 61780, Ville de Marseille N° Lexbase : A5131B8K, au Recueil p. 278), ou, même, qu'ils aient une fonction publicitaire, du moment qu'ils ont été édifiés en vue de faciliter la circulation (nom de la localité traversée, direction des principales curiosités touristiques, proximité d'un point dangereux pour la circulation, CA Poitiers, 29 juin 1931, Société de publicité et d'affichage c/ Ville Royan, DP 1933, 2, p. 65, note M. Waline). Enfin, sont aussi incorporées au domaine public routier les barrières et glissières de sécurité qui participent directement à la sécurité de la circulation et donc à la réalisation de l'affectation de la voie (CE Contentieux, 21 juin 1991, n° 74623, Ridoin et MACIF N° Lexbase : A1934AR3).

L'on voit, donc, qu'il n'y aurait rien d'excessif et d'illogique à considérer que les radars, tout comme les autres équipements routiers visés à l'article R. 111-1 du Code la voirie routière, sont des dépendances du domaine public routier en ce qu'ils contribuent au service public de la sécurité routière, ce que le Conseil d'Etat a lui-même affirmé dans les quatre arrêts du 31 octobre 2007. Cette solution aurait le mérite de soumettre à un même régime, à savoir le régime de la domanialité publique, l'ensemble des équipements routiers visés par les quatre alinéas de cet article. Au contraire, la solution retenue par le Conseil d'Etat semble opérer une distinction entre les trois premiers alinéas de cet article, qui se rapportent au domaine public routier, et le quatrième alinéa, qui concerne des ouvrages (les radars) n'occupant ni n'utilisant ce domaine.

B. Une solution justifiée par la nécessité d'éviter toute confusion entre la police de la circulation routière et la police de la voirie routière

1) La distinction entre contraventions destinées à réprimer les atteintes à l'intégrité du domaine public routier et contraventions destinées à réprimer les atteintes aux règles de la circulation routière

Les contraventions de voirie routière, qui sont des infractions à la police de la conservation du domaine public routier (police administrative spéciale), doivent être bien distinguées des infractions à la police de la circulation routière (cette police relevant de la police de l'ordre public, c'est-à-dire de la police administrative générale) bien qu'elles soient assez souvent liées à celles-ci. En effet, les mêmes faits sont parfois constitutifs d'une contravention de voirie routière, d'une part, et d'une infraction à la police de la circulation routière, d'autre part (Cass. crim., 9 juin 1999, n° 98-80.254, Parriche Patrice, inédit au bulletin N° Lexbase : A3405CQ8). Il arrive aussi que des infractions relevant des deux catégories soient commises, constatées et poursuivies simultanément (Cass. crim., 21 juin 1995, n° 94-84.082, Delautre Hervé, inédit N° Lexbase : A1744CYA : accident de voiture ayant causé la mort d'un homme et la dégradation du mobilier du domaine public routier). Dans les deux cas, des sanctions peuvent être prononcées au titre des diverses infractions commises. Le même juge, le juge pénal, sera alors saisi des deux infractions. D'ailleurs, le transfert de compétence opéré par le décret du 28 décembre 1926 au profit du juge pénal, confiant à ce dernier la répression de toutes les infractions à la police de la conservation des voies publiques, tendait précisément, dans un souci de simplification, à attribuer à un seul juge la répression de toutes les infractions commises sur le domaine public routier.

Les contraventions de voirie routière étant définies comme des atteintes à l'intégrité ou à l'usage normal du domaine public routier, leur champ d'application se confond avec le domaine public routier auquel il se limite. Celui-ci "comprend l'ensemble des biens du domaine public de l'Etat, des départements et des communes affectés aux besoins de la circulation terrestre, à l'exception des voies ferrées" (C. voirie routière, art. L. 111-1), c'est-à-dire les autoroutes, les routes nationales et départementales, ainsi que les voies communales, rues, chemins et places. La contravention peut consister en une atteinte aux voies qui composent le domaine public routier, mais aussi, aux termes de l'article R. 116-2 (N° Lexbase : L1618AEN), en une atteinte à l'intégrité des dépendances du domaine public routier, parmi lesquelles on peut citer un panneau directionnel et les feux tricolores (CE Contentieux, 5 novembre 1986, n° 59613, Ville de Besançon c/ Billey N° Lexbase : A7174AMN) et une borne de signalisation lumineuse (T. confl., 27 novembre 1995, n° 02924, Mme Buasa Njinji).

L'on voit, donc, que les radars, s'ils étaient regardés comme des dépendances du domaine public routier des départements, pourraient donner lieu à l'établissement de contraventions de voirie.

2) La prééminence accordée à l'objet des radars

L'on peut finalement considérer que le Conseil d'Etat s'est attaché à l'objectif assigné à l'installation des radars, à savoir la mise en oeuvre de la politique de sécurité routière, qui est une politique nationale (et qui fut, d'ailleurs, en son temps, une "grande cause nationale"), via la répression des infractions aux règles de la circulation routière, pour définir le régime juridique auquel il doit être soumis. Selon le Conseil, ce régime résulte des seules dispositions du Code la voirie routière, lesquelles fondent le droit de l'Etat d'installer partout où il le souhaite des radars automatisés, ce sans requérir l'autorisation de la collectivité propriétaire du domaine public routier d'installation ni, à plus forte raison, sans devoir s'acquitter vis-à-vis d'elle d'une quelconque redevance.

Rien d'étonnant, donc, que la mission de mieux répartir l'argent des radars ait été confiée au législateur puisque lui seul dispose de la légitimité pour arbitrer le conflit opposant l'Etat aux départements.

Plusieurs questions restent, cependant, en suspens : nous en évoquerons deux. La première concerne l'applicabilité de la solution retenue par le Conseil d'Etat aux radars mobiles qui ne sont pas ancrés au sol mais qui sont utilisés sur le domaine public routier des collectivités territoriales : s'il semble difficile d'y voir des équipements routiers au sens de l'article R. 111-1 du Code de la voirie routière, l'on voit, cependant, mal comment il pourrait leur être réservé un sort différent de celui réservé aux radars fixes. Il y a là, en tout état de cause, matière à contentieux. La seconde question concerne le statut des radars ancrés au sol : s'ils appartiennent, sans aucun doute, au domaine public de l'Etat et s'ils sont des ouvrages publics, ne peut-on considérer qu'ils reçoivent en fait une double affectation, au domaine public de l'Etat, d'une part, et au domaine public de la collectivité en cause, d'autre part ?

Le Conseil d'Etat nous paraît avoir répondu par la négative à cette seconde question, par une décision qui, rendue dans le cadre d'une procédure de référé, n'en sera pas moins publiée au Recueil. Il reste, toutefois, que la solution retenue ne laisse pas de surprendre en considérant qu'un équipement routier intégré aux infrastructures routières n'occupe ni n'utilise le domaine public routier.

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