La lettre juridique n°283 du 29 novembre 2007 : Entreprises en difficulté

[Jurisprudence] Le commissaire à l'exécution du plan, titulaire de l'action en nullité de... quelle période suspecte ?

Réf. : Cass. com., 13 novembre 2007, n° 05-13.248, M. Robert Meynet, administrateur judiciaire, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A5843DZG)

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par Florence Labasque, SGR - Droit commercial

le 07 Octobre 2010

Un arrêt rendu le 13 novembre 2007 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation est l'occasion de faire le point sur les modalités procédurales de l'action en nullité de la période suspecte. Dans cette décision, la Haute juridiction affirme que "le commissaire à l'exécution du plan de cession, nommé après la résolution d'un précédent plan de redressement, n'a pas qualité pour engager une action en nullité des paiements ou des actes faits durant la période suspecte antérieure à l'ouverture de la procédure initiale". Les titulaires de l'action en nullité de la période suspecte doivent donc être clairement déterminés. La décision ici commentée a été rendue dans les circonstances suivantes : M. B. est mis en redressement judiciaire par un jugement du 19 février 1992, qui a fixé la date de cessation des paiements au 19 août 1990. Un plan de continuation est arrêté le 6 octobre 1993, puis est résolu à la requête du commissaire à l'exécution du plan, M. M., par un jugement du 15 mars 1995. Ce même jugement ouvre une nouvelle procédure de redressement judiciaire. Un jugement du 5 avril 1995 arrête le plan de cession et nomme M. M. commissaire à l'exécution du plan. Ultérieurement, Mme B. et le commissaire à l'exécution de ce plan ont demandé l'annulation des paiements reçus de M. B. par une banque pendant la période suspecte de la procédure initiale.

Par un arrêt du 13 janvier 2005, la cour d'appel de Grenoble, statuant sur renvoi après cassation (1), a déclaré irrecevable l'action que M. M. a exercée en tant que commissaire à l'exécution du plan de cession de M. B., tendant à l'annulation de paiements reçus de celui-ci par la banque pendant la période suspecte avant l'ouverture du premier redressement judiciaire de M. B., ayant donné lieu successivement à l'adoption d'un plan de continuation, puis à sa résolution, à une nouvelle procédure de redressement judiciaire et à l'adoption d'un plan de cession.

M. M., en qualité de commissaire à l'exécution du plan, puis de mandataire ad hoc, s'est, alors, pourvu en cassation. Dans un unique moyen, il fait valoir, notamment, que "l'action en nullité des actes passés pendant la période suspecte a pour effet de reconstituer l'actif du débiteur ; qu'en raison du principe de l'unité du patrimoine du débiteur, l'ouverture d'une seconde procédure de redressement judiciaire ne faisant pas obstacle à l'exercice de l'action pour les actes passés avant l'ouverture de la première procédure, la cour d'appel a violé les articles L. 620-1 (N° Lexbase : L6851AIL) et L. 621-110 du Code de commerce (N° Lexbase : L6962AIP)". En outre, il invoque également une violation des articles L. 621-68 (N° Lexbase : L6920AI7) et L. 621-110 du Code de commerce, arguant de ce que "le commissaire à l'exécution du plan de cession, désigné dans la nouvelle procédure de redressement judiciaire ouverte à l'encontre du même débiteur, [trouve] dans les pouvoirs qui lui sont dévolus par la loi en vue de la défense de l'intérêt collectif des créanciers, qualité pour poursuivre les actions reprises ou engagées aux mêmes fins avant la résolution du plan de continuation adopté dans la première procédure, par l'administrateur, le représentant des créanciers ou le commissaire à l'exécution du plan".

Toutefois, il n'obtient pas davantage gain de cause devant la Cour suprême. En effet, celle-ci, affirmant que "le commissaire à l'exécution du plan de cession, nommé après la résolution d'un précédent plan de redressement, n'a pas qualité pour engager une action en nullité des paiements ou des actes faits durant la période suspecte antérieure à l'ouverture de la procédure initiale", approuve la cour d'appel, "abstraction faite des motifs surabondants critiqués par le moyen, [d'avoir] déclaré irrecevable l'action exercée par M. M. en tant que commissaire à l'exécution du plan de cession de M. B., tendant à l'annulation de paiements effectués pendant la période suspecte ayant précédé l'ouverture de la procédure du premier redressement judiciaire de ce dernier".

Rappelons, tout d'abord, que l'annulation d'actes ou paiements passés en période suspecte -c'est-à-dire avant l'ouverture de la procédure collective, alors que le débiteur était déjà en cessation des paiements- "a pour effet de reconstituer l'actif du débiteur" (C. com., art. L. 621-110) (2). La période suspecte peut se définir comme la "période qui, s'étendant de la date de la cessation des paiements jusqu'au jugement qui ouvre une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire d'une entreprise, fait peser un soupçon de fraude sur les actes accomplis, pendant sa durée, par le débiteur, au point que ceux-ci doivent ou peuvent, selon les cas, être déclarés nuls" (3).

Ces nullités peuvent donc être obligatoires ou facultatives. En effet, l'article L. 621-107 du Code de commerce (N° Lexbase : L6959AIL) énonce les cas de nullités de droit, dès lors que l'acte ou le paiement en cause a été passé en période suspecte (4). Il s'agit de :
- tous les actes à titre gratuit translatifs de propriété mobilière ou immobilière ;
- tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l'autre partie ;
- tout paiement, quel qu'en ait été le mode, pour dettes non échues au jour du paiement ;
- tout paiement pour dettes échues, fait autrement qu'en espèces, effets de commerce, virements, bordereaux de cession visés par la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981 facilitant le crédit aux entreprises (N° Lexbase : L0197G8S) ou tout autre mode de paiement communément admis dans les relations d'affaires ;
- tout dépôt et toute consignation de sommes effectués en application de l'article 2075-1 du Code civil (N° Lexbase : L2313ABB), à défaut d'une décision de justice ayant acquis force de chose jugée ;
- toute hypothèque conventionnelle, toute hypothèque judiciaire ainsi que l'hypothèque légale des époux et tout droit de nantissement constitués sur les biens du débiteur pour dettes antérieurement contractées ; et, enfin,
- toute mesure conservatoire, à moins que l'inscription ou l'acte de saisie ne soit antérieur à la date de cessation de paiement.
L'article L. 621-108 du même code (N° Lexbase : L6960AIM) prévoit, quant à lui, des cas de nullités facultatives (5). Il énonce, ainsi, que "les paiements pour dettes échues effectués après la date de cessation des paiements et les actes à titre onéreux accomplis après cette même date peuvent être annulés si ceux qui ont traité avec le débiteur ont eu connaissance de la cessation des paiements".

Si les conditions de fond semblent être réunies pour exercer une action en nullité de la période suspecte, qui peut alors engager une telle action ? L'article L. 621-110 du Code de commerce désigne comme titulaires de l'action en nullité l'administrateur, le représentant des créanciers, le liquidateur et le commissaire à l'exécution du plan (6).
Le commissaire à l'exécution du plan peut donc exercer l'action en nullité d'actes ou de paiements passés pendant la période suspecte ayant précédé la procédure de redressement judiciaire. Mais, et c'était là notre cas d'espèce, peut-il exercer cette action pour des actes ou paiements accomplis au cours de la période suspecte ayant précédé l'ouverture de la première procédure collective, laquelle, à la suite de la résolution du plan, a été suivie d'une seconde procédure collective dans laquelle il a de nouveau été désigné commissaire à l'exécution du plan ? La Haute juridiction répond par la négative.

Les titulaires de l'action en nullité sont donc strictement définis. La Cour de cassation, respectant la lettre de l'article L. 621-110 du Code de commerce, a déjà eu l'occasion de préciser que "seuls ont qualité pour demander, par voie d'action ou d'exception, la nullité d'actes accomplis en période suspecte par le débiteur soumis à une procédure collective, les mandataires de justice désignés dans cette procédure collective" (7). C'est ainsi, par exemple, que le créancier (8), ou encore la caution du débiteur (9), s'est vu refuser la qualité pour exercer l'action en nullité.
Si seuls ont qualité, pour demander la nullité d'actes accomplis en période suspecte par le débiteur soumis à une procédure collective, les mandataires de justice désignés dans cette procédure, reste alors à vérifier que le mandataire a bel et bien qualité pour engager l'action en nullité de la période suspecte concernée en présence de procédures consécutives. L'on sait, maintenant, que le commissaire à l'exécution du plan de cession, nommé après la résolution d'un précédent plan de redressement, n'a pas qualité pour engager une action en nullité des paiements ou des actes faits durant la période suspecte antérieure à l'ouverture de la procédure initiale. Il a également été précisé que le liquidateur judiciaire n'a pas qualité pour contester la validité d'un acte passé par le débiteur au cours de la période suspecte relative à la procédure de redressement judiciaire (10).

Notons, enfin, que, depuis la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises (N° Lexbase : L5150HGT), l'article L. 632-4 nouveau du Code de commerce (N° Lexbase : L4037HB7) dresse la liste suivante des titulaires de l'action en nullité : l'administrateur, le mandataire judiciaire, le commissaire à l'exécution du plan, le liquidateur et le ministère public (11). Le commissaire à l'exécution du plan devra donc continuer à être vigilant quant à sa qualité avant d'exercer une action en nullité de la période suspecte.


(1) Cass. com., 18 février 2003, n° 00-14.353, M. Robert Meynet c/ Mme Marie-France Bulard, F-D (N° Lexbase : A1820A7K).
(2) Sur les effets de l'action en nullité de la période suspecte, voir .
(3) G. Cornu, Vocabulaire juridique, PUF 2000.
(4) Voir .
(5) Voir .
(6) Pour une critique de la qualité pour agir attribuée au commissaire à l'exécution du plan, V. P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz Action 2006/2007, n° 652-11.
(7) Cass. com., 25 novembre 1997, n° 95-18.692, M Clermont et autre c/ URSSAF du Puy-de-Dôme et autre, publié (N° Lexbase : A1978ACA) ; Cass. com., 25 février 2004, n° 01-17.599, M. Bernard Touitou c/ Banque nationale de Paris Paribas, F-D (N° Lexbase : A3987DBB).
(8) Cass. com., 6 mai 1997, n° 94-16.133, Société nouvelle des Etablissements Rochias c/ Société Lyonnaise de banque, publié (N° Lexbase : A1518AC9).
(9) Cass. com., 25 février 2004, n° 01-17.599, précité.
(10) CA Paris, 3ème ch., sect. A, 3 juillet 2007, n° 06/11053, M. Thierry Guyot et autres c/ Maître François Cognet (N° Lexbase : A7764DXT).
(11) Sur les dispositions applicables après le 1er janvier 2006 aux nullités de la période suspecte, voir .

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